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Sylvie Fresco
«En vérité, je suis né après ma naissance. »
Dès les premiers mots, le ton est donné.
Leparcours de vie insolite que Tobie
Nathan retrace ici nous emmène hors des sentiers
battus à la suite de son auteur, Juif cairote émigré
en France en 1958, à l’âge de dix ans. Son récit de
vie évoque d’abord son adolescence dans le creuset
multiculturel de la cité Debussy à Gennevilliers :
découverte de Freud et partage de cette
passion commune avec ses amis lycéens,
premières séances de psychanalyse avec
son ami Sylvain. Il se confond ensuite
avec les événements de mai 1968 que
l’auteur, alors étudiant en sociologie,
dit avoir « à la fois vécu passionnément
et traversé comme Fabrice à Waterloo
». Del’enfant rebelle qui clame haut et
fort sa judéité au jeune adulte gauchiste,
Tobie Nathan est toujours demeuré
insoumis aux pensées convenues. C’est
pourquoi la rencontre avec celui qui
deviendra son mentor, Georges Devereux, professeur à
l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, sera décisive: elle
a « agi sur lui comme un coup de fouet. » Désillusionné
par l’enseignement universitaire, Tobie Nathan va
reconnaître en ce penseur original, freudien hérétique,
Ethno-roman de Tobie Nathan
PARCOURS D’UNE VIE, PARCOURS DE VIES
son maître. Il dresse un portrait haut en couleurs de
ce personnage inclassable à la personnalité complexe,
qui va l’initier à l’ethnopsychiatrie. Oui, car plus que
le parcours d’une vie, introspectif et égotiste, Ethno-
roman retrace le parcours de vies, celles qui ont
jalonné l’existence de son auteur, lui ont donné tout son
sens. Ce sont les ancêtres, Juifs égyptiens, «enterrés
à Bassatine, depuis des temps immémoriaux», et
parmi eux la figure charismatique du rabbi Yom-Tov
Israël Sherezli, grand rabbin d’Egypte, dont Tobie
Nathan serait une réincarnation. Ce sont aussi, évoqués
avec humour et tendresse, son père, Joseph Nathan
alias « Tyrone Power », alias « Humphrey Bogart » ou
«Marcello Mastroianni » « insoumis fondamental » mais
fidèle farouche au rituel de la prière quotidienne; sa
mère, Rena Israël, alias « George Sand » ou « Shirley
Temple » « génie », « douée en tout », animée d’une
passion compulsive pour l’étude et l’enseignement.
Cesont enfin, évoquées en italiques dans le texte,
toutes les figures de guérisseurs que l’ethnopsychiatre
a été amené à croiser dans sa pratique.
Récit de vie ? Essai sur la psychanalyse et
l’ethnopsychiatrie ? Saga des Juifs d’Egypte ? Ethno-
Roman échappe à toute classification, comme son
auteur : « je suis la goutte qui file entre les doigts pour
s’en aller rejoindre la source. »
Barnett newman
(1905-1970)
S’il y a un artiste juif méconnu du grand
public que j’aimerais faire découvrir, c’est
sans nul doute Barnett Newman qui s’impose
à moi. Précurseur et doué d’une grande
sensibilité, il a eu une immense influence
sur l’évolution de l’art américain. Célèbre
pour ses peintures de champs colorés,
ponctués par des « zips» des ouvertures
verticales faites à l’aide de scotchs prélevés
de la surface plane de la peinture. Il défend
une peinture métaphysique sans aucune
représentation qui s’appuie uniquement sur
ses qualités matérielles. Contrairement à
son collègue Marc Rothko, Barnett Newman
n’a eu droit en France qu’à une seule
rétrospective au début des années soixante-
dix. Pourquoi cette injustice ? Il est clair
que l’œuvre de Barnett Newman est plus
déconcertante, mais par sa radicalité, elle
réussit à concilier
un archaïsme allié
à une modernité.
Une œuvre
certainement
en rapport
étroit avec la
tradition juive,
mais absolument
universelle.
Dror Endeweld
CULTURE
Il s’agit d’un dialogue autour des 22 lettres de
l’alphabet hébraïque entre deux rabbins: Josy
Eisenberg, animateur de l’émission «A bible
ouverte» et de «La source de vie» sur France2
et Adin Steinsaltz, rabbin et mathématicien qui a
reçu le prix Israël pour son commentaire des deux
Talmuds. Ces deux rabbins nous introduisent dans
un univers merveilleux où les lettres s’animent,
nous ouvrant ainsi à des mondes inconnus. Une
dizaine de pages est consacrée à chaque lettre.
La lettre א (aleph) se décompose en deux י (yod)
et un ו (vav) concentrant ainsi la valeur numérique
du tétragramme: 26 = 10 (yod) + 6 (vav) + 10
(yod) et qui représente la totalité du monde; le
monde du dehors désigné par le yod au-dessus et
le monde d’en bas désigné par le yod au-dessous,
le vav connotant le rakia, le firmament qui sépare
les deux mondes. א (aleph) est aussi le signe mathématique de l’infini et le
commencement de toute chose. ב (beth), la lettre de la création, c’est par elle
que commence la Torah et le récit de la création,Beth tourne le dos à la lettre
aleph qui désigne l’unité et la transcendance; autrement dit il y a quelque
chose dans le monde que nous ne pouvons pas comprendre. Le ל (lamed)
est la lettre de l’écriture, le ח (h’èth) la lettre de vie et l’alphabet se termine
par la lettre ת (tav) signe du jugement de la vie et de la mort. On parcourt
le livre avec émerveillement, découvrant à chaque page un sens caché, une
tradition une association d’idées. Etudier l’alphabet hébraïque devient donc
une initiation au monde juif et un retour aux origines.
Un livre pour rêver, méditer et apprendre.
Brigitte Frois
Josy Eisenberg, Adin Steinsalzt, Edition Fayard 2012
L’aLphaBet sacré