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j'ai ouvert mon sac en faisant un grand
sourire au milicien, qui m'a gentiment pris le
menton, comme à une enfant... Et plus d'une fois,
je n'ai pas résisté au plaisir de faire monter dans un
tram, par un soldat allemand, une lourde valise
chargée de tracts. Je remerciais gentiment
Un "drôle de jeu" a dit Roger Vaillant...
Tout cela était terriblement romanesque, mais
aussi très dangereux
À Lyon, l'hiver 43-44 a été terrible : la
Gestapo de Barbie, efficacement appuyée par la
Milice de Touvier, a multiplié les arrestations dans
nos rangs. Tous les soirs un camarade manquait à
l'appel, et nous attendions, blêmes de froid et
d'anxiété sous la lumière bleue des réverbères.
Nous savions maintenant ce qui se passait à l'École
de Santé ou Place Bellecour, siège de la Gestapo,
et Rue Sainte-Hélène, siège de la Milice. Nous
savions que les camarades arrêtés étaient
abominablement torturés dans le but de les faire
parler, mais aussi de les avilir, de les détruire dans
leur humanité même. Ces abominations
renforçaient notre volonté de lutter. Le nazisme
nous est apparu alors comme un mal absolu qu'il
fallait combattre pour des raisons philosophiques
et morales : "pour l'honneur de l'espèce humaine"
Dans ce réseau Périclès, à Lyon, en 43-44,
il y avait aussi Madame Séverane (40 ans, femme
d'un professeur de technique, mère de Séverane).
Responsable du Service Social, elle s'occupait des
prisonniers et de leurs familles. Arrêtée à Perrache
en mars 1944, en mars 1944, en même temps que
"Marceau", et torturée par Barbie, elle a témoigné
à son procès. (cf. son livre : "Face à Barbie" - Lise
Lesèvre). Son mari et son jeune fils de 15 ans ont
été arrêtés eux aussi et sont morts en déportation.
Il y avait la petite Annette (18 ans) qui était
secrétaire au Centre. Un petit bout de fille aux
yeux gris, d'une énergie sensationnelle qui, elle
aussi, a échappé de justesse à la capture. Nous
avons suivi le même chemin : comme moi elle a
gagné le maquis du Haut-Jura, en juin 1944, et
après, à la Libération, s'est engagée au Premier
Régiment de Franche-Comté/…../ Plus tard, dans
le maquis du Haut-Doubs, il y a eu Marie-Hélène
Vuilleumier (35 ans, professeur de Lettres au
Collège Sévigné, à Paris), blessée au combat de la
Planée, achevées par les Allemands ; et Francine,
arrêtée lors de ce combat (voir plus loin, dans la
partie : Maquis).
Il y en a eu d'autres, que je connaissais
moins, parce qu'elles étaient "basées" à Paris -
(Christine, par exemple). Des femmes courageuses
ont mis leur appartement à notre disposition, ont
accepté de servir de "point de chute", ce qui était
dangereux, car leur adresse était connue de
beaucoup de gens
Le Maquis : (été 44). Au début de juin
1944, à Lyon, les survivants de "Périclès" ont
reçu l'ordre de Robert de se réfugier au plus vite
dans un maquis du Jura. Je suis partie le 5 juin,
avec "Garnier" et "Michel". Les voies étaient
coupées, la circulation des trains difficile. Le soir
du 5 juin,/…./ Nous sommes arrivés à l'hôtel, à
17 heures, au moment où le patron écoutait,
debout, la radio de Londres, le Général de Gaulle
annonçant le débarquement : "Alors va se lever
le soleil de notre grandeur..."/……/
Pour assurer les liaisons, je portais une
robe, bleue et rose, un corsage blanc et je passais
inaperçue. Après la Grange des Prés, j'ai été
envoyée au poste de commandement de R.
Lagarde, au-dessus de la Planée, près de
Pontarlier. Nous étions une douzaine dans ce
camp, dont quatre jeunes filles : Marie-Hélène,
Jeannick, Francine et moi. Au début de juillet,
Robert et Jeannick sont passés en Suisse pour
une mission importante. En leur absence notre
camp avait été installé trop près de Pontarlier, où
étaient cantonnées des troupes allemandes. Les
Allemands, intrigués par la circulation des
voitures à proximité de la forêt, ont envoyé, le 13
juillet, une patrouille qui a ramassé sur la route
un de mes agents de liaison. Emmené à
Pontarlier, menacé d'être fusillé, il a accepté de
conduire une compagnie allemande à notre
camp.
J'étais au village quand les Allemands
sont arrivés, vers 16 heures:/…/Pendant ce
temps, le camp était attaqué par les Allemands.
Marie-Hélène a été blessée dès le début de la
fusillade, puis achevée. Jeannick s'est échappée
en fuyant dans la forêt, Francine a été arrêtée. À
l'interprète qui lui demandait ce qu'elle faisait là,
elle a répondu : "je suis du maquis, et je suis fière
d'être du maquis". Elle a pu sauter du train qui la
déportait vers l'Allemagne. En Alsace, elle a été
recueillie et cachée au Couvent du Mont-Saint-
Odile jusqu'à la fin de la guerre.
Le lendemain, j'ai été retrouvée par "Gazelle"
(Dornier), qui m'a conduite dans une ferme, où
étaient cachés les rescapés : Robert, Jeannick,
Thalney, etc... Nous avons "récupéré" pendant
deux ou trois jours. Puis Robert est parti installer
son P.C. à Lemuy, et moi, avec mes agents de
liaison, je me suis installée dans une grande
demeure, à Montorge, en pleine forêt, près du
village d'Arc-sous-Montenot. Le curé d'Arc,
l'Abbé Schultz, d'origine alsacienne, aidait la