Le lioral est un milieu naturellement mouvant, soumis aux forces considérables
de la mer, du vent et des euves côers. Au l des siècles, l’Homme a cherché
à maîtriser ces évoluons naturelles pour mieux valoriser et sécuriser ses
acvités. Plus récemment, il a pris conscience de la richesse écologique du
patrimoine naturel lioral et marin et a ni des aires protégées - ou à protéger
- dont le but est de maintenir ou restaurer en l’état les éléments idenés de
ce patrimoine. Ainsi, le lioral du début du XXIème siècle est praquement gé
dans ces vocaons, les seuls changements qui peuvent intervenir sont ceux
réduisant encore la part de nature restante (urbanisaon, arcialisaon) ou
ceux provoqués par les catastrophes naturelles majeures.Le contexte mondial
de forte démographie liorale, amplié par l’urbanisaon et le tropisme lioral,
menace les rivages naturels qui s’arcialisent et perdent leur rôle de tampon
dynamique entre terre et mer. La biodiversité terrestre est de plus en plus
fragmentée, cloisonnée dans des espaces connés et isolés. On esme ainsi que
5 à 10 km de lioral sont touchés tous les jours par le développement anthro-
pique (Beous, Jean, et Colas 2004).
I/ INTRODUCTION : DES ÉCOSYSTEMES
TIERS SOUS PRESSION, AUX PREMIÈRES
LOGES DES CHANGEMENTS GLOBAUX
Dans un contexte de crise d’épuisement des ressources naturelles, de crise envi-
ronnementale et socio-économique se pose la nécessaire queson de la durabilité
écologique et économique des méthodes de geson. Les gesonnaires d’espaces
protégés doivent se posionner entre deux opons : (1) le principe de naturalité
qui invite à laisser les milieux à leur évoluon «naturelle» et (2) le principe d’une
intervenon acve visant à piloter les trajectoires évoluves des milieux et à les
gérer pour maintenir voire enrichir la biodiversité en développant des programmes de
restauraon et d’ingénierie écologique. Face aux nouveaux dés de l’élévaon du
niveau de la mer, des espèces envahissantes, de la sur-fréquentaon du lioral, de
la surexploitaon des ressources jusqu’à la l’érosion de la biodiversité, vers quels
modes de geson doivent désormais s’orienter les Agences lioral d’Europe et de
Méditerranée ? Quelles sont les lues perdues d’avances et celles sur lesquelles il
faudrait se focaliser? Faut-il connuer à intervenir acvement et de quelle manière,
et si oui, quelles seraient les priorités à idener pour nos sites naturels lioraux?
NOTE DE CADRAGE
ATELIER GESTION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ : DU JARDINAGE DE LA NATURE À LA NATURALI
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Les lioraux sont par ailleurs des interfaces géographiques parculièrement
fragiles. Le patrimoine naturel lioral et marin est constué d’écosystèmes,
exploités ou non, ainsi que de paysages terrestres et sous-marins. La grande
variété de prols de côtes ore une grande diversité d’habitats naturels permet-
tant l’accueil de très nombreuses espèces, véritable mosaïque écologique essen-
elle aux équilibres et à l’intégrité des territoires (Henocque et Bersani 2008).
Lieux de rencontre par excellence de la mer avec la terre, les zones humides et
les petes îles (entre 15.000 et 20.000 îles et îlots en Méditerranée) constuent
des territoires très vulnérables dans lesquels se sont réfugiées de nombreuses
espèces menacées et qui y sont inféodées (Mabille et Piante 2008).
Or, les dernières prévisions du GIEC relaves à l’élévaon future du niveau de la mer
revoient à la hausse les précédentes esmaons, ce qui aura des conséquences
importantes sur de nombreux secteurs lioraux, notamment les zones basses, les
milieux humides et les formaons sableuses (GIEC, 2014. 5ème rapport).
Les lioraux se trouvent donc aux premières loges des changements globaux
annoncés, et très concernés par la réexion sur la xité ou au contraire la mobilité
des espaces, des patrimoines et des acvités.
II/ L'EUROPE ET LA MEDITERRANÉE AU
CŒUR DES POLITIQUES DE PROTECTION
DES ESPACES COTIERS
Le 3 mai 2011, la Commission européenne a adopté une nouvelle stratégie pour
enrayer la perte de biodiversité et améliorer l’état des espèces, habitats et éco-
systèmes de l’UE ainsi que les services écosystémiques rendus. Six objecfs (1.la
pleine applicaon de la législaon de l’UE en maère de protecon de la nature,
2. une meilleure protecon et un meilleur rétablissement des écosystèmes et
des services écosystémiques, ainsi qu’une ulisaon accrue de l’infrastructure
verte, 3. une plus grande durabilité des acvités agricoles et foresères, 4. une
meilleure geson des stocks de poisson de l’UE et des pêches plus durables, 5. un
resserrement des contrôles concernant les espèces allogènes envahissantes et 6.
une contribuon accrue de l’UE à l’acon menée pour enrayer la perte de biodi-
versité au niveau mondial) couvrent les principales pressions pesant sur la nature
et xent les bases des poliques sur lesquelles l’acon de l’UE reposera pour les
dix prochaines années (Commission européenne 2011). A travers les direcves
« Habitats » et « Oiseaux » ainsi que la direcve cadre sur l’eau et celle sur le
milieu marin, l’Union européenne xe des objecfs stricts en maère de
mainen de la qualité des espaces naturels. Par ailleurs, depuis 2009, l’adopon
de la « résoluon du parlement européen sur la nature vierge en Europe » insiste
sur la nécessite d’intégrer au mieux le concept d’espace à haute naturalité notam-
ment dans le réseau N2000. Sur 27 000 sites Natura 2000 en Europe, 384 gurent
ainsi dans l’inventaire de la wilderness (espaces à haute naturalité) (Génot 2014).
La Méditerranée bénécie d’une convenon cadre de coopéraon en maère
de protecon des mers régionales, depuis 1976 sous l’égide de la convenon
de Barcelone et du Plan d’acon pour la Méditerranée avec un protocole relaf
aux Aires spécialement protégées et à la biodiversité. En 2003, un programme
d’acon stratégique pour la conservaon de la diversité biologique (PAS-BIO)
a permis de renforcer la mise en œuvre du protocole. Tandis que le Protocole
ASP/DB s’aache à préserver les espèces et les espaces les plus remarquables,
en mer et sur la zone côère, le Protocole GIZC, entré en vigueur en 2011, vise à
préserver l’ensemble des éléments de la zone côère (écosystèmes, ressources
naturelles, paysages…) en facilitant leur développement et l’ulisaon durables
de ses ressources.
III/ LA GESTION DES
ÉCOSYSTEMES TIERS
La relaon que l’homme a entretenue avec les espaces côers a uctué au cours
des siècles. L’homme tente depuis l’anquité de maitriser ces milieux naturels
an de les rendre producfs (d’abord pour les salines, puis la poldérisaon
agricole), mais jusqu’au XVIIIe siècle, les côtes considérées comme dangereuses
sont peu habitées par l’homme. Au XIXe siècle, la poldérisaon connue et
s’accompagne de grands travaux de stabilisaon des dunes, de plantaons de
pins, d’assainissement hydraulique, Lessor du tourisme balnéaire accentue
l’exploitaon du lioral pour la construcon, avec une densicaon au cours
du XXe siècle (lossements, immeubles, travaux de «défense contre la mer»…),
parallèlement des complexes industrialo-portuaires voient le jour, transformant
les rivages en ressource spaale convoitée de même qu’avec l’agriculture. Ce
n’est que dans les années 1970 que l’exploitaon de la nature par l’homme est
dénoncée et les noons de fragilité des milieux, d’espèces en danger et de capital
écologique sont soulevées. Aujourd’hui, l’exploitaon des espaces naturels pour
le développement économique est limitée par des réglementaons et la protec-
on de la nature dans les pays occidentaux une cause médiasée, poliquement
adoptée et ulisée au prot du concept de durabilité (Meur-Férec 2007).
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Ainsi, pour conserver les écosystèmes (au sens fonconnel), les habitats et les
espèces, plusieurs approches sont ulisées, indépendamment ou de façon
concomitante :
- Aénuer l’urbanisaon et la lioralisaon (arcle 8 du protocole GIZC pour
la Méditerranée) : limiter l’urbanisaon linéaire connue, en instaurant des
coupures vertes et en privilégiant des accès rouers à la mer en barreaux,
réorienter une pare des ux tourisques du lioral vers les espaces intérieurs,
réguler le développement tourisque, avec des ouls économiques permet-
tant la contribuon du secteur à l’entreen de l’environnement, la dénion de
capacités d’accueil, la recherche de synergies avec les acvités tradionnelles
(agriculture, pêche, BTP...) avec la mise en œuvre du volet « mer » des schémas
de cohérence territoriale (Thibault, Laria, et Coudert 2005), ne pas dégra-
der notamment par l’organisaon des mouillages pour protéger les habitats
sous-marins (Boissery 2014) ; aénuer l’impact des construcons : réducon
de la consommaon d’eau et d’énergie, recours aux énergies renouvelables,
réducon et recyclage des déchets, épuraon des eaux usées.
- Conserver les sites lioraux remarquables (parcs, réserves, paysages classés…),
préserver l’intégrité de certains espaces (bande des 100 mètres, 50 pas
géométriques, Zones humides, zones vulnérables, plages et dunes…), les espèces
menacées (liste UICN, direcves européennes, listes rouges naonales, arrêtés
naonaux …),
- Reconnecter les espaces entre eux via des corridors écologiques : prendre
en compte les ux de gènes, d’énergie et de maères, connecter des écosys-
tèmes bien conservés mais isolés dans des matrices paysagères peu propices
aux échanges (Gauthier-Clerc, Mesléard, et Blondel 2014). Les poliques locales
doivent être coordonnées avec l’ensemble des poliques régionales dans le
cadre de stratégies internaonales en meant en réseau l’ensemble des acteurs
et leur gouvernance (Mabille et Piante 2008) (réseau N2000, trame verte et
bleue, réseau MedPAN d’aires marines protégées, …)
- Restaurer/ réhabiliter/opmiser l’expression des milieux côers à l’aide du
génie écologique : « La restauraon écologique tend à faire revenir un écosystème
dégradé, endommagé ou détruit à son état antérieur » (Gauthier-Clerc,
Mesléard, et Blondel 2014)
- Limiter les intervenons humaines en faisant conance aux processus naturels
et aux nouveaux équilibres mis en place : laisser en libre évoluon les milieux
naturels (Madelin, Pierre, et Daniel Vallauri. 2012).
1) DU JARDINAGE DE LA NATURE....
La restauraon écologique répond au constat d’une dégradaon sur des enjeux de
faune, de ore et d’habitats ou de fonconalité écologique. Concernant le milieu marin,
la restauraon écologique ne prend pas en compte la qualité de l’eau, mais celle-ci est
bien évidemment un préalable nécessaire à la restauraon eecve, tout comme le
fait que les pressions responsables de la dégradaon soient gérées voire supprimées en
amont lorsque cela est possible. « Un milieu qui n’est pas abimé n’a pas besoin d’être
restauré ». Ainsi, la restauraon écologique est une acon visant à améliorer l’état
écologique ou à retrouver un fonconnement écologique meilleur (retour d’espèces
indicatrices…) (Boissery 2014), elle ne s’impose pas d’emblée.
Comparaison entre non-dégradaon et restauraon (d’après Boissery 2014)
Non-degradation Restoration
Faisabilité technique Facile Dicile
Outils à disposition Réglementaon,
incitaon
Soluon technique
innovante
Coût Peu coûteux Coûteux
Resultats Court terme Moyen à long terme
« En terme de coût : une opéraon portant sur l’organisaon des usages peut être
réalisée en quelques mois pour un budget de 150k€, une opéraon de restauraon
écologique de type récifs Prado a demandé plus de 10 ans de travail avant l’immersion
des premiers récifs et un peu moins de 10 M€. Au regard des dépenses liées à l’assainis-
sement sur l’aggloméraon de Marseille, cela a représenmoins de 1% du montant
des dépenses dédiées à la lue contre la polluon dans le secteur. La destrucon d’un
port de plusieurs centaines d’anneaux a été chirée à quelques millions d’euros. Par
comparaison l’équipement d’un port en habitats arciels permeant de retrouver une
pare de la fonconnalité écologique « nurserie » est esmé à moins de 100 k€. La non
dégradaon reste la soluon préférable, que cela soit en termes d’ecacité, de coût ou
de calendrier » (Boissery 2014).
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Outre le coût parfois élevé de la restauraon des fonconnalités ou des expressions
écologiques, certaines acons peuvent être considérées comme lourdes et impac-
tantes sur les milieux naturels en réponse à des enjeux variés :
Protecon d’espèces indigènes ou endémiques : lue contre les espèces envahis-
santes notamment dans les îles via le contrôle manuel et mécanique (arrachage,
capture), le contrôle ou la lue chimique (herbicides, empoisonnement), biologique
(introducon de prédateurs ou pathogènes spéciques), écologique (restauraon des
milieux et modicaons des perturbaons naturelles ou anthropiques), sur la repro-
ducon (immuno-contracepon)/réintroducon ou translocaon d’espèces indigènes/
mise en place de récifs arciciels, de nichoirs arciels
EXEMPLE : Eradicaon des gries de sorcière sur l’île de Bagaux = 100 000 euros pour un
hectare en situaon de falaise/ Eradicaon des rongeurs : distribuon d’appât chimique
par hélicoptère assisté par cartographie GPS / Island Conservaon : organisme dédié à
la lue contre les espèces invasives notamment les rats sur les îles an de prévenir
l’exncon d’espèces (intervenon dans le Pacique, les Caraibes, en Californie,
Mexique et dans le Sud de l’Amérique).
Protecon d’habitats/ de paysages : mainen des milieux ouverts (coupe, fauche,
brulis dirigé, pâturage …), reforestaon, stabilisaon des berges, restauraon et
entreen de mare, plans d’eau...
EXEMPLE : mesures agro-environnementales territorialisées : contractualisaon avec un
agriculteur pour qu’il mainenne des paysages ouverts
Rendre accessible à tous les milieux naturels, sensibiliser le public à leur fragilité :
aménagements des sites naturels (tables, poubelles, parking, cheminements, signaléque,
asserelle, plateforme d’observaon…).
LA GESTION ACTIVE, UN MODÈLE EN FIN DE COURSE OU SEUL REMPART ENCORE
EFFICACE ?
Les acons de conservaon de la nature eecvement menées relèvent néanmoins souvent
du génie écologique et de la restauraon acve, du simple fait que les milieux naturels ont subi de
lourdes dégradaons et que la subsistance du patrimoine naturel remarquable en dépend. Le disposif
de protecon de la nature, aux plans juridique, instuonnel et scienque, est essenellement tourné
vers la conservaon de ces éléments remarquables (ou, pourrait-on dire, remarqués) de la biodiversité.
Ces mesures, prises dans un contexte d’urgence, ont permis de préserver des espaces et des espèces
menacées, même sur des espaces réduits, et de mobiliser des moyens pour leur suivi. Aujourd’hui,
les poliques de préservaon de la nature sont réinterrogées : ne se livre-t-on pas parfois à une sorte
d’écharnement thérapeuque coûteux et illusoire? La biodiversité ne doit-elle pas «sorr de sa réserve»
et invesr l’ensemble du territoire ? Les espaces «sauvages», «vierges», à «haute naturalité» ne sont-ils
pas une soluon plus globale à la protecon de la biodiversité ?
2) ... VERS LE CONCEPT DE NATURALITE
(GAUTHIER-CLERC, MESLÉARD, ET BLONDEL 2014)
« La naturalité caractérise l’état naturel ou spontané. Le terme est opposé à ce qui est culvé,
domesqué et plus généralement à l’arcialité, à savoir ce qui est produit par la technique. La
naturalité est synonyme de processus dynamique non contrarié par l’homme, pour tout milieu
quel que soit son état de départ. Ainsi, deux aspects novateurs émergent du concept de natu-
ralité : l’acceptaon de trajectoires nouvelles proposées par la nature seule, sans implicaon
de l’homme autre que l’observaon, et la volonté de protéger une nature du futur, autant que
celle du présent et du passé. Lapplicaon du concept de naturalité peut conduire à ne pas accor-
der plus de valeur à l’espèce rare qu’à l’espèce commune et à l’espèce autochtone qu’à l’espèce
exoque qui fait désormais pare des héritages anthropiques » (Gauthier-Clerc, Mesléard, et
Blondel 2014).
Ainsi, on peut appliquer le concept de naturalité à la biologie de la conservaon :
- La non intervenon (vaste réseau d’écosystèmes en libre évoluon) : de très nombreux milieux
naturels ou semi-naturels peuvent être laissés en libre évoluon, rochers, falaises, ébouilis, cours
d’eau, étangs, mares, pelouses, prairies, cultures, mégaphorbiaies, frucés, landes, maquis,
garrigues car laisser la nature ne coûte rien en entreen à la collecvité et peut apporter beaucoup
par l’observaon et le suivi connu de la nature de demain. Certains de ces milieux sont plus
dynamiques que d’autres, notamment sur le lioral : les noons de successions écologiques et
d’instabilité doivent être intégrées dans ces démarches.
- La restauraon par la suppression des aménagements arciels qui pénalisent la naturalité :
laisser un écosystème se rétablir seul sur le plan écologique. Une restauraon en faveur de la
naturalité doit avoir un double objecf : augmenter de façon signicave le degré de naturalité
de l’écosystème de départ et laisser la nature suivre son cours après la restauraon.
EXEMPLE
Réintroducon des grands prédateurs ; suppression de certains barrages ; fermeture et destrucon
de certaines routes an de préserver la tranquillité de certaines zones naturelles; éliminaon de
réseaux électriques ou téléphoniques, déconstrucon de bâments pour eacer d’anciennes traces
d’occupaon humaine, suppression du pâturage domesque dans des zones protégées comme les
zones centrales des parcs naonaux an de favoriser les ongulés sauvages…
- Dans un monde marqué par le changement global (climaque, sociétal, économique, énergé-
que, et/ou d’usage), les écosystèmes considérés comme « dégradés » aujourd’hui ne vont ils
pas acquérir demain une forte valeur patrimoniale, fonconnelle ou naturelle via leurs évoluons
spontanées ou des modicaons dans les critères de conservaon futurs ?
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EXEMPLE
L’iniave Wild Europe créer en 2005 promeut une stratégie commune pour la
protecon et la restauraon des régions dites de wilderness (espace à haute
naturalité) et des grands habitats naturels sauvages à travers les diérentes
organisaons européennes de protecon de la nature PAN Parks, EURO-
PARC, WWF, Birdlife Internaonal, IUCN, UNESCO, l’Instut Européen de
Polique Environnementale (IEEP Instute for European Environmental
Policy), le Centre Européen pour la Conservaon de la Nature (ECNC Euro-
pean Center for Nature Conservaon), Rewilding Europe un projet auquel
ont pris part des membres de la Commission Européenne et du Conseil de
l’Europe (Madelin et Vallauri 2012). Wild Europe est en train d’étudier la pos-
sibilité de mere en place 5% de zones terrestres dédiées à la wilderness
d’ici 2034. Cet objecf est éta par la convenon interna¬onale pour
la diversité biologique (Global Biodiversity Out¬look 2010) qui a déni le
potenel de ensauvagement à 200 000km2 de terre marginale dans toute
l’Europe. (Aykroyd 2014)
NATURALITY, AN ETHICAL, ECOLOGICAL OR ECONOMIC CHOICE?
« Sur le plan économique, laisser faire la nature ne coute rien, sinon un invesssement pour le suivi
connu et l’observaon. Sur le plan écologique, les milieux dédiés à la naturalité abritent les espèces
liées aux stades de maturaon lente des écosystèmes et servent de zones témoins pour juger des
eets des changements globaux. Sur le plan éthique, la naturalité est source d’émoons et de valeurs
spirituelle et pédagogique, ce sont des lieux qui se prêtent à la contemplaon, sources d’inspiraon.
Aenon toutefois de ne pas cauonnern’importe quelle acvité humaine sous prétexte que la
« nature reprends toujours ses droits » ». (Gauthier-Clerc, Mesléard, et Blondel 2014).
PISTES DE REFLEXION
Le mouvement vers davantage de naturalité semble nécessaire intellectuellement
et économiquement, mais il sera nécessairement progressif. Faire évoluer nos
pratiques en matière de gestion des milieux naturels littoraux requiert davantage
que des adaptations techniques : c'est tout le contexte culturel, administratif et
scientifique qui doit également intégrer ces nouvelles approches. Sans vouloir
changer brutalement de modèle, il s'agit probablement d'étudier et d'expérimenter
dans quelle mesure sappuyer sur les capacités de résilience fonctionnelle
de la nature, tout en continuant à intervenir plus activement pour restaurer
certains écosystèmes dits «culturels», à forte valeur patrimoniale écologique.
Voici quelques pistes pouvant alimenter la réflexion des Agences littoral d'Europe
et de Méditerranée en la matière :
- La mobilité intrinsèque des écosystèmes littoraux, qui va s'accélérer
avec l'élévation du niveau de la mer, est une invitation à favoriser des
modes de gestion favorisant la naturalité. Dans quelle mesure? Dans
quels secteurs et dans quelles conditions?
- Dans les zones littorales basses, naturalité rime avec submersibilité, sur
les côtes sableuses avec érodabilité. Quelles interactions avec la gestion
des risques naturels?
- Espèces patrimoniales vs espèces invasives : doit on encore lutter?
Quelles sont les luttes perdues davances et celles sur lesquelles il
faudrait se focaliser?
- Quelles sont les limites juridiques, scientifiques et sociales à la mise
en œuvre du principe de naturalité dans la gestion des espaces naturels
littoraux? La mobilité, lorsqu'elle existe, est aujourd'hui le plus souvent
subie. Comment dépasser les blocages lorsqu'une solution basée sur la
nature paraît raisonnable?
- Le gestionnaire dispose t-il des connaissances préalables pour
évaluer l'impact à long terme de ses actions sur la biodiversité ou les
fonctionnalités écologiques ? Comment évaluer correctement la réussite
des opérations de restauration écologique quand elles concernent des
écosystèmes dont la composition, la richesse, la structure et la
dynamique sont le fruit de milliers dannées d'interactions entre les être
vivants, leurs milieux et les activités anthropiques?
Sur le lioral, la logique s'inverse aujourd'hui: avec le changement climaque et l'élévaon
progressive du niveau de la mer, la geson des risques sur le lioral ne peut plus tout
miser sur la défense rigide du trait de côte. Elle doit redonner de l'espace aux phéno-
mènes naturels, uliser les milieux naturels comme tampon face aux événements et
éloigner autant que possible les enjeux des secteurs vulnérables.
Lévoluon libre du trait de côte au sein d’une bande côère d’une largeur susante
permet d’améliorer le bilan sédimentaire, d’absorber l’énergie des mers lors des épisodes
de surcote, et ce faisant de réduire les risques en retrait. Les zones naturelles du lioral
orent des soluons ecaces, durables et économes pour assurer l’adaptaon des
territoires lioraux au changement climaque. Les forêts liorales comme les mangroves
parcipent par ailleurs à l’aénuaon des eets du changement climaque en piégeant
le carbone et en réduisant l’acidicaon de l’océan.
Cependant, il ne faut pas négliger les obstacles à la mise en œuvre du principe de naturalité :
- pour être fonconnelle elle requiert la mobilisaon de grandes surfaces d'un seul
tenant, qu'il est de plus en plus dicile de trouver sur les lioraux ;
- la non intervenon est souvent associée à une image négave d'abandon, de friche,
voire de nature hosle ; il peut y avoir de fortes récences sociales à sa mise en place ;
- la libre évoluon des milieux naturels peut conduire à des évoluons défavorables pour
certains habitats ou espèces protégées légalement, et exposer le gesonnaire à rendre
des comptes à ce tre.
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