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16/09/2016
achatpublic.info ­ SEMOP : les collectivités ne sont pas systématiquement maîtres du jeu
SEMOP : les collectivités ne sont pas systématiquement maîtres du jeu
Apparue dans le paysage contractuel il y a deux ans, la société d’économie mixte à opération unique
(SEMOP) consacre une forme de coopération publique­privée d’un nouveau genre. Son statut de société
anonyme la rend, en effet, tout à fait différente, sur le plan de l’actionnariat et de la gouvernance qui en
découle. Les collectivités ne sont plus systématiquement maîtres du jeu. Cela dépend de leur poids dans
le capital et des risques qu’elles prennent dans un projet. C’est ce que nous explique Charles Papon,
maître de conférence en droit public à Paris 2 et avocat of councel chez Earth avocats.
achatpublic.info : Pourriez­vous rappeler les caractéristiques de la SEMOP ?
Charles Papon : « L’idée principale à retenir, c’est qu’il s’agit d’une société commerciale de service avec un projet d’intérêt général unique.
La collectivité fait exécuter un contrat unique. Cette exclusivité a pour conséquence que l’objet du projet ne peut être modifié pendant la durée
du contrat.
Une fois les statuts et le pacte d’actionnaires signés, le contrat est d’une très grande rigidité. En
revanche, la SEMOP offre une très grande souplesse dans la définition du projet. Sa conception
initiale peut être à géométrie variable et s’adapter à tous les besoins de la collectivité. Cette forme
de société d’économie mixte est faite pour les projets complexes et peut avoir des objets multiples.
L’objet du projet ne
peut être modifié pendant
la durée du contrat
On le voit, par exemple, avec la SEMOP qui a été créée pour le réaménagement du port Bacarès
(Pyrénées­Orientales). C‘est une concession de travaux, montée en vue de concevoir, financer et réaliser des travaux de modernisation,
requalification et réaménagement des infrastructures et équipements portuaires, de leur gestion et de leur application. »
achatpublic.info : Quels sont les spécificités de la position d’une collectivité en qualité d’actionnaire d’une SEMOP ?
Charles Papon : « Pour la première fois, la collectivité peut se retrouver minoritaire dans le pacte d’actionnariat, contrairement au cas d’une
Sem et a fortiori d’une Spl. Sa participation peut osciller entre 34% et 85%. C’est très important car le capital d’une SEMOP influence sa
gouvernance. Le nombre de voix dans l’actionnariat est proportionnel au capital détenu. »
achatpublic.info : Quels sont justement les points délicats auxquels une collectivité doit faire attention en matière d’actionnariat
?
Charles Papon : « Pour commencer, une collectivité doit déterminer le niveau de risque qu’elle veut prendre au sein de la SEMOP et donc
la part de capital qu’elle veut y mettre. Cela dépend largement de la nature de l’activité de la SEMOP. Si le niveau de concurrence du marché
dans lequel la SEMOP va intervenir est élevé, la collectivité aura intérêt à laisser l’opérateur majoritaire. »
achatpublic.info : L’actionnariat est­il un objet essentiel du contrat de la SEMOP ? Quelles sont les contraintes de cet actionnariat
pour une collectivité ?
Charles Papon : « Oui. La gouvernance d’une SEMOP est liée à son capital. Cette question doit donc être bien traitée au moment de sa
création. A ce titre, la collectivité locale doit évaluer le risque financier pris pour réaliser le projet et ne pas laisser à l’opérateur économique la
prise de risque maximum, afin d’éviter de déséquilibrer l’entreprise attributaire qui va travailler avec elle.
La collectivité doit bien saisir également que si elle est trop minoritaire dans le capital, c’est
La gouvernance d'une
SEMOP est liée à son
SEM à laquelle ils sont habitués. Il faut fixer une rémunération qui corresponde au type d’activités et
capital
l’entreprise qui contrôlera la SEMOP, pas les élus. Son fonctionnement n’a rien à voir avec une
de responsabilité de la SEMOP. Quoiqu’il en soit, deux grands principes doivent prévaloir : la
présidence de la SEMOP doit nécessairement être assumée par la collectivité et le nombre de
sièges d’administrateurs doit être proportionnel au capital détenu. Reste la question de la gouvernance…
achatpublic.info : Comment organiser cette gouvernance ?
Charles Papon : « La logique des collectivités locales consiste souvent à se protéger le plus possible du risque. Mais cette posture a deux
conséquences : elle crée un sentiment de défiance au moment de la mise en concurrence, de la part des candidats, et génère des craintes
chez eux. Cela peut, en fin de compte, avoir une influence négative sur la procédure. Si le contrat contient beaucoup d’obligations pour les
opérateurs, voire même des clauses léonines, ils seront peu nombreux à candidater. La collectivité doit trouver un équilibre entre ses
exigences éthiques et les exigences capitalistiques.»
achatpublic.info : Quel intérêt, pour la SEMOP, d’avoir le statut de SA ?
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achatpublic.info ­ SEMOP : les collectivités ne sont pas systématiquement maîtres du jeu
Charles Papon : « Il permet l’exécution efficace du projet. Mais attention : toutes les règles de vote, de quorum, de rémunération des
dirigeants doivent être pensées dans la logique de la SA. Si, à la première réunion de l’assemblée générale, par exemple, le quorum n’est
pas atteint, une deuxième assemblée est convoquée et décide sans quorum. Les élus absents sont re­convoqués en dehors de leur volonté
et ne seront pas attendus s’ils sont absents de nouveau. C’est un changement majeur pour le secteur public local. Par ailleurs, les élus
présents dans une SA touchent des jetons de présence pour leur participation aux réunions, ce qui n’est absolument pas le cas dans les
autres assemblées de type DSP, Sem ou Spl ! Cela peut engendrer des tensions. »
achatpublic.info : Pour finir, quels sont les avantages de la SEMOP, pour la collectivité d’une part, et pour l’opérateur
économique, d’autre part ?
Charles Papon : « Côté collectivité, la SEMOP lui permet d’avoir un contrôle plus fort sur l’exécution du contrat par rapport aux autres
sociétés d’économie mixte. Le partenariat avec l’opérateur économique est plus intégré que dans un mode contractuel classique.
La collectivité a aussi le choix de rester minoritaire dans la SEMOP, qui représente un moyen de
cofinancer ses projets, avec un partage des risques qui peut être conçu avec de la souplesse. Côté
opérateur économique, la SEMOP leur ouvre de nouveaux marchés et prend place dans une
économie mixte locale dominée par les collectivités locales. Elle permet aussi à l’entreprise de faire
Avoir un contrôle plus
fort sur l’exécution du
contrat
travailler l’ensemble de ses filiales de façon intégrée. Enfin, la SEMOP instaure un rapport privilégié
avec la collectivité et réduit les risques. »
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