VOLUME 45, JUIN 2014
Korine AmAcher
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d’ailleurs combien Gorbatchev reste marqué par l’idéologie soviétique.
À la différence des autres bolcheviks de la « vieille garde », Rykov
et Boukharine sont non seulement réhabilités, mais réintégrés à titre
posthume dans le Parti, utilisés comme avocats par les réformateurs qui
perçoivent la perestroïka comme une nouvelle NEP, dont Boukharine
fut un propagandiste convaincu : comme Lénine, qui transforma radica-
lement le système économique dans une Russie épuisée par le commu-
nisme de guerre et la guerre civile, Gorbatchev, estiment ses partisans,
entend sauver le système soviétique en le transformant profondément.
La perestroïka, écrit Gorbatchev en 1987, est le programme « le plus
important et le plus décisif dans notre pays, en matière de réforme éco-
nomique, depuis que Lénine a lancé sa Nouvelle politique économique
en 1921 » (Gorbatchev, 1987b, p. 41 ; Sirotkine, 1989).
Or, dépeindre la perestroïka comme une nouvelle NEP et le stalinisme
en cause. La révolution, explique Gorbatchev, n’a été ni une aberration,
ni une erreur, dont il faudrait « parler à mi-voix […] comme si nous en
avions honte ». La perestroïka constitue au contraire « l’extension et le
développement des principales idées de la révolution ». Les discours de
discours soviétiques :
Octobre 1917 est, en vérité, l’heure de gloire de l’humanité, l’heure
de son aurore. La révolution d’Octobre est une révolution réalisée
par le peuple, pour le peuple, pour l’homme, pour sa libération et son
essor. 70 ans représentent un laps de temps très bref par rapport aux
siècles d’évolution de la civilisation mondiale, mais, par l’ampleur
des réalisations, l’histoire n’avait jamais connu un bond aussi pro-
digieux que celui que notre pays a réalisé après la victoire du Grand
Octobre. Et il n’est pas d’honneur plus grand que celui de suivre le
chemin des pionniers, d’engager toutes ses forces, toute son énergie,
toutes ses connaissances et ses capacités pour faire triompher les
idées et les objectifs de la révolution d’Octobre !
Gorbatchev (1987b, pp. 55, 64-65 ; 1987a, p. 3)
La rhétorique révolutionnaire est omniprésente chez Gorbatchev.
La perestroïka est un processus « dynamique et révolutionnaire », elle
est une « révolution sans coups de feu » : « nouvelle révolution » ou
« révolution qui se poursuit », elle exige « le démantèlement de tout
ce qui est caduc, stagnant ou qui freine le progrès », l’« élimination