L’AVENIR,10mars1831,p.1.
Undemi‐succèsauthéâtreitalienseroitdéjàunegrandevictoire,
surtoutsil’onconsidèrel’espècedemonopoleexclusifqu’exercesurce
théâtrelegénied’unseulhomme,ettoutcequ’exigedeperfectionlechef‐
d’œuvredeMozartpours’ysoutenir.L’auteurdeFaustoavoitdeplusà
luttercontreunsujetdontl’effetdramatiqueperdbeaucoupàlascène;
ajoutonsàcelaquelepublicauquelilaeuaffairehiern’étoitpasunpublic
ordinaire.Malgrécelailatriomphéheureusementdeshabitudesdu
théâtreetdel’ingratitudedusujet.L’ouverture,d’uncaractèresombreet
fantastique,estparfaitementadaptéeàlapièce.Elleaétéfortapplaudie
malgrél’irrégularitéduplanetlepeud’enchaînementdesidées.
L’harmonielégèreetvaporeusedesespritsinvisiblesquis’élèvedansle
fondduthéâtreaprèsqueFaustoaévoquélespuissancesinfernales,
produituncontrastetrèsheureux.Néanmoinslechœurseprolongetrop;
ilestnécessairedel’abrégerpourenrendrel’effetplussaillant.Un
accidentfortdésagréablearriveàlabarbedudocteur,etquiaforcé
Donzelliàgarderlong‐tempssamainsursafigure,afaitmanquer
presquetoutl’effetduduoqu’ilchanteavecMéphistophélès.Maisle
finaleaenlevétouslessuffrages.
Cechœur,pleind’entraînementetdevigueur,estd’unefacturefort
originale:lesvoixs’ygroupentmerveilleusementsuruneinstrumentation
pittoresqueethardie.
Leduodusecondacte,entreMarguériteetFausto,estunmorceau
achevé.Expositionfranche,dessinpuretcorrect,contoursgrâcieux,rien
n’ymanque.Onpourroitendireautantduquatuorquivientaprèssila
doubleexpositionétoitmoinslongueetplustranchéedanssesdétails.En
général,onpeutreprocheraucompositeurden’avoirpasmisassezde
suitedanssesidées.Ilyadanslamusique,commedanslelangage,un
véritablesenslogique,etlamusiqueestaussiunlangage.Tropsouventil
acherchédel’effetdansdestransitionsbrusques,dansl’étrangetédes
modulations.Ilaffectionnecertainesformesd’accompagnement,tellesque
desbatteriesdevioloncelle,qui,tropfréquemmentrépétées,nuisentàla
variété.Sapartition,trèsremarquablesouslerapportdutravail
harmonique,laisseencoreàdésirerpourl’instrumentation,pourla
manièredenuancerleseffetsd’orchestre.Lesinstrumentsàcuivresurtout
doiventencoreêtrepourl’auteurunobjetd’étude,commeaussil’artde
poserlesvoixdanslesproportionsetsuivantlescombinaisonslesplus
favorablesàl’ensemble.
Malgrétoutcela,cetouvragerévèleunvéritabletalent,ettelqu’il
est,ilestbienpropreàdétruirecertainspréjugésquenourrissentencore
certainshommes,etqueRousseau,danssonécritsurlesfemmes,a
malheureusementcontribuéàpropager.
L’exécutionaétégénéralementtrèssatisfaisante.Dansl’ouverture,
deuxmauvaisesintonationsdecors,uncouacduhaut‐bois,sontlesseules
fautesdel’orchestre.MmeMéric‐Lalandeadéployéuntalenttrès
dramatiquedanstoutlecoursdesonrôleetsurtoutdanslascènedela
prison.Santiniestuntrèsbondiable.Lebénéficiaire,unpeudésappointé