chose à être introjectée. Dans son phantasme l’enfant
suce le sein à l’intérieur de lui, le mâche et l’avale.
Ainsi, il ressent qu’il l’a effectivement pris à l’intérieur
de lui, qu’il possède le sein de sa mère en lui-même
avec ses bons et ses mauvais aspects.
Objets partiels
& objet total
La concentration et l’attachement de l’enfant à
une partie seulement de la personne sont caracté-
ristiques de cette étape précoce du développement, et
rendent compte en grande partie de la nature phan-
tastique
et irréelle de sa relation à toute chose, par
exemple, à des parties de son propre corps, aux gens,
aux objets inanimés, à toutes ces choses qui sont bien
sûr au début seulement perçues faiblement. Dans les
deux ou trois premiers mois de la vie de l’enfant, son
monde objectal pourrait être décrit comme constitué
de portions gratifiantes, hostiles ou persécutives, du
monde réel. C’est environ à cet âge qu’il commence à
voir sa mère et les autres autour de lui comme des
« personnes entières ». La perception réaliste qu’il a
d’elle (et d’eux) se développe progressivement pen-
dant qu’il relie le visage de sa mère qui le regarde avec
les mains qui le caressent et avec le sein qui le satis-
fait. La faculté de percevoir « des touts », (une fois
qu’il est parvenu à éprouver du plaisir pour des per-
sonnes entières en qui il se met à avoir confiance),
s’étend au monde extérieur au-delà de la mère.
Stimuli& premières
coordinations corporelles
À ce moment-là, d’autres changements ont égale-
ment lieu chez l’enfant. Lorsque le bébé est âgé de
quelques semaines, on peut observer qu’il commence
vraiment à apprécier certains moments de sa vie
éveillée. Et, si l’on en juge d’après les apparences, il y
a des moments où il se sent vraiment heureux. Il
semble qu’à cet âge les stimuli localisés trop puissants
diminuent (au début, par exemple, la défécation est
souvent ressentie comme déplaisante), et une meil-
leure coordination commence à s’établir dans l’exer-
cice des différentes fonctions corporelles, Ŕ ce qui
entraîne non seulement une meilleure adaptation
[Orthographe kleinienne signifiant qu’il s’agit d’un fantastique
issu de l’inconscient.] (NdT)
physique mais aussi une meilleure adaptation mentale
aux stimuli externes et internes. On suppose que les
stimuli ressentis au début comme étant douloureux,
cessent de l’être et que certains d’entre eux sont
même devenus agréables. Le fait que l’absence de sti-
muli puisse alors être ressentie comme un plaisir en
soi, indique que l’enfant n’est plus trop gouverné par
des sensations douloureuses provoquées par des
stimuli déplaisants, ni aussi avide de stimuli agréables
associés à la gratification immédiate et complète pro-
curée par l’ingestion de nourriture. Sa meilleure adap-
tation aux stimuli rend la nécessité d’une satisfaction
immédiate et forte moins urgente
.
Je me suis référée aux premiers phantasmes et
aux premières peurs de persécution liés aux seins
hostiles, et j’ai expliqué comment ils sont connectés à
la relation d’objet phantasmatique du tout petit en-
fant. Les premières expériences que l’enfant fait des
stimuli douloureux externes et internes fournissent
une base à la constitution de phantasmes concernant
des objets hostiles externes et internes, et contribuent
largement à leur construction
.
« Bon » &
« mauvais »sein
Durant l’étape la plus précoce du développement
mental chaque stimulus déplaisant est apparem-
ment relié dans le phantasme du bébé au sein hostile
ou rejetant. Inversement, chaque stimulus agréable
est en relation au « bon » sein gratifiant. Il semble que
nous ayons ici deux cercles, l’un bienveillant, l’autre
malveillant, tous les deux fondés sur l’interaction de
facteurs externes (environnementaux) et internes
(psychiques). Ainsi, la force des phantasmes de natu-
re effrayante devrait diminuer soit par une baisse
quelconque de la quantité ou de l’intensité des stimuli
douloureux, soit par une augmentation de l’aptitude
de l’enfant à s’y ajuster. À son tour, la diminution en
intensité des phantasmes effrayants lui permet
d’avancer petit à petit vers une meilleure adaptation à
En cette connexion je me rappelle d’un commentaire fait ré-
cemment par le Dr Edward Glover. Il a signalé que le change-
ment brusque entre sensation très douloureuse et sensation très
agréable pourrait être ressenti comme douloureux en soi.
Le Dr Susan Issacs a souligné l’importance de ce point dans une
communication à la British Psycho-Analytical Society (janvier, 1934).