Parties prenantes, ces amis "critiques" qui vous veulent du bien?

SUPPLÉMENT AU N° 4728 DU 20 MAI 2011 PAGE I
PARTIES PRENANTES, CES AMIS « CRITIQUES »
QUI VOUS VEULENT DU BIEN ?
«Stakeholder » : ce vo-
cable anglo-saxon est
entdans les mœurs
de l’économie et des entreprises
françaises depuis quelques années,
très vite traduit en « parties prenan-
tes ». Même si le business tricolore
avait intégré depuis des lustres cette
donnée dans ses prises de décision.
Mais mettre un nom dessus aide
toujours à clarifier sa pensée et à
mettre en place des process. -
sormais, il est impossible de ne pas
prendre en compte en amont de
toute décision ces fameuses parties
prenantes afin de les convaincre du
bien fondé du projet.
Du rachat éclair et non sollicité du
champion européen de l’acier Arce-
7e Symposium sur l’éthique des Aaires
Par Pascale
Besses-Boumard,
Rédactrice en chef
de « La Tribune ».
ÉDITO DES ACTEURS DÉSORMAIS INCONTOURNABLES
lor par le groupe de l’homme d’af-
faires anglo-indien Mittal – à qui
le Ministre de l’Economie d’alors,
Thierry Breton, voulait expliquer
notre « grammaire des aaires » -
aux catastrophes de l’Erika et d’AZF
à Toulouse, la France a bien com-
pris que l’économie et les entrepri-
ses ne pouvaient plus si jamais
elles l’avaient pu se contenter de
répondre aux attentes du triptyque
« clients – actionnaires - salariés ».
Ce dernier se révèle trop restrictif.
Il ne prend pas assez en compte
l’amont (prospects et futurs clients,
jeunes diplômés et demandeurs
d’emplois potentiellement futurs
salariés), ni l’aval (retraités ex-sala-
riés, anciens clients dont le mécon-
tentement éventuel peut encore
causer des dégâts… Mais surtout,
il omet l’environnement du monde
économique : politique, syndicats,
opinion publique, associations,
groupes de pression (lobbies), mé-
dias. Tout ce qui, par une décision,
un sentiment, une appréciation
peut peser en bien ou en mal
sur la vie même de l’entreprise et
des acteurs économiques, au-delà
de la simple rationalité apparente.
Pour avoir négligé ce facteur des
parties prenantes, combien de fir-
mes ont vu leur image ternie, com-
bien de dirigeants ont été évincés,
combien de projets ont été enter-
rés faute de vérification sur leur ca-
ractère susamment consensuel
ou faute d’une gestion ouverte et
responsable d’un problème.
Le fait qu’Euromed Management,
avec la Bentley University et State
Street, ait tenu à organiser ce col-
loque sur les bonnes pratiques en
matière de prise en compte des
parties prenantes vient souligner
qu’avec un phénomène comme la
RSE, la Responsabilité Sociétale
des Entreprises, la pratique des af-
faires est réellement en train de
changer… Mais qu’il reste encore
du chemin à parcourir. Cest parce
que La Tribune en est également
persuadée qu’elle est heureuse de
s’associer pleinement à cette mani-
festation.
!
DR
www.latribune.fr
LES PARTIES PRENANTES, QUI SONT-ELLES ?
Par Elisabeth Laville,
Fondatrice &
directrice, Utopies
DR
Lancien paradigme de la
communication institu-
tionnelle, focalisé sur la
médiatisation des “bonnes nouvel-
les”, a vécu : on n’attend plus des
entreprises qu’elles soient parfaites
mais au contraire qu’elles soient
honnêtes sur leurs succès… autant
que sur les dicultés, échecs ou
dilemmes qu’elles rencontrent.
En France, comme en Allemagne,
près de 90% des citoyens pensent
que les entreprises ne s’engagent
sur l’environnement que pour des
raisons commerciales (au Japon,
quatre personnes sur dix croient
à la sincérité de l’engagement des
entreprises) . Après des décennies
de communication « sous contrôle
» des entreprises, Internet a tout
changé : désormais la même infor-
mation doit être donnée à tous (le
salarié est désormais actionnaire
et souvent client), et les citoyens
ne sont plus seulement consom-
mateurs mais aussi producteurs et
diuseurs d’informations. Cest l’ère
de l’ « open data », qui substitue la
conversation à la diusion, le bot-
tom-up au top-down, la réputation
(que l’entreprise mérite et subit) à
CES ENTREPRISES QUI FONT RIMER
TRANSPARENCE ET PERFORMANCE…
l’image (que l’entreprise travaille),
l’ouverture à la confidentialité et à
la sécurité, les réseaux aux silos et
la confiance au contrôle …
Au-delà des actionnaires, un nom-
bre croissant de publics (ONG,
clients, agences de notation…)
demande aujourd’hui des comptes
aux entreprises, sur des sujets bien
plus larges que leur performance
financière - des pratiques sociales
des fournisseurs à la performance
environnementale des produits, en
passant par l’influence sur les mo-
des de consommation, l’empreinte
économique sur un territoire,…
Dans les pays du Sud comme du
Nord, les communautés locales
s’organisent pour faire valoir leurs
droits à déterminer l’avenir de
leur territoire et des ressources
qu’il recèle : autant d’attentes avec
lesquelles les entreprises doivent
composer pour ne pas perdre leur
« licence to operate » et prévenir
d’importants dommages à leur
réputation (dont il est désormais
établi qu’elle peut représenter, avec
d’autres actifs intangibles, plus de la
moitié de la valeur financière d’une
entreprise), éviter le blocage d’un
projet, un boycott de leurs pro-
duits… En 2009 une coalition de
140 associations a ainsi débouté un
projet d’extraction de sables marins
des cimentiers Lafarge et Italce-
menti. A l’inverse, l’engagement du
pétrolier Shell dans la consultation
des communautés locales, sur le
projet de pipeline gazier Malam-
paya aux Philippines, aurait permis
de réaliser entre 50 et 72 M$ d’éco-
nomies en temps de construction,
procédures juridiques évitées …
Pour anticiper leurs futurs enjeux,
pour prévenir les risques sociaux
ou environnementaux, pour être
crédibles dans leurs prises de pa-
role sur le développement durable,
les entreprises doivent prendre le
virage d’une ouverture radicale au
dialogue avec leurs publics, invi-
tant même des « amis critiques »
à la table des discussions. Comme
le souligne une dirigeante de Novo
Nordisk, « consulter les ONG et
les parties prenantes les plus exi-
geantes nous permet de savoir par
avance quels sont les sujets qui
intéresseront la presse sur notre
compte dans deux ou trois ans…»
En Europe, des groupes comme
Lafarge ou British Telecom font
également figure de pionniers,
avec un comité consultatif externe
réuni plusieurs fois par an, depuis
2003.
Gare à ceux qui n’auraient pas
pris en marche le train de la trans-
parence et du dialogue, car son
allure s’accélère : parfois même,
l’intégration des parties prenantes
aux processus de décision devient
obligatoire, dans certains secteurs
comme le logement social (avec
les lois Borloo qui imposent la
présence de représentants des
collectivités ou des locataires dans
les conseils d’administration des
bailleurs), ou dans certaines zones
géographiques comme les Etats
du Maryland ou du Vermont, aux
Etats-Unis, qui ont voté l’an dernier
une loi permettant aux entreprises
d’acher explicitement qu’elles
entendent servir d’autres intérêts
(sociaux ou écologiques) que ceux,
financiers, de leurs actionnaires…
Dautres entreprises, comme Nike
ou WalMart, sont même encore plus
proactives en ce sens - qu’il s’agisse
d’innover au plus près des besoins de
la sociépar des procédés d’ « open
innovation » avec les parties prenan-
tes, d’anticiper l’évolution réglemen-
taire en créant de nouveaux stan-
dards de marché plus contraignants
partagés en « open source » avec
leurs concurrents et fournisseurs, ou
de s’assurer du bon veloppement
d’un projet en donnant la possibili
aux communautés locales de parti-
ciper à sa gouvernance. Lentreprise
de demain sera inclusive ou ne
sera pas.
!
7e Symposium sur l’éthique des Aaires
SUPPLÉMENT AU N° 4728 DU 20 MAI 2011
PAGE II
Dans un monde dune complexité croissante, les entreprises
leaders de demain seront celles qui, pour renforcer leur résilien-
ce aux crises et anticiper les évolutions de la société, auront
su mettre en place des stratégies innovantes pour discuter,
collaborer voire même décider avec leurs publics.
Les parties prenantes (Stake-
holders) sont toute entité ou
personne qui peut aecter
ou être aectée par la
réalisation des objectifs que
s’est fixée une organisation
(d’après Freeman, 1984,
Mitchell, Agle & Wood,
1997). Ce concept regroupe
les parties prenantes primaires
(salariés, clients et actionnaires)
mais englobe aussi les concurrents,
régulateurs, gouvernements,
fournisseurs, communautés locales
ou ONG…
Les organisations font aujourd’hui
de la gestion des parties prenantes
un sujet central de leur politique
RSE (Responsabilité Sociétale des
Entreprises), et doivent intégrer
ces acteurs de manière stratégique
dans leurs choix managériaux.
Mais si le principe est aujourd’hui
POINT DE REPÈRE
accepté, la mise en œuvre relève
souvent plus d’une « expérience
d’apprenti sorcier » que d’une
politique construite et maitrisée.
Il s’agit pour les entreprises d’une
mutation fondamentale, dont les
impacts au quotidien touchent
leurs produits et leurs process, font
évoluer leurs métiers et bouleverse
leur gouvernance.
Euromed Management
LES PARTIES PRENANTES, QUI SONT-ELLES ?
Par Jean-Christophe
Carteron,
Directeur de la RSE,
Euromed Management
Par Dr Tobias Hahn,
Professeur chercheur,
Euromed Management
Par Dr. Frank Figge,
Professeur chercheur,
Euromed Management
STUDIO REGARDDR
DR
Lanalyse conventionnelle
décrit l’entreprise comme
une somme de compéten-
ces, une juxtaposition de moyens
ou un assemblage de départements
Lapproche systémique quand à
elle, l’associe à un organisme vivant
tout est lié, interconnecté et in-
terdépendant.
Ainsi, vue sous cet angle, une en-
treprise cherchant à conserver une
bonne performance ne doit laisser
en sourance aucune de ses com-
posantes. Dans le corps humain il y
a certes des organes plus vitaux que
Le défi majeur de l’évalua-
tion de la performance
durable des entreprises
est d’étendre le retour sur inves-
tissement pour couvrir d’autres
ressources et donc l’ensemble des
parties prenantes autres que les
fournisseurs de capital.
Certains analystes tentent de mon-
trer l’impact financier d’une gestion
responsable notamment en analy-
sant les eets des performances
extra-financières sur la performan-
ce économique. Nombreuses pu-
blications tentent de prouver qu’il
L’ENTREPRISE ? UN ORGANISME VIVANT !
LA VALEUR DURABLE :
RÉINVENTONS LES CRITÈRES
DE PERFORMANCE
SUPPLÉMENT AU N° 4728 DU 20 MAI 2011 PAGE III
Le traditionnel calcul de la performance des entreprises
focalisé uniquement sur la création de valeur économique
trouve vite ses limites lorsquon prend en considération
la perspective d’une création de valeur du point de vue
du développement durable.
d’autres mais qui peut prétendre
pouvoir utiliser ses capacités men-
tales de façon optimale avec une
crise de foie ou une rage de dent ?
Pire encore, des maux non traités
sont dans l’entreprise comme dans
le vivant de potentielles sources de
complication pouvant gangréner
l’ensemble des organes.
De même, personne ne peut espérer
prospérer dans un environnement
complètement hostile ou moribond.
Pour sa survie, une entreprise doit
donc s’intéresser à la santé de son
écosystème. La compréhension
est rentable d’être responsable.
La « Valeur Durable » va au-delà de
l’ecacité du capital et s’intéresse
à l’ecacité de l’utilisation des
ressources économiques, environ-
nementales et sociales par les en-
treprises. Une entreprise crée ainsi
de la valeur durable dès qu’elle fait
plus de profits que ses pairs avec
les mêmes ressources. La Marge
en Valeur Durable exprime la Va-
leur Durable créée par rapport au
chire d’aaire d’une société, per-
mettant ainsi la comparaison d’en-
treprises de taille diérente.
des attentes de parties prenantes
externe est un élément clef dans la
capacité des organisations à com-
prendre la complexidu monde qui
les entoure et à s’adapter.
Lautre rupture managériale induite
par cette vision holistique, c’est qu’il
n’y a pas de compétition entre les
organes. Ma main droite ne veut pas
devenir plus grosse que la gauche.
Et lorsqu’une cellule se développe
sans considération du reste du corps,
qu’elle prend le dessus sur les autres
organes, cela s’appelle une dégéné-
rescence! Les entreprises doivent
donc apprendre à développer des
zones de coopération, même dans
un monde de compétition…
Cette vision élargie de l’entreprise
vers l’interne comme l’externe est
le fondement des stratégies RSE
(Responsabilité Sociétale des En-
treprises) et tend à changer notre
perception de la mesure de la per-
formance. Lecacité sur le long
terme des organisations ne serait
donc plus la somme des maximums
de chacune des entités mais la re-
cherche de l’optimum du tout.
!
Cette méthode a ainsi été appli-
quée au monde des constructeurs
automobiles sur 5 années consé-
cutives avec des résultats très ins-
tructifs. Sur la dernière année de
l’étude, BMW a créé 5 centimes de
Valeur Durable par Euro de chire
d’aaire alors qu’en fin de peloton,
et avec un écart considérable, le
constructeur américain Gene-
ral Motors perd 7,5 cts VD/CA.
C’est-à-dire qu’en utilisant la même
quantité de capital, en produisant
la même quantité de déchets, de
CO2, et d’accident de travail, GM
a fait 7,5 cts de moins de profit que
ces confrères par Euro de CA.
Une analyse de même genre sor-
tira dans quelques semaines sur
l’industrie papetière, il devrait
permettre aux entreprises de se
benchmarker et d’identifier les
chantiers prioritaires à mettre en
œuvre pour une meilleur utilisa-
tion des ressources économiques,
environnementales et sociales.
D’ici quelques années il est à parier
que les marchés financiers généra-
liseront l’utilisation de ce genre de
calcul dans la valorisation de per-
formance. Une autre ère s’ouvre…
!
Plus sur www.sustainablevalue.com
Scannez le QR code avec vo-
tre smartphone et découvrez
les interviews des panelistes
de la conférence.
Par Michel Doucin,
Ambassadeur chargé
de la bioéthique et de
la responsabilité sociale
des entreprises, Ministère
des Aaires étrangères
et européennes
DR
Trois mois après son adop-
tion, la loi Grenelle 2
s’est vue escamotée d’un
de ses paragraphes qui prévoyait
de recueillir l’avis des parties pre-
nantes sur le rapport social et
environnemental des entreprises :
l’absence du concept dans notre
bon vieux droit national allait poser
des problèmes de mise en œuvre.
Pourtant, nombre de textes nor-
matifs internationaux donnent au
concept un rôle clé dans la respon-
sabilisation sociétale sans considé-
rer nécessaire de le définir précisé-
ment. ISO 26000 recommande de
« faire preuve de transparence en
ce qui concerne ses parties prenan-
tes ainsi que les critères et procé-
dures utilisés pour les identifier, les
choisir et dialoguer avec elles ». Le
projet d’actualisation des Principes
directeurs de l’OCDE pour les mul-
QUELLE PLACE DANS
LES NÉGOCIATIONS
INTERNATIONALES ?
tinationales invite, dans son cha-
pitre général, à « s’engager auprès
des parties prenantes concernées
en leur donnant de réelles possibi-
lités de faire valoir leurs points de
vue lorsqu’il s’agit de planifier et
de prendre des décisions relatives
à des projets ou d’autres activités
susceptibles d’avoir un impact
significatif sur les populations
locales », puis inclut des dévelop-
pements dans les chapitres em-
ploi, consommateurs et droits de
l’Homme. Les Principes directeurs
pour les entreprises sur les droits
de l’Homme qu’examinera en juin le
Conseil des droits de l’Homme des
Nations Unies recommandent d’in-
clure toutes les « parties prenantes
pertinentes » dans le processus de
« due diligence » que les entreprises
devraient conduire pour identifier
les risques de porter atteinte à leurs
droits. Les normes internationales,
convergentes, finiront-elles par im-
prégner le droit français ?
!
PARTIES PRENANTES, QUELS ENJEUX ?
Par Agnès Rambaud-
Paquin
et Thierry Marnee,
co-fondateurs, Des Enjeux
Et Des Hommes.
DR
Par Benjamin Kabouche,
Directeur, LPO.
DR
Les associations de protection
de la nature et de fense
de l’environnement sont
des organismes polymorphes avec
des geses, des orientations et des
moyens très diérents pour agir. Les
associations ne sont pas les seules à
se consacrer à l’environnement, à faire
prendre conscience des enjeux à nos
contemporains, mais elles ont des
points en commun. Elles partagent
une éthique et une analyse commu-
nes : le développement démographi-
que, les évolutions techniques et la
part croissante de léconomie dans les
cisions politiques sent de plus en
plus sur l’environnement et les milieux
naturels. Léthique associative repose
elle sur une profonde conscience de
la responsabili des citoyens vis-à-vis
des générations futures.
Lunivers entrepreneurial n’est pas
drapé des mêmes vertus ; cela se
traduit généralement par une forte
fiance des ONG. Les exemples
d’entreprises ne respectant pas les
normes environnementales l’attes-
tent par légion depuis les gestionnai-
res de la centrale du Fukushima au
Japon jusqu’au garagiste qui laisse
border ses huiles de vidange dans
le caniveau. Les moyens dactions des
ONG et le rapport de force ne sont
pas à l’avantage des ONG. Elles ont
donc besoin de chercher d’autres
solutions pour transformer les prati-
POUR UN NOUVEAU PACTE AVEC LES COLLABORATEURS
Les tribunaux ont fini par
donner raison à l’action en
nom collectif de 1,5 mil-
lions d’employées contre Walmart
qui avait fait grand bruit au premier
semestre 2010. Si la mobilisation
massive de cette « class action » au
nom de la discrimination féminine
reste singulière, elle montre néan-
moins que les rapports de force
entre collaborateurs et entreprises
ont connu un tournant. Alors que
leurs interactions étaient majori-
tairement descendantes (décisions
managériales et communication
unilatérales), une combinaison de
facteurs sociologiques, économi-
ques et technologiques a donné
aux salariés de nouveaux pouvoirs
d’influence. La mise en place de
dispositifs d’alerte interne apparus
dans la années 2000 (suite aux
scandales Enron et Worldcom) ou
plus récemment la mise en cause
via Twitter de la responsabilité de
BP dans l’accident de 2010 par les
collaborateurs du Groupe illustrent
bien le pas de géant face à la simple
ques sociales des citoyens mais aussi
des élus, des entreprises publiques et
privées.
La raison d’être des ONG est fina-
lement en tension entre deux choix
dans leur rapport au monde de l’en-
treprise :
- Soit une approche de résistance,
dans la veine des fondateurs de
l’ONG qui sont souvent des acteurs
radicaux de l’engagement associatif.
L’O NG e st a lor s e n op po sit io n sy s-
tématique avec le monde de l’entre-
prise, « ennemie à combattre » car
prédateur de l’environnement (social
ou environnemental). Les modalis
d’actions sont alors dans l’épreuve
de force, lasistance, l’opposition de
rupture de contrat ou à
l’absentéisme, moyens
traditionnels d’interpel-
lation des salariés ayant
des eets directs sur la
productivité et la per-
formance.
Et si les entreprises
inscrivaient ce nouveau
rapport de force dans
un pacte gagnant/ga-
gnant avec sa partie
prenante numéro un ?
Pour l’entreprise qui
cherche plus que jamais
à être attractive, à rete-
nir ses talents, à déve-
lopper son adaptabilité, à garantir
sa performance au travers d’un en-
gagement fort de ses collaborateurs
s’ouvrent de nouvelles pistes d’ex-
pression de la responsabilité : équi-
libre vie privée/vie professionnelle
(aménagement du temps de travail,
accompagnement du leadership
féminin), bien-être au travail (re-
connaissance et égalité des chances,
encadrement responsable, gestion
7e Symposium sur l’éthique des Aaires
SUPPLÉMENT AU N° 4728 DU 20 MAI 2011
PAGE IV
principe, le recours juridique, la cam-
pagne de communication et au final
une impossibilité de co-construire
des solutions nouvelles.
- Soit une posture « utopique »
d’ouverture, permettant de chercher
une nouvelle voie. Des ONG ont
ainsi cherché à concilier économie
et société civile ou environnement.
Avec l’espoir que l’entreprise et
l’ONG puissent co-construire un
projet exemplaire dans un monde
idéal. Les exemples réussis existent
lorsque la confiance est bien éta-
blie et c’est souvent lengagement
personnel du PDG tout particu-
lièrement lorsque celui-ci est aussi
visionnaire et utopiste.
Les deux options comportent des
risques pour les ONG : la délo-
calisation des nuisances environ-
nementales les ONG sont
moins virulentes et de l’autre côté
les compromis peuvent favoriser le
greenwashing et une perte de lien
avec la base militante. Le péril éco-
logique est aujourd’hui si prégnant
que la vitesse est eectivement un
élément à prendre en compte. Les
associations ne peuvent plus pren-
dre le temps et le risque d’exclure
toutes les options pour prendre en
compte l’environnement : « Avec le
danger croît aussi ce qui sauve » se-
lon le Principe d’Hölderlin !
!
du stress et des conditions de tra-
vail, santé/sécurité…), employabilité
et veloppement professionnel ….
De nombreuses entreprises en tien-
nent compte… certaine ont même
pris le parti de partager le contenu
ainsi que la veille de leurs engage-
ments (sur les champs humains et
environnemental) en signant des
accords-cadres mondiaux avec leurs
partenaires sociaux. Plus directe-
ment, l’intelligence collective, dont
les dispositifs de types boites à idées
avaient donné le « la » dans les an-
nées 80, est devenue un véritable
levier d’anticipation, d’innovation et
de création de valeur partagée dans
un environnement de moins en
moins prévisible et constitue un défi
stratégique pour le management
des organisations.
!
ONG, DE LOPPOSITION
À LA COCRÉATION
PARTIES PRENANTES, QUELS ENJEUX ?
Par Robert Spencer et Frédéric Prévot,
Titulaires de la chaire Achat Responsable,
Euromed Management.
Par Anne Catherine
Husson Traoré,
Directrice Générale,
Novethic.
Par Jean-Paul Bailly,
PDG du groupe
La Poste.
A. TUDELA
DR
DR
Aujourd’hui, près de 75 %
des entreprises parlent
de développement dura-
ble. Dès 2003, j’avais la conviction
qu’engager le Groupe La Poste sur
la voie du développement durable,
c’était se doter d’un levier d’amé-
lioration de son ecacité écono-
mique. La performance durable
suppose la bonne santé de l’entre-
prise, des postiers, de la planète et
la construction de la confiance de
toutes les parties prenantes. La né-
cessaire transformation de l’entre-
prise se fait en étroite collaboration
avec elles. Au sein de notre conseil
d’administration, de nombreuses
parties prenantes sont représen-
tées : nos actionnaires, l’Etat et la
Les actionnaires sont eux
aussi des parties prenantes,
rarement associés à des exi-
gences de développement durable
envers les entreprises, mais plutôt
à celles des rendements financiers
considérés comme directement
ou indirectement responsables de
dommages environnementaux et
sociaux. Et pourtant…
ESG est le sigle de ralliement des
actionnaires qui se coalisent pour
demander des comptes aux en-
treprises sur les dimensions En-
vironnementales, Sociales ou de
La fonction Achats est sans
conteste au cœur de la mise
en place réussie des stratégies de
développement durable. Les pra-
tiques et la stratégie achats sont
non seulement impactées par les
agissements de multiples parties
prenantes internes et externes à
l’entreprise, mais ces mêmes prati-
ques conditionnent à leur tour les
comportements de ces acteurs.
Lacheteur se trouve ainsi confron-
té à la nécessité d’intégrer la com-
plexité de ses interdépendances
dans sa démarche de tous les
jours.
Ceci n’est pas sans poser pro-
blème, car il s’agit de marier des
considérations concernant les
normes et régulations mises en
œuvre par l’état par exemple, avec
les besoins des fournisseurs de
l’entreprise, les exigences (sou-
vent plus ou moins « responsables
») des clients directs ou finaux, les
principes des ONG (relatifs par
exemple aux conditions de travail
de la main d’œuvre, à l’empreinte
ET SI ON ÉCOUTAIT LAUTRE VOIX DES ACTIONNAIRES ?
LA FONCTION ACHAT AU CŒUR DES ENJEUX
CDC, les communes et leurs grou-
pements, les usagers et les 7 repré-
sentants du personnel.
Pour pondre aux attentes de nos
clients, nous avons pris des engage-
ments après identification de leurs ir-
ritants majeurs. Nos bureaux de poste
évoluent notamment pour duire le
temps dattente et être accessibles
au plus grand nombre, la qualité de
service du courrier n’a jamais été aussi
haute, et ceci tout en améliorant no-
tre productivi, La Banque Postale
est la banque accessible à tous. Nous
travaillons également à l’intégration
progressive des préoccupations so-
ciales et environnementales dès la
conception et tout au long du cycle
de vie de nos ores.
SUPPLÉMENT AU N° 4728 DU 20 MAI 2011 PAGE V
Gouvernance, ESG donc, de leurs
activités. S’ils restent minoritaires,
ils obtiennent progressivement de
vrais succès qui génèrent des dé-
bats sur des sujets comme la rému-
nération des dirigeants, l’équilibre
des pouvoirs, les émissions de CO2
ou l’exploration des sables bitumi-
neux pour le secteur pétrolier.
15 % c’est le score obtenu à l’AG de
BP en avril par les actionnaires qui
appelaient à refuser le rapport an-
nuel parce qu’ils estiment qu’elle n’a
pas tiré les leçons stratégiques du
désastre lié à l’accident de sa plate-
carbone…), et les intérêts des ac-
tionnaires et du personnel.
Le résultat est une situation
complexe à gérer, composée de
contraintes multiples et variées
(normes, régulations, stratégies
diverses, objectifs économi-
ques…) et présentant un nombre
forme dans le Golfe du Mexique et
ne remet pas en cause son modèle
d’extraction pétrolière. La pratique
du « Say on Pay » c’est-à-dire la sou-
mission au vote des actionnaires d’un
rapport sur le sysme de rémunéra-
tion des dirigeants, s’est répandu en
Europe et aux Etats-Unis. En France,
si le vote contestataire monte, l’enga-
gement actionnarial reste modeste
et dicile à exercer. La tentative
avortée de la société de gestion Phi-
trust Active Investors de déposer en
partenariat avec Greenpeace une
résolution pour demander au groupe
Total d’expliquer à ses actionnaires
sa stratégie d’investissement dans
l’exploitation de sables bitumineux
au Canada l’a bien montré. Elle a failli
obtenir le quota nécessaire (0,5 % du
capital soit 12 millions d’euros) mais
deux gros investisseurs se sont reti-
rés au dernier moment. Si ces voix
dissidentes d’actionnaires parvien-
nent à se faire entendre cest parce
que l’idée qu’intégrer des crires
ESG est créateur de valeur à long
terme. Elle progresse, lentement
mais surement.
!
non-négligeable de dilemmes et
de paradoxes.
Faut-il privilégier des produits à
faible impact environnementale
ou faut-il plutôt favoriser les pro-
ducteurs dans des pays en voie de
développement ?
Faut-il réduire les coûts à l’achat
en mettant les fournisseurs sys-
tématiquement en concurrence,
améliorant ainsi la performance
économique, ou faut-il au contrai-
re aider certains fournisseurs à se
développer ?
Faut-il choisir les fournisseurs
avec les produits les moins pol-
luants, ou bien ceux qui proposent
un processus de fabrication plus «
propre » de ces mêmes produits ?
Faut-il préférer les ores des
entreprises favorisant l’insertion
sociale, ou bien celles des entre-
prises qui conçoivent des produits
qui respectent l’environnement
lors de leurs mises en œuvre ?
Les réponses ne sont pas évi-
dentes. Nous sommes loin ici
de la conception simpliste des
« Achats » comme fonction pu-
rement transactionnel. Il s’agit,
en eet, de gérer un réseau de
relations avec les parties prenan-
tes internes comme externes. Le
service « Achats » est en eet au
cœur de ce réseau. Et une clarté
stratégique en amont est es-
Scannez le QR code avec vo-
tre smartphone et découvrez
les interviews des panelistes
de la conférence.
sentielle pour fixer les lignes de
conduite de la fonction, en four-
nissant les critères de choix et les
priorités à gérer.
Quoiqu’il en soit une des clefs de
la réussite est sans aucun doute la
capacité des acteurs comprendre
l’ensemble des points de vue afin
de choisir en conscience.
!
Rien ne se fait sans les postiers.
Nous développons une pratique
managériale basée sur la consi-
dération et l’esprit de service pour
donner envie à tous les postiers
d’accompagner la transformation
de l’entreprise. Nous privilégions la
qualité de l’emploi et des parcours
professionnels, en contrepartie de
la nécessaire évolution des organi-
sations. Nous suscitons l’innovation
et partageons les fruits de la crois-
sance.
Notre politique d’achats respon-
sables encourage nos fournisseurs
à adopter des pratiques plus res-
ponsables et leur donne un accès
facilité à nos marchés.
Lavenir du groupe La Poste est
aussi intimement lié à l’avenir des
territoires il est implanté. Nous
agissons aux cotés des acteurs ins-
titutionnels et économiques locaux
en apportant notre contribution au
déploiement de projets structu-
rants (Plans Climat, PDU, Agenda
21…). Les délégations régionales
du Groupe mises en place depuis
3 ans jouent un rôle essentiel dans
cette démarche.
En quelques mots, la pérennité d’un
Groupe n’est assurée que s’il crée
de la valeur ajoutée économique,
sociale et environnementale à long
terme en la coconstruisant et en la
partageant avec l’ensemble de ses
parties prenantes.
!
UNE STRATÉGIE GAGNANTE POUR LE GROUPE LA POSTE
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