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INTRODUCTION
La politique budgétaire a perdu son attrait en tant qu'instrument de stabilisation de l'en-
semble de l'économie, en raison des doutes quant à la capacité de régler les mesures
budgétaires de façon à atteindre le degré de stabilisation souhaité. En d'autres termes, la
plus grande partie des économistes s'accorde pour penser que la politique budgétaire et
fiscale ne peut être un outil contracyclique (de stabilisation) efficace du fait notamment de
la lenteur de sa mise en œuvre et également des prérogatives et parfois contraintes rela-
tives aux déficits budgétaires.
Dans le même temps et à contrario, la politique monétaire a regagné quelques lettres de
noblesse. Elle est vue aujourd'hui comme le bon outil pour favoriser une croissance
durable et la stabilité des prix dans l'économie. Elle est considérée comme l’instrument le
plus flexible dans le but d’obtenir la stabilisation de l'économie.
Ce regain d'intérêt pour la politique monétaire est pour une part dû à une vague de tra-
vaux empiriques commencée à la fin des années 80 qui concluaient que la politique
monétaire disposait d'une influence significative à court terme sur l'économie réelle ou
plus exactement sur le partage volume-prix. Ensuite, les structures théoriques sous jacente
à l'analyse des politiques monétaires ont évolué vers plus de réalisme. Elles se sont éga-
lement considérablement enrichies notamment avec l'incorporation (microfondé) de rigi-
dités (le plus souvent des prix nominaux) justifiant la non-neutralité à court terme de la
politique monétaire. Cet élément est d'importance dans la mesure où du fait d'une certaine
rigidité des prix nominaux, la politique monétaire, par la variation du taux d'intérêt nomi-
nal peut affecter le taux d'intérêt réel de court terme et dès lors les évolutions des princi-
pales variables macroéconomiques.
Globalement, cette évolution a fait que la production des études sur la politique depuis le
début des années 90 semble davantage cohérente et porteuse de sens que celle de la
décennie précédente grandement influencée par l'article séminal de Barro-Gordon (1983).
En ce sens, les économistes semblent s'être efforcés de concilier avec une certaine réus-
site, semble-t-il, évidences empiriques, pratiques et développements théoriques.
Nous essaierons dans ce travail de donner un aperçu de la manière dont évidences empi-
riques, pratiques des banques centrales et développements théoriques s'articulent à tra-
vers dix chapitres. Les premiers chapitres s'attacheront prioritairement à délimiter claire-
ment le rôle à assigner à la politique monétaire. Les chapitres qui suivent développent
alors divers moyens ou stratégies permettant aux banques centrales d'assurer leur fonc-
tion de principal vecteur de la stabilisation macroéconomique. Les deux derniers cha-
pitres consistent à des exposés (critiques) des stratégies dans lesquelles se placent
aujourd'hui les deux principales banques centrales au monde, à savoir la FED et la BCE,
pour prendre leurs décisions.
Du fait de l'explosion des marchés financiers dans les années 80 et à mesure que les insti-
tutions financières mettaient au point des produits de substitution à la monnaie, la
demande de monnaie est devenue de plus en plus instable, et il est apparu clairement
que, même si la corrélation entre la monnaie et l’inflation restait forte à long terme, elle
ne l’était plus suffisamment à court terme. Par conséquent, l'instrument de politique
monétaire, conformément à l’enseignement de Poole (1970), de toutes les banques cen-
trales est aujourd'hui un ou les taux directeurs de court terme.
Les banques centrales manipulent alors ce dernier de manière à stabiliser l'économie, et
principalement l'inflation et la production, face à des perturbations (chapitre 1). Bien
entendu, les niveaux autour desquels elles cherchent à stabiliser ces deux variables sont
cruciaux. Forts de leurs expériences et armés de solides preuves empiriques universi-
taires les responsables de la politique économique s’accordent à dire qu’un niveau élevé
et/ou une forte variabilité de l'inflation faussent les décisions des agents privés en ma-
tière d’investissement, d’épargne et de production, et conduit à terme à un ralentisse-
ment de la croissance économique. Cela a conduit à ce que quasiment toutes les banques
centrales occidentales cherchent à atteindre aujourd'hui, de façon implicite ou explicite,
une cible d'inflation comprise entre 1,5 % et 3,5 %. Nous verrons dans le chapitre 7 que
plusieurs justifications expliquent que les banques centrales ne retiennent pas une cible
d'inflation nulle. Parallèlement, l'objectif pour la production est son niveau potentiel, seul