Fiche 4 : Points de vue 1/3
La définition de cette notion de « point de vue » dépend du verbe « voir » : il faut chercher qui voit les événements
racontés, c'est-à-dire à partir de quelle tête de personnage le lecteur est positionné.
Si la narration est menée à la 1ère personne, avec un personnage-narrateur, le point de vue est celui du personnage
qui est ce « je ». Ainsi, le récit de la vie de « La rempailleuse » est fait par le médecin. Il est écrit par exemple : « elle
nous raconta toute sa vie. Je ne sais rien de plus singulier et de plus poignant. » Cette opinion au sujet de l'histoire de la
rempailleuse est bien celle du médecin : pour lui, c'est « singulier », « poignant », ce qui ne sera pas l'avis de tous ses
auditeurs. L'intérêt est d'orienter le lecteur vers cette opinion-là, puisque l'identification avec « je » est facile pour un
lecteur.
Si la narration est menée à la 3è personne, trois points de vue sont possibles, selon que le lecteur en sait autant,
moins ou plus que le personnage suivi.
« L'aventure de Walter Schnaffs » des Contes de la bécasse, de Maupassant, est raconté à la 3è personne : le point de
vue y est le plus souvent interne au personnage de Walter, le lecteur voit, perçoit par les sens de ce personnage.
Il faut savoir le justifier en cherchant les verbes de perception ou de pensée, et en montrant que le sujet de ces verbes est
alors « Walter » ou un pronom le représentant. Ainsi, dans le premier paragraphe, se trouve la phrase : «Depuis son
entrée en France avec l'armée d'invasion, Walter Schnaffs se jugeait le plus malheureux des hommes. ». « Walter » est
sujet du verbe « se juger», qui montre que le lecteur prend connaissance de ce que ressent le personnage. Le point de
vue est donc bien interne à Walter.
L'intérêt de présenter un point de vue interne à un personnage est de permettre au lecteur de mieux suivre les nuances
de sa pensée, son évolution mais aussi de comprendre l'ironie de ses paroles ou de la situation par exemple. À la fin de
la nouvelle, il est écrit : « Il souriait, lui, il souriait maintenant, sûr d'être enfin prisonnier !». Seule l'écriture du point de
vue interne permet de comprendre que ce qui domine ce personnage est le soulagement, non la moquerie ou la folie. En
effet, quelques phrases auparavant se trouve écrit : « son coeur frémit de désir, d'un désir violent, immodéré, d'être
prisonnier des Français». Le sujet du verbe « frémir » est « son coeur », parlant de Walter ; le point de vue est bien
interne à ce personnage et permet de comprendre l'ironie de la situation, qui le montre heureux d'être prisonnier.
Lorsque le lecteur n'a comme indication que les actions du personnage ou ses paroles, il en sait moins que lui : il ne sait
pas ce qu'il pense, ce qu'il ressent. Il s'agit d'un point de vue externe sur ce personnage. Dans « L'aventure de Walter
Schnaffs », c'est le cas lorsque le lecteur a des indications comme : « Le dernier croissant éclairait vaguement l'horizon
au-dessus des arbres du parc. C'était l'heure froide qui précède le jour. Des ombres glissaient dans les fourrés,
nombreuses et muettes ». L'identification est justifiée par le fait que le lecteur ne sait rien d'autre que ce que tout le
monde peut voir, il est dans l'ignorance des mobiles de ces personnages. L'intérêt est de créer l'attente : que va-t-il
arriver ensuite ?
« Pierrot » du même recueil est raconté à la 3è personne, mais le lecteur en sait parfois plus que les personnages. Il est
écrit au tout début : « Madame Lefèvre était une dame de campagne, une veuve, une de ces demi-paysannes à rubans et
à chapeaux falbalas, de ces personnes qui parlent avec des cuirs, prennent en public des airs grandioses, et cachent une
âme de brute prétentieuse ». Pour justifier, il est possible d'avancer que le lecteur en sait plus qu'un personnage qui ne se
catalogue pas comme « demi-paysanne », et encore moins, qui indique ce qu'elle est hors des apparences. Le point de
vue est alors omniscient (scient : qui sait, omnis : tout). L'intérêt est de proposer d'emblée une vue générale de ce
personnage, pour mieux comprendre les actions qui vont suivre, dont l'abandon du chien.
Chaque point de vue peut être commenté pour son intérêt : il s'agit de chercher ce qu'apporte au lecteur le choix
d'écriture.
Résumé :
narration 1ère personne : point de vue interne au narrateur personnage
narration 3è personne : point de vue interne à un personnage, si le lecteur = ce personnage (il en sait autant que lui)
narration 3è personne : externe si le lecteur < aux personnages (il en sait moins qu'eux)
narration 3ème personne : omniscient si le lecteur > à un personnage (il en sait plus que lui)
Attention : le point de vue interne n'est pas nécessairement lié à l'usage de la première personne. Un lecteur peut suivre
le point de vue interne à un personnage avec un mode de narration à la 3è personne. Il suffit d'insérer dans le récit des
verbes de perception ou de sentiment dont le sujet sera ce personnage : il vit, il comprit, il entendit...
Dans le cadre d'un sujet d'expression écrite où il s'agirait de changer de point de vue, il ne faut donc pas ajouter un
changement de mode de narration (sauf consigne particulière). Autrement dit : ce n'est pas parce qu'il s'agit écrire en
choisissant le point de vue interne à un personnage qu'il faut écrire à la 1ère personne.
Par ailleurs, un changement de point de vue nécessite de se demander : que voit, qu'entend le personnage dont je dois
adopter le point de vue ? Où est-il ? Que sait-il de la situation ? Il s'agit de s'identifier exactement à ce personnage au
moment d'écrire de son point de vue. La réécriture de la partie de « L'aventure de Walter Schnaffs » au moment où
Walter est devant le château, attiré par les odeurs de cuisine, exclut donc, si c'est le point de vue d'un domestique,
l'indication de la présence du Prussien : à ce moment-là, personne dans le château ne sait qu'un ennemi est là.