La photographie ou la peinture de la vie moderne domaine artistique : les arts du visuel Le mot « photographie » est composé de deux racines d'origine grecque : le préfixe « photo- » (φωτoς, photos : lumi"re, clarté) — qui procède de la lumière, qui utilise la lumière ; • le suffixe « -graphie » (γραφειν, graphein : peindre, dessiner, écrire) — qui écrit, qui aboutit à une image. Littéralement : « peindre avec la lumière », », « fixer les images des objets par l’action de la lumière » • La photographie est, dès ses origines, intimement liée à l’architecture. En 1826, les expériences de Nicéphore Niépce, fondées sur la reproduction de la réalité, aboutissent à la création d’une premi"re image positive directe sur plaque de cuivre, qui présente un jeu de toitures. C'est Daguerre qui perfectionne le procédé et dépose l'invention en 1835. Un daguerréotype est constitué d'une plaque, généralement en cuivre, recouverte d'une couche d'argent. Cette plaque est sensibilisée à la lumière en l'exposant à des vapeurs d'iode qui, en se combinant à l'argent, produisent de l'iodure d'argent photosensible. Lorsqu'elle est exposée à la lumière, la plaque enregistre une image invisible, dite « image latente ». Le temps d'exposition est d'environ vingt à trente minutes, beaucoup moins que les méthodes précédentes qui nécessitaient plusieurs heures d'exposition. Henri Cartire-Bresson, Derrière la gare Saint Lazare, Paris, France, 1932, épreuve gélatino-argentique, tirage réalisé en 1953, 49,8 x 35,1 cm " Faire un portrait est pour moi la chose la plus difficile. C’est un point d’interrogation posé sur quelqu’un." Henri Cartier-Bresson L’INSTANT DéCISIF Sensible à l’esthétique de la rencontre et à la poétique de la surprise, Henri CartierBresson se ballade, au hasard des rues et du " merveilleux quotidien ". Surplombant la gare Saint-Lazare, dans la fumée montante des locomotives, il se retrouve place de l’Europe en ces lieux qui inspirèrent les impressionnistes (Claude Monet) . Il y a là des travaux derrière une palissade. C’est tentant : il y glisse un œil. La photographie fige les êtres et les choses, suspend le temps ; par la composition, on peut néanmoins tout redynamiser. La photographie s’étant faite à l’instant décisif, se crée là comme un suspense. "Chez Henri Cartier-Bresson, c’est rarement le moment où s’accomplit l’événement : c’est plutôt l’instant qui précède et qui contient en germe l’événement lui-même, qui donne aux " regardeurs " que nous sommes la possibilité parfois amusée d’anticiper. Il va se passer quelque chose : le photographe en a eu l’intuition. L’instant décisif n’est cependant pas seulement lié à l’événement. C’est plus profond. Il correspond, selon Henri Cartier-Bresson, à la " reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d’une part de la signification d’un fait, et de l’autre d’une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait ", d’où le génie de cette photographie où tout s’harmonise. Jour de soleil voilé par les fumées, depuis une échelle posée à plat qui évoque les rails d'une voie de chemin de fer, un homme en chapeau enjambe le miroir d’une flaque. Le talon pointu de sa chaussure est sur le point de rencontrer son propre reflet. Au vu du vacillement encore de l’échelle, on peut s’attendre à des ronds dans l’eau, répondant à ces arceaux de barriques abandonnés au devant. À l’aplomb de la pendule de la gare, il y a deux affiches d’une enjambée dansée et stylisée. À côté, sur la palissade, tout autant dédoublé, le nom de Railowsky, musicien (du rail ?), orchestre (qui sait ?) cet instant sacralisé où tout se répond en harmonie… " Les coïncidences sont les seules choses qui nous permettent d’imaginer qu’il existe peut-être un ordre dans le chaos de l’univers. " Alberto Savinio, écrivain, peintre et compositeur italien, mort en 1952, frère cadet de Giorgio De Chirico.