L’AVENIR,7novembre1831,pp.12.
Aprèss’êtresuccessivementfaitentendredansAnnaBolena,Tancredi,
OtelloetlaSonnambula,Mme.PastaafaitsesadieuxaupublicdanslaProva
d’unOperaseria.Elleestpartieennousfaisantvivementregretterqu’ilnelui
aitpasétépermisdenousrendreCenerentola,etsurtoutSemiramide.Toutefois,
ondoitsavoirgréàl’administrationdenousavoirfaitfaireconnoissancedans
l’espacededeuxmoisavecdeuxouvragesnouveauxpournous,jeveuxdire,
AnnaBolenaetlaSonnambula.Bienquelepremierdecesouvragesnesoit
qu’unmélangeassezindigestedetouteslesformulesitalienneset
rossiniennesencirculation,iln’encontientpasmoinscertainesparties
remarquables;etpuis,aprèstout,c’estunenouveauté,cequineveutpasdire
qu’ilyaitdedansquelquechosedebienneuf.Mme.Pastaestfort
divertissantedanslerôledeCorilla,delaProva,tandisqueLablache
CampanonneetGrazianis’évertuentàquiexciteraleplusgrosrire.
Cettedernièrereprésentationextraordinaireaétéprécédéed’un
concertdanslequelnousavonspasséenrevuetouslesartistesduThéâtre
ItaliendepuisMlleAmigojusqu’àRubini.UneouverturededonPedroa
d’abordétéexécutée.C’estencoreunesuitedemotifscommuns,enchaînesles
unsauxautrespardesformesbanales,sansqu’onpuissedémêleràtravers
toutcelauneidéebienneuve;ilyacependantquelquesdétails,quelques
aperçusquinemanquentpasdefinesse.Autotal,cemorceauestd’unbon
musicien,maisnond’uncompositeurexpérimenté.UnairdePaciniavec
variations,chantéparMmeCaradori,aexcitédevifsapplaudissements.Cetair
renfermeunaccompagnementsolodeviolon,etM.Vidal,chefd’orchestre,
chargédecerôledifficile,apartagéaveclacantatricedenombreuxbravos.On
nesefaitpasuneidéedutalentdeMmeCaradorilorsqu’onnel’aentendue
quesurlascène.Saplaceestplutôtdanslesconcerts,etelleygagnebeaucoup
enplénitudedevoix,entimbreetenflexibilité;elleexécuteletrilledansla
perfection.MlleAlbertiniajustifiélesespérancesqu’elleavoitdéjàdonnéesà
l’Athénéemusical;c’estdanscesréunionsdel’HôteldeVillequedejeunes
artistesvontfaireleursdébuts.Parmiceuxquiméritentdesencouragements,
noussignaleronsMM.Cambon,VignerotetMlleElizaMassy,quis’estdéjà
distinguéeàl’écoledeM.Choron.
Onn’aplusletempsderienfaireaujourd’hui,pasmêmedelire,car
onnelitplusdelivres.Aplusforteraison,nosauteursnepeuventtrouverle
tempsd’encomposer.Aussinesoyonsplussurprisqu’ilsseréunissentpour
faireunvolume,etquepourcequiestdelamusique,laquelle,ainsiquenous
l’avonsditplusieursfois,reproduittôtoutardlesrévolutionsquis’opèrent
danslalittérature,lescompositeurssepartagentunopéraentreneuf.Aussi
nousgarderonsnousbiendeleurdemanderdel’unité,cetteloipremièrede
touteconception:maisàcoupsûrnousseronsendroitd’exigerd’euxdela
variété.Souscerapport,nousnepouvonsnousplaindre:autantdemorceaux,
autantdenuancesdiverses,etilfautdirequ’engénéralcesmorceauxsont
travaillésavecsoinetécritsenconscience.L’ouverturecependantnetrouvera
pasgrâceànosyeux.L’instrumentationesthabile,ilestvrai,maiscelane
suffitpas.C’estl’invention,quelquechosedeneufqu’ilfaut,oudumoinsla
volontéd’enproduire,nefûtcequedunouveau.Orriendepluscommun,de
plususé,deplusglacialquecesmotifs,cetutti,cettecabalette,cecrescendo
quis’enfilentl’undansl’autredanscecadremonotone;etnoussommes
d’autantplusfâchéd’avoiràadressercereprocheàl’auteurquenousrendons
L’AVENIR,7novembre1831,pp.12.
pleinejusticeàlamanièrefranchedontleduodusecondacte,quilui
appartientaussi,estposéetdontilsedéveloppe.Néanmoinslasecondepartie
deceduonerépondpasàlapremière.L’introductiondeM.Chérubiniest
écritedansunstylelargeetvigoureux;cependantelleestplusremarquable
parsafactureetleseffetsd’orchestrequeparlamélodie.L’accompagnement
descoupletschantésparMme.Boulangerestpleindefraîcheuretd’élégance.
Maislessecondsqu’ellechante,delacompositiondeM.Boïeldieu
l’emportentparleuroriginalitéetlepiquantdel’instrumentation.Letrioetle
finalequisuiventl’airdanslequelonretrouvetoutel’habiletédeM.Paër,font
beaucoupd’honneuràM.Batton.Onretrouvelatouchedélicateetsuavede
M.Blanginidansledeuxièmeacte,dontlamusiqueluiappartientengrande
partie.Aprèsl’introductiondutroisièmeacte,quin’estautrechosequela
musiquedumorceaudeM.Boïeldieu,disposéepourl’orchestre,etdefort
joliscoupletsdeM.Berton,vientunduocharmantdeM.Auber.Nous
félicitonscetauteurd’avoirrenoncéiciàsamanièreprétentieuseetfardée.Le
motifdeceduoestd’unegrandesimplicité,etlestyled’unegrâceexquise;il
respired’unboutàl’autreuneexpressiondouceetpure.Jenesaiscependant
silecompositeurn’auraitpasfairepressentirdéjàlacatastrophequise
prépareaumomentlamarquiseetGalifardchantentceduo.Lapositionde
cemalheureuxquiportesanss’endouter,lamortdanslecœur,aquelque
chosedeprofondémentdramatiqueetdeterrible,quidemandoitd’autres
accents.M.Hérolds’estmieuxidentifiéavecsonsujet:aumoment
Galifard,prèsd’expirer,arrivesurlascène,unegammetortueuseetsourdese
faitentendreauxbasses,sousletremolodesviolons,etsuccèdeaux
frémissementsaccadésetétouffésdetoutl’orchestre.
Riendeplusattachantquelapièce,etlesauteursdesparolesontfait
preuved’uneprofondeconnoissancedeseffetsdramatiques.Commel’on
pensebien,laphraseparléeesttoujoursparfaitementadaptéeàlaphrase
musicale.Onsentqu’unemainexpérimentéeaguidélepoète.
Lapièceestmontéeetrendueavecbeaucoupdesoin.Ondoitde
grandsélogesàMlle.PrévostetsurtoutàFéréol,àquinousnesoupçonnions
pasuntalentaussiélevé.
MmeSchroëderDevrientareparudanslerôlededona[donna]Anna,
deDonJuan.Onsaitavecquelleénergiedramatiquecetteactricerendcerôle
sidifficile.Lamanièredontellechantelerécitatifestadmirable,parcequ’elle
s’entientauxsimplesornementsdelapartition,etqu’ellereproduit
fidèlementlestraditionsdeMozart.Ilparoîtpourtantquelerôleallemandest
plusfavorableaudéveloppementdesesfacultés.Peutêtreaussinesetrouve
tellepasaussiàl’aiseaumilieud’unetroupeitalienne.Lablacheremplissoit
pourlapremièrefoislerôlededonJuan.Onluiafaitrépéterl’air:Finched’al
vinoqu’iladitavecbeaucoupdeverve.Rubini(donOttavio)aadmirablement
chantésonairdusecondacte,etletriodesmasques,renduparlui,Mmes
DevrientetTadolini,aétécouvertd’applaudissements.MmeCaradoris’est
fortbienacquittéedurôledeZerlina.Danssonbatti,batti,etdanssonduolaci
daremlamano,elleareçudenouveauxtémoignagesduplaisiraveclequelle
publiclarevoit.
AmardilarentréedeMmeMalibrandanslaGazzaladra.
L’AVENIR,7novembre1831,pp.12.
JournalTitle:L’AVENIR
JournalSubtitle:None
DayofWeek:lundi
CalendarDate:7NOVEMBRE1831
PrintedDateCorrect:Yes
Pagination:
1à2
TitleofArticle:THÉÂTREITALIEN.CONCERT.Don
Giovanni.DébutsdeMme.SchoëderDevrient.
THÉÂTREDEL’OPÉRACOMIQUE.La
MarquisedeBrinvilliers,opéraentroisactes,
parolesdeMM.ScribeetCastilBlaze;musique
deMM.Chérubini,Boïeldieu,Paër,Batton,
Berton,Blangini,Caraffa,AuberetHérold.
[Feuilletondel’Avenir]
SubtitleofArticle:None
Signature:None
Pseudonym:None
Author:Josephd’Ortigue(articlenonsignédontune
copieestconservéedanslespapiersde
d’Ortigue).
Layout:Frontpagefeuilleton
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