qu`est-ce qu`un collège jésuite

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QU’EST-CE QU’UN COLLÈGE
JÉSUITE ?
Thierry LAMBOLEY* et Bruno TESSIER**
Pour les anciens élèves des écoles de la Compagnie de Jésus,
jusque vers les années 1970, une école jésuite est une école
dirigée et guidée principalement par des jésuites, même si
quelques professeurs laïcs y enseignent également. Aujourd’hui, dans ces mêmes écoles où les jésuites sont moins présents physiquement et en responsabilité directe, nombre
d’entre eux témoignent qu’ils ont du mal à se reconnaître dans
l’organisation, la pédagogie ou la pastorale de l’école de leurs
enfants ou petits-enfants. Que s’est-il passé au fil du temps ?
À quoi répond aujourd’hui une école catholique jésuite ?
D
ans la seconde moitié du XXe siècle, en tenant compte de la baisse
soudaine des vocations religieuses et des nouvelles réflexions de
la pensée de l’Église qui se dirige vers Vatican II, la Compagnie de Jésus
repense son approche éducative, tout comme d’autres congrégations
religieuses enseignantes. La société civile française, de son côté, revoit
la place de l’école catholique dans la nation. Ainsi, la loi Debré de 19591
reconnaît le caractère propre des écoles catholiques et permet la signature de contrats d’association apportant les moyens financiers de l’État
pour assurer le maintien de l’activité d’enseignement des écoles catholiques. Au-delà de la question de
* Jésuite, délégué du provincial
la laïcité, cette loi indispensable
pour les établissements scolaires.
** Responsable de l’équipe nationale pour assurer la survie éconode tutelle sur les institutions mique des écoles privées cathoéducatives jésuites.
liques influence de manière
1. Loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privé.
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significative les salles des professeurs, en limitant le recrutement à des
professeurs diplômés d’État et pas nécessairement catholiques, ce qui
déstabilise bon nombre d’adultes, à commencer par les parents d’élèves.
Le deuxième choc arrive quelques années plus tard – avec l’obligation
pour certains et un véritable choix pour d’autres – de recruter des chefs
d’établissement laïcs pour remplacer les religieux qui ne sont plus en
nombre suffisant ou n’ont pas les compétences nécessaires.
Trente ans plus tard, devant le risque de perte d’identité chrétienne des écoles catholiques où il n’y a plus de religieux, les évêques
demandent que soit mis en forme le premier « statut de l’enseignement catholique ». Il voit le jour en 1992. Il introduit la notion de
« tutelle »2 permettant de définir et de préciser les liens canoniques de
l’école avec l’Église ainsi que les obligations découlant du caractère
propre, la place et le rôle des responsables de ces institutions vis-à-vis
de l’Église de France.
La prise de conscience par les évêques que des institutions
– ouvertes à tous, scolarisant au total un peu plus de deux millions
d’élèves, eux-mêmes pas obligatoirement catholiques3 – peuvent être
des lieux de mission privilégiés se fait peu à peu. Devant le risque que
quelques établissements s’identifient davantage par leur caractéristique « privée » plutôt que par leur caractère propre catholique et pour
rapprocher les écoles catholiques des diocèses, les relier davantage aux
paroisses et les faire travailler en réseau, un nouveau statut paraît en
2013. En se référant à Vatican II et aux travaux importants de la
Congrégation pour l’école catholique de 19974, ce statut prend en
compte tout à la fois la crise des valeurs et l’accentuation de l’écart
entre pays pauvres et pays riches. Il précise les finalités de l’école dans
le monde d’aujourd’hui tant au niveau de la formation de chacun, une
« formation intégrale de la personne », que dans sa visée sociale :
« L’école est un lieu indispensable à la construction d’une société juste
et harmonieuse. »5
Sur le terrain éducatif, ce lien resserré entre chaque école et chaque
diocèse est animé par les directeurs diocésains, délégués épiscopaux.
Il contribue à faire évoluer la manière de diriger les établissements.
Ainsi, pour recruter des personnels dans le domaine de la pastorale,
2. Statut de 1992, titre II, articles 14 à 26.
3. De par son statut juridique (loi Debré), l’école catholique est « ouverte à tous ».
4. « L’école catholique au seuil du IIIe millénaire. »
5. Statut de 2013, articles 6 et 7.
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l’avis favorable de l’évêque est nécessaire ; pour recruter un chef d’établissement, son accord est requis et, pour se développer (par exemple,
ouvrir de nouvelles classes ou filières de formation), chaque établissement catholique doit accepter les arbitrages collectifs dans lesquels la
direction diocésaine a une responsabilité à exercer. Simultanément,
ce même statut instaure, pour les autorités de tutelle et leurs délégués,
des lieux réguliers de rencontre, d’échanges et d’harmonisation sous
la forme de conférences des tutelles, présidées par les évêques dans
chaque diocèse deux fois par an. Cette nouvelle manière de faire
modifie peu à peu l’ensemble de l’enseignement catholique, qu’il soit
diocésain ou congréganiste.
La Compagnie de Jésus n’a pas attendu des réformes externes pour
s’interroger sur la manière de faire évoluer les instances, la formation
des laïcs et l’accompagnement des établissements scolaires sous sa
tutelle. Outre le fait qu’elle n’a conservé en France que quatorze sites
scolaires, soit une trentaine de chefs d’établissement et vingt et un
mille élèves, elle s’est adaptée et a évolué de manière significative dans
plusieurs domaines, souvent peu connus des anciens élèves.
La collaboration des laïcs dans la mission
La Compagnie de Jésus a instauré ce qu’elle nomme « la collaboration dans la mission », une démarche intuitive et évangélique
essentielle. Il s’agit pour la Compagnie de faire le choix de se tourner
vers les laïcs et de déterminer la place qu’ils auront. Il s’agit pour
ceux-ci d’occuper des responsabilités d’œuvres jésuites à leur côté et
avec eux. Cette option fondamentale a fait l’objet, lors de la
34e congrégation générale de 1995, du décret 18 qui décrit le « renouveau apostolique significatif commencé et poursuivi par le grand
nombre de jésuites et de laïcs qui travaillent dans l’apostolat de
l’éducation secondaire ». La Compagnie de Jésus a confirmé cet
engagement en 2008, lors de la 35e congrégation où le décret 6 invite
à approfondir trois questions :
– « Qu’est-ce qui constitue une œuvre jésuite ? Comment peut-elle
se maintenir telle si elle est dirigée par d’autres que des jésuites ? »
– « Quels sont les éléments nécessaires de la formation dont ont
besoin les jésuites et les autres pour assurer le développement tant spirituel que pratique de notre mission ? »
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– « Quels liens peuvent fructueusement nous unir comme collaborateurs cherchant à servir ensemble et dans une profonde affection
mutuelle la mission donnée à la Compagnie ? »
Il n’est pas certain que ce décret soit bien connu des laïcs qui
œuvrent aux côtés des compagnons. Il représente pourtant une ouverture chargée d’une grande espérance pour l’avenir de l’Église. « La
collaboration dans la mission a
Tous les établissements apporté de nombreux bienfaits
scolaires sous tutelle de la aux apostolats et à la Compagnie de Jésus. Être en mission
Compagnie de Jésus en France
avec des collaborateurs apostosont dirigés par des laïcs
liques nous encourage à vivre
plus pleinement et plus authentiquement notre vocation religieuse jésuite. Ce que nous apportons
dans ces relations est, en définitive, notre propre identité d’hommes
marqués par nos vœux et par les Constitutions ; des hommes que l’expérience des Exercices spirituels a liés les uns aux autres et à ce “chemin vers Dieu”. En collaboration avec d’autres, dans un dialogue respectueux et une recherche commune, travaillant aux côtés de ceux
qui ont des engagements similaires mais marchant sur d’autres chemins, nous en venons à mieux connaître notre propre cheminement
et à le poursuivre avec un zèle et une compréhension renouvelés. »6
Dans le domaine de l’éducation des jeunes, cette collaboration
au cœur de la mission s’est peu à peu mise en œuvre. Ainsi, cette
année, tous les établissements scolaires sous tutelle de la Compagnie
de Jésus en France sont dirigés par des laïcs. Ceci n’empêche évidemment pas la Compagnie de Jésus de garder un lien avec les établissements ni des jésuites, formés et disponibles, de trouver une
place spécifique d’animateur, d’accompagnateur, de responsable et
même d’être un jour chef d’établissement comme cela a été le cas les
dernières années.
Outre les jésuites formateurs au Centre d’études pédagogiques
ignatien (CEP-I)7, dont nous reparlerons un peu plus loin, une vingtaine de jésuites sont envoyés en mission dans certains établissements.
Pas dans tous, car il n’y a plus dans chaque ville une communauté
jésuite « résidante » et donc en proximité géographique. Les jésuites
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”
6. Congrégation générale 35, décret 6, paragraphe 15.
7. CEP-I, 14 rue d’Assas, 75006 Paris, www.reseaucep.net
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peuvent avoir des responsabilités d’aumônerie comme au lycée professionnel Le Marais – Sainte-Thérèse à Saint-Étienne, à Sainte-Geneviève (« Ginette », à Versailles) ou Saint-Louis-de-Gonzague (« Franklin », à Paris), de « prêtre accompagnateur » comme à Lyon ou
Saint-Étienne, d’enseignement (École de Provence, à Marseille), de
préfet d’études (« Ginette », à Versailles), faire leur temps de régence
dans le cadre de la formation jésuite, ou intervenir ponctuellement à
la demande des chefs d’établissement (par exemple, pour une conférence en journée de prérentrée) ou à la demande d’adjoint ou d’animateur en pastorale scolaire (APS) pour des sacrements ou des célébrations. D’autres jésuites ont un rôle plus institutionnel en représentant
la tutelle en tant que « membres de droit » dans les conseils d’administration, lieux essentiels d’orientations et de décisions pédagogiques,
éducatives, pastorales et financières.
En France, cette collaboration dans la mission est donc réelle,
effective et naturelle pour les uns et pour les autres. Un jésuite envoyé
dans un établissement scolaire sait que sa mission s’exercera avec des
laïcs et, de son côté, un laïc nommé chef d’établissement ou APS sait
qu’il pourra compter sur un ou plusieurs jésuite(s) envoyé(s) par le
supérieur provincial, s’appuyer sur lui ou être accompagné par lui. Le
réseau des jésuites et laïcs en responsabilité dans les établissements
scolaires, dans ses modalités de fonctionnement, s’appuie sur la parole
échangée et les initiatives partagées par les uns et les autres.
La Compagnie de Jésus leur propose des temps de formation à la
spiritualité ignatienne, les invite à se rendre sur les lieux de vie d’Ignace
et François-Xavier et apporte un accompagnement humain et spirituel
à ceux qui le veulent. Les laïcs en responsabilité dans les établissements
scolaires ont conscience de la chance qu’ils ont d’exercer la mission qui
leur est confiée avec cette aide et cette reconnaissance.
Le projet pédagogique ignatien
L’enjeu de la transmission éducative et pédagogique inspirée par
les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola était tel que la formation
des adultes a été le premier levier d’action que la Compagnie de
Jésus a installé. En 1946, elle crée le Centre d’études pédagogiques
(CEP), destiné à former à la pédagogie ignatienne jésuites et laïcs
enseignant dans ses écoles. Le premier responsable en est le père
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Pierre Faure, ancien élève de Tivoli (Bordeaux), prônant un enseignement personnalisé et communautaire8. Pendant vingt-sept ans,
il anime la revue Pédagogie qui fait référence en France (700 établissements catholiques sont abonnés) et bien au-delà des frontières
nationales. En 1991, le père Bernard Pardonnat donne au CEP un
souffle nouveau. Le CEP devient l’organisme de coordination et de
formation des établissements scolaires de la Compagnie de Jésus. En
1997, la coordination des établissements est assurée par une structure nouvelle et le CEP se recentre sur la formation des acteurs des
établissements. À partir de 2008, il élargit son périmètre d’action de
formation, passant de la seule tutelle jésuite aux établissements scolaires de la « famille ignatienne ».
L’organisation « à la française » du réseau des établissements
scolaires s’est effectuée par étapes. La première fut la création de
trois réseaux régionaux présidés par des laïcs, invitant les établissements d’un même secteur géographique à créer entre eux des liens
humains, pédagogiques et pastoraux. En fédérant, quelques années
plus tard, ces trois réseaux au sein d’une même fédération présidée
par un laïc, la Compagnie de Jésus préparait de manière visionnaire
l’organisation actuelle.
Plus récemment, en 2008, la Compagnie a créé un service de la
tutelle, placé sous la responsabilité d’un laïc nommé par le provincial.
Il a la charge de répondre aux différents domaines que couvre cette
tutelle (en particulier veille, soutien et accompagnement). Il exerce sa
mission en lien avec le père jésuite délégué du provincial aux établissements scolaires. Celui-ci préside l’association nationale « Ignace de
Loyola – Éducation », support juridique de l’exercice de la tutelle et
qui a pris la suite de l’ancienne Fédération des unions régionales9.
Ensemble, et avec une équipe de salariés et bénévoles10, ils forment le
conseil de tutelle de la Compagnie de Jésus. Ces deux responsables
travaillent au quotidien en étroite collaboration et rendent compte de
leur mission directement au provincial.
8. P. Faure, L’École et la Cité, Spes, 1945, 332 pages ; Au siècle de l’enfant, Mame, 1958,
234 pages ; Un enseignement personnalisé et communautaire, Casterman, coll. « Orientations »,
1979, 150 pages.
9. Cette association loi-1901 comporte quatre-vingts membres environ, essentiellement des chefs
d’établissement et des présidents des associations responsables et propriétaires des établissements.
10. Actuellement, six bénévoles qui sont toutes des personnes du réseau (APS, présidents d’association, anciens chefs d’établissement, etc.).
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Cette organisation permet au provincial d’exercer l’autorité de
tutelle et à la Compagnie de se donner les moyens appropriés pour
s’assurer que ses grandes orientations, dans le domaine de l’éducation
et de l’ouverture sociale à tous, se traduisent effectivement sur le terrain des institutions scolaires, tant dans les manières de faire que
dans l’attention à la justice sociale.
L’exercice de la tutelle rendu effectif, le projet éducatif propre
à la Compagnie de Jésus peut plus naturellement trouver sa place.
Si beaucoup de monde parle de
Le mot « excellence » n’a jamais été
la « pédagogie des jésuites » ou
de la « pédagogie ignatienne »,
prononcé par Ignace lui-même
peu de personnes, y compris
dans le domaine éducatif, la connaissent réellement. Par exemple, le
mot « excellence », dont beaucoup qualifient une des caractéristiques de cette pédagogie, n’a jamais été prononcé par Ignace luimême, ni ne figure dans la Ratio Studiorum de 1599, petite bible de
l’éducation jésuite.
Le projet éducatif a pour vocation de s’appuyer sur des caractéristiques ignatiennes et de répondre aux besoins de la société civile et
aux aspirations des familles. Sans prétendre dans cet article décrire de
manière exhaustive « l’éducation et la pédagogie jésuites », rappelons
ici quelques spécificités que nous cherchons à retrouver dans la mise
en œuvre des projets éducatifs lors des visites que nous organisons, au
moins tous les trois ans, dans les établissements scolaires.
L’a-priori de bienveillance est certainement la caractéristique le
plus souvent mise en avant par les élèves parents et professeurs. Elle
figure généralement dans les projets éducatifs des établissements,
montrant ainsi l’importance que les communautés éducatives
accordent à l’accueil de tous. Elle concerne tout le monde, les adultes
comme les jeunes. Elle se traduit aussi par un regard d’abord positif
sur le monde tel qu’il est et qui est aimé de Dieu.
La dimension internationale de la Compagnie de Jésus constitue
un atout pour les établissements scolaires. La dynamique européenne
est initiée et accompagnée par le Jesuit European Committee for
Secondary Education (JECSE)11. Les délégués européens se réunissent
en session chaque année pour faire le point sur les évolutions significatives du réseau européen, qu’elles soient d’ordre structurel ou péda-
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”
11. www.jecse.org
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gogique et éducatif et sur les mises en œuvre des priorités de la Compagnie de Jésus en matière d’éducation. Les chefs d’établissement
scolaires, alternativement du premier et du second degré, se rencontrent en session tous les trois ans autour de thématiques communes choisies par les délégués. Aujourd’hui, un site mondial permet
à tous les enseignants de partager leurs ressources documentaires,
leurs expériences pédagogiques et d’envisager des échanges linguistiques pour leurs élèves12.
La relecture entreprise par Ignace et adaptée au domaine pédagogique constitue un autre axe retenu dans la formation des enseignants
et des élèves. Que s’est-il passé dans la phase d’apprentissage ? Qu’est-ce
qui a réjoui l’élève, qu’est-ce qui lui a posé difficulté dans le processus
d’apprentissage ? Comment, en tant qu’enseignant, le progrès de l’acte
d’enseigner se fait peu à peu ?…. Aujourd’hui, une formation à l’intériorité a été généralisée dans toutes les écoles maternelles et primaires
du réseau français. Les enfants et leurs parents adhèrent le plus souvent avec enthousiasme à cette nouvelle proposition.
« Un établissement jésuite cherche à responsabiliser les élèves dans
la prise en charge de leur cadre de vie et de classe : apprentissage de
l’autonomie et de la vie collective, soutien, entraide et émulation, valorisation de leurs prises de responsabilité. » C’est le deuxième axe que
le réseau Ignace – Éducation a choisi dans le texte cadre « Les caractéristiques de l’éducation jésuite »13. Pour y parvenir, les encadrants que
sont les professeurs et les éducateurs sont invités à mettre en place des
dispositifs d’apprentissage. L’accompagnement par les pairs se révèle
souvent un moyen clé dans ce domaine.
Reconnaître et favoriser le développement des dons et des talents.
L’école jésuite a pour mission de permettre à chacun (jeunes et adultes)
de nourrir ses dons, de les développer et de les fructifier… au service
des autres. Ces talents peuvent être de natures très différentes et ont la
même valeur, qu’ils soient intellectuels, artistiques, sportifs, sociaux…
Chaque élève a nécessairement sa place, l’école jésuite a pour mission
d’adapter son projet éducatif pour le permettre réellement.
L’éveil à la justice sociale, autre axe retenu comme prioritaire
pour tous les lycées du réseau, se traduit dans les faits par un projet
dont l’organisation reste propre à chaque lycée mais qui existe par12. www.educatemagis.org
13. Les caractéristiques d’un établissement scolaire jésuite (2006), texte accessible en ligne sur
www.ignace-education.fr
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tout. Il prend la forme du Projet d’animation sociale (PAS) en permettant à tous les lycéens de vivre un temps significatif d’expérience
et de service dans ce domaine et de le relire pour aller plus loin.
L’évolution récente de la question des migrants montre l’intérêt de
ce choix que le réseau français a généralisé depuis plusieurs années.
Depuis deux ans, l’ouverture de trois micro-lycées14 constitue une
réponse effective de participation d’Ignace – Éducation à la lutte
contre le décrochage scolaire. Le lien du CEP-I avec le réseau
Loyola – Formation15, les initiatives bénévoles de membres des établissements vers les activités de ce réseau… sont des exemples supplémentaires de l’attention à cette dimension sociale.
La place spécifique de la Pastorale dans tous les établissements
du réseau. Tout en gardant un lien canonique avec l’évêque du lieu,
des actions locales avec les diocèses, des liens privilégiés avec la
paroisse de rattachement, les établissements scolaires du réseau Ignace
– Éducation invitent tous les élèves à vivre et à partager les temps forts
du calendrier liturgique, cela constitue une part importante dans « la
première annonce ». Chaque établissement propose des parcours de
catéchèse adaptés aux âges des élèves et des préparations aux sacrements dans une approche ignatienne. Le Projet d’animation pastorale
(PAP) est le texte cadre du réseau qui en définit l’étendue en proposant des pistes d’action16. Il revient à chaque équipe pastorale comprenant des salariés et des bénévoles – souvent coordonnée par un(e)
APS – de mettre ce projet en musique en l’adaptant à la taille de l’établissement, à l’âge des élèves et aux orientations pastorales propres à
chaque diocèse. Pour donner aux APS laïcs un cursus universitaire
qui réponde aux exigences requises, une formation de huit modules
sur deux années intitulée « Annoncer et transmettre » est désormais
proposée en partenariat avec le Centre Sèvres17.
La pédagogie ignatienne et l’éducation jésuite constituent ainsi
un programme exigeant qui va bien au-delà de celui de l’Éducation
nationale.
14. Au lycée Saint-Joseph-de-Tivoli (« Tivoli », à Bordeaux), au lycée Saint-Joseph d’Avignon et au lycée
Saint-Marc (CSM), à Lyon.
15. Réseau regroupant des écoles de production, des centres d’aide aux élèves et aux parents dans
certains quartiers où les difficultés scolaires sont plus importantes. Cf. www.loyola-formation.fr
16. Le « Projet d’animation pastorale » (2008), texte accessible sur www.ignace-education.fr
17. www.centresevres.com
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Le réseau Ignace de Loyola – Éducation
et le service de la tutelle
Lors du troisième rassemblement des communautés éducatives à
Lourdes18, un atelier a été consacré aux « associations responsables »
des établissements scolaires qui jouent aujourd’hui un rôle majeur
dans la conduite et le développement des écoles placées sous la tutelle
de la Compagnie de Jésus. Cet atelier a été l’occasion de rappeler et
d’approfondir quelques spécificités différenciant les établissements
scolaires du réseau Ignace de Loyola – Éducation des autres réseaux
congréganistes en France. Par exemple, chaque établissement scolaire
sous tutelle de la Compagnie de Jésus est doté en France d’une association à but non lucratif (loi de 1901). Cette association exerce la responsabilité juridique et financière, en application de la loi française,
mais aussi une responsabilité éducative, pédagogique et pastorale en
cohérence avec les orientations de la Compagnie de Jésus.
Chaque association comprend en moyenne entre 50 et 80 membres
qui ont pour mission de siéger dans des commissions initiées conjointement par le président de l’association responsable et le chef d’établissement coordinateur. Ils sont issus de deux grandes catégories : les
membres A constitués par les personnels salariés de l’établissement
– enseignants (A1) et personnels non-enseignants (A2) – et les
membres B constitués par les bénévoles, bien souvent mais pas exclusivement des parents d’élèves, des retraités et des anciens élèves qui
viennent aider à l’animation pastorale ou à la gestion de l’établissement scolaire. Si la structure juridique des établissements scolaires est
la même pour tous19, un statut type constitue la base de tous les statuts
associatifs des établissements et permet d’assurer la cohérence du
réseau.
Ce concept est unique au sein de l’enseignement catholique et se
différencie de l’Organisme de gestion d’une école catholique (Ogec),
structure la plus répandue, sur les points suivants : un Ogec ne comprend pas de salarié (professeur et personnel). Dans les conseils
d’administration du réseau Ignace – Éducation, les personnels (salariés et enseignants) constituent 50 % des membres. Ceux-ci ne
siègent pas « au titre » d’une catégorie dont ils sont issus mais en leur
18. Loyola XXI a rassemblé 3 500 personnes des communautés éducatives, en octobre 2015.
19. Association loi – 1901 à but non lucratif.
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nom propre. Un Ogec se réunit en moyenne trois à quatre fois par an
et traite des questions économiques et financières. Un conseil d’administration dans le réseau Ignace de Loyola – Éducation se réunit
davantage. Il est consulté sur les grandes orientations éducatives,
pédagogiques et pastorales.
Ce ne sont pas des délégués du provincial qui siègent dans les
conseils au titre de membres de droit mais des représentants de la
tutelle. Leur rôle n’est pas tant d’impulser une dynamique – même
si la relation du représentant au président et au chef d’établissement
peut y contribuer – que de s’assurer que le conseil d’administration
prend des décisions conformes aux grandes orientations de la Compagnie de Jésus.
L’ accompagnement et la formation constituent dans le monde
d’aujourd’hui deux supports nécessaires à la pérennisation des projets. Pour ce faire, des outils ont été conçus pour aider les nouveaux
élus à assumer leur nouvelle responsabilité dans l’association, comme
le vade-mecum du président du conseil d’administration et la charte
de l’administrateur20, et d’autres sont en cours d’élaboration. Pour
aider chacun à exercer pleinement sa responsabilité mais aussi pour
« faire réseau », se connaître et partager les expériences, pour s’approprier les orientations de la Compagnie de Jésus et mieux connaître sa
vision dans le monde d’aujourd’hui, des journées nationales sont
chaque année proposées aux responsables : journée des présidents des
associations responsables, journée des présidents des associations
propriétaires, journée des représentants de la tutelle dans les conseils
d’administration, journée des chefs d’établissement et des APS. Par
ailleurs, trois journées d’accueil et de relecture sont organisées à destination des nouveaux chefs d’établissement rejoignant le réseau, au
cours de leur première année de prise de fonction.
Progresser ensemble dans la collaboration dans la mission, enrichir les projets des établissements scolaires des orientations de la
Compagnie de Jésus, responsabiliser les directions des établissements
et être des acteurs partenaires avec les autres congrégations religieuses
au sein de l’enseignement catholique21, tels sont aujourd’hui les supports sur lesquels le réseau Ignace de Loyola développe son projet
ignatien, au fil du temps.
20. Textes disponibles sur le site d’Ignace de Loyola – Éducation : www.ignace-education.fr
21. Au sein de l’Union des réseaux congréganistes de l’Enseignement catholique (Urcec).
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Cette manière de faire dit aussi quelque chose de la subsidiarité et
de la confiance que la Compagnie de Jésus met dans ceux qui sont en
responsabilité. Il y a une profonde cohérence dans cette pratique établie pour l’ensemble des établissements scolaires et la démarche des
Exercices spirituels telle que transmise par Ignace lui-même et reprise
tout au long de l’histoire de la Compagnie de Jésus.
Thierry LAMBOLEY et Bruno TESSIER
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rev
.com
es
Retrouvez le dossier « École et enseignement »
sur www.revue-etudes.com
www
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