Physiologie des reins et des liquides corporels, 2e édition

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ASPECTS STATIQUES DES LIQUIDES CORPORELS :
LEUR VOLUME
I. Homéostasie des liquides corporels
A) Solutions aqueuses
Les liquides corporels sont essentiellement des solutions aqueuses contenant des solutés,
dissociés ou non (tableau 1-1). Des compartiments de taille variable contiennent ces
solutions entourées de membranes. Leur composition surtout lipidique les rend plutôt
imperméables au passage de l’eau et des solutés entre les compartiments.
1. Leau est le solvant de tous les liquides corporels. Cette substance est de beaucoup
la plus abondante dans notre organisme puisqu’elle représente environ 60 % du
poids corporel.
2. La grande majorité des solutés ou des particules dissoutes dans les liquides cor-
porels sont dissociés en ions chargés électriquement qu’on appelle électrolytes.
Les cations, chargés positivement, comprennent le sodium (Na), le potassium
(K), le calcium (Ca), le magnésium (Mg) et les protons ou ions hydrogène (H).
Les anions, avec une ou plusieurs charges négatives, incluent le chlore (Cl), le
bicarbonate (HCO3), les protéines, le phosphate (PO4), le sulfate (SO4) et divers
anions organiques, comme le lactate, le citrate et l’urate. Au contraire, les solutés
non dissociés et sans charge électrique, tels que le glucose et l’urée, ne constituent
qu’une petite fraction des particules dissoutes dans les liquides corporels.
Tableau 1-1
Composition des liquides corporels
1. Eau = solvant
2. Solutés
Dissociés = électrolytes
Cations : Na, K, Ca, Mg, H
Anions : Cl, HCO3, protéines, PO4, SO4, anions organiques
Non dissociés : glucose, urée
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Physiologie des reins et des liquides corPorels
B) Limites physiologiques compatibles
avec le fonctionnement cellulaire
Le fonctionnement normal et la survie des cellules de notre organisme requièrent
deux conditions essentielles. D’une part, la production d’énergie métabolique, sur-
tout sous la forme d’adénosine triphosphate, ou ATP, doit être continuelle à partir
du cata bo lisme cellulaire et surtout oxydatif des trois éléments nutritifs disponibles,
les glucides, les lipides et, à un degré moindre, les protides. Le métabolisme oxydatif,
utilisant l’oxygène, produit le gaz carbonique, ou CO2, et divers déchets azotés, tels que
l’ammoniac, l’urée, la créatinine et l’acide urique. Le CO2 et les déchets azotés doivent
être enlevés des liquides corporels afin de prévenir leur accumulation toxique.
D’autre part, le volume et la composition électrolytique du liquide intracellulaire
doivent demeurer relativement stables à l’intérieur de limites physiologiques assez
étroites. Le volume et la composition ionique du liquide extracellulaire entourant
les cellules doivent aussi demeurer constants.
Ainsi, comme le montre la figure 1-1, la concentration normale de sodium dans
le plasma et dans le liquide extracellulaire est de 140 mEq/L, celle de potassium
entre 4 et 5 mEq/L, et celle des ions hydrogène de seulement 0,000040 mEq/L.
Cette concentration minuscule des ions hydrogène correspond à un pH sanguin
de 7,40. Les concentrations de glucose et d’urée dans le plasma et dans le liquide
extracellulaire se situent normalement autour de 5 mmol/L.
LEC
[Na+] = 140 mEq/L
[K+] = 4-5 mEq/L [glucose] = 5 mmol/L
[urée] = 5 mmol/L
[H+] = 0,000040 mEq/L
(pH = 7,40)
LIC
Figure 1-1
Concentrations normales de divers solutés dans le liquide
extracellulaire (LEC) entourant le liquide intracellulaire (LIC)
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asPects statiques des liquides corPorels : leur volume
La concentration de chaque électrolyte dans les liquides extracellulaire et intra-
cel lulaire doit se maintenir en dedans des limites physiologiques. De plus, il faut aussi
conserver normale la somme de toutes ces concentrations d’électrolytes qui génè-
rent la plus grande partie de l’osmolalité efficace dans les liquides corporels. Même
si habituellement les mécanismes homéostatiques maintiennent normale la con cen-
tration de chaque électrolyte, la composition ionique des liquides extra cellulaire et
intracellulaire peut devenir anormale et affecter alors plusieurs fonctions cellulaires.
Voici trois exemples impliquant la concentration des cations sodium, potas sium
et hydrogène facilement mesurée dans le plasma et dans le liquide extracellulaire
(tableau 1-2).
1. Concentration extracellulaire de sodium (natrémie). Le sodium et les anions qui
l’accompagnent représentent presque toutes les particules ou osmoles présentes
dans le plasma et dans le liquide extracellulaire. Quand la concentration de
sodium dans le plasma tombe sous la valeur de 100 mEq/L ou dépasse celle
de 170 mEq/L, le mouvement d’eau résultant du gradient osmotique entre les
compartiments extracellulaire et intracellulaire modifie considérablement le
volume des cellules. Ce volume cellulaire augmente lorsqu’une hyponatrémie fait
entrer l’eau extracellulaire dans les cellules et diminue quand une hypernatrémie
fait sortir l’eau des cellules vers la phase extracellulaire. La modification du
volume des neurones cérébraux produit diverses manifestations neurologiques,
dont la baisse progressive de l’état de conscience allant jusqu’au coma.
2. Concentration extracellulaire de potassium (kaliémie). Si la concentration de
potassium dans le plasma est inférieure à 2 mEq/L ou dépasse 8 mEq/L, le
rapport de la concentration intracellulaire de potassium sur sa concentration
extracellulaire (le rapport Ki/Ke) s’éloigne de la valeur normalement autour
de trente. Quand l’hypokaliémie augmente le rapport Ki/Ke, le potentiel de
membrane au repos devient plus négatif (hyperpolarisation) que la valeur
normalement autour de –90 mV. Par contre, le potentiel de membrane au repos
est moins négatif (hypopolarisation) quand l’hyperkaliémie abaisse le rapport
Ki/Ke. L’hyperpolarisation ou l’hypopolarisation modifient donc l’excitabilité
des cellules nerveuses et des cellules musculaires, c’est-à-dire la différence
entre le potentiel de seuil autour de –65 mV et le potentiel de membrane au
repos. Elles produisent ainsi une paralysie des muscles squelettiques et diverses
arythmies cardiaques pouvant entraîner le décès.
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Physiologie des reins et des liquides corPorels
Tableau 1-2
Concentrations anormales de sodium, de potassium et d’ions hydrogène
dans le plasma et dans le liquide extracellulaire
Sodium > 170 mEq/L Volume cellulaire (neurones cérébraux)
< 100 mEq/L diminué ou augmenté
Potassium > 8 mEq/L Excitabilité neuromusculaire
< 2 mEq/L augmentée ou diminuée
Ions hydrogène pH > 7,80 Métabolisme cellulaire ralenti
pH < 6,80
3. Concentration extracellulaire d’ions hydrogène. Quand la concentration plasma-
tique des ions hydrogène est plus basse que 0,000016 mEq/L, ce qui correspond
à un pH de 7,80, ou dépasse 0,000160 mEq/L (pH de 6,80), le pH intracellulaire
change proportionnellement. La titration des protéines intracellulaires qui en
résulte modifie la charge électrique, la structure et la fonction de ces dernières.
L’altération des protéines enzymatiques diminue considérablement leur activité
et ralentit la vitesse des réactions métaboliques qu’elles catalysent. La chute du
métabolisme cellulaire et de la production d’ATP dans les neurones cérébraux
explique le coma obserlorsque l’acidose ou l’alcalose sont sévères. Le même
ralentissement du métabolisme dans les cellules musculaires cardiaques produit
une insuffisance cardiaque congestive.
Les changements de la composition électrolytique du liquide extracellulaire ne
produisent donc pas directement leurs effets néfastes sur le fonctionnement des
cellules. Les modifications du volume intracellulaire, de l’excitabilité neuromusculaire
et de l’activité des protéines enzymatiques en sont plutôt responsables.
C) Rôle essentiel des reins
La première et de loin la plus importante fonction des reins est de maintenir, à
l’inté rieur de limites physiologiques, à la fois le volume et la composition ionique des
liquides extracellulaire et intracellulaire.
Les reins doivent d’abord conserver normal le volume du liquide extracellulaire,
puisque le plasma constitue le quart de celui-ci et la moitié du volume sanguin. En
effet, un volume plasmatique abaissé diminue le volume sanguin, le débit cardiaque,
la pression artérielle et la perfusion tissulaire acheminant l’oxygène et les éléments
nutritifs (glucides, lipides et protides) à toutes les cellules de l’organisme. Les reins
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asPects statiques des liquides corPorels : leur volume
maintiennent aussi la tonicité ou le nombre d’osmoles efficaces dans le compartiment
extracellulaire et par conséquent le volume normal des cellules.
Les reins gardent autour de zéro le bilan externe d’eau et celui de plusieurs
électrolytes dont ils maintiennent normale la concentration dans les liquides corporels.
Évidemment, même un tout petit déséquilibre de l’un de ces bilans externes entre
l’entrée et la sortie d’une substance de l’organisme, par exemple la rétention nette de
100 mL d’eau par jour, devient incompatible avec la survie s’il est prolongé.
Plusieurs barorécepteurs et divers chémorécepteurs détectent un peu partout
dans l’organisme les modifications du volume et de la composition électrolytique
des liquides corporels. Toutefois, les reins s’avèrent les organes effecteurs les plus
importants dans la régulation des liquides corporels en excrétant dans l’urine les
quantités appropriées d’eau et d’électrolytes.
Les quatre premiers chapitres de ce manuel présentent les aspects statiques
(volume et composition ionique) et dynamiques (transport de l’eau et des solutés
entre les compartiments liquidiens) des liquides corporels. Les 19 chapitres suivants
décrivent les mécanismes rénaux responsables du maintien du bilan externe de l’eau
et des électro lytes et par conséquent de l’homéostasie des liquides corporels.
II. Volume des compartiments liquidiens corporels
La figure 1-2 présente la distribution de l’eau corporelle totale entre ses trois princi-
paux compartiments : le plasma, le liquide interstitiel et le liquide intracellulaire.
A) Description des compartiments liquidiens
1. Eau corporelle totale. L’eau représente environ 60 % du poids d’un adulte
normal, à savoir 42 L chez un individu de 70 kg. Cette proportion de 60 % est
toutefois variable, étant plus élevée dans certains tissus, comme les muscles
(environ 80 %), mais beaucoup plus basse dans d’autres, comme le tissu adipeux
(10 % ou moins).
En effet, le faible contenu en eau du tissu adipeux explique la relation inverse
observée entre le contenu en graisse du corps et la fraction du poids corpo rel
représentant l’eau. Une plus grande quantité de graisse réduit donc le pour-
centage d’eau dans le corps dans les trois conditions suivantes : chez les obèses,
chez les femmes, avec un tissu adipeux sous-cutané plus abondant, et chez les
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