La commission, qui a intégré en tant qu'experts un représentant du Comité national des références
déontologiques et un membre du CNAD, considère aussi que les professionnels du travail social et de
l'action sociale et médico-sociale paraissent souvent embarrassés par les atteintes/limites à la laïcité et
que beaucoup répugnent à s'interroger et se positionner, au nom d'une incapacité à verbaliser les
problématiques et les positions en présence, voire même d'une réelle peur d'aborder le sujet.
Il paraît nécessaire que le CSTS permette aux professionnels en exercice de poser un questionnement
clair pour eux-même et pour les personnes accompagnées, d'ouvrir des débats entre professionnels au
sein des institutions concernées, de ne pas en rester à l'embarras ou l'évitement, mais d'assumer la mise en
œuvre légale du principe de laïcité et de promouvoir cette valeur.
Ceci est d'autant plus nécessaire que tous les établissements n'ayant pas une mission de service public, les
questions se posent juridiquement dans le cadre de l'exercice des missions d'intérêt général. Des décisions
de conseils de prudhommes et tribunaux semblent se contredire (affaire Baby-loup...); d'autres
délibérations montrent que les questions de laïcité sont bien présentes, comme celle de la HALDE
approuvant le licenciement d'un agent hôtelier d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes (EHPAD) qui refusait d'ôter son voile dès lors qu'une telle attitude constituait une violation
caractérisée des règles d'hygiène.
Le fonctionnement de certains établissements peut dorénavant être profondément affecté par le fait
religieux. Ainsi, la commission a eu connaissance que dans un établissement de protection de
l'enfance remplissant une mission d'intérêt général, une partie du personnel exige des repas conformes à
leurs pratiques religieuses ; ce groupe considère aussi que la religion a une fonction éducative et il exerce
une forme de prosélytisme. L'établissement s'en trouve divisé entre deux clans professionnels qui
s'opposent vivement, entre eux et dans leur manière d'exercer la mission commune.
2. La laïcité, une question politique d'actualité
Un fondement clair, une acception élargie
Au principe même de la laïcité française, il y a le rôle prééminent de l'Etat. La France a une position
singulière, puisqu'elle est l'un des seuls pays dont la Constitution proclame la laïcité de l'Etat, tout en
affirmant que celui-ci respecte toutes les croyances.
Si l’on s’en tient au règlement juridique, la notion de laïcité découle des droits fondamentaux reconnus à
tous les êtres humains : la liberté et l’égalité. De plus, en raison de l’égalité et du principe de non-
discrimination, de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’application du principe de laïcité
garanti par la Constitution l’est également par la Convention européenne des droits de l'homme et par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Cependant, le régime juridique de la laïcité est dispersé dans de nombreuses sources juridiques et la
laïcité ne s’applique pas de la même manière sur l’ensemble des territoires de la République (huit
régimes cultuels différents). S’y ajoutent les mutations importantes de la notion de laïcité.
La tendance est d’élargir « la laïcité », mot polysémique qui recouvre trois orientations : différentialiste
(tentée d’accorder des droits spécifiques à chaque communauté), classique (ne pas intervenir dans le
champ des religions), contrôleuse (voulant contenir la religion dans la sphère privée). Certains
observateurs caractérisent actuellement sept laïcités : antireligieuse, gallicane, séparatiste stricte,
séparatiste inclusive, ouverte, identitaire, concordataire. Pour sa part le Haut Conseil à l'intégration a
différencié trois champs d'application des principes de laïcité et de neutralité : la sphère publique où ils
s'appliquent avec rigueur ; le domaine privé ; l'espace social où s'exercent pleinement les libertés
publiques, mais dans les limites de l'exercice des libertés d'autrui et du respect de l'ordre public.
Ainsi, la laïcité impose un devoir permanent de vigilance. Un effort permanent d’explications et un
travail constant d’éducation est nécessaire pour avoir une laïcité équilibrée.
Des discordances dans l'histoire récente
Un regard historique complète ce rappel des fondements par un bref exposé de décisions contrastées