MEMOIRE DE LA DEPORTATION A.F.M.D du Rhône Bulletin n° 8 MARS 2014 Sommaire Editorial : André Mien Poésie : Gisèle Guillemot Témoignages de femmes Brève de Lyon A lire à écouter à visionner A MA MERE Ecoute Maman je vais te raconter Ecoute il faut que tu comprennes Lui et moi on n’a pas supporté Les livres qu’on brûlait Les gens qu’on humiliait Et les bombes lancées Sur les enfants d’Espagne Alors on a rêvé De fraternité Ecoute Maman je vais te raconter Ecoute il faut que tu comprennes Lui et moi on n’a pas supporté Les prisons et les camps Ces gens qu’on torturait Et ceux qu’on fusillait Et les petits enfants Entassés dans les trains Alors on a rêvé De liberté. Ecoute Maman je vais te raconter Ecoute il faut que tu comprennes Lui et moi on n’a pas supporté Alors on s’est battu Alors on a perdu. Ecoute Maman il faut que tu comprennes Ecoute ne pleure pas… Demain sans doute ils vont nous tuer C’est dur de mourir à vingt ans Mais sous la neige germe le blé Et les pommiers déjà bourgeonnent Ne pleure pas Demain il fera beau. Gisèle Guillemot Fresnes, juillet 1943 Editorial André Mien. Ceux d’entre nous, ont l’habitude de lire un ou plusieurs journaux dont ils commencent l’inventaire par les avis de décès. Ils ont peut être été frappés, par le nombre très élevé des décès de dames âgées pour lesquelles il est mentionné : Ancienne déportée ou ancienne résistante ou ancienne résistante déportée. Rarement est donné un ajout d’indication d’une décoration. Nous nous interrogeons : y en eut-il tant que cela ? La résistance et ses conséquences souvent tragiques n’étaient-elles pas souvent l’affaire d’hommes, de décideurs compétents et de combattants virils ? Le général de Gaulle qui allait en 1944 donner le droit de vote aux femmes ne créa que très peu de femmes Compagnons de la Libération, 6, sauf erreur, contre plus de mille hommes Nos mentalités sont encore telles que l’individu qui se bat et résiste est à priori un homme.Certes, l’histoire a retenu quelques grands noms de femmes résistantes comme Germaine Tillion, ou la présidente de notre Fondation, Marie Jo Chombart de Lauwe qui l’une et l’autre ont continué à résister à l’intérieur du camp mais les autres, tant d’autres dont nous apprenons ce dont elles ont été capables, au moment de leur disparition, soixante dix ans plus tard ? Celui ou celle qui résiste à une situation qu’en conscience il juge inacceptable, mettant ainsi en jeu sa sécurité voire sa vie, peut et doit le faire selon d’une part les données de cette situation, d’autre part les moyens qui lui sont propres, garantie d’efficacité. 1 La quasi-totalité des femmes n’a pas manié la mitraillette. Il n’était pas moins utile et risqué de transmettre des messages, d’héberger des personnes recherchées, de fabriquer des faux papiers, d’abriter une boite aux lettres. Ces femmes dont certaines ont péri à Ravensbrück n’étaient pas des auxiliaires, elles étaient des résistantes à part entière .Au reste, il s’est trouvé entre ces femmes d’authentiques chefs de guerre. Ainsi de Daniele De Jomaron. J’ai, un souvenir très chaleureux de trois femmes. A elles trois, elles ont formé un réseau local de propagande et d’information. Républicaines sans faille ni concession, elles détestaient l’Allemagne nazie et abhorraient le régime de Vichy. La plus jeune, la vingtaine, tout juste sortie de l’ Ecole Normale filait fréquemment sur son vélo. Celle d’age moyen, la quarantaine respectable, en rapport avec la troisième, recherchait les renseignements et venait en aide aux personnes en danger. La première était une toute jeune institutrice, la seconde, sa directrice d’école, la troisième l’inspectrice de l’une et l’autre. Cela eu lieu au cœur de la Bourgogne. La dernière survivante des trois, la jeune institutrice entrant dans le métier dans les années 40, vient de mourir à quatre-vingt onze ans. C’est pour moi l’occasion de lui rendre hommage ainsi qu’à ses semblables qui aimaient la République et les enfants. André Mien. Note de la rédaction : Il nous est apparu intéressant de reproduire des textes et des témoignages vieux de 60 ans peut être plus, dont la lecture semble rébarbative mais en réalité, passionnante. Nous avons tenu également de ne citer avant tout que des textes de femmes. Peu d’entre elles parlent de la déportation, mais surtout de leur action dans la résistance ; sans doute préfèrent elles ne garder que le meilleur et oublier le pire Nous avons cherché à mettre en valeur ces « petites mains », peu connues, qui composait l’armée des ombres, à Lyon et dans la région. Nouse avons dû abréger certains textes les coupures sont indiquées par le sigle /…/ Des femmes dans la Résistance. Service Périclès 1942-1944 En ville (Lyon-Paris), les femmes du réseau "Périclès" ont été nombreuses, et elles ont presque toutes été arrêtées et déportées. Si je rédige aujourd'hui ce récit, à l'intention de Patricia BOYER,/…./ Bientôt personne ne sera plus là pour témoigner. C'est pourquoi j'écris ces pages de mémoire pour que les jeunes n'oublient pas ce qui a été fait, vécu par ces femmes indomptables. Élève au Lycée de Bourg, j'avais 16 ans au moment de l'Armistice (16 Juin1940). J'ai écouté, tremblante d'émotion et de colère, le vieux Maréchal chevroter "qu'il fallait cesser le combat"./:/….. Ma famille était pétainiste, mon village, ma ville, le curé, que tous respectaient, les notables : en cet été 1940, il y avait en France 40 millions de pétainistes. Pour quelle raison ce refus de l'Armistice jaillit du plus profond de moi ? D'abord par un patriotisme simple et vif. J'aimais la France "mère des arts, des armes et des lois".J'aimais "cette terre charnelle". Le beau poème de Péguy, je me le redisais avec passion "heureux les épis mûrs et les blés moissonnés" : La présence des soldats allemands sur notre sol me révoltait comme une souillure. Cette "armée de soldats verts", il fallait "la bouter hors de France". D'autre part, malgré mon jeune âge, j'étais motivée plus politiquement : je savais que le régime, en Allemagne, était dictatorial et antisémite, j'avais entendu à la radio Hitler injurier les "ploutocraties", j'avais entendu hurler des foules fanatisées. Tout cela me paraissait très grave et menaçant pour mon pays et notre liberté Ma résistance a d'abord été enfantine : je traçais des croix de lorraine sur les murs, le V de la victoire, je portais fièrement la croix de Lorraine au revers de mon manteau ... Deux ans ont passé, j'ai grandi. En 1942, j'étais en Khâgne à Lyon, étudiante en philosophie, et avec un groupe très restreint d'amis étudiants nous avons commencé à organiser un "comité de Résistance 2 Inter-Faculté" : Il comprenait quelques étudiants en lettres : Georges Lesèvre, (Séverane), Georges Epstein ("Fanfan"), en médecine : le docteur Jeune ("Martin"), Georges Graber ("Garnier"), moi-même, "Maryse", plus tard en 1943, Hélène Roederer, qui nous donnait à distribuer dans les boîtes aux lettres le journal clandestin "Défense de la France". À partir de 1943, nous avons été en contact avec le service Périclès, orienté contre le départ en Allemagne des jeunes gens touchés par le S.T.O., et vers la création de maquis, en particulier dans le Haut Jura, au-dessus de Saint-Claude(Viry, La Pesse, ...). Le Lieutenant-colonel Robert Lagarde, au charisme indéniable, officier de réserve, ancien officier de renseignement au IIème Bureau, a fondé le service "Périclès" ou "École des Cadres du Maquis" qui recrutait des étudiants/…/ . Je me propose ici de parler seulement des femmes de ce réseau dont je faisais partie. Leur rôle a été plus important qu'on ne le sait d'habitude, et Robert Lagarde les à recrutées systématiquement et massivement./…/ . Robert Lagarde a eu l'idée assez neuve et originale que des femmes avaient un rôle capital à jouer dans un réseau de Résistance, qu'elles étaient capables de faire cette sorte de guerre aussi bien que des hommes, et qu'il fallait leur faire confiance. J'ai contacté le réseau par l'intermédiaire de "Séverane", qui m'a mise en contact, en mars 1943, avec "Renée" (Antoinette Spicher), assistante sociale à la Croix Rouge de Lyon, dont l'appartement, rue Molière, servait de "point de chute" à notre réseau. Renée pouvait avoir 35 ans, elle était belle, grave, réfléchie, entièrement dévouée à notre cause. Comme j'allais en vacances dans un petit village de l'Ain, elle m'a d'abord demandé de lui trouver du ravitaillement pour des clandestins de Lyon, ou de passage à Lyon. Pendant tout l'été 1943, j'ai envoyé des colis à l'adresse de Renée et de la Croix Rouge. Mais cela n'était pas suffisant : le réseau avait besoin d'agents de liaison, entièrement disponibles pour aller au maquis (Saint-Claude), à Paris, et à l'intérieur de Lyon. En novembre 1943, j'ai abandonné mes études à la Faculté de Lettre de Lyon pour entrer dans la clandestinité. J'avais une chambre à Vaise/…/ Je dépendais de "Gabriel" ("Leroy") qui m'a chargée très vite d'organiser les liaisons et m'a envoyé des jeunes filles. Ensemble nous avons mis sur pied un service de liaison qui fonctionnait un peu comme un réseau d'espionnage, avec des pseudonymes, des mots de passe, des signes de . reconnaissance (par exemple: les stores d’une fenêtre). Nous avons organisé :La liaison vers Paris : une ou deux fois par semaine, elle était assurée par la toute frêle Nancy, qui a été arrêtée et déportée en juin 1944, et par Janine aux cheveux dorés qui est passé entre les mailles du filet. J'allais leur porter la valise contenant le courrier dans les environs de Perrache, un peu avant leur départ. Il leur fallait franchir la ligne de démarcation, et c'était chaque fois un moment d'angoisse à dissimuler avec soin. 2. La liaison vers Saint-Claude et ses maquis, assurée par Jeannette et Norante, arrêtées au maquis et déportées toutes les deux. Je suis allée plusieurs fois à SaintClaude accompagner des jeunes gens. Nous pensions qu'un couple était moins suspect qu'un homme seul. 3. La liaison à l'intérieur de Lyon, assurée par moi, Maryse, qui ai échappé de justesse la capture. Je passais 2 fois par jour relever le courrier dans les "boîtes aux lettres" que nous avions dans la ville. Je transmettais tous les jours ce courrier au Centre qui m'envoyait un agent de liaison. J'allais aussi, à heures invariables, aux "point de chute", rendez-vous fixés sur un plan de Lyon que tous les membres du réseau possédaient. Ces rendez-vous changeaient tous les jours, avec le Centre. Je rencontrais aussi "Garnier", qui était seul à être en contact avec le graveur dont j'ai ignoré le nom - qui nous fabriquait des faux tampons Tout cela était très romanesque et plaisait à notre goût de l'aventure. Que transportaient ces agents de liaison? Des choses interdites et dangereuses : des journaux clandestins, des tracts, de faux papiers, des cartes d'alimentation "réquisitionnées", des armes, du plastic et des détonateurs. Nous avions l'air tellement jeunes et innocentes que nous nous glissions partout, là où des jeunes gens auraient éveillé la méfiance. Nous accentuions notre air de jeunesse en nous habillant de manière enfantine : un petit béret, des chaussettes blanches, des sandales... Ainsi je me souviens qu'un jour j'étais dans un trolley qui montait à la Croix-Rousse, où j'avais un rendez-vous. Le trolley a été arrêté par des miliciens qui ont fait sortir les passagers et ouvrir les sacs. Dans mon sac j'avais deux fausses cartes d'identité et une boîte de cartouches. J'ai déplié mon mouchoir pour cacher ces choses dangereuses, 3 j'ai ouvert mon sac en faisant un grand sourire au milicien, qui m'a gentiment pris le menton, comme à une enfant... Et plus d'une fois, je n'ai pas résisté au plaisir de faire monter dans un tram, par un soldat allemand, une lourde valise chargée de tracts. Je remerciais gentiment Un "drôle de jeu" a dit Roger Vaillant... Tout cela était terriblement romanesque, mais aussi très dangereux À Lyon, l'hiver 43-44 a été terrible : la Gestapo de Barbie, efficacement appuyée par la Milice de Touvier, a multiplié les arrestations dans nos rangs. Tous les soirs un camarade manquait à l'appel, et nous attendions, blêmes de froid et d'anxiété sous la lumière bleue des réverbères. Nous savions maintenant ce qui se passait à l'École de Santé ou Place Bellecour, siège de la Gestapo, et Rue Sainte-Hélène, siège de la Milice. Nous savions que les camarades arrêtés étaient abominablement torturés dans le but de les faire parler, mais aussi de les avilir, de les détruire dans leur humanité même. Ces abominations renforçaient notre volonté de lutter. Le nazisme nous est apparu alors comme un mal absolu qu'il fallait combattre pour des raisons philosophiques et morales : "pour l'honneur de l'espèce humaine" Dans ce réseau Périclès, à Lyon, en 43-44, il y avait aussi Madame Séverane (40 ans, femme d'un professeur de technique, mère de Séverane). Responsable du Service Social, elle s'occupait des prisonniers et de leurs familles. Arrêtée à Perrache en mars 1944, en mars 1944, en même temps que "Marceau", et torturée par Barbie, elle a témoigné à son procès. (cf. son livre : "Face à Barbie" - Lise Lesèvre). Son mari et son jeune fils de 15 ans ont été arrêtés eux aussi et sont morts en déportation. Il y avait la petite Annette (18 ans) qui était secrétaire au Centre. Un petit bout de fille aux yeux gris, d'une énergie sensationnelle qui, elle aussi, a échappé de justesse à la capture. Nous avons suivi le même chemin : comme moi elle a gagné le maquis du Haut-Jura, en juin 1944, et après, à la Libération, s'est engagée au Premier Régiment de Franche-Comté/…../ Plus tard, dans le maquis du Haut-Doubs, il y a eu Marie-Hélène Vuilleumier (35 ans, professeur de Lettres au Collège Sévigné, à Paris), blessée au combat de la Planée, achevées par les Allemands ; et Francine, arrêtée lors de ce combat (voir plus loin, dans la partie : Maquis). Il y en a eu d'autres, que je connaissais moins, parce qu'elles étaient "basées" à Paris (Christine, par exemple). Des femmes courageuses ont mis leur appartement à notre disposition, ont accepté de servir de "point de chute", ce qui était dangereux, car leur adresse était connue de beaucoup de gens Le Maquis : (été 44). Au début de juin 1944, à Lyon, les survivants de "Périclès" ont reçu l'ordre de Robert de se réfugier au plus vite dans un maquis du Jura. Je suis partie le 5 juin, avec "Garnier" et "Michel". Les voies étaient coupées, la circulation des trains difficile. Le soir du 5 juin,/…./ Nous sommes arrivés à l'hôtel, à 17 heures, au moment où le patron écoutait, debout, la radio de Londres, le Général de Gaulle annonçant le débarquement : "Alors va se lever le soleil de notre grandeur..."/……/ Pour assurer les liaisons, je portais une robe, bleue et rose, un corsage blanc et je passais inaperçue. Après la Grange des Prés, j'ai été envoyée au poste de commandement de R. Lagarde, au-dessus de la Planée, près de Pontarlier. Nous étions une douzaine dans ce camp, dont quatre jeunes filles : Marie-Hélène, Jeannick, Francine et moi. Au début de juillet, Robert et Jeannick sont passés en Suisse pour une mission importante. En leur absence notre camp avait été installé trop près de Pontarlier, où étaient cantonnées des troupes allemandes. Les Allemands, intrigués par la circulation des voitures à proximité de la forêt, ont envoyé, le 13 juillet, une patrouille qui a ramassé sur la route un de mes agents de liaison. Emmené à Pontarlier, menacé d'être fusillé, il a accepté de conduire une compagnie allemande à notre camp. J'étais au village quand les Allemands sont arrivés, vers 16 heures:/…/Pendant ce temps, le camp était attaqué par les Allemands. Marie-Hélène a été blessée dès le début de la fusillade, puis achevée. Jeannick s'est échappée en fuyant dans la forêt, Francine a été arrêtée. À l'interprète qui lui demandait ce qu'elle faisait là, elle a répondu : "je suis du maquis, et je suis fière d'être du maquis". Elle a pu sauter du train qui la déportait vers l'Allemagne. En Alsace, elle a été recueillie et cachée au Couvent du Mont-SaintOdile jusqu'à la fin de la guerre. Le lendemain, j'ai été retrouvée par "Gazelle" (Dornier), qui m'a conduite dans une ferme, où étaient cachés les rescapés : Robert, Jeannick, Thalney, etc... Nous avons "récupéré" pendant deux ou trois jours. Puis Robert est parti installer son P.C. à Lemuy, et moi, avec mes agents de liaison, je me suis installée dans une grande demeure, à Montorge, en pleine forêt, près du village d'Arc-sous-Montenot. Le curé d'Arc, l'Abbé Schultz, d'origine alsacienne, aidait la 4 Résistance depuis des années, et mettait sa cure à notre disposition. Je garde un souvenir émerveillé de la chaleur de son accueil. À Montorge nous avons célébré la Libération de Paris, en chantant devant un feu de camp... La Libération approchait. Beaucoup de liaisons étaient maintenant assurées par des lignes téléphoniques mises en place par un officier de marine, rallié de la dernière heure à la Résistance. Mais jusqu'au bout, des agents de liaison en bicyclette ont parcouru les routes et les forêts du Jura. Après la libération, des jeunes filles du Service Périclès se sont engagées au Service Social du Premier Régiment de Franche-Comté. Ce régiment a été formé à partir des maquis du Jura et du Doubs, intégré à la Première Armée Française, et il a participé à tous les combats. . (Prise de Colmar en février 45, puis invasion de l'Allemagne et de l'Autriche jusqu'au lac de Constance). Annette et moi avons passé Noël au Régiment, près de la Bresse (Vosges) sur le flanc du Honneck Nous avions maintenant un uniforme, mais aussi un foulard rouge, et nous avons accompagné nos camarades jusqu'au bout, jusqu'à la victoire (8 mai 1945). Alors seulement nous sommes rentrées chez nous, dans nos familles qui nous attendaient. Il n'a pas été simple de retrouver "la vie de tous les jours aux travaux ennuyeux et faciles"... À l'automne, j'ai repris le chemin de la Faculté de Lettres de Lyon, avec une bourse de victime de la guerre. Je suis devenue professeur de philosophie en octobre 1948. Maryse Jolyon Simone Lagrange Cérémonie du souvenir hier en fin de matinée, parc Paul-Mistral à Grenoble. Commémoration du 67e anniversaire de la Libération des camps de concentration. Hommages, prières et recueillement. De nombreux élus de gauche et de droite sont là. Le préfet aussi. Et la chanson de Jean Ferrat “Nuit et Brouillard” qui résonne… Puis une voix s’élève, celle de Simone Lagrange, présidente de l’Amicale des déportés d’Auschwitz-Birkenau et des camps de Haute-Silésie « Lyon, ville de Résistance, a dans son assemblée régionale un conseiller fasciste »Elle, qui a vécu l’horreur a 13 ans et qui en a réchappé, a choisi cette année de teinter son discours de l’actualité la plus brûlante. Après avoir rendu hommage aux victimes des camps nazis, elle lance : « Aujourd’hui en Ukraine, en Russie, des groupuscules fascistes se retrouvent, souvent sous le regard indifférent des gens. En Slovaquie, en Hongrie, on fait renaître les fers de lance existant durant la dernière guerre mondiale. En Roumanie, des sortes de ghettos sont construits pour y enfermer des Roms. En Autriche, à Brennau ville natale d’Hitler, un musée rappelle maintenant sa naissance. Les voyous de l’extrême-droite ne se cachent plus. En Allemagne, des nazillons sont là. J’ai vu qu’ils avaient même des camps d’entraînement. Ils ont aussi des insignes et des drapeaux qui rappellent le passé. Et en France, chez nous, à Lyon, un des leurs défile, avec ses amis sur les quais du Rhône. Lyon, ville de Résistance, a dans son assemblée régionale un conseiller fasciste, exclu du FN, si c’est vous dire ! En Angleterre, des groupes importants d’extrême-droite tiennent des réunions publiques. Pendant qu’en Savoie dans une auberge en deux fois déjà, des Anglais boivent à la mémoire du Führer. L’aubergiste ne se rend compte de rien, sinon de l’argent qui tombe dans sa caisse. Le cercle se referme ! Il est plus que temps de se réveiller ! N’attendons pas que le danger nous retombe dessus, la dernière fois, on nous a dit : Nous ne savions pas. Aujourd’hui, on ne peut plus dire cela ! » Interview de S Lagrange par Ève MOULINIER le 30/01/2012 Voir le site : http://www.ajcf.fr/spip.php?article450 5 Toute une famille : les ARCELIN Ainsi disait Fabien Arcelin : « Ma meute», une meute particulièrement bruyante et turbulente, éclatante de santé et de fantaisie : c’est ainsi qu’il appelait la bande joyeuse de ses sept enfants, cinq filles: Elisabeth. Suzanne. Madeleine Augustine. Monique et Paulette et deux garçons: Adrien et. Joseph. Mobilisé en 1914, comme médecin militaire dans une unité combattante, sa conduite toute de courage et dévouement lui avait voulu d’élogieuses citations et la croix de chevalier de la Légion d’honneur. On devine qu’en 1940, il ne put accepter la défaite et 1e gouvernement mis en place par l’occupant. Sa santé trop fragile, il devait mourir en 1942 après une longue maladie qui ne lui permit pas de s’engager de façon vraiment active dans le combat clandestin, mais derrière Madame Arcelin, son épouse, toute la « meute» était, elle, disposée à se battre et à mordre de tous ses jeunes crocs. Fin 1941, tout entière elle entra en combat. L’appartement de la rue du Plat devint un lieu de réunion clandestin et un refuge pour de nombreux chefs de la, Résistance, des réseaux «Action» « Alliance» et bien d’autres, On y reçut le Colonel Fourcaud, P. Rivière. Jean-Pierre Fassin le compagnon de Jean Moulin qui en même temps que lui, dans la nuit du. 1 au 2 janvier fut parachuté eu Provence et devait trouver une mort héroïque avant la Libération : Henry Frenay. Fondateur de « Combat » : Berthie Albrecht, qui devait périr sous la hache d’un bourreau allemand. On y abrita des parachutistes britanniques venus en mission. Quelques placards discrets, ainsi que leur résidence d’été une maison. Bourgeoise de la. Roche Vineuse, furent transformés en dépôt d’armes et de matériel radio Tandis que les jeunes filles effectuaient avec audace des liaisons particulièrement dangereuses, le plus jeune des garçons, Joseph « Jojo » pour ses soeurs et ses camarades, rejoignait le groupe franc d’un maquis quelque part dans le Vercors. Ce qui devait arriver arriva... Assez tard, fort heureusement, c’est-à-dire alors que le plus efficace de la mission multiple avait été accompli... En novembre 1943, Monique- tombait, au- cours d’une mission à Paris, dans une souricière tendue par la Gestapo square Louis XIV. Ce fut alors à l’issue d’un interrogatoire décevant pour les cruels inquisiteurs, la prison de Fresnes puis le camp de passage de Romainville et enfin l’enfer de Ravensbrück. Quelques jours plus tard, c’était au tour de sa mère. Mme Arcelin, d’être arrêtée à son domicile de Lyon. Par une heureuse erreur, elle devait être libérée de la prison de Montluc après quelques jours d’internement. Le calvaire de la famille Arcelin ne faisait que commencer... Quelques semaines s’étaient à peine écoulées, que la Gestapo venait cueillir Suzanne et Paulette alors âgée de 19 ans. Interrogées séparément brutalisées, elles étaient jetées dans des cellules séparées de Montluc et toujours séparément dirigées, via Romainville à Ravensbrück d’où, sans s’être revues, et chacune ignorant le sort de l’autre, elles furent dirigées dans des commandos différents. Restaient encore et se refusant a cesser leur patriotiques actes : Madeleine Augustine. Le 1° mai 1944 elle al1ait à leur tour être appréhendées en gare de Perrache. Elisabeth était rendue à la liberté après quelques jours. Madeleine Augustine après d’épouvantables interrogatoires, quittait la sinistre prison Montluc pour Romainville et Ravensbrück Ainsi, les quatre soeurs devaient se retrouver miraculeusement vivantes qu’après la cruelle épreuve‘ concentrationnaire, en Juin 1945, lors de la libération des camps. L’une d’elle avant toutefois été sauvée quelques semaines auparavant par la mission suédoise du prince Bernadotte. Extraits de l’article de M G Rivière Le Progrès nov. 1969 Article de M G Rivière paru dans le progrès en novembre 1969 6 Jomaron (Danièle de) Sœur de Romuald, dans le réseau Périclès Groupe Garros Alias « Danièle ».Etudiante à la faculté des Lettres de Lyon, Danièle de Jomaron entre au service Périclès. Elle organise et dirige un service d’évasion. « Il y avait Danièle (étudiante en philosophie à Lyon, de mon âge). Haute comme trois pommes et courageuse comme un lion, elle est allée libérer avec deux camarades, revolver au poing, deux jeunes résistants emprisonnés à Périgueux, qui allaient être livrés à la Gestapo, et les a ramenés à Lyon par le train. L'appartement de sa mère, Rue Saint-Étienne, servait de "point de chute" à nos agents, de véritable repaire à la Résistance. Danièle a été arrêtée le 6 juin 1944, et déportée. Elle est morte en 1975, brisée par la déportation et par la vie. » Texte de Maryse Jolyon Arrêtée le 6/6/44 à Lyon elle est torturée puis incarcérée à Montluc. Déportée le 14/7/1944 à Ravensbrück, Danièle travaille dans les mines de sel à Bendorf. Elle revient, et à son retour, reprends ses études et réussit une agrégation en philosophie et enseigne Hélène ROEDERER 5 juin 1921 – 10 mai 1945 Hélène naquit le 5 juin 1921 à Dilling en Alsace. Elève brillante à l’intelligence ouverte étudiera avec passion ce qu’on lui proposait. Sa tante Marie Friedel en fit une latiniste et une helléniste fort compétente. C’était une jeune fille gaie, aimant la vie, sportive et excellente musicienne. Après un baccalauréat brillamment passé elle se lancera dans des études d’histoire à la faculté des lettres de Lyon. A cette époque le père d’Hélène dirigeait les Aciéries de la Marine à St-Chamond dans la Loire. Hélène Roederer était de celles-là qui, le jour même de l’armistice tentait de joindre l’ambassade anglaise afin de gagner l’Angleterre. Ce projet n’ayant pas abouti. Elle devient une de ces pionnières grâce à qui Lyon et cette faculté des lettres, vont prêter l’oreille à des voix autres que les slogans officiels. Grâce à ces pionniers étudiants comme Hélène ou professeurs comme Anne-Marie Soucelier se sont implantés des réseaux. Ainsi il s’y était implanté en 1943, cantonné dans les faux papiers, les renseignements, le service social, un réseau des plus modeste : le réseau Navarre où se retrouvaient toutes les nuances politiques et religieuses. Des étudiants, seulement des étudiants, se réunissaient pour rédiger des tracts, réfléchir sur l’organisation future de l’Université. Hélène a contribué à la diffusion de deux publications de la presse clandestine : « Défense de la France » et « Témoignage Chrétien ». Elle a participé à différentes manifestations du comité « interfac » pour coordonner l’action de résistance des quatre facultés des lettres, droit, sciences et médecine. Certaine réunion se sont tenues sur les basports du Rhône. En septembre 1943 elle suit ses parents à Châtenay-Malabry en région parisienne. Elle continu son activité de résistante. Elle aide à l’impression du journal « Défense de la France », fabrication de fausses cartes d’identités. Elle assure différentes liaisons, missions, transports de « zincs » » de Paris à Lyon pour « Défense de la France » et « Témoignage Chrétien ». La maison des parents d’Hélène à Châtenay-Malabry 7 accueillait les dirigeants de « Défense de la France » qui se réunissaient de 20h à 6h. Hélène était responsable du dispositif de rattrapage. Elle apprenait par cœur au cours des réunions les rendez-vous de chacun entre deux réunions. Il suffisait de la rencontrer pour retrouver le contact avec celui qui avait été manqué en allant à un de ses prochains rendezvous indiqué par Hélène. Un jour dans le métro, Hélène vit une crosse dépassant de l’étui d’un officier, elle prit l’arme sans qu’il s’en aperçut. Peu avant le débarquement, fin mai 1944 elle rejoignit le maquis de Seine-et-Oise nord elle sera agent de liaison et à participé aux combats de ce secteur. Le 19 juin, à Ronquerolles, dans l’Oise, le groupe dont elle faisait partie fut surpris dans les bois par une assez forte unité allemande, il fallut leur échapper après avoir enterré armes et documents. Le 25 juin 1944, Hélène va déterrer les armes et sa machine à écrire. En se rendant à sa nouvelle mission elle est arrêtée par un barrage sur la route de Nesles et, trouvée porteuse d’armes, est incarcérée à l’Isle-Adam. Après un mois au secret, à Fresnes, elle passe une semaine à Romainville, et est emmenée à Ravensbrück. Après quelques semaines à Ravensbrück elle est envoyée au Kommando de Torgau en compagnie de 400 déportées françaises pour la plus part résistantes. Elles devaient travailler dans une poudrerie pour fabriquer des obus. Les déportées ont dit « nous ne voulons pas travailler dans une poudrerie ». Les SS et les gardiens du camp ont été suffoqués de voir que ces femmes françaises ne voulaient pas travailler. Hélène était de celles qui affirmaient : « Il ne faut pas travailler pour l’ennemi ». Les déportées reconnaissaient que ce camp n’était pas très dur et où le sabotage était possible. Elles sont restées une quinzaine de jours à Torgau Les gardiens ne savaient que faire de ces femmes si peu dociles et attendaient les ordres de Ravensbrück. Un jour les femmes sont séparées en deux groupes de 250. Le groupe d’Hélène fut de nouveau dirigé sur Ravensbrück. Les Françaises sont remplacées par 150 juives polonaises. Hélène est restée quelques jours puis a été envoyée au petit Koenigsberg camp de terrassement d’un terrain d’aviation. Le travail était très pénible. Hélène est restée que quelques semaines à Koenigsberg. Un jour elle a été appelée par erreur, c’était soi-disant des malades qui devaient aller se « reposer » à Ravensbrück. A son départ, elle souffrait d’une cheville. Assez rapidement Hélène a été malade à Ravensbrück elle avait la scarlatine Elle fut mal soignée au revier. Elle ne quitte pas l’infirmerie de tout l’hiver 1944-45. Marie-Claude Vaillant-Couturier l’a très affectueusement entouré. On dit parfois qu’il n’y a pas de chambre à gaz à Ravensbrück…Il y en avait une. Marie-Claude a sauvé Hélène de la chambre à gaz et l’a soutenue jusqu’à sa mort le 10 mai 1945. Trop épuisée, elle ne peut être évacuée en Suède, fin avril, avec ses compagnes. Hélène a été faite Chevalier de la légion d’honneur, Officier de la Résistance et Croix de guerre. (Extraits des interventions lors de la cérémonie du souvenir le vendredi 10 mai 1985 pour donner à une salle de travail de l’Université Jean Moulin le nom d’Hélène Roederer). Élise Rivet Mère Marie Élisabeth de l’Eucharistie, de son vrai nom Élise Rivet, est née à Draria, à environ 15 kilomètres d'Alger, en Algérie, le 19 janvier 1890. Son père est officier de la marine française et sa mère d'origine alsacienne. Après le décès de son père, en 1910, la mère et la fille s'installent à Lyon. A 22 ans, en 1912, elle entre au noviciat du refuge de Notre Dame de Compassion, 8 rue de l'Antiquaille à Lyon, composé de sœurs infirmières. Le 13 mai 1913, elle prononce ses vœux et devient Sœur Élisabeth de l’Eucharistie, puis, en 1933, Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie est élue supérieure général. 8 Mère Marie Élisabeth de l’Eucharistie, de son vrai nom Élise Rivet, est née à Draria, à environ 15 kilomètres d'Alger, en Algérie, le 19 janvier 1890. Son père est officier de la marine française et sa mère d'origine alsacienne. Après le décès de son père, en 1910, la mère et la fille s'installent à Lyon.A 22 ans, en 1912, elle entre au noviciat du refuge de Notre Dame de Compassion, 8 rue de l'Antiquaille à Lyon, composé de sœurs infirmières. Le 13 mai 1913, elle prononce ses vœux et devient Sœur Élisabeth de l’Eucharistie, puis, en 1933, Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie est élue supérieure général. .En 1937, c'est sur le terrain du monastère que sont mis au jour les deux théâtres gallo-romains de Fourvière. Le couvent déménage et les sœurs partent s'installer dans le Château du Diable, chemin d'Alai. Mère Élisabeth conserve tout de même un local à Fourvière et ouvre deux nouvelles sections dont pour accueillir les mineures abandonnées ou délinquante et un foyer pour jeunes filles avec un atelier de couture et de broderie. A la suite de la défaite française de juin 1940, Mère Élisabeth s'engage dans la résistance et devient, dès septembre 1940, agent de renseignements, cache des archives ainsi que des armes et du matériel de l'Armée Secrète et le réseau Ajax à l’intérieur du couvent. A compter de l’année 1941, elle participe activement en liaison avec notamment le Cardinal Gerlier au sauvetage de nombreux enfants juifs. Elle admet des jeunes femmes juives, ainsi que des bébés et des enfants dans ces établissements, trouvant des cachettes pour d'autres puis leur fournit des faux papiers. Le 25 mars 1944 Élise Rivet est arrêtée sur dénonciation, de même que son assistante, Mère Marie Jésus. Elle est conduite au siège de la Gestapo, rue Berthelot, où elle est interrogée. Elle reste emprisonnée trois mois au Fort Montluc et le 1er juillet 1944, elle est transférée au camp de Romainville puis déportée le 14 vers Sarrebrück avant d'être transférée le 28 juillet au camp de Ravensbrück. Elle résiste jusqu’au bout en se sacrifiant pour sauver une mère de famille en allant à la chambre à gaz à sa place. Elle meurt le 30 mars 1945 à l’âge de 46 ans. A titre posthume, Mère Élisabeth reçoit, le 10 novembre 1945, la Croix de Guerre avec étoile, avec la citation suivante : « Élise Rivet, agent de renseignements en territoire occupé, outre des services rendus aux Services spéciaux, avait eu de fréquentes relations avec l’armée secrète, cachant des armes et donnant asile aux gens poursuivis comme étant en infraction avec les lois raciales ou avec le service obligatoire du travail ». En avril 1961, une cérémonie du souvenir a eut lieu à Draria, ville natale d'Élise Rivet, et son nom a été donné au village de Rivet dans le département d'Alger. Le 2 décembre 1979, une rue nouvellement tracée dans le quartier du Point-du-Jour, à Lyon, est inaugurée en son nom. En 1991, le cardinal Decourtray introduit son procès en béatification. Le 14 juillet 1996 Yad Vashem lui décerne la médaille des Justes à titre posthume. Et en 1999 son nom est donné à une salle de l’Institut lyonnais des sciences de l’Homme. Simone Grandjean A la déclaration de guerre en septembre 1939 Simone Grandjean a 14 ans. Elle habite Cluny et vient d’être embauchée à l’atelier de tricotage de la ville. Son père est ouvrier à l’usine à gaz de la ville, sa mère fait des ménages. En plus de leur travail ses parents s’occupent de la ferme d’une famille habitant Lyon. Au moment de la débâcle en mai 1940 la famille voit défiler devant chez eux la cohorte de réfugiés. Ils les ont aidés comme ils pouvaient, leur donnant gratuitement des produits de la ferme avec l’accord du propriétaire et ils hébergeaient les mères de familles pour qu’elles puissent laver et changer leurs bébés. La famille n’était pas politisée, ils n’appartenaient à aucun parti, syndicat ou associations. Ils estimaient de leur devoir d’aider des gens dans la difficulté. Après avoir habité une maison à l’extrémité de la ville la famille s’est installée dans une maison dont l’arrière avait un jardin qui donnait directement sur des prés et des chemins vicinaux mais était aussi située en face de la kommandantur ! Quand le STO a été instauré certains jeunes de la ville qui avaient l’habitude de venir à la maison ont rejoint le maquis. Ils savaient que la maison leur réserverait un bon accueil et c’est ainsi que celle-ci est devenue un relais et un lieu d’hébergement pour le maquis. 9 Les maquisards venaient à la maison au retour de mission, ils se restauraient. Ils déposaient des armes et du matériel que d’autres venaient chercher. Simone a distribué des tracts dans les boîtes aux lettres de personnes connues pour leurs sentiments pro vichystes. Voilà comment la famille est rentrée dans la résistance, elle a estimé que c’était son devoir d’aider ceux qui luttaient contre l’envahisseur. Après la guerre le père de Simone a été enregistré dans le réseau Buckmaster. Suite à une dénonciation la famille est arrêtée le 15 février 1944. Les Allemands ont arrêté beaucoup de monde à Cluny ce jour là, même des gens qui attendaient le train à la gare. Simone est la seule des personnes arrêtées à être interrogée. Les Allemands avaient trouvé des photos d’hommes à la maison et voulaient savoir qui ils étaient. Simone est interrogée 20 minutes environ avec le canon d’un révolver posé sous le nez. Malgré des explications assez farfelues elle n’est pas plus inquiétée. Vers 19h30-20h les prisonniers sont emmenés en camion pour Lyon où ils sont conduit avenue Berthelot au siège de la Gestapo dirigée par Barbie. Les hommes sont séparés des femmes. Ils étaient environ 90 prisonniers. Les hommes ont été emmenés les premiers à la prison Montluc puis dans l’après-midi les femmes les ont rejoint. A leur arrivée à Montluc la soupe avait été déjà distribuée, ce qui fait que depuis leur arrestation à Cluny les détenus n’avaient rien mangé. Ils sont restés 8 à 10 jours à Montluc. Les hommes sont partis pour Compiègne et les femmes ne sont parties que le lendemain pour Romainville. Simone a été déportée à Ravensbrück et Mauthausen. C rendu de R Beaulaygue qui a recueilli ce témoignage Catherine Roux 35 282 Ravensbrück “ Mon Dieu, je n’ai plus de vêtements sur moi, Je n’ai plus de chaussures, Je n’ai plus de sac, de portefeuille, de stylo, Je n’ai plus de nom. On m’a étiquetée 35 282 Je n’ai plus de cheveux, Je n’ai plus de mouchoir. Je n’ai plus les photos de Maman et de mes neveux. Je n’ai plus l’anthologie où, chaque jour, dans ma cellule de Fresnes, j’apprenais une poésie. Je n’ai plus rien. Mon crâne, mon corps, mes mains sont nues. ” 35282 Fünfunddreißig Zweihundertzweiundachtzig Catherine Roux Catherine fut déportée à Ravensbrück puis au commando d’ Holleischen village des Sudètes et assignée dans une usine Skoda qui fabriquait des munitions A son retour elle écrit : « le triangle rouge », son livre de témoignages et de poésie (éditions France empire 1968) Extrait du livre le triangle rouge : Vilaine affaire au kommando 131. Une presse a sauté. Dans la salle de chargement des chariots d’obus, vers quatre heures du matin, une prisonnière somnolente a oublié de mettre une charge de poudre au fonds d’une douille. Suivez la fatale filière…Dans la salle voisine, la camarade qui aurait dû s’apercevoir de cet oubli, toute dormante elle aussi, n’a rien vu. Une troisième a installé ce chariot sur les rails et l’a lancé de toutes ses forces en direction de la presse. Celle-ci, pressant à vide, a sauté. Cinq heures d’interruption de travail pour la réparer. L’ingénieur général des usines, rarement dans le pays, se trouvait là, par malchance. Le meister a donc été obligé de rédiger un rapport. Sans la malencontreuse présence du docteur Bach, peut-être l’aurait-il évité. Résultat : accusation de sabotage pour six prisonnières. Nous sommes au mois d’août. Les plus pessimistes d’entre nous arriveraient-elles à imaginer que cette accusation, une première fois sanctionnée par une cruelle bastonnade publique, conduirait trois Françaises au gibet de Flossenburg en avril prochain ? 10 Témoignage de Suzanne PIC épouse ORTS, née le 12 avril 1927 à Sète 1943 : Agent de liaison au Maquis de Beaubery, Saône- et- Loire. 1944 : Boîte aux lettres pour le maquis de Beaubery. 1945 : Réseau Marco Polo appartenant aux FFC n° 99/315. Arrêtée le 21 Mai 1944 à Perpignan par la Gestapo. Citadelle de Perpignan. Prison de Romainville Déportée le 12 Juin 1944. Camps : Neuebrem près de Sarrebrück (12 Juin 1944 – 21 Juin 1944). Ravensbrück : matricule 43155 (23 Juin 1944 – 20 Juillet 1944). Leipzig : matricule 4046 (20 Juillet 1944 - 13 Avril 1945, évacuation). Hasag-Leipzig, le plus grand Kommando extérieur de femmes de Buchenwald libérée le 18 mai 1945. Sources : Audiothèque de la FMD Entrer en Résistance « Á Mâcon, juste après l’armistice, un groupe gaulliste se forme où on entre mon frère et moi. Il est chargé de diffuser le message du général de Gaulle, d’appeler les Mâconnais à la résistance et de récolter des armes. Mon frère se sert de notre villa pour cacher les armes, et moi je recopie l’appel du général et je le distribue dans les boîtes aux lettres. Le groupe fonctionne ainsi pendant quelque temps [...]. Mon frère rencontre un groupe d’hommes démobilisés et puis avec les lois du STO il décide de rejoindre le maquis formé par M. Séquestra. Comme je connaissais plein de monde ils m’ont demandé de devenir agent de liaison pour le maquis. Ma tâche était simple : je retrouvais un contact à la sortie de la messe et je lui donnais ou il me donnait les documents. Mais les Allemands ont attaqué le maquis et ont fini par l’anéantir. Mon frère réussit à s’en tirer mais devint clandestin. [...] Un de ses amis était agent de renseignement pour le réseau Marco-Polo, j’ai décidé d’y travailler aussi. On relevait toutes les fortifications allemandes de la zone ». /…/ C’est très difficile à 17 ans de rentrer dans la peau d’une bagnarde condamnée aux travaux forcés... Pour combien de temps ? Quelque temps après notre arrivée, à l’appel du soir, le commandant hurle devant toutes les femmes rassemblées. Les Françaises sont la cause de cette colère : depuis notre arrivée la production a baissé de 40 % traduit l’interprète. Quel beau compliment pour nous qui essayons, malgré le risque, de freiner le travail : combien de machines détraquées, de culots mal faits ? Pourtant les meisters veillent et les aufscherins tournent dans l’usine prêtes à entrer en action Nous sommes de mauvaises ouvrières, ma mère qui travaille au contrôle encadrée par des civiles allemandes, leur explique avec les quelques mots d’allemand qu’elle a appris, qu’une est médecin, , l’autre professeur, que chez nous les femmes ne travaillent pas si durement. Il était formellement interdit de parler aux civils. Le soir, à l’appel, son numéro a été appelé : punition, 4 heures d’appel. Cette punition faite après nos deux heures habituelles, sous le mirador, les pieds dans la neige, nous étions en janvier. L’ouvrière s’était plainte à l’aufscherin. Un meister suggère que le travail est trop dur pour des femmes, réponse : elles peuvent toutes crever, il y a du personnel de rechange. En effet, les déportés étaient une “marchandise” que les industriels allemands louaient à la SS, ils ont fait avec ce matériel humain, facilement renouvelable, des bénéfices énormes. Dans ce camp très ordinaire, nous avons eu l’occasion de dire NON, la seule fois où nous avons pu refuser quelque chose. Un jour, l’interprète nous annonce que nous allons recevoir, de la part de l’usine, des bons de cantine. Ces bons nous permettront d’avoir des petites choses dont nous avions grand besoin: aiguilles à coudre, fil, brosses à dents, savon. Nous en avions entendu parler et nous avions décidé de refuser ce salaire déguisé. Aussi grand scandale à l’usine lorsque l’interprète avec l’aufscherin passent pour nous remettre ces bons. Les Russes, les Polonaises, enfin toutes les autres les prennent, toutes les Françaises les refusent. Pour nous, il était inconcevable de recevoir des marks, mêmes factices, pour ce travail forcé. Nous avons d’ailleurs retiré un grand bénéfice de ce refus, un sentiment de fierté, ce qui a été très bon pour notre moral; cela nous a encouragées aussi pour faire le 11 novembre 1944 à 11 h précises, cinq minutes d’arrêt de travail. Pour ces deux actions, quelques coups de schlague sont tombés sur nos dos, mais qu’importe, nous avons montré que nous existions. 11 Brèves de Lyon Une nouvelle fois Lyon est le siège de violences fascistes. Le 14 février dernier, deux lycéens anti fascistes de 16 et 17 ans ont été agressés à coup de couteaux dans le quartier de St Jean. Cinq individus de la mouvance identitaire dont l’auteur des coups, arrêtés après l’agression ont été placés sous contrôle judiciaire et une information judiciaire a été ouverte. Les groupuscules fascistes ont un local à St Jean et considèrent ce quartier comme leur chasse gardée puisqu’il a déjà été le lieu de plusieurs actes de violence de leur part. Il faut que cela cesse. Le préfet et les collectivités locales doivent prendre leurs responsabilités et des mesures pour empêcher de nouveaux actes de violence. R Beaulaygue J’ai lu : Le prix Goncourt « Au revoir là haut » de Pierre Lemaitre Sur les ruines du plus grand carnage du XX°siècle deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts… Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand romande l’après guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’état qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu. Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec talent et une maîtrise impressionnants. J’ai consulté le site internet du Lycée Lalande de Bourg en Bresse : riche et passionnant. http://www.lalande2.com/index.php • Le Lycée Lalande, de Bourg en Bresse, est le seul lycée civil de France titulaire de la Médaille de la Résistance. Nous avons souhaité faire connaître les conditions, très diverses, de nos engagements, et de nos combats, dans l'espoir de contribuer à la construction d'un monde plus aisé et plus équitable. Faits vécus et témoignages directs de lycéens Résistants • Articles et ouvrages de Résistants du lycée Lalande Rappel ASSEMBLEE GENERALE SAMEDI 29 Mars 2014 A 9 h30 Au centre Marcel Brunot 110 rue du 4 août à Villeurbanne L’assemblée se terminera par un repas (16€) au centre Marcel Brunot Merci de vous inscrire avant le 20 mars auprès de Roland Beaulaygue Au 06 80 25 36 26 ou [email protected] L’A.F.M.D a pour vocation de combattre les crimes contre l’humanité, les négationnistes et les falsificateurs de l’histoire, le racisme et l’antisémitism et de lutter contre toute résurgence du nazisme et de toute idéologie prônant l’intolérance et la discrimination raciale ou religieuse. Association culturelle (loi du 1er juillet 1901) J.O.A. n° 1336 du 7/12/96 A.F.M.D. Délégation Territoriale du Rhône : M.J.C. Vieux Lyon 5 place Saint Jean 69005 LYON A.F.M.D. Président Roland BEAULAYGUE Publication MEMOIRE DE LA DEPORTATION A.F.M.D. du Rhone Directeur de la publication : Patrick Guimet Comité de rédaction : André Mien, Roland beaulaygue., 12