6 – On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler. Le repas est placé
sous le signe de l’abondance (qui n’exclut pas les restrictions et les limites) et, surtout, de la liberté : on fait des plats
« élastiques », qui « abondent », comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre, et qui, servies à la louche
ou à la cuiller, évitent d’avoir à trop mesurer et compter […]. Cette impression d’abondance est de règle dans les occasions
extraordinaires et vaut, dans les limites du possible, pour les hommes, dont on remplit l’assiette deux fois (privilège qui marque
l’accès du garçon au statut d’homme). […] Il relève du statut d’homme de manger et de bien manger (et aussi de bien boire).
Au franc-manger populaire, la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes. […] On n’a jamais l’air de se
précipiter sur les plats, on attend que le dernier à se servir ait commencé à manger, on se sert et se ressert discrètement. On
mange dans l’ordre, et toute coexistence de mets que l’ordre sépare, rôti et poisson, fromage et dessert, est exclue : par
exemple, avant de servir le dessert, on enlève tout ce qui reste sur la table, jusqu’à la salière, et on balaie les miettes. […] A
travers toutes les formes et tous les formalismes qui se trouvent imposés à l’appétit immédiat, ce qui est exigé – et inculqué -, […]
c’est aussi une manière de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires, essentiellement communes, en
faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation de tenue et de raffinement esthétique.
(Source : Pierre Bourdieu, La distinction, 1979)
7 – Les usages (de la photographie) restent socialement codifiés et, par là, distincts et distinctifs. Les ouvriers se l'approprient
avec enthousiasme comme le moyen d'immortaliser les évènements familiaux ; les paysans s'en sont longuement méfiés avant
de l'adopter pour le même usage. Mais quand on s'élève dans l'échelle du capital culturel, l'usage légitime de l'appareil se
déplace de l'objet photographié vers l'objet crée par le photographe, le critère de jugement passe du fonctionnel (est-ce qu'on voit
tout le monde sur la photo) à l'esthétique. Chez les classes moyennes, aux scènes familiales se substituent les souvenirs de
voyages ; la photo devient un élément du paraître qui se révèle dans la corvée des « soirées diapo » dont l'objectif de compétition
sociale est à peine déguisé. Quant aux classes supérieures, le désir de distinction les oblige à mépriser cette pratique dès lors
qu'elle est devenue commune.
(Source : J. P. Delas, B. Milly, Histoire des pensées sociologiques, Armand Colin, 2005)
Q1 – A partir des tableaux, des textes et du vocabulaire, remplissez le texte à trous : qualité, primaires, renouvellent, individuel,
milieu social, loisirs, nécessaire, modes de vie, esthétique, appartenances, imiter, diplôme, revenus, culture, catégorie sociale,
normes, structure, identiques.
Au départ, la consommation apparaît comme un choix……………………. Nous avons l’air d’acheter les produits
que nous consommons en fonction de nos goûts individuels. En réalité, notre consommation est conditionnée par
nos……………………………………. sociales.
Tout d’abord, on peut remarquer que le volume et la……………………. de la consommation diffèrent selon la
catégorie sociale d’appartenance. Les ménages appartenant aux milieux populaires consacrent une part plus
importante de leur budget aux besoins……………… (Les ouvriers consacrent……..% de leur budget à l’alimentation
et au logement contre………..% pour les cadres supérieurs) alors que les ménages appartenant aux milieux aisés
consacrent une part plus importante aux…………….. (………% du budget pour les cadres supérieurs contre…….%
pour les ouvriers). Ainsi, 90% des cadres partent en vacances en 2007 contre …….% pour les employés et ………%
pour les ouvriers.
On pourrait penser que ces différences tiennent aux inégalités de………………. En effet, avec la hausse de leur
pouvoir d’achat les ouvriers ont peu à peu comblé leur retard vis-à-vis des cadres en matière de biens d’équipement
(En 1955, le taux d’équipement des cadres en automobile était………fois plus important que celui des ouvriers ; de
nos jours ces taux sont ……………………..). Cependant, ces données sont trompeuses. D’une part, elles ne nous
disent pas quelle est la…………….. des produits achetés (Posséder une BMW ou une Twingo n’a pas le même sens
en matière de statut social). D’autre part, de nouveaux biens apparaissent qui permettent de creuser socialement les
écarts entre les catégories sociales. Ainsi, plus de…………% des cadres possèdent un ordinateur et on un accès à
Internet alors que ce n’est le cas que pour………% en moyenne pour les ouvriers. Les différenciations sociales par
la consommation se………………………….. donc en permanence.
Ensuite, on peut remarquer qu’à revenu égal, les catégories sociales ne consomment pas de la même façon.
Ainsi, ……% des employés partent en vacances contre……….% des ouvriers alors que les revenus des premiers
sont légèrement inférieurs à ceux des seconds. De même, ………...% des employés ont lu au moins un livre au
cours de l’année contre……….% pour les ouvriers. On pourrait faire le même constat en comparant les cadres et les
commerçants, artisans et chefs d’entreprise qui ont des niveaux de revenus identiques mais des………………………
très différents. Les revenus ne suffisent donc pas à expliquer les choix de consommation des individus.
Le………………….. peut être une variable explicative complémentaire au revenu. En effet, si on examine les
pratiques culturelles (lire un livre, aller au cinéma, au théâtre, au musée), on s’aperçoit que les catégories les plus
diplômées ont des pratiques plus intenses que les catégories les moins diplômées. Ainsi, 70% des cadres
supérieurs sont allés au moins une fois au musée dans l’année contre………% pour les employés et ………….%
pour les ouvriers. La hiérarchie des diplômes est respectée. Le fait d’avoir fait des études longues prédispose aux
activités culturelles ou à une meilleure compréhension de l’usage d’un ordinateur et d’Internet.
Enfin, le………………... auquel on appartient pèse lourdement dans nos choix de consommation. L’alimentation,
par exemple, dépend de la………………. du pays dans lequel on vit (civilisation du blé ou civilisation du riz), de la
région à laquelle on se rattache (régime nordique ou régime méditerranéen) et de la…………………………………
(Les cadres mangent l’endive en salade, les milieux populaires la font bouillir). Le sociologue Pierre Bourdieu a
montré, à partir de l’étude d’un certain nombre de pratiques sociales (le comportement à table, l’usage de la
photo…) que les classes supérieures privilégiaient le luxe et l’……………………… dans leurs pratiques (un repas est
une cérémonie, la photo est vulgaire par rapport à la peinture…) alors que les classes moyennes essayaient
d’……………….. les classes supérieures sans y arriver (la photo esthétique plutôt que la peinture, le jazz plutôt que
la musique classique…) et que les classes populaires privilégiaient la fonctionnalité et le choix du ……………… (Le
repas a pour fonction de nourrir et de rassembler les personnes, la photo a pour fonction d’immortaliser la famille…).
La consommation est donc conditionnée par les valeurs et les…………….. sociales propres à un groupe social.