CAHIERS JEAN VILAR N°111 MARS 2011 cahiers jean vilar la culture est une arme* Salut à Philippe Avron A sauts et à gambades Salut à Philippe Avron De même que Vilar se contentait de se dire élève de Charles Dullin, Avron n’a cessé de se connaître comme élève de Jacques Lecocq, animateur et formateur discret d’une génération non seulement d’acteurs d’exception mais d’artistes au service de la cité, leçon dont Ariane Mnouchkine reste aujourd’hui la principale incarnation. Mais l’autre leçon essentielle de Philippe Avron, c’est le plaisir de plaire, non pas de complaire, de toucher par le sourire et le rire parfois percé de gravité, car il excellait dans l’art de la rupture dans le ton, disposition très rare qui appartient aux grands interprètes. Pour notre part, nous l’avons rencontré pour la première fois dans les années 70 sur les routes champenoises en compagnie de son ami Claude Evrard, autre élève de Jacques Lecocq. Ensemble, nous allions animer (réanimer parfois...) les villages les plus retirés dans des salles des fêtes improbables. Après le numéro Avron-Evrard, nous avions un débat avec le public - nombreux en général, car il n’y avait à cette époque ni télévision ni ordinateurs dans les foyers - auquel nous offrions, pour terminer, la projection d’un film de ciné-club. Heureux temps où l’action culturelle n’était pas pensée comme un échec mais une remise en cause quotidienne de notre destin d’artistes et d’animateurs ! Philippe nous donnait l’allure poétique chère à Montaigne (un autre de ses maîtres), et de son aveu même, le fameux à sauts et à gambades aurait pu servir de devise à son blason. Philippe Avron incarnait une histoire à travers des personnages d’exception (le prince Mychkine dans L’Idiot de Dostoïevski, Hamlet, Sganarelle et Dom Juan, le juge Azdak du Cercle de craie caucasien...) avec une formidable sympathie : on ne pouvait pas ne pas l’aimer ! Philippe Avron nous laisse l’impression d’avoir été notre Prospéro, consacrant deux pensées sur trois à la mort sur le ton d’une sagesse détachée mais inquiète : s’il n’a pas joué ce grand rôle, il l’aura du moins vécu. * La culture est une arme qui vaut ce que valent les mains qui la tiennent. Jean Vilar De même que Tolstoï disait qu’il avait aimé aimer Tchékhov, nous aurons aimé aimer Philippe Avron. Il nous reste à être dignes de lui, à retenir sa leçon : se tenir droit et, si possible, souriants face aux pires moments de notre condition. C’est peu dire qu’il fut un ami impeccable. Nous lui dédions ce numéro des Cahiers Jean Vilar. Jacques Téphany et l’équipe de l’Association Jean Vilar photo Emile Zeizig Philippe Avron nous a quittés après un dernier tour de piste à la fois magnifique et tragique. Nous garderons le souvenir de ces spectateurs en larmes, conscients d’assister à ses adieux à la scène, à Avignon, à la vie. Dans le jardin du Théâtre des Halles qu’il a tant aimé, sous ces frondaisons où l’on se souvenait des combats d’un certain saumon, il nous a donné, l’été dernier, une leçon d’humanité et de courage, et aussi de désintéressement et d’humilité. Son sourire ne cesse de nous habiter, empreint d’une infinie tristesse en ces derniers instants de son séjour à nos côtés, mais sourire toujours juvénile, malin, pétillant, rêveur, indulgent, insolent, amical, ravageur..., tout cela à la fois et plus encore. Et puis il y avait la distinction de toute sa personne, et encore celle de sa diction, rapide, précise, nous offrant à foison des gerbes d’intelligence familière et d’une si parfaite élégance. Philippe Avron avait des élans de mémoire comme on a des élans du cœur. Cœur et mémoire étaient chez lui immenses... Association Jean Vilar Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons 84000 Avignon Tél. 04 90 86 59 64 [email protected] http://maisonjeanvilar.org n° 111 ISSN 0294-3417 Sommaire Une maison pour Jean Vilar par Jacques Téphany Vilar, cousin, vous avez dit Vilar ? par Jacques Lassalle 2 8 Le Fonds Jean Vilar : un trésor Les maquettes de costumes Les costumes Les affiches Naissance du Fonds Jean Vilar par Armand Delcampe Promenade sentimentale dans le Fonds Jean Vilar par Rodolphe Fouano Deux inventaires pour le Fonds Jean Vilar par Marie-Claude Billard 12 26 30 32 35 62 L’héritage Vilar Vilartiste par Jean-Pierre Vincent Besoin de Vilar ? par Denis Guénoun L’utopie Vilarienne, enquête de Rodolphe Fouano : témoignages de Coline Serreau, Jean-Marie Hordé, Nicolas Roméas, Guy-Pierre Couleau, Robert Cantarella, Christophe Barbier, Frédéric Franck, Manuel Valls, Anne Hidalgo, Stuart Seide, Alain Timar, Gérard Gelas, Jack Ralite, Martine Aubry, Daniel Bougnoux, Bernard Faivre d’Arcier, Gérard Bonal, Stanislas Nordey, François Hollande, Vincent Josse, Robert Abirached, Christian Gonon, Renaud Donnedieu de Vabres, Laurent Fleury. 66 69 74 Les Très riches heures de la Maison Jean Vilar Les expositions Evénements, lectures et rencontres publiques Activités pédagogiques Les Cahiers de la Maison Jean Vilar Les publications de l’Association Jean Vilar Archives audiovisuelles La vidéothèque, nouvelle mémoire du spectacle vivant La bibliothèque des arts du spectacle (BnF) par Lenka Bokova Quiz par Rodolphe Fouano Soutenez la Maison Jean Vilar ! 96 100 110 112 117 121 122 123 125 128 Jean Vilar, 1956. Photo Richard Lusby. Couverture : conception graphique www.genevievegleize.fr LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 1 Une Maison pour Jean Vilar par Jacques Téphany Le passé n’est que le lieu des formes sans forces ; c’est à nous de le fournir de vie et de nécessité, et de lui supposer nos passions et nos valeurs. Paul Valéry véritable écrivain qui n’aurait pas su, sinon maladroitement dans sa Chronique romanesque finale, franchir le pas de la construction littéraire. Introduction au livre de Gustave Cohen À côté de ce trésor fondateur, se trouvent des fonds confiés par les ayants-droit de certains compagnons de route, et tout particulièrement le legs de Jean Rouvet, l’administrateur exceptionnel qui a largement contribué à bâtir l’entreprise TNP comme l’explicitent Armand Delcampe (page 34) et Laurent Fleury (page 95). Si le fonds Jean Vilar offre aujourd’hui de telles richesses, c’est grâce à la vigilance de ce collaborateur passionné qui a su, dès l’origine d’Avignon et de Chaillot, organiser l’archive d’une aventure en marche. On lira également plus loin, sous la plume de Marie-Claude Billard, conservateur de la Bibliothèque nationale de France à la Maison Jean Vilar, les grandes lignes de l’inventaire qu’elle vient d’achever avant de prendre sa retraite. Essai d’explication du Cimetière marin, Gallimard (1946) L’intrigue est à la fois complexe et simplette […] C’est de la grande fresque, du populisme lyrique, du communisme avec une âme, coquin donc, vivant. Céline Voyage au bout de la nuit (préface) La Maison Jean Vilar est un roman singulier dont on ne voit pas beaucoup d’équivalent dans le monde des « centres ressources ». Il s’agit d’une émotion autant que d’une idée, et tout la question est là : poursuivre l’effort sensible de ce foyer de rencontres, avoir la sensibilité du fonds Jean Vilar, sachant que nul ne peut se prévaloir d’incarner la pensée de Jean Vilar. Tant pis si on nous fait reproche de cette affirmation : cette sensibilité, nous croyons l’avoir et nous sentons qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. Nous n’ignorons pas non plus qu’elle s’affaiblira, inéluctablement vaincue par la force des choses et du temps : un jour, le fonds Jean Vilar, forme et pensée, échappera à ses légitimités originelles pour se dissoudre dans l’immensité patrimoniale. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ? D’abord un vaste ensemble de près de deux mille maquettes de costumes dessinées par les peintres-décorateurs de Vilar (Gischia, Pignon, Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées de leurs réalisations originales telles que les spectateurs d’Avignon et du TNP ont pu les admirer, entre 1947 et 1963, sur les épaules des Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson, Charles Denner… LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Propriétaire de cet ensemble essentiel pour l’histoire de notre théâtre, l’Association Jean Vilar n’a pas seulement pour vocation sa conservation, dont la responsabilité scientifique est déléguée à la Bibliothèque nationale de France. Si elle se contentait de ce destin, elle ne serait que ce « lieu de formes sans forces » défini par Paul Valéry. Nous l’écrivions en commençant : cette Maison s’est bâtie autour d’une émotion, celle de Paul Puaux pour son maître et ami Jean Vilar. Il est difficile, pour ceux qui n’ont pas connu ce moment, d’imaginer le silence qui s’est abattu, en mai 1971, sur la cité des papes. De concevoir l’intensité de l’émotion partagée lorsque Maïa Plissetskaïa a dansé La Mort du Cygne « en mémoire de Jean Vilar » dans la cour d’honneur, l’été suivant, admirable performance suivie d’un long Dominique Paturel et Philippe Avron dans L'Alcade de Zalaméa de Calderon, régie de Jean Vilar, 1961. Photo Mario Atzinger. V Ensuite, un fonds très important de manuscrits autographes car Vilar écrivait beaucoup, et même énormément : on sait que la première intention du jeune homme « monté » de Sète à Paris était d’être écrivain. Vocation ratée à demi car on lit souvent sous sa plume des éclats dignes d’un Un ensemble essentiel pour l’histoire du théâtre 2 3 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 44 applaudissement bien difficile à qualifier : recueilli serait peut-être acceptable… De même qu’était recueillie la communion dans la tristesse et l’interrogation devant l’avenir lorsque Paul Puaux, entouré de l’équipe du Festival, est venu au-devant de la scène affirmer qu’on ne pouvait imaginer « succéder à Jean Vilar ». Cette absence soudaine d’une personnalité à l’apparence si fragile mais douée d’une ardeur et d’un rayonnement incomparables est toujours sensible aujourd’hui à ceux qui ont eu la chance de la croiser. Ils le craignent comme les voleurs craignent les réverbères C’est à partir de cette émotion que Puaux a pensé la Maison Jean Vilar, c’est de cette sensibilité qu’est née l’idée, le désir personnel (et d’abord secret) de perpétuer l’œuvre et la pensée de Vilar, à la demande expresse de ce dernier. Conscient de sa fragilité, Vilar répétait souvent : « Méfiez-vous, on s’endort et on ne se réveille pas ». Il a passionnément insisté auprès de son compagnon de route pour que les traces de son histoire, envers lesquelles il éprouvait un attachement presque jaloux, ne tombent pas dans n’importe quelles mains, et Paul Puaux a assumé cette charge avec la détermination et le succès que l’on sait. Il était armé, si l’on peut dire, d’un trésor de guerre : ce fonds d’archives précédemment décrit (manuscrits, maquettes, costumes...) rassemblé par Vilar et Rouvet, et confié aux soins de l’Association au lendemain de la mort du fondateur du Festival par sa veuve, Andrée Vilar. Ce point est d’importance : il rend indiscutable la propriété du fonds par l’Association Jean Vilar. d’employer ce mot avec modération s’agissant de théâtre), la résistance de l’instituteur ardéchois avait quelque chose d’excessif à force d’originalité. Son ton péremptoire et franc, sa naïveté pleine de roublardise, sa proximité naturelle avec les Avignonnais, en faisaient un personnage impressionnant qui sut, parce qu’il était également modeste et qu’il avait conscience de ses limites, écouter les conseils d’amis sûrs. C’est ainsi qu’il invita à Avignon le gotha de la danse contemporaine, essentiellement états-unienne, jusqu’à devenir le complice attendri de Carolyn Carlson – comme il était celui, engagé, d’Ariane Mnouchkine. Chaque fois que nous évoquons son souvenir, le puissant tempérament de Paul Puaux nous renvoie à cet aphorisme de Chamfort (maître à penser quotidien de Jean Vilar) : « Il existe dans ce siècle des caractères qui s’y trouvent aussi déplacés que des cariatides dans un entresol », ou encore, du même : « Ils le craignent comme les voleurs craignent les réverbères. » Pendant ce temps, Puaux nourrissait son projet essentiel : la Maison Jean Vilar. Il plaça, au service de cette mission, tous ses talents d’habile négociateur et de patient bâtisseur. Il trouva dans la personne du maire de l’époque, Henri Duffaut, un complice actif et confiant (ô combien, depuis le temps que les deux hommes s’étaient appris l’un l’autre à force V Puaux s’est donc d’abord attaché au Festival, qu’il a administré et non pas dirigé, comme il le soulignait vigoureusement, huit éditions durant. On passe trop rapidement sur cette période difficile : « la décentralisation », pour nommer d’un mot la profession théâtrale, cherchait le second souffle qu’elle croyait avoir trouvé après les Journées de Villeurbanne en 1968 (Journées qui avaient vainement attendu la venue du père qui allait être humilié quelques semaines plus tard sans que personne ne vienne à son secours) ; le Festival désespérait de trouver le partenaire institutionnel capable de partager la production de ses créations et de lui permettre de marcher, en quelque sorte, sur deux pieds, un d’hiver, l’autre d’été, comme aux beaux temps du TNP et de Chaillot ; on voyait bien ce qui s’essoufflait, mais pas ce qui naissait… Dans la confusion d’un temps qui passait de plus en plus au tout fric, la résistance (même s’il convient V Jean Vilar rencontre le public. Photo Suzanne Fournier. Paul Puaux dans la «montée» qui porte son nom. Photo Guy Delahaye. 5 de querelles et de compromis historiques !), qui entreprit d’affecter l’hôtel de Crochans, vendu par la Mutualité agricole à la Ville, au projet de perpétuation de l’œuvre de Jean Vilar. Mais Puaux était trop conscient de la fragilité de la chose politique, art aussi éphémère que le théâtre, pour ne pas chercher un autre appui : il mit donc tout son effort dans la conquête d’un partenariat complémentaire, celui de la Bibliothèque Nationale, cette « BN » qui n’était pas encore « de France », pour marier en quelque sorte l’éternité et la variabilité – toujours ce souci de la marche sur deux pieds… La BN reçut pour mission d’accompagner l’Association Jean Vilar dans l’animation de la Maison du même nom, et principalement dans la conservation et la valorisation du fonds Jean Vilar. À quoi s’ajoutait, et s’ajoute encore aujourd’hui, un centre de documentation animé par un conservateur et une équipe déléguée à Avignon, le département des Arts du spectacle s’honorant de la sorte d’une antenne décentralisée. Vilar agit comme un phare, non parce qu’il éclaire le chemin, mais parce qu’il indique l’écueil Et c’est ainsi que naquit, en 1977, « une intrigue à la fois complexe et simplette », à savoir : une Maison qui n’existe pas puisqu’elle n’a pas de raison sociale et qu’elle n’est pas, juridiquement parlant, une « personne morale », ce qu’elle est déontologiquement parlant ! Donc un marteau sans maître, un aigle à deux têtes, celle de la BN et celle de l’Association Jean Vilar, unies par une convention, mais chacune restant jalouse de son territoire, la Ville n’ayant jamais prétendu à aucune gouvernance en interne. Difficile de voler droit dans ces conditions… Et pourtant… L’écueil de l’entreprise, c’était de déboucher sur un machin destiné à périr d’ennui sous le poids des nécessités patrimoniales. C’est pourquoi, dans l’intention même de Puaux, l’Association Jean Vilar, conceptrice, initiatrice, fondatrice de la Maison, servait, sert encore d’aiguillon indépendant, chevau-léger ou Petit Poucet, qu’importe ? pourvu qu’elle garde sa juvénile intention d’un Vilar vivant. Il ne serait pas honnête de taire l’inconfort, sans doute réciproque, de ce flou structurel, de cette cohabitation entre une très grande institution et une très petite association. Surtout lorsque cette dernière est animée du souffle d’indépendance, disons même d’insoumission, qui animait celui-là même dont elle est censée servir la mémoire et illustrer la leçon. Mais c’est ainsi que nous avons survécu, cahin-caha, au temps qui passe si vite, surmonté les obstacles pas toujours francs… LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Au tournant de l’an 2000, le conseil d’administration, alors présidé par Francis Raison, me commanda un audit dont les conclusions furent déposées sur le bureau du ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca. Elles étaient simples et indiquaient l’alternative : ou bien l’Association Jean Vilar continuait de survivre au rythme de l’amateurisme d’une chiche économie, louable posture qui conduisait tout droit à l’extinction des feux ; ou bien l’État, et dans une moindre mesure les collectivités territoriales, décidaient de dynamiser ce lieu de rencontre ouvert, désintéressé, familier, en le dotant d’une capacité de prospective et de production au-delà de sa mission mémoriale. Depuis, les ministres successifs ont honoré la décision initiale de Catherine Tasca de revaloriser l’intervention de l’État jusqu’à un niveau viable malgré la récession observée depuis deux ou trois exercices. Ce qui a permis à l’Association une professionnalisation progressive, marquée notamment par le développement des Cahiers de la Maison Jean Vilar, dont le cercle des intervenants et des lecteurs ne cesse de s’élargir : on le vérifiera une nouvelle fois ici en découvrant avec quelle conviction des personnalités artistiques, universitaires, politiques…, ont répondu à l’enquête sur l’utopie vilarienne menée par Rodolphe Fouano (pages 76 à 96). C’est un véritable projet en acte que nous entendons mener. Ainsi nos expositions cherchent-elles à nourrir le dialogue entre mémoire et modernité : Craig et la marionnette, durant l’été 2009, a renouvelé un pacte depuis longtemps ensommeillé avec la BnF ; Le Mystère Tchekhov, inscrit dans le cadre de l’année de la Russie en France, a inauguré une méthode et une dramaturgie nouvelles pour nos expositions ; quant aux débats, réguliers depuis 2003, ils sont désormais accompagnés de petites formes artistiques (lectures, performances, représentations…). Hors festival, l’Association conduit des opérations de proximité au service de la population, tout particulièrement scolaire et universitaire. Enfin, notre complicité avec les autres acteurs culturels de la cité – Festival, ISTS, Chartreuse, Université, théâtres permanents, Hivernales, musées… – est réelle grâce à notre action présente autant qu’à notre histoire passée. Nous ne prétendons pas faire mieux que nos prédécesseurs ; nous tentons seulement d’inscrire l’Association, et à travers elle, la Maison Jean Vilar, dans les grandeurs et servitudes de son époque, sans juger du haut d’un magistère que nous ne détenons pas, mais en offrant d’explorer la complexité de domaines de plus en plus mêlés. Risquons-nous un instant à l’exercice de la note d’intention : poursuivant la leçon de Vilar, notre mission n’est-elle pas de nous interroger sur le renouvellement, l’élargissement, le dialogue des domaines du savoir et du divertissement, plus précisément sur les conditions de développement de la culture et de sa place dans la société actuelle ? De susciter des échanges, des recherches aussi bien orientées vers 6 une meilleure compréhension et connaissance du passé que vers une analyse de l’actualité, voire une prospective au regard des leçons éthiques et citoyennes de celui dont elle porte le nom ? D’étendre le champ de nos actions aux divers publics concernés par notre implantation ? D’élargir notre rayonnement national, européen et international ? De rassembler et de développer les concours nécessaires avec nos partenaires à l’origine de l’existence de la Maison Jean Vilar (Ville d’Avignon et Bibliothèque nationale de France), mais aussi avec l’État, les collectivités territoriales, l’Éducation nationale, l’Institut Français (ex-Culturesfrance), la Commission européenne..., sans que cette liste soit limitative ni exclusive d’un mécénat responsable ? Vaste programme, en vérité, que les célébrations des années 2011 et 2012 devraient nous permettre de lancer. En effet, le quarantenaire de la disparition de Jean Vilar (28 mai 1971) et le centenaire de sa naissance (25 mars 1912) nous réuniront autour de l’homme, de l’œuvre, de l’héritage. Une fois de plus, Vilar agit comme un phare, non parce qu’il éclaire le chemin, mais parce qu’il indique l’écueil : nous devons cette belle métaphore à une autre légende avignonnaise, André Benedetto, qui l’avait appliquée à Paul Puaux, lequel l’avait assurément apprise de son maître. La présente livraison de nos Cahiers Jean Vilar rappelle ce qu’il était et ce que l’Association qui porte son nom essaye d’être, ou de devenir, par une redécouverte de ses trésors et une réactivation de son regard : en effet, quarantenaires, cinquantenaires, centenaires dont notre pays et notre ministère de la Culture sont si naïvement friands, présentent du moins l’intérêt de reconsidérer notre relation aux génies constitutifs de notre communauté et de les situer dans une perspective contemporaine. Nous essaierons d’éviter l’hagiographie, de ne pas nous comporter en vestales (mais ne faut-il pas aussi des vestales ?), dans l’esprit de la plus noble ambition, à nos yeux, exprimée par Jean Vilar : « Laisser, dans le cœur de quelques-uns, le souvenir de l’honnêteté. » J.T. Directeur délégué de l’Association Jean Vilar V Dans les Landes, tournage du film de Jean-Gabriel Albicocco, Le Petit matin, décembre 1970. Photo Catherine Labrit. 7 Vilar, cousin, vous avez dit Vilar ? par Jacques Lassalle En septembre 2007, lors de la célébration du soixantième anniversaire du festival d’Avignon, Jacques Lassalle, au cours d’une soirée mémorable dans le jardin de la Maison Jean Vilar, présenta avec le concours de six acteurs de la Comédie-Française le dernier texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez, que l’auteur, de son vivant, souhaitait qu’il portât à la scène. Au lendemain de cette représentation, nous avons demandé à Jacques Lassalle d’être candidat à la présidence de l’Association Jean Vilar, Roland Monod, envisageant lui-même de se retirer après dix années d’éminents services. Surpris, Jacques Lassalle opposa d’abord les meilleures raisons de ne pas donner suite : il n’avait jamais participé, de près ou de loin, à l’épopée de Jean Vilar et il n’appartenait pas au premier cercle de ses fidèles, sinon de ses proches ; il travaillait désormais plus souvent à l’étranger qu’en France (son prochain livre, à paraître au printemps 2011 chez P.O.L, n’aura-t-il pas pour titre, précisément, Ici moins qu’ailleurs ?). Il rappelle dans ces lignes les raisons ardentes de son engagement. Je préfère ceux qui embellissent à ceux qui enlaidissent. Aragon à propos de Matisse L’éducation peut tout. Elle fait danser les jours. Bossuet J’ai eu beau mettre en avant mon peu de goût pour tout ce qui peut ressembler à une fonction officielle, assurer que les grêles remous, les chétifs affrontements de la vie associative m’insupportent, que je déteste toutes les formes de fétichisme commémoratif, que les anciens de quelque chose, les partisans proclamés de quelqu’un ou de quelqu’une m’épouvantent, rien n’y faisait : cédant aux insistances de Jacques Téphany, j’ai fini par accepter de présenter ma candidature à l’Assemblée générale de l’Association Jean Vilar qui m’a élu au printemps 2009. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Le Prince de Hombourg de Kleist, avec Gérard Philipe, Monique Chaumette, Jean Vilar... Photo D.R. V Comment, pourquoi en étais-je arrivé là ? La réponse n’est pas difficile : outre la souriante ténacité de mes mandants, je n’avais pas tardé à éprouver que mes raisons d’accepter l’emportaient de beaucoup sur celles que je croyais avoir de refuser. La première d’entre elles, la plus décisive, était que je ne me connaissais pas, que je ne me connais toujours pas de plus grande obligation que celle que j’ai contractée vis-à-vis de Jean Vilar et de son TNP, un soir de juillet 1954, dans la cour d’honneur du palais des papes. On y jouait Le Prince de Hombourg interprété par Gérard Philipe, cet ami sans lequel Vilar n’imaginait pas de victoire1. Ma vie, sans que je puisse alors le savoir, en fut à jamais changée. Désormais, je m’étais trouvé un modèle, choisi un tuteur. Me rappelant au devoir premier d’être un citoyen, il assignait du même coup à mon vague désir de faire l’artiste, un territoire et un horizon sans commune mesure avec ce que mon faible ego balbutiant avait pu, jusqu’alors, me laisser bien timidement entrevoir. Ma deuxième raison, la plus immédiate, est que j’avais eu le temps d’apprécier l’action menée par Jacques Téphany et son équipe, la qualité en particulier de leur politique éditoriale (passionnants et beaux Cahiers de la Maison Jean Vilar), l’enjouement sans illusions, la lucidité chaleureuse avec lesquels ils m’avaient approché. Ma troisième raison, la plus pressante, est qu’en 2008, l’Association Jean Vilar me paraissait aussi gravement menacée que l’Anrat en 2000, lorsque Jean-Claude Lallias et Jean-Pierre Loriol étaient venus me demander d’en accepter la présidence – ce que je fis jusqu’en 2006. Si je n’ai aucun 8 goût et bien peu d’aptitudes pour jouer les preux chevaliers, je n’aime pas que les conquêtes qui ont balisé mon existence (ici le Théâtre et l’École, là l’héritage de Jean Vilar), soient traités avec le mépris et les manœuvres torses qui précèdent leur liquidation. Et je me sens assez d’énergie militante et d’indépendance vraie pour aider ceux qui n’entendent pas laisser la voie libre aux bons apôtres et naufrageurs de tout poil. Or, ici aussi, le temps pressait. Au printemps 2008, les tentures de la Maison Borniol étaient tout près d’endeuiller les hautes portes du bel Hôtel de Crochans ! Une commission d’experts, réunie par Jacques Téphany, composée d’anciens directeurs du festival d’Avignon, de la direction des Théâtres au ministère de la Culture, de personnalités politiques, artistiques, universitaires, et à laquelle j’étais invité, avait préconisé la nécessité urgente d’une contre-offensive. Et, peu de temps après, une réunion provoquée par le délégué à la direction des Théâtres avait confirmé qu’un processus de disparition de l’Association Jean Vilar était entamé au profit de la Bibliothèque nationale de France. Le ministère espérait-il économiser ainsi une subvention dont il n’approuvait plus l’usage tout en se faisant fort de rallier à sa cause les représentants de la Ville d’Avignon ? Celle-ci, toujours en retrait aussi bien dans les phases de régression que de progrès, pouvait-elle à l’inverse, et en cette occasion, passer pour réticente ? Et Téphany, qui venait de faire l’objet, dans un rapport d’inspection, d’une fort goujate et injuste accusation de népotisme par une affidée du ministère, avaitil encore le choix de ses alliances ? Aujourd’hui, la crise semble derrière nous : l’État et la Ville ont confirmé leur soutien moral et financier ; l’annexe avignonnaise du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France archive, entretient, ouvre ses portes aux lecteurs – chercheurs ou non – d’un centre de documentation qui enregistre, collationne la mémoire du festival contemporain, conformément à sa mission. Certains membres du conseil d’administration n’ont probablement pas renoncé à neutraliser la Maison 9 Jean Vilar en l’instrumentalisant de l’intérieur, mais il y mettent davantage de formes et soignent leurs détours. L’Association, quant à elle, tout ensemble génératrice d’action et d’unité, de promotion et de mesure, de continuité et d’ouverture, poursuit la tâche qui lui revient. Elle est au service de tous, mais la chasse gardée de personne. En concertation régulière avec ses différents partenaires, elle continue d’impulser rencontres, débats, symposiums, spectacles, expositions ; elle multiplie les contacts avec les universités et les institutions tant à l’étranger qu’en France et il est capital, de ce point de vue aussi, qu’Emmanuel Ethis, sociologue, président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, et Denis Guénoun, philosophe, auteur-metteur en scène, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV), soient les deux vice-présidents de l’Association ; celle-ci privilégie plus que jamais, dans ses Cahiers de la Maison Jean Vilar, sous l’impulsion de Jacques Téphany et Rodolphe Fouano, un éclairage sur tel grand sujet ou tel événement notoire, et ouvre largement ses colonnes, sans considération d’appartenance politique ou confessionnelle, de légitimité historique ou tribale. Finances, fonctionnement, perspectives convergentes, harmonie relationnelle, tout semble donc rentré dans l’ordre. Oui. Et pourtant, insidieusement, tout reste fragile, comme suspendu. avait tenu, pourtant, et avec quelle ténacité, à programmer. Que ceux qui l’invoquent au grand jour et le conspuent dans l’ombre, que les faux dévôts et les vrais liquidateurs de tous bords se rassurent pourtant : le temps travaille pour eux. À l’École, à l’Université, dans les cours spécialisés, voilà pas mal de temps, déjà, – à quelques notables exceptions près – que Vilar, on ne connaît plus. « Vous avez dit Vilar, cousin ? Vilar, comme c’est bizarre… ». Contrairement à ce que j’ai pu d’abord penser, cette fragilité, ce sentiment d’insidieuse précarité tient moins à la complication byzantine du dispositif mis en place par son initiateur, Paul Puaux, qu’à la figure et à l’action de Jean Vilar pour lequel il a été pensé. Par l’ampleur et la cohérence de sa vision ; par son souci de ne jamais couper la scène de l’Histoire de celle du théâtre ; par la force et la probité de son esthétique ; par la qualité et la fidélité de ses compagnonnages ; par l’incomparable maîtrise de l’acteur (il fut le plus grand de sa troupe, donc de son époque, parce que le plus moderne, le plus rigoureux, le plus tranchant au sens où Büchner évoquait à propos de Woyzeck, « Un rasoir ouvert sur le monde »), Vilar, quarante ans après sa mort, commande le respect et la gratitude de tous. Les politiques, les historiens, les artistes, leurs publics, chacun prétend s’en réclamer. Et si la réalité n’était pas celle-là ? Si la question posée au sujet de Vilar était moins souvent « Comment se souvenir de son action et tenter de l’adapter à aujourd’hui ? » que « Comment le couvrir d’honneur pour mieux s’en débarrasser ? ». Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : si Vilar, instaurateur d’un véritable théâtre de service public, national et populaire, revenait, il ne trouverait pas grand monde aujourd’hui pour l’écouter et encore moins pour lui confier les clés d’une institution. Plus que jamais il encombre, il dérange, il fait peur, il paralyse, il étouffe. Comble d’infortune pour ceux qui voudraient en finir avec lui, ils ne peuvent le renier sans, au préalable, se proclamer ses héritiers. Cela pourrait bien à terme, redevenir insupportable, ressusciter de nouvelles bordées d’injures, de nouveaux crachats tels que ceux qu’il dut essuyer en juillet 68 dans les jardins du palais des papes lorsqu’on l’accusait d’avoir fait appel à la police pour chasser la troupe du Living Theater qu’il Même si, pour garder le cap, je n’ai jamais cessé de lire et de relire les Notes de service, le Mémento des années 1952/1954, ou Chronique romanesque, je ne suis pas un inconditionnel de Vilar : ses contradictions (son parcours n’en manque pas) m’intriguent ; il arrive que certains de ses choix, ou son absence de choix par exemple pendant l’Occupation, me déconcertent. Mais, avec lui, jamais rien de terne ou de vil. Il pense si haut et si large qu’il oblige à penser de même. Je ne suis pas non plus – comment pourraiton l’imaginer ? – un possédé de Vilar. Il n’est pas mon golem impérieux et castrateur. Qui pourrait s’accomplir au nom d’un autre ? Sous la défroque d’un autre ? Il n’empêche : même après leur mort, les pères – et Vilar, suprêmement, en est un, qu’il l’ait voulu ou non –, ont encore beaucoup à nous dire. Et leur parole nous est souvent plus nécessaire que le babil affairé des vivants. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Eh bien justement ! cousin, du bizarre, en voici encore : si j’ai rejoint Téphany et son équipe, c’est parce que je pense que nous n’en avons pas fini avec Vilar, que sa parole et son exemple continuent de nous importer plus que jamais en ces temps où l’Histoire, aurait dit Hamlet, « semble de nouveau sortie de ses gonds ». Et si cette présence est, bien sûr, dans la mémoire de ce qu’il fut, de ce qu’il fit, de ce qu’il écrivit, des images et des enregistrements sonores qui nous restent de lui, elle est tout autant dans l’attention prospective que nous lui portons : aujourd’hui, que combattrait-il ? Que soutiendrait-il ? Qu’est-ce qui, dans le foisonnement des pratiques et des manifestes, l’étonnerait ? Le retiendrait ? L’amuserait ? Que préconiserait-il ? Que fuirait-il ? Lui que ses curiosités et ses intuitions ont amené à ouvrir tant de portes, qu’aimerait-il aider à naître ? J.L. Président de l’Association Jean Vilar Varsovie, janvier 2011. (1) J’imagine mal la victoire sans toi, échange de notes et correspondances entre Gérard Philipe et Jean Vilar, établi par Roland Monod et publié par l’Association Jean Vilar (voir page 120). 10 11 Le fonds Jean Vilar : un trésor LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 1122 Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ? V Maquettes de Léon Gischia, affiche de Marcel Jacno pour L'Avare de Molière, régie de Jean Vilar, créé en 1952. Jean Vilar et Philippe Avron, reprise Avignon 1962. Photo Mario Atzinger. Jean Vilar se maquille pour jouer Harpagon. Images extraites d'un film 16mm. Archives TNP, Collections Association Jean Vilar. V V D’abord un vaste ensemble de près de deux mille maquettes de costumes dessinées par les peintres-décorateurs de Vilar (Gischia, Pignon, Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées de leurs réalisations originales telles que les spectateurs d’Avignon et du TNP ont pu les admirer, entre 1947 et 1963, sur les épaules de Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson, Charles Denner… 113 3 1 (1) Henri IV de Pirandello, 1957 ; (2) Le Cid de Corneille, 1951 ; (3) La Mort de Danton de Büchner, 1948 ; (4) Henri IV de Shakespeare, 1950 ; (5) Œdipe d'André Gide, 1958. 2 Maquettes de Léon Gischia. 3 LL EE S S C CA AH H II EE R RS S JJ EE A AN N V V II LL A AR R –– N N °° 1 11 11 1 4 1144 5 1155 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 116 6 Maquettes de Jacques Lagrange pour Ubu d'Alfred Jarry (1958). 1 177 Maquettes d'André Acquart pour La résistible ascension d'Arturo Ui de Bertolt Brecht (1960). LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 18 18 1199 Maquettes de Jacques Noël pour Loin de Rueil de Maurice Jarre et Roger Pillaudin d'après Raymond Queneau (1961). LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 20 20 221 1 1 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 22 22 3 Maquettes d'Edouard Pignon. (1) Le Malade imaginaire de Molière, 1957 ; (2) Mère Courage de Brecht, 1951 ; (3) On ne badine pas avec l'amour de Musset, 1959 ; (4) Platonov de Tchekhov, 1956 ; (5) La Nouvelle Mandragore de Jean Vauthier, 1952. 2 4 5 23 23 1 2 Maquettes de Mario Prassinos. (1 à 3) Macbeth de Shakespeare, 1954 ; (4 et 5) Tobie et Sara de Claudel, 1947. 4 H II EE RR SS JJ EE AA N N VV II LL AA RR –– N N °° 11 11 11 LL EE SS CC AA H 5 24 24 3 225 5 c Maquette de Léon Gischia et costumes portés par Gérard Philipe : Le Cid, Le Prince de Hombourg. Photo Geneviève Gleize. Les costumes des régies de Jean Vilar (Macbeth, Marie Tudor...) exposés au Palais des Papes pour le 60e Festival d'Avignon. Photo Romain Stepek. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 26 26 27 27 1 Quelques costumes du TNP parmi les 1200 conservés à la Maison Jean Vilar (1 à 3) : Lorenzaccio (4) : Don Juan Mannequinage Dany Basset, Photos Geneviève Gleize. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 28 28 4 3 2 29 29 Affiches conçues par Marcel Jacno. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 30 31 Naissance du Fonds Jean Vilar par Armand Delcampe Comédien, metteur en scène, éditeur historique de Vilar – il a établi le texte de Le théâtre, service public et du Mémento pour les éditions Gallimard – Armand Delcampe raconte sa découverte des “papiers” du fondateur du Festival. conflictuelle a posteriori. Il demeure que, si la personne de Rouvet est peut-être discutable, il aura été comme un inventeur au service de la création. Je crois même que Sonia Debeauvais1 pourra témoigner d’un certain temps de retard de Jean Vilar sur Rouvet : sur le plan de la conquête du public, c’est à Rouvet qu’appartient la vision. Dira-t-on jamais assez le génie de cet architecte au service du génie de cet artiste ? Le roman du TNP et d’Avignon J’ai découvert d’abord un classement très personnel, celui de Jean Rouvet lui-même qui avait donné différents titres aux époques successives. Par exemple pour la période 1953-1955 : Le renouvellement du cahier des charges, avec Mendès, car, sans Mendès-France, Vilar n’aurait pas été reconduit à la tête de Chaillot en 1954. Mais, plus loin, Rouvet avait intitulé la partie 1959-1963 : La décadence. Il trahissait ainsi son dépit plus que son désaccord. Lorsque j’ai commencé mon travail sur Le théâtre, service public, Rouvet travaillait avec moi à Louvain depuis 4 ou 5 ans. J’ai été surpris de l’entendre appeler Vilar « Monsieur », et l’on sentait une distance dans leur vouvoiement, faite de respect, voire de crainte, chez Rouvet, d’extrême autorité et de distance à son encontre chez Vilar. Pour bien comprendre le roman du TNP et d’Avignon, il faut s’attacher à comprendre la relation étrange et magnifique qui a réuni ces deux hommes. Il existe un lien essentiel entre le fils des bonnetiers de Sète et l’instituteur berrichon, fils de boulangers, une véritable affinité élective, devenue LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 J’avais affaire à un fonds aussi considérable qu’exceptionnel, rassemblé par un grand archiviste maniaque. Rouvet avait conservé les originaux, ne laissant circuler dans ses services que des copies. Pendant deux, trois ans, j’ai fréquenté ces notes, en pénétrant de plus en plus profondément dans ces trésors. Lorsque Paul Puaux et moi-même rencontrons Vilar, un peu avant sa mort, j’ai déjà une bonne connaissance de ses manuscrits. À mon avis, Jean Vilar s’est dit qu’il allait enfin pouvoir regrouper toute cette histoire, rapprocher les archives de Rouvet de celles, moins nombreuses, qu’il possédait lui-même, et que je servirais de médiateur… Nous avons alors commencé à travailler sur l’idée d’un projet qui militait dans le sens d’une fusion, et dont je lui soumis la maquette. Malheureusement, je n’ai plus cette maquette en ma possession. Vilar l’avait méticuleusement annotée. Comment ne pas me souvenir de ce qu’il avait inscrit sur la page de garde : « Attention : PC. » ? Par Jean Rouvet, par Paul Puaux, avait-il appris mon appartenance d’alors au Parti Communiste ? Je riais sous cape quand Puaux faisait semblant de ne pas se souvenir de ces détails… Vilar se méfiait de l’idéologie, et en particulier de celle à laquelle j’appartenais : il connaissait les staliniens ! (J’en ferai partie jusqu’à la normalisation en Tchécoslovaquie). On commence donc ensemble, avec Vilar, un travail qui débouchera sur Le théâtre, service public. De 1973 à 1978, je ne joue plus, je ne mets plus en scène. Nous ne sommes pas riches, alors, les uns et les autres. Paul et Melly Puaux m’installent un lit de camp à la Chaussée d’Antin2. Nous louons enfin un petit studio, boulevard Pasteur, dans le 15e arrondissement, où nous rapatrions les archives provisoires déposées à Louvain, 32 en y ajoutant celles de la rue de l’Estrapade que Madame Vilar nous confie : l’idée naît peu à peu d’une fondation Jean Vilar, dont Jean Rouvet est un des membres fondateurs. Je ne sais si ce détail sera utile à la petite histoire, mais, pour Jean Rouvet, se défaire de ces archives représentait un véritable déchirement. Non qu’il fût contre, mais il aurait préféré plus tard, pas à ce moment-là… C’était aussi son histoire personnelle qui vivait dans ce fonds prodigieux. Par le fait, la machine était en marche. En étant l’outil du déplacement des archives de Louvain à Paris, et bientôt de Paris à Avignon, en accomplissant l’irréparable mais l’imparable, toute ma relation d’amitié avec Rouvet s’effondra. Aujourd’hui, je pourrais me flatter d’avoir participé, avec Paul et Melly Puaux, à une action nécessaire et… glorieuse, mais je garde en moi une sensation de blessure plus que de satisfaction, tant nous avons heurté une sensibilité, irrité une plaie, pénétré en intrus dans une relation secrète et passionnelle entre deux hommes passionnés et secrets. Ajoutons à cela que Vilar lui-même s’était forgé une nouvelle confiance à travers sa collaboration avec Paul Puaux : ils se tutoyaient alors qu’il n’y avait jamais eu de relation d’amis entre Vilar et Rouvet… Ces cendres sont aujourd’hui rassemblées dans la Maison Jean Vilar, qui possède et entretient un trésor unique dans l’histoire de notre théâtre, et c’est évidemment ainsi qu’il fallait que ça finisse. A.D. (d’après un entretien avec Jacques Téphany dont on peut lire l’intégralité dans le numéro 86 des Cahiers de la Maison Jean Vilar, avril 2003). (1) Sonia Debauvais fut responsable des relations avec le public tout au long du TNP et du Festival d’Avignon sous la direction de Jean Vilar, dont elle demeura la fidèle secrétaire particulière jusqu’au décès de ce dernier en 1971. (2) 66 Chaussée d’Antin, à Paris, dans le 9e arrondissement, siège du Festival d’Avignon et de l’Office National de Diffusion Artistique (ONDA) dirigé alors par Philippe Tiry. Le temps avait changé Vilar : n’être plus dans l’action exténuante du TNP, ne plus jouer 5 rôles par an et signer autant de mises en scène, ça change la vie. Quel chemin parcouru depuis le départ de Rouvet en 1959 ! Lorsque Paul Puaux devient son administrateur dans les années 65-66, il a affaire à un autre homme : Vilar avait gagné en sérénité, en décontraction, il avait mûri, vieilli, et la relation que j’ai cru sentir entre lui et Puaux était de nature plus calme, moins fiévreuse, comme apaisée. Une autre histoire avait commencé. Rouvet était un constructeur qui voyait grand, qui manipulait plusieurs projets à la fois, et les millions correspondants, mais il lui manquait toujours dix francs pour faire une omelette… Paul Puaux était beaucoup plus détaché de ces contingences. Il était un homme libre. Ces deux natures n’étaient vraiment pas comparables et répondaient, tout bonnement, à ce dont avait besoin Vilar à deux époques non comparables. L’extrémisme, le romantisme même de Rouvet, hanté par l’œuvre accomplie naguère, ne pouvaient tolérer cette différence de fait. Son intelligence la comprenait, sans doute, mais sa passion la refusait. La seule conclusion qu’il convient de tirer de ce roman formidable (car les trois personnages sont étonnants, tout de même !) est la suivante : Vilar savait s’entourer. Il savait choisir, selon l’heure et le moment, les meilleurs collaborateurs. Sur tous les plans : humain, artistique, technique, administratif, Vilar est un patron avisé dont la prévoyance reste vraiment exemplaire. V Jean Vilar et Jean Rouvet. Photo D.R. Notre union fut totale... Nous unissaient la hantise – absolument – d'un ordre à créer, d'une discipline exigeante, et la volonté de remplir la mission populaire de ce théâtre. (Jean Vilar) 33 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 344 3 Promenade sentimentale dans le Fonds Jean Vilar par Rodolphe Fouano A la Maison Jean Vilar, le « Fonds Jean Vilar » désigne à la fois le contenant et le contenu : les bureaux situés au-dessus de la salle voûtée de l’hôtel de Crochans, jadis investis par la direction du Festival d’Avignon, et d’autre part les archives personnelles de Vilar qui y sont conservées, c’est-à-dire à proprement parler le « Fonds » lui-même, propriété de l’Association Jean Vilar. Et c’est toujours avec émotion que, traversant la calade muni des clés au nombre de trois (à croire que toutes les clés vont par trois, à Avignon), on annonce, fier de sa métonymie, sur un ton confidentiel mâtiné d’un sens supérieur de la responsabilité et du privilège : « Je vais dans le Fonds. » V Franchissant une première lourde porte, puis une seconde, cherchant les interrupteurs dans un espace sommairement aménagé et protégé de la lumière extérieure par des rideaux, gravissant un escalier, on pénètre dans le saint des saints, après avoir traversé une pièce en mezzanine où regorgent affiches du Théâtre National Populaire, pressbooks, photos en cours de classement. Cinquante mètres d’étagères environ : de simples planches de sapin vissées sur des structures métalliques où s’alignent des boîtes en carton d’un gris anthracite, chacune fermée par un ruban blanc noué. Sur le dos de la boîte, une côte dactylographiée inscrite à l’encre rouge sur une étiquette blanche. En-tête : « FJV : 1912-51 » (FJV pour Fonds Jean Vilar ; 1912 : année de naissance du fondateur du festival d’Avignon ; 1951 : date de sa nomination à Chaillot par Jeanne Laurent ; élémentaire, mon cher Watson !). A côté, des boîtes marquées « FJV 195163 » (dates de sa direction du TNP) ; d’autres estampillées « FJV 1963-71 » ou « FJV 1964-71 » (1971, sinistre année s’il en fût). Et puis, après les côtes, les sous-côtes qui correspondent au classement de milliers de documents de diverses natures placés dans des chemises, d’un gris plus léger, presque beige, portant chacune sa sous-côte dans le coin supérieur droit curieusement inscrite au crayon à papier. « L’enseignement réclame de l’austérité », assurait Jacqueline de Romilly. A croire que l’art de la conservation aussi. Lettre d'Etienne Vilar à son fils Jean, 1934. Collection Association Jean Vilar. Le Fonds Jean Vilar, ce sont des éléments de biographie d’abord, touchant la généalogie, la scolarité à Sète où il naquit, la classe de violon au conservatoire de musique que suit le jeune Jean. D’autres documents concernent la vie de bohême de Vilar, à Paris, à partir de 1932 : photocopie de sa carte d’étudiant, papiers militaires, comptabilité, correspondance administrative, cahiers d’étude du latin, du grec, de la littérature anglaise (Shakespeare, déjà !). Certaines pièces renvoient à l’épisode du Collège Sainte-Barbe (1933-1935) où Vilar est maître d’internat avant d’être renvoyé et de rejoindre le Théâtre de l’Atelier et l’Ecole Charles Dullin, ce qui sera déterminant dans l’orientation de sa vie. Un père boutiquier-humaniste Plusieurs pièces permettent de préciser la situation familiale et de mieux appréhender l’origine sociale de Vilar, notamment grâce à la correspondance qu’il échange avec son père. Celui-ci lui écrit le plus souvent installé sur l’un des deux bureaux aménagés dans « l’arrière magasin », parfois sur des pages détachées d’un cahier d’écolier. Lucien, son jeune frère, fait ses devoirs à ses côtés. « Nous travaillons sous la même lampe », écrit-il en commentant l’actualité, sans cacher que les temps sont durs : « Les affaires ne marchent pas, une véritable crise. » On est en décembre 1934. Cela n’empêche pas le père d’adresser un mandat à son fils. Toujours attentif, il prodigue à Jean des recommandations de bon sens, répondant par exemple à une lettre qui avait trait à l’insomnie : « A mon humble avis, il ne faut pas se laisser impressionner, tout s’arrange, il suffit de retarder le moment de se coucher, de le fixer d’une façon régulière, le corps s’habitue à un repos régulier, et l’organisme ne résiste plus à la volonté qui le mène. » On est surpris par l’étendue de la culture humaniste de Vilar père, simple petit boutiquier de Sète : « Quant aux auteurs grecs, écrit-il par exemple, il n’y a qu’à continuer à les étudier et s’inspirer de leur sagesse et peut-être aussi dans une part moindre douter de leur idéalisme qui peut les éloigner du réalisme extra-moderne. » Et de faire référence à Socrate. 35 Les parents de Jean Vilar dans leur boutique de Sète. Photos Suzanne Fournier. Est conservé ici le « Carnet de la mort » où sont consignées dans un cahier d’écolier les notes manuscrites rédigées par Vilar en 1939 après la mort de son frère Lucien de huit ans son cadet ; on y lit sa douleur dont les extraits de Marc Aurèle, Lucrèce et Proust qu’il recopie ne le consolent évidemment pas : « Goût de m’en aller moi aussi, auquel je me laisserais aller si je n’avais en moi cet orgueil de ne pas mourir avant d’avoir donné un sens à mon passage parmi les hommes. » Jean Vilar se rêvait d’abord écrivain. Le Fonds Vilar rappelle que l’homme se rêvait d’abord écrivain. N’entreprit-il pas d’ailleurs des études de Lettres ? Plusieurs boîtes contiennent les manuscrits de ses premières œuvres, inédites, composées entre 1936 et 1943. Il s’agit d’adaptations : Hécube d’après Euripide, Les Travaux et les jours d’après Hésiode, Le Prix des ânes d’après Plaute, mais aussi des versions scéniques, entre autres exemples, d’une nouvelle de Gérard de Nerval (La Nuit du 31 décembre), de textes de Jules Renard (La Maîtresse), de Cervantès (Le Gardien vigilant) ou de Lope de Vega (La Petite Niaise). La pièce majeure de cette série est sans doute l’adaptation conçue par Vilar de La Condition humaine de Malraux. Un projet qui naît dès 1943, classé dans trois chemises. La première contient des notes et un plan, une espèce de synopsis et un arbre où figurent les personnages ; la seconde renferme trois sous-chemises (deux roses et une vert LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Texte de Jean Vilar signé «La Compagnie des Sept». Collection Association Jean Vilar. V V pistache, seule touche de fantaisie du classement réalisé par la BnF) correspondant à l’adaptation en trois parties conçues par Vilar. Le tout constitue un important manuscrit autographe avec de nombreuses ratures. La dernière chemise contient notamment deux lettres dactylographiées et signées de Malraux. Dans la première, datée du 22 février 1946, il invite Vilar à lui téléphoner pour prendre rendezvous, sans cacher ses réserves : « Il me paraît bien difficile de faire une pièce avec La Condition humaine ; j’ai vu le mal que s’était donné Meyerhold pour y parvenir avant que les événements que vous savez, ne l’aient définitivement écarté du théâtre… ». Dans la seconde, du 13 mai 1947, Malraux prévient Vilar que le poète Luc Decaunes travaille également à une version scénique de son roman, mais qu’il dispose d’une « priorité ». La lettre de Luc Decaunes (déjà auteur d’une adaptation radiophonique du roman) se rapprochant de Vilar pour lui proposer une « collaboration » est également conservée ici. Le projet de Vilar de porter le roman de Malraux à la scène n’aboutira pas. Dans cette section des premières œuvres figurent aussi les 15 textes dramatiques originaux composés par Vilar dont La Tragédie de la joie, Bacchus, Antigone, Aimer sans savoir qui ou La Farce des filles à marier. Suivent les manuscrits des romans et nouvelles : Le Matin de la vie, Hilda la morte et Le destin n’a pas double usage. Sont ensuite rassemblées des « Notes sur le théâtre » où se manifeste la précocité de la pensée de Vilar, notamment dans la brochure intitulée Ne pourrait-on ? Le texte date de 1936 ou 1937 (Vilar a donc moins de 25 ans). On y lit notamment : 36 37 37 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 38 38 Manuscrit de l'adaptation théâtrale, par Jean Vilar, de La Condition humaine et première page du roman d'André Malraux, exemplaire dédicacé à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. 339 9 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 40 40 « […] L’incroyance ou le doute est la plus terrible et la plus humaine des pensées collectives, quand tout d’une civilisation se défait et meurt. Et qu’enfin, il peut exister une religion de l’homme, dans ce que sa condition a sur cette terre de plus tragique et justement, dans cette perte d’une religion, de l’ordre. Ce qui lie les hommes aujourd’hui, c’est ce calme espoir. Ce romantisme intérieur qui ne se paye pas de mot. » La critique du théâtre de son époque Vilar exprime un jugement sévère pour le théâtre de son temps : « […] Il faut espérer que les jeunes animateurs de troupe en finiront bientôt avec ce retour à Shakespeare, Cervantes, Molière, Calderon, Musset, Gozzi et même à je ne sais plus quels autres sous-produits de la littérature dramatique, tels que Feydeau ou Labiche. Notre génération va-t-elle recommencer l’œuvre du Cartel ? Quand Copeau montait La Nuit des Rois en 1912 alors que le public s’énivrait [sic] de Bataille, de Rostand ou de malodorant Courteline, Copeau jouait courageusement son rôle d’animateur ! Quand, en 1941, un jeune metteur en scène monte un Shakespeare ou un Molière, il ne joue pas la carte du courage, il joue la carte de l’habitude et du déjà-fait quels que soient ses qualités ou son talent de chef de troupe, quel que soit son succès public, cet homme jeune n’est qu’un imitateur plus ou moins original. Il n’est qu’un bon élève », lit-on dans une note de 1941. V L’année suivante, fort d’une tournée de cinq ans en Bretagne, en Anjou, en Touraine, dans la Nièvre et le Morvan, Vilar poursuit sa réflexion combative : « Il est assez écœurant de voir à quel degré de bassesse est tombé le théâtre français. Aussi bien du point de vue exploitants qu’auteurs. Manque absolu d’originalité dans la forme. Manque de courage. Et ce qui est pire, absence presque totale de conception esthétique. On va comme on peut vers on ne sait où. Société larvée de paresse intellectuelle, sans grande foi, et en général sans pensée autre que quotidienne, supplique sans avenir autre que celui du lendemain. C’est à un public athée auquel s’adresse l’acteur par-dessus la rampe. Comment, dans de telles conditions, une œuvre forte, puissante, peutelle être créée et aimée, trouver comme on dit son public ? » À propos de son adaptation des Travaux et les Jours, il précise : « Il fallait écrire un texte qui ait suffisamment d’ampleur pour tenir sur une immense estrade en plein air. Il fallait intéresser un public jeune et sans culture à un sujet qui ne soit pas de clownerie ou de vulgaire propagande. » Lettre du sculpteur Alexander Calder adressée à Jean Vilar et Jean Rouvet (tournée du TNP aux USA, 1958). Collections Association Jean Vilar. Et plus loin : « Les théâtres à Paris étant fermés à un exploitant jeune et propre, et d’autre part, les institutions officielles se moquant absolument de tout effort ou de toute rénovation théâtrale, mes camarades et moi n’avons eu qu’un seul moyen pour vivre de notre art : organiser des tournées en province et « rouler » de villes en villages avec un spectacle que nous aimons et qu’il fallait faire aimer […] L’effort consiste à présent à jouer autre chose, là-bas. Et particulièrement des jeunes auteurs ou des auteurs plus difficiles. » Et de conclure : « Les organisations officielles devraient nous aider, nous faire des commandes sérieuses : c’est-à-dire longtemps à l’avance, très précises, et régulièrement. Et bien payer. […] Sans cela, les chefs de troupe pour vivre ou plus exactement pour faire vivre cette famille qu’est une troupe sont obligés de conclure des marchés huileux avec des directeurs-imprésarios et jouer des pièces dont le succès est assuré. Autant dire que la place ne serait libre dans ces conditions qu’aux marchands du temple et que le théâtre plus que jamais, continuera à vivre de ses compromissions et de ses bassesses. » D’autres boîtes renferment les documents relatifs aux premières expériences théâtrales : celles du groupe de « l’Equipe » auquel appartient Vilar en 1939 puis du mouvement « Jeune France », créé en décembre 1940 (part d’ombre fort bien éclairée par les travaux de Pascal Ory, par exemple dans Théâtre citoyen édité par l’Association Jean Vilar), et bien sûr de « la Roulotte », troupe permanente fondée par André Clavé et Jean Vilar en juin 1942 et qui tourne dans de nombreuses localités dénuées de salle de théâtre, avec La Fontaine aux Saints de J.-M. Synge, Il ne faut jurer de rien de Musset, Les Mésaventures de Trébuchard de Labiche ou Georges Dandin de Molière. La compagnie est doublée d’une école qui fonctionne à Paris dans les intervalles des tournées : Fernand Ledoux y dispense les cours d’interprétation générale, Etienne Decroux enseigne le mime. Ces archives sont précieuses pour cerner le « Vilar avant Vilar ». Elles rassemblent textes, photos, correspondance, affiches et cahiers de comptes. La variété et la qualité des interlocuteurs de Vilar sont édifiantes La section suivante de l’inventaire est plus intéressante encore, couvrant la période 1943-1951 qui correspond au « lancement d’une carrière » dont la première étape est la création de la « Compagnie théâtrale les Sept », domiciliée chez Vilar, 4 rue Antoine Chantin, à Paris dans le 14e arrondissement. Sont ici regroupés tous les documents relatifs à l’administration de l’entreprise (statuts, livre de comptes, projets et bilans d’activités, listes des abonnés, ainsi que les préambules manuscrits aux conférences 41 données par Sartre, Camus ou Maulnier à l’invitation de Vilar.) Viennent ensuite les documents correspondant aux relations de Vilar avec la profession, puis une importante série de lettres, une correspondance passionnante qui constitue l’un des trésors de ce Fonds. La variété et la qualité des interlocuteurs de Vilar sont édifiantes. Dès son entrée dans la carrière, Vilar est rapidement contacté et reçoit quantité de recommandations, de manuscrits. Les sollicitations ne cessent d’être de plus en plus nombreuses à partir de 1947 et plus encore de 1951. Avec méthode, en témoignent les brouillons des réponses qu’il conserve luimême, il répond aux auteurs, courtoisement. Mais il lui arrive « d’oublier » ou d’être négligent. D’où cette amusante plainte de Gilbert Cesbron, par exemple, datée du 7 février 1962 : « Moi, si j’étais Vilar, je répondrais aux lettres. Et je me ferais un devoir de répondre – ou de faire répondre – plus ponctuellement encore à ceux dont je n’ai rien à attendre… […] J’ai de l’admiration pour vous et cela me choque que vous ne correspondiez pas entièrement au personnage que j’admire. […] Mon Jean Vilar à moi ne laisse pas des lettres sans réponse. Il est resté, malgré la célébrité (et aussi les soucis), un homme ouvert, courtois et fraternel. Fidèlement à lui, donc à vous, j’espère ! » Ne pas ôter la scène aux auteurs contemporains LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 L’expérience d’Avignon en plein air, commencée en septembre 1947, l’inspire pour Paris. Ce n’est pas le seul exemple qui permet de vérifier à quel point Avignon a constitué un « laboratoire » de l’œuvre parisienne à venir. Vilar poursuit : « […] Peut-être vaudrait-il mieux, l’été venu, jouer sur des tréteaux sur la place de l’Odéon, face à l’entrée du public. Ou mieux encore : au Luxembourg, face au Palais. Aussi Paris, l’été, ne serait pas privé de théâtre. Les vacances de l’Odéon auraient lieu en septembre. Ou si impossible, il ne fermerait jamais ? Ce qui, après tout, est une bonne formule de travail. » Ces propositions, formulées il y a 60 ans, impressionnent par leur audace. La pénurie de l’offre théâtrale parisienne pendant la période estivale n’est-elle pas toujours d’actualité ? L’initiative de « Paris Quartier d’été » essaie depuis 1990 de pallier cette indigence. Quant à Lettre de Jean Vilar adressée à Jeanne Laurent, sous-directrice du Secrétariat d'état aux BeauxArts où il sollicite la direction du Théâtre de l'Odéon. Collection Association Jean Vilar. V Parallèlement, lui-même ne cesse de rechercher des textes. Il sollicite, démarche, discute, polémique même souvent. Et bien des lettres sont savoureuses comme celle adressée le 29 juillet 1950 à Anouilh auquel Vilar écrit plaisamment : « Je vous avais assuré, à la suite de votre lettre coléreuse (et injuste) que je vous écrirais, le truc d’Avignon terminé. Je le fais donc, espérant que je parviendrai à m’expliquer clairement sans vous blesser ou, tout au moins, sans que d’inutiles nasardes moquent un auteur dont le souci, dans le comique et dans le drame, est celui de tous ceux qui cherchent au théâtre autre chose qu’une simple distraction. Cependant vous avez tort de m’envoyer à la tête comme une provocation : Vive Guitry… » Suit un plaisant développement où Vilar plaide que « Claudel (et Giraudoux) ont parmi nos aînés tenté du moins d’imposer un style (et un style écrit) à la scène, alors que Guitry et d’autres n’ont jamais étalé sur nos planches que des pantalonades, en définitive […] » La lettre s’achève ainsi : « A présent, mon souci est le H. IV de Pirandello. Heureux qu’un autre que moi fasse la m. en scène [sic]. Je préfère jouer. Peut-être dans l’agréable théâtre de Dullin et de Barsacq aurai-je la bonne chance de vous rencontrer et de vous serrer une fois de plus la main. Sans arrière-pensée, votre, Jean Vilar. » Dans la même boîte on trouve la lettre adressée par Vilar le 17 avril 1950 à « Mademoiselle J. Laurent » dans laquelle il postule à la direction du Théâtre de l’Odéon. Le brouillon est également conservé. Vilar ignore alors la teneur du cahiers des charges qui résultera de la séparation de la salle du Luxembourg et de la Comédie-Française. Il se présente en « chef de troupe de la nouvelle génération » et propose de faire de l’Odéon « un lieu théâtral de combat » qui, à ses yeux, manque alors à Paris. Il souhaite, annonce-t-il, convier Audiberti, Anouilh, Achard, Camus, Clavel, Cocteau, Gabriel Marcel, Montherlant, Mauriac, Puget, Roussin, Salacrou, Sartre, Maulnier, Supervielle ainsi que des auteurs encore inconnus. « Il serait bon, ajoute-t-il, d’associer le talent des peintres les plus significatifs de la nouvelle génération : Bazaine, Gischia, Manessier, Tal Coat, Singier, Pignon, Esteve », de sculpteurs comme Adam, de compositeurs (Jolivet, Messiaen sont nommés). Vilar prévoit de créer une « troupe fixe, à l’année. » Il avance déjà les noms de Maria Casarès, Serge Reggiani, Gérard Philipe, Michel Viltold… Il assure qu’un « tel théâtre devrait s’interdire, a priori, les reprises, délaisser les classiques (à la Comédie-Française notamment), pour « imposer des œuvres nouvelles ». Vilar appelle de ses vœux des « œuvres agressives » assurant que c’est ce que la plupart des auteurs souhaitent, « de Sartre à Pichette ». Il entend bien ne pas « ôter trop fréquemment la scène aux auteurs contemporains », cependant il programmerait des classiques étrangers. Et « tant pis pour le scandale si la conscience y oblige ». Vilar pense d’abord aux pièces inédites en France de Schiller, de Büchner, de Pirandello, de Strindberg… Quant à « l’inévitable Shakespeare, il ne serait pas question de reprendre Hamlet, Othello ou Jules César, par exemple, mais d’autres grandes œuvres inédites de l’époque d’Elizabeth. » 42 443 3 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 44 44 l’hypothèse d’un théâtre public ouvert toute l’année, on se souvient de la tentative de Stanislas Nordey au TGP de Saint-Denis, en 1998… Abordant l’aspect financier, Vilar croit avoir trouvé sa légitimité de gestionnaire dans son expérience avignonnaise : « […] Existe-t-il en France un théâtre plus difficile, plus ingrat, plus instable à gérer que notre festival d’Avignon qui, sans moyen publicitaire, avec le modeste budget bien connu de vous, a gagné, me semble-t-il, autant de prestige que n’importe quel festival au monde ? » Et de proposer immédiatement que les créations d’Avignon soient reprises à l’Odéon, toutes mesures destinées à offrir aux œuvres l’audience la plus vive. L’Odéon, on le sait, échappe à Vilar. Il lui faudra patienter encore quelques mois avant de se voir confier un théâtre. Cette lettre-programme reste cependant essentielle, portant en germe les mesures qu’il mettra en œuvre à Chaillot, au TNP, à partir de 1951. On lit avec émotion la lettre que Vilar adresse depuis Sète à Jeanne Laurent le 20 août 1951. Le Secrétariat d’Etat aux Beaux-Arts l’a enfin nommé à la direction d’un théâtre. « Chère Mademoiselle, Ne soyez pas inquiète. Je travaille au projet. Ou plutôt : je paresse avec lui. Je vous assure que, dans ce métier, c’est encore la plus sûre formule. Le cahier des charges ? Après l’avoir lu et relu, j’en ai eu peur, moins peur, puis à nouveau j’ai éprouvé bien des craintes. Une sorte de froid dans le dos. Bigre, s’enchaîner ! Comme bien des êtres, je suis fidèle dans la mesure où le lien qui me lie ne devient pas un carcan. » Vilar y parle aussi de Jouvet dont il vient d’apprendre la mort. La lettre fait deux feuillets d’un petit format. Y est joint un « topo » où Vilar a déjà fixé la stratégie qu’il entend suivre. V La section suivante de l’inventaire rassemble notes, carnets et agendas. Vilar n’a tenu un journal que par intermittence, avec parfois de longues périodes d’abstinence. En témoignent ces lignes de février 1943 : « Il y a près de dix ans que je n’ai pas tenu un cahier de notes journalières. » Il jouait alors Martin Doul dans La Fontaine aux saints de J.-M. Synge. Il se plaint de son manque d’inquiétude quant au rôle, confesse qu’il va aux répétitions « comme un vieux comédien. Ou comme un redoublard de Rhétorique. » Il poursuit plus loin : « Je voudrais voir clair dans cette question de l’interprétation. Bien que je me sois dit souvent que le jour où je verrai clair, je jouerai faux ! Il y a un moment dans l’étude de l’interprétation, où aller trop loin avec sa clairvoyance, c’est risquer, comme Orphée, de voir filer Eurydice. De voir filer l’âme du personnage. Mais ce raisonnement m’écœure. À mon instinct défendant, je Lettre de Jean Vilar à Jeanne Laurent concernant sa nouvelle charge à la direction du TNP : organigramme de son équipe. Collections Association Jean Vilar. voudrais voir clair. » Plus loin encore : « Et d’abord je sais bien qu’un interprète doit croire. Croire tout bonnement en ce qu’il dit. De toutes les formules d’école ou de vieux comédiens que j’ai entendues, c’est la seule à laquelle je me sois donné entièrement. Sans réserves. Le reste vient tout seul. Avec du travail, bien sûr. On arrive toujours à assouplir son corps. Assouplir son corps à la pensée que l’on exprime. Mais je crois qu’il faut quelque don spécial pour croire. Il faut savoir retrouver tout au moins sa naïveté enfantine. Avoir gardé, comme dit Reinhardt, son enfance dans sa poche. » Vilar se montre fort sévère avec l’enseignement de l’art dramatique : « J’ai beaucoup souffert dans toutes les écoles d’interprétation. Je n’ai trouvé neuf fois sur dix chez les professeurs qu’un don incurable de prêcheur, de poète ou de maniaque de l’exercice et du truc. » Quant à la diction, parodiant Valéry, il assure qu’elle est « une faculté de l’âme. » À qui s’adresser, avec qui communier ? Dans ces conditions, faut-il renoncer à l’enseignement de l’art dramatique ? Vilar n’est pas loin de le penser : « Peutêtre l’absence d’enseignement serait-elle nécessaire par ces temps de pourriture théâtrale. Plus d’enseignement, partant plus de petites natures d’élèves studieuses, mais de fortes carcasses ayant elles-mêmes tout trouvé […] ou retrouvé […]. De fortes carcasses saines, chercheuses, ne devant qu’à soi leur mode d’expression. Originales enfin. Et qui sait ? foutant en l’air tout cet appareil de trucs et de petites sauces que nous servent les dramaturges à la petite semaine actuels. Une renaissance de l’art théâtral, non, disons plutôt : une naissance de l’art théâtral pur, enfantin, naïf, sans recettes ». C’est à cette naissance théâtrale qu’il entend donc entièrement se consacrer depuis 47, plus encore à partir de 1951. Il dispose enfin de moyens. Cependant ses idées en la matière ne sont pas nouvelles. Il ne fait maintenant qu’appliquer, vérifier, mettre en pratique ses principes. C’est ce que l’on vérifie en parcourant ses textes et réflexions sur le théâtre. Une mine. Retour en 1944. Vilar se montre mal dans sa peau comme il est mal dans sa ville : « Quelle vie triste, besogneuse et même pas absurde, écrit-il. Pour moi Paris n’est plus qu’une pauvre ville où on court à ses affaires entre deux rapides repas. Et bien que nous répétions notre nouveau spectacle, j’ai l’impression, j’ai le sentiment d’être aussi incongru dans cette ville qu’un Polynésien dans le salon de Mme de Guermantes ou qu’un personnage d’Anouilh dans une œuvre de Sophocle. Vivez-vous encore à Paris ? C’est désespérant. J’éprouve autant de malaise à vivre ici à l’heure, et dans les conditions actuelles que j’en éprouvais à 20 ans, âge si difficile à franchir. La guerre, ma parole, nous rajeunit. Ou plus exactement, la disette. » 45 Plus loin, il distribue encore les bons points, ou plutôt les mauvais, notamment à propos du Malentendu et de Huis-clos dont il condamne l’interprétation : « Ni Rouleau ni Herrand ne sont de ma « famille » et j’ai quelque peine à accepter leur monde […] Que Sartre soit content, voilà qui me navre. Je voudrais un peu plus d’exigence de la part de l’auteur, visà-vis de la traduction scénique. Car enfin, si les auteurs ne savent pas reconnaître leurs interprètes et les juger, en qui avoir confiance quand on est chef de compagnie ? Le public est abatardi, les critiques sots et insensibles, les interprètes affamés et à cent lieues de penser à autre chose qu’à leur estomac ; à qui s’adresser, avec qui communier ? J’oublie les commanditaires et les mécènes qui se ruinent chichement en soutenant aussi bien le chef d’œuvre et l’ordure. » Trouver le nouveau poète Le Malentendu ? « une grande œuvre manquée », estime Vilar, poursuivant : « Il y a des mots malheureux, des longueurs et des répétitions. Trois défauts graves pour une tragédie (…) Parfois Camus m’effraie. Du moins son assurance. Or il me semble qu’au théâtre du moins, il a encore de nombreuses œuvres à écrire avant d’en réussir une (car Caligula, non plus, n’est pas parfait. Certes non.) Je serais peiné qu’il restât aussi sûr de ses pouvoirs après la réalisation du Malentendu. J’espère que la mise en chair de sa pièce l’a un peu inquiété. L’interprétation et la mise en scène de sa pièce sont lourdes […] Rien n’a été sauvé, sauf par Maria Casarès. Les critiques qu’on peut lui adresser sont infimes en comparaison des louanges qu’on doit nécessairement lui faire. Le reste de la distribution n’est pas silence, hélas ! Ce serait préférable. » Les critiques de Vilar sont toutes fondées sur la recherche de L’Auteur. À défaut d’avoir composé lui-même de grandes pièces, il cherche sans cesse ceux qui en seraient capables. « N’ayant pas de pièce moderne à me mettre sous la dent, je répète dur Björnson. Ce n’est pas un chef-d’œuvre. Ce n’est pas bouleversant. C’est parfois trop symbolique. Mais du moins la charpente est solide. C’est déjà beaucoup. Que restera-t-il de certaines philosophies transposées à la scène dans 50 ans ? J’attends toujours le poète dramatique. Quelle tristesse ! N’aimer rien dans notre art, n’aimer rien sans réserve de toutes les œuvres nouvelles, alors que tant d’autres ont le bonheur béat de s’y oublier. Dans cinq ans, je virerai de bord, j’abandonnerai tout afin de trouver ce nouveau poète et je fonderai une troupe d’art classique : Racine, Corneille, Molière en seront les seuls auteurs. Car le mépris du style poétique au théâtre est d’une sottise impardonnable […] Ils croient qu’une œuvre fortement pensée est la première et la dernière vertu du théâtre. Qu’ils sont naïfs, mon Dieu, et philosophes ! […] Ils veulent une pensée nue, mais c’est l’interprète qu’ils dénudent ! » LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 De l’esclavage des acteurs Revenant sur Sartre et Camus, représentants du « nouveau théâtre français », il leur reproche une fois de plus de se « priver volontairement de la magie du chant et du langage poétique. Le style est net, sobre, précis, banal même s’il est nécessaire. Il est un magnifique instrument au service de l’idée, mais cela seul. » Il parie plutôt sur Audiberti « dans la mesure où il saura assouplir son imagination aux lois sévères de la scène. » Vilar écrit aussi : « En ce qui concerne les techniques nouvelles de la mise en scène, dont on sait que la France a fourni à l’histoire du théâtre, avec André Antoine, le fondateur du Théâtre Libre, Jacques Copeau et les quatre du Cartel (Jouvet, Dullin, Baty, Pitoëff ) une contribution importante, je pense qu’il est assez difficile d’en parler présentement. Deux méthodes contradictoires s’opposent et s’opposeront avec d’autant plus de fermeté dans les décades [sic] à venir et que l’on peut résumer ainsi : qui, de l’auteur et du metteur en scène est, de nos jours, le véritable créateur de l’œuvre dramatique ? » On connaît la réponse de Vilar et son choix de se définir modestement en « régisseur », trouvant « pédant » le terme de « metteur en scène » Vilar voit dans la mise en scène une usurpation, un détournement de l’objet théâtral qui doit être fondé, selon lui, à la fois sur l’auteur et sur l’acteur. « On a habitué les acteurs à jouer en esclaves », dénonce-t-il en 1947 (texte repris dans Le théâtre, service public p. 298), au service de l’idée du metteur en scène. « Il y a aussi l’intrusion, par l’intermédiaire du metteur en scène, de la plastique, de la musique ou d’expressions scéniques qui ont plus de rapport avec la sculpture (voire l’architecture) qu’avec le théâtre proprement dit. Je voudrais que la génération nouvelle s’insurge contre cette méthode, qu’elle comprenne que le plateau où l’on doit jouer une pièce écrite n’est pas le carrefour où se rencontrent tous les autres arts […]. Il y a eu un immense effort théâtral après guerre. Je voudrais que les jeunes qui ont suivi en élèves cet effort soient non pas des metteurs en scène et des imitateurs, mais des auteurs. Et que dans quelques années, nous puissions présenter Note manuscrite de Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. V Deux ans plus tard, dans un texte de mars 1946, Vilar assure, observant que les théâtres sont pleins, qu’il « n’existe pas en France, à Paris tout au moins, de crise du théâtre. » Et cela est heureux pour les directeurs, concède-t-il. Mais à ses yeux, seul le public joue là son rôle. « Beaucoup d’auteurs, aucun poète dramatique », estime-t-il. « Claudel reste pour nous le seul authentique dramaturge de langue française, le seul qui, dépassant les exigences premières de la scène (intrigue, vérité des caractères, vraisemblance, etc.) ait tenté de redonner au langage dramatique les moyens magiques et incantatoires dont Eschyle en grec, Shakespeare en anglais, Racine en français, Llorca en espagnol moderne, ont prouvé la nécessité. » 46 447 7 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 48 48 non pas une série française de mises en scène, mais une littérature dramatique de langue française. » D’où, on l’a dit, cette recherche effrénée de textes. Vilar emprunte toutes les pistes, sollicite, commande, suggère à tous les hommes de lettres de son temps. Hommes, nous insistons, persuadé qu’il est que le théâtre, entendez la composition, l’écriture dramaturgique, « est un art d’homme » : « En 25 siècles de théâtre, le nom d’un dramaturge du sexe féminin n’est pas mentionné une fois », rappelle-t-il. Phallocratie ? Un côté peu exploré de Vilar qui n’échappe pas à l’air du temps, tout comme certaine homophobie qui transparaît dans des notes inédites. Le Fonds Vilar regorge donc de lettres. Très volumineuse correspondance avec les comédiens : Maria Casarès, Silvia Monfort, Christiane Minazzoli, Gérard Philipe, Daniel Sorano, Georges Wilson, Michel Bouquet, Jean-Pierre Darras, Charles Denner, Alain Cuny, Michel Piccoli, Roger Mollien, Jean-Paul Moulinot… La correspondance de Vilar avec les acteurs de sa troupe mériterait évidemment de faire l’objet d’une étude et d’une publication spécifique. L’Association Jean Vilar a commencé d’y contribuer en publiant l’échange de Vilar avec Gérard Philipe établi par Roland Monod, J’imagine mal la victoire sans toi. Le volume est composé d’extraits de lettres ainsi que des notes qui témoignent de l’exceptionnelle amitié entre les deux hommes. Vilar n’estimait-il pas que Gérard Philipe était le seul à saisir la dimension du « problème populaire » parce qu’il en avait « une approche sentimentale » ? On plonge avec délice dans l’immense correspondance avec les écrivains de la période que Vilar ne cesse de presser d’écrire pour le TNP. Une multitude de lettres que l’on parcourt, ému, impressionné. Quelques exemples : La volumineuse correspondance avec Arthur Adamov qui remet à Vilar son manuscrit des Âmes mortes le 10 novembre 1957. Il s’en dit « très content », ajoutant : « Puissiez-vous l’être aussi. » Le travail avait pris du retard, Vilar avait jugé « trop littéraire » la première partie de l’adaptation précédemment transmise par Adamov. « Comme il est difficile de s’éloigner du livre, si l’on veut en même temps y demeurer fidèle ! note ce dernier. Et pourtant, il faut s’éloigner et demeurer fidèle… » V Celle avec Albert Camus. On possède parfois le brouillon des lettres de Vilar, ce qui permet d’établir la correspondance croisée. Les relations de Vilar et d’Albert Camus mériteraient aussi une analyse précise. Elles sont anciennes, et nous y reviendrons en détail dans une livraison prochaine de nos Cahiers. Lettre de Jean Giono à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. Le Fonds contient quelques lettres de Claudel, une correspondance avec Jean Giono. En 1953, après Don Juan, Vilar a sollicité celui-ci, l’invitant à écrire pour le TNP ou Avignon. Il lui rappelle sa démarche le 2 mars 1954 : « Vous n’avez pas oublié, je le souhaite, notre conversation avignonnaise. Moi, je me dis souvent : « Jean Giono a-t-il commencé ? Va-t-il commencer ? A-t-il abandonné le projet d’écrire pour nous ? » Je manque vraiment d’œuvres. Et si vous n’avez pas le goût, ces temps-ci, d’écrire un sujet Cher Jean Giono, ne dites pas : j’ai un roman en préparation... Nous, qui faisons un travail honnête au théâtre, ne nous laissez pas seuls ! à vous, pourquoi pas une adaptation libre, très libre… et qui, finalement, je n’en doute pas, sera vôtre ? Peut-être ne tarderez-vous pas à me répondre.» Giono réagit : « Je n’ai rien oublié, cher Jean Vilar ; je n’ai rien abandonné non plus ; je n’ai rien fait de concret, mais l’idée est de plus en plus nette et se fixera bientôt. Adapter, mais adapter quoi ? » Le 20 décembre 1954, Vilar lui suggère donc une idée : « […] une sorte de traitement très libre d’un Grec ancien (Euripide, peut-être ; plus adaptable que Sophocle auquel, scéniquement et dans le texte et dans la construction on peut si difficilement toucher ; Euripide dont on peut traiter les chœurs alors qu’on le peut si difficilement dans Eschyle) ». Plus loin Vilar poursuit : « Mais si le sujet grec vous paraît impossible […] pourquoi ne pas partir d’un thème espagnol ? Je crois qu’il est difficile pour un auteur de nos jours de tout trouver ; le style dramatique, les personnages, le thème. Les grands « créateurs » sans pudeur au théâtre se sont pillés les thèmes les uns les autres. Je crois qu’en partant d’un Grec, d’un espagnol du siècle d’or, vous pourriez comme en vous jouant faire un premier jet. » Plus loin encore : « Que vous dirai-je ? Oui il y a les Espagnols. N’axez pas une pièce sur moi ou mon emploi, je n’en peux plus. Je ne ferai que la mise en scène. La musique, d’une façon importante, pourrait intervenir. » L’ultime paragraphe fait sourire. Qu’on en juge : « Cher Jean Giono, ne dites pas : j’ai un roman en préparation. Nous, qui faisons un travail honnête au théâtre, ne nous laissez pas seuls ! Je n’ai rien ! Pas d’auteur ! Ou alors, pas de style. Il faut que vous fassiez quelque chose. Le fait de prendre le sujet ailleurs, de le suivre à votre volonté et de croire, si vous le voulez bien, à tout mon dévouement pour ce que vous ferez, devrait vous inciter à me répondre oui et à me dire pour quand. De toute façon, je vous en prie, répondez-moi. » La réponse tombe : « Cher Jean Vilar, Votre lettre me bouleverse, car il m’est absolument impossible de travailler pour le théâtre maintenant et jusque vers le milieu de l’an prochain. 49 Je n’ai pas un roman en préparation, j’ai un roman en train (NDLR : il s’agit sans doute du Bonheur fou) et il n’est pas possible d’interrompre un travail sur lequel on est jour après jour depuis deux ans pour passer à autre chose. Ce ne serait pas physiquement possible : tout l’intérêt de ma vie actuellement est dans le roman que j’écris. J’ai le tort de ne pas savoir écrire suivant les méthodes parisiennes ou américaines, je ne peux pas changer brusquement d’intérêt. […] J’ai pensé à notre rencontre d’Avignon. Peu à peu l’idée d’une pièce de Théâtre viendra s’imposer à moi. Après avoir pensé longtemps, je l’écrirai vite. C’est ma seule manière de travailler. Je suis désespéré de n’être pas taillé sur un grand modèle et de ne pas être capable de faire ce que vous me demandez. J’ai pour vous la plus grande amitié, la plus grande admiration pour vous et pour le TNP […] » Ne pas être un directeur de musée Plaisant échange aussi avec Eugène Ionesco que Vilar n’a pas non plus manqué de solliciter. Le 30 avril 1957, l’auteur de La Cantatrice chauve lui écrit : « Cher Monsieur Jean Vilar, Je capitule, pour le moment. J’ai été pris un peu trop au dépourvu. Le temps est trop court. Le thème que vous m’avez proposé est passionnant. » Mais Ionesco comprend qu’il n’y arrivera pas : « Désarroi, déroute, panique décuplée. Les cafés, le whisky, la levure de bière, le phosphore Pinal, l’acide glutanique au lieu de me donner de l’énergie et du courage n’ont fait qu’accélérer les battements de mon pouls : de 83, il est passé à 142 à la minute. Je suis brisé, effondré, foutu, dans un état de nerfs épouvantable, j’engueule ma femme : pas d’autres résultats ! Et la crainte de ne pas réussir, de décevoir, l’obsession de l’échec ! (Une véritable tragicomédie… à écrire, une autre fois). Il me faut trois mois. Je ne les ai plus. Je me mords les poings, déprimé et confus ! Peutêtre 6 semaines, – mais en comptant sur 3 mois. J’abandonne donc pour le moment, c’est-à-dire que je me mets au travail pour vous soumettre le manuscrit quand cela sera fini. Sans date. Je vous présenterai, périodiquement, des scènes ou des tableaux que nous discuterons ensemble… mais cela ne peut être prêt pour juillet ! Hélas ! Hélas !! Je réponds à votre appel. Ce sera une réponse plus tardive. Est-ce que trop tard vaut toujours mieux que jamais ? Excusez-moi. Et merci de tout cœur. » LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Thierry Maulnier, François Mauriac, Jean-Paul Sartre… Les échanges avec ce dernier sont vifs. Les deux hommes se sont encore rapprochés à travers la création du Diable et le Bon Dieu au Théâtre Antoine en 1951, dernière mise en scène de Louis Jouvet dans laquelle Vilar crée le rôle d’Heinrich. À l’automne 1954, Vilar confie à Sartre qu’il « ne veut pas être un directeur de Musée », qu’il souhaite monter des auteurs contemporains, lui demandant sans détour : « Pourquoi ne désirez-vous pas accepter une commande de la part de ce TNP, de ce théâtre populaire ? ». On sait les reproches que le philosophe – en qui Vilar verra un « moraliste entêté » – adresse au directeur du TNP qui n’est pas, à ses yeux, un théâtre ouvrier. Théâtre populaire ou théâtre prolétaire, là est la question. Alors ils se querellent. En 1955, après le revue Théâtre Populaire, L’Express est le support de leur débat qui va durer des années. Le 10 septembre 1959, Vilar se plaint après la publication d’un article de son contradicteur : « Sartre, une fois de plus, remet ça. Mais cette fois la loyauté lui fait défaut. » Sartre a insinué que diriger un théâtre subventionné impose des choix de programmation à Vilar et qu’il subit une « ingérence gouvernementale ». La réponse est directe : « Voyons, Sartre, il n’y a pas d’« ingérence gouvernementale » dans le théâtre que je dirige depuis huit ans. Vous rendez-vous bien compte de la portée de votre jugement, et croyez-vous Jean Vilar, petit bourgeois ! que j’ai perdu le sens de ce mot : liberté ? Enfin : pour qui me prenez-vous ? » (12 septembre 1959). Et Vilar assure être très heureux que cet interview lui permettre de faire de sa « vieille sollicitation un défi », concluant : « La réponse est à vous, Sartre ». La lettre est signée : « Jean Vilar, petit bourgeois » ! On le sait, Sartre ne relèvera pas le défi… D’autres correspondances encore font la valeur du fonds. Une belle lettre de Jean-Claude Brisville qui confie à Vilar l’avoir vu dans La Danse de mort de Strindberg « un soir de février 1945, sur la petite scène des Noctambules […] Ce fut pour moi une soirée inoubliable et, dans l’ordre esthétique, une révélation. » Il lui adresse le texte de sa deuxième pièce, Azraël, que Vilar ne choisira pas de monter. Autres lettres encore d’Elsa Triolet, de Louis Aragon. Le 20 novembre 1951, ce dernier écrit à Vilar : « […] Je suis sorti du Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. V La réponse de Vilar, qui trouve le ton de la lettre « bien émouvant » est amusante : « Cher Ionesco, Tout ce que vous voudrez ! […] J’imagine assez bien vos « affres », comme on dit. Mais n’écrivez jamais cette tragi-comédie du supposé échec et de son obsession dans le crâne de l’auteur. C’est un mauvais sujet de théâtre. Ça passionnera les « répétiteurs généraux » et la critique, pas le public. Du moins celui que l’on appelle « grand », parce qu’après tout il est nombreux. Moi je vous attends. Mais avec impatience. Ne me laissez pas seul avec ma Bibliothèque, mes Shakespeare, Corneille, Aristophane, Kleist etc… Si j’imagine bien la tension de votre pouls « 142 », imaginez l’hypotension du mien. Pas loin de zéro. C’est aussi grave. » Et de conclure en lui demandant de lui adresser les 80 pages déjà écrites. Le projet n’aboutira pas. 50 551 1 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 52 52 Cid, qui est le plus beau spectacle que j’aie jamais vu, dans un état d’enthousiasme qu’il faut bien que je vous dise. Et le lendemain, j’ai pris pour vous encore plus de sympathie après la représentation de La Mère Courage. J’aimerais tout simplement que vous me considériez un peu comme votre ami. » Rendez-vous manqués avec Beckett et Cocteau De belles et assez longues lettres manuscrites d’Anouilh dont nous extrayons ces lignes de février 1953 : « Je veux vous dire que dans cette malveillance générale qui vous entoure momentanément – après avoir été promu Pape, par ce même Paris femelle et capricieux – que moi je vous tiens pour un de nos plus grands hommes de théâtre depuis les trente ou quarante ans qu’on essaie de refaire le théâtre. Vous êtes un des seuls à m’avoir redonné des joies de Pitoëff. Je n’ai jamais oublié et je n’oublierai jamais votre Don Juan (à la lumière du jour et alertes) […]. N’oubliez jamais que votre génie part de l’intérieur. J’ai la nostalgie des scènes trop petites, des deux spots et des quatre bouts de bois avec lesquels on fait du vrai théâtre. On a beau arriver à la nudité, rien ne remplace la pauvreté. Enfin, sachez que je suis avec vous s’il faut le dire ou le montrer d’une façon quelconque. » Anouilh termine sa lettre par ces mots : « En tous cas tenez bon, vous êtes un zèbre, et croyez à mon affection. » Quelques lettres de Beckett, certaines dactylographiées, d’autres manuscrites, avec une calligraphie peu facile à déchiffrer. Les deux hommes sont en contact depuis au moins 1947, à propos de Eleuthéria, la première pièce de Beckett, qui adressera également sa seconde pièce à Vilar, fin novembre 1949. D’autres lettres encore, courtes, qui ressemblent davantage à des billets… Force est d’observer que Vilar aura « raté » Samuel Beckett, laissant à Roger Blin le mérite de cette découverte. V Importante correspondance avec Jean Cocteau. Echange sensible : « Votre lettre m’a beaucoup touché. Elle vous ressemble – simple et noble et sortant du cœur », écrit par exemple Cocteau à « [son] très cher Vilar ». Vilar a évidemment sollicité Cocteau qui lui répond : « Maintenant que j’envisage votre entreprise qui consiste, non seulement à sauver le théâtre, mais encore à enchanter le seul public qui compte, je serai plus apte à vous rendre le service que vous attendiez de moi », et lui demande des précisions : « Une pièce est longue à naître. Tenez-vous toujours à cet impromptu ? On pourrait viser plus haut. » Cocteau souhaite vivement travailler avec Vilar qui rompt à ses yeux avec la figure habituelle de « ces messieurs et dames qui dirigent Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. les théâtres. Ce sont des loups qui suivent mon traîneau. Je voudrais semer cette troupe et mettre les choses sur le seul terrain qui compte […]. J’estime que vous êtes le seul homme qui sache actuellement ce qu’est le théâtre. Et Gérard – avec Marais qui entre à la Comédie-Française – le seul acteur digne des planches qui me plaisent. Ma pièce est en trois actes et n’a qu’un décor. Je ne vous dirai pas que j’ai écrit les rôles pour Gérard et pour vous, mais c’est tout comme. Je n’imagine pas que d’autres les puissent jouer. » Il s’agit de Bacchus finalement créé fin 1951 par la Compagnie Renaud-Barrault. Quelques lettres de Marcel Pagnol : « Sachez que je vous admire, parce que vous avez magnifiquement réussi l’impossible, et que vous le faites chaque jour. Ce ne sont pas des paroles de politesse mais d’amitié réfléchie. » Ailleurs il confie : « Cher Jean Vilar, L’admirable bilan du TNP me donne grande envie d’être joué chez vous. Est-ce que Gérard Philipe n’est pas tenté par le rôle d’Hamlet ? » Et de lui envoyer l’adaptation « rigoureusement exacte, et théâtrale » qu’il a réalisée. Trois boîtes d’archives contiennent la correspondance générale de Vilar avec des personnalités entre 1940 et 1971. Les lettres sont classées par ordre alphabétique et rendraient fou un amateur d’autographes. Impossible de nommer ici tous les correspondants de Vilar. Pour le plaisir, citons : - Jean-Louis Barrault (« Cher vieux… », écrit-il parfois à Vilar. Les deux hommes sont assez « frères-ennemis » et développent une capricieuse amitié. Dans une lettre du 21 août 1954 où il s’inquiète de la santé de son camarade, Barrault a ces mots : « C’est un beau métier que le nôtre, mais terrible pour nos viscères… Trop d’emmerdements ! Trop d’épreuves pour les nerfs. Heureusement que nous avons les tournées. […] Il faut que tu te soignes, car il faut que notre « pool » soit, lui aussi, d’acier. N’oublions pas ce mariage du TNP avec la CRB scellé le soir d’Hamlet à Chaillot. ») ; - Maurice Béjart (qui, dans une lettre de six feuillets écrits à grands traits datée du 21 novembre 1957, frappe à la porte du TNP : « Monsieur, Il y a déjà bien longtemps que je désire vous rencontrer. […] Vous connaissez les difficultés que rencontrent les troupes pour se produire à Paris alors que les pays étrangers nous réservent un accueil et un enthousiasme unanime. D’autre part, je crois sincèrement que le travail de ma petite compagnie se rapproche assez de vos conceptions théâtrales et des goûts de votre public. » Une demande rejetée par Vilar quatre jours plus tard : « J’ai trop lutté pour ramener le TNP à son seul caractère théâtral […] pour pouvoir me permettre de revenir à d’autres activités parallèles. » Mais on connaît la suite qui aboutit à la lettre de Béjart du 13 septembre 1965, dans laquelle le chorégraphe accepte la proposition de participer l’année suivante au XXe Festival d’Avignon. Dans notre prochain numéro des Cahiers Jean Vilar entièrement consacré à la danse, nous reviendrons 53 27 mars 1955 Cher Monsieur, Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du monde des livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie imaginaire. J’étais donc bien mal préparé à lire le livre que vous avez bien voulu m’envoyer. Mal préparé, je me suis vu tout de suite enrichi par des sujets de méditation sans nombre. Par exemple (p. 95) votre référence* à une prise de conscience jusqu’à la racine, sans rien garder d’un dédoublement. J’y vois une sorte d’honneur ontologique, une sincérité transposée mais tout de même absolue. Oui vous honorez vos personnages en les animant de votre sincérité. Deux fois dans ma vie je vous ai vu jouer. Dans Nucléa où Pichette nous avait conviés ma fille et moi - et il y a 2 ans 1/2 à Genève où vous étiez le Roi. Ecoutant Le Cid je me trouvais rajeuni d’un demi-siècle mais avec ce sentiment que c’était la première fois que je “lisais” Le Cid. J’avais comme un remords d’avoir eu des prix de récitation en mon Collège. Quelle Actualité que l’Actualité de la Parole ! Oui merci de me faire réfléchir Croyez, Cher Monsieur, à ma bien vive sympathie Gaston Bachelard *Jean Vilar a dû lui envoyer son livre paru cette année-là : De la tradition théâtrale. Page 95 : “Aux Etats-Unis [...] on a peur de la tirade et du verbe. On s’en tient à un dialogue nettement réaliste, cru, tel qu’une sténotypiste pourrait l’emprunter à la vie. On évite la prise de conscience des personnages. Or, je crois qu’on peut admettre qu’il n’y a pas personnage de théâtre où il n’y a pas prise de conscience. Et jusqu’à l’absolu.” LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 54 54 V longuement sur la collaboration et l’amitié entre les deux hommes) ; - Maurice Blanchot (trois courtes mais chaleureuses lettres d’une écriture microscopique et deux billets) ; - Pierre Boulez (important ensemble d’une écriture là aussi microscopique. En 1967, à la demande d’André Malraux, Jean Vilar accepte une mission pour la réforme de la Régie Nationale des Théâtres Lyriques, autrement dit l’Opéra ; il s’adjoint les collaborations de Pierre Boulez pour la musique et Maurice Béjart pour la danse. C’est Boulez qui adresse à la mi-octobre ce qu’il qualifie lui-même de « topo ». Quoiqu’il ait « éliminé toute allusion personnelle », il annonce : « Même sans ces dernières, il y a bien assez de quoi faire bouillir la marmite aux fonctionnaires ») ; - Gaston Bachelard (touchante lettre de remerciement du 27 mars 1955 qui commence par ces mots : « Cher Monsieur, Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du monde de ses livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie imaginaire… ») ; - Roland Barthes (en flagrant délit de lobbying auprès de Vilar en faveur de son ami Alain Robbe-Grillet qui brigue la bourse Del Duca – Vilar est membre de la Fondation dont il démissionnera en mai 1956 : « […] Il est jeune, il a un immense talent […] et ce qui compte encore plus à mes yeux, son œuvre est une recherche romanesque de première importance, peut-être la seule que l’on puisse aujourd’hui qualifier d’avant-garde. S’il n’écrivait pas, notre littérature, notre jeune littérature, déjà si timide, serait encore un peu plus aveugle. ») ; - Georges Braque (belle lettre du 21 janvier 1949, écrite à la plume sur une feuille en forme de palette, dans laquelle le peintre salue la prochaine tournée de Vilar à l’étranger : « Je ne puis que m’en réjouir, vous savez l’intérêt que je porte à ces soirées inoubliables d’Avignon, à l’accueil si chaleureux du public et je ne doute pas que vous trouviez ailleurs la même ferveur. ») ; - Bertolt Brecht (courte lettre dactylographiée avec signature autographe par laquelle Brecht prie Vilar de bien vouloir réserver le meilleur accueil à Beno Besson, son représentant, pendant les répétitions de Mère Courage en 1951. Quelques lettres aussi de Hélène Brecht-Weigel adressées à « Lieber Vilar ! ») ; - Peter Brook (qui remercie Vilar d’une carte : « J’étais désolé de ne pas vous voir – mais en même temps, je vous comprenais très bien. Je déteste aller au théâtre surtout quand on est fatigué et surtout quand la pièce est longue ! », exclamation qui laissera songeurs les spectateurs d’un mémorable Mahâbhârata…). Ajoutons à cette liste non exhaustive Roger Caillois, alors professeur de philosophie dans un lycée de Montpellier (qui a adressé, dès 1948, une pièce à Vilar : « Si elle devait être jouée, j’aimerais que ce fût par vous ». Il attend une réponse « avec une certaine impatience » et espère au moins V Lettre de Gaston Bachelard à Jean Vilar. Lettre de Paul Léautaud à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. une « opinion technique autorisée »), Alexander Calder (lumineuse et familière correspondance avec l’auteur des mobiles du Nucléa de Pichette), René Char (première lettre en 1946, un an donc avant le premier Avignon), Maurice Chevalier (dont Vilar appréciait la présence aux spectacles du TNP, comme si elle en confortait la dimension populaire), René Clair, Maurice Clavel (correspondance volumineuse avec cet ami et confident sétois de la première heure, programmé à Avignon dès 1947, à 27 ans, avec La Terrasse de midi), Jacques Copeau, Pierre Dac (bel éloge du TNP), Jean Duvignaud, Pierre Fresnay, Vittorio Gassman, Armand Gatti (échange nourri avec l’auteur du Crapaud Buffle créé par Vilar au Théâtre Récamier en 1959), Léon Gischia (première lettre en février 1942 de celui qui sera le vrai « copain », le « frère » de Vilar, et le décorateur-costumier le plus emblématique de l’esthétique vilarienne), Julien Gracq (qui a adressé sa pièce Le Roi pêcheur à Vilar sans retenir l’attention de ce dernier. Jean-Louis Barrault avait lu précédemment le manuscrit et hésité puis renoncé à monter la pièce. Gracq écrit modestement : « Je n’ai pas d’autres manuscrits pour la scène. Je ne pense pas tenter une nouvelle expérience avant d’avoir eu l’occasion de vérifier les insuffisances de celle-ci, 55 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 56 occasion qui ne me sera sans doute pas donnée »), Maurice Jarre (régisseur de la musique au TNP et qui se dira plus tard, au faîte de sa gloire hollywoodienne, prêt à donner tous ses oscars contre la joie de revivre les années Vilar), Paul Léautaud (qui écrit le 16 février 1954 : « Cher Monsieur Jean Vilar, Mille remerciements pour toutes les attentions que vous avez pour moi, j’ai été très atteint par le froid que nous avons eu, – et qui revient –, dans ce pavillon en ruines dont je suis locataire depuis 44 ans, et où je vis absolument seul. Il me faut prendre des précautions. Songez que je suis dans ma 83e année. Je ne me rendrai donc pas à cette représentation de Ruy Blas et je vous retourne le coupon. Ajoutez ce détail : je me chauffe au bois. Si je m’absente au-delà d’une flambée, c’est, en rentrant, mes deux feux à rallumer. Très cordialement à vous. »), Fernand Léger (un des peintres préférés d’Andrée Vilar, l’épouse peintre et poète de Vilar), André Malraux (assez nombreuses lettres, notes ou recommandations adressées à Vilar dont l’une des plus anciennes, datée du 28 avril 1947, contient ces mots : « Quant à vos projets, vous savez combien je les comprends ; la mesure dans laquelle ils peuvent passer à exécution – comme on dit dans l’armée – me paraît pour l’instant plutôt fâcheusement soumise à la politique… »), Juan Miró (qui accompagne ses vœux, en 1962, d’un beau dessin), Paul Morand, Darius Milhaud, Gabriel Marcel, René de Obaldia (dont le TNP créera Génousie en 1960 au Théâtre Récamier dans la régie de Roger Mollien ; regrettons que L’Azote, qualifié de « divertissement (cruel) » par Obaldia lui-même, n’ait pas également obtenu le suffrage de Jean Vilar), Laurence Olivier… D’autres correspondants méritent une attention particulière, à commencer par Jean Paulhan (important ensemble où le codirecteur de la NRF se montre aussi amical que sévère : « On est honteux quand on pense au temps que vous font perdre des conneries comme Nucléa ou La Mandragore. J’ai peur que vous ne soyez trop porté à satisfaire votre conscience en vous tuant de travail. C’est à vous de prendre les choses de plus haut. » Paulhan semble être le seul à avoir pointé les qualités littéraires de Vilar qu’il encourage à écrire tant sur le théâtre que pour le théâtre) ; - Henri Pichette, précisément, l’ami de Gérard Philipe (« Nucléa ce n’est pas une transposition, c’est une transportation. On n’y voit pas la vie rêvée, on y voit le rêveur en train de vivre » écrit l’auteur de ce « poème de salut public » créé au TNP en mai 1952) ; - Georges Pompidou (qui, après avoir agi comme chef de Cabinet du Général de Gaulle et à l’instigation d’André Malraux, est intervenu à plusieurs reprises pour contrecarrer les campagnes menées contre Vilar) ; V - Raymond Queneau (sollicité par Vilar dès 1949 et qui lui Lettre de Georges Braque à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. écrit fin 1951 : « Je suis très touché (et flatté) qu’au milieu de vos triomphes (bravo !) vous songiez encore à ce projet. Je ne suis pas un homme de théâtre et je ne sais pas si c’est une bonne idée que de me demander quelque chose. » Dix ans plus tard, Jean Vilar et Maurice Jarre assureront, avec Roger Pillaudin, la régie d’une adaptation en comédie musicale de son roman Loin de Rueil) ; - Claude Roy (très belle lettre qui se termine par ces mots : « Et merci d’avoir fait du TNP ce qu’il est, ce grand carrefour de poésie et de vérité, de nous avoir offert Philipe dans Le Cid, Vilar dans Don Juan, et toujours des hommes jouant pour des hommes. ») ; Jean Vilar reste à la recherche de l’Auteur capable d’écrire le théâtre de son époque. - Alain Resnais (qui, en avril 1952, sollicite une entrevue pour parler d’un projet « qui lui tient à cœur » promettant à Vilar « de ne pas [lui] prendre plus de quatre minutes ») ; - Philippe Soupault (quatre belles lettres pleines d’humanité où l’auteur des Champs magnétiques dit à Vilar son désir de travailler « avec lui et pour lui ») ; - Jules Supervielle (correspondance assez nourrie : « Je pense bien plus souvent à vous que je n’en ai l’air s’il est des lettres « non envoyées », comme disait Gide, il est aussi des messages mentaux comme ceux que vous avez dû recevoir, un peu partout en Europe, après vos triomphes ») ; - Jean Vauthier (« Il me tarde de me familiariser avec les tréteaux de Chaillot comme j’ai commencé de le faire avec ceux d’Avignon », écrit-il à Vilar en août 1952, de retour précisément d’Avignon où ils se sont vus. « Ce séjour brille pour moi, en moi, comme un événement extrêmement tonique. Non seulement j’éprouve encore dans toute sa fraîcheur cette impression bouleversante, mais à ce sentiment d’exhaution (?) se joint, très subjectivement, un peu des émerveillements de l’enfance. » Ce message lyrique n’empêchera pas le désaccord des deux hommes lors de la création à Chaillot de La Nouvelle Mandragore en décembre 1952 – avec Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Daniel Sorano, Georges Wilson, Jean-Pierre Darras, musique de Maurice Jarre… Pouvait-on être mieux servi ?) Ces documents renvoient autant à la genèse des œuvres et des carrières de chaque écrivain qu’ils indiquent le fonctionnement de Vilar et de sa méthode : il reste à la recherche de L’Auteur capable d’écrire le théâtre de son époque. La mémoire collective néglige trop souvent cet aspect essentiel de l’aventure vilarienne, ne retenant (sans l’expliquer) que la place qu’y occupèrent finalement les auteurs classiques. 57 Tous les éléments de correspondance ne sont pas spécifiquement liés à un projet de pièce ou de spectacle. Certains sont plus simplement le signe de l’exceptionnelle énergie de Jean Vilar développée au service de ce que l’on appellerait aujourd’hui les « relations publiques ». En témoigne cette lettre inattendue, pour ne pas dire surréelle, de janvier 1955 du secrétariat du Comte de Paris en réponse à une invitation au TNP : « À l’ambiance des réunions où se retrouve le « Tout Paris », Monseigneur préfère celle des représentations ordinaires. Le Prince tient à vous dire exactement la raison qui lui fait décliner les invitations que vous avez l’amabilité de Lui [sic] faire parvenir plutôt que de répondre chaque fois par un refus qui trahirait l’intérêt qu’Il porte au Théâtre National Populaire. Monseigneur apprécie trop la qualité des spectacles du TNP et les magnifiques succès de votre Compagnie qu’Il aime à applaudir aussi souvent qu’Il lui est possible, pour laisser naître le plus léger doute à ce sujet. » confiante pensée que je lui garde, mes vœux, très amicaux, avec celui de pouvoir l’accueillir un jour ici », c’est-à-dire chez lui, aux « Vigneaux », dans le Var. Signalons encore une lettre dactylographiée, avec signature autographe, du Général de Gaulle, datée 9 juin 1956, déclinant la proposition de Vilar, suite à sa propre approche de la question lors des représentations de Cinna ou la Clémence d’Auguste de Corneille en 1954, de confier sa réflexion sur la clémence en politique. Relevons encore les mots de remerciement que lui adressent ou lui font adresser par leur secrétariat (tel Charlie Chaplin) les nombreuses personnalités que Vilar invite au TNP ou auxquelles il envoie les livres qu’il vient de publier : sur une carte de visite, Georges Pompidou, alors Premier ministre, remercie Vilar de lui avoir adressé un exemplaire de Bref, la revue du TNP ; Pierre Mendès-France l’assure de son soutien ; et le préfet de Police, Maurice Papon, formule « ses meilleurs vœux et ses sentiments de sympathie et d’admiration.»… On trouve aussi cette lettre chaleureuse à l’en-tête Château Mouton-Rothschild, signé « de tout cœur » par Philippe de Rothschild, l’un des créanciers de Vilar lorsque celui-ci dut fortement cautionner à titre privé le contrat du TNP en 1951, imbroglio juridique sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Il remercie Vilar de lui avoir adressé De la Tradition théâtrale (L’Arche, 1955) : « Vous êtes responsable d’un monde d’émotions, de souvenirs et d’exaltations […]. Mon père et Pigalle m’ont fait vivre intensément dans la décade [sic] 20-30 la naissance de la forme dramatique dont vous êtes l’aboutissement. Ce fut alors une grande bataille à laquelle je m’honore d’avoir pris une part, aussi petite soitelle […]. Merci, cher Jean Vilar, d’être à la fois historien et réalisateur, écrivain et novateur, d’être à la fois le passé et l’avenir et de me compter parmi vos amis. » théâtrale est chose isolée et définitivement renouvelable si l’œuvre et sa réalisation artisanale ne sont pas de pleine intimité avec le peuple dont elles emploient au moins la langue. Inversement, on peut affirmer qu’il est possible de juger de la grandeur d’une civilisation d’après la tenue de son art théâtral. Un Etat conscient et fier de ses pouvoirs, plus encore qu’à surveiller cet art, veillerait donc à ce que toutes les chances de sa grandeur soient possibles et se créerait une politique du théâtre. » LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Assainir l’art du théâtre Donner au public le moyen d’être autre qu’il n’est Cette politique, Vilar l’a souhaitée, en a bénéficié même s’il ne fut pas gâté : ses relations avec la IVe République furent placées sous le sceau d’une incessante tracasserie, et c’est sans doute de guerre lasse qu’il décida de rompre avec l’administration et le ministère de la Culture de la Ve, une première fois (après bien des tentations avortées) en 1963 lorsqu’il renonça au renouvellement de son mandat de directeur au TNP, une seconde en 1969, lorsqu’il refusa d’assumer la réforme de l’Opéra qu’il avait conçue à la demande d’André Malraux. Vilar l’insoumi. Vilar l’anarchiste. Seule constante de cet itinéraire : Vilar n’a jamais douté du public. Même s’il lui est arrivé parfois d’être critique. Dans la « Définition » qu’il en propose dès 1946 (texte repris dans Le Théâtre, service public p. 337), il observe que le public est souvent « en retard de quelque cinquante années environ sur l’esthétique profonde de son temps ». Et de l’illustrer par des exemples précis. Mais Vilar parie cependant sur le public qu’il entend non pas séduire mais convaincre : « Il me semble qu’avant d’accuser ou de défendre le public, de Lettre de Miro à Jean Vilar. Collections Association Jean Vilar. V Vilar était-il amateur d’autographes ? Sans doute a-til conscience de la valeur de ce qu’il reçoit. En tout cas, il garde tout : lettres, enveloppes, cartes, simple mot griffonné… Certains de ces documents sont essentiels, on l’a vu, pour saisir la portée de son aventure. D’autres sont tout simplement plaisants, comme ce mot de Roger Vailland invitant Vilar à prendre l’apéritif au bar de l’Hôtel de Paris, écrit au dos d’une carte du garage Rambaldi, agence Citroën, dont l’entrée des ateliers se trouve rue Grimaldi, ce qui, à Monaco, ne s’invente pas ! Ou cette carte de Noël de Peter Ustinov avec un humoristique et poétique dessin à l’encre bleue. Ou cette confidence de Saint-John Perse : « Pour Jean Vilar à qui je n’ai jamais su dire la très vivante et très Dans un manuscrit dactylographié, signé de « la Compagnie des Sept », on lit : « Nous aurons assaini quelque peu l’art du théâtre quand nous aurons non seulement compris mais admis comme critère définitif que cet art n’est pas seulement un divertissement mais qu’il témoigne de l’âme de la cité. Quelles que soient ses vertus esthétiques, une réussite 58 59 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 60 lui dire qu’il a le théâtre qu’il mérite, il serait plus avisé de lui donner le moyen d’être autre qu’il n’est, c’est-à-dire de ne pas être cette personne collective qui paye sa place. » Plus loin, on lit : « Je voudrais pouvoir dire que la société capitaliste demi-bourgeoise de ces deux demi-siècles n’a pas eu un théâtre digne de celui de la société des princes du 17e siècle. Elle a été incapable de faire naître, provoquer, maintenir et soutenir une certaine tenue de l’art scénique. » Vilar pouvait-il donc à lui seul réussir ce que toute la société capitaliste n’était pas parvenu à produire ? Retour en 2011 et à nos préoccupations contemporaines. Nous demandions à Philippe Tesson, lors d’un entretien publié dans une précédente livraison de ces Cahiers1, pourquoi il n’y avait pas de vedette équivalente à Gérard Philipe aujourd’hui. Tesson suggérait de déplacer le questionnement sur Vilar. Ne serions-nous pas tentés alors Vilar pouvait-il à lui seul réussir ce que toute la société capitaliste n’était pas parvenue à produire ? à notre tour d’avancer que s’il n’y a pas de Vilar à notre époque, c’est parce qu’il n’y a pas de Jeanne Laurent, de ces commis d’État capables d’affirmer des politiques culturelles en s’appuyant sur des artistes pionniers et visionnaires ? Finissons sur une note d’humour avec ce texte de 1947 où Vilar s’interroge sur les raisons qui conduisent nos contemporains, les siens comme les nôtres, à aller au théâtre : il relève la diversité des comportements, la variété du répertoire, l’inconstance du goût, les ridicules de la mode…, voyant dans l’éclectisme de l’époque la marque la plus certaine de « notre incertitude ». Et il conclut par ces mots qui nous ont fait sourire : « À l’adresse de l’exégète futur qui aura la malchance de retrouver ces lignes et qui perdra, à leur lecture, sa lucidité, je l’écris fièrement ici au nom de la collectivité : nous voulons tout. » R. F. (1) « Un mythe ou un homme ? » in Cahiers de la Maison Jean Vilar n°108, juillet 2009. V Le bureau de Jean Vilar à son domicile parisien, rue de l'Estrapade. Photo Suzanne Fournier. 661 1 Deux inventaires pour le Fonds Jean Vilar par Marie-Claude Billard Alors que les Archives Nationales et le Département des Arts du spectacle de la BnF conservent les archives du TNP de Chaillot à Villeurbanne (Jean Vilar, Georges Wilson, Roger Planchon), la Maison Jean Vilar détient à Avignon les archives personnelles de Jean Vilar, c’est-à-dire ses écrits et tous les documents rassemblés au cours de sa vie. Cet ensemble remis par Madame Vilar à l’Association qui s’est créée au lendemain de la mort de son mari, a été complété ensuite par différents apports : Les dossiers que Jean Rouvet a conservés de son passage au TNP comme administrateur général, entre 1951 et 1959. Les documents sur les débuts du Festival d’Avignon de Georges Amoyel, architecte, auteur des premiers plans du dispositif de la Cour d’honneur, et de Chrystel d’Ornhjelm, secrétaire générale du Cercle d’échanges artistiques internationaux, support financier des premiers Festivals de 1947 à 1951. En 2005, par ailleurs, les enfants de Jean Rouvet ont remis à la Maison Jean Vilar le reliquat des archives de leur père y compris sur sa vie et ses activités antérieures et postérieures au TNP. Cette dernière contribution, en reconstituant l’intégralité de la carrière de Jean Rouvet, fait apparaître un deuxième fonds autonome et néanmoins complémentaire. Tout a été reconditionné pour une meilleure conservation, reclassé en deux fonds séparés et a fait l’objet de deux inventaires distincts qui se recoupent notamment au moment de la présentation du Cid en juillet 1951 à la Lorelei sur les bords du Rhin où Jean Rouvet animait un camp de jeunes. Ils sont même complètement imbriqués au moment du TNP de façon à éviter les redondances en particulier dans la gestion administrative très importante chez Rouvet et beaucoup moins chez Vilar. De septembre 1951 à août 1959, les saisons et les tournées du TNP, sont incluses dans le fonds Rouvet. Après son départ en septembre 1959, elles figurent dans le fonds Vilar. Par contre, tout ce qui se rapporte aux spectacles se retrouve dans le fonds Vilar. L’ordre chronologique (souhaité par l’Association Jean Vilar) structure les inventaires et s’éloigne quelque peu des modalités habituellement préconisées dans le traitement des collections théâtrales. Sauf que tous les éléments relatifs à la vie privée ont été regroupés au début dans la partie biographique. Pour le reste, à l’intérieur des grandes étapes des deux carrières, on retrouve en gros les mêmes rubriques : généralités ou administration, œuvres, fonctions ou activités, saisons, spectacles... Pour suivre la carrière cinématographique de Vilar par exemple, il faut passer de la période 1943-51 à la dernière (1963-71). Si sa filmographie ne présente pas de difficultés, il n’en va pas de même de ses multiples notes, brouillons et fragments de textes non datés et souvent dispersés. Certaines attributions à la charnière des années 50 au moment du TNP restent incertaines. Autre cas de figure : le Festival d’Avignon. Scindé en trois parties, il est LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 intégré dans les saisons et tournées du TNP de 1952 à 1963 (fonds Rouvet) et traité séparément de 1947 à 1951 puis de 1964 à 1971 dans le fonds Vilar. Les dons Georges Amoyel et Chrystel d’Ornhjelm ont été inventoriés à la fin du chapitre consacré aux débuts du Festival (1947-1951). Les spectacles présentés à Avignon du temps du TNP sont intégrés à la liste générale des spectacles du TNP (dans le fonds Vilar) avec la mention du lieu et de la date de création. Il n’y a par contre pas ou peu d’éléments sur l’élaboration des spectacles à partir de 1964. Parce qu’en 1964 et 1965, la programmation établie par le TNP pour le Festival est restée dans les archives du TNP Wilson et qu’ensuite, ce sont les spectacles des compagnies invitées. Par ailleurs, à partir de 1966 et jusqu’en 1979, le Festival géré par la municipalité à travers le Conseil Culturel élabore ses propres documents administratifs et comptables. Ces archives sont également dans la Maison Jean Vilar. Distinctes du fonds Jean Vilar, elles ne sont pas encore inventoriées. Entre séparation des fonds et respect de la chronologie, on devine la complexité de l’entreprise. Il faut y ajouter l’exploitation intensive des collections. Les dossiers de Jean Rouvet, bien conditionnés et étiquetés ont correctement résisté aux manipulations, sauf les étiquettes, devenues illisibles. Sur les chemises des dossiers de Vilar quelques numéros témoignaient d’ une tentative de classement depuis longtemps dépassée par des ajouts postérieurs et sur les boîtes d’archives des indications de la main de Vilar ne correspondaient 62 pas toujours au contenu. Vilar lui-même a beaucoup manipulé ses archives, en particulier ses notes et réflexions sur le théâtre dont il existe plusieurs moutures, fragments et brouillons. Dans les premières années du TNP, il opère une sélection pour son ouvrage De la Tradition théâtrale édité en 1955. Il réécrit complètement son journal dans la perspective d’une édition qui ne se fera qu’en 1981 sous le titre Mémento du 29 novembre 1952 au premier septembre 1955. Il rassemble également beaucoup d’éléments pour la rédaction de Chronique romanesque à la fin de sa vie. Il a eu également plusieurs projets de livres dont un sur le TNP. Il retravaille des textes dramatiques écrits vers les années 1940 : Dans le plus beau pays du monde qui devient Des personnes inutiles, et Antigone devenu La Nuit tombe dont il fait une lecture en marge de sa mise en scène du texte de Sophocle en 1960. 1968, le rapport final, et toutes les annexes : voyages d’études, dépenses, presse, ainsi qu’une correspondance variée qui va des félicitations aux billets d’humeur, des inévitables sollicitations aux candidatures spontanées. On lit dans le regroupement de tous ces éléments même insignifiants à première vue, le quotidien du travail, le contexte de l’étude et surtout l’engagement total de l’homme dans cette mission. La nécessaire remise à plat d’une collection avant inventaire donne une vision globale qui ne débouche pas ici sur de grandes découvertes car l’essentiel a été mis à jour. Certaines préoccupations toutefois apparaissent récurrentes, notamment le souci de la transmission et celui des auteurs, de l’écriture et des formes nouvelles. A l’époque de la Compagnie des Sept, des cours de théâtre sont prévus, et des liens établis avec Jean-Marie Conty, créateur de l’Education par le jeu dramatique (EPJD) en 1946. Des notes manuscrites postérieures à 1945 évoquent un programme complet d’enseignement incluant pratique sportive et culture générale où il est question des rapports avec les « intelligences » du moment : Paulhan, Sartre, Camus, Malraux, Gide… En marge du TNP, une école de théâtre voit le jour, naturellement confiée à Lucien Arnaud. Au Festival d’Avignon, la jeunesse prend le relais, Vilar demande à Puaux de la faire venir, il déplace la troupe en Allemagne, en juillet 1951 pour jouer Le Cid devant un rassemblement de la jeunesse européenne et organise ensuite l’accueil et l’encadrement de jeunes pour une semaine de festival. Après sa mort, plusieurs publications dont Le théâtre, service public donnent la mesure de l’importance de Vilar dans l’histoire du théâtre français mais introduisent dans la collection autant de strates émaillées de documents originaux et de textes manuscrits pas toujours datés. Il a fallu les remettre dans la chronologie tout en laissant des copies témoins du travail accompli. Dans cet environnement, la réforme de l’Opéra, restée à l’écart dans d’anciennes chemises cartonnées et poussiéreuses, fait figure d’exception. Pour cette étude, commandée par André Malraux, qui a mobilisé Vilar de novembre 1967 à juin 1968, tout était à peu près rassemblé : les textes sur lesquels il s’est appuyé, sa documentation personnelle, les notes griffonnées sur des bouts de papier, les compte-rendus des réunions, contacts téléphoniques, ébauches de programme, rapports intermédiaires et études budgétaires. Sans oublier une entrevue avec le Général De Gaulle, la lettre de démission adressée à Malraux au lendemain du discours du 30 mai V Les archives de Jean Vilar à son domicile, rue de l'Estrapade. Photo Suzanne Fournier. 6 633 Autre constante, la recherche des auteurs et des formes nouvelles. Il écrit lui-même des pièces et fait de nombreuses adaptations (dont La Condition humaine de Malraux) dans la première partie de sa carrière. Avant 1951, il met en scène Strindberg, Adamov, Claudel, Clavel, Gide, Supervielle, Montherlant, il crée Büchner et Kleist en France mais rate Camus. Au moment du TNP, il charge Georges Perros de lire les manuscrits de pièces qu’il reçoit et programme Gatti et Pinget, Beckett, Obaldia au Théâtre Récamier. Il demande même à Sartre au cours d’une polémique sur le théâtre populaire de lui donner une grande pièce pour Chaillot et il s’entoure de peintres et de compositeurs dans l’élaboration des spectacles. A partir de 1966 à Avignon, Philippe Adrien, Billetdoux, Bourgeade, Planchon, Béjart, Godard ouvrent les nouvelles voies du Festival avec de jeunes metteurs en scène : Lavelli, Bourseiller et Ariane Mnouchkine. De même, pour piloter la réforme de l’Opéra demandée par Malraux, Vilar sollicite deux artistes novateurs : Maurice Béjart pour la danse et Pierre Boulez pour la musique. Ces préoccupations sous-tendent les autres plus connues, relatives au public et à un théâtre citoyen. Elles font de Vilar un homme de l’art, un passeur à l’écoute de la création et attaché aux modalités de sa diffusion. C’est dans cet esprit qu’il aborde la réforme dite de l’Opéra qui vise à changer la donne de l’art lyrique en France. La musique, le lyrique sont un autre centre d’intérêt moins connu de Vilar, auquel la remise à plat de la collection donne épaisseur et matière à exploration, étant entendu que si l’inventaire facilite l’accès aux documents, il ne dit pas tout et reste un outil complexe pour chercheurs et utilisateurs avertis. M.-C. B. décembre 2010 Fonds Jean Vilar Plan de classement : 1. Éléments de biographie 1.1 Généalogie 1.2 Étienne Vilar, Catherine Biron 1.3 Lucien Vilar 1.4 Pierre Fournier 1.5 Jean Vilar 1.6 Antoine Di Rosa 1.7 Jean Darquet 2. Premières œuvres 1936-1943 2.1 Adaptations théâtrales 2.2 Textes dramatiques 2.3 Romans et nouvelles 2.4 Notes sur le théâtre 2.5 Divers 3. Premières expériences théâtrales 1939-1943 3.1 L’Equipe 3.2 Jeune France 3.3 La Roulotte 4. Lancement d’une carrière 1943-1951 4.1 La Compagnie des Sept 4.2 Profession 4.3 Correspondance 4.4 Notes, carnets quotidiens, agendas, carnets d’adresses 4.5 Textes et réflexions sur le théâtre 4.6 Articles, éditions 4.7 Conférences 4.8 Divers 4.9 Projets spectacles 4.10 Autres projets 4.11 Radios, disques 4.12 Cinéma 4.13 Théâtre LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 5. Festival d’Avignon 1947-1951 5.1 Festival 1947 5.2 Festival 1948 5.3 Festival 1949 5.4 Festival 1950 5.5 Festival 1951 5.6 Divers 5.7 Don G. Amoyel : 4-GA 5.8 Dépôt C. d’Ornhjelm : 4-CDO 6. Direction du TNP 1951-1963 6.1 Généralités 6.2 Notes, textes, interventions 6.3 Saisons 1959-63 6.4 Spectacles 1951-1963 7. Festival d’Avignon 1964-1971 7.1 Festival 1964 7.2 Festival 1965 7.3 Festival 1966 7.4 Festival 1967 7.5 Festival 1968 7.6 Festival 1969 7.7 Festival 1970 7.8 Festival 1971 64 65 L’Héritage Vilar Vilartiste par Jean-Pierre Vincent Symbole du “théâtre populaire”, Jean Vilar est d’abord un acteur et un régisseur, bref, un artiste. Les Français se targuent volontiers de leur histoire et de leurs gloires théâtrales. Mais il y a un revers de la médaille, dès qu’il s’agit de penser cette histoire, de l’utiliser de façon critique, et bien sûr de la transmettre. Ainsi les jeunes générations qui entrent dans le théâtre semblent parfois tomber de la lune. Pas encombrées par le passé, pas empêtrées dans la tradition, c’est un avantage, une liberté, dira-t-on ? Mais avec ce bagage, on ne va pas bien loin. On se réclame encore de Jean Vilar comme symbole central du « théâtre populaire », d’une république du théâtre utopiquement tournée vers tous les publics, dans une période historique particulière. Mais Vilar l’artiste, l’acteur, le « régisseur » ? Il n’est que de relire Roland Barthes, ses analyses lumineuses, inextinguibles, de la lecture du monde par l’artiste Vilar. Vilar était acteur d’abord. D’où d’ailleurs sa préférence pour la dénomination de régisseur, plutôt que de metteur en LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Un nettoyeur de la scène française De l’acteur au régisseur, il n’y avait qu’un pas. Quarante ans après Copeau au Vieux-Colombier, il fut un « nettoyeur » de la scène française, de ses tendances à l’anecdote esthétique et au bavardage complaisant – fût-il grandiose. Il lui fallait à tout prix – et très naturellement – laisser la place libre au poète (et à l’acteur). C’est facile à dire, et chacun peut y souscrire, ou presque. Ce n’est pas facile à faire ; il faut s’arracher à la glu des tentations virtuoses. L’enjeu était d’importance : il fallait atteindre ou retrouver la lisibilité – y compris émotionnelle – des grands textes, afin de les adresser au corps social tout entier. Il n’est pas indifférent que cette esthétique, avec sa visée universelle, ait pris corps en réaction aux horreurs de la décennie précédente. Jean Vilar dans le rôle-titre de La Résistible ascension d'Arturo Ui de Brecht, 1960 (création en France). Photo Agnès Varda / CDDS Enguerand. V Du temps de son TNP, j’étais petit. Abonné scolaire, je n’ai malheureusement pas vu les grands Musset, ni Le Prince de Hombourg. J’ai vu Le Faiseur de Balzac, le merveilleux Étourdi de Molière avec Sorano. Plus tard, j’ai vu l’acteur Vilar foudroyant dans Arturo Ui. Bien sûr, j’ai lu ses notes, regardé les photos, réfléchi à la situation esthétique (et donc politique) dans laquelle il trouvait le théâtre – malgré les combats de Copeau, Gémier, et du Cartel. C’est par hasard, hors du théâtre, que l’artiste Vilar m’a saisi. Je devais avoir quinze ans, bien loin encore de l’idée de faire du théâtre ma vie-même. Un après-midi, j’ai entendu annoncer par le noble speaker de la Radio Diffusion Française la retransmission en direct du Don Juan de Molière. J’ai commencé à écouter, pendu au poste de bout en bout, et je l’entends encore. Je les entends encore, car ces deux voix – Vilar et Sorano – créaient dans cette fable folle un univers dont on ne se défait pas facilement. scène. D’où aussi sa revendication de la liberté de l’acteur en tant qu’artiste. Cette liberté devait être réfléchie : la liberté comme exigence. Son art était d’une économie singulière. Le cabotinage semblait être son ennemi définitif, même dans les excès grotesques de son Harpagon : artiste, mais pas Narcisse. Il jouait non seulement le « personnage » et les situations, mais il jouait tout d’abord la pièce, à chaque instant, une idée qu’il se faisait des devoirs du théâtre – de l’acteur et de tous ceux qui y travaillent. Mais il avait l’avantage que cette rigueur, cette discipline assez raide, étaient naturellement sonorisées par une voix irrésistible et une accentuation unique de la langue française. La sécheresse impériale de son Don Juan n’avait d’égal, à chaque détour de phrase, qu’une séduction certaine. 66 67 Mais l’artiste Vilar n’était pas seul, et il ne travaillait pas n’importe où. Vilar sans la troupe, sans l’idée de troupe, sans la réalité de cette troupe incarnant son projet : c’est inimaginable. La troupe (ou le collectif, de quelque façon qu’on le nomme) est trop souvent une réalité perdue. Depuis plus d’un siècle, pas de geste historique, pas de moment mémorable (objet de réflexion pour le futur) sans ce regroupement d’artistes sur plusieurs années, affirmant un choix, polémiquant et construisant tout à la fois. Et Jean Vilar a travaillé essentiellement pour deux théâtres particuliers, à Avignon et à Chaillot : deux immenses plateaux faisant éclater le huis clos des théâtres feutrés. Aurait-il libéré autant de textes, de poèmes, d’idées, sans cet aspect cosmique d’Avignon ? Pour débarrasser le théâtre français de ses ors et de ses poussières, il fallait aussi provoquer ce déplacement, cette invention d’un terrain nouveau : ne pas jouer sur le terrain de l’adversaire. Je relis souvent un texte de lui où il insiste sur la nécessité de prolonger le « travail à la table » – il appelait cela « lectures à l’italienne » – afin que l’acteur (français) n’arrive pas sur le plateau sans avoir suffisamment mûri ce qu’il a à jouer. L’austérité d’un travail d’élucidation n’était pas un frein à la liberté qu’il cherchait. Elle en était au contraire la garantie. Puis arriva un autre champion du travail à la table : Roger Planchon, éblouissant lecteur. Déjà, à travers lui, une autre époque se dessinait. Les droits de la mise en scène, LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 comme écriture propre, s’affirmaient et ouvraient d’autres perspectives. Pour le bien, ou pour le mal ? On prit alors parti, violemment parfois. C’est entre ces deux moments que l’on devrait encore se questionner, s’informer. D’autres événements esthétiques (et politiques) ont transformé notre actualité, mais au bout du chemin, au bout parfois des impasses, il ne sera pas indifférent de repenser à Vilar l’artiste. J.-P. V. Comédien, metteur en scène, Jean-Pierre Vincent a dirigé le Théâtre national de Strasbourg (TNS) de 1975 à 1983 avant d’être nommé Administrateur général de la Comédie-Française, poste qu’il conserve jusqu’en 1986. Il est ensuite directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers de 1990 à 2001. Dernière mise en scène : Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, actuellement en tournée avec sa compagnie. V Jean Vilar et Daniel Sorano jouent Don Juan de Molière (1953). Photo Walter Boje. 68 Besoin de Vilar ? par Denis Guenoun Pourquoi aurions-nous besoin de Vilar ? Pour la mémoire et l’Histoire ? Sans aucun doute. Pour l’idée du théâtre, service public – qu’il va nous falloir défendre avec acharnement, et rénover avec invention ? C’est certain. Mais il me semble entrevoir autre chose. C’est une intuition, qu’il faudrait fonder avec des connaissances plus sûres. Tout de même, voici. Premier volet : éthique. La notion d’un théâtre populaire, dont on sait qu’elle fut pour lui complexe, tendue, inquiète, n’est pas à comprendre seulement à partir de considérations historiques, politiques, culturelles. Assurément ces dimensions importent : elles font partie du contexte d’une certaine réflexion qui baigne et conditionne l’émergence d’Avignon, puis du TNP, dans l’euphorie et les soucis des années d’après-guerre. Et elles importent aussi pour nous : comme Gérard Noiriel vient de le réaffirmer avec force1, c’est une ambition sociale considérable que de vouloir légitimer, ensemble, deux axes que tout pourrait nous pousser à séparer, ou à opposer : l’autonomie de la création artistique, et sa valeur dans la recherche d’une ouverture collective, d’un projet d’émancipation et d’égalité, d’une mission d’instruction publique. Or la visée du théâtre public, tel qu’elle s’est affirmée autour du TNP et en partie transmise jusqu’à nous, à travers ses déformations, ou ses dénaturations, a reposé sur la jonction de ces deux tendances hétérogènes. C’est la justesse de cette intention politique, démocratique au sens le plus profond, qui est aujourd’hui mise en cause, et que nous avons à ré-instituer, de façon à la fois fidèle et critique. Et pourtant : la visée d’un théâtre public ne s’alimente pas à cette seule source. Elle s’articule aussi autour d’un impératif moral. Dans « service public », on a glosé à l’infini sur l’idée du public, sur la valeur politique et culturelle de ce mot, sur ses acceptions ou reconstructions. Mais il faut y entendre aussi la notion du service, et pas seulement au sens institutionnel ou social du terme. Il faut inclure dans la vocation publique du théâtre une dimension inscrite dans son principe, qui est l’adresse d’une proposition de vie et de pensée intrinsèquement ouverte, et pas seulement parce qu’on y trouve du plaisir ou de l’avantage : mais parce qu’en un sens intime et profond, il le faut. Les écrits de Vilar, sa pensée, son style, sont en permanence porteurs de la puissance de cet impératif. Deuxième volet : esthétique. La pratique vilarienne du théâtre nous oriente vers une pensée radicale de la scène. Amaigrir le décor, dénuder les espaces, aérer les circulations, cela ne procède pas seulement d’une économie – même si elle joue, et il n’y a aucune raison d’ignorer son jeu. Cela ne résulte pas seulement, non plus, d’une sorte d’inclination à l’austérité – Barthes avait bien raison de montrer combien cette manière portait aussi, dans les nuits d’Avignon, l’émergence d’un incroyable plaisir, le regain d’une jouissance immémoriale et neuve dans la réception de la chose théâtrale. La dénudation de l’appareil est une idée esthétique transcendantale, de première force : elle reconduit le théâtre à l’institution de la scène. Toute la modernité du théâtre se tient dans ce dégagement, ce désencombrement, cette révélation à soi de la scène comme espace ouvert et libre, lieu de pratique possible de la transfiguration par le jeu. Longtemps la scène fut couverte Liberté de la scène et puissance publique des textes par l’idée du drame. Depuis un siècle – et, étonnamment, ce n’est pas encore fini – le théâtre se régénère dans la mise à nu de ces planches ou de cette terre, dont la nudité proclame l’émancipation. La scène, dégagée, est le lieu où s’engage un processus affranchi de transformation de la vie par des poèmes, des idées, des conduites, des expériences. Ce que Vilar a produit, de façon en quelque sorte irréversible – même s’il n’en fut aucunement l’inventeur, seulement celui qui sut reconnaître et offrir cette pratique dans son étendue – c’est le lien entre la liberté de la scène et la puissance publique des textes. Or, cette proposition n’est pas seulement, ou pas principalement, une idée esthétique. D’abord parce que la scène nue, à ses deux bords, donne sur autre chose qu’ellemême. En Avignon, elle emporte le regard vers la fermeté de la pierre, la consistance du monde. La scène n’est pas dénudée pour rien : elle comparaît devant l’histoire, et le ciel – et l’acte scénique pose sa nudité fragile devant l’intimation du patrimoine humain, et du cosmos. De l’autre côté, la scène pauvre en oripeaux – en Avignon comme ailleurs – débouche sur l’ampleur de la salle : la salle, dans 69 sa largeur et sa multitude (sa somptuosité commune), s’apparaît à elle-même, devant la scène et autour d’elle, comme cadre et condition, environ ou corbeille de la scène dégagée. En Avignon, à Chaillot, et partout, le public se voit en même temps qu’il voit le plateau – et donc le plateau s’ouvre à la société qui le considère, il ne se pose dans aucune séparation ontologique par rapport à l’existence de cette assemblée qui l’entoure et le dévisage. En ce sens, la nudité de la scène est aussi une idée morale. Il s’agit, pour le théâtre, de répondre toujours de lui-même devant le monde, et devant le commun des présents. La scène est nue pour que les joueurs, et les diseurs, comparaissent : loin de se contempler dans la jouissance de leur valeur d’artistes, ils se glissent dans l’interstice vide entre l’assemblée et le monde : la scène, portée en avant, et adossée à la pierre. Parce que les acteurs sont des humains : et la scène démeublée fait apparaître la sculpture, pauvre et sublime, de leur constitution. Humains devant les humains qui les accueillent : à nu, défaits et en gloire, livrés et délivrés. La scène nue invalide toute prétention à l’autarcie de la sphère de l’art – elle répond de soi devant le commun des hommes, et l’épaisseur du réel. Lorsqu’on parlait à Vilar de son style de théâtre, il lui est arrivé de répondre : on dit que j’ai un style – non : j’ai une morale. Troisième volet : pratique. Qu’on s’en délecte ou s’en agace, la figure de Vilar est exemplaire. En quoi ? Rectitude de la voie choisie, et assumée. Dignité de l’exercice de la parole – élégant et retenu à la fois. Courage physique, à l’occasion. Et ce qu’on pourrait appeler le sens du départ, qui n’est pas au monde la chose la mieux partagée : passation de pouvoir au TNP, en 1963, de sa propre initiative. Et surtout, lettre envoyée à André Malraux le 30 mai 1968, quelques heures après la célèbre intervention radiophonique du Général de Gaulle, où Vilar fait savoir qu’ayant entendu ces propos, il ne pourra plus désormais accepter aucune fonction officielle du gouvernement. Dans cette période exaltée, rares furent les conduites aussi limpidement dictées par le sens d’un certain devoir. S’agitil seulement, à ces titres divers, de la haute stature d’une personne ? C’est le cas, sans aucun doute. Mais autre chose nous touche là, me semble-t-il : c’est que, par des voies qui resteraient à explorer attentivement, cette dimension normative de l’action engage la pratique théâtrale ellemême. Pas seulement grâce à tout ce qu’on sent, dans les une idée élevée du métier, de sa noblesse, de sa tenue célèbres « notes de service » par exemple, d’une conduite réglée quotidiennement par une idée élevée du métier, de sa noblesse, de sa tenue – même si on approche là, de près, le cœur intime de la question. Je devine, je suis convaincu, que cette téléologie normative guide le travail scénique lui-même, dans son déploiement proprement artistique, et que donc ici le souci esthétique est nourri, tenu, par une éthique de la scène, de la vie en scène et de l’agir scénique. Les choix de théâtre ne s’enracinent pas seulement dans un souci du beau, mais dans une préoccupation de la justesse, ou de la valeur, de l’action sur scène. Dans une rigueur, une rectitude – une droiture – de la pratique de l’art – où paradoxalement un style, et effet, trouve peut-être sa source, et le vif de sa marque. Ethique donc, trois fois plutôt qu’une : dans une morale de la politique, de l’art, de la scène. Il est arrivé à Vilar de dire qu’il espérait seulement laisser dans le cœur de quelques uns le souvenir d’une honnêteté. C’est de cette honnêteté, de cette intégrité, de cette probité-là, assurément dans nos conduites collectives, mais aussi sur scène, que nous avons le plus grand besoin aujourd’hui. D. G. Comédien, dramaturge, metteur en scène, écrivain, Denis Guénoun a été directeur du Centre dramatique national de Reims, et président du SYNDEAC (1986-1987). Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV), il poursuit parallèlement une carrière théâtrale. Derniers spectacles : Artaud-Barrault (2010) et Qu’est-ce que le temps ? d’après Saint-Augustin (actuellement en tournée). (1) « Défendons autrement la culture pour tous », Le Monde, 6/01/2011, p. 19. (2) « Je dois à l’honnêteté de rappeler que Vilar s’est physiquement mis en danger, lors du Festival de 1968, pour éviter à certains d’être passés à tabac. » Jean-Jacques Lebel, « Transmettre cette utopie… », Cahiers de la Maison Jean-Vilar, n° 105, juillet 2008, p. 35. (3) Cahiers de l’Herne n°67 : Jean Vilar, 1995, p. 12. Vilar met ainsi un terme à la mission qui lui avait été confiée en vue d’une réforme de l’Opéra de Paris, réflexion à laquelle il avait associé Pierre Boulez et Maurice Béjart. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 70 71 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 72 73 l’utopie vilarienne Enquête de Rodolphe Fouano Héros/héraut du « théâtre, service public », Jean Vilar par ses authentiques vertus ne cesse, à nos yeux, de nourrir toute réflexion autour de la place du spectacle dans la société, de contribuer à définir les enjeux sociaux et politiques du théâtre populaire, d’obliger à une élévation morale faite de désintéressement et d’un goût passionné de la responsabilité. Mais l’utopie vilarienne a-t-elle encore un sens ? Est-elle une pensée et une référence actives ? Sans chercher à établir un palmarès parmi les animateurs du réseau public, nous avons réalisé une rapide enquête. Plus qu’un hommage à sa figure de « Commandeur » avec laquelle il n’eût sans doute pas été d’accord, nous souhaitions pouvoir, par la série de contributions sollicitées, montrer comment l’expérience et la pensée de Jean Vilar irrigue – ou pas – la réflexion contemporaine. Nous avons largement diffusé notre questionnaire tant auprès d’artistes, de directeurs de structures, d’universitaires, de journalistes que de responsables politiques. Non de manière aléatoire, mais suivant l’intuition que ceux auxquels nous nous adressions avaient sans doute à dire sur la chose populaire en général et sur l’aventure vilarienne en particulier. Nous avons évidemment veillé à équilibrer nos démarches. Avouerons-nous notre surprise, parfois, si ce n’est notre déception ? Les non-réponses sont aussi significatives que les déclarations passionnées. Nos lecteurs s’amuseront peut-être d’apprendre, par exemple, que l’entourage d’un responsable politique nous avoua sa surprise de voir son mentor ainsi sollicité : en quoi notre petite question théâtrale pouvait-il bien le concerner ? Nous plaidâmes : était-il inconvenant de solliciter un chef de parti développant des prétentions nationales pour l’interroger sur une affaire de politique culturelle ? Au final, on observera donc un déséquilibre gauche/droite entre les réponses qui nous sont parvenues : il n’est pas de notre fait. Une précision cependant. Qu’on ne soit pas surpris de ne pas trouver ici de déclarations de Mme Marie-Josée Roig, député-maire d’Avignon, de M. Michel Vauzelle, président de la région Provence-AlpesCôte d’Azur, ou de M. Claude Haut, président du département de Vaucluse, ou encore du ministre de la Culture et de la Communication, M. Frédéric Mitterrand : nous ne les avons pas sollicités. Par le soutien permanent qu’ils accordent à la Maison Jean Vilar, ils prouvent assez leur engagement à nos côtés. Merci à tous ceux qui ont accepté de nous répondre. V R. F. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 V V Pages précédentes : Don Juan et Le Cid, régie de Jean Vilar, au Palais de Chaillot. Photos Paris-Match. Dessin de Mario Prassinos, projet d’oriflamme pour le Festival d’Avignon, direction Jean Vilar. Page 75 : dessin de Siné. Collections Association Jean Vilar 74 Coline Serreau : Une troisième voie L’utopie vilarienne a plus que jamais un sens. Le théâtre contemporain s’est scindé en deux courants : l’un élitiste et dépressif (la dépression profite toujours à la classe dominante), l’autre uniquement tourné vers le vedettariat et le profit. Le premier est subventionné par l’argent de ceux qui ne vont jamais le voir, l’autre par l’argent d’un peuple qui veut se divertir autant que se cultiver. Il existe une troisième voie pour le théâtre, Vilar l’incarnait, mais bien d’autres aussi avant et après lui. Il est temps que l’argent public aille à cette troisième voie pour qu’elle produise un théâtre à très haute exigence artistique, capable de procurer à son public le plaisir, la réflexion et l’espoir. ________________________________ Coline Serreau est actrice, réalisatrice et metteur en scène. Jean-Marie Hordé : Un socle originel La vertu dans l’antiquité, c’est le courage. Penser aux « vertus » de Vilar, c’est donc s’interroger sur le courage aujourd’hui, dans nos théâtres. Par exemple : comment repenser le lien de l’esthétique et du politique ? Qu’est-ce que résister et à quoi décidons-nous de nous opposer ? Quel sens donner aujourd’hui au qualificatif de populaire? J’ai proposé de travailler au « devenir populaire du théâtre d’art ». Quelles sont les relations possibles du répertoire et de l’impertinence ? L’utopie vilarienne s’appuyait sur un état de la société française et sur des organisations collectives vivantes. Comités d’entreprise et syndicats. Tout a changé. C’est pourquoi, l’aventure de Vilar reste un socle originel qu’il faut examiner pour s’en dégager. Le mot par exemple de « service public de la culture » ne me paraît plus opératoire : trop d’obstacles idéologiques et matériels s’y opposent. Il ne s’agirait plus seulement de « servir » mais de desservir... les formes, les académismes, les attentes convenues, les produits formatés, etc. Depuis Vilar, l’industrie du divertissement a pris un espace considérable. Elle s’est imposée comme référence. Il s’agirait maintenant de rendre public la complexité, ce qui pourrait tout à fait être un enjeu « vilarien ». Je n’ai pas vu les mises en scène de Vilar. Mais je l’ai lu. Oui, sa pensée irrigue toujours un champ contradictoire. Son exigence et sa forte intervention politique furent et restent des modèles. Pour le résumer en un mot, je retiens une force d’affirmation insoumise. Théâtre populaire pour chacun et théâtre élitaire pour tous devraient ainsi s’entendre comme une même tension. Ceci peut-être encore pour vous répondre : Vilar n’a jamais oublié que son ambition se situait au cœur d’une tension (comme tout enjeu démocratique). Et cette idée-là est plus neuve que jamais. Serait-ce une différence par rapport à lui ? Je crois que c’est un enjeu aujourd’hui de maintenir le plus possible et devant bien sûr le plus grand nombre la présence d’un «dissensus» opposé au consensus recherché par beaucoup. Une autre façon d’examiner ce qu’il en est du « succès ». Le dissensus, ce n’est pas constater que certains aiment quand d’autres n’aiment pas. 75 C’est mettre en scène, donner à voir et à penser ce qui divise. Et donc, les conditions de ce qui pourrait réunir. Pour moi, la leçon tragique reste vivante. ________________________________ Jean-Marie Hordé est metteur en scène et directeur du Théâtre de la Bastille, à Paris, auteur de Un directeur de théâtre, Pour un théâtre singulier, Les Solitaires intempestifs, 2008 Nicolas Roméas : Le courage et la pensée Notre attachement à Vilar renvoie moins à la figure légendaire qu’au courage et à la pensée du bonhomme réel qui n’a cessé de répéter qu’il fallait réunir au théâtre l’ensemble des couches sociales, estimant que pour qu’une grande pièce puisse résonner et donner toute sa puissance, il est indispensable de ne pas s’adresser à une classe plutôt qu’à une autre. Je trouve ce principe à la fois fondamental et d’une grande modernité. Le théâtre doit non seulement réunir l’ensemble des strates de la société, mais il a besoin de cette réunion même pour exister. On est loin des tendances caricaturales de notre société actuelle menacée de deux grands dangers : d’un côté l’enfermement dans l’élitisme avec un jargon d’experts coupés du parler simple et populaire, et de l’autre une commercialisation qui ramène tout au vendable, perdant ainsi le sens, c’est-à-dire ce qui n’est pas immédiatement consommable : un spectateur n’est en effet pas un simple récepteur ; il pense aussi, et ainsi peut faire résistance… Les néolibéraux ou ultra-libéraux mettent en avant la première tendance, tant ils sont soucieux de ne pas favoriser la démocratie culturelle et artistique ; il s’agit même pour eux de rendre la culture inaccessible au plus grand nombre. Et à l’intérieur de ce système, il y a évidemment aussi des intérêts V Caricature de Jean Vilar, Hermocrate dans Le Triomphe de l’amour, 1955. Dessin de Pierre Thébaud, Collections Association Jean Vilar LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 commerciaux… A cela s’oppose tout le travail d’action culturelle et artistique qui consiste à combler le fossé entre les élites et le peuple grâce à la circulation de l’art. Aujourd’hui ce fossé se creuse. On observe même un retour à une certaine féodalité. A l’élitisme répond de l’autre côté une « disneysation » générale. La reprise des contes de Grimm ou de Perrault ne consiste pas seulement à rendre ces œuvres digestes et assimilables par tous. On en ôte la part difficile, initiatique, le noyau dur. Au total, la standardisation produit des formes lisses immédiatement consommables. C’est ça l’industrie artistique : il faut concerner tout le monde et immédiatement. Mais pas dans le dialogue et l’idée de l’effort partagé comme dans les cultures populaires ! Je crois que Vilar incarne une étape et qu’il en avait conscience. Il y a chez lui quelque chose de même nature que chez Malraux : rendre accessible les grandes œuvres de l’esprit au plus grand nombre… C’est la définition de la démocratisation culturelle ! Mettre à disposition du plus grand nombre ce qui a été créé par un tout petit nombre. Et c’est tout le souci de Vilar, notamment au TNP de Chaillot. De nombreuses mesures (changement d’horaires, tarifs…) montrent son désir de se rapprocher des ouvriers. Il fallait ouvrir. Il a franchi cette étape avec une ténacité et un courage exemplaires. Et il a payé cette aventure de sa santé et de sa vie ! Il a même commencé par payer au sens propre, ayant pour seul salaire celui de chef de troupe, tout en étant responsable de sa gestion sur ses biens propres ! La carrière de Vilar est marquée par un douloureux tournant dont le paroxysme est 1968 avec la fameuse aventure du Living et les ridicules manifestations dont il fut l’objet avec Béjart. Vilar était sincère dans sa volonté d’aller plus loin que la démocratisation qu’il avait déjà si bien mise en pratique. Et ça l’a perdu. Songeons à l’ingratitude des jeunes de l’underground expérimental, qu’il s’agisse du Living ou de ses équivalents nationaux… C’est le traditionnel conflit des enfants et du Père, avec révolte et trahisons. 76 Le Père, quelle que soit sa bonne volonté, a vocation à être tué par ses fils… Vilar s’est donc heurté à un mur ; et il est tombé. De Vilar, on garde le souvenir des grandes réalisations célébrissimes. Pour ma part, je reste attaché à sa démarche initiale : la création d’Avignon avec René Char et le couple Zervos. C’est là encore la marque d’une volonté d’une extrême modernité avec la volonté de faire cohabiter toutes les pratiques de l’art : musique, peinture, théâtre – quelle transversalité avant l’heure ! L’art doit déborder ses propres frontières faute de quoi il est stérile. Vilar avait une très forte conscience de cette nécessité d’évoluer et de franchir les frontières des genres. ________________________________ Journaliste, Nicolas Roméas a fondé la revue Cassandre qu’il dirige depuis 1996. Guy-Pierre Couleau : Un espace du sens et de la critique C’est sur un idéal humain, artistique, engagé et militant que se sont fondés les premiers établissements de la décentralisation et c’est ce qui me touche encore dans le projet de « centre dramatique » instauré dans notre pays depuis l’après-guerre. Si je regarde autour de nous, dans les pays voisins de cette Europe qui se construit, je ne vois pas d’autre réseau institutionnel dédié à la création théâtrale d’une telle ampleur. Notre situation française du théâtre, pour fragile et problématique qu’elle puisse paraître parfois, est bel et bien une chance pour notre démocratie, et nos théâtres publics, qui accueillent un nombre considérable de spectateurs chaque saison, constituent un espace du sens et de la critique précieux pour l’ensemble de notre société. Ils sont les refuges possibles de tout un chacun en ces temps perturbés de crise financière mondiale et de conflits ethniques à répétition. Les théâtres publics sont très fréquentés en ce moment et c’est bien la preuve de leur nécessité au plan social comme au plan politique, dans le sens large du terme. Mais le fait réjouissant est que nos scènes ne soient pas devenues ce que Camus refusait en son temps, des « tréteaux moralisateurs », mais au contraire des espaces partagés où s’expriment librement les images du réel par le prisme métaphorique du théâtre. Ce théâtre d’à présent ressemble-t-il à ce théâtre populaire dont rêvait Jean Vilar ? Avons-nous conscience aujourd’hui de la puissance de notre art dramatique ? Vilar pensait « qu’un théâtre pur, sans surcharge et libéré de tout didactisme n’était pas une entreprise vaine en un monde intéressé et belliqueux ». Si cette phrase résume l’utopie vilarienne, alors j’y souscris sans réserve, puisque elle ne peut se conduire qu’avec passion, foi, amour et abnégation. Elle ne doit se construire qu’avec les acteurs pour les spectateurs. Et c’est à nous maintenant de traquer la surcharge, de convoquer le sens et de laisser s’exprimer l’humanité sur les plateaux dont nous avons la responsabilité. C’est à nous d’inventer un nouveau temps de la décentralisation théâtrale et de redonner les scènes aux écritures poétiques, aux images du monde et aux corps de ceux qui parlent pour nous chaque soir au public : les acteurs. Le théâtre se rêve au quotidien, dans les gestes et les paroles qui habitent nos journées. Le théâtre s’écrit sur nos scènes soir après soir, dans l’effort et le travail des artistes, dans le désintéressement et la générosité. Le théâtre se fabrique avec humilité, mais non sans une ambition : celle de dépeindre l’humanité pour tenter modestement de l’améliorer. Robert Cantarella : L’utopie est un sens L’utopie de Vilar a un sens, si par utopie on entend un non lieu, une aspiration, un territoire non encore exploré, alors oui cette utopie a un sens, mais surtout est un sens. Le travail à faire pour l’accomplissement d’une mission publique de l’art de la scène est un sens. C’est-à-dire une direction, un appel, une pente, mais aussi une manière de se comporter, de se rendre compte, d’entretenir une colère, de chercher sans prévoir, de refaire sans cesse. C’est un sens. La mission d’un service public que l’on peut résumer ainsi : faire du bien commun avec le bien commun, est toujours aussi NEUVE. Ce qui me semble VIEUX est la démission qui consiste à divertir chacun au nom de la pluralité des publics. Chez Vilar, le singulier appliqué au mot public, est un choix politique, et la responsabilité du jeu en est un autre. Le jeu sur les langages, tous les langages. Le commun est une affaire sérieuse et joueuse. Notre temps s’occupe surtout des noms propres et de la cible qu’ils représentent pour mieux les noyer dans les flux des modes. Tous ceux qui contredisent ces penchants sont des continuateurs du travail de veille de Vilar, qui lui-même entretenait l’utopie d’un précédent : Dullin, Gémier, Meyerhold, etc. Je n’ai pas de nom propre qui nommerait le lauréat du Vilar d’Or, mais un souhait. Ne pas embaumer l’insoumission qu’il représente. ________________________________ Auteur, metteur en scène, directeur de théâtre, Robert Cantarella a codirigé le CENTQUATRE à Paris de 2006 à 2010. ________________________________ Comédien et metteur en scène, Guy-Pierre Couleau est directeur du Centre dramatique régional de Colmar depuis 2008. 77 Christophe Barbier : Un service public du théâtre De Jean Vilar, il demeure une photo et un rêve. La photo, fameuse, le montre devant son miroir de comédien, regard désespéré et mystique à la fois, regard d’un homme dévoré par le feu de son art. Il puisait sur la scène, il puisait dans les textes, une force vitale à nulle autre pareille et, à la fois, il y creusait une tombe pour son âme. Il le savait. Profération, profanation : en ce regard passe la malédiction des acteurs et leur invincible résistance. Le rêve est celui d’un service public du théâtre. Rien n’est plus opposé à la scène que l’art officiel, l’académisme et la servilité envers le pouvoir. Et pourtant, Vilar a cru qu’un art dramatique pouvait prospérer à l’abri de politiques publiques, un art libre dans sa conception et audacieux dans ses réalisations. Chaque jour, chaque soir, les scènes nationales et les théâtres de la décentralisation prouvent qu’il avait raison : si l’utopie s’est un peu disloquée en touchant terre, nul n’imagine que l’argent du peuple ne soit plus, en partie, consacré à la culture du peuple. ________________________________ Journaliste politique, Christophe Barbier est directeur de la rédaction de L’Express. Frédéric Franck : La place de l’artiste dans la société Mais était-ce là véritablement ouvrage d’artiste ? Sur un plan artistique, l’esthétique du dépouillement chez Vilar clôt un mouvement initié par Copeau et poursuivi par le Cartel plus qu’elle n’annonce celle de Brook ou celle de Regy, par exemple. Chaque chose ayant son revers, on peut regretter que se soit imposé avec et après Vilar le règne des grosses jauges pouvant accueillir les masses au détriment de l’intimisme de certaines salles conçues pour la communion entre un public certes moins nombreux et des acteurs autour d’une pensée, d’une voix, d’une langue offertes en partage… Il est troublant de noter que Georges Wilson – qui fut son compagnon de route et successeur au TNP – inscrivit son travail dans la décennie 1980 à l’ombre de Georges Herbert dans le cadre du petit Théâtre de l’Œuvre, théâtre privé qui était quelques années auparavant celui que Lugné Poe avait voué tout entier à la poésie. Wilson avait fait là un choix de modestie, par lequel sans prétendre bouleverser l’histoire du théâtre, à l’abri du monstre médiatique, il pouvait mener simplement son ouvrage d’artiste. Qui peut nier que la Cour d’honneur du Palais des papes en Avignon et le Palais de Chaillot sont des lieux qui imposent à ceux qui s’y expriment le primat du spectaculaire sur le poétique ? LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Vilar et Wilson voulurent tous deux être des intercesseurs de la poésie vers les gens, mais là où Vilar s’est appuyé sur un génie de commerçant – ce qui dans ma bouche on l’aura compris n’est nullement péjoratif – affectant au politique un rôle moteur, Wilson a fait œuvre d’artiste, de comédien dans son acception la plus noble en posant le jeu comme centre de gravité de cette intercession. Loin de moi dans cette contribution la volonté de minimiser ce qui reste d’une des plus belles aventures de théâtre du vingtième siècle ; je me propose simplement d’interroger de façon critique le regard que l’on a porté sur elle depuis des décennies de telle manière qu’elle retrouve sa juste place. Les trajectoires comparées de Georges Wilson et Jean Vilar nous invitent à réfléchir sur la place de l’artiste dans la société. N’est-il pas contraint à une certaine solitude, une relative pauvreté, une indéniable marginalité pour laisser s’exprimer la part la plus secrète de soi ? N’est-il pas en danger à la tête de grandes et belles institutions – aussi légitimes soient-elles – que sa voix se dilue et finalement se perde, cesse peu à peu d’être celle d’un homme pour devenir simplement celle de son institution ? ________________________________ Frédérick Franck est directeur du Théâtre de la Madeleine, à Paris. Manuel Valls : Théâtre et politique « L’art du théâtre, disait Jean Vilar, ne prend toute sa signification que lorsqu’il parvient à assembler et à unir ». Osons le mélange des genres et l’inversion des mots. Changeons « théâtre » par « politique ». Nous aurons la définition parfaite d’un défi majeur de notre époque. Jean Vilar se prépare à jouer L’Avare. Photo Agnès Varda / CDDS Enguerand V A l’évidence, la figure de Jean Vilar – plus que toute autre – domine, pour les historiens, le théâtre au vingtième siècle en France. Véritable initiateur de l’idée de service public du théâtre, il a contribué à structurer sur ce socle les fondements de toute l’architecture dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui. Rendons grâce au citoyen Vilar d’avoir su favoriser l’accès des classes sociales les moins privilégiées de la société aux plus grands chefsd’œuvre de l’art dramatique, d’avoir su trouver le point de rupture avec une certaine tendance qu’avait le théâtre d’être entièrement confisqué par les classes aisées cultivées qui le réduisaient à ne devenir qu’un pan de leur identité. Dans une société encore meurtrie par la guerre, le théâtre se fixait par sa voix une fonction de rassemblement. A ce titre, il contribuait à déminer les conflits sociaux, servant donc de facto les intérêts du pouvoir en place, ce que 1968 ne pardonnera jamais à Vilar. 78 79 79 Art de mettre en lumière les choix collectifs, le politique peine aujourd’hui à fédérer. Prises entre les tendances narcissiques et les tentations communautaires, les sociétés modernes génèrent de moins en moins de sens partagé. L’idée même d’universalité parait souvent ringarde. Qu’elles soient limitées à la recherche de plaisirs individuels ou au respect de coutumes singulières, les aspirations modernes ne lient plus guère les hommes entre eux. La culture reste heureusement un puissant ciment de cohésion sociale. A travers ses mille couleurs, elle offre toujours, à chaque individu, la possibilité de retrouver sa condition dans celle des autres. Autour d’une scène de théâtre, notamment, acteurs et spectateurs célèbrent ensemble la grandeur et la misère des hommes livrés aux aléas de la comédie et de la tragédie. Cette expérience de fraternité sert autant l’union de tous que l’émancipation de chacun. Elle fait exploser, dans la ferveur des applaudissements, les limites aliénantes du narcissisme et du communautarisme. Anne Hidalgo : Le théâtre comme une fête L’action et la pensée de Jean Vilar restent pour moi d’une intense actualité, notamment dans son rapport au « service public ». Sa manière de concevoir l’art comme un domaine vital et indispensable, son rôle crucial pour redonner leur place aux artistes, son souci permanent de la gestion scrupuleuse des deniers publics, témoignent de la haute considération qu’il accordait à sa responsabilité. Avec l’expérience du Théâtre National Populaire, Jean Vilar a également renoué avec une conception plus accessible de l’art, un art total, mêlant les disciplines, bohème et itinérant, un art qui se veut avant tout une fête. Fidèle à l’héritage des Lumières, il a privilégié en effet un rapport direct avec le public, se défiant des intermédiaires et des récupérations politiques. Il a toujours gardé le noble objectif du théâtre, celui d’élever les esprits, celui du « théâtre enseignant ». ________________________________ Anne Hidalgo est Première adjointe au Maire de Paris. Rendre le théâtre populaire ? D’évidence, l’objectif de Jean Vilar demeure d’une actualité criante pour notre siècle. Que personne n’aille désormais chercher dans cette volonté une violence symbolique de classe. Pour ma part, elle repose sur une seule conviction : rendre le théâtre populaire et préserver les conditions du vivre-ensemble est un même combat. ________________________________ Manuel Valls est député de l’Essonne et Maire d’Evry. V Ci-contre : Photo Mario Atzinger Page 83 : Photo Maurice Costa LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 80 Stuart Seide : Le cœur du geste théâtral Quand je lis les propos de Jean Vilar, ou regarde les documents sur son travail, un mot me vient à l’esprit : la clarté. Je suis frappé par la limpidité de ses choix artistiques, de l’énonciation de son engagement et de sa conception du théâtre public. Je vois dans sa démarche une véritable quête de la simplicité. Il évitait le décoratif, le superflu et visait l’essentiel de l’œuvre et de l’acte théâtral. Un autre aspect de sa pratique qui m’est cher est sa notion du metteur en scène / directeur en tant que chef de troupe. Il reconnaissait pleinement que la création théâtrale résulte de la réunion cohérente de talents et de métiers différents. Il a su ériger son art en démontrant que l’homme de théâtre est à la fois artiste et artisan. Avec dignité et une passion retenue exprimant une grande vigilance et une extrême exigence, il a défendu un théâtre qui veut se tenir droit. ________________________________ Metteur en scène, Stuart Seide est directeur du Théâtre national Lille-Tourcoing Région Nord-Pas-deCalais et de l’Ecole professionnelle supérieure d’art dramatique de la Région Nord-Pas-de-Calais Alain Timar : Artiste et citoyen Trois photos me reviennent en mémoire et symbolisent parfaitement ce que je ressens de « l’esprit Vilar » : sur la première, il porte une salopette de travailleur manuel que je suppose en toile bleue, chemise aux manches retroussées et appuyé sur un mur. Sur la seconde, on le voit acteur dans sa loge se regardant dans un miroir ; au fond une grande grille donnant sur l’extérieur. Sur la troisième enfin, il dialogue debout, les bras croisés, avec de jeunes gens assis autour de lui... la scène se passe en 1968 ! De l’ouvrier-artisan en passant par l’artiste face à lui-même et le nécessaire dialogue avec une société 81 Le théâtre ? Une infime part de marché sur le plan économique, une immense sur le plan humain. Souvenez-vous et souriez en pensant à ce slogan publicitaire d’une banque à vocation mutualiste : « Nos valeurs les plus précieuses ne sont pas cotées en bourse. » Il faut certes travailler au plus près d’un public, non pas pour lui donner en pâture les jeux du cirque, mais dans un souci de sincérité absolu et de qualité artistique. Qualité, absolu, sincérité : des mots apparemment désuets dans un monde dévolu à la rentabilité et au consumérisme. Quelle rigoureuse et triste ascèse pourriezvous ajouter ? Eh bien détrompezvous : le plaisir et la joie partagés n’en sont pas exclus, le divertissement non plus ! ________________________________ Metteur en scène, Alain Timar est directeur du Théâtre des Halles, à Avignon. Car la question de la relation aux autres reste centrale. Prendre conscience qu’il y a « des autres » sur un plateau comme dans la salle rend à nouveau possible ce rêve du « mieux vivre ensemble ». La notion de « troupe » revêt ici son sens profond en considérant ses partenaires de jeu comme des alter ego sensibles, inventifs, intelligents. Elle rend compte du travail commun de création nécessaire à la construction de l’œuvre théâtrale et humaine. Il en va de même pour le public : ne pas le chosifier en le réduisant à l’unique statut de consommateur, ne pas le mépriser du haut de ses soi-disant connaissances ou de sa tour d’ivoire, ne pas l’avilir dans le moins-disant culturel, mais magnifier le désir de transmettre, partager, éduquer. Si l’on considère la politique culturelle actuellement conduite en France, comment ne pas conclure que l’esprit de Vilar est bien loin ? Sa pensée est absente des pratiques actuelles et les exceptions sont rares qui confirment cette observation. La stratégie commerciale du théâtre privé, qui s’appuie sur le vedettariat, ne vise qu’à remplir les salles. Quant au secteur public, on peut certes encore y trouver quelque ersatz de pratique vilarienne, mais la primauté de l’éthique a fait long feu. Les comités d’entreprise n’étant plus ce qu’ils étaient, on a abandonné le démarchage en direction de ceux qui ne vont pas au théâtre. Comment dès lors espérer construire un « public populaire » ? On cherche simplement à remplir les salles avec des groupes, notamment en puisant dans la population scolaire. Il n’y a pas là prétexte à indignation. Il est nécessaire de toucher les scolaires à travers les établissements pour initier les jeunes à l’art théâtral, mais on est loin de la pratique de Vilar qui plaçait le théâtre au centre de la réflexion sociale et politique. S’il est un endroit où perdure l’esprit de Vilar, c’est peut-être au cœur des compagnies indépendantes qui, contre vents et marées, développent leur répertoire en relation avec un public. Il nous faut retrouver un langage non fondé sur la possession mais sur la relation. J’ai vu et j’ai profondément ressenti cette relation à l’autre avec Philippe Avron. Sa belle œuvre accomplie, il nous indique lui-aussi le chemin... Il nous faut aujourd’hui refonder partout sur le territoire une politique publique du théâtre et de la culture. Il nous faut trouver un nouveau dialogue des cultures. Il nous faut des artistes engagés dans leur art et dans le monde, responsables, rebelles, passionnés. Gérard Gelas : Réfléchir au contenu des œuvres LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Analysons l’évolution actuelle du Festival d’Avignon. Le public du « In » est un public très sélectionné qui goûte une sélection qui lui est toute dévolue, quoi qu’on proteste. Il n’y a pas de travail sur le « non-public ». Je n’exprime là aucune nostalgie de la pratique de Vilar qui était pour moi un maître ; je ne vis pas dans le passé. Mais il manque assurément dans de nombreux théâtres et festivals une réflexion sur le contenu des œuvres qui nous rattacherait, d’une manière non passéiste, à la pensée de Vilar. Loin des incantations et des gesticulations censées rendre hommage, périodiquement, au Père supérieur parce qu’on est, le cas échéant, à Avignon. Il ne s’agit pas de remonter les pièces choisies par Vilar et qu’il rattachait aux événements politiques de son temps, mais simplement de présenter des textes contemporains qui font sens aujourd’hui et qui sont négligées dans les grands établissements. La rupture est nette. Dans son inconscient, la profession semble en être restée aux allégations de ceux qui annonçaient la fin de l’Histoire. On a vu la suite : les auteurs sacrifiant tout à l’ego et, dans le meilleur des cas, à la psychologie des profondeurs ont été portés aux nues dans les grandes institutions, hors de toute connexion au social, à l’histoire, au pays, à toutes les questions que les citoyens peuvent se poser. Edward Bond ou Michel Vinaver sont évidemment des exceptions. Vilar était au début d’une histoire qui est aussi celle de la Décentralisation. Ce point est à considérer. Mais il en est un autre : sa rencontre avec de grands commis de l’Etat. On ne peut pas imaginer Vilar sans Jeanne Laurent. Pour concevoir le développement, par exemple, du Théâtre National Populaire à partir de 1951, il fallait une forte volonté au sommet de l’Etat. Ce type de commis fait aujourd’hui défaut. Lettre de Jean Vilar pour le programme Education et théâtre, Avignon 1951. Collections Association Jean Vilar 82 V qui n’arrête pas de bouger, Jean Vilar résonne et parle. Il me dit qu’on peut être artiste et citoyen, qu’on peut porter à travers son art une parole qui s’adresse à tous... et à chacun. Oui, je pense que la parole de l’artiste, aussi exigeante soit-elle, concerne la société tout entière. 83 fait. » C’était un Père Courage et il a dû mener des combats de chien pour imposer sa liberté sous un ciel qui commençait à être bancaire. Imaginet-on bien ce qu’il lui a fallu d’audace pour ôter au TNP, abimé par l’Etat, sa place cardinale à Avignon ? Mesuret-on bien que, privé de plateau, il a tenu ? Ce grand intendant, qui n’a jamais rompu avec les associations (comme les incontournables CEMEA), n’est ni une icône ni un meuble en Avignon, mais du combustible pour être non dans le vent (commercial) mais dans le coup (artistique). Il faut avoir « assez de clairvoyance et d’opiniâtreté pour imposer au public ce qu’il désire obscurément», disait Jean Vilar qui agissait selon. ________________________________ Ministre de la Santé de 1981 à 1983, puis de l’Emploi de 1983 à 1984, Jack Ralite a été maire d’Aubervilliers de 1984 à 2003. Fondateur des Etats généraux de la Culture, il est sénateur de la Seine Saint-Denis depuis 1995 après en avoir été député. Martine Aubry : La culture du cœur et de l’intelligence Et la désertification que l’on constate dans le domaine théâtral participe d’un affadissement plus général de la pensée. Que produisent les uns et les autres, artistes et responsables politiques ? La société du spectacle tue le spectacle puisque c’est ellemême qui se donne en représentation. ________________________________ Auteur et metteur en scène, Gérard Gelas est directeur du Théâtre du Chêne Noir, à Avignon. Jack Ralite : Un Père Courage Aujourd’hui, ceux qui ont partagé l’aventure théâtrale vilarienne l’évoquent avec passion, quitte à donner à ceux qui n’étaient pas nés l’idée d’un temps miraculeux où tout réussissait. C’était pourtant beaucoup plus complexe et Vilar n’a cessé, de la Libération à sa mort, c’est-à-dire pendant trente ans, de se battre parce qu’il était combattu sans vergogne et sans dignité. Le centre de sa bataille était l’artistique et ses rapports au populaire, tâche inouïe toujours à mener, qu’il s’agisse des textes, des acteurs, des metteurs en scène, de ses notes de travail quotidiennes, véritable carnet de route de ses créations artistiques. Vilar n’a jamais cédé sur la liberté de création, sur le répertoire et ses dimensions contemporaines. C’est sur cette démarche qu’il m’a par exemple, en 1967, demandé d’organiser, à Avignon, une rencontre entre artistes et élus. Et, comme il disait lors de sa conclusion : « Aussi étonnant que cela puisse paraître, cela ne s’était jamais LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Jean Vilar a porté, à travers l’idée d’un théâtre populaire, la conception d’un théâtre universel et ouvert au plus grand nombre. Cette réflexion irrigue une vision plus large de la place de la culture dans nos sociétés. Parce que l’accès à la culture est un droit fondamental, la responsabilité des pouvoirs publics est grande. Mais regardons au-delà… du côté des valeurs. La culture a toujours fait le lien entre les hommes, à travers les siècles. Aujourd’hui défendre une « culture populaire » au sens où elle est partagée par le plus grand nombre, c’est revendiquer l’émancipation de chacun par l’émotion et la réflexion, c’est ériger un rempart face au morcellement de nos sociétés et au repli sur soi. La culture qui en appelle au cœur et 84 L’utopie vilarienne, si elle n’est pas totalement accomplie près de 60 ans après, est toujours d’une grande acuité. Aujourd’hui nos théâtres, nos musées, etc. ne désemplissent pas. Depuis toutes ces années, des défis ont été gagnés, des portes ont été ouvertes. De beaux exemples de réussite existent dans nos villes et nos régions. A nous de poursuivre dans cette voie : en favorisant le travail et l’indépendance des créateurs, en portant l’art et la culture au plus près de chacun, en créant de nouvelles rencontres et passerelles entre les artistes, les œuvres et le public. Avancer dans cette voie, c’est porter un projet de société qui redonne du sens au vivre ensemble dans la cité. ennuyeuses ont en commun de viser (parfois désespérément) un RÉEL ou une « vie » décrétés plus riches que toute signification. Les interventions des philosophes cyniques de même ridiculisaient la parole, la culture ou les « humanités » en soulignant crûment la proximité de l’homme et du chien. La scène que nous dirons civique creuse au contraire leur écart. L’homme n’est pas un quadrupède s’il échange des signes, et articule une parole. Notre sémiosphère construit des représentations qui ne se ramènent pas à la simple présence, et ce droit à la représentation définit la démocratie autant que le pacte théâtral. La dimension verticale de la scène dédouble le monde : l’acteur n’est pas son personnage, la carte plane au-dessus du territoire, le fait n’épuise pas le droit, le mot CHIEN ne mord pas... Les disjonctions signifiantes de l’artifice scénique instaurent un métaniveau, plan idéal d’action ou de réflexion et point de fuite à l’infini. Pour ce droit au théâtre, qui recoupe depuis Eschyle un théâtre du droit (origine de la tragédie), Vilarle-juste aura beaucoup œuvré. Sa fine silhouette demeure, fléau entre les deux plateaux. ________________________________ Agrégé de Philosophie, Professeur émérite en Sciences de la Communication à l’Université Stendhal de Grenoble, Daniel Bougnoux est rédacteur en chef des Cahiers de Médiologie et de la revue Médium. V à l’intelligence, qui nourrit le débat d’idée et l’esprit critique, est un terrain sur lequel nous retrouver pour mieux nous ouvrir les uns aux autres et mieux comprendre notre monde et ses dérives. Maquettes d’affiches V de Marcel Jacno. Collections Association Jean Vilar ________________________________ Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle de 1991 à 1993, puis ministre de l’Emploi et de la Solidarité de 1997 à 2000, maire de Lille depuis 2001, Martine Aubry est Premier Secrétaire du Parti socialiste. Daniel Bougnoux : Vilar le juste Jean Vilar, que j’ai peu croisé, m’aide à mieux distinguer entre deux sortes de scènes (pas seulement au théâtre). La scène cynique, devenue tendance jusqu’en Avignon, renonce aux prestiges usés de la représentation, à laquelle elle oppose divers modes de présence : par soustraction de l’intrigue, ou des personnages, par accumulation des objets, ou inversement par une ascèse minimaliste dénudant l’acteur, l’espace ou le temps du spectacle, par l’obscénité, la cruauté ou autres modes d’autoréférence, ces multiples scènes décoratives, sensationnelles, ou mates, plates et facilement 85 Bernard Faivre d’Arcier : Du Vilar pour tous ! On a coutume de citer de Jean Vilar, une phrase – à l’accent léniniste – selon laquelle la culture devrait être un service public à l’instar de l’eau, du gaz et de l’électricité. C’est une formule qui manifestait une foi envers le bien commun, l’aspiration d’un égal accès de tous à la culture. De nos jours, cette citation paraît renvoyer à l’âge d’or d’un volontarisme culturel qui ne semble plus partagé par les Pouvoirs publics. À dire vrai, Jean Vilar ne reconnaîtrait pas l’état de ces services publics qui ont bien changé sous la pression d’une « privatisation/ mondialisation » qui n’épargne aucun domaine économique ou social. Passer de la culture pour tous à la culture pour chacun. Est-ce là un effet de style, ou cela sous-entend-il que l’on tente d’élaborer une nouvelle pensée politique de l’action culturelle publique ? La culture pour chacun signifierait-elle l’abandon de faire partager une exigence artistique et culturelle à tous, en laissant à chacun selon ses moyens (son niveau d’éducation, son sens critique vis-àvis des nouveaux médias, son agilité à manier les nouvelles technologies et les réseaux sociaux) le soin de se construire individuellement ses références puisées au hasard des sollicitations et notamment celles des fournisseurs d’accès et des industries culturelles ? La question qui peut se poser devient donc celle des contenus à partager, de la cohésion culturelle des groupes sociaux, de l’exclusion des publics n’ayant pas les mêmes moyens d’accès, y compris à travers les services payants à venir d’internet. La culture pour chacun risque aussi de privilégier la culture à domicile au détriment des pratiques de groupe et les productions culturelles qui peuvent s’appuyer sur des industries, c’est-à-dire des œuvres reproductibles au détriment par exemple du spectacle vivant qui, lui, suit une économie de prototype d’une tout autre nature. La question se pose aussi de la gratuité (fausse ou réelle) de la culture offerte, de la rémunération des créateurs et des producteurs, de l’homogénéisation/ standardisation internationale et même de la perte du sentiment d’identité culturelle. L’exigence vilarienne, celle de présenter au plus large public possible un répertoire de qualité avec le souci d’une double rigueur tant éthique qu’esthétique, a été habilement transmise par Vitez et son « élitaire pour tous ». Un slogan aux allures de sourire en coin qui garde toute sa pertinence. Malheureusement on a voulu faire de la « culture pour tous » – qui était un appel politique, un cri de ralliement – un critère d’évaluation pour juger de l’efficacité, de la pertinence et finalement de la légitimité de l’activité publique dans le domaine de la culture. La publication d’études conduites par le ministère de la Culture sur l’utilisation du temps de loisirs des Français à l’heure de l’économie numérique a donné lieu à un jugement dévastateur selon lequel la démocratisation de la culture aurait échoué. Comme si on assignait (au nom de Jean Vilar lui-même) à tous les acteurs du champ culturel la tâche de réparer l’injustice sociale, la décomposition du système éducatif, la précarisation des emplois, l’affaiblissement économique du pays. Ce thème même de démocratisation qui fut, dans les années 70, critiqué au nom de la démocratie culturelle, se révèle, de nos jours, inadéquat, en tout cas comme indicateur de résultat car il ne rend pas compte du formidable développement culturel de notre territoire en un demi-siècle. Il ne s’agit donc pas de reprendre les mots des années 50 ou 60 qui, manifestement, sont retournés contre l’esprit même de leurs auteurs. Comme si on pouvait juger de l’importance culturelle et artistique d’une nation par des études de LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 marché dont les industries culturelles sont coutumières… Il s’agit au contraire de retrouver le lyrisme et l’ambition des discours de l’époque et je dirais même de leur naïveté, de leur virginité originelles. À ce titre, l’aventure vilarienne reste d’actualité. C’est d’une pensée politique ragaillardie que nous avons besoin et non d’étude de comportement de consommateur qui tient pour inapte au commerce toute pratique minoritaire – taxée d’élitaire – dès qu’elle ne répond point à l’analyse audimatique qui sert désormais de guide à la pensée politique. ________________________________ Directeur du Festival d’Avignon de 1980 à 1984 puis de 1993 à 2003, Bernard Faivre d’Arcier a été en charge de la Direction du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture de 1989 à 1992. Gérard Bonal : Vilar respectait tout le monde Je ne suis pas assez informé des productions du théâtre public et de ses animateurs actuels pour apporter ma contribution à votre enquête. Cependant, j’ai souvent l’impression que les successeurs de Vilar (je préfère ce mot à celui d’héritiers, car ils ne me semblent pas avoir recueilli l’héritage de Vilar – à moins qu’ils ne l’aient frivolement dilapidé…) ont perdu le secret d’un vrai théâtre Le TNP en tournée, Prague 1955. Le Cid : Gérard Philipe, Jean Vilar, Georges Wilson, Silvia Monfort, Monique Chaumette, Laurence Constant, Gérard Philipe, Jean Deschamps ; Don Juan : Jean Vilar, Christiane Minazzoli, Monique Chaumette, Daniel Sorano, Jean-Pierre Darras, Georges Wilson, Zanie Campan ; Ruy Blas : Gérard Philipe, Christiane Minazzoli, Daniel Sorano. Photos J. Svoboda. 86 87 populaire qui n’est pas forcément synonyme de théâtre d’aujourd’hui. Les deux derniers spectacles que j’ai vus au cours de l’actuelle saison parisienne m’ont laissé rêveur – pour ne pas dire plus ! Je ne nommerai pas les metteurs en scène car je me suis empressé d’oublier leur nom. Deux pièces admirables piétinées sans scrupule par des hommes qui veulent sans doute nous montrer l’étendue de leur talent. Vilar respectait tout le monde : les auteurs, les comédiens, le public. Toute la différence est là. Mais je sais bien que c’est un avis de vieux schnock – que je suis ! ________________________________ Auteur et journaliste, Gérard Bonal a notamment publié une biographie, Gérard Philipe, édition augmentée, Seuil, octobre 2009. V V Photo Sabine Weiss Photo Jacques Pourchot Stanislas Nordey : Parler à l’individu, non à un groupe Ce qui me frappe dans l’héritage de la pensée de Vilar c’est peut être la perspective et le destin de ces deux lieux emblématiques de la représentation vilarienne : la grande salle du Théâtre National de Chaillot et la Cour d’honneur du Palais des Papes. La question du gigantisme est une question qui aujourd’hui montre ses limites. S’il s’agit d’élargir les audiences il semblerait que ce soit au contraire par un tissage plus fin, un tamis avec de plus petits trous, loin de la cérémonie qu’engendre nécessairement ces arènes qui induisent de fait une certaine esthétique. Pour un artiste de théâtre ces deux lieux sont des monstres sans doute parce qu’ils sont en contradiction avec la nécessité de parler du monde les yeux dans les yeux et non pas à la masse. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 On rêve de parler à l’individu et non à un groupe d’individus. Il y a un écart considérable entre parler à des centaines de spectateurs et parler à des milliers. L’idée de Vilar en investissant ces lieux était une envie de conquête de cœurs et d’esprits par milliers et ce, à un moment très particulier de notre histoire, alors qu’aujourd’hui les cultures de masse que sont télévision ou grands concerts emmènent le théâtre à un autre âge, une autre responsabilité de son histoire qui passe par un rapprochement avec l’individu dans la salle de spectacle. Pour l’homme ou la femme de théâtre, et aussi pour le spectateur qui veut se rapprocher des acteurs, c’est la salle de 300 places qui est la mesure nécessaire. ________________________________ Comédien et metteur en scène, Stanislas Nordey est artiste associé au Théâtre national de Bretagne. 88 François Hollande : Une utopie accomplie Les jeunes générations qui se rendent chaque année en Avignon ne savent pas forcément ce que le Festival doit à Jean Vilar. Il s’en moquerait bien. Sa volonté de rendre le théâtre accessible à tous était une utopie. Et il l’avait accomplie. A Tulle, préfecture de la Corrèze dont je fus le maire, il y avait encore, dans les années 1990, une salle dénommée “Université populaire”. Il s’agissait modestement de démocratiser toutes les formes de culture et de conjuguer création et accession du plus grand nombre. Jean Vilar l’avait bien compris. Dans la Maison Jean Vilar s’échangent idées, initiatives, projets. C’est la meilleure façon de servir le rêve, l’imagination et l’émotion. ________________________________ Premier Secrétaire du Parti socialiste de 1997 à 2008, François Hollande est président du Conseil général de la Corrèze et député de la première circonscription de la Corrèze. Vincent Josse : Fraternellement vôtre C’est en regardant autour de soi qu’on s’aperçoit de la place de Vilar dans sa vie, ce patron exemplaire, cet homme intègre dont les photos reflètent une personne austère au sourire tellement rare. La photo est un mensonge, dit-on, et dans le cas de Vilar, c’est vrai. En feuilletant dans ma bibliothèque les livres consacrés à Vilar (il y en a cinq ou six, tout de même !), je m’aperçois que les comédiens du TNP affirment que leur mentor avait de l’humour. Ils se souviennent de son rire et même de leurs fous rires, ensemble. Cet adverbe, ensemble, est peut-être le mot le plus emblématique du projet théâtral populaire de Vilar. Offrir ensemble, comédiens et techniciens, sous son autorité de régisseur, un véritable théâtre de répertoire au plus grand nombre. Accorder à ceux qui ont peu de moyens un théâtre au prix abordable pour partager un poème sur une scène. Trouver du temps pour dialoguer avec les jeunes et les moins jeunes du choix de ce répertoire. Ensemble. Du grand souffle vilarien, c’est cet esprit d’aventure fraternelle qui manque, notamment dans le service public qu’il a admirablement servi. Depuis quelques années, par exemple, on a le sentiment que la Maison de la Radio a été vendue en appartements. Les antennes ont été verticalisées, leur autonomie encouragée, avec comme résultat une tendance au chacun pour soi. La synergie entre les radios s’envole, l’esprit collectif s’évapore, notion désuète, hélas. A chacun son émission, son créneau, son monopole, il s’agit de sauver sa peau, sans plus de réflexion sur le sens du métier et la sacro sainte mission de service public. Sur l’une de mes étagères, trônent ces mots de Vilar (placés dans un modeste cadre en verre) adressés à « Messieurs les membres des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active », ces mots que je lis et relis souvent parce qu’ils font écho à mon métier de journaliste dans une radio publique : « Nous jouons ce soir Le Cid pour vous. Nous en sommes heureux. Soucieux comme vous de toujours mieux faire. Avec des moyens différents, n’avons-nous pas en quelque sorte la même mission ? Fraternellement vôtre, Jean Vilar. » ________________________________ Vincent Josse est journaliste à France Inter. 89 Robert Abirached : Une triple leçon Jean Vilar, il faut le dire et le redire, a conduit son action dans un contexte intellectuel, politique et social d’une tout autre nature que de nos jours. S’est-il vraiment laissé entraîner dans une rêverie utopique ? Lorsqu’il se réclamait d’un théâtre service public (c’est lui qui a réactivé cette notion, qui n’appartenait pas, me semble-t-il, au vocabulaire de Jeanne Laurent), il avait d’abord en vue un théâtre inscrit dans la vie de la cité et dans l’histoire du monde, capable de proposer une vision critique et libératrice des questions qu’il abordait, par l’exercice même d’un jeu et d’une action ancrés dans la fiction. Car le service public ne peut se réduire à l’ambition d’élaborer un théâtre d’art : il commence là où une entreprise peut être reconnue d’intérêt général et capable de répondre à un véritable besoin collectif, quels que soient par ailleurs ses mérites et son importance propres. sachant accompagner avec une extraordinaire délicatesse les écrivains avec qui il avait à traiter, il se faisait aussi un devoir de rester à l’écoute des débats de l’heure, intellectuels et politiques, et de faire bon accueil aux jeunes artistes qui émergeaient (au plus vif des incidents de l’été 68, il songeait sans sourciller à ouvrir le festival à de nouveaux arrivants, pour peu qu’ils aient quelque chose d’un peu neuf à dire). Oui, Jean Vilar, beaucoup plus qu’un rêveur, c’était avant toute chose ce travailleur scrupuleux, cet artiste plein de générosité, ce citoyen engagé : comment oublier cette triple leçon, qui n’a jamais cessé d’être à l’ordre du jour au milieu du tapage, du narcissisme et de la désinvolture en constante croissance depuis qu’il nous a quittés ? ________________________________ Ecrivain et journaliste, Professeur émérite de l’Université Paris-OuestNanterre, Robert Abirached a été directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture (1981-1988). Christian Gonon : Un verger J’y ai planté un arbre il y une trentaine d’années quand je suis arrivé de Toulouse à Paris pour être comédien. Depuis au fil de mes doutes et de mes expériences de scène, je m’y promène cueillant les fruits nécessaires à ma croissance. Et ce verger est bien vivant. Il me relie de plus en plus profondément à l’aventure de la troupe qui est, pour moi, le cœur battant de toute création théâtrale. En 1971, j’avais 10 ans. J’écoutais les enregistrements sonores du TNP (et aussi de la Comédie-Française…) sur des 33 tours. Cela a été mon premier contact avec le théâtre et aussi mon premier désir d’appartenir à une troupe. Enfant unique, je rêvais d’une famille turbulente au son des trompettes d’Avignon ; Je cherchais des camarades pour jouer. Plus tard, j’ai pris conscience que ce jeu passait D’où le souci de Jean Vilar de constituer un répertoire à l’adresse de son public tel qu’il était et tel qu’il s’étendait de saison en saison : à défaut de trouver une écriture contemporaine qui se prêtât à l’immensité de Chaillot, c’est à Corneille, Shakespeare ou Lope de Vega qu’il demandait une dramaturgie pour le temps présent, sans renoncer à la recherche complémentaire de nouveaux auteurs, que la salle Récamier lui a pour un temps autorisée. C’est là, à travers l’usage quotidien de son métier, que la figure et l’œuvre de Vilar ont beaucoup à nous apprendre. Le directeur de théâtre qu’il a été demeure aujourd’hui comme hier hautement exemplaire : attentif à la marche quotidienne et à l’équilibre financier de son entreprise jusque dans les petits détails, amical et exigeant à l’égard de tous ceux dont le travail faisait exister Chaillot et Avignon, des techniciens aux acteurs, LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 90 Quand je suis entré à la ComédieFrançaise il y a 12 ans, J’ai joué avec Roger Mollien qui faisait partie du TNP que j’écoutais enfant. Je pouvais enfin mettre un souffle, un regard, un corps vivant sur une « idée» de théâtre. Roger était un peu devenu le jardinier de ce verger. ________________________________ Comédien, metteur en scène, Christian Gonon est Sociétaire de la ComédieFrançaise. Renaud Donnedieu de Vabres : Une référence Jean Vilar avait l’humanité des géants, tant sa passion pour le théâtre populaire était fondée sur une idée nouvelle, rayonnante d’une lumière éternelle. Il est un mythe présent dans la France d’aujourd’hui comme une réconciliation nécessaire entre le succès et l’exigence, entre l’adhésion des spectateurs et la beauté artistique, entre le peuple et les élites. Celui qui signait parfois les notes à ses acteurs au tableau de service, « le concierge de scène », était immense par sa générosité, son talent et sa vision politique du théâtre populaire. la même œuvre quelle que soit leur origine, promouvoir de magnifiques talents, autant de maximes qu’a incarné Jean Vilar et qui restent aujourd’hui des maîtres mots et des urgences. Jean Vilar a été pour moi, lorsque j’ai eu l’honneur d’être rue de Valois, une référence, incarnée par ceux qui continuent aujourd’hui à porter son étendard. ________________________________ Député d’Indre-et-Loire de 1997 à 2002, ministre des Affaires européennes en 2002, puis ministre de la Culture et de la Communication de 2004 à 2007, Renaud Donnedieu de Vabres est Secrétaire national de l’UMP depuis 2009, chargé de la Culture. Tendre la main, ouvrir les cœurs, galvaniser les esprits, faire sortir chacun de soi-même, crier l’égalité des regards et des êtres admiratifs de V par le travail, la confiance, le partage d’une humanité au cœur d’une « équipe » qui se met au service d’un auteur, d’un poète. Vilar dans sa loge, devant son tableau noir annoté de sa main (fin 1952) Photo Izis / Paris Match A droite : L’équipe du TNP, automne 1952 : Maurice Coussonneau, Jean-Pierre Darras, Zanie Campan, Jean Deschamps, Christiane Minazzoli, Jean Vilar, Jean-Paul Moulinot, Daniel Sorano, Gérard Philipe, Monique Chaumette, Georges Wilson, Maurice Jarre, R. Venuat. René Besson tient l’affiche. Photo Walter Carone - Jack Garofalo / Paris Match 91 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 92 92 Laurent Fleury : Le legs de Vilar Jean Vilar cristallise un paradoxe : il représente une figure que l’on pourrait croire appartenir au passé et incarne tout à la fois l’expression d’une vérité présente, puisque l’on constate quotidiennement la résurgence des questions qu’il nous a léguées. Aussi, au-delà du fait que nous sommes tous, en tant que spectateurs du moins, les héritiers de Vilar en raison des révolutions qu’il a opérées et dont nous sommes les bénéficiaires encore aujourd’hui, il importe de se poser la question du legs de Vilar. L’hypothèse de réponse réside dans l’idée qu’audelà de la seule proclamation de l’idéal de démocratisation de la culture, il est possible de penser pratiquement sa réalisation même. Le déploiement des actions du TNP en forme du moins une illustration empirique. Reste alors à comprendre en quoi le TNP de Jean Vilar a pu, de ce point de vue, constituer une utopie en actes. ont attaché son nom propre à l’institution qu’il dirigea au point de rendre indissociable l’aventure de l’une et la vie de celui qui l’a portée. Pour autant, cette expression ne saurait être le fait de Jean Vilar luimême. Le nom propre est donné par autrui, à commencer par les spectateurs ayant, directement ou indirectement, participé à cette Eclairer le public par la parole du poète aventure. Comme Walter Benjamin le montre dans Les Affinités électives de Goethe, le don du nom, support d’identité, ne tient pas dans l’effet d’un choix ou d’une élection, mais se révèle plutôt comme le résultat d’une décision : décision d’unir deux noms décision de donner un nom à un autre. Il reste donc à comprendre ce don du nom, cette association, indéfectible dans la mémoire des spectateurs de théâtre, le plus souvent chargée d’émotion pour qui l’a connue et l’évoque, puisque, on l’a compris, le vrai nom, le nom propre, n’est pas su de son porteur. La singularité du TNP de Vilar ne réside pas dans l’unicité de sa désignation, mais dans le signifiant qu’il représente, qui prophétise après coup le destin de son porteur, indéfectiblement lié à l’idée de possibilité même de réalisation de l’idéal de démocratisation de la culture. L’« héritage » paraît alors possible, même s’il est des « catastrophes », pour emprunter encore à Walter Benjamin, qui le rendent toujours V Car une énigme demeure : si le TNP n’a pas été créé dans le seul instant de la décision de nommer Jean Vilar à sa tête, pourquoi l’histoire retientelle l’année 1951 comme date de sa naissance, au point de devenir le « TNP de Vilar » ? Sans doute que les révolutions opérées par l’homme et son équipe, dans l’ordre des idées comme dans celui des pratiques, Jean Vilar dans la loge de Gérard Philipe avant son entrée en scène dans Richard II (Chaillot, 1954). La maquette de costume au-dessus du miroir a été offerte (entre autres documents nombreux) en 1991 à l’Association Jean Vilar par les enfants de Gérard Philipe, Anne-Marie et Olivier. On observera la rusticité de la loge du comédien le plus aimé de son temps. Photo Walter Carone / Paris Match V Monique Chaumette et Jean Vilar, Don Juan, 1953. Photo Serge Lido 93 jeune, fragile et hypothétique. Car il eut fallu aussi s’interroger sur ce que l’on pourrait appeler la « dilapidation de l’héritage » en référence aux multiples formes d’abandon de l’idéal de démocratisation de la culture. Au constat d’« échec » de la démocratisation – qui mériterait quelque discussion – s’est en effet substitué un discours plus idéologique d’invalidation du projet même de démocratisation et, du même coup, la disparition de la série d’innovations institutionnelles qui l’avaient accompagné. Double adversité Les succès de Jean Vilar obligent à remettre en cause le caractère d’évidence d’un tel discours d’« échec », qui conserve pourtant force de loi dans certains mondes politiques ou certains milieux culturels qui justifient leur absence de réflexion sur les moyens les plus efficaces d’atténuer (à défaut de supprimer) les effets des obstacles symboliques qui limitent l’accès de la plupart à la culture en cherchant à faire croire en l’argument d’une « fatalité » sociale. Ce discours plus idéologique que sociologique véhicule des effets, dont celui, redoutable, de l’oubli. Oubli d’une définition de la politique pensée comme l’art du possible. Oubli de l’œuvre réussie de Jean Vilar dans la conquête et la fidélisation de publics populaires, mais aussi dans l’éclat donné à la parole du poète. Car, derrière « l’assassinat du metteur en scène » que Vilar a revendiqué, il faut déceler un parti pris limitant le pouvoir de l’homme de théâtre qui se destitue pour agir en « exécutant », et se constitue ainsi en « serviteur de deux maîtres » : l’auteur et le public. L’unique rôle de l’homme de théâtre consiste alors à éclairer le public par la parole du poète en portant celleci à celui-là. Aux antipodes d’une conception qui fait du créateur un deus ex machina, dont le respect de la sensibilité autoriserait le mépris du public, voire justifierait son sacrifice, l’autorité et l’influence du directeur du TNP, ou de toute autre institution de service public, ne s’accroissent que proportionnellement au travail d’éducation qu’ils accomplissent en ce sens. Autrement dit, leur prestige (et leur influence) n’augmente(nt) que dans la mesure où ces responsables d’institution détruisent la cécité du public – qui avait été jusqu’ici la force des dirigeants –, c’est-à-dire dans la mesure où ils se dépouillent euxmêmes de leur qualité de chef pour faire du public le principe directeur de leur action et se placer à son service. Autolimitation. Le sens du service public tient sans doute dans ce retournement. Jean Vilar, qui préférait le mot de « régisseur » à celui de « metteur en scène », s’est ainsi mis au service de l’auteur et du public. Parce que les deux priorités de son action, le poète et le public, semblent aujourd’hui sinon oubliées, du moins reléguées, l’utopie vilarienne possède plus que jamais un sens. C’est dans un contexte historique différent qu’il a œuvré mais qui possède un point commun avec aujourd’hui : l’adversité. Double adversité aujourd’hui puisqu’il faut tout à la fois affronter la relégation, voire la disqualification de l’art d’emblée frappé d’élitisme désuet, et la destitution du public. L’art et ce qu’il suppose est tenu pour un obstacle à la « culture pour chacun ». Le public, en sa métaphore d’un espace public critique ou dans celle, plus ontologique, de corps politique unifié, est quant à lui considéré comme un potentiel danger à dénoncer pour lui préférer la diversité de publics, au pluriel, et l’essentialisation d’un « non public ». En s’attachant à instituer le poète et le public, Vilar a relevé ce double défi avec responsabilité. Sans doute existe-t-il donc « des Vilar » aujourd’hui. Ce sont ceux qui auront le courage de faire front aux affronts que représente ce double abandon de l’art et du public. Mais si l’on tente d’établir un palmarès parmi les animateurs du réseau public, le risque est grand de procéder à des guerres LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 de succession. Or, l’urgence est peutêtre moins à la reconnaissance de filiation(s) qu’à la connaissance des valeurs de référence qui ont fondé le legs vilarien et dans lesquelles chacune et chacun, acceptant de relever le double défi de l’excellence de la création artistique et de la responsabilité politique d’instituer le public, pourra se reconnaître à la hauteur de l’héritage. Pour un travail de l’héritage Lorsque certains protagonistes des débats ayant traversé Avignon en juillet 2003, en proie au désespoir de l’annulation, demandent avec candeur « qui est Jean Vilar ? », la question de la mémoire avait resurgi devant l’amnésie constatée. De même que Jean Vilar faisait travailler les héritages en se situant à la croisée de traditions ayant œuvré à la réalisation de cette utopie en acte que se propose d’être le théâtre qu’il a fondé, il importe de rappeler qu’il n’est nulle évidence à hériter, bien au contraire. Si l’héritage est possible, il n’est nullement nécessaire. Continuer à le faire vivre suppose un véritable travail de l’héritage. ________________________________ Laurent Fleury est Professeur de Sociologie à l’Université ParisDiderot (Paris VII), où il dirige le Master « Politiques culturelles ». Il est l’auteur de Max Weber (PUF, 2009) et Comprendre Weber (Armand Colin, 2011) et de trois livres récents sur la culture : Le TNP de Vilar. Une expérience de démocratisation de la culture (PUR, 2006), Le cas Beaubourg. Mécénat d’Etat et démocratisation de la culture (Armand Colin, 2007) et Sociologie de la culture et des pratiques culturelles (Armand Colin, 2008, rééd. 2011). 94 95 Les très riches heures de la Maison Jean Vilar Les Très riches heures de la Maison Jean Vilar De epu puis iss son s ouverture re en 19 979 79,, la Mai aiso son so n JJe ean V Vililar ar a produitt o ou u ac accu cuei cu e lli ei ll pr p èss de 15 150 0 expo ex osi s tion tion o s, ssou ouve vent ntt e en n co corr rrres espo po on nd dan ance ce,, l’hi h ve ver, r, ave v c le less Hi Hive vern rnal ales, l’’ét été, é, ave vecc le F st Fe stiv ivval al.. En têt tête e du u pal almarè r s à la a foiis publ blic ic et affe af fect fe ctif ct if, if - l’ l ex exposi s tion o du di on dixxième e annivve versa aire ai a re,, en re 19 1981 981 81,, in i au ugu guré rée e par par Frran a çois Mitttte terr rran rr and, an d d, prés pr ésid ide entt de e la Ré Répu p blique, pu - di dive verse es exp xpos o it os itio ions en coréa alis al a isat is atio at ion io n a ecc la Bi av Bibl bllio ioth thèq th èq que nationale de FFr Fran ance an ce : L re Lo r nzzac acci cio o, m o, mis isses en sc s ène d’ d’hi hier hi er ett d’a ’auj ujou ourd ou r ’h rd huii, Lo Louis Jouvet et la sccén énog o ra og r ph phie i , Ge ie eor orge gess Pitoëff, Cra ge aiig eett la mari ma rio onne ne ett tte e.. .. - l’ l’ex expo ex po osi siti tion ti on n Av Aviig igno igno n n, un rê rêve ve e q qu ue nou u ouss fais fa ison onss to tous u , pr p éssen enté t e lors rs de l’ l’ann nula nu n lati la tion ti on de ll’é ’édi d ti di tion on 2 200 00 03 du d Festival. Parmi les scénographies de Patrick Cros, ici une exposition de photos de Guy Delahaye sur le thème Danse et sport. Less in Le invi viitta ati tion onss au au voyage dans les art rtss du spec sp eccta t cle clle en Ind de (1 (198 985) 5)), en Chine ne e (19 1993 93), 93 ) ), ou dan anss le le mon onde du cirque (198 onde 88)) on 88 8 ontt cconn co nnu n nn nu u lle les es pl plu uss vif ifss ssu succ u ucc ccès cc cè ès, ès s, moins moin mo inss ssi sign gnal gn alés al és tout to utef ut efoi ef oiss qu oi que e la bou ousc scul sc ulad ul ade ad e au auto tour to ur de l œu l’ œuvr vre vr e pl plas asti as tiqu ti que qu e de Jan Fab abre re en en 20 2007 07 (14. (1 4.000 0 vi visi s te teur urss en tro rois is sem emaiine n s) s). La ccal alad ade, e, lle e ja jard rdin in,, le less sa salo ons ns,, ont ét été é le théâ th é tr éâ tre e d’ d’év évén énem emen ents ts d div iver ertiss ssan ants com omme e l insttallla l’ lati t on d ti déc écal alée ée d du u Th Théâ éâtr tre e de l’U Uni n té té,, de d e ren e cco en ont ntre re es ch chal aleu eure reus uses es ave vecc Je ean a ne More Mo reau au o ou u Mi M ch chel el Bou ouqu quet et,, Pi Pier e re e Van anecck et Robi Ro bin n Re enu ucc cci, i, P Pie ierr rre e Ar Ardi d ti,, La Lamb mber e t Wi W ls lson on e Anne-Ma et Mari Ma riie Ph Phililip ipe, e Bri rigi gitt tte e Fo Fossey ey, Da Daniell Mesg Me s ui u ch h, Ni N co cole le G Gar arci cia, a et ta tant nt d’a aut utre ress amis am i .... Si l’o ’on n aj ajou oute ou t aux e te exp xpos osit itio ions ns l’e ’ens nsem e bl be des de es prrop opos osit os ittio ions ns d d’a ’ani nima mati tion on - vid déo é thèq èque, biibl b blioth th hèq è ue ue, e, re r nccon o tr tres es,, dé déba bats ba ts, le lect cturres es…, la a Mai a sso on Je Jean an Vilila arr a enr nre egis g str t é en e 3 32 2 an anné nées es d’ex d’ ’e isste tenc nce pl nc p us de 65 6 0. 0 00 000 en ntr t ée é s. Fe eui u llllet let eton ns ic icii qu ue ellq qu ues pa ag gess d de e ce et albu bum, m, e sal en a ua ant la m mé ém mo oir ire de d Pau ul Puau Puau a x et de s n fi so fidè dè èle e rég giissse seur ur-d -déc éccor orat ateu at eur, P eu Pat atri rick ck Cros Cr os. os. os LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 96 96 Des expositions.... Les arts du spectacle en Chine, Brésil en Carnavals, Bals publics, bals populaires, Le Cirque et ses artistes, Jean Vilar au présent au Centre Georges Pompidou, quelques exemples d’expositions entièrement produites et réalisées par la Maison Jean Vilar. 97 97 Scénographies Nathalie Crinière, Claude Lemaire, Violette Cros. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 98 Des expositions.... !""#$%&'((( Des trois clefs originelles de Jacno aux effervescences de 68, des marionnettes d’Edward Gordon Craig aux insectes moirés de Jan Fabre, des profondeurs de la forêt russe chère à Anton Tchekhov aux passions publiques du Festival, Vilar est le lien, le référent, l’émotion ou la pensée tout à la fois, comme si le rôle fondateur de Richard II l’avait métamorphosé pour toujours en « roi Jean ». 99 99 Sur la photo ci-contre, on reconnaît six personnalités importantes dans notre histoire : Monique Cornand, premier conservateur de la BnF à la Maison Jean Vilar, Paul Puaux, fondateur, Andrée Vilar et Anne Philipe, veuves de Jean Vilar et de Gérard Philipe, Henri Duffaut, maire d’Avignon, Francis Raison, premier président de l’Association Jean Vilar. Photo du haut, Paul Puaux en compagnie d’Andrée Vilar et de sa fille, Dominique, ainsi que de Georges Wilson… Photos Paul Fructus, AIGLES, Maurice Costa, et Vaucluse-Matin. L’Aurore, 11/07/1981 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 100 100 L’exposition du dixième anniversaire de la disparition de Jean Vilar est, pour la Maison qui porte son nom, comme une première pierre posée par le président de la République François Mitterrand lui-même. !"#$%&'()*($#(+#,-./(0*#/(1,$#2333 101 101 Chaque été depuis sa création, la Maison Jean Vilar s’honore des visites politiques les plus signalées. Dans le désordre de notre album souvenir, une des visites de Jack Lang (ici en 1985 en compagnie de Melly et Paul Puaux et de Patrick Cros, régisseur décorateur), Bertrand Delanoë, maire de Paris, puis Roland Monod, président de l’Association Jean Vilar de 2001 à 2009, avec Jack Ralite, sénateur, ancien maire d’Aubervilliers et fidèle parmi les fidèles de Jean Vilar (et d’Antoine Vitez). Catherine Trautman (près de MarieGeorges Buffet) en 1997, puis Catherine Tasca (en compagnie de Georges Wilson qu’elle s’apprête à décorer de la Légion d’honneur, de Francis Raison et de Marie-Josée Roig, député-maire d’Avignon) au mois de juillet 2001. Au-dessous, Jean-Noël Jeannenet, président de la Bibliothèque nationale de France, Roland Monod, Marie-Josée Roig accompagnent le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon (2002). Ensuite, Marie-Josée Roig se trouve en compagnie de Vincent Baudriller, directeur du Festival d’Avignon, et de Renaud Donnedieu de Vabres (2005), ou encore de Christine Albanel (2007), l’un et l’autre en charge successivement du ministère de la Culture. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 102 102 Des ministres et des personnalités.... La Maison Jean Vilar met en lumière l’histoire de la décentralisation théâtrale. Elle appelle ainsi en cortège les figures essentielles qui, aux côtés des pères fondateurs, ont construit dans un savant mélange de conviction, de patience et d’énergie le paysage qui est le nôtre aujourd’hui. C’est une mission très importante, particulièrement en ces temps où la transmission est un enjeu central pour l’avenir du théâtre public. Catherine Tasca Ministre de la Culture et de la Communication (2001) Photos Andrieux, Rodolphe Fouano et J.-P. Campomar - Ville d’Avignon / Archives municipales . 103 103 À l’occasion du soixantième anniversaire du Festival, le maire d’Avignon, Marie-Josée Roig, a chargé l’Association Jean Vilar de l’organisation d’une semaine de commémoration correspondant à la première « Semaine d’art en Avignon » en 1947. Aidée par la clémence des cieux, une série de lectures se déroula dans le jardin de la Maison Jean Vilar devant une foule chaque soir plus nombreuse. Rufus, Robin Renucci, Alain Timar, Lambert Wilson, Anne-Marie-Philipe, Denis Lavant, Arlette Téphany, Daniel Mesguich, Pierre Baux, mais aussi Pierre Santini, André Benedetto, Gérard Gelas, Tchéky Karyo et Valérie Dréville, firent de cette fête un moment des plus mémorables – sans oublier les Comédiens Français éblouissants dans une lecture du texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez ! dirigée par Jacques Lassalle que l’on reconnaît sur la photo du bas lisant, l’été dernier, une nouvelle de Tchekhov. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 104 104 Côté cour ou côté jardin des lectures, des événements... Photos Emile Zeizig et Rodolphe Fouano. 105 105 Des artistes... V V Judith Magre, Christiane Minazzoli. Photos Fouano LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 106 106 Avignon ne pouvait manquer de commémorer le cinquantenaire de la disparition de Gérard Philipe, icône théâtrale et cinématographique de l’aprèsguerre. [...] L’exposition souligne l’amitié forte mais parfois tumultueuse qui liait Gérard Philipe à son patron et metteur en scène Jean Vilar, deux hommes qui se rejoignaient dans le souci de la dimension “populaire” de leur art. 107 107 À la suite d’Ariane Mnouchkine, dont on sait l’estime et l’amitié qui la liaient à Paul Puaux, on reconnaît ici les chorégraphes Régine Chopinot et Karine Saporta, la comédienne et Administrateur général de la ComédieFrançaise, Muriel Mayette, le directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, Daniel Mesguich, Laure Adler, Michel Onfray, Jacques Téphany (directeur délégué de l’Association Jean Vilar) près de son président, Jacques Lassalle, Olivier Py (directeur de l’Odéon- Théâtre de l’Europe) et Sonia Debeauvais (proche collaboratrice de Jean Vilar au TNP et au Festival d’Avignon), les animateurs des scènes permanentes d’Avignon (Alain Timar, Serge Barbuscia, André Benedetto, Gérard Vantaggioli, Gérard Gelas). Depuis l’été 2010, « L’Écho des Planches » est la radio estivale de la Maison Jean Vilar. Sous le feu des questions de son animateur, Rodolphe Fouano, on reconnaît ici Éric-Emmanuel Schmitt, Émile Zeizig, Denis Chabroullet, Greg Germain (président de Avignon Festival & Compagnies). Les enregistrements sont podcastables sur le site http://www.lechodesplanches.net/ Rencontres et émissions en si grand nombre qu’il est impossible de toutes les représenter... Photos Sylvie Carton. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 108 108 109 109 Selon les sujets des expositions, l’Association Jean Vilar a pu proposer des activités spécifiques en direction de ses jeunes visiteurs : séance de maquillage animée par une artiste circassienne, Adrienne Larue, et présentation d’œuvres d’enfants sur le thème du cirque (1988) encadrés par Sabrina Gruss. 1 En regard de l’exposition sur l’histoire du théâtre (1993), les commentaires de la comédienne Catherine de Seynes ont passionné de nombreux groupes d’enfants et adolescents. L’exposition de Jan Fabre a inspiré un atelier d’arts plastique : une animatrice proposait aux enfants de réaliser des dessins avec plusieurs stylos bille, selon la technique utilisée par l’artiste associé du festival 2005. Agnès Levy M. a conduit ses jeunes stagiaires à élaborer masques, accessoires et décors dans le cadre de séances mêlant jeu dramatique et arts plastiques. Développant sa mission d’éducation artistique et de transmission, La Maison Jean Vilar propose tout au long de l’année à tout groupe constitué (scolaire ou non) de bénéficier d’ateliers pédagogiques, offrant un accueil personnalisé pour aborder les thèmes et problématiques suivants : le monde de Jean Vilar (1912-1971), l’histoire du Festival d’Avignon (de 1947 à aujourd’hui), le Festival raconté par ses affiches, le costume de théâtre... 2 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 110 3 1 et 2 : Stages théâtre et arts plastiques animés par Agnès Lévy M (2005). 3 : Maquette de décor pour Le Bourgeois gentilhomme réalisée par des élèves du Collège Alpilles-Durance de Rognonas dans le cadre d’un atelier de découverte des métiers du spectacle (2010). 4 : Travaux d’enfants et animation maquillage dans le cadre de l’exposition Le Cirque et ses artistes (1988). 4 111 Les Cahiers de la Maison Jean Vilar Simple feuillet lancé en janvier 1982 par Paul et Melly Puaux, Les Cahiers de la Maison Jean Vilar ont peu à peu cessé d’être un bulletin associatif pour se transformer en revue, à la périodicité idéalement trimestrielle. Rédaction renforcée, nouvelle maquette, iconographie, augmentation de la diffusion, pour nourrir des dossiers thématiques d’une centaine de pages, composés d’analyses, d’entretiens, d’enquêtes. Les numéros des huit dernières années (n°85 à 110) peuvent être gratuitement téléchargés sur notre site internet : www.maisonjeanvilar.org ou commandés par voie postale. N°110 : juillet 2010 Le Mystère Tchekhov – Mon semblable, mon frère par Jacques Téphany – Souvenirs de la maison Russie par Rodolphe Fouano – L’instant et l’éternité par Dominique Fernandez – L’empreinte Tchekhov par Jacques Lassalle, Récit d’une vie par Jacques Téphany – Chronologie – Pages choisies – Paroles de metteurs en scène : Constantin Stanislavski, Georges Pitoëff, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar, Giorgio Strehler, Antoine Vitez, Georges Lavaudant, Claire Lasne, Maurice Bénichou, Eric Lacascade, Alain Françon – Traduire, adapter Tchekhov : Pierre-Jean Jouve, Georges Pitoëff, Jean-Claude Grumberg, Daniel Mesguich, Peter Brook, Jean-Claude Carrière, Chantal Morel, André Markowicz et Françoise Morvan, Irène Sadowska-Guillon – Lire Tchekhov : Maxime Gorki, Elsa Triolet, Roger Grenier, Luchino Visconti, Vassili Grossman, Vladimir Volkoff – Tchekhov en France par Marie-Claude Billard – Quiz Tchekhov par Rodolphe Fouano. N°109 : janvier 2010 Présence des morts par Emmanuel Berl – NosMorts.com par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – D’âge en âge, Roger Mollien par Jacques Lassalle – Jean-Paul Roussillon : propre à rien par Alain Françon – André Benedetto, un homme libre par Bertrand Hurault – André Benedetto, mon premier maître par Philippe Caubère – Pina Bausch, éternelle voyageuse par Bernard Faivre d’Arcier – Pour Pina par Wim Wenders – (Alain Crombecque) 66, Chaussée d’Antin par Jacques Téphany – Une passion par Jacques Montaignac – L’oreille absolue par Valère Novarina – Christian Dupeyron par Armelle Héliot – Catherine Le Couey par Jacques Téphany – Andrée Vilar par Jacques Téphany – La question posée à… Philippe Avron, Jacques Frantz, Victor Haïm, Joël Huthwohl, Joël Jouanneau, LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Jorge Lavelli, Jean-Pierre Léonardini, Muriel Mayette, Roland Monod, Pierre Notte, Jack Ralite, Rufus, Michel Vinaver, Frédéric Vitoux – Les morts parlent des morts : Charles Dullin et Louis Jouvet par Jean Vilar, Albert Camus par JeanPaul Sartre, Balzac par Victor Hugo – Florilège : Montaigne, Kant, Pascal, Sartre, Freud, Bacon, Schopenhauer, Leibniz, Nietzsche, Jules Renard, Heidegger, Jankélévitch, Epicure, Spinoza – La mort n’a rien de tragique par René de Obaldia. N° 108 : juillet 2009 Numéro spécial « Gérard Philipe, 50 ans après… » Gérard Philipe, récit d’une vie par Rodolphe Fouano – Gérard Philipe vu par... - Gérard Philipe, le symbole de l’après-guerre par Claude Choublier – La création du personnage par Georges Sadoul - Un mythe ou un homme ? par Philippe Tesson – Petit récit d’apprentissage par Jacques Lassalle – Une histoire sans fin par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – Tout sur Gérard Philipe à la Maison Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Maurice Jarre – Jean Leuvrais – Roger Planchon. N°108 Bis : juillet 2009 Gérard Philipe, 50 ans après… – Exposition Craig et la marionnette – Rencontres de la Maison Jean Vilar, juillet 2009 – Hommage à Andrée Vilar – Jacques Lassalle, un nouveau président pour l’Association Jean Vilar. 112 N° 107 : janvier - mars 2009 C’est quoi « mallarméen » ? par Jacques Téphany – Mallarmé, le bel aujourd’hui – Mallarmé et Avignon par Pierre-Marie Danquigny – Prélude à une exposition par Anne-Marie Peylhard – Mallarmé chez Doucet par François Chapon – Mallarmé par lui-même – Mallarmé et ses amis artistes – Repères bibliographiques et biographiques – Mallarmé vu par… – Conscience de l’illusion par Bertrand Marchal – Un hermétisme populaire ? par Pierre-Marie Danquigny – Mallarmé homme de spectacles par Hélène Laplace-Claverie – Il faut que les yeux s’accoutument par Pierre Boulez – Éclairer l’indicible par Guy Delfel – Contre l’obscurité par Marcel Proust – Un état d’étonnement par Vincent Baudriller – Des sherpas par Bernard Faivre d’Arcier – Feuillets de Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Les Hivernales 2009 à la Maison Jean Vilar. N° 106 – octobre à décembre 2008 La force des choses par Jacques Téphany - Feuillets de Jean Vilar - Itinéraire d’un instituteur gâté par Paul Puaux - Paul Puaux, un rêveur réaliste par Pierre Marcabru - Éclats de juillet 2008 : Ces statues qu’on abat par Antoine Bourseiller, Protéger Avignon par Jack Ralite, La prise de parole par Lucien Attoun - Libre expression : Cadavres exquis par Rodolphe Fouano - D’un artiste associé l’autre par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano - Je ne suis pas le plus moderne, entretien avec Wajdi Mouawad - BnF / Arts du spectacle : Une mission fédératrice, entretien avec Joël Huthwohl - Les centres de ressources du théâtre par Rodolphe Fouano - Christine Fersen, une reine sans couronne par Jacques Lassalle. N° 105 Bis – juillet 2008 Le programme de la Maison Jean Vilar du 4 au 26 juillet. 2008 : Expositions Béjart en Avignon et Vilar, Béjart, le bazar (Avignon 68) N° 105 – juillet 2008 Exposition Béjart en Avignon – Exposition Vilar, Béjart, le bazar – Éclats de juillet 68 - Le Living Theatre – Avignon 68 dans la presse – Vilar en colère – Père, gardez-vous à gauche ! par Bertrand Poirot-Delpech – Le Théâtre pourquoi ? par Lucien Attoun – Transmettre cette utopie… Entretien avec Jean-Jacques Lebel – Avignon 68, l’impossible héritage par Emmanuel Ethis – 68 et après ? Enquête – Jouer avec Jean Vilar par Claude Confortès – Hommage à Hubert Gignoux par Pierre-Etienne Heymann et Jacques Lassalle. N°104 : janvier - mars 2008 Dossier spécial « Maurice Béjart » – Le Théâtre national de Chaillot, le nouveau Palais des danses : entretien avec Dominique Hervieu et José Montalvo – Le Théâtre de la Ville, pratique et fidélité : entretien avec Gérard Violette – Je crois profondément en la puissance de la danse : entretien avec Angelin Preljocaj – Les Hivernales d’Avignon, de la curiosité comme qualité : entretien avec l’équipe des Hivernales (Amélie Grand, Céline Bréant et Daniel Favier) – Les Hivernales 2008 à la Maison Jean Vilar : Exposition Denis Darzacq – Festival Cité Nez Clowns : Exposition Linet Andrea – Guy Dumur – Jean-François Rémi – Le fonds souverain par Roland Monod. N° 103 : octobre - décembre 2007 Vérité nue par Jacques Téphany – Ouvrir la Comédie-Française par Muriel Mayette – L’Odéon, un projet vilarien ? par Olivier Py – Le Festival, patrimoine national immatériel par Bernard Faivre d’Arcier – Macro, micro, grands et petits par Francis Parny, Marc Netter, François Brett – Bribes d’un impromptu avec Jean-Paul Alègre, Elie Faroult, Louis Bec, Florence Nogrette, Marc Netter, Bernard Tournois, Jack Ralite, Roland Monod, Jacques Téphany – L’Impromptu d’Avignon par Jean-Paul Alègre – L’Insoumise : Jeanne Moreau – La malédiction du succès : Eric-Emmanuel Schmitt – Le soixantième anniversaire de la Semaine d’art par Roland Monod, Rodolphe Fouano, S. Flandin – JeanPierre Desclozeaux, 60 ans de Festival d’Avignon – XIIIe Parcours de l’art – Deux sans scène : La Compagnie Fraction, la Compagnie des Ouvriers – Ils nous ont quitté : Jean Deschamps, Guy Erismann, Marcel Marceau – Vilar en sa maison : l’après trentaine par Roland Monod. 113 N° 102 Bis : juillet 2007 N° 99 – juillet à septembre 2006 Programme de la Maison Jean Vilar pendant le Festival : Rencontres – Exposition Dedans Dehors (Frédéric Fisbach) – Le théâtre abri ou édifice ? par Cécile Renault – Exposition 60 ans, 60 portraits – Les films de nos festivals – Quizz Vilar, Avignon… si j’connais ! Métamorphoses du public (textes de Jean Vilar) - Mon Festival à moi - Mémoire de scène au Palais des papes. N° 102 – avril à juin 2007 Chaillot, une salle emblématique par Ariel Goldenberg – Faire du chemin avec… par Vincent Baudriller et Hortense Archambault – Avignon, un grand récit par Frédéric Fisbach – Avignon 1947, une communauté d’amour – Revue de presse Avignon 1947 – Vilar était en avance sur son temps : entretien avec Michel Bouquet – 60 ans, 60 portraits : exposition de 1947 par Christian Zervos – Résister à l’épreuve du mur par Véronique Meunier – Suzanne Fournier – Jean-Pierre Cassel – Pierre Moinot. N° 101 – janvier à mars 2007 Dossier Théâtre populaire – Théâtre people réalisé par Rodolphe Fouano : entretiens avec Jacques Lassalle, Pierre Arditi, Muriel Mayette, Olivier Py, Marcel Bluwal, Bernard Murat, Daniel Mesguich, Philippe Torreton, Philippe Tesson, Jacques Julliard, Edgard Morin – Hommages à Philippe Noiret et Bertrand Poirot-Delpech – Dynamique des festivaliers d’Avignon par Damien Malinas – Le TNP de Vilar par Laurent Fleury – Les Hivernales 2007 – Actualités. Supplément au n° 99 consacré à l’exposition Joseph Nadj N° 98 – avril à juin 2006 Le fonds Jean Vilar : chronique de l’inventaire – Maria Casarès : lettres à Jean Vilar – Benno Besson par Philippe Avron – Le Festival d’Edimbourg : enquête Supplément au n° 97 Exposition Le bal des icônes par Philippe Verrièle N° 100 – octobre à décembre 2006 Livre d’or juillet 2006 – L’Énigme Vilar – Le souci du public dans l’écriture dramatique par Dominique Paquet – Aimer jouer / aimer regarder : l’amateur par Marie-Madeleine Mervant-Roux – Jean Lacouture raconte Jean Vilar – Festival 2006 – Dossier sur la critique – Samuel Beckett. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 114 N° 97 – janvier à mars 2006 N° 93 – janvier à mars 2005 La loyauté du spectateur par Emmanuel Ethis – L’esprit critique au travail par Marianne Beauviche – Le Théâtre National Populaire aujourd’hui par Christian Schiaretti De mémoire de sacre par Philippe Verrièle – Mon choix, c’est toujours Vilar : entretien avec Armand Gatti N° 96 – octobre à décembre 2005 Je me souviendrai (2) par Rodolphe Fouano – Avignon révolté par Georges Banu – L’histoire culturelle ou comment recomposer les imaginaires sociaux par Pascal Ory – Jeanne Laurent par Marion Denizot – L’écriture de la transgression par Dominique Paquet – Paul Claudel, cinquante ans après et La Ville : notes de Jean Vilar – Le Soulier de satin par Antoine Vitez – Édouard Pignon par Philippe Bouchet N° 95 - Juillet 2005 L’Art d’être contemporain : avec François Barré, Louis Bec, Gildas Bourdet, Marc Fumaroli, Antoine de Galbert, Jean-Noël Jeanneney, JeanPierre Jourdain, Yvon Lambert, Jean-Pierre Léonardini, Michel Onfray, Pascal Ory, Dominique Païni, Bruno Patino, Liliane Picciola, François Rancillac, Guy Rosa, Agnès Saal, Jérôme Sans, Christian Schiaretti, Bernard Stiegler, Jean-Marc Stricker, Jacques Toubon, Michel Vinaver, Jean-Pierre Vincent et... Victor Hugo. N° 94 – avril à juin 2005 Jan Fabre chez Jean Vilar ! par Jacques Téphany et Sonia Debeauvais – Entre chiens et loups par Roland Monod – Jan Fabre, exposition – Centenaire de Jean-Paul Sartre N° 92 – octobre à décembre 2004 Avignon 2004 : journal en miettes par Hortense Archambault et Vincent Baudriller – L’ordonnance d’Avignon par Roland Monod – Je me souviendrai par Rodolphe Fouano – Les ATP ont 50 ans par Jean Autrand – Jean était le pape, Paul l’évêque et moi le curé : entretien avec Robert Chave – Où en sommes-nous ? par Patrick Le Mauff N° 91 – juillet à septembre 2004 Thomas Ostermeier – Le Festival, c’est notre histoire : tableau historique et chronologique – Dossier « Festiland » : entretiens avec Stéphane Lissner (festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence), Peter Lotschak (festival de Bad Hersfeld), Pedro Garcia (festival Châlon dans la rue), Jacques Felix (festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières), Brian McMaster (festival international d’Edimbourg), Robin Renucci (r encontres internationales de théâtre en Corse), Patrice Martinet (Paris Quartiers d’été), Karl Regensburger (ImPulsTanz à Vienne, Autriche) N° 90 – avril à juin 2004 Jean Vilar : Autoportrait – Une leçon de Vilar : une non-violence active par Michel Debeauvais – Affirmer une contre-culture : entretien avec H. Archambault et V. Baudriller 115 N° 89 – janvier à mars 2004 N° 86 – avril à juin 2003 Se souvenir de l’avenir par Jacques Téphany – La croisée des chemins par Marie-Claude Billard – Apothéose de la danse par Béatrice Massin Le sens du public et le sens du sacré : entretien avec Armand Delcampe – Avignon festival par essence, festival essentiel : entretien avec Bernard Faivre d’Arcier – Un îlot de liberté : entretien avec Alain Léonard N° 88 – octobre à décembre 2003 La diète d’Avignon par Roland Monod – Où vont les festivals ? (Jean Vilar, 1964) N° 87 – Numéro spécial Avignon, un rêve que nous faisons tous (juillet 2003) On ne succède pas à Jean Vilar (Paul Puaux, 1994) – Détruire, construire, rêver peut-être… par Bernard Faivre d’Arcier – Avignon pour mémoire par Alain Crombecque – Renaissance d’une Chartreuse par Bernard Tournois – La ville culturelle par Emmanuel Ethis N° 85 – janvier à mars 2003 Une passion militante : entretien avec Amélie Grand – L’intranquillité de Maguy Marin : entretien avec Maguy Marin – Des chemins de partage : trois questions éclair à Gérard Violette N° 84 – octobre à décembre 2002 La clairvoyance et l’opiniâtreté par Roland Monod – Diriger le TNP par Christian Schiaretti – Quelque chose de Platonov par Jacques Téphany. TNP : la Collection du Répertoire Rompant avec la tradition du programme réduit à quelques feuillets où la publicité le dispute à de maigres renseignements sur les spectacles, le TNP proposa dès 1951, à un prix populaire, un vrai livre, le texte même de la pièce dans sa version intégrale avec douze photos du spectacle, hors-texte et en pleine page, le plus souvent. Un spectateur sur trois achetait la « brochure-programme ». En sept années (1951-1958) plus d’un million d’exemplaires sortirent des presses et furent vendus à 80%. Le Cid, Mère Courage, Le Prince de Hombourg, L’Avare – les quatre premiers titres – furent tirés à 20 000 exemplaires. Don Juan arrive en tête des ventes avec 70 000 exemplaires. Le TNP voulait ainsi laisser dans les mémoires les textes des dramaturges qu’il a servis mais aussi donner ces œuvres à lire au plus grand nombre : Théâtre populaire oblige ! De nombreux titres de la Collection du Répertoire restent disponibles à la vente à la Maison Jean Vilar (modalités page 120). LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 116 Les publications de l’Association Jean Vilar En 1991, l’Association Jean Vilar publiait la première édition d’un ouvrage qui reste l’une de ses fiertés. Cette somme, conçue par Paul et Melly Puaux, fut rééditée en 2003 : même fabrication, couverture bleue, mais une version enrichie d’un index des noms et des œuvres cités ainsi que de nouvelles illustrations (tournages télévisés, enregistrements radiophoniques…). Plus de 600 illustrations y sont rassemblées, en noir et blanc ou en couleurs, avec de nombreux fac-similés de documents manuscrits issus des collections de l’Association. Plus qu’une biographie du grand acteur de théâtre et de cinéma qui succéda à Jean Vilar à la direction du Théâtre National Populaire en 1963, ce beau livre évoque cinquante ans de vie de troupe. Georges Wilson fut aussi un metteur en scène découvreur d’auteurs : n’est-ce pas lui qui créa en France, dans la cour d’honneur, Early morning du jeune Edward Bond et qui développa sa passion pour l’écriture contemporaine à Chaillot en créant la salle Gémier avant de poursuivre sa carrière dans le théâtre privé ? Une étude comparative bien illustrée de l’historien Pascal Ory autour de la question du théâtre et de la démocratie, depuis la fondation du Théâtre du Peuple de Maurice Pottecher (1895) à Bussang jusqu’au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Un débat nourri dont les enjeux dépassent le siècle théâtral qu’il couvre. On y rappelle cette invite d’Hugo : « Il faut créer tout un théâtre, un théâtre vaste et simple, un et varié, national par l’histoire, populaire par la vérité, humain, naturel, universel par la passion. » La preuve par Vilar. Un ouvrage indispensable – le plus complet à ce jour – pour suivre la vie et l’œuvre de Jean Vilar de 1912 à 1971 et connaître les distributions, les tournées et la chronologie de sa carrière. Filmographie, bibliographie, discographie, phonographie ont été actualisées en 2003 pour faire de cette malle au trésor, ainsi que la qualifiait Claude Roy, un instrument de travail aussi bien qu’un livre-plaisir. 2000), éd. Association Jean Vilar, 2001, 207 p. Théâtre citoyen, texte de Pascal Ory, éd. ill., 25 euros. Association Jean Vilar, 1995, 95 p. ill., 15 euros. Georges Wilson, travail de troupe (1950- Conçue sur le même modèle, pour compléter et éclairer l’exposition « Familles de scènes en liberté » réalisée à la Maison Jean Vilar en 1998, l’analyse proposée par Emmanuelle Loyer revisite l’histoire du « théâtre citoyen » en élargissant la réflexion à l’ensemble du spectacle vivant, au-delà du seul théâtre dramatique. Jean Vilar par lui-même, éd. Association Jean Vilar, 1991, réédition 2003, 356 p. ill., 30 euros. Familles de scènes en liberté, texte d’Emmanuelle Loyer, éd. Association Jean Vilar, 1998, 87 p. ill., 15 euros. 117 Très utile, ce petit livre, non par nostalgie d’un théâtre populaire révolu, mais parce qu’il fait de Gérard Philipe et Jean Vilar autre chose que des icônes. À travers leurs correspondances ou les notes qu’ils s’échangent, les voici bien vivants, tendant vers le même but : donner aux spectateurs les plus défavorisés la possibilité d’aller au théâtre et le goût d’y revenir. Leur intimité n’est pas flagrante. Vilar avoue, par exemple, ne pas se souvenir du prénom des enfants de l’acteur. Ce qui n’empêche pas que l’amitié et le respect sautent aux yeux. « Je t’aime bien, Gérard, et je sais que tu m’aimes bien aussi ». Encouragements toujours modérés par des critiques ponctuelles : Vilar félicite l’interprète de Ruy Blas, mais lui reproche aussitôt d’arriver toujours en retard. « Je préfèrerais que tu sois un moins émouvant artiste, et un ouvrier plus rigoureux ». Glissé à 8h du matin sous la porte de l’acteur à Varsovie, ce billet : « Ça fait 150 fois que tu joues Rodrigue, retrouve la rigueur des premières représentations ». Vilar exige beaucoup de ses acteurs qui jouent au TNP mais aussi en banlieue et à l’étranger, tournées épuisantes, Vilar confesse : « Je suis un criminel ». Gérard Philipe joue et s’engage aussi, comme président du syndicat des acteurs. Vilar le forme à la mise en scène, à l’évidence il veut lui passer le témoin. Il converse avec un jeune cheval fougueux qu’il accepte de ne pas totalement dresser tant le fascinent sa grâce et sa fidélité à ses idées. Vincent Josse France-Inter, 13 septembre 2004 J’imagine mal la victoire sans toi, lettres, notes et propos (1951-1959), texte établi par Roland Monod, éd. Association Jean Vilar, 2004, 64 p. ill., 8 euros. De l’enseignement à la Résistance, des mouvements d’éducation populaire au compagnonnage avec Jean Vilar, du Festival d’Avignon à l’Opéra de Paris et à la Maison Jean Vilar qu’il a fondée en 1979, la ligne directrice qui guida Paul Puaux (1920-1998) fut le combat contre les injustices, les inégalités sociales et culturelles pour l’indépendance et la liberté de l’esprit. Cet album retrace à partir de citations et de témoignages l’itinéraire de celui qui confiait : « Je crois que j’ai toujours eu ce goût de partager et de faire partager. Je crois que c’est cela finalement l’éducation populaire, l’action culturelle [...] Ce que Vilar appelait plus tard « apprendre l’un par l’autre les contraintes inévitables de l’un et de l’autre ». Paul Puaux, l’homme des fidélités, par Melly Puaux et Yolaine Goustiaux, éd. Association Jean Conçu à l’occasion du cinquantième anniversaire de la nomination de Jean Vilar à la tête du TNP, cette publication mêle les témoignages de Roland Barthes, Pascal Ory, André Acquart, Michel Bouquet, Gabriel Garran, Guy Rétoré, Christiane Minazzoli, Philippe Noiret, Dominique Paturel, Jean-Claude Penchenat, Catherine Sellers, Pierre Tabard, Georges Wilson... Vilar, 1999, 255 p. ill., 25 euros. Pour commander les publications de l’Association Jean Vilar veuillez nous contacter par téléphone (04 90 86 59 64) Reconnaissance à Jean Vilar, éd. Association Jean Vilar, 2001, 79 p. ill., 8 euros. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 ou par mail [email protected] 118 Les Avignonnais qui ont connu la naissance et les premières années du Festival rendent un hommage simple et émouvant à Jean Vilar. Un travail sur la mémoire des publics qui éclaire aussi la relation à la ville-patrimoine. Un album avec 25 dessins originaux au crayon et crayons de couleurs de l’humoriste Jean-Perre Desclozeaux, ami de Savignac et de Jacno, conçu à l’occasion du 60e anniversaire du Festival d’Avignon. Une variation subtile autour des clés d’Avignon et de deux petits personnages sur leur créneau papal agitant les oriflammes de la mémoire et de l’avenir comme autant de saynètes. Avignon Festival de la mémoire, témoignages recueillis par Bernard Weisz, éd. Association Une semaine d’art en Avignon, éd. Association Jean Vilar, 1996, 79 p. ill., 10 euros. Jean Vilar, 2007, 62p. ill., 3 euros. Rencontres avec onze des metteurs en scène français qui, depuis sa création par Jean Vilar en 1956 jusqu’à Eric Lacascade en 2002 dans la Cour d’honneur, se sont penchés sur Platonov de Tchekhov parmi lesquels : Claire Lasne, Daniel Mesguich, JeanClaude Fall, Georges Lavaudant, JeanLouis Martinelli... Pièce sans titre en 1923, baptisée ensuite au détour d’une correspondance d’un mot russe péniblement traduit Etre sans père, les adaptateurs ont presque tous accepté la convention du rôle-titre. La question de l’adaptation est au cœur de toutes les approches : de la pièce « injouable » traduite par Elsa Triolet (1962) au « brouillon génial » d décrypté par François Morvan et André M Markowicz. Seule Chantal Morel a rrelevé le défi de jouer le texte intégral. T Tous expriment le besoin d’espace q quand on pourrait s’attendre à de l demi-teinte mais tous ne mettent la p pas la question de la paternité au p premier rang de leurs préoccupations. O Organisme génétiquement modifié, ccette pièce reste une énigme qui n’a pas fini de nous intriguer car nous avons ttous quelque chose de Platonov... Quelque chose de Platonov, entretiens réalisés Q p par Jacques Téphany, éd. Association Jean Vilar, 2 2002, 104 p. ill., 8 euros. Une double page de l’album Une Semaine d’art en Avignon illustré par Jean-Pierre Desclozeaux. 119 Editeur des livres qui précèdent, l’Association Jean Vilar a également publié certaines de ses recherches chez des éditeurs indépendants. La formule du dictionnaire a permis à Melly Touzoul et Jacques Téphany de rendre compte de la diversité des thèmes abordés par Vilar, en assumant formellement le caractère de miroir brisé, de morceaux à jamais épars. Lui-même n’estimait-il pas que : « le discontinu signifie autant que le continu » ? Jean Vilar mot pour mot, Théâtre Ouvert, Ed. Stock, 1972, 283 p. (épuisé). Les notes de service que Jean Vilar, affiche au tableau de son théâtre, à Avignon comme au TNP sont au cœur de son aventure. Ces feuillets, non destinés à la publication, ponctués d’enthousiasme, de colère, de lassitude ou de joie, mais toujours passionnés, témoignent d’une conscience et d’une éthique inséparables du travail artistique. Rassemblés par Melly Puaux selon l’ordre chronologique, ils permettent de suivre saison après saison les étapes et les états d’âme de Vilar, à la fois comédien, régisseur et directeur de troupe. Du tableau de service au théâtre, Cahiers théâtre Louvain, n°53, 1985, 135 p. ill. (épuisé). Textes fondateurs, témoignages, affiches accompagnent une démarche pédagogique pour faire connaître le festival dans tous ses aspects citoyens. Un DVD complète le texte avec un portrait de Jean Vilar et de ses successeurs, une évocation des politiques culturelles et des partenaires du phénomène « Avignon ». Ce Cahier dirigé par Jacques Téphany précise les liens qui unissent la présence critique de Jean Vilar à son esthétique citoyenne. Après des textes rares ou inédits de Vilar, témoignent ici, outre Jeanne Laurent, certains de ses compagnons (Paul Puaux, Claude Roy...), de ses comédiens (Maria Casarès, Philippe Avron, Roger Mollien...), de ses pairs (Pierre Boulez, Maurice Béjart, Giorgio Strehler), de ses commentateurs (Bertrand Poirot-Delpech, Jean Lacouture, PaulLouis Mignon, Guy Dumur, Pierre Marcabru...) et d’autres personnalités (Jorge Lavelli, Marcel Maréchal, Michel Dubois, Jacques Lassalle, Victor Haïm, Jack Ralite, Jack Lang...). On trouve en fin de volume des études (Anne Ubersfeld, Robert Abirached...) rappelant les événements fondateurs de l’aventure de Jean Vilar, la replaçant dans son temps tout en cherchant à en tirer des leçons pour l’avenir. Jean Vilar, Editions de l’Herne, Cahiers n°67, 1995, 291 p., 20 euros. Le Festival d’Avignon, une école du spectateur CRDP de l’académie d’Aix-Marseille, 2006. 107 p. + DVD. 27 euros. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 120 Archives audiovisuelles Si la mémoire sonore du TNP de Jean Vilar est abondante, l’archive audiovisuelle est plus rare : les années 50/60 ne connaissaient pas la vidéo. Nous ne disposons pas de captation des spectacles de Chaillot ni d’Avignon, seulement quelques images « amateur » par Georges Wilson ou Pierre Saveron en 8 ou 16 mm. Georges Franju a tourné un documentaire irremplaçable en 1956 : on y voit les seules images de Gérard Philipe dans les conditions de représentation. Demeurent les bandes sonores, « oratorio » vocaux et symphoniques où les voix des acteurs du TNP rejoignent les musiques de scène de Maurice Jarre (ah ! les percussions soutenant la plainte de Maria Casarès dans Macbeth, ou l’inoubliable chanson des Caprices de Marianne par le mélancolique André Schlesser !...) De quoi comprendre et sentir pourquoi Maurice Jarre aurait donné tous ses Oscars hollywoodiens pour revivre les 12 années de Chaillot et d’Avignon. V Un important travail de numérisation reste à entreprendre pour sauvegarder les intégrales sonores d’une quarantaine de spectacles, les conférences et débats avec le public du Palais de Chaillot… Images extraites de films 16mm, archives du TNP . Collections Association Jean Vilar 121 121 LA VIDÉOTHÈQUE, NOUVELLE MÉMOIRE DU SPECTACLE VIVANT En 1980, la création d’une vidéothèque consacrée aux arts du spectacle est une première en France Sur le plan pédagogique, à la fin des années 70, la vidéo est loin d’avoir conquis les tenants de l’Éducation nationale ou populaire, attachés à la tradition de l’écrit et du livre. Cet outil éminemment moderne va pourtant prouver son efficacité au service d’une politique du public, notamment celui des lycées, des collèges, de l’Université. Rassemblant un grand nombre de titres consacrés aux arts du spectacle, la vidéothèque permet de comparer différentes mises en scène de textes classiques ou contemporains, chorégraphies d’hier et d’aujourd’hui, et de consulter un ensemble très riche de documentaires sur le cinéma, les marionnettes, le mime ou les arts du cirque... choisis de Macbeth par Maria Casarès (1954) ou Hamlet dans la mise en scène de Thomas Ostermeier (2009), que l’on mettra en perspective avec les films d’Orson Welles ou de Laurence Olivier. Ou encore rapprocher Le Tartuffe avec Jacques Charon et Robert Hirsch (1975) ou avec Philippe Torreton (1998) à la Comédie-Française, de la mise en scène de Jacques Lassalle au TNS avec Gérard Depardieu (1984) ou de celle de Stéphane Braunschweig avec Clément Bresson (2008)… ou d’une discussion avec un animateur de la Maison Jean Vilar. Chaque année, la Compagnie des Indes dépose à la Maison Jean Vilar les captations des spectacles du « in », nourrissant la mémoire contemporaine du Festival. Les compagnies du « off » sont évidemment invitées aussi à enrichir ce fonds. Restent les questions techniques de vieillissement des supports et du matériel, étroitement liées aux financières... Cette vidéothèque de consultation accueille le public dans deux salles, dont une équipée d’un grand écran et d’une capacité de soixante places. Les usagers préparent leur visite par un appel téléphonique auprès de l’hôtesse d’accueil qui programme, sur rendez-vous, la projection qui peut être accompagnée, pour les groupes, d’une présentation Devant une « concurrence » devenue entre temps nombreuse et qualifiée (médiathèque Ceccano, vidéothèque de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Inathèque, et plus généralement Internet…), notre réflexion nous conduit désormais à des choix sélectifs dans la politique d’acquisition : si les missions d’une très grande bibliothèque sont d’ordre universel, celles d’une association indépendante ne sont-elles pas de souligner plutôt les lignes de force et de signaler les émergences ? On peut, par exemple, « illustrer » Shakespeare à Avignon en proposant des morceaux LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 122 LA BIBLIOTHÈQUE « ARTS DU SPECTACLE » DE LA MAISON JEAN VILAR La Maison Jean Vilar abrite en ses murs une antenne de la Bibliothèque nationale de France La bibliothèque, située au second étage, accueille le public dans deux salles d’une cinquantaine de places : l’une de lecture, l’autre d’iconographie. Elle dispose également de magasins de rangement de collections de près de 250m2. Elle est ouverte au public du mardi au vendredi, de 13h30 à 17h, et toute la journée le samedi, de 10h à 17h. Elle est fermée tout le mois d’août et pendant les vacances de fin d’année. Exceptionnellement, à la demande et sur rendez-vous, les lecteurs peuvent être accueillis le matin. La bibliothèque est ouverte à tout public sans condition d’âge, de diplôme ou de statut, et son accès est gratuit. Cependant, par ses fonds et les services qu’elle propose, elle est surtout destinée aux chercheurs, étudiants, professionnels ou amateurs des arts du spectacle ou plus particulièrement intéressés par le Festival d’Avignon. Elle accueille les groupes pour des séances de découverte des collections. La fréquentation varie sensiblement selon les saisons ; faible en janvier et en septembre, elle augmente fortement en juillet. C’est la Bibliothèque nationale de France qui gère la bibliothèque. En effet, en 1979, la Bibliothèque nationale, l’un des trois partenaires fondateurs de la Maison Jean Vilar, s’engage à charger une équipe permanente du traitement du fonds Jean Vilar et de sa valorisation, ainsi que de la constitution et de la gestion de la bibliothèque qui l’accompagne. La bibliothèque est une annexe du département des Arts du spectacle, le plus jeune des départements des collections de la BnF, né en 1976 à partir de la collection d’Auguste Rondel (1858-1934), grand collectionneur et amateur des arts du spectacle. Les collections de la bibliothèque proviennent de sources diverses : acquisitions par la BnF accumulées depuis 1979, dons, archives régulièrement versées par le Festival d’Avignon ainsi que par les compagnies du Off ou encore de nombreuses compagnies régionales. Comme à Paris au département des Arts de spectacle de la BnF, le lecteur trouvera à la Maison Jean Vilar des livres, des revues et des journaux, des enregistrements vidéo ou sonores sur divers supports, mais aussi des photographies, des affiches, des cartes postales, des brochures et des dossiers de presse, des tapuscrits… Le dénominateur commun, le thème commun de cette extrême variété de documents et supports sont : Jean Vilar et son œuvre, le Festival d’Avignon, les arts du spectacle dans la diversité de leurs genres, la vie culturelle à Avignon et dans la région. C’est ainsi que la bibliothèque propose plus de 30 000 livres, dont 4 000 en accès libre dans la salle de lecture, portant sur tous les arts du spectacle : théâtre, danse, opéra, cinéma, cirque, clown, marionnettes, mime, music-hall, fêtes et variétés. S’y ajoute un vaste choix de textes du répertoire classique et contemporain, français et étranger. Ce fonds s’accroît annuellement de 500 nouveaux titres acquis grâce à un budget annuel de 13 500 euros. Près d’un tiers de ces ouvrages sont signalés dans le catalogue général de la BnF, accessible sur le site de la BnF, et l’équipe a pour objectif de doubler 123 la part des documents signalés. Les étudiants et les amateurs, mais également les professionnels, peuvent s’informer, se former ou satisfaire leur curiosité. Près de 70 titres de revues sont reçus par la bibliothèque, en abonnement ou en don. S’y ajoutent des fascicules isolés ou des collections partielles de plus d’une centaine de revues et publications périodiques spécialisées dans le domaine des arts du spectacle. Tous ces titres figurent au catalogue général de la BnF avec un descriptif précis de l’état des collections. La bibliothèque dépouille une trentaine de revues et signale, par auteur et sujet, tous les articles publiés. Le fichier des articles peut être consulté dans la salle de lecture et nous souhaitons en faciliter prochainement l’accès à distance. Dans le même ordre, on trouvera à la bibliothèque des articles de presse sur de nombreuses personnalités des arts du spectacle, grâce à la constitution de dossiers documentaires. La mémoire du Festival d’Avignon est le point fort de la bibliothèque. Depuis la création du Festival, chaque été, l’ensemble de la documentation – programmes, dossier de presse, affiches – est collecté, inventorié, classé par année et par spectacle et mis à la disposition des lecteurs, sur place à Avignon, mais aussi à Paris, pour une partie, au département des Arts du spectacle, grâce à un second exemplaire qui y est adressé. Cette documentation est complétée par une revue de presse nationale et régionale, réalisée en collaboration avec l’équipe du Festival. Les informations sur les spectacles du Festival d’Avignon se trouvent également sur les sites Internet du Festival d’Avignon et de la Maison Jean Vilar, mais également dans le Catalogue général de la BnF. Quant au Festival Off, il n’est pas omis : comme pour le « In », sa documentation est collectée et classée par année et par lieu. La documentation comprend aussi des photos. À l’instar d’Agnès Varda qui a immortalisé les heures mythiques du festival, de nombreux photographes ont fixé et fixent l’éphémère (Mario Atzinger, Fernand Michaud, Roger Pic, Guy Delahaye…). Leurs photographies, données ou achetées par la bibliothèque, peuvent être consultées sous forme d’albums, de diapos ou sur supports numériques. Les fonds d’enregistrements vidéo ou sonores, remis par le Festival d’Avignon avec ses archives sont très riches. Ils posent cependant un problème de conservation qui fera l’objet d’une expertise technique par le département audiovisuel de la BnF avant leur numérisation. D’autres fonds provenant de dons de diverses personnalités complètent les collections. L’inventaire de cet enrichissement permanent est assuré par l’équipe de la bibliothèque et de l’Association Jean Vilar qui répond sur place, par courriel, courrier ou téléphone à toute question sur le Festival d’Avignon, la vie culturelle en région et les arts du spectacle en général. Signalons enfin l’accès aux ressources numériques de la Bibliothèque nationale de France, plus riche grâce au poste d’accès à Intranet, permettant de consulter en particulier des documents numérisés sous droits ainsi que des périodiques électroniques auxquels la LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 BnF souscrit un abonnement pour ses lecteurs sur place. En 2011, la bibliothèque de la Maison Jean Vilar espère voir sa salle de lecture rénovée pour la rendre plus accueillante et plus confortable. L’accès aux documents par un signalement à distance plus complet devra être facilité. Elle cherchera aussi à mieux faire connaître ses collections et ses services au public tout en travaillant plus étroitement avec les bibliothèques et centres de documentation de la région, mais également avec les équipes parisiennes de la BnF. Lenka Bokova en collaboration avec les bibliothécaires Sylvie Bardou, Catherine Cazou et Elisabeth Roisin. Lenka Bokova est le nouveau conservateur délégué à la Maison Jean Vilar par le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France. L’équipe de l’Association Jean Vilar lui adresse ses vœux de réussite les plus sincères. 124 Quiz La Maison Jean Vilar en 29 questions par Rodolphe Fouano 2) Comment s’appelle le bâtiment qui l’abrite ? a) l’Hôtel Ducros, longtemps habité par l’aïeux d’un épicier qui se décarcasse. b) l’Hôtel du Crochet, demeure ancestrale du fameux capitaine Crochet. b) l’Hôtel de Crochans, seigneurerie du fils aîné d’Henri de Guyon. 3) Quel artiste a réalisé le portail d’entrée ? a) Eustache Le Sueur b) Pierre Mignard c) Jean Boucher 4) Ce bel édifice dont certaines parties sont inscrites à l’inventaire des monuments historiques eut diverses destinations au cours du temps. S’y installèrent notamment les services : a) de l’Archevêché b) du Conseil général c) de la Mutualité Sociale Agricole 5) En quelle année la Ville d’Avignon en fait-elle l’acquisition ? 1971 1974 1978 6) Le bâtiment est situé au 8 rue de Mons. Quelle est l’origine de cette appellation ? a) la rue porte ce nom depuis le jumelage d’Avignon avec Mons, ville francophone de Belgique située en Région wallonne, et célèbre pour ses Gilles. b) Il s’agit d’une déformation de mont (Ventoux), sommet du Vaucluse culminant à 1912 mètres à quelques kilomètres d’Avignon. c) Monseigneur de Mons était l’archevêque d’Avignon. 7) Qui fut à l’initiative de la création de la Maison Jean Vilar ? a) Georges Wilson, successeur de Jean Vilar à la direction du TNP en 1963. b) Paul Puaux, qui lui succéda à celle du Festival d’Avignon en 1971. c) Jacques Lang, successeur de Michel d’Ornano au ministère de la Culture en 1981. 8) Quel est le président de la République qui honora de sa visite la Maison Jean Vilar ? a) Valéry Giscard d’Estaing b) François Mitterrand c) Jacques Chirac 9) A qui Catherine Tasca remit-elle la Légion d’honneur dans les murs de la Maison Jean Vilar en juillet 2001 ? a) Yannis Kokkos b) Georges Wilson c) André Degaine V 1) En quelle année la Maison Jean Vilar a-t-elle été ouverte ? a) 1972, à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Jean Vilar. b) 1979, à l’occasion d’un nonanniversaire de la mort de Jean Vilar ! c) 1981, à l’occasion du dizième anniversaire de la mort de Jean Vilar. Le portail de la Maison Jean Vilar. Photo Romain Stepek. 125 V Ouverture du Festival 2009 : aubade des élèves du Conservatoire du Grand Avignon, sous la direction d’Eric Sombret, en hommage à Maurice Jarre, compositeur notamment des musiques de scène du TNP - Jean Vilar. 10) A quelle date parut le premier numéro des Cahiers de la Maison Jean Vilar, présenté comme un « modeste bulletin ». ? a) juillet 1981, en regard de l’exposition Jean Vilar, dix ans après sa disparition. b) janvier 1982, alors que Jean Vilar aurait eu soixante-dix ans. c) juillet 1991, pour marquer les vingt ans de la disparition de Jean Vilar. nationale de France ? a) 25.000 b) 30.000 c) 35.000 11) Qui est alors le président de l’Association Jean Vilar ? a) Paul Puaux b) Francis Raison c) Paul-Louis Mignon 15) Quels éléments scéniques du TNP sont conservés dans le Fonds Jean Vilar ? a) le chariot de Mère Courage b) le trône de Macbeth c) l’épée du Cid 12) Combien de costumes de théâtre sont conservés à la Maison Jean Vilar ? a) 600 b) 900 c) 1200 16) Un mobile d’Alexandre Calder constitue l’un des trésors du Fonds Jean Vilar. Quelle en est l’origine ? Il s’agit : a) d’un élément de décor de Nucléa, pièce d’Henri Pichette montée au TNP par Gérard Philipe en 1952. b) d’un cadeau fait par le sculpteur au directeur du TNP. c) d’une œuvre offerte par ses héritiers 13) Combien de volumes sont disponibles à la bibliothèque, antenne décentralisée du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque 14) Combien de références vidéothèque compte-t-elle ? a) 500 b) 750 c) 1.200 LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 pour nourrir une fondation Vilar. la 17) Du jambon cru, des tomates et des vertèbres humaines dorées à l’or fin ont été exposés à la Maison Jean Vilar. a) vrai b) faux 18) Depuis quelle année la Maison Jean Vilar accueille-t-elle dans sa calade, durant le Festival, une librairie spécialisée dans les arts du spectacle ? a) 1985 b) 1986 c) 1987 19) Quels auteurs dramatiques furent invités à y dédicacer leurs œuvres ? a) Nathalie Sarraute b) Robert Pinget c) Fernando Arrabal 20) Quel objet trônait sur le matelas de grande dimension (515x250x200), au cœur de l’exposition Jan Fabre proposée à la Maison Jean Vilar en 2005 ? 126 127 26) Quel artiste associé du festival s’est exprimé dans les colonnes des Cahiers de la Maison Jean Vilar ? a) Joseph Nadj b) Frédéric Fisbach c) Wajdi Mouawad 25) En 2007, la Maison Jean Vilar a célébré le 60e anniversaire du Festival d’Avignon par une série de lectures avec notamment : a) Anne-Marie Philipe c) Michel Bouquet d) Lambert Wilson 24) Le même été, la Maison Jean Vilar reçut l’un des auteurs dramatiques français contemporains les plus populaires. De qui s’agit-il ? a) Yasmina Reza b) Florian Zeller c) Eric-Emmanuel Schmitt propriété de la Ville d’Avignon, en 1974. Son portail d’entrée, décoré d’emblèmes militaires, est de l’architecte Pierre Mignard II (1680). Les façades sur cour et sur jardin font l’objet d’une inscription à l’inventaire des monuments historiques. A l’intérieur du bâtiment, il subsiste un escalier de fer forgé ; quelques salons ont conservé les boiseries dorées d’origine. Racheté par la Ville, puis réaménagé, l’hôtel de Crochans abrite la Maison Jean Vilar fondée en 1979 par Paul Puaux. 8b : voir photo p.103, 9b, 10b, 11b, 12c, 13b, 14c,15abc, 16q, 17a : en 2004, Jan Fabre y exposant son œuvre plastique. 18a, 19abc : à l’initiative de Christian Dupeyron, fondateur des éditions Papiers. 20c, 21c, 22b, 23c, 24c voir photo p.110, 25ac : voir photos p.106 et 109, 26abc : voir sommaires complets p.114-118, 27c, 28c, 29c : radio L’Echo des planches qui émettra de nouveau en juillet 2011 depuis la Maison Jean Vilar. 27) Quelle chorégraphe et danseuse a proposé une petite forme dans la salle voûtée de la Maison Jean Vilar en juillet 2010 ? a) Karine Saporta b) Maguy Marin c) Régine Chopinot Réponses du Quiz... 23) Lors d’une rencontre publique à la la Maison Jean Vilar, en juillet 2007, à quelle actrice un spectateur déclara-t-il sa flamme ? a) Valérie Dréville b) Isabelle Huppert c) Jeanne Moreau 22) Quel philosophe a donné une conférence en juillet 2005 dans la calade de la Maison Jean Vilar ? a) Jacques Derrida b) Michel Onfray c) Raphaël Enthoven 21) Quel comédien a présenté a plusieurs reprises des maquettes de ses spectacles à la Maison Jean Vilar ? a) Jean-Paul Farré b) Philippe Caubère c) Philippe Avron a) une aguicheuse poupée Barbie à l’échelle 1/1 b) un nain en string rouge c) une boule de bousier 29) Quelle animation nouvelle la Maison Jean Vilar proposa-t-elle la même année dans sa calade ? a) une garderie avec des ateliers pédagogiques pour les enfants de 4 à 6 ans. b) une buvette équipée d’une machine de « barbe à papa ». c) une radio temporaire pour couvrir l’actualité du festival. R. F. 28) A quel auteur fut consacrée l’exposition de l’été 2010, dans le cadre de l’année de la Russie en France ? a) Tolstoï b) Dostoïevski c) Tchekhov 1b, 2c, 3b, 4abc, 5b, 6c, 7b : vers 1330, le cardinal Pierre des Prés fait construire à proximité de l’actuelle place de l’horloge, un palais comportant plusieurs corps de bâtiments et des dépendances qu’il lègue au chapitre Saint-Pierre dont il a fait rebâtir l’église. Habitée ensuite par plusieurs prélats, cette demeure garde un temps l’appellation de « livrée de Thury », du nom de son dernier occupant, le cardinal Pierre de Thury mort en 1410. Elle devient, vers 1463, la propriété de la famille de Brancas. En 1671, l’habitation principale est achetée par Louis Henri de Guyon, doyen de la Rote et consulteur du Saint-Office. Son fils aîné, seigneur de Crochans, maître de camp dans les armées royales, lui donne son nom et sa physionomie actuelle. A la Révolution, le bâtiment abrite l’administration du district d’Avignon ainsi que le Conseil général. La Préfecture l’achète en 1823 pour y loger l’archevêque d’Avignon, Mgr de Mons. Ce sera le siège de l’archevêché jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905. D’abord vacant, l’immeuble est ensuite occupé par divers services dont la Mutualité sociale agricole, le dernier en date, avant de devenir soutenez la maison jean vilar... en vous abonnant à ses Cahiers ... adhérez à l’Association Jean Vilar Nom, prénom : Adresse : Code postal : Ville : Tél. : email : Adhésion : 25 euros Bienfaiteurs : à partir de 40 euros Montant : Date : Chèque à l’ordre de l’Association Jean Vilar. Merci. Bulletin à adresser à la Maison Jean Vilar - Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons - 84000 Avignon Les précédents Cahiers de la Maison Jean Vilar sont disponibles en téléchargement sur le site http://maisonjeanvilar.org L’équipe permanente Les Cahiers de la Maison Jean Vilar Jean Vilar L’Association Jean Vilar Remerciements très spéciaux au est subventionnée par Crédit Coopératif d’Avignon. Association Jean Vilar Fidèle à sa mission, son soutien Président : Jacques Lassalle sans faille donne à l’Association Jean Vilar la sécurité dont elle a besoin pour ses projets les plus ambitieux. Directeur délégué : Jacques Téphany Assistant : Roland Aujard-Catot Chargé de mission : Rodolphe Fouano Directeur de la publication Jacques Lassalle Directeur de la rédaction Jacques Téphany Responsable de projets : Frédérique Debril Et remerciements amicaux à la Couscousserie de l’Horloge. Responsable technique : Francis Mercier Accueil : Séverine Gros Entretien : Fernande d’Antonio Bibliothèque nationale de France Conservateur : Lenka Bokova Rédacteur en chef Rodolphe Fouano Secrétariat de rédaction graphisme et réalisation Frédérique Debril assistée de Lauriane Justamond Bibliothécaires : Sylvie Barce, Catherine Cazou, Elisabeth Roisin. LES CAHIERS JEAN VILAR – N° 111 Imprimerie Laffont - Avignon 128