Microbiologie
Chapitre 5 : La sexualité
des bactéries, transferts
horizontaux de gènes
Partie 2 : La transduction
I. Les vecteurs de la transduction : les
bactériophages
La transduction est un phénomène de transfert horizontal de gènes médié
accidentellement par les bactériophages (appelés aussi phages). Les phages sont des virus
de bactéries. Comme pour les virus des eucaryotes, il existe de très nombreuses familles de
phages. Les phages sont la plupart du temps spécifiques d’une espèce bactérienne, voire
d’une souche particulière au sein d’une espèce. En effet, leur mécanisme d’infection passe
par la reconnaissance spécifique et l’attachement à l’une des protéines de la paroi
bactérienne, et cette interaction doit être forte et spécifique pour permettre l’infection. Si la
structure de la protéine servant à l’interaction n’est pas très conservée entre les espèces,
l’infection ne sera pas possible. Contrairement à la conjugaison, qui peut se faire entre
espèces bactériennes très éloignées au niveau évolutif, la transduction est un mécanisme de
transfert de gènes principalement intra-espèce.
Fig. 1 : Représentation schématique d’un bactériophage. Cette structure est typique des
phages les plus connus, notamment les phages lambda et T4 qui infectent Escherichia coli.
La capside est composée de plusieurs structures notables. La tête icosaédrique contient le
matériel génétique. La queue est constituée d’une part de spicules et d’une plaque
terminale qui reconnaissent un récepteur sur la paroi bactérienne, et d’autre part de la
gaine rétractile qui se contracte après attachement à la cible et y injecte l’ADN viral. Des
structures différentes ont été mises à jour récemment, en particulier des phages filamenteux
(bactériophage M13) ou des phages composés d’une tête icosaédrique seulement
(bactériophage PM2).
Les bactériophages sont présents dans l’environnement, tout comme leurs hôtes
bactériens. Ils sont très résilients puisqu’ils ne sont pas des êtres vivants, et sont donc
inactifs métaboliquement ; les virions sont constitués d’une capside qui entoure et protège
le matériel génétique (Fig. 1). Cette capside est composée de protéines, qui sont beaucoup
plus résistantes aux stress environnementaux qu’une membrane plasmique de cellule.
Lorsqu’il entre en contact avec un hôte potentiel, si l’interaction avec le récepteur situé à la
surface de l’hôte est suffisamment forte, le phage injecte dans le cytoplasme son matériel
génétique. Deux voies sont alors possibles pour le devenir de ce matériel génétique :
- Ce matériel génétique peut être intégré au chromosome de la bactérie hôte et y
rester en dormance, on parle alors de cycle lysogénique. Lorsqu’il n’existe que
sous forme de gènes dans le chromosome bactérien, le virus est appelé
prophage. Le prophage s’insère généralement au même endroit dans le
chromosome, on parle de site d’intégration.
- Ce matériel génétique peut au contraire être transcrit et traduit afin de former les
composants nécessaires à la formation de nouveaux phages, en détournant la
machinerie de transcription/traduction de la cellule-hôte à son avantage. On
appelle ces particules virales virus ou virions. Les gènes du phage sont en général
placés sous l’influence de promoteurs très forts, et codent souvent pour leur
propres polymérases à ADN, très efficaces ; ces facteurs font que l’essentiel des
ressources de la cellule sont dirigées contre son gré vers la production d’ADN et
de protéines virales. Cette production massive finit par provoquer la mort de la
cellule par lyse, ce qui relâche des centaines de phages dans l’environnement. On
parle dans ce cas de cycle lytique.
Les mécanismes qui régulent le choix du phage d’entrer en cycle lysogénique ou en
cycle lytique sont encore assez mal connus. On sait que les conditions environnementales
dans laquelle se trouvent de la bactérie hôte peuvent influencer ce choix, puisque certains
phages peuvent passer d’un cycle lysogénique à un cycle lytique quand la bactérie est
soumise à des stress ; le bactériophage a probablement développé cette stratégie afin
d’échapper à la destruction de la cellule en repassant sous une forme de virion qui, lui, va
survivre au stress. C’est par exemple le cas du phage λ (phage lambda) chez Escherichia coli,
qui passe de la forme prophage à la forme virion lorsque la cellule-hôte subit des dommages
au niveau de son ADN, causés par l’exposition à des rayons ultraviolets ou à certains
antibiotiques.
Fig. 2 : Mécanisme de l’infection des bactéries par les bactériophages.
II. Le mécanisme de la transduction
La transduction est un mécanisme aléatoire, accidentel et se produisant uniquement
pendant le cycle lytique d’un bactériophage. Lors de la production de nouveaux
bactériophages, les protéines de la capside s’auto-assemblent autour de l’ADN viral. Or,
cette interaction entre les protéines de la capside et l’ADN viral n’est pas spécifique.
N’importe quel fragment d’ADN linéaire, d’une taille similaire à l’ADN viral peut être
encapsidé. La taille du fragment en question est un facteur important puisque les protéines
de la capside s’assemblent en prenant une forme tridimensionnelle, souvent icosaédrique,
dont le volume est limité. Un fragment trop long ne peut pas être encapsidé faute de place
disponible. Nous avons vu au chapitre 3 que l’ADN chromosomique et plasmidique des
bactéries était sous forme circulaire, et non linéaire. La taille des plasmides (quelques
dizaines de kilobases) ou des chromosomes (quelques mégabases) ne correspond pas non
plus à la moyenne de la taille d’un génome de bactériophage, qui est de quelques centaines
de kilobases. L’ADN de l’hôte ne devrait donc logiquement pas être encapsidé.
Or, lors du phénomène de mort cellulaire induite par la production massive de
phages lors du cycle lytique on observe fréquemment une dégradation de l’ADN de l’hôte.
Pour certains phages, cette dégradation est causée par l’une des enzymes codées par l’ADN
viral, une nucléase qui dégrade l’ADN de l’hôte afin d’obtenir des nucléotides nécessaires à
la production de grandes quantités d’ADN viral. Cette dégradation peut également être
causée par un facteur extérieur (exposition aux ultraviolets, qui causent des cassures de
l’ADN), facteur qui peut parfois être également l’élément déclencheur du cycle lytique.
Toujours est-il que si un fragment d’ADN plasmidique ou chromosomique de l’hôte est
présent sous forme linéaire et que sa taille est similaire à celle du génome viral, le fragment
d’ADN de l’hôte peut être encapsidé par erreur. Ce fragment peut provenir de n’importe
quelle partie du génome de l’hôte, on parle alors de transduction généralisée. Le phage P1
est un exemple de phage d’Escherichia coli capable de transduction généralisée.
Lorsqu’un prophage entre en cycle lytique, il est excisé du chromosome de l’hôte.
Cette étape est nécessaire à la production de nouveaux virions. Parfois cette excision est
imprécise et les gènes flanquant le prophage sont excisés eux aussi. Si ces gènes
supplémentaires ne sont pas trop longs, la taille du génome du phage n’est pas
dramatiquement impactée et cet ADN hybride reste toujours encapsidable. Dans ce cas seuls
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