Droit des sociétés - vivaldi

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La remise d’un ensemble immobilier à titre de dividendes échappe aux
droits d’enregistrement.
SOURCE : Cass. com., 12 février 2008, n°05-17.085, publié au Bulletin
Le paiement du dividende par la remise d’un bien en nature n’est pas
une pratique courante, même si rien ne contraint une société
commerciale à se libérer de son dividende par un paiement en
numéraire. A défaut de disposition expresse des statuts, ce sont, en
effet, les associés réunis en assemblée générale ordinaire, qui
déterminent le mode de paiement du dividende de leur société[1].
Rare en pratique, le choix des associés de recevoir le dividende en
nature présente pourtant un intérêt fiscal non négligeable comme le
rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt
en date du 12 février 2008.
En l’espèce, une société a remis à son actionnaire un ensemble
immobilier à titre de dividendes. A l’issue d’une vérification de
comptabilité, l’administration des impôts, considérant que cette
remise constituait une cession à titre onéreux d’immeuble, a procédé à
un redressement tendant au paiement des droits d’enregistrement
correspondant à cette opération.
La société actionnaire a assigné l’administration fiscale afin
d’obtenir la décharge de ces impositions, demande qui sera accueillie
favorablement par la Cour d’appel de Metz. Saisie d’un pourvoi, la
chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le raisonnement
des juges du fond : la remise d’un immeuble en paiement d’un dividende
ne constitue pas une cession à titre onéreux soumise aux droits
d’enregistrement.
Pour la Haute juridiction, les articles 682 et 683 du Code Général des
Impôts (CGI) relatifs aux droits d’enregistrement[2], visent
exclusivement les mutations à titre onéreux. Or « la décision de
distribution de dividendes constitue un acte juridique unilatéral et
non un contrat ». La Cour d’appel a, par conséquent, décidé, à bon
droit, qu’il n’y a pas eu transmission de propriété de bien immobilier
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à titre onéreux, la remise de l’immeuble en paiement du dividende dû à
la société actionnaire ne constituant pas une cession.
En d’autres termes, en l’absence de transmission de propriété à titre
onéreux, la remise d’un immeuble en paiement du dividende ne peut être
assimilée à une cession imposable aux droits de mutation à titre
onéreux d’immeubles, au sens des articles 682 et 683 du CGI.
L’arrêt du 12 février 2008 s’inscrit ainsi dans le droit fil de la
jurisprudence. En effet, préalablement à cette affaire,
l’administration fiscale avait tenté, à plusieurs reprises, de
soumettre à l’impôt le paiement de dividende réalisé sous forme de
remise d’actions détenues en portefeuille, de droits immobiliers sur
un immeuble appartenant à la société distributrice ou bien de parts de
SCI. Dans l’ensemble de ces affaires, la Cour de cassation avait
réfuté la position de l’administration fiscale. Pour la Haute
juridiction, la remise de biens sociaux pour les besoins du paiement
d’un dividende ne constitue pas une cession[3]. Elle n’est par
conséquent pas justiciable du droit de mutation à titre onéreux prévu
par l’article 683-I du CGI.
Par cette décision, la Cour de cassation va toutefois plus loin en
justifiant, pour la première fois à notre connaissance, sa décision.
Aussi, le paiement du dividende par la remise d’actifs sociaux n’est
pas une cession en ce que la décision de distribution de dividendes
est un acte unilatéral et non un contrat. Le paiement du dividende en
actifs sociaux n’est donc ni une cession, ni une dation en paiement
mais un simple paiement.
En pratique et aux termes de cette jurisprudence, le paiement du
dividende en nature apparaît ainsi comme une opération permettant de
sortir des actifs sociaux d’une société, en s’affranchissant des
droits de mutation à titre onéreux. La technique peut être utile non
seulement pour un associé personne physique qui entend diversifier son
patrimoine, pour des associés d’une SCI propriétaire de plusieurs
biens immobiliers[4], mais également au sein des groupes de sociétés
afin d’y faire circuler des actifs sociaux.
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En conclusion, l’arrêt du 12 février 2008 limitera probablement les
velléités de redressement de l’administration fiscale face à de telles
situations et offrira aux sociétés commerciales ainsi qu’à leurs
actionnaires une alternative fiscalement optimale à d’autres
opérations telles que la cession de certains de leurs actifs,
notamment ceux peu liquides.
Nous rappellerons toutefois que si l’attribution de biens sociaux à
titre de dividendes est sans conteste une opération non soumise aux
droits d’enregistrement, elle reste en revanche soumise à la taxe sur
la publicité foncière, au coût de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt
sur les sociétés afférent à la plus-value qui peut être constatée lors
de la sortie du bien de l’actif immobilisé de la société
distributrice.
Servane MOREL
Juriste
[1] Articles L.232-11 et suivants du Code de commerce.
[2] Article 682 du CGI :
« A défaut d\'acte, les mutations à titre onéreux d\'immeubles ou de
droits immobiliers sont soumises aux droits d\'enregistrement selon le
taux prévu pour les opérations de même nature donnant lieu au paiement
de la taxe de publicité foncière. »
Article 683 du CGI :
« I. Les actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou
d\'usufruit de biens immeubles à titre onéreux sont assujettis à une
taxe de publicité foncière ou à un droit d\'enregistrement au taux
prévu à l\'article 1594 D.
La taxe ou le droit sont liquidés sur le prix exprimé, en y ajoutant
toutes les charges en capital ainsi que toutes les indemnités
stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause
que ce soit, ou sur une estimation d\'experts, dans les cas autorisés
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par le présent code.
Lorsque la mutation porte à la fois sur des immeubles par nature et
sur des immeubles par destination, ces derniers doivent faire l\'objet
d\'un prix particulier et d\'une désignation détaillée.
II. Les ventes d\'immeubles domaniaux sont soumises aux impositions
prévues au I. »
[3] Cass. com., 31 mai 1988, n°87-11.089, inédit ; Cass. com., 6 juin
1990, n°88-17.133 : Bull. civ. IV, n°166 ; Cass. com., 6 avril 1993,
n°90-21.941, inédit.
[4] Cela permet une transmission de biens immobiliers à moindre prix.
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