MEMOIRE DE LA DEPORTATION A.F.M.D du Rhône

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MEMOIRE DE LA
DEPORTATION
A.F.M.D du Rhône
Bulletin n° 8
MARS 2014
Sommaire
Editorial : André Mien
Poésie : Gisèle Guillemot
Témoignages de femmes
Brève de Lyon
A lire à écouter à visionner
A MA MERE
Ecoute Maman je vais te raconter
Ecoute il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Les livres qu’on brûlait
Les gens qu’on humiliait
Et les bombes lancées
Sur les enfants d’Espagne
Alors on a rêvé
De fraternité
Ecoute Maman je vais te raconter
Ecoute il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Les prisons et les camps
Ces gens qu’on torturait
Et ceux qu’on fusillait
Et les petits enfants
Entassés dans les trains
Alors on a rêvé
De liberté.
Ecoute Maman je vais te raconter
Ecoute il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Alors on s’est battu
Alors on a perdu.
Ecoute Maman il faut que tu comprennes
Ecoute ne pleure pas…
Demain sans doute ils vont nous tuer
C’est dur de mourir à vingt ans
Mais sous la neige germe le blé
Et les pommiers déjà bourgeonnent
Ne pleure pas
Demain il fera beau.
Gisèle Guillemot Fresnes, juillet 1943
Editorial André Mien.
Ceux d’entre nous, ont l’habitude de lire
un ou plusieurs journaux dont ils commencent
l’inventaire par les avis de décès. Ils ont peut
être été frappés, par le nombre très élevé des
décès de dames âgées pour lesquelles il est
mentionné :
Ancienne
déportée
ou
ancienne
résistante ou ancienne résistante déportée.
Rarement
est
donné
un
ajout
d’indication d’une décoration.
Nous nous interrogeons : y en eut-il tant
que cela ? La résistance et ses conséquences
souvent tragiques n’étaient-elles pas souvent
l’affaire d’hommes, de décideurs compétents et
de combattants virils ? Le général de Gaulle qui
allait en 1944 donner le droit de vote aux
femmes ne créa que très peu de femmes
Compagnons de la Libération, 6, sauf erreur,
contre plus de mille hommes
Nos mentalités sont encore telles que
l’individu qui se bat et résiste est à priori un
homme.Certes, l’histoire a retenu quelques
grands noms de femmes résistantes comme
Germaine Tillion, ou la présidente de notre
Fondation, Marie Jo Chombart de Lauwe qui
l’une et l’autre ont continué à résister à
l’intérieur du camp mais les autres, tant d’autres
dont nous apprenons ce dont elles ont été
capables, au moment de leur disparition,
soixante dix ans plus tard ?
Celui ou celle qui résiste à une situation
qu’en conscience il juge inacceptable, mettant
ainsi en jeu sa sécurité voire sa vie, peut et doit
le faire selon d’une part les données de cette
situation, d’autre part les moyens qui lui sont
propres, garantie d’efficacité.
1
La quasi-totalité des femmes n’a pas
manié la mitraillette. Il n’était pas moins
utile et risqué de transmettre des messages,
d’héberger des personnes recherchées, de
fabriquer des faux papiers, d’abriter une
boite aux lettres.
Ces femmes dont certaines ont péri à
Ravensbrück n’étaient pas des auxiliaires,
elles étaient des résistantes à part entière .Au
reste, il s’est trouvé entre ces femmes
d’authentiques chefs de guerre. Ainsi de
Daniele De Jomaron.
J’ai, un souvenir très chaleureux de trois femmes.
A elles trois, elles ont formé un réseau local de
propagande et d’information. Républicaines sans
faille ni concession, elles détestaient l’Allemagne
nazie et abhorraient le régime de Vichy. La plus
jeune, la vingtaine, tout juste sortie de l’ Ecole
Normale filait fréquemment sur son vélo. Celle
d’age moyen, la quarantaine respectable, en
rapport avec la troisième, recherchait les
renseignements et venait en aide aux personnes en
danger. La première était une toute jeune
institutrice, la seconde, sa directrice d’école, la
troisième l’inspectrice de l’une et l’autre. Cela eu
lieu au cœur de la Bourgogne. La dernière
survivante des trois, la jeune institutrice entrant
dans le métier dans les années 40, vient de mourir
à quatre-vingt onze ans. C’est pour moi l’occasion
de lui rendre hommage ainsi qu’à ses semblables
qui aimaient la République et les enfants.
André Mien.
Note de la rédaction :
Il nous est apparu intéressant de reproduire des textes et des témoignages vieux de 60 ans peut
être plus, dont la lecture semble rébarbative mais en réalité, passionnante.
Nous avons tenu également de ne citer avant tout que des textes de femmes. Peu d’entre elles
parlent de la déportation, mais surtout de leur action dans la résistance ; sans doute préfèrent elles ne
garder que le meilleur et oublier le pire Nous avons cherché à mettre en valeur ces « petites mains »,
peu connues, qui composait l’armée des ombres, à Lyon et dans la région.
Nouse avons dû abréger certains textes les coupures sont indiquées par le sigle /…/
Des femmes dans la Résistance.
Service Périclès 1942-1944
En ville (Lyon-Paris), les femmes du réseau
"Périclès" ont été nombreuses, et elles ont presque
toutes été arrêtées et déportées. Si je rédige
aujourd'hui ce récit, à l'intention de Patricia
BOYER,/…./ Bientôt personne ne sera plus là pour
témoigner. C'est pourquoi j'écris ces pages de
mémoire pour que les jeunes n'oublient pas ce qui a
été fait, vécu par ces femmes indomptables.
Élève au Lycée de Bourg, j'avais 16 ans au
moment de l'Armistice (16 Juin1940). J'ai écouté,
tremblante d'émotion et de colère, le vieux Maréchal
chevroter "qu'il fallait cesser le combat"./:/…..
Ma famille était pétainiste, mon village, ma
ville, le curé, que tous respectaient, les notables : en
cet été 1940, il y avait en France 40 millions de
pétainistes. Pour quelle raison ce refus de
l'Armistice jaillit du plus profond de moi ? D'abord
par un patriotisme simple et vif. J'aimais la France
"mère des arts, des armes et des lois".J'aimais "cette
terre charnelle". Le beau poème de Péguy, je me le
redisais avec passion
"heureux les épis mûrs et les blés moissonnés"
: La présence des soldats allemands sur notre
sol me révoltait comme une souillure. Cette
"armée de soldats verts", il fallait "la bouter
hors de France".
D'autre part, malgré mon jeune âge,
j'étais motivée plus politiquement : je savais
que le régime, en Allemagne, était dictatorial et
antisémite, j'avais entendu à la radio Hitler
injurier les "ploutocraties", j'avais entendu
hurler des foules fanatisées. Tout cela me
paraissait très grave et menaçant pour mon
pays et notre liberté
Ma résistance a d'abord été enfantine :
je traçais des croix de lorraine sur les murs, le
V de la victoire, je portais fièrement la croix de
Lorraine au revers de mon manteau ...
Deux ans ont passé, j'ai grandi. En 1942, j'étais
en Khâgne à Lyon, étudiante en philosophie, et
avec un groupe très restreint d'amis étudiants
nous avons commencé à organiser un "comité
de Résistance 2
Inter-Faculté" : Il comprenait quelques
étudiants en lettres : Georges Lesèvre, (Séverane),
Georges Epstein ("Fanfan"), en médecine : le
docteur Jeune ("Martin"), Georges Graber
("Garnier"), moi-même, "Maryse", plus tard en
1943, Hélène Roederer, qui nous donnait à
distribuer dans les boîtes aux lettres le journal
clandestin "Défense de la France".
À partir de 1943, nous avons été en contact
avec le service Périclès, orienté contre le départ en
Allemagne des jeunes gens touchés par le S.T.O.,
et vers la création de maquis, en particulier dans le
Haut Jura, au-dessus de Saint-Claude(Viry, La
Pesse, ...).
Le Lieutenant-colonel Robert Lagarde, au
charisme indéniable, officier de réserve, ancien
officier de renseignement au IIème Bureau, a
fondé le service "Périclès" ou "École des Cadres
du Maquis" qui recrutait des étudiants/…/
. Je me propose ici de parler seulement des
femmes de ce réseau dont je faisais partie. Leur
rôle a été plus important qu'on ne le sait
d'habitude, et Robert Lagarde les à recrutées
systématiquement et massivement./…/
. Robert Lagarde a eu l'idée assez neuve et
originale que des femmes avaient un rôle capital à
jouer dans un réseau de Résistance, qu'elles étaient
capables de faire cette sorte de guerre aussi bien
que des hommes, et qu'il fallait leur faire
confiance.
J'ai contacté le réseau par l'intermédiaire de
"Séverane", qui m'a mise en contact, en mars
1943, avec "Renée" (Antoinette Spicher),
assistante sociale à la Croix Rouge de Lyon, dont
l'appartement, rue Molière, servait de "point de
chute" à notre réseau. Renée pouvait avoir 35 ans,
elle était belle, grave, réfléchie, entièrement
dévouée à notre cause. Comme j'allais en vacances
dans un petit village de l'Ain, elle m'a d'abord
demandé de lui trouver du ravitaillement pour des
clandestins de Lyon, ou de passage à Lyon.
Pendant tout l'été 1943, j'ai envoyé des colis à
l'adresse de Renée et de la Croix Rouge.
Mais cela n'était pas suffisant : le réseau
avait besoin d'agents de liaison, entièrement
disponibles pour aller au maquis (Saint-Claude), à
Paris, et à l'intérieur de Lyon. En novembre 1943,
j'ai abandonné mes études à la Faculté de Lettre de
Lyon pour entrer dans la clandestinité. J'avais une
chambre à Vaise/…/
Je dépendais de "Gabriel" ("Leroy") qui
m'a chargée très vite d'organiser les liaisons et m'a
envoyé des jeunes filles. Ensemble nous avons mis
sur pied un service de liaison qui fonctionnait un
peu comme un réseau d'espionnage, avec des
pseudonymes, des mots de passe, des signes de .
reconnaissance (par exemple: les stores d’une
fenêtre). Nous avons organisé :La liaison vers
Paris : une ou deux fois par semaine, elle était
assurée par la toute frêle Nancy, qui a été
arrêtée et déportée en juin 1944, et par Janine
aux cheveux dorés qui est passé entre les
mailles du filet. J'allais leur porter la valise
contenant le courrier dans les environs de
Perrache, un peu avant leur départ. Il leur
fallait franchir la ligne de démarcation, et
c'était chaque fois un moment d'angoisse à
dissimuler avec soin.
2. La liaison vers Saint-Claude et ses
maquis, assurée par Jeannette et Norante,
arrêtées au maquis et déportées toutes les
deux. Je suis allée plusieurs fois à SaintClaude accompagner des jeunes gens. Nous
pensions qu'un couple était moins suspect
qu'un homme seul.
3. La liaison à l'intérieur de Lyon,
assurée par moi, Maryse, qui ai échappé de
justesse la capture. Je passais 2 fois par jour
relever le courrier dans les "boîtes aux lettres"
que nous avions dans la ville. Je transmettais
tous les jours ce courrier au Centre qui
m'envoyait un agent de liaison. J'allais aussi, à
heures invariables, aux "point de chute",
rendez-vous fixés sur un plan de Lyon que
tous les membres du réseau possédaient. Ces
rendez-vous changeaient tous les jours, avec
le Centre. Je rencontrais aussi "Garnier", qui
était seul à être en contact avec le graveur dont j'ai ignoré le nom - qui nous fabriquait
des faux tampons Tout cela était très
romanesque et plaisait à notre goût de
l'aventure.
Que transportaient ces agents de
liaison? Des choses interdites et dangereuses :
des journaux clandestins, des tracts, de faux
papiers,
des
cartes
d'alimentation
"réquisitionnées", des armes, du plastic et des
détonateurs.
Nous avions l'air tellement jeunes et
innocentes que nous nous glissions partout, là
où des jeunes gens auraient éveillé la
méfiance. Nous accentuions notre air de
jeunesse en nous habillant de manière
enfantine : un petit béret, des chaussettes
blanches, des sandales... Ainsi je me souviens
qu'un jour j'étais dans un trolley qui montait à
la Croix-Rousse, où j'avais un rendez-vous.
Le trolley a été arrêté par des miliciens qui ont
fait sortir les passagers et ouvrir les sacs. Dans
mon sac j'avais deux fausses cartes d'identité
et une boîte de cartouches. J'ai déplié mon
mouchoir pour cacher ces choses dangereuses,
3
j'ai ouvert mon sac en faisant un grand
sourire au milicien, qui m'a gentiment pris le
menton, comme à une enfant... Et plus d'une fois,
je n'ai pas résisté au plaisir de faire monter dans un
tram, par un soldat allemand, une lourde valise
chargée de tracts. Je remerciais gentiment
Un "drôle de jeu" a dit Roger Vaillant...
Tout cela était terriblement romanesque, mais
aussi très dangereux
À Lyon, l'hiver 43-44 a été terrible : la
Gestapo de Barbie, efficacement appuyée par la
Milice de Touvier, a multiplié les arrestations dans
nos rangs. Tous les soirs un camarade manquait à
l'appel, et nous attendions, blêmes de froid et
d'anxiété sous la lumière bleue des réverbères.
Nous savions maintenant ce qui se passait à l'École
de Santé ou Place Bellecour, siège de la Gestapo,
et Rue Sainte-Hélène, siège de la Milice. Nous
savions que les camarades arrêtés étaient
abominablement torturés dans le but de les faire
parler, mais aussi de les avilir, de les détruire dans
leur humanité même. Ces abominations
renforçaient notre volonté de lutter. Le nazisme
nous est apparu alors comme un mal absolu qu'il
fallait combattre pour des raisons philosophiques
et morales : "pour l'honneur de l'espèce humaine"
Dans ce réseau Périclès, à Lyon, en 43-44,
il y avait aussi Madame Séverane (40 ans, femme
d'un professeur de technique, mère de Séverane).
Responsable du Service Social, elle s'occupait des
prisonniers et de leurs familles. Arrêtée à Perrache
en mars 1944, en mars 1944, en même temps que
"Marceau", et torturée par Barbie, elle a témoigné
à son procès. (cf. son livre : "Face à Barbie" - Lise
Lesèvre). Son mari et son jeune fils de 15 ans ont
été arrêtés eux aussi et sont morts en déportation.
Il y avait la petite Annette (18 ans) qui était
secrétaire au Centre. Un petit bout de fille aux
yeux gris, d'une énergie sensationnelle qui, elle
aussi, a échappé de justesse à la capture. Nous
avons suivi le même chemin : comme moi elle a
gagné le maquis du Haut-Jura, en juin 1944, et
après, à la Libération, s'est engagée au Premier
Régiment de Franche-Comté/…../ Plus tard, dans
le maquis du Haut-Doubs, il y a eu Marie-Hélène
Vuilleumier (35 ans, professeur de Lettres au
Collège Sévigné, à Paris), blessée au combat de la
Planée, achevées par les Allemands ; et Francine,
arrêtée lors de ce combat (voir plus loin, dans la
partie : Maquis).
Il y en a eu d'autres, que je connaissais
moins, parce qu'elles étaient "basées" à Paris (Christine, par exemple). Des femmes courageuses
ont mis leur appartement à notre disposition, ont
accepté de servir de "point de chute", ce qui était
dangereux, car leur adresse était connue de
beaucoup de gens
Le Maquis : (été 44). Au début de juin
1944, à Lyon, les survivants de "Périclès" ont
reçu l'ordre de Robert de se réfugier au plus vite
dans un maquis du Jura. Je suis partie le 5 juin,
avec "Garnier" et "Michel". Les voies étaient
coupées, la circulation des trains difficile. Le soir
du 5 juin,/…./ Nous sommes arrivés à l'hôtel, à
17 heures, au moment où le patron écoutait,
debout, la radio de Londres, le Général de Gaulle
annonçant le débarquement : "Alors va se lever
le soleil de notre grandeur..."/……/
Pour assurer les liaisons, je portais une
robe, bleue et rose, un corsage blanc et je passais
inaperçue. Après la Grange des Prés, j'ai été
envoyée au poste de commandement de R.
Lagarde, au-dessus de la Planée, près de
Pontarlier. Nous étions une douzaine dans ce
camp, dont quatre jeunes filles : Marie-Hélène,
Jeannick, Francine et moi. Au début de juillet,
Robert et Jeannick sont passés en Suisse pour
une mission importante. En leur absence notre
camp avait été installé trop près de Pontarlier, où
étaient cantonnées des troupes allemandes. Les
Allemands, intrigués par la circulation des
voitures à proximité de la forêt, ont envoyé, le 13
juillet, une patrouille qui a ramassé sur la route
un de mes agents de liaison. Emmené à
Pontarlier, menacé d'être fusillé, il a accepté de
conduire une compagnie allemande à notre
camp.
J'étais au village quand les Allemands
sont arrivés, vers 16 heures:/…/Pendant ce
temps, le camp était attaqué par les Allemands.
Marie-Hélène a été blessée dès le début de la
fusillade, puis achevée. Jeannick s'est échappée
en fuyant dans la forêt, Francine a été arrêtée. À
l'interprète qui lui demandait ce qu'elle faisait là,
elle a répondu : "je suis du maquis, et je suis fière
d'être du maquis". Elle a pu sauter du train qui la
déportait vers l'Allemagne. En Alsace, elle a été
recueillie et cachée au Couvent du Mont-SaintOdile jusqu'à la fin de la guerre.
Le lendemain, j'ai été retrouvée par "Gazelle"
(Dornier), qui m'a conduite dans une ferme, où
étaient cachés les rescapés : Robert, Jeannick,
Thalney, etc... Nous avons "récupéré" pendant
deux ou trois jours. Puis Robert est parti installer
son P.C. à Lemuy, et moi, avec mes agents de
liaison, je me suis installée dans une grande
demeure, à Montorge, en pleine forêt, près du
village d'Arc-sous-Montenot. Le curé d'Arc,
l'Abbé Schultz, d'origine alsacienne, aidait la
4
Résistance depuis des années, et mettait sa
cure à notre disposition.
Je garde un souvenir émerveillé de la
chaleur de son accueil. À Montorge nous avons
célébré la Libération de Paris, en chantant devant
un feu de camp... La Libération approchait.
Beaucoup de liaisons étaient maintenant assurées
par des lignes téléphoniques mises en place par un
officier de marine, rallié de la dernière heure à la
Résistance. Mais jusqu'au bout, des agents de
liaison en bicyclette ont parcouru les routes et les
forêts du Jura.
Après la libération, des jeunes filles du Service
Périclès se sont engagées au Service Social du
Premier Régiment de Franche-Comté. Ce régiment
a été formé à partir des maquis du Jura et du
Doubs, intégré à la Première Armée Française, et
il a participé à tous les combats.
. (Prise de Colmar en février 45, puis
invasion de l'Allemagne et de l'Autriche jusqu'au
lac de Constance). Annette et moi avons passé
Noël au Régiment, près de la Bresse (Vosges) sur
le flanc du Honneck
Nous avions maintenant un uniforme, mais
aussi un foulard rouge, et nous avons accompagné
nos camarades jusqu'au bout, jusqu'à la victoire (8
mai
1945).
Alors seulement nous sommes rentrées chez nous,
dans nos familles qui nous attendaient. Il n'a pas
été simple de retrouver "la vie de tous les jours aux
travaux ennuyeux et faciles"... À l'automne, j'ai
repris le chemin de la Faculté de Lettres de Lyon,
avec une bourse de victime de la guerre. Je suis
devenue professeur de philosophie en octobre
1948.
Maryse Jolyon
Simone Lagrange
Cérémonie du souvenir hier en fin de matinée,
parc Paul-Mistral à Grenoble. Commémoration du
67e anniversaire de la Libération des camps de
concentration. Hommages, prières et recueillement.
De nombreux élus de gauche et de droite sont là. Le
préfet aussi. Et la chanson de Jean Ferrat “Nuit et
Brouillard” qui résonne… Puis une voix s’élève,
celle de Simone Lagrange, présidente de l’Amicale
des déportés d’Auschwitz-Birkenau et des camps
de Haute-Silésie
« Lyon, ville de Résistance, a dans son assemblée régionale un conseiller fasciste »Elle, qui a
vécu l’horreur a 13 ans et qui en a réchappé, a choisi cette année de teinter son discours de
l’actualité la plus brûlante. Après avoir rendu hommage aux victimes des camps nazis, elle lance :
« Aujourd’hui en Ukraine, en Russie, des groupuscules fascistes se retrouvent, souvent sous le
regard indifférent des gens. En Slovaquie, en Hongrie, on fait renaître les fers de lance existant
durant la dernière guerre mondiale. En Roumanie, des sortes de ghettos sont construits pour y
enfermer des Roms. En Autriche, à Brennau ville natale d’Hitler, un musée rappelle maintenant sa
naissance. Les voyous de l’extrême-droite ne se cachent plus. En Allemagne, des nazillons sont là.
J’ai vu qu’ils avaient même des camps d’entraînement. Ils ont aussi des insignes et des drapeaux
qui rappellent le passé.
Et en France, chez nous, à Lyon, un des leurs défile, avec ses amis sur les quais du
Rhône. Lyon, ville de Résistance, a dans son assemblée régionale un conseiller fasciste, exclu du
FN, si c’est vous dire ! En Angleterre, des groupes importants d’extrême-droite tiennent des
réunions publiques. Pendant qu’en Savoie dans une auberge en deux fois déjà, des Anglais boivent
à la mémoire du Führer. L’aubergiste ne se rend compte de rien, sinon de l’argent qui tombe dans
sa caisse. Le cercle se referme ! Il est plus que temps de se réveiller ! N’attendons pas que le
danger nous retombe dessus, la dernière fois, on nous a dit : Nous ne savions pas. Aujourd’hui, on
ne peut plus dire cela ! »
Interview de S Lagrange par Ève MOULINIER le 30/01/2012
Voir le site : http://www.ajcf.fr/spip.php?article450
5
Toute une famille : les ARCELIN
Ainsi disait Fabien Arcelin : « Ma meute»,
une meute particulièrement bruyante et
turbulente, éclatante de santé et de fantaisie : c’est
ainsi qu’il appelait la bande joyeuse de ses sept
enfants, cinq filles: Elisabeth. Suzanne. Madeleine
Augustine. Monique et Paulette et deux garçons:
Adrien et. Joseph.
Mobilisé en 1914, comme médecin
militaire dans une unité combattante, sa conduite
toute de courage et dévouement lui avait voulu
d’élogieuses citations et la croix de chevalier de la
Légion d’honneur. On devine qu’en 1940, il ne
put accepter la défaite et 1e gouvernement mis en
place par l’occupant. Sa santé trop fragile, il
devait mourir en 1942 après une longue maladie
qui ne lui permit pas de s’engager de façon
vraiment active dans le combat clandestin, mais
derrière Madame Arcelin, son épouse, toute la «
meute» était, elle, disposée à se battre et à mordre
de tous ses jeunes crocs.
Fin 1941, tout entière elle entra en combat.
L’appartement de la rue du Plat devint un lieu de
réunion clandestin et un refuge pour de nombreux
chefs de la, Résistance, des réseaux «Action» «
Alliance» et bien d’autres, On y reçut le Colonel
Fourcaud, P. Rivière. Jean-Pierre Fassin le
compagnon de Jean Moulin qui en même temps
que lui, dans la nuit du. 1 au 2 janvier fut
parachuté eu Provence et devait trouver une mort
héroïque avant la Libération : Henry Frenay.
Fondateur de « Combat » : Berthie Albrecht, qui
devait périr sous la hache d’un bourreau allemand.
On y abrita des parachutistes britanniques venus
en mission. Quelques placards discrets, ainsi que
leur résidence d’été une maison. Bourgeoise de la.
Roche Vineuse, furent transformés en dépôt
d’armes et de matériel radio
Tandis que les jeunes filles effectuaient
avec audace des liaisons particulièrement
dangereuses, le plus jeune des garçons, Joseph «
Jojo » pour ses soeurs et ses camarades, rejoignait
le groupe franc d’un maquis quelque part dans le
Vercors.
Ce qui devait arriver arriva... Assez tard,
fort heureusement, c’est-à-dire alors que le plus
efficace de la mission multiple avait été
accompli...
En novembre 1943, Monique- tombait,
au- cours d’une mission à Paris, dans une
souricière tendue par la Gestapo square Louis
XIV. Ce fut alors à l’issue d’un interrogatoire
décevant pour les cruels inquisiteurs, la prison
de Fresnes puis le camp de passage de
Romainville et enfin l’enfer de Ravensbrück.
Quelques jours plus tard, c’était au tour
de sa mère. Mme Arcelin, d’être arrêtée à son
domicile de Lyon. Par une heureuse erreur, elle
devait être libérée de la prison de Montluc après
quelques jours d’internement. Le calvaire de la
famille Arcelin ne faisait que commencer...
Quelques semaines s’étaient à peine
écoulées, que la Gestapo venait cueillir Suzanne
et Paulette alors âgée de 19 ans. Interrogées
séparément brutalisées, elles étaient jetées dans
des cellules séparées de Montluc et toujours
séparément dirigées, via Romainville à
Ravensbrück d’où, sans s’être revues, et
chacune ignorant le sort de l’autre, elles furent
dirigées dans des commandos différents.
Restaient encore et se refusant a cesser
leur patriotiques actes : Madeleine Augustine.
Le 1° mai 1944 elle al1ait à leur tour être
appréhendées en gare de Perrache. Elisabeth
était rendue à la liberté après quelques jours.
Madeleine Augustine après d’épouvantables
interrogatoires, quittait la sinistre prison
Montluc pour Romainville et Ravensbrück
Ainsi, les quatre soeurs devaient se
retrouver miraculeusement vivantes qu’après la
cruelle épreuve‘ concentrationnaire, en Juin
1945, lors de la libération des camps. L’une
d’elle avant toutefois été sauvée quelques
semaines auparavant par la mission suédoise du
prince Bernadotte.
Extraits de l’article de M G Rivière
Le Progrès nov. 1969
Article de M G Rivière paru dans le
progrès en novembre 1969
6
Jomaron (Danièle de)
Sœur de Romuald, dans le réseau Périclès Groupe Garros Alias
« Danièle ».Etudiante à la faculté des Lettres de Lyon, Danièle de Jomaron
entre au service Périclès. Elle organise et dirige un service d’évasion.
« Il y avait Danièle (étudiante en philosophie à Lyon, de mon âge).
Haute comme trois pommes et courageuse comme un lion, elle est allée libérer
avec deux camarades, revolver au poing, deux jeunes résistants emprisonnés à
Périgueux, qui allaient être livrés à la Gestapo, et les a ramenés à Lyon par le
train. L'appartement de sa mère, Rue Saint-Étienne, servait de "point de chute"
à nos agents, de véritable repaire à la Résistance. Danièle a été arrêtée le 6
juin 1944, et déportée. Elle est morte en 1975, brisée par la déportation et par
la vie. »
Texte de Maryse Jolyon
Arrêtée le 6/6/44 à Lyon elle est torturée puis incarcérée à Montluc. Déportée le 14/7/1944 à
Ravensbrück, Danièle travaille dans les mines de sel à Bendorf. Elle revient, et à son retour, reprends ses
études et réussit une agrégation en philosophie et enseigne
Hélène ROEDERER
5 juin 1921 – 10 mai 1945
Hélène naquit le 5 juin 1921 à Dilling en Alsace.
Elève brillante à l’intelligence ouverte étudiera avec
passion ce qu’on lui proposait. Sa tante Marie Friedel en fit
une latiniste et une helléniste fort compétente. C’était une
jeune fille gaie, aimant la vie, sportive et excellente
musicienne. Après un baccalauréat brillamment passé elle
se lancera dans des études d’histoire à la faculté des lettres
de Lyon. A cette époque le père d’Hélène dirigeait les
Aciéries de la Marine à St-Chamond dans la Loire.
Hélène Roederer était de celles-là qui, le
jour même de l’armistice tentait de joindre
l’ambassade anglaise afin de gagner
l’Angleterre. Ce projet n’ayant pas abouti. Elle
devient une de ces pionnières grâce à qui Lyon
et cette faculté des lettres, vont prêter l’oreille à
des voix autres que les slogans officiels. Grâce
à ces pionniers étudiants comme Hélène ou
professeurs comme Anne-Marie Soucelier se
sont implantés des réseaux.
Ainsi il s’y était implanté en 1943,
cantonné dans les faux papiers, les
renseignements, le service social, un réseau des
plus modeste : le réseau Navarre où se
retrouvaient toutes les nuances politiques et
religieuses. Des étudiants, seulement des
étudiants, se réunissaient pour rédiger des tracts,
réfléchir sur l’organisation future de
l’Université.
Hélène a contribué à la diffusion de
deux publications de la presse clandestine :
« Défense de la France » et « Témoignage
Chrétien ». Elle a participé à différentes
manifestations du comité « interfac » pour
coordonner l’action de résistance des quatre
facultés des lettres, droit, sciences et médecine.
Certaine réunion se sont tenues sur les basports du Rhône.
En septembre 1943 elle suit ses parents
à Châtenay-Malabry en région parisienne. Elle
continu son activité de résistante. Elle aide à
l’impression du journal « Défense de la
France », fabrication de fausses cartes
d’identités. Elle assure différentes liaisons,
missions, transports de « zincs » » de Paris à
Lyon pour « Défense de la France » et
« Témoignage Chrétien ». La maison des
parents d’Hélène à Châtenay-Malabry
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accueillait les dirigeants de « Défense de
la France » qui se réunissaient de 20h à 6h.
Hélène était responsable du dispositif de
rattrapage. Elle apprenait par cœur au cours des
réunions les rendez-vous de chacun entre deux
réunions. Il suffisait de la rencontrer pour
retrouver le contact avec celui qui avait été
manqué en allant à un de ses prochains rendezvous indiqué par Hélène. Un jour dans le métro,
Hélène vit une crosse dépassant de l’étui d’un
officier, elle prit l’arme sans qu’il s’en aperçut.
Peu avant le débarquement, fin mai
1944 elle rejoignit le maquis de Seine-et-Oise
nord elle sera agent de liaison et à participé aux
combats de ce secteur. Le 19 juin, à
Ronquerolles, dans l’Oise, le groupe dont elle
faisait partie fut surpris dans les bois par une
assez forte unité allemande, il fallut leur
échapper après avoir enterré armes et
documents. Le 25 juin 1944, Hélène va déterrer
les armes et sa machine à écrire. En se rendant à
sa nouvelle mission elle est arrêtée par un
barrage sur la route de Nesles et, trouvée
porteuse d’armes, est incarcérée à l’Isle-Adam.
Après un mois au secret, à Fresnes, elle
passe une semaine à Romainville, et est
emmenée à Ravensbrück. Après quelques
semaines à Ravensbrück elle est envoyée au
Kommando de Torgau en compagnie de 400
déportées françaises pour la plus part
résistantes. Elles devaient travailler dans une
poudrerie pour fabriquer des obus. Les
déportées ont dit « nous ne voulons pas
travailler dans une poudrerie ». Les SS et les
gardiens du camp ont été suffoqués de voir que
ces femmes françaises ne voulaient pas
travailler. Hélène était de celles qui affirmaient :
« Il ne faut pas travailler pour l’ennemi ». Les
déportées reconnaissaient que ce
camp n’était pas très dur et où le
sabotage était possible. Elles sont restées une
quinzaine de jours à Torgau
Les gardiens ne savaient que faire de
ces femmes si peu dociles et attendaient les
ordres de Ravensbrück. Un jour les femmes
sont séparées en deux groupes de 250. Le
groupe d’Hélène fut de nouveau dirigé sur
Ravensbrück. Les Françaises sont remplacées
par 150 juives polonaises.
Hélène est restée quelques jours puis a
été envoyée au petit Koenigsberg camp de
terrassement d’un terrain d’aviation. Le travail
était très pénible. Hélène est restée que
quelques semaines à Koenigsberg. Un jour
elle a été appelée par erreur, c’était soi-disant
des malades qui devaient aller se « reposer » à
Ravensbrück. A son départ, elle souffrait
d’une cheville. Assez rapidement Hélène a été
malade à Ravensbrück elle avait la scarlatine
Elle fut mal soignée au revier. Elle ne quitte
pas l’infirmerie de tout l’hiver 1944-45.
Marie-Claude Vaillant-Couturier l’a très
affectueusement entouré. On dit parfois qu’il
n’y a pas de chambre à gaz à Ravensbrück…Il
y en avait une. Marie-Claude a sauvé Hélène
de la chambre à gaz et l’a soutenue jusqu’à sa
mort le 10 mai 1945. Trop épuisée, elle ne
peut être évacuée en Suède, fin avril, avec ses
compagnes.
Hélène a été faite Chevalier de la
légion d’honneur, Officier de la Résistance et
Croix de guerre. (Extraits des interventions
lors de la cérémonie du souvenir le vendredi
10 mai 1985 pour donner à une salle de travail
de l’Université Jean Moulin le nom d’Hélène
Roederer).
Élise Rivet
Mère Marie Élisabeth de l’Eucharistie, de son
vrai nom Élise Rivet, est née à Draria, à environ 15
kilomètres d'Alger, en Algérie, le 19 janvier 1890. Son
père est officier de la marine française et sa mère
d'origine alsacienne. Après le décès de son père, en
1910, la mère et la fille s'installent à Lyon. A 22 ans, en
1912, elle entre au noviciat du refuge de Notre Dame de
Compassion, 8 rue de l'Antiquaille à Lyon, composé de
sœurs infirmières. Le 13 mai 1913, elle prononce ses
vœux et devient Sœur Élisabeth de l’Eucharistie, puis,
en 1933, Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie est élue
supérieure général.
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Mère Marie Élisabeth de l’Eucharistie, de
son vrai nom Élise Rivet, est née à Draria, à environ
15 kilomètres d'Alger, en Algérie, le 19 janvier
1890. Son père est officier de la marine française et
sa mère d'origine alsacienne. Après le décès de son
père, en 1910, la mère et la fille s'installent à
Lyon.A 22 ans, en 1912, elle entre au noviciat du
refuge de Notre Dame de Compassion, 8 rue de
l'Antiquaille à Lyon, composé de sœurs infirmières.
Le 13 mai 1913, elle prononce ses vœux et devient
Sœur Élisabeth de l’Eucharistie, puis, en 1933,
Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie est élue
supérieure général.
.En 1937, c'est sur le terrain du monastère
que sont mis au jour les deux théâtres gallo-romains
de Fourvière. Le couvent déménage et les sœurs
partent s'installer dans le Château du Diable, chemin
d'Alai. Mère Élisabeth conserve tout de même un
local à Fourvière et ouvre deux nouvelles sections
dont pour accueillir les mineures abandonnées ou
délinquante et un foyer pour jeunes filles avec un
atelier de couture et de broderie.
A la suite de la défaite française de juin
1940, Mère Élisabeth s'engage dans la résistance et
devient, dès septembre 1940, agent de
renseignements, cache des archives ainsi que des
armes et du matériel de l'Armée Secrète et le réseau
Ajax à l’intérieur du couvent. A compter de l’année
1941, elle participe activement en liaison avec
notamment le Cardinal Gerlier au sauvetage de
nombreux enfants juifs. Elle admet des jeunes
femmes juives, ainsi que des bébés et des enfants
dans ces établissements, trouvant des cachettes pour
d'autres puis leur fournit des faux papiers. Le 25
mars 1944 Élise Rivet est arrêtée sur dénonciation,
de même que son assistante, Mère Marie Jésus.
Elle est conduite au siège de la
Gestapo, rue Berthelot, où elle est interrogée.
Elle reste emprisonnée trois mois au Fort
Montluc et le 1er juillet 1944, elle est
transférée au camp de Romainville puis
déportée le 14 vers Sarrebrück avant d'être
transférée le 28 juillet au camp de
Ravensbrück. Elle résiste jusqu’au bout en se
sacrifiant pour sauver une mère de famille en
allant à la chambre à gaz à sa place. Elle
meurt le 30 mars 1945 à l’âge de 46 ans.
A titre posthume, Mère Élisabeth
reçoit, le 10 novembre 1945, la Croix de
Guerre avec étoile, avec la citation suivante :
« Élise Rivet, agent de renseignements en
territoire occupé, outre des services rendus
aux Services spéciaux, avait eu de fréquentes
relations avec l’armée secrète, cachant des
armes et donnant asile aux gens poursuivis
comme étant en infraction avec les lois
raciales ou avec le service obligatoire du
travail ». En avril 1961, une cérémonie du
souvenir a eut lieu à Draria, ville natale
d'Élise Rivet, et son nom a été donné au
village de Rivet dans le département d'Alger.
Le 2 décembre 1979, une rue nouvellement
tracée dans le quartier du Point-du-Jour, à
Lyon, est inaugurée en son nom. En 1991, le
cardinal Decourtray introduit son procès en
béatification. Le 14 juillet 1996 Yad Vashem
lui décerne la médaille des Justes à titre
posthume. Et en 1999 son nom est donné à
une salle de l’Institut lyonnais des sciences de
l’Homme.
Simone Grandjean
A la déclaration de guerre en septembre 1939 Simone Grandjean a 14 ans. Elle habite Cluny et
vient d’être embauchée à l’atelier de tricotage de la ville.
Son père est ouvrier à l’usine à gaz de la ville, sa mère fait des ménages. En plus de leur travail
ses parents s’occupent de la ferme d’une famille habitant Lyon. Au moment de la débâcle en mai 1940
la famille voit défiler devant chez eux la cohorte de réfugiés. Ils les ont aidés comme ils pouvaient,
leur donnant gratuitement des produits de la ferme avec l’accord du propriétaire et ils hébergeaient les
mères de familles pour qu’elles puissent laver et changer leurs bébés.
La famille n’était pas politisée, ils n’appartenaient à aucun parti, syndicat ou associations. Ils
estimaient de leur devoir d’aider des gens dans la difficulté.
Après avoir habité une maison à l’extrémité de la ville la famille s’est installée dans une
maison dont l’arrière avait un jardin qui donnait directement sur des prés et des chemins vicinaux mais
était aussi située en face de la kommandantur !
Quand le STO a été instauré certains jeunes de la ville qui avaient l’habitude de venir à la
maison ont rejoint le maquis. Ils savaient que la maison leur réserverait un bon accueil et c’est ainsi
que celle-ci est devenue un relais et un lieu d’hébergement pour le maquis.
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Les maquisards venaient à la maison au retour de mission, ils se restauraient. Ils déposaient des
armes et du matériel que d’autres venaient chercher. Simone a distribué des tracts dans les boîtes aux
lettres de personnes connues pour leurs sentiments pro vichystes.
Voilà comment la famille est rentrée dans la résistance, elle a estimé que c’était son devoir
d’aider ceux qui luttaient contre l’envahisseur. Après la guerre le père de Simone a été enregistré dans
le réseau Buckmaster.
Suite à une dénonciation la famille est arrêtée le 15 février 1944.
Les Allemands ont arrêté beaucoup de monde à Cluny ce jour là, même des gens qui
attendaient le train à la gare. Simone est la seule des personnes arrêtées à être interrogée. Les
Allemands avaient trouvé des photos d’hommes à la maison et voulaient savoir qui ils étaient. Simone
est interrogée 20 minutes environ avec le canon d’un révolver posé sous le nez. Malgré des
explications assez farfelues elle n’est pas plus inquiétée.
Vers 19h30-20h les prisonniers sont emmenés en camion pour Lyon où ils sont conduit avenue
Berthelot au siège de la Gestapo dirigée par Barbie. Les hommes sont séparés des femmes. Ils étaient
environ 90 prisonniers.
Les hommes ont été emmenés les premiers à la prison Montluc puis dans l’après-midi les
femmes les ont rejoint. A leur arrivée à Montluc la soupe avait été déjà distribuée, ce qui fait que
depuis leur arrestation à Cluny les détenus n’avaient rien mangé.
Ils sont restés 8 à 10 jours à Montluc. Les hommes sont partis pour Compiègne et les femmes
ne sont parties que le lendemain pour Romainville. Simone a été déportée à Ravensbrück et
Mauthausen.
C rendu de R Beaulaygue qui a recueilli ce témoignage
Catherine Roux 35 282 Ravensbrück
“ Mon Dieu,
je n’ai plus de vêtements sur moi,
Je n’ai plus de chaussures,
Je n’ai plus de sac, de portefeuille, de stylo,
Je n’ai plus de nom.
On m’a étiquetée 35 282
Je n’ai plus de cheveux,
Je n’ai plus de mouchoir.
Je n’ai plus les photos de Maman et de mes neveux.
Je n’ai plus l’anthologie où, chaque jour,
dans ma cellule de Fresnes, j’apprenais une poésie.
Je n’ai plus rien.
Mon crâne, mon corps, mes mains sont nues. ”
35282 Fünfunddreißig Zweihundertzweiundachtzig
Catherine Roux
Catherine fut déportée à
Ravensbrück puis au commando d’
Holleischen village des Sudètes et
assignée dans une usine Skoda qui
fabriquait des munitions
A son retour elle écrit : « le
triangle rouge », son livre de
témoignages et de poésie (éditions
France empire 1968)
Extrait du livre le triangle rouge : Vilaine affaire au kommando 131.
Une presse a sauté. Dans la salle de chargement des chariots d’obus, vers quatre
heures du matin, une prisonnière somnolente a oublié de mettre une charge de poudre au fonds
d’une douille. Suivez la fatale filière…Dans la salle voisine, la camarade qui aurait dû
s’apercevoir de cet oubli, toute dormante elle aussi, n’a rien vu. Une troisième a installé ce
chariot sur les rails et l’a lancé de toutes ses forces en direction de la presse. Celle-ci, pressant à
vide, a sauté. Cinq heures d’interruption de travail pour la réparer.
L’ingénieur général des usines, rarement dans le pays, se trouvait là, par malchance.
Le meister a donc été obligé de rédiger un rapport. Sans la malencontreuse présence du docteur
Bach, peut-être l’aurait-il évité.
Résultat : accusation de sabotage pour six prisonnières. Nous sommes au mois
d’août. Les plus pessimistes d’entre nous arriveraient-elles à imaginer que cette accusation, une
première fois sanctionnée par une cruelle bastonnade publique, conduirait trois Françaises au
gibet de Flossenburg en avril prochain ?
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Témoignage de Suzanne PIC épouse ORTS, née le 12 avril 1927 à
Sète
1943 : Agent de liaison au Maquis de Beaubery, Saône- et- Loire.
1944 : Boîte aux lettres pour le maquis de Beaubery.
1945 : Réseau Marco Polo appartenant aux FFC n° 99/315.
Arrêtée le 21 Mai 1944 à Perpignan par la Gestapo. Citadelle de
Perpignan. Prison de Romainville
Déportée le 12 Juin 1944. Camps : Neuebrem près de Sarrebrück (12
Juin 1944 – 21 Juin 1944). Ravensbrück : matricule 43155 (23 Juin 1944
– 20 Juillet 1944). Leipzig : matricule 4046 (20 Juillet 1944 - 13 Avril
1945, évacuation). Hasag-Leipzig, le plus grand Kommando extérieur de
femmes de Buchenwald libérée le 18 mai 1945.
Sources : Audiothèque de la FMD
Entrer en Résistance
« Á Mâcon, juste après l’armistice, un groupe
gaulliste se forme où on entre mon frère et moi. Il
est chargé de diffuser le message du général de
Gaulle, d’appeler les Mâconnais à la résistance et
de récolter des armes. Mon frère se sert de notre
villa pour cacher les armes, et moi je recopie
l’appel du général et je le distribue dans les boîtes
aux lettres. Le groupe fonctionne ainsi pendant
quelque temps [...]. Mon frère rencontre un groupe
d’hommes démobilisés et puis avec les lois du
STO il décide de rejoindre le maquis formé par M.
Séquestra. Comme je connaissais plein de monde
ils m’ont demandé de devenir agent de liaison
pour le maquis. Ma tâche était simple : je
retrouvais un contact à la sortie de la messe et je
lui donnais ou il me donnait les documents. Mais
les Allemands ont attaqué le maquis et ont fini par
l’anéantir. Mon frère réussit à s’en tirer mais devint
clandestin. [...] Un de ses amis était agent de
renseignement pour le réseau Marco-Polo, j’ai
décidé d’y travailler aussi. On relevait toutes les
fortifications allemandes de la zone ». /…/
C’est très difficile à 17 ans de rentrer dans la peau
d’une bagnarde condamnée aux travaux forcés...
Pour combien de temps ? Quelque temps après
notre arrivée, à l’appel du soir, le commandant
hurle devant toutes les femmes rassemblées. Les
Françaises sont la cause de cette colère : depuis
notre arrivée la production a baissé de 40 %
traduit l’interprète. Quel beau compliment pour
nous qui essayons, malgré le risque, de freiner le
travail : combien de machines détraquées, de
culots mal faits ? Pourtant les meisters veillent et
les aufscherins tournent dans l’usine prêtes à
entrer en action Nous sommes de mauvaises
ouvrières, ma mère qui travaille au contrôle
encadrée par des civiles allemandes, leur explique
avec les quelques mots d’allemand qu’elle a appris,
qu’une est médecin,
, l’autre professeur, que chez nous les femmes ne
travaillent pas si durement. Il était formellement
interdit de parler aux civils. Le soir, à l’appel, son
numéro a été appelé : punition, 4 heures d’appel.
Cette punition faite après nos deux heures
habituelles, sous le mirador, les pieds dans la neige,
nous étions en janvier.
L’ouvrière s’était plainte à l’aufscherin. Un meister
suggère que le travail est trop dur pour des
femmes, réponse : elles peuvent toutes crever, il y
a du personnel de rechange. En effet, les déportés
étaient une “marchandise” que les industriels
allemands louaient à la SS, ils ont fait avec ce
matériel humain, facilement renouvelable, des
bénéfices énormes. Dans ce camp très ordinaire,
nous avons eu l’occasion de dire NON, la seule
fois où nous avons pu refuser quelque chose. Un
jour, l’interprète nous annonce que nous allons
recevoir, de la part de l’usine, des bons de cantine.
Ces bons nous permettront d’avoir des petites
choses dont nous avions grand besoin: aiguilles à
coudre, fil, brosses à dents, savon. Nous en avions
entendu parler et nous avions décidé de refuser ce
salaire déguisé.
Aussi grand scandale à l’usine lorsque
l’interprète avec l’aufscherin passent pour nous
remettre ces bons. Les Russes, les Polonaises,
enfin toutes les autres les prennent, toutes les
Françaises les refusent. Pour nous, il était
inconcevable de recevoir des marks, mêmes
factices, pour ce travail forcé. Nous avons
d’ailleurs retiré un grand bénéfice de ce refus, un
sentiment de fierté, ce qui a été très bon pour
notre moral; cela nous a encouragées aussi pour
faire le 11 novembre 1944 à 11 h précises, cinq
minutes d’arrêt de travail. Pour ces deux actions,
quelques coups de schlague sont tombés sur nos
dos, mais qu’importe, nous avons montré que
nous existions.
11
Brèves de Lyon
Une nouvelle fois Lyon est le siège de violences fascistes.
Le 14 février dernier, deux lycéens anti fascistes de 16 et 17 ans ont été agressés à coup de
couteaux dans le quartier de St Jean. Cinq individus de la mouvance identitaire dont l’auteur des
coups, arrêtés après l’agression ont été placés sous contrôle judiciaire et une information judiciaire a
été ouverte. Les groupuscules fascistes ont un local à St Jean et considèrent ce quartier comme leur
chasse gardée puisqu’il a déjà été le lieu de plusieurs actes de violence de leur part.
Il faut que cela cesse. Le préfet et les collectivités locales doivent prendre leurs responsabilités
et des mesures pour empêcher de nouveaux actes de violence.
R Beaulaygue
J’ai lu :
Le prix Goncourt « Au revoir là haut » de Pierre Lemaitre
Sur les ruines du plus grand carnage du XX°siècle deux rescapés des tranchées, passablement
abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des
sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne
plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au
revoir là-haut est le grand romande l’après guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’état qui
glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins
et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue
avec talent et une maîtrise impressionnants.
J’ai consulté le site internet du Lycée Lalande de Bourg en Bresse : riche et passionnant.
http://www.lalande2.com/index.php
• Le Lycée Lalande, de Bourg en Bresse, est le seul lycée civil de France titulaire de la Médaille
de la Résistance. Nous avons souhaité faire connaître les conditions, très diverses, de nos
engagements, et de nos combats, dans l'espoir de contribuer à la construction d'un monde plus
aisé et plus équitable. Faits vécus et témoignages directs de lycéens Résistants
• Articles et ouvrages de Résistants du lycée Lalande
Rappel
ASSEMBLEE GENERALE
SAMEDI 29 Mars 2014
A 9 h30
Au centre Marcel Brunot 110 rue du 4 août à Villeurbanne
L’assemblée se terminera par un repas (16€) au centre Marcel Brunot
Merci de vous inscrire avant le 20 mars auprès de Roland Beaulaygue
Au 06 80 25 36 26 ou [email protected]
L’A.F.M.D a pour vocation de combattre les crimes contre l’humanité, les négationnistes et les
falsificateurs de l’histoire, le racisme et l’antisémitism et de lutter contre toute résurgence du nazisme et
de toute idéologie prônant l’intolérance et la discrimination raciale ou religieuse.
Association culturelle (loi du 1er juillet 1901)
J.O.A. n° 1336 du 7/12/96
A.F.M.D. Délégation Territoriale du Rhône : M.J.C. Vieux Lyon 5 place Saint Jean 69005 LYON
A.F.M.D. Président Roland BEAULAYGUE
Publication MEMOIRE DE LA DEPORTATION A.F.M.D. du Rhone
Directeur de la publication : Patrick Guimet
Comité de rédaction : André Mien, Roland beaulaygue.,
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