Le Messager
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Hamevasser
www.ulif.org
Religions
&
Modernité
DOSSIER
500 ans du Ghetto
de Venise Les Juifs
d'Azerbaïdjan
Septembre 2016 - 197 /Le Messager 3
Religion et modernité. Modernité et
religion. Ces deux mots peuvent-ils se
comprendre, se répondre, se compléter,
cohabiter ?
A priori non, et nous le voyons et le vivons
tous les jours. Il ne s’agit pas uniquement
de la barbarie meurtrière de certains
ignorants de leur propre religion. Il
s’agit aussi de la pratique pacifique, mais
rigoriste des trois principales religions
monothéistes qui nous entourent :
condition dégradante des femmes, célibat
des prêtres, etc. Et plus près de nous,
certains mouvements juifs ultra religieux,
qui empêchent leurs enfants d’utiliser
internet, de regarder la télévision,
d’étudier les matières profanes telles que,
par exemple, les sciences naturelles et qui
en font des handicapés de la vie moderne.
Et pourtant, une pratique ouverte de
la religion, juive comme celle que nous
pratiquons à Copernic ou ailleurs,
chrétienne, musulmane, peut très bien non
seulement intégrer ses membres dans la vie
moderne, mais lui apporter ses meilleurs
fondements.
Ces thèmes et ces antagonismes
sont le thème principal de ce numéro
d’Hamevasser, qui donne la parole à des
intellectuels juifs, mais aussi chrétiens et
musulmans. Bienvenue à eux.
Jean-François Bensahel parle d’« ubérisation
générale du crime contre l’humanité » et
revient sur la notion restrictive de laïcité
que nous avons largement débattue dans
notre dernier numéro.
Philippe d’Iribarne, chrétien, directeur de
recherches au CNRS, nous présente son
dernier livre « chrétien et moderne ». Il y
développe notamment que la modernité
apportée par le droit et les institutions
est insuffisante, si elle ne s’appuie pas sur
une certaine manière d’habiter la condition
humaine.
Ghaleb Bencheikh, que ceux qui regardent
l’émission « Islam » sur France 2 le
dimanche matin connaissent, nous
donne une vision extrêmement claire
sur la difficulté qu’a le monde musulman,
aujourd’hui (ça n’a pas toujours été le cas),
à vivre sa modernité par la conjonction du
wahhabisme, des Frères musulmans et de
la révolution de Khomeini.
Florence Heymann, chercheur au Centre
de recherche français de Jérusalem,
nous expose son dernier ouvrage « Les
déserteurs de Dieu ». Elle analyse très
finement les différents courants du monde
orthodoxe et leur acceptation, ou non, de
la société moderne.
Notre rabbin, Philippe Haddad, nous
parle de son dernier livre « Elie et Jonas,
prophètes de l’extrême », partant du
constat que le monothéisme pouvait
Edito
engendrer la violence s’il n’était pas
encadré par la critique et l’interprétation
de ses textes fondateurs.
Notre rabbin Jonas Jaquelin, en nous
interpelant sur la nouvelle année qui
s’ouvre, nous convie à l’espoir, intrinsèque
à notre tradition, face à la montée de la
violence. Il souligne également la façon
dont Copernic a su évoluer aussi bien dans
son dialogue avec les autres religions que
dans son propre rite.
Nous abordons également ici, heureuse-
ment, d’autres sujets.
Le grand écrivain israélien Amos Oz nous
a fait l’honneur de nous présenter, lui-
même dans notre synagogue, son dernier
roman, Judas. Lucile Simon et Bertrand
Granat nous relatent cette soirée unique
à Copernic.
Michaël Bar Zvi, notre Rédacteur en chef,
a interviewé Karine Tuil au sujet de son
livre « l’Insouciance », Ariane Bendavid
nous rend compte de l’histoire et de la vie
actuelle des juifs en Azerbaïdjan et Keren
Ramer nous rappelle l’histoire du ghetto
de Venise.
Bien sûr, vous trouverez également dans
ce numéro d’Hamevasser vos rubriques
habituelles et le recensement de nos
nombreuses activités.
Au nom du Comité de rédaction
d’Hamevasser et en mon nom personnel,
je vous souhaite de bonnes fêtes de Tichri
et une excellente année 5777, pleine de
santé et de bonheur.
Bien amicalement
Richard Metzger,
Administrateur et
Directeur de la publication
d’Hamevasser
DR
AU SOMMMAIRE
Le Messager - Hamevasser est une publication de l‘Union Libérale Israélite de France - 24, rue Copernic - 75116Paris - Tél.: 01 47 04 37 27 - Site internet: www.ulif.org - Directeur de la publication: Richard Metzger - Comité éditorial:
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Remerciements à nos partenaires : AUJF, Casip Cojasor, Castaing Viagers, Herez, KIConseil, KKL, Lamartine, Maison funéraire Rogers Warga, MDA - Maguen
David Adom, OSE - Oeuvre de Secours Aux Enfants, Salons Hoche.
Ce numéro de Hamevasser
A ÉTÉ RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DE
Le mot du Psident 4 à 5
DOSSIER :
LES RELIGIONS
ET LA MODERNI 6 à 17

Entretien avec
Philippe d’Iribarne 7 à 9

Entretien avec
Ghaleb Bencheikh 9 à 11

société ultra-orthodoxe devra
forcément s’adapter
Entretien avec
Florence Heymann 11 à 13


avec le rabbin
Philippe Haddad 14 à 15

avec l’espoir
Entretien avec le rabbin
Jonas Jacquelin 16 à 17
LA FIN DE L’INNOCENCE
Entretien avec Karine Tuil 20 à 21
LE GHETTO DE VENISE
ou le choix de « l’expulsion interne »
des Juifs 22 à 23

 25 à 27
ELIE WIESEL
La Nuit 28
L’ULIF ACCUEILLE
AMOS OZ 30
BLOC-NOTES 32 à 33
Hamevasser
a sélectionné pour vous
LE MAGEN DAVID ADOM
Entretien
avec Olivier Kaplan 34 à 35
DE RETOUR D’ASSISE
Un choc de conscience 36 à 37
INFOS COMMUNAUTAIRES 38 à 41
 38

de la fraternité 38
 39
 
 
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CARNET ET AGENDA 42
4 Septembre 2016 - 197 /Le Messager
Jean-François Bensahel,
Président de l’ULIF
©Patrick Altar
Le mot du Président
IMPASSE
dans la civilisation
L’idéologie de Daech, parce
qu’elle est aussi une idéologie
du crime et des sous-hommes,
toute arc-boutée contre les
« infi dèles » juifs et chrétiens,
les musulmans apostats, les
occidentaux simplement
heureux de profi ter de la vie,
a sans aucun doute libéré cette
pulsion de mort. Elle absout et
bénit ceux qui commettent en
son nom des tueries, en leur
donnant un sauf-conduit pour
le paradis. Son programme est
désespérément simple : faire
le mal le plus terrible pour
Sans aucun doute le Père
Hamel faisait le Bien. Il en est
mort précisément.
    
  
désormais une ubérisation
   

Il faut cependant reconnaître
que Daech et autres idéologies
de la terreur islamiste ne sont
pas les seules responsables
de cette propension funèbre
au massacre. Aux Etats Unis
Il faut accepter hélas, après
cet été si meurtrier, après
ces deux dernières années
si meurtrières,
de se rendre à l’évidence :
notre si moderne civilisation
est dans l’impasse. Dans le
combat entre la pulsion de
vie et la pulsion de mort,
cette dernière est en passe
de l’emporter. La 6
e
parole, le
6
e
commandement,
"tu ne tueras pas",
"tu n’assassineras pas"
,
et qu’Israël a apporté au
monde, est en train de céder.
On se rappelle l’évidence,
qu’il n’y a rien de plus facile
que de tuer un homme,
que de tuer au hasard
n’importe quel homme.
Par misanthropie
pathologique, Céline, dans
Voyage au bout de la nuit,
avait déclaré que
"l’amour
c’est l’infi ni (du bien) mis à la
portée des caniches
". Mais
c’est en fait l’assassinat, qui
est l’infi ni (du mal) mis à la
portée des caniches.
accéder prétendument à la
vie éternelle, agir en nihiliste
et n’avoir de goût que pour
la destruction, à l’opposé de
ce que doit être la religion
véritable, faire triompher le
narcissisme et les ravages
que, toujours, il provoque en
mettant à bas toutes les règles
sur lesquelles reposent la vie en
socté, jouir de la désolation
et de la cruauté, jouir de la
mort pornographiée, grâce à
la technologie vidéo, à internet
et autres supports.
Me revient cette phrase de
Sartre, dans le Diable et le
bon Dieu, lorsque l’un des
protagonistes demande à
l’autre « pourquoi faire le Mal ? »,
ce dernier lui répond : « Parce
que le Bien est déjà fait ».
et pour ne donner que ce seul
exemple, chaque année, on
dénombre 12 000 morts et
25 000 blessés par fusillade.
Evidemment le fait que chacun
puisse porter une arme vaut
explication. Mais le fait que,
depuis l’adolescence, chacun
puisse se distraire à des jeux
vidéo ou internet de massacre,
où l’on baigne dans la tuerie et
dans le sang, et qui n’ont rien
à voir avec nos petites parties
bucoliques de soldats de plomb,
ceci fi nit par faire sauter les
verrous que la société avait
posés sur la pulsion de mort.
Non, le bon sauvage n’est pas
bon. Ce sont la culture, et les
institutions de la vie en société,
de la vie en commun, qui
seules peuvent domestiquer et
Septembre 2016 - 197 /Le Messager
Le mot du Président
juguler la pulsion de mort. Ou
comme le dit le Talmud « s’il n’y
avait pas l’Etat, les hommes s’entre-
déchireraient ». Or force est de
constater qu’aux Etats Unis,
il n’y a pas beaucoup d‘Etat…
et qu’en France, l’Etat, qui,
pourtant, a le monopole de la
violence légitime, a beaucoup
faibli depuis 40 ans.
Mais l’individualisme absolu de
nos sociétés ayant décrété qu’il
ne pouvait y avoir de limites à
l’hédonisme, à la jouissance
de soi, au narcissisme, et la
dérision devant toute forme
d’autorité, a participé à la
libération de la pulsion de
mort, d’autant plus facilement
que, corollaire, dans certaines
familles, l’autorité et la simple
éducation ont tout simplement
disparu. Ne feignons donc
pas d’être surpris et de nous
réveiller surpris. Echec donc
de l’individualisme comme
idéologie et dont l’hédonisme
pensait faire identifier la
religion à un stade dépassé du
développement de l’humanité.



religieuse est redevenue
. Non seulement
parce qu’une certaine partie
des musulmans ne sait pas
vivre dans notre laïcité, qui
n’a cependant jamais été
vraiment définie positivement,
qui s’est contentée d’instaurer
juridiquement la neutralité de
l’Etat par rapport aux religions,
mais parce que plus largement,
chez certains, et regardez dans
le monde juif également, et,
quoiqu’à une moindre mesure,
dans le monde chrétien, la
religion tient lieu de seule
identité : toutes les autres
identités se sont effondrées,
et leur intériorité se réduit à
un appartement à une pièce.
Quelle pauvreté !




Voilà pourquoi, car l’affaiblis-
sement de l’Etat en France
est un processus historique,
dont le surendettement de la
puissance publique est l’un des
marqueurs, mais non le seul,
nous allons devoir réapprendre
à vivre en France avec cette
question religieuse. La laïcité
à la française, qui est pourtant
la seule façon de ne pas tenir
compte des particularités de
chacun, mais de leurs seuls
mérites et talents, et qui est
donc une pensée de l’universalité
de l’homme, est d’autant plus
incapable d’endiguer la montée
de la température religieuse
qu’elle n’a jamais été au fond
pensée positivement, mais
uniquement dans sa neutralité,
dans sa négativité. C’est à
l’évidence un travail urgent
à faire.
D’ici là, nous avons nous,
juifs libéraux, une obligation :
démontrer qu’une religion sait
être ouverte, active, engagée
dans le monde et dans la
société pour qu’y triomphe la
pulsion de vie, qu’elle n’est pas
une monomanie de l’identité,
qu’elle n’est pas régressive,
et obnubilée par elle-même
comme institution, et par le
retour à une origine fantasmée,
opposée au flux de l’histoire qui
fait que chaque jour est différent
d’hier, qu’elle comprend la
nécessité d’actualiser son
message, qu’elle doit récuser
définitivement toute tentation
de monopole et d’exclusive,
mais sait vivre dans un contexte
de pluralisme, avec un seul
objectif : ne pas réduire l’autre
à un autre moi-même ou à un
ennemi de moi-même, mais
savoir lui faire une place et
l’aimer pour ce qu’il est. N’est
ce pas le projet originel d’Israël ?
C’est la force du judaïsme
libéral que de s’être posé et
confronté à ces questions
depuis 200 ans. Dans l’urgence
absolue qui est la nôtre, en
France et ailleurs, ce judaïsme-
là peut donner à réfléchir à tous
ceux que la question religieuse
inquiète ou intéresse. C’est
parce que la France a tant
besoin de ce judaïsme-là que
nous construirons un nouveau
Copernic à la hauteur de cette
nécessité.

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



sérénité.
Puisse cette nouvelle année
vous donner à vous et à
vos familles une vie pleine,
rayonnante, heureuse, paisible.
Qu’elle soit pour vous une
année de paix et une année
d’engagement.
Chana tova
Gmar ‘hatima tovah
Le mot du Président
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