Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 2, mars-avril 2002
ne répond que de son manque de diligence.
Quatrième alinéa : faute
pénale non intentionnelle
indirecte
“Dans le cas prévu à l’alinéa qui pré-
cède, les personnes physiques qui n’ont
pas causé directement le dommage
mais qui ont créé ou contribué à créer
la situation qui a permis la réalisation
du dommage ou qui n’ont pas pris les
mesures permettant de l’éviter, sont
responsables pénalement s’il est établi
qu’elles ont soit violé de manière mani-
festement délibérée une obligation par-
ticulière de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui
exposait autrui à un risque d’une parti-
culière gravité qu’elles ne pouvaient
ignorer.”
Ce 4ealinéa concerne l’auteur indirect du dom-
mage, alors que l’auteur direct dépend du 3eali-
néa. L’évolution était sensible pour le 3ealinéa.
Elle est nette s’agissant du 4ealinéa.
Le texte définit d’abord la notion d’auteur indi-
rect, et cette notion est double. Il s’agit de ceux
qui ont créé ou contribué à créer la situation qui
a permis la réalisation du dommage, mais il
s’agit aussi des personnes qui n’ont pas pris les
mesures permettant de l’éviter. Dans une même
affaire, plusieurs personnes peuvent être consi-
dérées comme auteur indirect. Soulignons que
la notion d’auteur indirect concerne tous les
décideurs, publics ou privés, quel que soit leur
secteur d’activité.
Il faut ensuite définir quelle est la faute qui
engage la responsabilité pénale, et cette faute
renvoie également à une double notion.
La première est la violation délibérée d’une
obligation particulière de prudence ou de sécu-
rité prévue par la loi ou les règlements. Il n’y a
pas d’intention de causer le dommage mais vio-
lation manifeste d’un texte, et encore d’un texte
qui définit une règle précise de prudence ou de
sécurité. Au contraire, et c’est une innovation
majeure du texte, une violation qui ne serait pas
manifestement délibérée n’est pas une faute
pénale pour l’auteur indirect. La seconde inter-
vient en l’absence de consigne spécifique de
sécurité. L’infraction résulte alors d’une faute
caractérisée exposant autrui à un dommage
d’une particulière gravité, sans qu’il soit pos-
sible d’ignorer ce danger. Le texte permet ainsi
trois nouveaux moyens de défense : une faute
non caractérisée, l’exposition à un danger qui
n’est pas exceptionnellement grave, l’ignorance
d’un danger exceptionnellement grave. Les trois
conditions étant annulatives pour que soit
constituée l’infraction, l’absence d’une seule
conduit à l’impunité pénale de l’auteur indirect.
Pour l’auteur indirect, la faute pénale est ainsi
strictement entendue : violation manifeste d’une
règle de sécurité ou création, par action ou
omission, d’un danger d’une particulière impor-
tance. L’évolution par rapport à l’état antérieur
est notable, car la loi ancienne ne faisait aucune
distinction. En pratique, un équilibre était trou-
vé à l’occasion des procédures, mais plus d’une
décision judiciaire témoignait d’une véritable
sévérité. Désormais, l’auteur indirect n’est pas
épargné mais il est protégé. Le bon père de
famille doit donner les consignes et veiller au
grain, mais il n’a pas à répondre sur le plan
pénal de tous les faits et gestes de ses ouailles.
◆◆◆
L’évolution législative est marquante. Ses effets
seront sensibles sans qu’il s’agisse pour autant
de bouleversements.
La sensibilité dans l’opinion publique et parmi les
décideurs était exacerbée. Quelques décisions
de jurisprudence spectaculaires, mais plus encore
des plaintes déposées dans un contexte très
médiatique, avaient créé un sentiment d’insécurité
juridique. Chacun sait que l’annonce spectacu-
laire de l’engagement d’une procédure crée un
dommage considérable, parfois non réparable.
L’expérience établit qu’en pratique, notamment
par le jeu du principe d’opportunité des pour-
suites dont dispose le Parquet, n’étaient le plus
souvent sanctionnés que des faits qui répon-
daient réellement au sentiment social de ce
qu’est la faute. Toutefois, il convenait de rétablir
un équilibre face à ce qui pointait comme une
dérive : la pénalisation excessive de la vie
publique et des secteurs décisionnels.
Cette loi ne fera pas l’unanimité mais on peut
affirmer qu’elle est bienvenue. Le Parlement a
eu le mérite d’avoir su prendre ses responsabili-
tés et rechercher une loi d’équilibre, alors que la
tentation aurait pu être de laisser le juge, et
d’abord la Cour de cassation, trouver le ton
juste. Il restera désormais à savoir comment les
termes de cette loi seront interprétés par les tri-
bunaux. L’évolution de la jurisprudence pénale
sera suivie avec attention. Les médecins doivent
s’y intéresser et ne pas considérer qu’il s’agit là
d’un insondable galimatias juridique.
Souhaitons qu’elle concoure à une maturation
de la conscience collective : c’est une véritable
régression de l’esprit que de penser qu’il n’exis-
te de justice qu’au pénal, que si des têtes ne sont
pas tombées, la justice n’a pas été rendue.
◆◆◆
La nouvelle rédaction de l’article 121-3 du code
pénal doit rassurer les médecins. Le principe de
la responsabilité pénale pour faute involontaire
reste et il n’a jamais été question de l’abandon-
ner. Cela aurait été un non-sens absolu : l’inté-
grité de la vie humaine justifie entièrement cette
protection. Mais la loi, sans bouleversement,
redéfinit le cadre :
◗le médecin a droit à l’erreur, l’erreur étant
entendue comme un acte prudent et diligent
mais dont le résultat s’avère dommageable ;
◗si le médecin est l’auteur direct du dommage,
sa faute sera appréciée de manière très concrète
par le juge, invité à tenir compte de toutes les
circonstances de fait permettant d’apprécier si
ses diligences normales ont été accomplies ;
◗si le médecin n’est que l’auteur indirect, la
sanction de sa faute supposera peu ou prou un
réel critère de gravité.
À ce stade de l’analyse, un médecin croira peut-
être discerner une forme de schizophrénie du
droit, dans la mesure où les dernières années se
sont caractérisées par le renforcement de règles
de responsabilité : information sur tous les
risques graves même s’ils sont exceptionnels,
obligation de sécurité de résultat en matière
d’hygiène, responsabilité chirurgicale engagée
pour tout geste maladroit… Que l’on se rassure,
il n’y a là nulle schizophrénie, mais simplement
la cohabitation de deux régimes distincts : un
droit civil et administratif, préoccupé de l’in-
demnisation des victimes, tendant à abaisser le
seuil d’accès à l’indemnisation, et qui a pour
véritable interlocuteur l’assureur ; une respon-
sabilité pénale, orientée vers la répression, qui a
pour légitimité de préserver les intérêts géné-
raux que sont l’ordre public et l’équilibre social.
L’excellent père de famille des procédures
indemnitaires et le bon père de famille des pro-
cédures pénales se croiseront parfois mais leurs
chemins sont désormais bien différents.
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Droit et éthique