Robert CASPAR (1923-2007) Un pionnier du dialogue islamo

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Robert CASPAR (1923-2007)
Un pionnier du dialogue islamo-chrétien dans la deuxième moitié du XXème
siècle. Une figure du dialogue.
Les actions du Père Robert Caspar pour le dialogue entre chrétiens et
musulmans n’étaient pas un phénomène occasionnel éphémère ni un
simple effet de mode, c’etait l’engagement de toute une vie consacrée à la
recherche pour un « dialogue en vérité ».
Le P. R. Caspar était né à Paris le 9 mai 1923, dans une famille
profondément chrétienne. Ses deux frères étaient prêtre aussi et lui a été
ordonné prêtre à Carthage en 1951 dans la société des missionnaires
d’Afrique (Pères-Blancs). Nommé en Tunisie il étudie l’arabe et l’islam à
l’IBLA de Tunis et à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Ses études
en Tunisie sont enrichies par des études de théologie catholique à Rome et par un séjour (1955 à
1958) pour approfondir l’islamologie à l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales au Caire, où il
côtoie des personnalités déjà engagées dans le dialogue, les Pères Anawati, Jomier et de
Beaurecueil.
Pour acquérir une bonne connaissance de l’islam, il décide d’avoir un enracinement en pays
musulman, de passer la moitié de l’année en Tunisie où il s’installe à Mahdia, après un séjour en
communauté des Pères Blancs.
«Consacré par vocation spéciale à la recherche sur les sciences religieuses musulmanes et de plus
en plus aux problèmes doctrinaux du dialogue islamo-chrétien, je sentais que ces recherches, pour
intellectuelles qu’elles soient, devaient se faire au contact avec la vie musulmane, les pieds enracinés
dans la terre musulmane vivante. »1 Ce qui le pousse à visiter régulièrement Tunis où il cultive de
profondes amitiés entre autres, avec Prof. A. Charfi : « Avec Abdelmajid Charfi, nous passions des
soirées prolongées de 19h à 2 ou 3 h du matin, pour nos recherches en commun sur l’histoire et les
problèmes du dialogue islamo-chrétien, mais aussi pour des échanges spontanés et quasi
involontaires sur les aspects les plus profonds de la vie spirituelle et de nos vies personnelles (…)
Notre fraternité spirituelle est sans complaisance aucune, avec une franchise et une douce sérénité
qui ne cessent de provoquer mon admiration. »2
Caspar a eu une longue carrière de professeur à l’Institut d’Etudes Arabes de la Manouba
(Tunisie) qui déménage à Rome en 1964 pour devenir l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes (IPEA),
connu actuellement sous le titre d’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et d’Islamologie- PISAI.
Caspar a joué un rôle important dans les coulisses de Vatican II (1962-1965), surtout avec ses
commentaires sur la Déclaration Nostra Aetate, qu’il avait contribué à rédiger. Depuis son
implication dans Vatican II, il est considéré par beaucoup comme un des pionniers du dialogue
islamo-chrétien.
1- Robert Caspar, (Lettre du 1/1/1974), cité par Etienne Renaud, «IN MEMORIA ROBERT CASPAR »,
ISLAMOCHRISTIANA No 33, Rome, PISAI, 2007, p. 4.
2- Robert Caspar, (Lettre de Pâques 1975), cité par Etienne Renaud, «IN MEMORIA ROBERT CASPAR »,
ISLAMOCHRISTIANA No 33, Rome, PISAI, 2007, p. 5.
1
Dans les débuts des années soixante dix, R. Caspar participe à plusieurs rencontres islamochrétiennes comme celles de Cordoue et Tunis en 1974 ou encore Tripoli en 1976. Il se rend
compte des limites de ses rencontres. Il décide alors de fonder, avec son ami Abdelmajid Charfi, le
GRIC (Groupe de recherches islamo-chrétien). Cette œuvre commune est la plus intéressante
dans le domaine du dialogue islamo-chrétien. A. Charfi écrit dans ISCH : « L’idée de fonder le GRIC
date de 1976, lors d’un échange qui eut lieu chez moi entre nous deux, suite au colloque islamochrétien de Tripoli. Nous nous étions alors mis d’accord sur les limites des colloques où on assiste à
des discours parallèles et sur la nécessité, pour promouvoir un vrai dialogue, d’engager des recherches
solidaires sur les sujets qui intéressent chrétiens et musulmans »3.
Caspar était persuadé des limites et des ambiguïtés de ces rencontres qui reflètent souvent les
positions officielles, parfois apologétiques ou polémiques et se limitent généralement aux
« discours parallèles », sans véritable échange. Il écrit : « A la suite des colloques publics de Cordoue
(1974 et 1977), de Tunis (1974) et de Tripoli (février 1976), un petit groupe d’amis chrétiens et
musulmans pensèrent qu’un autre genre de rencontre entre chrétiens et musulmans était possible et
nécessaire pour explorer de nouveaux chemins. …4». « C’est ainsi qu’au printemps 1977 nous avons
décidé de lancer un nouveau groupe de recherche.»5
Le P. M. Borrmans confirme (en considérant R. Caspar tunisien, tellement il était attaché à ce
pays et y avait noué des amitiés solides) dans une conférence à Beyrouth en 2012: « Il est alors bon
de s’interroger sur ce qui a fait le succès du GRIC dès ses origines, grâce à l’intuition de ses fondateurs
tunisiens, le Professeur Abdelmajid Charfi et le Père Robert Caspar.»6
Ils réunirent autour d’eux un groupe d’amis (une quinzaine de Chrétiens et de musulmans) le 14
novembre 1977 à l’abbaye de Sénanque (Vaucluse – France). Ils élaborent une charte qui définit
l’esprit et la méthode du groupe et qui deviendra la référence et le modèle que suivront de
nombreux groupes d’amitié islamo-chrétienne en divers pays. Le GRIC s’est étendu rapidement à
plusieurs GRIC basés à Tunis, Paris, Rabat et Bruxelles, Beyrouth ou Barcelone.
L’action du P. R. Caspar au sein du GRIC est un témoignage fort de son engagement pour le
dialogue islamo-chrétien. Il suffit pour s’en rendre compte d’analyser les lignes maîtresses de la
Charte7 du GRIC qu’il a contribué à rédiger et à lancer ; Elles sont toujours d’actualité et servent à
de nombreux groupes de réflexion qui les étudient dans le cadre de leur recherche sur le dialogue
islamo-chrétien.
Caspar était un auteur prolifique, avec plus de 120 publications entre 1957 et 2003,
particulièrement au GRIC, dans ISCH, ou autres. Dans L’ISCH où il faisait partie de l’équipe de
rédaction il a préparé, entouré d’une équipe de chercheurs de renom dont Abdelmajid Charfi et le
P. Samir Khalil Samir s.j. de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, pendant des années une
bibliographie du dialogue islamo-chrétien où il a recensé tous les auteurs et tous les manuscrits
3- Abdelmajid Charfi, Commentaire cité par Etienne Renaud, «IN MEMORIA ROBERT CASPAR »,
ISLAMOCHRISTIANA No 33, Rome, PISAI, 2007, p. 5.
4- Robert Caspar, Le Groupe de recherches islamo-chrétien, ISLAMOCHRISTIANA No 4, Roma, PISAI, 1978, extraits
pp. 175 - 186.
5- Ibid. 4.
6- Maurice Borrmans, «Y a-t-il un modèle de figure de dialogue islamo-chrétien », communication au Colloque
international « Figures du Dialogue », Beyrouth, USJ, avril 2012.
7- Ibid. 4 P. 183 à 186.
2
reflétant le dialogue depuis les origines de l’islam jusqu’à nos jours. Un travail monumental qui
sert de référence pour tout chercheur impliqué dans le dialogue islamo-chrétien.
Il serait fastidieux de vouloir faire dans ce cadre une bibliographie détaillée du P. R. Caspar
mais on peut mentionner quelques uns de ses titres les plus connus:
- Ces Ecritures qui nous questionnent : La Bible et le Coran, Centurion, Paris 1987.
- Foi et justice – Un défi pour le Christianisme et l’Islam, Centurion, Paris 1993.
- Pluralisme et laïcité – Chrétiens et musulmans proposent, Bayard/Centurion, Paris 1996.
- Pour un regard chrétien sur l’islam, Paris, Centurion, 1990, réédition Bayard, 2006. Ce livre
mérite une mention particulière : Il est destiné à des chrétiens vivant avec des musulmans à qui il
se soucie de donner une connaissance « à la fois réaliste et positive » de l’islam. Ce livre est
toujours d’une grande actualité pour tous, c’est une référence pour le croyant ordinaire ou le
chercheur qui souhaitent une ouverture à l’autre et « un dialogue en vérité ».
En 1995, malade, P. R. Caspar est contraint de finir les dix dernières années de sa vie dans une
maison de retraite à Tassy (Var, France) dans l’arrière-pays de Nice où sa maladie ne lui
permettait plus aucun travail intellectuel. Pour conclure, il suffit de citer ces lignes du P. M.
Borrmans, un autre pilier du PISAI, du dialogue islamo-chrétien et un des collaborateurs de R.
Caspar pendant de nombreuses années : « Telle est l’œuvre inachevée du Père Robert Caspar qui
aura été un des meilleurs artisans du dialogue islamo-chrétien dans la seconde moitié du XXème
siècle »8.
Beyrouth, le 28 novembre 2013.
Rubrica a cura di:
Sami Antoine Khalifé Ing. Physique
Master en Relations Islamo-Chrétiennes
Co-fondateur
Secrétaire Général
GLADIC-Groupement Libanais d’Amitié et de Dialogue Islamo-Chrétien
8-P. Maurice Borrmans, cité par Etienne Renaud, «IN MEMORIA ROBERT CASPAR », ISLAMOCHRISTIANA No 33,
Rome, PISAI, 2007, p. 6.
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