chapitre ii - HEC Montréal

publicité
HEC Montréal
Affiliée à l’Université de Montréal
Analyse intégrée de l’impact de l’adoption obligatoire du référentiel comptable
international pour les préparateurs et les principaux utilisateurs de l’information
financière
Par
Michel Sayumwe
Service de l’enseignement des sciences comptables
École des Hautes Études Commerciales de Montréal
Thèse présentée à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal en
vue de l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) en
Administration
Option Sciences comptables
Octobre 2012
© Michel Sayumwe, 2012
HEC Montréal
Affiliée à l’Université de Montréal
Cette thèse intitulée:
Analyse intégrée de l’impact de l’adoption obligatoire du référentiel comptable
international pour les préparateurs et les principaux utilisateurs de l’information
financière
présentée par:
Michel Sayumwe
a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes:
M. Philémon Rakoto,Ph.D., Professeur agrégé, HEC Montréal,
Président-rapporteur
M. Claude Francoeur, Ph.D., Professeur agrégé, HEC Montréal,
Directeur de recherche
M. Yves Bozec, Ph.D., Professeur agrégé, HEC Montréal,
Membre du jury
M. Julien Bilodeau, Ph.D., Professeur titulaire, Université de Sherbrooke
Examinateur externe
M.Martin Coiteux,Ph.D., Professeur agrégé, HEC Montréal,
Représentant du doyen de la Faculté des études
supérieures et postdoctorales
iii
RÉSUMÉ
Depuis le 1er janvier 2005, l’Union Européenne a rendu obligatoire l’application des
normes internationales d’information financière (IFRS) pour l’élaboration des états
financiers consolidés de leurs entreprises ayant une obligation publique de rendre des
comptes. Dès lors, des recherches comptables récentes ont suggéré que l’utilisation des
IFRS
mène à une information financière de haute qualité caractérisée par sa
transparence. Cette thèse porte sur l’analyse de l’impact économique de l’adoption
obligatoire des IFRS sur les entreprises, les investisseurs et les créanciers. Se situant
dans la perspective de la théorie positive de la comptabilité, notre recherche s’inspire
du nouveau cadre conceptuel de l’information financière de l’IASB (2010),
spécialement en ses paragraphe OB2, qui désigne les investisseurs et les créanciers
comme principaux utilisateurs de l’information financière, et QC 38, qui évalue si les
avantages tirés d’une information financière justifient les coûts y associés pour sa
production et son utilisation. Pour cela, nous nous basons sur un échantillon de 2 926
entreprises européennes opérant dans huit pays ayant adopté les IFRS à partir du 1er
janvier 2005. Notre étude porte sur la période de 2002 à 2007 et se base sur trois
modèles empiriques spécifiques à chaque partie prenante au processus de
communication financière. Les avantages économiques sont mesurés respectivement
par le coût du capital pour les entreprises, la qualité des bénéfices comptables pour les
investisseurs et la cote de crédit pour les créanciers bancaires.
Dans une première étape d’analyse, nous testons l’hypothèse générale selon laquelle
l’adoption obligatoire des IFRS ne génère aucun avantage économique pour les
préparateurs de l’information financière, les investisseurs ou les créanciers. Nos
résultats suggèrent que le coût du capital des entreprises diminue si l’on compare les
données avant et après la date du 1er janvier 2005, et une amélioration de la cote de
crédit pour les créanciers est remarquée. Pour les investisseurs par contre, nous ne
iv
remarquons aucune différence statistiquement significative au niveau de la qualité des
bénéfices. Dans une deuxième étape, nous testons trois autres hypothèses de recherche
selon lesquelles certaines caractéristiques des entreprises comme l’asymétrie
informationnelle, la dépendance financière et la structure de propriété de type familial
peuvent tempérer ou accentuer les résultats de l’hypothèse générale. Nous constatons
ainsi que c’est uniquement le troisième modèle spécifique aux créanciers qui offre des
résultats qui supportent respectivement l’hypothèse de l’asymétrie informationnelle et
celle de la dépendance financière. Nous concluons qu’en ce qui concerne les
investisseurs, le marché anticipe le contenu des données comptables et que l’adoption
obligatoire des IFRS n’a aucun impact sur eux. De plus, en ce qui concerne les
créanciers, nos résultats appuient le fait qu’ils doivent être considérés comme faisant
partie des principaux utilisateurs de l’information financière conformément au récent
cadre conceptuel de l’IASB.
MOTS CLÉS : Impact économique, IFRS, Théorie positive de la comptabilité,
Transparence financière, Union Européenne.
v
ABSTRACT
Since 1 January 2005, the European Union has mandated the implementation of
International Financial Reporting Standards (IFRS) for the preparation of consolidated
financial statements of its listed companies. Therefore, recent accounting research
suggested that the use of IFRS leads to a high quality financial reporting which is
characterized by its transparency.
This thesis focuses on the analysis of the economic impact of the mandatory adoption
of IFRS on companies, investors and creditors. Lying in the perspective of the positive
accounting theory, our research is based on the new conceptual framework of financial
reporting of the IASB (2010), especially in paragraph OB2, which designates investors
and creditors as the main users of financial information, and QC 38, which assesses
whether the benefits of financial information justifies the associated costs for its
production and use. For this, we rely on a sample of 2 926 European companies
operating in eight countries which adopted IFRS from 1 January 2005. Our study
covers the period from 2002 to 2007 and is based on three empirical specific models to
each stakeholder to the financial reporting process. Economic benefits are measured
respectively by the cost of capital for companies, the quality of accounting earnings for
investors and the credit rating for bank creditors.
In the first stage of our analysis, we test the general assumption that the mandatory
adoption of IFRS does not generate any economic benefit to the preparers of financial
information, investors or creditors. Our results suggest that the firms’cost of capital
declines when comparing data before and after January 1, 2005, and an improved
credit rating for creditors is noticed. For investors, we do not notice any difference
statistically significant at the quality of accounting earnings level.
vi
In a second step, we test three other research hypotheses to detect the possible
influence of firm characteristics such as asymmetric information, financial dependence
and ownership structure of family type on the results of the general hypothesis. Thus
we note that it is only the third specific model for creditors that delivers results which
respectively support the information asymmetry and financial dependency hypotheses.
In simple terms, we conclude that it is the creditors who benefit most from the
mandatory adoption of IFRS, followed by preparers of financial information.
We conclude that for investors, the market anticipates the content of accounting data
and the mandatory adoption of IFRS has no economic impact on them. In addition, our
results support the fact that they have to be considered as part of main users of
financial information in accordance with the recent IASB framework of financial
information.
KEYWORDS: Economic Impact, European Union, Financial Transparency, IFRS,
Positive Accounting Theory
vii
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ..................................................................................................................... iii
ABSTRACT ................................................................................................................. v
TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................ vii
LISTE DES TABLEAUX ........................................................................................ xiv
LISTE DES FIGURES ............................................................................................ xvi
LISTE DES ABRÉVIATIONS .............................................................................. xvii
LISTE DES ANNEXES ......................................................................................... xviii
DÉDICACE .............................................................................................................. xix
REMERCIEMENTS ................................................................................................ xx
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................... 1
CHAPITRE I :
CADRE THÉORIQUE DE LA NORMALISATION COMPTABLE
INTERNATIONALE .................................................................................................. 7
1.1 Théorie positive de la comptabilité ............................................................................. 7
1.1.1 Hypothèse fondamentale des contrats de rémunération ..................................................... 11
1.1.2 Hypothèse fondamentale des contrats d’endettement ....................................................... 12
1.1.3 Hypothèse fondamentale des coûts politiques ................................................................... 13
1.1.4 Principales critiques de la théorie positive de la comptabilité ........................................... 14
1.1.4.1 Aspect épistémologique de la théorie politico-contractuelle de la comptabilité ........ 16
1.1.4.2 Faiblesses du cadre conceptuel de la théorie positive de la comptabilité ................... 17
viii
1.2 De l’harmonisation à la règlementation comptable internationale ....................... 20
1.2.1 Harmonisation ou convergence des normes comptables ................................................... 20
1.2.2 Convergence et divergence des normes comptables .......................................................... 22
1.3 De la nécessité d’un référentiel comptable mondial unique .................................. 25
1.3.1 Lobbyisme dans le processus de normalisation comptable ................................................ 25
1.3.2 Référentiel comptable et marchés boursiers ...................................................................... 27
1.3.3 Objectifs du normalisateur comptable international ........................................................... 31
1.4 Nouveau cadre conceptuel de l’information financière.......................................... 34
1.4.1 Objectifs de l’information financière ................................................................................. 34
1.4.2 Entité comptable ................................................................................................................ 34
1.4.3 Caractéristiques qualitatives de l’information financière et contraintes de prise de décision
..................................................................................................................................................... 35
1.5 Conclusion du premier chapitre ............................................................................... 37
CHAPITRE II :
ADOPTION OBLIGATOIRE DES NORMES INTERNATIONALES
D’INFORMATION FINANCIÈRE ET PARTIES PRENANTES ...................... 38
2.1 Les normes internationales d’information financière sont-elles de haute qualité ?
............................................................................................................................................ 38
2.1.1 Notion de qualité de l’information financière .................................................................... 38
2.1.2 Du passage de la comptabilité au coût historique à celle à la juste valeur ......................... 44
2.1.3 Transparence de la communication financière en IFRS .................................................... 48
ix
2.2 Principales parties prenantes et analyse des avantages économiques de
l’information financière en IFRS ............................................................................. 53
2.2.1 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les préparateurs de
l’information financière ..................................................................................................... 53
2.2.2 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les investisseurs ......... 65
2.2.2.1 Contenu informationnel du résultat comptable publié selon les IFRS ....................... 65
2.2.2.2 Qualité des résultats comptables et information financière en IFRS .......................... 67
2.2.2.3 Pertinence du résultat et information financière en IFRS .......................................... 72
2.2.3 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les créanciers ............. 83
2.3 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour l’ensemble de
l’économie .................................................................................................................... 92
2.3.1 Qualité des normes comptables et croissance économique ................................................ 92
2.3.2 Normes internationales d’information financière et croissance économique ..................... 94
2.4 Conclusion du deuxième chapitre .......................................................................... 100
CHAPITRE III :
DÉVELOPPEMENT DU CADRE CONCEPTUEL ET DES HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE ......................................................................................................... 101
3.1 Développement du cadre conceptuel de la recherche ........................................... 101
3.2 Question de recherche ............................................................................................. 103
3.3 Développement des hypothèses de recherche ........................................................ 104
3.3.1 Hypothèse générale des conséquences économiques de l’adoption obligatoire des IFRS 104
3.3.2 Hypothèse de l’asymétrie informationnelle ..................................................................... 106
3.3.3 Hypothèse de la dépendance financière ........................................................................... 107
3.3.4 Hypothèse de la structure de l’actionnariat de type familial ............................................ 108
x
3.4 Conclusion du troisième chapitre ........................................................................... 111
CHAPITRE IV :
CADRE MÉTHODOLOGIQUE ET ÉCHANTILLONNAGE .......................... 112
4.1 Sélection et description de l’échantillon de recherche .......................................... 112
4.1.1 Sélection de l’échantillon................................................................................................. 112
4.1.2 Description de l’échantillon ............................................................................................. 112
4.2 Modèles empiriques et mesure des variables ........................................................ 116
4.2.1 Modèle empirique principal ............................................................................................. 116
4.2.2 Description et mesure de la variable dépendante ............................................................. 119
4.2.2.1 Mesure du coût du capital comme proxy de la variable dépendante du 1er modèle
spécifique aux préparateurs de l’information financière .......................................... 119
4.2.2.2 Mesure de la variable dépendante du 2ème modèle spécifique:Qualité du résultat
comptable comme proxy pour l’avantage économique des investisseurs ................ 122
4.2.2.3 Mesure de la variable dépendante du 3 ème modèle spécifique: la cote de crédit....... 125
4.2.3 Définition et mesure des variables indépendantes ........................................................... 125
4.2.3.1 Adoption obligatoire des normes internationales (IFRS) ......................................... 125
4.2.3.2 Mesure de l’asymétrie d’information (ASYM) ........................................................ 126
4.2.3.3 Mesure de la dépendance financière des entreprises (FIN_DEPEND) .................... 127
4.2.3.4 Mesure de la structure de l’actionnariat de type familial (FAMILY) ...................... 128
4.2.3.5 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence de l’asymétrie
informationnelle (IFRS*ASYM) ............................................................................. 129
4.2.3.6 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence de la dépendance
financière (IFRS*FIN_DEPEND) ........................................................................... 130
xi
4.2.3.7 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la structure de propriété de type
familial (IFRS*FAMILY) ........................................................................................ 130
4.2.4 Définition et mesure des variables de contrôle ................................................................ 131
4.2.4.1 Capitalisation boursière (CAPITALIZATION) ....................................................... 131
4.2.4.2 Protection légale des investisseurs et des créanciers (PROTECTION) ................... 132
4.2.4.3 Rapprochement entre la fiscalité et la comptabilité (TAXATION) ......................... 133
4.2.4.4 Niveau de corruption (CORRUPTION) ................................................................... 133
4.2.4.5 Séparation entre les droits de vote et droits de propriété (SEPARATION) ............. 134
4.2.4.6 Cotation sur une bourse américaine (US_COTATION) .......................................... 135
4.2.4.7 Variable Secteurs économiques (INDUSTRY) ........................................................ 135
4.2.4.8 Pays (COUNTRY) ................................................................................................... 136
4.3 Source de données.................................................................................................... 137
4.4 Test des conditions d’application de la méthode des moindres carrés ordinaires et
traitement des données aberrantes......................................................................... 138
4.4.2 Colinéarité entre les variables indépendantes dans les trois modèles empiriques par la
détermination du facteur de l’inflation de la variance (VIF) ........................................... 141
4.4.3 Correction des valeurs extrêmes dans les trois modèles empiriques................................ 142
4.5 Conclusion du quatrième chapitre ......................................................................... 143
CHAPITRE V :
ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS .............................................. 144
5.1 Statistiques descriptives .......................................................................................... 144
5.1.1 Statistiques relatives à la variable dépendante pour chacun des trois modèles ................. 144
5.1.1.1 Statistiques descriptives relatives au coût du capital ................................................ 145
5.1.1.2 Statistiques relatives à la qualité du résultat comptable ........................................... 145
5.1.1.3 Statistiques descriptives relatives à la cote de crédit ................................................ 146
xii
5.1.2 Statistiques descriptives relatives aux variables indépendantes et de contrôle non binaires
................................................................................................................................................... 148
5.1.2.1 Statistiques descriptives de la capitalisation boursière ............................................. 148
5.1.2.2 Statistiques descriptives sur la corruption ................................................................ 148
5.1.2.3 Statistiques descriptives de la dépendance financière .............................................. 149
5.1.3 Statistiques descriptives relatives aux variables binaires et catégorielle ......................... 150
5.2 Analyse des résultats des tests de l’hypothèse générale........................................ 152
5.2.1 Résultats du test de l’hypothèse générale pour les préparateurs de l’information financière
................................................................................................................................................... 152
5.2.2 Résultats de l’hypothèse générale pour les investisseurs ................................................. 153
5.2.3 Résultats du de l’hypothèse générale pour les créanciers ................................................ 154
5.3 Analyse multivariée des résultats des tests des hypothèses .................................. 156
5.3.1 Analyse de la significativité globale des trois modèles empiriques ................................. 156
5.3.1.1 Analyse de la significativité globale du premier modèle pour les préparateurs de
l’information financière ........................................................................................... 156
5.3.1.2 Analyse de la significativité globale du deuxième modèle pour les investisseurs ... 157
5.3.1.3 Analyse de la significativité globale du troisième modèle pour les créanciers ........ 158
5.3.2 Analyse des résultats de l’hypothèse de l’asymétrie informationnelle (2 ème hypothèse) . 158
5.3.3 Analyse des résultats de l’hypothèse de la dépendance financière (3 ème hypothèse) ....... 159
5.3.4 Analyse des résultats de l’hypothèse de la structure de propriété de type familial (4 ème
hypothèse) ........................................................................................................................ 160
5.3.5 Analyse des corrélations entre la variable dépendante et les variables d’intérêt ............. 161
5.3.5.1 Adoption obligatoire des normes internationales d’information financière ............. 161
5.3.5.2 Niveau d’asymétrie d’information ........................................................................... 162
5.3.5.3 Importance de la dépendance financière .................................................................. 162
xiii
5.3.5.4 Structure de propriété de type familial ..................................................................... 163
5.4 Analyse de l’influence des variables de contrôle sur les résultats des tests
d’hypothèses ............................................................................................................. 165
5.4.1 Analyse de la capitalisation boursière des entreprises ..................................................... 165
5.4.2 Analyse de l’impact de la corruption sur les résultats des tests d’hypothèse ................... 166
5.4.3 Analyse de l’impact de la protection légale sur les résultats des tests d’hypothèses ....... 166
5.4.4 Analyse de l’influence de la présence de la séparation entre les droits de vote et les droits
de propriété sur les résultats des tests d’hypothèses ........................................................ 167
5.4.5 Analyse de l’influence du rapprochement entre la comptabilité et la fiscalité sur les
résultats des tests d’hypothèses ........................................................................................ 168
5.4.6 Analyse de l’influence de la cotation américaine sur les résultats des tests d’hypothèses168
5.5 Synthèse des résultats .............................................................................................. 171
5.6 Analyse de sensibilité ................................................................................................ 173
5.6.1 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 1er modèle ....................................... 173
5.6.2 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 2 ème modèle..................................... 174
5.6.3 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 3 ème modèle..................................... 174
CONCLUSION, LIMITES ET AVENUES DE RECHERCHE ......................... 176
1 Contributions de la recherche à la littérature comptable ....................................... 176
2 Limites de la recherche .............................................................................................. 177
3 Conclusion générale.................................................................................................... 179
4 Avenues de recherche ................................................................................................. 180
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .............................................................. 182
ANNEXES................................................................................................................. xxi
xiv
LISTE DES TABLEAUX
Synthèse des études justifiant la théorie positive de la comptabilité comme
cadre d’analyse de la recherche______________________________________
19
Tableau 1-II
Synthèse des études sur la règlementation comptable internationale__________
24
Tableau 1-III
Synthèse de la littérature sur la nécessité d’avoir un référentiel comptable
mondial unique___________________________________________________
33
Tableau 2-I
Synthèse de la littérature sur la qualité des IFRS_________________________
50
Tableau 2-II
Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques
de l’adoption obligatoire des IFRS pour les préparateurs de
l’information financière____________________________________________
62
Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques de
l’adoption obligatoire des IFRS pour les investisseurs____________________
78
Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques de
l’adoption obligatoire des IFRS pour les créanciers______________________
90
Tableau 2-V
Synthèse de la littérature sur les IFRS et la croissance économique__________
98
Tableau 3-I
Synthèse des hypothèses de recherche_________________________________
110
Tableau 4-I
Description de la procédure de sélection de l’échantillon__________________
114
Tableau 4-II
Distribution des entreprises de l’échantillon par secteur économique
et par pays_______________________________________________________
115
Tableau 4-III
Définition des variables dépendantes, indépendantes et de contrôle__________
117
Tableau 4-IV
Sources de données utilisées________________________________________
137
Tableau 4-V
Matrice de corrélation des variables des trois modèles____________________
139
Tableau 4-VI
Diagnostic de colinéarité dans les trois modèles empiriques _______________
141
Tableau 1-I
Tableau 2-III
Tableau 2-IV
xv
Tableau 5-I
Statistiques descriptives relatives à la variable dépendante______________
147
Tableau 5-II
Statistiques descriptives relatives aux variables indépendantes et
de contrôle___________________________________________________
149
Tableau 5-III
Statistiques descriptives relatives aux variables binaires et catégorielle____
151
Tableau 5-IV
Significativité de la variation du coût du capital avant et après l’adoption
obligatoire des IFRS par le test de Student (1er modèle empirique)_______
153
Significativité de la variation de la qualité du résultat comptable avant et
après l’adoption obligatoire des IFRS par le test de Student (2èmemodèle
empirique)___________________________________________________
154
Significativité de la variation de la cote de crédit avant et après l’adoption
obligatoire des IFRS par le test de Mann-Whitney (3ème modèle
empirique)___________________________________________________
155
Significativité globale du 1er modèle spécifique pour les préparateurs de
l’information financière_________________________________________
157
Tableau 5-VIII
Significativité globale du 2ème modèle spécifique pour les investisseurs___
157
Tableau 5-IX
Significativité globale du 3ème modèle spécifique pour les créanciers______
158
Tableau 5-X
Résultats hypothèses de recherche pour les modèles empiriques_________
164
Tableau 5-XI
Résultats des corrélations des variables de contrôle des trois modèles_____
169
Tableau 5-XII
Synthèse des résultats des quatre hypothèses de recherche______________
172
Tableau 5-XIII
Comparaison des différentes mesures de la variable dépendante_________
175
Tableau 5-V
Tableau 5-VI
Tableau 5-VII
xvi
LISTE DES FIGURES
Figure 3.1
Cadre conceptuel de la recherche___________________________
102
xvii
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AAA
American Accounting Association
ANC
Autorité des Normes Comptables (France)
ASBJ
Accounting Standards Board of Japan
CEO
Chief Executive Officer
CIFAR
Centre for International Financial Analysis and Research
FASB
Financial Accounting Standards Board (États-Unis d’Amérique)
I/B/E/S
Institutional Broker Estimates System
IAS
International Accounting Standards
IASB
International Accounting Standards Board
IASC
International Accounting Standards Committee
IDE
Investissement direct étranger
IFRS
International Financial Reporting Standards
IOSCO
International Organization of Securities Commissions
MCO
Moindres carrés ordinaires
PIB
Produit Intérieur Brut
PME
Petites et moyennes entités
ROA
Return on Assets
SEC
Securities and Exchange Commission (États-Unis d’Amérique)
SME
Small and Medium Entities
US GAAP
United States General Accepted Accounting Principles
WBS
World Business Survey
xviii
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1
Liste des 40 normes IFRS au 30 juin 2012_____________________
Annexe 2
Liste des 25 interprétations des normes internationales d’information
financière (IFRIC/SIC) au 30 juin 2012_______________________
xxii
xxiv
xix
DÉDICACE
À ma conjointe Marie-Rose,
A nos cinq enfants, Marie-Ange, Louis-Landry, Kévin, Sam-Dony et Jacob-Alliance
Pour votre patience et votre compréhension pendant les cinq ans d’études doctorales,
Je vous dédie cette thèse.
xx
REMERCIEMENTS
Au terme de mes études de doctorat en administration, il m’est d’un agréable devoir de
remercier toutes les personnes qui m’ont aidé et soutenu tout au long des cinq dernières
années.
Mes remerciements s’adressent premièrement à mon directeur de recherche, le
professeur Claude Francoeur, professeur agrégé à HEC Montréal ainsi qu’aux deux
autres membres du comité de thèse, les professeurs Yves Bozec de HEC Montréal et
Gaétan Breton de l’École des Sciences de la gestion de l’Université du Québec à
Montréal. Sans leurs conseils judicieux, je n’aurais pu mener à sa fin la présente thèse.
Qu’ils trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude.
Ces remerciements vont également au corps professoral de HEC Montréal et des trois
autres universités du programme conjoint de doctorat en administration, qui m’ont
assuré une formation doctorale de la plus haute qualité.
Je remercie ensuite ma famille, ma conjointe et nos enfants qui ont supporté mes longs
moments d’absence en famille justifiés par la quête du savoir.
Que mes collègues du département des sciences comptables de l’ESG-UQÀM trouvent
ici le fruit de leurs encouragements pour la finalisation de cette thèse.
Enfin, je dois une grande reconnaissance au professeur Alain D’Astous, directeur
pédagogique du programme de doctorat en administration de l’École ainsi qu’à l’Ordre
des Comptables professionnels agréés (CPA) du Québec qui m’ont apporté leur soutien
financier tout au long de mon cursus doctoral.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le phénomène de normalisation comptable internationale n’a cessé d’intéresser les
chercheurs en comptabilité. Avec l’adoption obligatoire des normes internationales
d’information financière (IFRS) par l’Union Européenne1 et d’autres pays à compter
du 1er janvier 2005, certaines études (par exemple Barth et al., 2008) se sont focalisées
sur l’argumentation selon laquelle les IFRS améliorent la qualité de l’information
financière. Ainsi, la différence majeure entre les IFRS et les diverses normes
comptables locales est la notion de transparence financière. Or, selon le cadre
conceptuel commun2 entre les normalisateurs comptables international (IASB) et
américain (FASB) de septembre 2010, « l’objectif de l’information financière à
caractère général est de fournir, au sujet de l’entité qui la présente, des informations
utiles aux investisseurs actuels et potentiels, aux prêteurs et aux autres créanciers aux
fins de leur prise de décisions en tant que fournisseurs de ressources à cette entité. Ces
décisions incluent l’achat, la vente ou la détention des instruments de dettes ou de
capitaux propres et la mise à la disposition de prêts ou autres formes de crédit »
(IASB,2010: Cadre conceptuel de l’information financière, OB2).
De plus, les IFRS doivent répondre aux caractéristiques qualitatives de l’information
financière tout en respectant les deux contraintes: l’importance relative et l’équilibre
coûts-bénéfices. La communication de l’information financière impose des coûts et il
est important que ces coûts soient justifiés par les avantages de communiquer cette
1
Actuellement (Septembre 2012), l’Union Européenne compte 27 pays dont les entreprises
publiques opérant sous leur juridiction respective utilisent obligatoirement les IFRS dans
leurs états financiers consolidés.
2
Il s’agit de la version définitive du cadre conceptuel de l’information financière de l’IASB
dont les trois premiers chapitres ont été publiés le 28 septembre 2010.
2
information (Paragraphe OB 35 du cadre conceptuel de l’information financière de
l’IASB).
Par ailleurs, selon le paragraphe QC 36 du cadre conceptuel de l’IASB, les fournisseurs
de l’information financière consacrent beaucoup d’efforts à la collecte, la vérification
et la dissémination de l’information financière mais ultimement les utilisateurs de
l’information supportent ces coûts sous forme de coût de capital faible. Les utilisateurs
de l’information financière supportent aussi des coûts d’analyse et d’interprétation de
l’information fournie. Si l’information nécessaire n’est pas fournie, les utilisateurs
supportent des coûts additionnels pour obtenir cette information ailleurs ou pour
l’estimer.
Finalement, le paragraphe QC 38 du cadre conceptuel de l’information financière fait
une mise en conjonction des deux paragraphes précédents et précise que l’application
de la contrainte de coût amène à évaluer si les avantages procurés par la
communication d’une information financière justifient les coûts entraînés par sa
production et son utilisation.
C’est cette simultanéité des coûts et avantages dans la production et l’utilisation de
l’information financière en IFRS que nous nous proposons d’étudier dans cette thèse.
Les promoteurs du cadre conceptuel commun de l’information financière (IASB et
FASB) suggèrent qu’une information financière pertinente et qui représente fidèlement
ce qu’elle est censée représenter aide les utilisateurs à prendre les meilleures décisions.
Nous nous focalisons ainsi, dans cette recherche, sur les paragraphes OB 2 et QC 38 de
ce cadre conceptuel.
Au vu de la notable influence des marchés financiers dans l’élaboration des IFRS, le
débat ne se situe plus au niveau des facteurs justifiant la diversité des pratiques
comptables comme la culture nationale (Gray, 1988). Il se situe plutôt à celui des
conséquences économiques reliées à leur utilisation obligatoire.
3
La littérature comptable a déterminé que la réduction du coût en capital que le
normalisateur comptable international espère tant, suite à l’adoption des IFRS, est
avant tout une question empirique (Daske et al., 2008 ). Après l’adoption obligatoire
des normes internationales le 1er janvier 2005 par les pays de l’Union Européenne et
d’autres pays, certains chercheurs ont testé la validité empirique de cette affirmation.
À ce jour, les résultats des tests empiriques semblent partagés entre une réduction et
une non-réduction du coût en capital. En séparant le coût du capital entre ses deux
composantes (le coût des capitaux propres et le coût de la dette), certains auteurs
comme Kim et Shi (2007) suggèrent que le coût des capitaux propres a diminué alors
que d’autres comme Cuijpers et Buijink (2005) et Daske (2006) concluent qu’il n’en
est rien. Au niveau de la deuxième composante, le coût de la dette, Kim et Shi (2007)
sont d’avis que dans les pays ayant adopté les IFRS, les entreprises observent des taux
d’intérêts faibles, des marges de crédit élevées, des clauses de crédit moins restrictives
et une grande attraction de prêteurs étrangers.
Par ailleurs, les IFRS se caractérisent par trois changements majeurs, que d’aucuns
comme Disle et Noël (2007) qualifient de révolution comptable par rapport à la
pratique professionnelle de certains pays, notamment de l’Europe continentale. Ces
changements sont: la désignation des investisseurs et créanciers comme principaux
utilisateurs de l’information financière (Paragraphe OB 2 du cadre conceptuel de
2010), le remplacement du coût historique par la juste valeur et la primauté de la
substance économique sur la forme juridique. Parmi les trois virages fondamentaux de
la comptabilité financière, le plus marquant est le passage spectaculaire à la juste
valeur, que certains auteurs comme Ledouble (2005) qualifient de changement de
paradigme. C’est pourquoi nous analysons plus loin les avantages et les inconvénients
de la communication financière utilisant comme base la juste valeur. Dans l’histoire
multi-millénaire de la comptabilité3, le 1er janvier 2005 est une date historique car elle
3
Dans une étude publiée en 2006, Basu et Waymire analysent la pratique comptable sous une
perspective de la biologie évolutive et situent les premiers accords commerciaux à environ 8
000 ans avant Jésus-Christ, coïncidant avec l’apparition de l’agriculture dans l’ancienne
4
marque l’adoption obligatoire des IFRS par les pays de l’Union Européenne et certains
autres pays comme l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Suisse.
Compte tenu de nos critères de sélection, les entreprises de notre échantillon sont
domiciliées dans huit de ces pays.
Le plus grand évènement historique dans l’avancement de la normalisation comptable
internationale fut incontestablement l’adoption du règlement (CE) numéro 1606/2002
du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des IFRS. Ce
règlement oblige toutes les entreprises de l’Union Européenne cotées en bourse à
utiliser les IFRS pour l’élaboration de leurs états financiers consolidés pour les
exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005.
Alors que l’adoption volontaire des IFRS par certaines entités économiques est
caractérisée par l’opportunisme managérial, l’adoption obligatoire se justifie quant à
elle par une réduction supposée du coût en capital, elle-même étant une conséquence
de la haute qualité des IFRS (Barth et al., 2008). Plus précisément, la qualité des IFRS
devrait assurer l’arrimage entre la comptabilité et la finance.
Jusqu’à maintenant, toutes les études sur l’adoption obligatoire des IFRS se sont
focalisées séparément sur l’une ou l’autre des parties prenantes à savoir: les
préparateurs de l’information financière et les investisseurs et ce, dans le contexte
national. Notre étude se démarque de ces dernières puisque nous ciblons certains
déterminants au niveau des entreprises tout en analysant les conséquences
économiques sur chacune des trois parties concernées, celles-ci incluant les créanciers.
Les résultats des études antérieures étant généralement mitigées quant aux
conséquences économiques de l’adoption obligatoire des IFRS, notre analyse globale
pose une hypothèse générale selon laquelle il n’existe pas d’avantages économiques
simultanés pour les préparateurs et les principaux utilisateurs de l’information
Mésopotamie. Cette période marque le début de ce qu’il est convenu d’appeler la civilisation
de l’espèce humaine.
5
financière. Pour cela, nous comparons différentes mesures des avantages économiques
des préparateurs et utilisateurs de l’information financière pour analyser la
significativité statistique des écarts ainsi calculés entre la période de 2002 à 2004
(avant l’adoption) et celle de 2005 à 2007 (après l’adoption). Dans une deuxième
démarche, nous analysons les facteurs qui expliquent les avantages présumés qui sont
suggérés par le nouveau cadre conceptuel de l’IASB, à savoir la diminution du coût du
capital pour les entreprises, la facilité dans l’analyse et l’interprétation des états
financiers pour les investisseurs et l’amélioration de la cote de crédit pour les
créanciers. Cette analyse porte sur 2 926 entreprises4 réparties dans huit pays de
l’Union Européenne pour six exercices financiers, soit de 2002 à 2007.
Ainsi, le but de notre étude est d’analyser les déterminants des avantages économiques
de l’adoption obligatoire des IFRS par les principales parties prenantes au processus de
communication financière : les entreprises, les investisseurs et les créanciers bancaires.
Ce faisant, notre cadre théorique est celui de la théorie positive de la comptabilité
(Watts et Zimmerman, 1986). Nous faisons ici une analyse économique de la
production et de l’utilisation de l’information financière en partant de la décision des
pouvoirs publics d’adopter les IFRS. En effet, le choix par les pouvoirs publics de
promulguer un ensemble de normes plutôt qu’un autre est souvent interprété comme
une réponse des politiciens aux demandes des différents intervenants.
Notre recherche apporte une contribution majeure dans l’avancement de la littérature
comptable. En effet, elle prend comme point de départ le nouveau cadre conceptuel de
l’IASB de septembre 2010, spécialement dans son paragraphe QC 38 et la théorie
positive de la comptabilité
qui tend à expliquer et prédire le comportement des
producteurs et des utilisateurs de l’information comptable, dans le but ultime d’éclairer
la genèse des états financiers (Casta, 2009). Elle nous permet par ailleurs de
comprendre la place du lobbyisme dans le processus d’adoption obligatoire des IFRS.
4
Malgré cette taille de l’échantillon, le nombre d’observations disponibles varie d’un
modèle empirique à un autre.
6
De plus, nos résultats suggèrent des éléments de réponse au normalisateur mondial
quant à ses préoccupations formulées dans ce cadre conceptuel. Plus précisément, en
partant des conclusions de Ball et al. (2003) et Tendeloo et Vanstraelen (2005) qui
suggèrent que la qualité de l’information résulte de l’interaction entre les normes
comptables et l’environnement économique, nous centrons notre recherche sur certains
déterminants clés comme l’asymétrie informationnelle, la dépendance financière et la
structure de propriété de type familial. Mis à part les résultats de l’hypothèse générale
qui la supportent dans le cadre des premier et troisième modèles empiriques, la
tendance qui se dégage est que dans l’ensemble, ce sont les créanciers qui profitent le
plus de l’adoption obligatoire des normes internationales d’information financière.
Notre thèse est structurée comme suit. Nous analysons successivement le cadre
théorique de la normalisation comptable internationale (chapitre I), l’adoption
obligatoire des normes internationales d’information financière et les parties prenantes
(Chapitre II) et le développement du cadre conceptuel et des hypothèses de recherche
(chapitre III). Nous décrivons ensuite notre méthodologie (Chapitre IV) et discutons de
nos résultats (Chapitre V). Nous terminons par une conclusion générale, les limites de
l’étude et les avenues de recherche.
CHAPITRE I
CADRE THÉORIQUE DE LA NORMALISATION
COMPTABLE INTERNATIONALE
Dans le monde, c’est en France que l’on retrouve la première règlementation
comptable et qui remonterait à 1673. Dès cette période, les pouvoirs publics, en
règlementant la production et la publication de l’information financière, traduisaient
une certaine préoccupation quant à la pertinence et la représentation d’une image
fidèle de l’entreprise. Nous abordons succinctement le cadre théorique choisi avant
de résumer le contexte historique de la règlementation comptable.
1.1 Théorie positive de la comptabilité
Dans le cadre de notre thèse, nous nous basons essentiellement sur la théorie
positive de la comptabilité (Watts et Zimmerman, 1986) pour expliquer la présence
simultanée d’avantages économiques générés par l’adoption obligatoire des IFRS
tant pour les préparateurs que les principaux utilisateurs de l’information financière.
En fait, la théorie positive de la comptabilité est formée de deux composantes : la
théorie
politico-contractuelle
de
la
comptabilité
et
l’étude
du
contenu
informationnel des données comptables. Longtemps analysée sous l’angle d’une
théorie normative, la littérature comptable antérieure à 19685 n’a pas permis
d’arriver à mettre sur pied une théorie comptable unifiée comme le reconnaissait
alors l’American Accounting Association (AAA,1977) lorsqu’elle affirmait « A
single universally accepted basic accounting theory does not exist at this time ».
5 Ball et Brown (1968) ont mis en évidence une grande anticipation par le marché boursier du
contenu informationnel des données comptables avant la publication des états financiers.
Ces résultats amenèrent les chercheurs à mettre sur pied un nouveau paradigme basé sur
l’utilité contractuelle des données comptables.
8
C’est en 1976 que Michael Jensen publia un article provocateur qui dépeignait une
absence flagrante d’une véritable démarche positive en comptabilité qui pourrait
expliquer et prédire le comportement des acteurs dans le processus de normalisation
comptable, duquel découle la pratique professionnelle.
En 1978, en suivant les traces des écrits de Ball et Brown (1968) et Beaver (1968),
Watts et Zimmerman (1978), en réponse aux inquiétudes de Jensen (1976) et de
l’American Accounting Association (1977) firent leur premier pas en direction de ce
nouveau courant de littérature qui constituerait à leurs yeux une véritable théorie
comptable. Pour eux, cette dernière devrait pouvoir expliquer et prédire les
pratiques comptables en vigueur dans un espace et à une époque donnés. Ces
auteurs commencèrent par remarquer que depuis de nombreuses années, différentes
parties intéressées dépensent beaucoup de ressources pour influencer la
règlementation comptable, aux États-Unis ou ailleurs, en profitant du processus
normal d’établissement des normes, notamment à l’étape d’exposé-sondages. Pour
comprendre ces interactions, une bonne théorie comptable devrait expliquer la
source des pressions qui accompagnent le processus de normalisation comptable.
Au cours de ce dernier, un des acteurs importants est la direction des organisations
qui auront à utiliser ces normes. Gordon (1964) a été le premier à suggérer que les
dirigeants sélectionnent les normes comptables qui maximisent leur propre utilité.
Bien que l’idée fut révolutionnaire, la faille dans la proposition de cet auteur est que
son raisonnement reposait sur le fait que la satisfaction des actionnaires serait une
fonction positive du revenu net. Or, l’horizon sur lequel ce revenu est généré n’est
pas le même puisque généralement les actionnaires s’intéressent au long terme alors
que les gestionnaires s’intéressent au court terme. Ce conflit d’intérêts est expliqué
par la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976).
Il faut dire que le positivisme tire ses origines profondes en sociologie. En effet,
c’est Auguste Comte (1839), considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie
positive, qui proposa notamment « la loi des trois états » selon laquelle le
positivisme est lié à l’émergence de l’âge de la science caractéristique de l’état
positif qui succède à l’état théologique ou à l’état métaphysique. L’âge théologique
ou fictif correspond à l’âge de l’enfance de l’humanité, le début de l’exercice de la
pensée, période au cours de laquelle l’esprit recherche la cause des phénomènes
9
dans le surnaturel. L’âge métaphysique ou abstrait correspond à celui de
l’adolescence de la pensée, période au cours de laquelle les êtres surnaturels sont
remplacés par des forces abstraites telles que la nature, la matière ou la raison.
Finalement, nous avons l’âge positif ou l’âge viril de notre intelligence de la pensée
qui ne pose plus la question du « pourquoi » mais plutôt celle du « comment ».
Ainsi, à l’opposé de l’esprit métaphysique qui recourt à des concepts éternels non
soumis à la réalité, l’esprit positif confronte les hypothèses au monde réel.
Plus d’un siècle plus tard, Friedman (1953), considéré comme le fondateur de
l’école monétariste6, s’est largement inspiré des travaux de Comte (1839) pour
introduire le positivisme dans la discipline économique. Ainsi, l’économie comme
science doit se démarquer des questions portant sur ce qui devrait être pour plutôt
consacrer ses énergies sur ce qui est. On écarte ainsi des jugements de valeur qui
ont longtemps caractérisé l’économie dite normative. Friedman (1953) est donc
d’avis que toute théorie scientifique a pour but d’expliquer la réalité en proposant
des prédictions valides.
C’est dans la même veine que Watts et Zimmerman (1986) introduiront le positisme
en comptabilité. Ces auteurs fondent leur théorie sur deux autres théories
économiques, à savoir la théorie de la firme appelée aussi théorie des droits de
propriété
(Coase,
1937;
Alchian,1969)
et
celle
de
la
règlementation
(Peltzman,1976). Selon la théorie des droits de propriété, tout échange entre agents
est considéré comme un échange de droits de propriété sur des biens et des services.
Un droit de propriété est le droit et le pouvoir de consommer, d’obtenir un revenu et
de le céder à un tiers. Afin de réduire les conflits d’intérêts entre les parties
prenantes dans une entreprise, il faut rédiger des contrats. Selon la théorie de la
règlementation, qui a inspiré la théorie positive de la comptabilité, les différents
groupes d’intérêt profitent des occasions de règlementation et du pouvoir du
législateur pour orienter les lois et règlements à leur avantage. Les différents
groupes d’intérêt qui font pression sur le législateur font en sorte que ce dernier ne
soit pas garant de l’intérêt général.
6 Appelée aussi École de Chicago, cette école trouve ses fondements avec le célèbre
ouvrage de Friedman « Essays in Positive Economics » (1953). Ses idées contrastent ainsi
avec celles du courant précédent telles qu’exprimées par l’économiste Paul Samuelson.
10
Selon Jeanjean (2007), la théorie positive de la comptabilité aboutit à trois
hypothèses fondamentales qui sont :
(1) L’hypothèse des contrats de rémunération selon laquelle ceteris paribus, les
managers des firmes où il existe un contrat d’intéressement sont plus
susceptibles de choisir les procédures comptables qui reportent les bénéfices
de périodes futures vers la période courante.
(2) L’hypothèse de l’endettement selon laquelle ceteris paribus, plus une firme
a un ratio dette sur fonds propres élevé, plus elle aura tendance à
sélectionner des procédures comptables qui reportent les bénéfices des
périodes futures vers la période actuelle.
(3) L’hypothèse des coûts politiques selon laquelle ceteris paribus, plus une
firme est grande, plus elle aura tendance à choisir des méthodes comptables
qui diffèrent les bénéfices vers les périodes futures. Cette hypothèse est
justifiée par le fait que les gros bénéfices attirent l’attention des parties
prenantes, en particulier les pouvoirs publics, qui imposent des
règlementations souvent contraignantes spécifiques aux grandes entreprises.
Les deux premières hypothèses sont inspirées de la théorie de l’agence alors que la
dernière est tirée de la théorie de la règlementation. Selon cette dernière, le
processus politique est vu comme une lutte entre les personnes qui veulent
maximiser leurs intérêts personnels par des transferts de richesse. Les données
comptables comme le bénéfice net sont utilisées dans le processus politique comme
une justification de la règlementation.
La théorie de la règlementation avance que les politiciens n’agissent pas dans
l’intérêt général, mais plutôt dans leur propre intérêt, ce qui génère des coûts de
transaction. Ces derniers correspondent à la somme des coûts de toutes les décisions
politiques comme des coûts d’obtention de l’information et des coûts de formation
de groupes pour s’opposer à la procédure. À la différence du marché des capitaux
où on considère que les coûts de transaction sont nuls, ceux du processus politique
ne peuvent être considérés comme nuls et sont même tellement élevés qu’aucun
individu en particulier ne pourrait les supporter seul.
11
Watts et Zimmerman (1978) pensent que toutes les théories comptables qui se
basent sur l’intérêt de groupe (intérêt général) ne constituent que des «excuses»
pour esquiver la vraie question alors qu’une bonne théorie devrait se baser
essentiellement sur l’intérêt personnel. Ce constat a justifié la formulation en 1986
de la théorie positive de la comptabilité.
Selon Popper (1959)7, une qualité essentielle d’une théorie scientifique est sa
réfutabilité. C’est dans ce sens qu’il suggère que tout paradigme soit déclaré
invalide lorsqu’un autre émerge et prend sa place. Mais cela ne veut pas dire qu’une
bonne théorie doit prédire tous les phénomènes correctement au risque d’être
rejetée. C’est d’un point de vue économique que Watts et Zimmerman (1978)
analysent la nécessité de disposer d’un cadre théorique solide de la comptabilité. En
effet, dans ce contexte, cette dernière doit être considérée comme un bien
économique qui fait l’objet, comme tout autre bien, d’interactions entre l’offre et la
demande.
1.1.1 Hypothèse fondamentale des contrats de rémunération
En général, l’instauration des plans de rémunération incitatifs dans les entreprises
est souvent conditionnelle au niveau du résultat comptable. Il s’ensuit que les
dirigeants favorisent les normes comptables qui ont un effet positif sur la
rémunération variable (bonus) des dirigeants.
Ball et Shivukumar (2008) suggèrent qu’il est logique de conclure que le rôle
primordial des états financiers est de faciliter la rédaction des contrats, qu’ils soient
des contrats de dettes ou des contrats de rémunération. En effet, les « full » IFRS8
concernent actuellement les entreprises ayant une obligation publique de rendre des
6
Philosophe des sciences, Popper (1959) suggère que les théories scientifiques sont
abstraites par nature et peuvent être testées seulement de façon indirecte, par référence à
leurs implications. Il s’ensuit qu’on ne peut confirmer une théorie scientifique mais qu’en
revanche, un contre-exemple des prédictions de cette théorie permet de la rejeter.
8
Par full IFRS, il faut entendre l’ensemble des normes internationales d’information
financière qui sont destinées à être utilisées par toutes les entreprises ayant une obligation
publique à rendre des comptes. Actuellement (Septembre 2012), les full IFRS sont
constituées de 40 normes et de 25 interprétations alors que les IFRS pour PME sont
constituées de 35 normes.
12
comptes qui, dans la plupart du temps, transigent à la grandeur de la planète,
s’endettent au niveau mondial et mettent en place des contrats de rémunération
«globaux», au niveau de l’ensemble du groupe. Dans ce sens, ces auteurs appuient
l’idée de Watts et Zimmerman (1986) selon laquelle le rôle économique principal
de la comptabilité n’est pas d’alimenter le marché boursier en informations
nouvelles, mais plutôt de faciliter la rédaction de contrats tels que les contrats de
dettes et les contrats de rémunération. En effet sur un échantillon de plus de 4 900
observations d’annonces de résultats, les résultats de Ball et al. (2008) indiquent que
la proportion de l’information totale incorporée dans les prix boursiers qui est
associée à l’annonce de résultats comptables est de seulement de 5 à 9%.
L’une des principales critiques de la prédiction de l’hypothèse fondamentale des
contrats de rémunération est que, selon Raffournier (1990), les contrats
d’intéressement sont d’un usage plus courant aux États-Unis où la part de la
rémunération variable peut aller jusqu’à 60%, et même au-delà, alors que dans
d’autres pays comme ceux d’Europe ce volet de la rémunération est inférieur à
35%. Il y a donc un problème majeur de généralisation de la prédiction en dehors de
l’économie américaine.
1.1.2 Hypothèse fondamentale des contrats d’endettement
Selon la théorie positive de la comptabilité, les dirigeants sont incités à prendre des
décisions de communication financière qui réduisent la probabilité que les clauses
de contrats de dettes, basées sur les données comptables, soient violées. Smith et
Warner (1979) et Holthausen et Leftwich (1983)9 précisent, quant à eux, que le
niveau d’incitation de ces dirigeants dépend de la probabilité de violation desdites
clauses.
Dichev et Skinner (2002) ont testé la validité de l’hypothèse fondamentale de
l’endettement. Ces auteurs partent de l’existence de deux courants de recherche. Le
premier avance l’idée selon laquelle les entreprises font le choix des normes
comptables dont la probabilité de violation des clauses d’emprunt est faible alors
9
Ces auteurs proposent que la théorie positive de la comptabilité soit aussi considérée
comme la théorie des conséquences économiques des choix comptables.
13
que le second est d’avis que les violations des clauses d’emprunt sont rares, mais
coûteuses pour les emprunteurs. L’étude fournit un éclairage nouveau sur le rôle
contractuel des clauses de conventions de dettes dans la résolution de conflits
d’intérêts entre les prêteurs et les emprunteurs corporatifs. Cette étude ajoute une
contribution importante à la littérature comptable qui se limitait essentiellement à
analyser les choix comptables des dirigeants des entreprises en difficulté de
paiement. La principale conclusion de l’étude renforce l’hypothèse des contrats
d’endettement. En effet, les résultats suggèrent l’existence d’un petit nombre
inhabituel de prêts avec des mesures financières juste en-dessous des seuils des
clauses d’endettement et un grand nombre inhabituel de prêts avec des mesures
financières juste au-dessus des seuils des clauses des contrats de dettes.
1.1.3 Hypothèse fondamentale des coûts politiques
Les coûts politiques sont dus à la visibilité des grandes entreprises. Ces dernières
font l’objet de suivi attentionné par plusieurs groupes incluant les pouvoirs publics,
les syndicats et autres parties concernées. Les grandes entreprises auront ainsi
avantage à favoriser l’adoption d’une norme comptable qui diminue le résultat
comptable net. En effet, pour une grande entreprise, plus le résultat est élevé, plus
elle attire d’attention de la part des pouvoirs publics. Une telle attention peut, dans
certains cas, mener à la mise sur pied de lois et règlements touchant directement le
secteur d’activités de ladite entreprise.
Les éléments suivants ont été dégagés par la théorie positive de la comptabilité :
(1) Le facteur fiscal: lorsqu’une norme comptable envisagée par les
normalisateurs peut vraisemblablement influencer les règles fiscales
futures, alors le comportement des entreprises en termes de lobbyisme
(trafic d’influence) est orienté par les effets futurs de la fiscalité.
Généralement, ce sont les plus grandes entreprises qui sont les plus
concernées car elles encourent des coûts politiques très élevés.
(2) La règlementation de certains secteurs économiques: les dirigeants des
secteurs règlementés soutiendront une nouvelle norme comptable qui a
pour effet de diminuer le résultat net puisqu’ils trouvent un prétexte
14
pour augmenter les tarifs (Ex. Hydro Québec au Canada). Ils se
comporteront de façon inverse dans le cas contraire.
(3) Les coûts de production de l’information comptable: Plus le coût de
production de l’information est élevé, moins les dirigeants sont enclins
à supporter la norme. Ces derniers exerceront en effet toute l’influence
dont ils sont capables pour faire modifier le contenu du projet de norme
comptable.
Ainsi, la théorie positive de la comptabilité suggère que dans les grandes entreprises
règlementées, les dirigeants préfèrent
les normes comptables qui font que le
bénéfice net calculé diminue, mais sans aucun impact négatif sur leur rémunération
alors que dans les petites entreprises, elles préfèrent des normes comptables qui font
que le bénéfice net augmente avec un effet positif sur leur rémunération.
1.1.4 Principales critiques de la théorie positive de la comptabilité
Toute théorie économique doit être analysée comme servant à expliquer le
processus politique qui préside au transfert de richesses entre les individus.
L’analyse de la théorie positive de la comptabilité distingue deux types
d’entreprises: les unes non règlementées au sein desquelles certaines informations
comptables (comme les états financiers audités) sont produites sans obligation
légale, et les autres règlementées par les pouvoirs publics comme les sociétés cotées
en bourse, les sociétés d’État, etc.
Dans le premier cas, la demande de théories comptables est justifiée, selon
Raffournier (1990) par au moins trois facteurs:
(1) Le premier est le facteur pédagogique. Il est expliqué par le fait que le manque de
pratiques uniformes des organisations amène les professeurs de comptabilité à
illustrer chaque norme comptable en mettant en évidence les différences de
traitement comptable dans différents secteurs industriels.
15
(2) Le deuxième facteur est la demande en information. Puisqu’il s’agit d’entreprises
non règlementées, la recherche veut prédire les effets des procédures comptables
sur la richesse des dirigeants (par exemple la comptabilisation des options d’achat
d’actions) et des auditeurs notamment à travers des poursuites légales éventuelles.
(3) Le dernier facteur est la demande de justification. Cette dernière provient des
dirigeants qui sont généralement tentés d’utiliser la comptabilité pour servir leurs
propres intérêts, notamment par le transfert de richesse en leur faveur. En effet,
c’est à partir des données comptables comme un très bon résultat net que les
dirigeants peuvent justifier une demande d’augmentation salariale ou l’octroi
d’options d’achat d’actions par leur entreprise.
Dans les secteurs économiques règlementés comme le secteur bancaire, celui des
assurances et du transport, on remarque un fort lobbyisme politique tant au niveau
des agences gouvernementales que de l’autorité règlementaire comptable. Par
ailleurs, la règlementation gouvernementale crée une demande pour les théories
comptables normatives en utilisant comme principal argument l’intérêt public. En
effet, toute règlementation gouvernementale, incluant la règlementation comptable,
est supposée être mise en place dans l’intérêt de la protection du public en général.
Dans le cas particulier de la règlementation comptable, les pouvoirs publics sont
supposés avoir à cœur la protection des investisseurs et des créanciers. C’est cet
argument qui fut à l’origine des principales théories comptables dites normatives.
Jeanjean (2007) fait un excellent survol des principales critiques faites à ce jour à
l’endroit de la théorie positive de la comptabilité, plus particulièrement sa
composante appelée théorie politico-contractuelle de la comptabilité. L’ensemble
des critiques recensées sont regroupées en trois aspects: l’aspect épistémologique,
les faiblesses du cadre théorique et la validation des hypothèses.
16
1.1.4.1 Aspect épistémologique de la théorie politico-contractuelle de la
comptabilité
L’objectif de cette théorie est d’expliquer et prédire les pratiques comptables. Or, le
critère de scientificité de Popper (1959) est qu’une proposition doit pouvoir être
réfutable dans le sens qu’il doit être possible d’en infirmer les prédictions par
l’observation ou la discussion. Puisqu’une théorie est une simplification de la
réalité, elle ne peut être réfutée que dès lors qu’une nouvelle théorie plus complète
est capable d’englober le maximum d’exceptions non prises en compte par la
précédente. Des différentes critiques, nous retenons celles de Christensen (1983) et
de Sterling (1990) commentées ci-après. Pour Christensen, la théorie positive de la
comptabilité serait basée sur une confusion entre les domaines du phénomène (les
entités comptables et les professionnels comptables) d’une part et sur un concept
dépassé de théorie positive tiré de la philosophie des sciences d’autre part. Il serait
donc plus approprié de parler de sociologie de la comptabilité dans le sens le plus
global faisant référence à l’histoire et à l’économie de la comptabilité. Pour Sterling
(1990), il y a lieu de mettre en doute le caractère scientifique de la théorie positive
de la comptabilité pour au moins trois raisons. D’abord il y aurait une certaine
confusion entre la carte (les états financiers) et le territoire (les biens économiques),
ensuite la théorie proposée se limiterait à l’étude positive des pratiques et des
professionnels comptables. Finalement, il ne serait pas prouvé que la démarche de
la théorie positive de la comptabilité soit en accord avec la science en général et la
science économique en particulier. Sterling trouve ainsi plus approprié de parler de
la théorie sur la comptabilité.
Selon Mouck (1990), il faudrait considérer que la théorie positive est un programme
de recherche comprenant les hypothèses de « l’École de Chicago », c’est-à-dire
celle de la théorie d’agence et des hypothèses auxiliaires. Mouck a en effet analysé
la théorie positive de la comptabilité en se basant sur le critère de falsification de
Popper (1959) et celui du statut scientifique de Lakatos (1970). Pour Popper, il est
impossible de prouver qu’une quelconque théorie est vraie mais, dans le meilleur
des cas, on peut prouver sa réfutabilité. Pour Lakatos, partant qu’aucune théorie ne
peut être prouvée vraie ou fausse, alors tout ce que la philosophie des sciences peut
espérer accomplir est une méthodologie qui peut être utilisée pour construire
rationnellement l’histoire de la pratique scientifique. Ainsi, en partant du fait que la
17
méthodologie de Lakatos des programmes de recherche scientifique serait
supérieure à celle de la réfutabilité de Popper, Mouck (1990) conclut que la théorie
positive de la comptabilité rencontre bien le critère de scientificité de Lakatos.
D’ailleurs Khun (1962), dans sa théorie des paradigmes, s’oppose au critère de
réfutabilité de Popper dans le sens que ce dernier ne tient pas
compte de la
distinction fondamentale entre science normale et science révolutionnaire10. Alors
que la science normale se développe dans une tradition de recherche donnée, la
science révolutionnaire rejette cette tradition et la remplace par un nouveau point
de vue du monde.
1.1.4.2 Faiblesses du cadre conceptuel de la théorie positive de la comptabilité
Les critiques mettent en cause les hypothèses fondamentales qui permettent les
prédictions de la théorie positive à savoir : la maximisation de l’utilité,
l’opportunisme des agents et leur passivité. Ainsi, selon les trois hypothèses
fondamentales de la théorie positive de la comptabilité, le dirigeant chercherait à
maximiser son utilité qui est fonction de sa rémunération, de la distance aux limites
fixées par les clauses contractuelles d’endettement et des coûts politiques, en tenant
compte de son horizon. En somme, les prédictions de la théorie positive de la
comptabilité se basent sur une spécification reliant l’incitation (l’utilité du manager)
au stimuli (rémunération, dette, coût politique). Ici, la principale critique de la
théorie est que ceci semble être en contradiction avec les stratégies de gestion du
résultat puisque, dans cette logique, le manager ferait abstraction de l’impact du
résultat comptable des années suivantes sur sa rémunération.
De plus, la mesure des coûts politiques est problématique puisqu’on utilise la taille
comme indicateur de la visibilité politique de la firme alors qu’on n’a pas pu
montrer le lien entre les coûts politiques et la visibilité politique. Pour l’hypothèse
de la dette, la littérature comptable utilise comme proxy le ratio d’endettement alors
que ce dernier ne capte pas nécessairement la proximité des limites maximales des
clauses contractuelles d’endettement.
10
Ici, on pense à la révolution scientifique de Copernic (1543) lorsque la science passe d’un
modèle d’univers fermé à celui d’un modèle ouvert et en perpétuelle expansion.
18
En définitive, les auteurs de la théorie positive de la comptabilité placent
l’information comptable au cœur des relations d’agence pour expliquer et prédire le
comportement des dirigeants et des normalisateurs dans le choix des méthodes
comptables. Pour cela, les deux premières hypothèses fondamentales sont inspirées
par le conflit d’intérêt entre les actionnaires et les dirigeants, alors que la dernière
(l’hypothèse des coûts politiques) est basée sur les relations avec l’environnement
politique.
Le tableau 1-I résume les études justifiant la théorie positive de la comptabilité
comme cadre d’analyse de notre recherche.
19
Tableau 1-I Synthèse des études justifiant la théorie positive comme cadre d’analyse
de la recherche
Auteurs et
Résultats de la recherche
année
Coase (1937)
La rédaction des contrats minimise les conflits entre les parties
prenantes dans une entreprise dont les intérêts sont souvent divergents.
Gordon (1964)
Les dirigeants, lors du processus de normalisation, sélectionnent les
normes qui maximisent leurs propres richesses.
Jensen (1976)
La littérature comptable, jusqu’à la fin des années 70, ne disposait pas
d’un cadre théorique solide puisqu’elle était basée sur la recherche
normative.
Jensen et
Au sein des organisations, il existe généralement des conflits d’agence
Meckling
entre le principal et l’agent.
(1976)
Peltzman (1976)
Face aux pressions des différents groupes d’intérêt sur le législateur, il
est difficile pour ce dernier d’être garant de l’intérêt général à travers
les lois et règlements.
Watts et
La théorie positive de la comptabilité a pour but d’expliquer et prédire
Zimmerman
les comportements des dirigeants dans les pratiques comptables de
(1986)
leurs entreprises respectives.
Raffournier
L’hypothèse
(1990)
difficilement applicable à l’extérieur des États-Unis.
Dichev et
Sur un grand échantillon, l’hypothèse fondamentale de la théorie
Skinner (2002)
positive de la comptabilité sur les contrats d’endettement est supportée.
Jeanjean (2007)
Malgré les critiques d’ordre méthodologique et conceptuel à l’égard de
fondamentale
des
contrats
de
rémunération
est
la théorie positive de la comptabilité, aucune autre théorie n’est, à ce
jour, susceptible de la remplacer.
Ball et
Même dans le contexte de la mondialisation, le rôle de la comptabilité
Shivukumar
reste de faciliter et surveiller les contrats puisque les entreprises
(2008)
s’endettent au niveau mondial et mettent en place des contrats de
rémunération globaux.
20
La théorie positive de la comptabilité nous offre un cadre adéquat pour analyser notre
question de recherche. Malgré les faiblesses constatées ici et là par certaines critiques, il
n’existe actuellement aucune théorie qui puisse la supplanter. Elle justifie donc le cadre
théorique d’analyse de notre question de recherche.
1.2 De l’harmonisation à la règlementation comptable internationale
Puisque le besoin de règlementation comptable s’est fait sentir depuis déjà le 17ème siècle,
il est très important de suivre et comprendre le chemin parcouru par la pratique
comptable. Pour cela, nous abordons successivement les notions de convergence et de
divergence des normes comptables.
1.2.1 Harmonisation ou convergence des normes comptables
Parler de l’harmonisation ou de la normalisation comptable internationale nous amène
implicitement à remonter, au moins brièvement, à l’origine lointaine de la comptabilité.
L’histoire de cette dernière est liée à celle de l’aventure humaine, et ses origines se situent
bien avant l’invention de l’écriture. En effet, Basu et Waymire (2006) sont d’avis que la
comptabilité a joué un rôle primordial dans la coopération entre les humains à travers
différentes époques de la civilisation, et ce depuis 8 000 ans avant Jésus-Christ,
correspondant à la période de l’invention de l’agriculture en Mésopotamie11. Ce fut le
début d’une économie de production, qui remplaçait alors l’économie de prédation (la
chasse et la cueillette).
C’est cependant avec l’invention de l’écriture que la comptabilité prit de l’essor. Vers
3200 avant Jésus-Christ, les chercheurs pensent que l’écriture cunéiforme a été inventée
pour permettre un meilleur enregistrement de l’activité économique et suppléer ainsi à la
faiblesse de la mémoire humaine qui ne peut tout retenir (Schmandt-Besserat,1995). Plus
précisément, à cette époque, on avait besoin de la comptabilité pour mettre par écrit l’état
de l’inventaire de la production et des stocks de biens. Il faudra cependant attendre la fin
du XVème siècle de notre ère pour que naisse officiellement la comptabilité en tant que
discipline du savoir humain, avec la publication du célèbre ouvrage de Luca
11
La plus grande partie de la Mésopotamie se trouve actuellement en Irak.
21
Pacioli12(1494), qui rendit populaire la pratique de la comptabilité en partie double. À
cette époque, on ne parlait pas encore de règlementation ni au niveau national, ni au
niveau international. En effet, c’est seulement depuis 1673 qu’une première
règlementation nationale vit le jour sous le règne du Roi Louis XIV (Richard, 2001). En
l’absence de toute forme de règlementation, la pratique comptable ne subissait aucune
influence des règles fiscales. C’est en 1914 que les premiers textes de règlementation
fiscale, en France notamment, ayant une incidence sur la règlementation comptable voient
le jour. Le début du vingtième siècle se caractérise aussi par la crise boursière de 1929 aux
États-Unis qui serait à l’origine de la prise en mains de la normalisation comptable par les
gouvernements. C’est dans ce contexte que la Securities and Exchange Commission (SEC)
a vu le jour en 1934 avec toute l’autorité nécessaire pour valider les normes comptables
proposées par le Financial Accounting Standards Board (FASB)13.
Sur le plan international, la comptabilité a pris son essor en 1973 lorsque neuf pays
(Allemagne, Australie, Italie, Canada, États-Unis, France, Japon, Mexique et RoyaumeUni) ont décidé de créer l’International Accounting Standards Committee (IASC)14. À
partir de 1975, ce nouveau normalisateur élabora les premières normes comptables
internationales (International Accounting Standards, IAS). Pendant près de deux
décennies depuis sa création, l’IASC n’a pu imposer ses normes comptables dans aucun
pays puisque leur adoption restait volontaire, à la discrétion des entreprises comme celles
opérant en Suisse (1988) ou en Allemagne (1993) qui ressentaient le besoin d’utiliser des
normes comptables non locales pouvant être acceptées par les marchés financiers
internationaux, surtout ceux domiciliés aux États-Unis.
Certains auteurs, comme Ali (2005), pensent que le nationalisme peut être un obstacle à
l’harmonisation comptable internationale. Colasse (2002) quant à lui souligne que jusque
récemment, il existait deux principaux modèles de référentiels comptables dans le monde,
12
Cet ouvrage «Summa de arithmetica, geometria, de proportioni et de proportionalita» de 614
pages fut le quatrième livre imprimé dans toute l’histoire de l’humanité après l’invention de
l’imprimerie moderne (1455) par l’Allemand Gutemberg.
13
Cet organisme, créé en 1973, a succédé à l’APB (AccountingPrinciplesBoard) qui avait
égalementl’autorité de proposer des normes comptables américaines à la SEC avant d’avoir
force de loi pour les entreprises qui y sont assujetties.
14
Cette organisation fut créée à l’initiative de M.Henry BENSON, associé du cabinet comptable
Coopers and Lybrand de Londres et qui en fut son premier président.
22
le modèle anglo-saxon et celui de l’Europe continentale. Derrière ces référentiels se
trouvent deux modes de gouvernance corporative différents, à savoir la gouvernance
actionnariale (Shleifer et Vishny, 1997) et la gouvernance partenariale (Charreaux et
Debrières, 1998) qui conçoivent respectivement la comptabilité comme un instrument
d’aide à la décision et un instrument de reddition des comptes. Dès lors, nous notons que
le cadre conceptuel de l’information financière de septembre 2010 de l’IASB s’est
définitivement rangé derrière la gouvernance actionnariale en nommant les investisseurs et
les créanciers comme utilisateurs principaux de l’information financière. C’est pourquoi,
dans cette recherche, nous analysons l’impact économique de l’adoption obligatoire des
IFRS aussi bien pour les investisseurs que les créanciers.
1.2.2 Convergence et divergence des normes comptables
Ding et al. (2008) ont analysé les différences entre les normes comptables locales et les
normes comptables internationales du point de vue de la mesure, des déterminants et des
conséquences. Cette étude met en lumière la relation complexe entre les facteurs
institutionnels reflétant l’environnement national et les différences entre les normes
locales et les IFRS. Cette situation a amené certains auteurs comme Daske et al.(2012) à
suggérer que les normes comptables locales évoluent dans un processus politique mettant
en équilibre les spécificités de l’environnement économique des utilisateurs et de leurs
objectifs. Ainsi, ces auteurs sont d’avis qu’il ne suffit pas, pour un pays quelconque,
d’adopter les IFRS pour améliorer le système comptable si ce dernier ne met pas en place
des changements profonds dans le domaine de sa politique économique, de ses
mécanismes de gouvernance et du fonctionnement de ses marchés financiers. Ding et al.
(2008) prennent leur appui sur une enquête internationale de 2001 pour laquelle les
différences comptables au niveau de chaque pays sont regroupées en deux catégories :

Différences constatées dues à l’absence de règles spécifiques sur la
comptabilisation et la mesure des transactions économiques. Il y a aussi
une absence de règles spécifiques relatives à la divulgation de ces
dernières.

Divergences entre les règles comptables locales et internationales
pouvant conduire à des différences dans les chiffres publiés aux états
financiers pour certaines entreprises. En effet, dans certains cas, des
23
transactions peuvent conduire à des traitements comptables différents
par rapport aux IFRS.
En utilisant un échantillon international comprenant trente pays, les auteurs ont
identifié cinq déterminants possibles pour faire une distinction entre absence de
normes comptables pour une transaction donnée et divergence entre les normes
comptables locales et les normes internationales. Il s’agit de l’origine légale, la
concentration de la propriété, le développement économique, l’importance de la
profession comptable et l’importance des marchés de capitaux. Plus précisément,
les résultats suggèrent que le niveau d’absence des règles de constatation, de mesure
ou de présentation de l’information financière est élevé dans les pays ayant à la fois
un marché boursier peu développé et un niveau de concentration de la propriété
élevé. Par contre, la divergence entre les normes comptables locales et les normes
internationales est positivement associée au niveau de développement économique
et de renforcement de la profession comptable. De plus, cette corrélation est
particulièrement élevée lorsqu’on prend en considération l’importance des marchés
boursiers.
Dans le domaine de la fiscalité, les autorités nationales se basent sur le résultat
global d’une entité pour déterminer la part des impôts et autres taxes qu’elle doit
payer. Dans ce contexte, Paul (2010) suggère qu’un résultat net découlant des
mêmes normes comptables d’un bout à l’autre de la planète aiderait énormément les
autorités. En effet, les normes internationales d’information financière rendraient
plus faciles les comparaisons basées sur des analyses comparatives et
opérationnelles utiles pour la conduite générale des affaires. En particulier, les
entreprises multinationales tireraient davantage profit de l’harmonisation des
normes car la communication de l’information financière à l’intérieur des groupes
deviendrait plus facile. Dans la même logique, il serait plus facile pour les
entreprises multinationales de se conformer aux diverses règlementations boursières
auxquelles elles sont assujetties.
Le tableau 1-II synthétise la littérature sur la règlementation comptable
internationale.
24
Tableau 1-II Résumé des articles sur la règlementation comptable internationale
Auteur et
Synthèse de la recherche
année
Schmandt-
Selon ces auteurs, l’écriture aurait été inventée pour permettre
Besserat
l’enregistrement comptable de l’activité économique.
(1995)
Richard
La mise en place de la première règlementation comptable a eu lieu
(2001)
sous Louis XIV en 1673.
Colasse
Il existe deux principaux modèles de référentiels comptables: le
(2002)
modèle anglo-saxon et celui de l’Europe occidentale. Ils sont
influencés respectivement par la gouvernance actionnariale et la
gouvernance partenariale.
Basu et
Dès le début de la civilisation, la comptabilité a joué un rôle de
Waymire
premier plan entre les humains en favorisant une certaine forme de
(2006)
coopération dans leurs activités économiques de production et
d’échange.
Ding et al.
Il existe une relation complexe entre les facteurs institutionnels
(2008)
nationaux et le référentiel comptable du pays. Ces facteurs reflètent
essentiellement l’environnement national et les différences entre les
normes comptables nationales et les normes internationales.
Paul (2010)
Un résultat net découlant des mêmes normes comptables d’un bout
à l’autre de la planète est souhaitable pour les autorités.
Daske et al.
Les normes comptables évoluent dans un processus politique tenant
(2012)
compte de l’environnement économique national. Le fait d’adopter
les IFRS n’est donc pas toujours un signal de haute qualité puisque
certains pays les adoptent comme un label.
Alors que certains avancent que l’écriture a été inventée pour faciliter l’émergence
de la comptabilité, il a été constaté depuis près de quatre siècles la nécessité de la
règlementation de la pratique comptable. Actuellement, les conséquences de
l’adoption obligatoire d’une règlementation comptable mondiale restent à explorer.
25
1.3 De la nécessité d’un référentiel comptable mondial unique
La théorie positive de la comptabilité dont l’objectif est d’expliquer et de prédire le
comportement des dirigeants et des normalisateurs dans le choix des méthodes
comptables a mis en évidence le fait que le lobbyisme joue un rôle très important
dans le processus de normalisation comptable. En effet, c’est à l’occasion de l’étape
de l’exposé-sondage que les parties intéressées au processus se manifestent pour
exposer et justifier leurs points de vue sur une norme comptable nouvelle ou une
modification portant sur une norme déjà existante. Il est donc important que nous
analysions en détail la littérature comptable sur le lobbyisme d’une part et le lien
entre les marchés boursiers et les normes comptables d’autre part.
1.3.1 Lobbyisme dans le processus de normalisation comptable
Le lobbyisme sur les questions comptables est défini comme « l’ensemble des
actions prises par les parties intéressées pour influencer l’organisme de
normalisation comptable » (Sutton, 1984). En partant de cette définition
généralement acceptée, Weetman et al.(1996) ont examiné deux questions à
savoir la motivation du lobbyisme et les conséquences potentielles lorsque
l’organisme de normalisation reçoit des informations biaisées d’un groupe
particulier.
Les auteurs ont fait ressortir trois thèmes: l’intensité de l’argumentation du
lobbyisme, le potentiel de sa stratégie et le non recours au lobbyisme par des
utilisateurs. Ils sont d’avis qu’en ce qui concerne la stratégie du lobbyisme, les
préparateurs des états financiers sont prêts à affirmer leurs opinions sur les besoins
des utilisateurs pour montrer leur prétendu désintérêt dans la position prise.
Cependant, selon la théorie positive de la comptabilité, les dirigeants d’entreprises
se positionnent et privilégient l’adoption des normes comptables qui ont un impact
favorable sur leur richesse personnelle. Ainsi, le non-recours au lobbyisme par les
utilisateurs sophistiqués s’expliquerait par le fait qu’ils rencontrent de façon
informelle les normalisateurs comptables.
26
Ici, il faut souligner que le processus de rédaction des normes comptables tant au
niveau national qu’au niveau international n’est pas neutre. Il apparaît d’ailleurs que
ledit processus est très similaire dans les pays développés de culture anglo-saxonne,
car les normalisateurs comptables orientent les normes vers les besoins des
investisseurs et des créanciers. En ce qui concerne le niveau international, l’on se
souviendra que l’initiative de l’harmonisation comptable internationale a été prise,
en 1973, par les grands cabinets internationaux, spécialement celui de Coopers. En
analysant les caractéristiques des universitaires et autres comptables professionnels
qui siègent au conseil de l’IASB, Brown (2006) suggère que de près ou de loin, ils
ont des liens avec l’un ou l’autre des quatre grands cabinets comptables
internationaux. Ces derniers exerceraient donc un lobbyisme indirect dans le
processus d’adoption des IFRS. En effet, l’adoption massive des IFRS au niveau
mondial facilite le travail des auditeurs d’un bout à l’autre de la planète lors de
l’exécution de leur mandat. Il est donc dans l’intérêt des grands cabinets d’audit des
états financiers d’avoir des liens privilégiés, fussent-ils indirects, avec les
normalisateurs comptables.
Georgiou (2004) s’est également intéressé au phénomène de lobbyisme corporatif à
l’égard de la normalisation comptable. Il analyse particulièrement les méthodes, le
timing et l’efficacité perçue dans le cadre de la pratique comptable au RoyaumeUni. Ainsi, une partie intéressée à un lobbyisme est présumée s’impliquer lorsque la
différence entre les deux conséquences possibles du processus de normalisation,
pondérée par la probabilité d’intervention dans ledit processus excède le coût du
lobbyisme. Au niveau du timing du lobbyisme, ce dernier peut avoir lieu dans trois
étapes préliminaires (étape de l’agenda, étape de l’avant-projet, étape du document
de discussion) ou trois étapes avancées (exposé-sondage, période de commentaires,
norme comptable). Les résultats de l’article suggèrent que les trois dernières étapes
sont les plus utilisées par les préparateurs des états financiers. Concernant les
méthodes de lobbyisme, au sein desquelles on distingue les méthodes directes
(communication
directe
avec
le
normalisateur)
des
méthodes
indirectes
(commentaires dans les médias par exemple), l’auteur est d’avis que les
préparateurs d’états financiers recourent peu à ces dernières. Qui plus est, les
résultats de l’étude amènent à conclure que les lettres de commentaires sont
27
généralement considérées comme un bon proxy pour l’activité de lobbyisme direct
auprès de normalisateurs comptables.
Outre les cabinets comptables, les autres parties prenantes dans le processus de
normalisation comptable internationale semblent être les grandes entreprises. Au
niveau de l’IASB, Larson (1997) a étendu la littérature sur la recherche dans le
domaine du lobbyisme comptable en testant l’applicabilité des résultats obtenus
dans le contexte américain, puisque généralement la littérature comptable avance
l’idée selon laquelle les parties prenantes interviennent dans le processus lorsque les
avantages excèdent les coûts. C’est aussi dans ce contexte que Watts et Zimmerman
(1986) affirment que le lobbyisme est principalement motivé par l’intérêt personnel
des intervenants, au lieu de l’intérêt public. En se basant sur un échantillon
international de quinze pays, au sujet de 17 exposés-sondages et 3 projets de prises
de position, pour la période de 1989 à 2004, les résultats de l’étude suggèrent que
les entreprises qui composent des lettres de commentaires sont grandes (30% des 50
plus grandes entreprises au monde font du lobbyisme) et aussi plus grandes (84%
dans 11 des 13 pays) que celles qui ne le font pas. De plus, la plupart de ces
entreprises qui écrivent les lettres de commentaires à l’IASB sont cotées à plusieurs
places boursières (78%) en plus de leur marché domestique. Ces conclusions nous
amènent à comprendre que les normes comptables sont le résultat d’un certain
compromis, obtenu souvent suite à des pressions politiques des parties prenantes au
processus de normalisation. Dès lors, puisque notre recherche s’appuie sur des
entreprises publiques, il est utile d’analyser la littérature sur les référentiels
comptables et les marchés financiers sur lesquels sont cotées différentes entreprises
de notre échantillon.
1.3.2 Référentiel comptable et marchés boursiers
De tous les temps, les crises économiques et financières ont joué un rôle très
important dans le remodelage du rôle de la comptabilité dans la vie économique et
sociale. Il suffit de penser à la période de la grande dépression des années 3015 qui
15
La grande dépression des années 1930 a éclaté le jeudi 24 octobre 1929, premier jour du
krach qui sera plus tard qualifié de « jeudi noir»,crise boursière initiée à Wall Street.
28
incita les pouvoirs publics américains à la mise sur pied d’une autorité centrale de la
règlementation boursière, la Securities and Exchange Commission (SEC). Cette
dernière est entre autres chargée d’adopter les normes comptables proposées par le
Financial Accounting Standards Board (FASB)16.
Depuis les années 2001 et 2002, les scandales financiers qui se sont produits
principalement aux États-Unis, mais aussi en Europe, ont fait sérieusement douter
de la pertinence des normes comptables basées sur des règles, telles que celles
qu’on rencontre aux États-Unis17. En effet, ce genre de normes comptables n’a plus
la pleine confiance des investisseurs et créanciers qui sont identifiés comme
principaux utilisateurs de l’information financière selon le cadre conceptuel
commun de l’IASB et du FASB de septembre 2010, quant à leur capacité de prévoir
correctement les flux monétaires futurs.
Depuis 1998 déjà, certains pays européens comme la Belgique, la France,
l’Allemagne et l’Italie autorisent leurs entreprises à utiliser de façon anticipée les
IFRS (Bhimani, 2008). Ainsi, selon cet auteur, dans le contexte de globalisation des
activités économiques au sein desquelles des liens et des interconnexions continues
existent, l’adoption d’un ensemble unique de normes d’information financière est
justifiée. Avec la mondialisation de l’économie, il s’est avéré indispensable que la
comptabilité, qualifiée souvent de langage des affaires, soit également «
mondialisée ». Ainsi, à travers l’histoire récente de la comptabilité, certains
éléments ont été identifiés comme pouvant favoriser ou freiner l’harmonisation
comptable internationale. C’est dans ce contexte que Disle et Noël (2007) proposent
une analyse de quelques facteurs favorisant la normalisation comptable
internationale. Il s’agit du facteur technologique qui est illustré par les changements
rapides notamment dans le domaine des télécommunications et du facteur
économique et politique illustré par la mondialisation et le renforcement de l’Union
16
17
Durant les premières années qui ont suivi la crise de 1929, c’est l’AICPA (American
Institute of Certified Public Accountants) qui était chargée de proposer les normes
comptables à la SEC pour approbation.
Le scandale financier le plus spectaculaire est celui de la société ENRON survenu en
décembre 2001et qui provoqua également la faillite de son auditeur, le Cabinet
comptable Arthur Andersen, qui faisait alors partie des cinq plus grands cabinets
comptables au monde, les Big 5.
29
Européenne.
Les
auteurs
citent
également
l’existence
des
organisations
internationales comme l’International Organization of Securities Commissions
(IOSCO) et le facteur financier qui se traduit par la volonté des entreprises
d’abaisser leur coût du capital. Ces différents facteurs font que les décideurs
politiques ont des incitatifs pour adopter rapidement les IFRS.
Alors que la création de l’IASC remonte à 1973, il faudra attendre 1995 pour que
cette dernière ait un soutien formel de l’IOSCO, mais conditionnelà la clarification
de ses normes et par l’élimination, autant que faire se peut, de la multiplicité des
choix comptables autorisés pour une transaction donnée. Le 17 mai 2000, la même
organisation a, suite à l’amélioration des IFRS, recommandé aux différentes
autorités boursières membres d’accepter les états financiers des entreprises élaborés
selon le référentiel comptable international. Cette date est considérée comme le
parachèvement du processus initié en 1995 par l’IASC. L’étape suivante fut pour
l’IASC de minimiser toute influence politique sur le processus de normalisation
comptable en procédant à la restructuration du fonctionnement de ses organes.
L’IASC céda ainsi le pas à l’International Accounting Standards Board (IASB) qui
vit le jour le 1er Avril 2001. Ce dernier rend compte de ses activités à l’IFRS
Foundation18. De plus, le changement de dénomination des normes comptables
internationales (IAS) pour devenir les normes internationales d’information
financière (IFRS) traduirait la volonté de rapprocher l’information comptable des
besoins du marché. Nous utiliserons dans la suite de cette thèse le terme IFRS pour
désigner aussi bien les normes émises avant le 1er avril 2001 (les IAS) que celles qui
l’ont été après cette date (les IFRS).
L’harmonisation comptable a donné lieu à une littérature assez dense depuis le
début des années 1960. Ainsi, Ali (2005) fait un excellent survol sur la recherche
empirique portant sur l’harmonisation comptable internationale et la conformité
avec les IFRS. Essentiellement, l’auteur relève qu’il existe deux types de recherches
empiriques, à savoir les pratiques d’harmonisation et les études sur la conformité. Si
seulement quelques entreprises utilisent plusieurs méthodes autorisées par l’IASB,
18
Cette nouvelle dénomination remplace celle de IASC Foundation depuis septembre
2009.
30
alors le niveau de conformité est élevé mais le niveau d’harmonisation est faible.
Par contre, si plusieurs entreprises utilisent la même méthode, alors le degré
d’harmonisation peut être élevé, mais le degré de conformité aux IFRS peut être
faible. Actuellement, avec l’adoption obligatoire des IFRS par la plupart des
économies avancées, on assiste simplement à une standardisation puisque les entités
concernées doivent se conformer aux seuls choix autorisés par l’IASB. Bien avant
l’article ci-dessus, Emenyonu et Gray (1992) avaient identifié trois facteurs qui
motivent le débat sur l’harmonisation comptable internationale: la globalisation des
marchés financiers, la croissance des entreprises multinationales et la participation
des organisations internationales. À cette époque, les IFRS étaient peu connues et le
débat sur leur pertinence était encore à un stade embryonnaire. D’autres études,
comme celle d’Ali et al. (2004), ont identifié les caractéristiques des entreprises qui
se conforment volontairement aux IFRS, soit le caractère international, la taille,
l’endettement, l’intensité du capital, la rentabilité et la réputation de l’auditeur.
Dans le cas de l’Union Européenne, l’on comprend dès lors pourquoi il est requis
aux entreprises de grande taille de se conformer aux full IFRS
Selon le processus européen d’adoption des normes comptables, les IFRS furent
acceptées en bloc, à compter du 1er janvier 2005, à l’exception notable des normes
IAS 32 et IAS 3919 relatives aux instruments financiers. Le point de discorde se
trouvait au niveau de la juste valeur qui devait être utilisée pour leur
comptabilisation.20 Par le fait même de la controverse créée par l’introduction de la
juste valeur au sein des milieux professionnels et académiques, le sujet devient
intéressant pour la recherche comptable. Par exemple, Daske (2006) suggère que
l’Union Européenne a décidé d’imposer les IFRS, caractérisées par l’utilisation de
la juste valeur, aux entreprises européennes pour au moins deux raisons. Il s’agit de
l’échec d’une reconnaissance mutuelle des normes comptables entre l’Europe et les
États-Unis d’une part et d’une amélioration sans succès des 4ème et 7ème directives
19
Entre 2010 et 2011, l’IASB a remplacé graduellement le contenu de la norme IAS 39
Instruments financiers: Comptabilisation et évaluation par l’IFRS 9 Instruments
Financiers dont la date d’entrée en vigueur est le 1er janvier 2015.
20
Des pressions politiques, notamment celles du président Jacques Chirac à l’effet que les
dirigeants risquent d’être tentés par une vision à court terme de leurs entreprises,
amenèrent l’IASB à présenter une autre version des deux normes avant d’être acceptées
par leur principal «client», l’Union Européenne.
31
européennes d’autre part.21 Pour la première raison, une telle reconnaissance aurait
permis aux entreprises européennes cotées sur une bourse américaine d’être
dispensées de l’obligation de conciliation de leurs états financiers en normes
comptables américaines. Pour la deuxième raison, l’amélioration des deux
directives européennes aurait permis de jeter les bases d’un ensemble de normes
comptables européennes. Malgré l’adoption massive des IFRS par les différents
pays, le paradoxe est que leur émetteur, en l’occurrence l’IASB, n’a pas d’autorité
pour imposer lesdites normes et se voit obligé de recourir à une institution externe
comme l’IOSCO, ou aux autorités nationales. 22
1.3.3 Objectifs du normalisateur comptable international
En tant qu’organisme ultime de normalisation, l’IFRS Foundation23 s’est donné
quatre objectifs, à savoir 24:
a) Développer, dans l’intérêt du public, un ensemble unique de normes comptables
de haute qualité, compréhensible et applicable, et qui requiert une information de
haute qualité, transparente et comparable dans les états financiers et autres formes
de communication financière pour aider les participants aux marchés de capitaux
du monde et autres utilisateurs qui prennent des décisions économiques;
b) Promouvoir l’utilisation et l’application rigoureuse de ces normes comptables;
c) En conformité avec les objectifs énumérés en (a) et (b), tenir compte, de façon
appropriée, des besoins spécifiques des petites et moyennes entités et des
économies émergentes; et
21
La 4ème directive européenne (1978) coordonnait les dispositions nationales des États
Membres concernant la structure et le contenu des comptes annuels et du rapport de
gestion,les modes d'évaluation ainsi que la publicité de ces documents pour l'ensemble
des sociétés de capitaux. La 7ème directive européenne (1983), quant à elle, coordonnait
les règlements nationaux sur les comptes consolidés.
22
En France, le Gouvernement a créé en 2008 un nouvel organisme de règlementation
comptable appelé l’Autorité des normes comptables (ANC) dont le rôle serait
principalement de renforcer l’application des IFRS en France. Au niveau mondial, nous
ne retrouvons aucun organisme équivalent.
23
L’IFRS Foundation a le statut d’un organisme à but non lucratif et supervise les activités
de règlementation de l’IASB.
24
Source: Site web de l’IFRS Foundation, www.ifrs.org
32
d) Amener la convergence des normes comptables nationales et les IFRS vers des
solutions de haute qualité.
C’est notamment dans le cadre de la mise en œuvre du quatrième objectif que
l’IASB a entrepris des démarches de rapprochement avec les principaux
normalisateurs nationaux du monde tels que celui des États-Unis (le Financial
Accounting Standards Board, FASB) et du Japon (Accounting Standards Boards of
Japan, ASBJ). De plus, l’IASB a signé le Memorandum of Understanding (MOU)
le 29 octobre 2002 (Norwalk Agreement) et reconduit en 2006. Avec cette entente,
le FASB s’engageait dans la convergence de ses normes comptables basées sur des
règles avec les normes internationales d’information financière basées sur des
principes. Sa mise en application a abouti à l’abolition de la réconciliation des états
financiers élaborés selon les IFRS avec les normes comptables américaines (US
GAAP) pour les entreprises étrangères cotées sur les marchés financiers
américains25. Sur le plan technique, les deux principaux normalisateurs ont mis sur
pied un nouveau cadre conceptuel dont la première phase a été complétée en
septembre 2010. Ce dernier dépasse le simple cadre des objectifs des états
financiers pour embrasser tout le périmètre de l’information financière26.
Nous résumons dans le tableau 1-III ci-après la littérature sur la nécessité d’un
référentiel comptable mondial unique.
25
26
La SEC accepte que les états financiers préparés en conformité avec les IFRS telles
qu’elles ont été publiées par l’IASB applicables aux états financiers au titre des exercices
clos après le 15 novembre 2007 ne soient plus soumis à la conciliation comptable selon le
formulaire 20-K.
En mai 2012, l’IASB a orienté la finalisation du nouveau cadre conceptuel en le
structurant en un projet unique (et non par phases) de la façon suivante :
(1) Objectifs de l’information financière
(2) Concept de l’entité comptable
(3) Caractéristiques qualitatives de l’information financière
(4) Définitions des éléments des états financiers
(5) Évaluation des éléments des états financiers
(6) Présentation et informations à fournir
Le nouveau cadre conceptuel devrait être complété d’ici septembre 2015.
33
Tableau 1-III Synthèse de la littérature sur la nécessité d’un référentiel
comptable mondial unique
Auteurs
Résumé
Sutton (1984)
Le lobbyisme vise à influencer le processus de normalisation
comptable. Toute intervention est décidée sur la base d’un calcul
des avantages anticipés en rapport avec les coûts attendus. Elle est
donc motivée par des intérêts personnels et non la protection du
public.
Emenyonu et
Le débat sur l’harmonisation comptable internationale est motivé
Gray (1992)
par la globalisation des marchés financiers, la croissance des
entreprises multinationales et la participation des organisations
internationales.
Weetman et
Le processus de rédaction des normes comptables n’est pas neutre
al. (1996)
car il subit des pressions de la part des parties prenantes.
Larson
Les parties prenantes interviennent dans le processus de
(1997)
normalisation lorsque les avantages attendus excèdent les coûts du
lobbyisme.
Ali et al.
L’étude identifie les caractéristiques des entreprises qui se
(2004)
conforment
volontairement
aux
IFRS
comme
la
taille,
l’endettement, la rentabilité et la réputation de l’auditeur.
Georgiou
Les lettres de commentaires constituent un bon proxy pour
(2004)
l’activité de lobbyisme direct auprès des normalisateurs
Brown
Les organismes de normalisation comptable ont des liens directs
(2006)
ou indirects avec les grands cabinets comptables.
Disle et Noël Les décideurs politiques ont des incitatifs qui sont directement
(2007)
reliés à la mondialisation pour adopter les IFRS.
Bhimani
La normalisation internationale de la comptabilité, qualifiée de
(2008)
langage des affaires, est justifiée par la mondialisation
économique.
Au cours du processus de règlementation comptable, le lobbyisme des parties
intéressées reste incontournable. Ce constat nous amène à nous questionner sur la
véritable place de l’intérêt public dans ce processus puisque chaque partie prenante
met de l’avant ses propres intérêts.
34
1.4 Nouveau cadre conceptuel de l’information financière
L’objectif de convergence des normes comptables nationales et les IFRS a amené le
normalisateur comptable mondial à mettre sur pied un nouveau cadre conceptuel
conjoint entre l’IASB et le FASB. Nous résumons ci-après le contenu des trois
premiers chapitres.
1.4.1 Objectifs de l’information financière
Selon le premier chapitre du nouveau cadre conceptuel de l’information financière
de l’IASB (2010), l’objectif de la communication financière à usage général est de
fournir l’information financière au sujet de l’entité concernée qui est utile aux
investisseurs actuels et potentiels, aux prêteurs et autres créanciers dans la prise de
décisions au sujet de l’allocation des ressources à l’entité (Cadre conceptuel de
l’information financière, paragraphe OB 2).
Les décisions par les investisseurs actuels au sujet de la vente, de l’achat et de la
détention des instruments de capitaux propres et de la dette reposent sur le
rendement attendu d’un investissement dans ces instruments, par exemple les
dividendes, le paiement du principal et des intérêts ou autres rendements attendus.
Les attentes des investisseurs, prêteurs et autres créanciers au sujet des rendements
dépendent de leur évaluation du montant, du rythme et de l’incertitude entourant la
perspective des flux de liquidités futurs (cadre conceptuel de l’IASB, paragraphe
OB 3).
1.4.2 Entité comptable
Le deuxième chapitre du cadre conceptuel de l’IASB définit la notion d’entité
comptable. Cette dernière est un ensemble circonscrit d’activités économiques dont
l’information financière est susceptible d’être utile aux investisseurs en capitaux
propres, aux prêteurs et aux autres créanciers actuels et potentiels qui ne peuvent
obtenir directement l’information dont ils ont besoin (Paragraphe RE 2). De plus,
l’entité comptable a trois caractéristiques :
35
a) Les activités économiques de l’entité, sont conduites, ont été conduites
ou seront conduites
b) Ces activités économiques peuvent être objectivement distinguées de
celles d’autres entités et de l’environnement économique dans lequel
l’entité existe.
c) L’information financière au sujet des activités économiques a le
potentiel d’être utile dans la prise de décisions sur l’allocation de
ressources à l’entité et pour évaluer si la direction et le conseil
d’administration de cette entité ont utilisé avec efficience et efficacité
les ressources fournies (Paragraphe RE 3).
Puisque le nouveau cadre conceptuel de l’IASB (commun avec le FASB) considère
également les créanciers comme des principaux utilisateurs de l’information
financière au même titre que les investisseurs en tant que fournisseurs de capitaux,
nous nous intéressons dans cette recherche aux deux catégories d’utilisateurs de
l’information financière en IFRS.
1.4.3 Caractéristiques qualitatives de l’information financière et contraintes de
prise de décision
Le nouveau cadre conceptuel de l’information financière introduit, dans son
troisième chapitre, une innovation en ce qui concerne la hiérarchie des
caractéristiques qualitatives de l’information financière. En effet, le paragraphe
QC1 dudit cadre définit les caractéristiques qualitatives comme les qualités qui
rendent l’information financière utile. Désormais, l’IASB distingue celles qui sont
essentielles et celles qui sont auxiliaires, en fonction de leur effet sur l’utilité de
l’information. Qu’elle soit dans l’une ou l’autre catégorie, chaque caractéristique
qualitative contribue à l’utilité de l’information financière.
Dans ce contexte, les caractéristiques qualitatives essentielles sont la pertinence et
la représentation fidèle. On dit généralement qu’une information est pertinente si
elle est susceptible d’influencer les décisions prises par les utilisateurs en tant que
fournisseurs de capitaux. De plus, l’information financière est susceptible
d’influencer les décisions lorsqu’elle a une valeur prédictive, une valeur de
confirmation ou les deux.
36
Par ailleurs, le nouveau cadre conceptuel de l’information financière suggère qu’une
information financière donne une représentation fidèle quand elle dépeint un
phénomène économique de façon complète, neutre et exempte d’erreurs
significatives (substance économique privilégiée par rapport à la forme juridique) 27.
Une représentation complète inclut généralement des descriptions et explications
nécessaires pour un utilisateur pour comprendre le phénomène. De plus, une
présentation neutre exclut toute manipulation qui aurait pour effet d’accroitre la
probabilité
que
l’information
financière
soit
reçue
favorablement
ou
défavorablement par les utilisateurs. Enfin, l’absence d’erreurs significatives
suppose qu’il n’existe pas d’erreurs ou omissions dans la description du phénomène
économique et que le processus utilisé pour produire l’information communiquée a
été sélectionné et appliqué sans erreurs.
Pour rehausser l’utilité de l’information caractérisée par la pertinence et la
représentation fidèle, il faut également que cette information ait les caractéristiques
auxiliaires suivantes : la comparabilité, la vérifiabilité, la rapidité de publication et
la compréhensibilité. Selon le paragraphe QC 21, la comparabilité est la
caractéristique qualitative qui permet aux utilisateurs d’identifier et de comprendre
les ressemblances et les différences entre les items. Selon le paragraphe QC 26, la
vérifiabilité signifie que des observateurs avisés et indépendants pourraient atteindre
un consensus, ce qui n’est pas nécessairement un accord complet sur le fait qu’une
représentation particulière est une représentation fidèle. En ce qui concerne la
rapidité de publication, le paragraphe QC 29 suggère qu’il s’agit du fait qu’une
information devrait être rapidement disponible pour être capable d’influencer les
décisions des personnes intéressées. Généralement, plus une information est vieille,
moins elle est utile. Enfin, pour qu’une information soit compréhensible, et en
référence au paragraphe QC 30, elle doit être classée et présentée clairement et de
façon concise. Cette prééminence de la pertinence et de la représentation fidèle sur
les autres caractéristiques qualitatives démontre clairement l’orientation en faveur
des fournisseurs de capitaux (investisseurs et créanciers) que l’IASB a prise.
27
Nous pouvons citer le cas de la norme IAS 17 sur les contrats de location qui, si toutes
les conditions sont rencontrées, oblige, pour le locataire, la constatation des dépenses de
loyer comme un actif au lieu d’une charge.
37
1.5 Conclusion du premier chapitre
Bien que la normalisation comptable se joue désormais au niveau mondial, il n’en
demeure pas moins que le processus d’adoption des normes comptables reste
dominé par les principaux intervenants, dirigeants d’entreprises, grands cabinets
comptables et les pouvoirs publics. C’est dans ce sens que la notion de lobbyisme
dans le domaine comptable telle que commentée dans ce chapitre appuie la
pertinence du cadre théorique que nous avons choisi pour analyser notre question de
recherche.
Nous avons vu que la théorie positive de la comptabilité repose sur la théorie
d’agence et la théorie de la règlementation. Selon la première, le système de
coordination des activités repose sur la délégation et sur les relations implicites ou
explicites de mandat. Face à l’asymétrie d’information des contractants, des clauses
limitatives ou incitatives sont nécessaires pour réduire les divergences d’intérêt
mandat-mandataire et limiter le comportement présumé opportuniste des
mandataires (Casta, 2009). Selon la théorie de la règlementation, en l’appliquant au
domaine de la comptabilité, le processus de normalisation comptable est vu comme
une compétition entre les parties prenantes pour maximiser leurs intérêts. Dans ce
sens, nous avons choisi d’analyser l’impact économique de l’adoption obligatoire
des IFRS sur les préparateurs de l’information financière, les investisseurs et les
créanciers.
Nous approfondissons les écrits comptables sur l’adoption obligatoire des IFRS au
chapitre suivant qui met un accent particulier sur les principales parties prenantes au
processus communicationnel de l’information financière.
CHAPITRE II
ADOPTION OBLIGATOIRE DES NORMES INTERNATIONALES
D’INFORMATION FINANCIÈRE ET PARTIES PRENANTES
Dans ce chapitre, nous passons en revue la littérature sur la notion de qualité des normes
comptables (section 2.1), les principales parties prenantes et l’analyse des avantages
économiques de l’information financière en IFRS (section 2.2), et l’analyse des avantages
économiques de l’adoption des IFRS pour l’ensemble de l’économie (section 2.3). Nous
terminons par la conclusion du chapitre (section 2.4).
2.1 Les normes internationales d’information financière sont-elles de haute qualité ?
L’enjeu de la normalisation comptable internationale est intimement lié à la qualité
supposée de niveau supérieur des normes comptables qui en sont issues, par rapport aux
normes comptables nationales. Il est dès lors utile de comprendre la notion de qualité de
l’information et des caractéristiques de l’information en IFRS comme la juste valeur des
données comptables.
2.1.1 Notion de qualité de l’information financière
La notion de qualité de l’information financière n’est pas définie comme telle. Par contre,
le cadre conceptuel de l’information financière de l’IASB de septembre 2010 parle de
« caractéristiques qualitatives » définies comme étant les qualités qui rendent
l’information financière utile. Ces caractéristiques ont été passées en revue au premier
chapitre.
La qualité de l’information financière est au cœur même du débat suite à l’adoption
obligatoire des IFRS à travers le monde. Il suffit de penser aux derniers scandales
financiers du début de ce 21ème siècle (2001) avec les faillites spectaculaires d’Enron,
WordCom, Adelphia, Sunbeam, Waste Management, etc. Des auteurs comme Diamond et
Verrecchia (1991) sont d’avis qu’une bonne divulgation transforme une information
39
privée en information publique, réduisant ainsi l’asymétrie d’information et dont la
conséquence présumée est l’augmentation de la liquidité et la diminution du coût en
capital.
Pour Disle et Noël (2007), l’adoption des IFRS s’accompagne des principaux
changements suivants: (1) Pour les pays de l’Europe continentale, le passage d’une
approche juridique à une approche économique de la comptabilité28
(2) le passage d’une comptabilité au coût historique à la comptabilité à la juste valeur
De plus, les IFRS imposent un changement de système de mesure, par leur passage de
l’évaluation du coût historique à celle à la juste valeur, dans la production et la diffusion
d’informations financières (Ledouble, 2005). On pourrait associer à ce changement de
paradigme le changement de terminologie intervenu le 1er avril 2001 qui fit passer la
dénomination de normes comptables internationales (IAS) à celle de normes
internationales d’information financière (IFRS). Ainsi, la comptabilité ne doit plus être un
simple système de collecte, de saisie et de traitement de l’information, mais plutôt un
système de communication financière au service des fournisseurs de capitaux, à savoir les
investisseurs et les créanciers.
Sous l’impulsion de l’IASB et du FASB, l’importance du concept de juste valeur (Fair
value) se manifeste dans la comptabilité internationale. Selon la norme IAS 32, la juste
valeur est le montant pour lequel un actif peut être échangé ou un passif émis entre deux
parties volontaires et bien informées dans le cadre d’une transaction à intérêts
contradictoires.
La question de la qualité des normes comptables est d’une grande importance puisque ses
principaux utilisateurs s’interrogent sur leur contenu informationnel par rapport aux
décisions d’affectation de ressources économiques qu’ils ont à prendre. Pour répondre à
cette question, Barth et al. (2008) ont commencé par définir ce que devrait être une
information comptable de haute qualité. D’après ces auteurs, les caractéristiques d’une
telle information portent sur la gestion du résultat et la pertinence de la valeur. Une
information de haute qualité doit générer un bénéfice net avec peu de recours à la gestion
28
En effet, alors qu’en Europe continentale l’enregistrement des transactions se basait sur leur
cadre legal, l’adoption des IFRS favorise la substance économique.
40
du résultat (earnings management). Ceci se traduit concrètement par les éléments suivants:
une faible fréquence de faibles résultats nets positifs, et une faible corrélation négative
entre les accruals et les flux de liquidité du fait que leur présence traduirait un lissage de
résultats au cours des années. Les autres éléments à prendre en considération sont la
présence d’un ratio élevé entre la variance dans le changement du bénéfice net et le
changement dans les liquidités et, finalement, une grande variation dans le bénéfice net.
S’il y a des changements importants dans le bénéfice net d’une année à l’autre, on
présume généralement qu’il y a très peu de recours à la gestion de résultats. Quant à la
pertinence de la valeur (value relevance), les éléments à considérer sont: le rapport entre le
bénéfice net et le prix boursier, et le rapport entre la valeur aux livres des capitaux propres
et le prix boursier. Plus ces rapports sont proches de 1, plus la valeur comptable publiée
est pertinente. Ainsi, l’étude de Barth et al. (2008), se basant sur un échantillon de vingtet-un pays ayant adopté volontairement les IFRS entre 1994 et 2003, conclut que ces
dernières sont de qualité supérieure. Il s’agit en fait d’une comparaison entre ces
entreprises et des firmes non-américaines qui ont continué à utiliser les normes comptables
locales, sur les périodes avant et après l’adoption desdites normes. En effet, les entreprises
qui ont adopté les IFRS sont caractérisées par un faible lissage de résultat, une faible
gestion de résultat par rapport à une cible, une comptabilisation rapide des pertes et une
grande corrélation entre les données comptables et les cours boursiers d’une part et les
rendements boursiers d’autre part. Les résultats de cette étude sont encourageants pour les
pays qui planifient d’adopter les normes internationales d’information financière.
Selon Kothari (2000), la qualité de l’information financière est fonction de la conformité
aux normes comptables. Par contre, la promotion des IFRS telle que rencontrée tant dans
les discours du normalisateur international (IASB) que de la SEC (Levitt, 1998), se
concentre davantage sur les entreprises en tant qu’émetteurs de l’information comptable.
À notre avis, une analyse complète devrait également tenir compte des utilisateurs de
l’information financière. Dans le contexte de l’économie suisse par exemple, l’adoption
volontaire des IFRS serait la conséquence de leur haute qualité puisque les entreprises
suisses qui appliquent les IFRS souffrent de moins d’asymétrie d’information que celles
qui utilisent les normes comptables locales (Kothari, 2000).
Ashbaugh (2001) s’est intéressé, quant à lui, aux caractéristiques des entreprises non
américaines qui publient volontairement leurs informations financières selon les normes
41
comptables américaines ou les IFRS. L’échantillon est constitué de 211 entreprises non
américaines cotées à la Bourse de Londres. À partir des résultats de l’étude, on déduit
qu’il existe des différences statistiquement significatives au niveau des caractéristiques des
entreprises préparant leurs états financiers selon les IFRS ou les US GAAP par rapport à
celles qui les préparent en normes comptables locales. Ainsi, les entreprises originaires de
pays avec des normes comptables moins rigoureuses sont plus disposées à utiliser les
normes comptables internationales. De plus, les entreprises non américaines ont tendance
à adopter volontairement les IFRS lorsqu’elles sont cotées sur plusieurs places étrangères.
Par ailleurs, il ressort de l’étude que les entreprises non américaines choisissent un
ensemble de normes comptables plus strictes lorsque les avantages qu’elles en retirent
excèdent les coûts qui leur sont associés. Cette conclusion conforte aussi l’idée
généralement répandue selon laquelle l’une des caractéristiques des normes comptables de
haute qualité est que ces dernières génèrent une information financière transparente et
comparable.
Malgré les avantages des IFRS relevés par Ball (2006), il reste vrai que certaines
faiblesses peuvent être décelées. En effet, les normes comptables en elles-mêmes ne
déterminent pas la qualité des états financiers ni celle de la communication financière.
Dans ce contexte, Ball et al. (2003), en examinant de façon comparative les pratiques
comptables dans quatre pays (régions) asiatiques (Malaisie, Singapour, Thaïlande et
Hong-Kong), arrivent à la conclusion que la qualité de l’information financière ainsi
produite est faible même si ces pays ont des normes dérivées des sources du common law
(États-Unis, IASB, Royaume-Uni). Une bonne analyse des qualités des normes
comptables devrait dès lors tenir compte des facteurs économiques et politiques qui
influencent les incitatifs des dirigeants et des auditeurs. Ces incitatifs sont l’influence
politique, le contrôle familial des entreprises et les mécanismes faibles d’application des
normes comptables. Les résultats de cette étude relativisent ainsi le rôle des normes
comptables prises isolément dans la production d’une information financière transparente.
Dans le cadre de la production et l’utilisation de l’information financière en IFRS, Hope et
al. (2006) présument que pour l’émetteur des états financiers, les avantages suivants sont
attendus: la diminution du coût du capital, l’augmentation de la valeur de l’entreprise,
l’augmentation du volume de transactions et l’amélioration de la réputation de l’entreprise.
Les auteurs ajoutent que les coûts de transaction sont faibles pour les préparateurs
42
puisqu’ils se conforment à un seul jeu de normes comptables, peu importe la place
boursière à laquelle les entreprises concernées sont cotées. Pour les utilisateurs des états
financiers, les auteurs présument que les actionnaires minoritaires, les investisseurs
étrangers et les gouvernements profitent de la diminution du coût du capital. De plus, il y a
économie de temps et d’énergie pour l’interprétation des états financiers selon un
ensemble unique de normes comptables, au moins du fait que la comparaison en est
facilitée.
De leur côté, Paiva et Lourenço (2010) ont analysé les caractéristiques des entreprises ou
les initiatives prises par ces dernières qui influencent la qualité de leur comptabilité et ce
dans le contexte de l’application des IFRS. Les auteures utilisent une analyse de régression
multivariée portant sur divers modes de gestion des bénéfices et en se basant sur un
échantillon composé d’entreprises françaises et britanniques cotées en bourse, durant la
période de 2006 à 2008. Les auteurs partent du fait qu’il faut analyser soigneusement les
caractéristiques suivantes : la taille de la firme, le fait que l’auditeur soit un des quatre
grands cabinets au monde (Big 4), le niveau de capitaux nécessaires à l’exploitation, la
place de cotation boursière et la valeur de l’émission des actions. L’étude montre qu’au
Royaume-Uni, la qualité de la comptabilité est élevée pour les grandes firmes et pour
celles qui ont des flux monétaires importants provenant de leurs opérations. Pour la
France, cette affirmation est valable pour les grandes firmes et celles cotées sur une bourse
de valeurs mobilières européenne. De plus, dans les deux pays, la recherche suggère que la
qualité de la comptabilité est faible pour les firmes ayant émis des dettes. De même, aucun
résultat ne démontre l’impact de l’audit des états financiers effectué par les Big 4 sur la
qualité de la comptabilité. Enfin, l’étude démontre que les initiatives prises par les
entreprises dans l’amélioration de la transparence de l’information financière dans les
deux pays, en matière de qualité de la comptabilité, sont plus déterminantes que les
normes comptables.
Dans une récente analyse, Lantto (2007) a étudié l’impact des normes internationales
d’information financière (IFRS) sur l’amélioration de l’utilité et de la pertinence de
l’information comptable. Il est important de préciser que pour les besoins de l’étude,
l’auteure s’appuie sur un contexte dans lequel les normes comptables nationales sont de
très grande qualité et reposent sur un système juridique national efficace et rigoureux.
L’article utilise un échantillon finlandais pour l’année 2005 en se basant sur trois types de
43
spécialistes du monde des affaires : les analystes financiers, les directeurs financiers des
entreprises inscrites à la bourse des valeurs mobilières d’Helsinki et les comptables
professionnels auditant les entreprises cotées. Dans son ensemble, l’étude suggère que les
trois types de professionnels constituant l’échantillon sont en accord avec l’idée que les
IFRS fournissent une information pertinente, c’est-à-dire capable d’influencer les
décisions prises par les investisseurs et créanciers pour l’allocation des ressources
économiques. Il en est de même pour l’information établie à partir du jugement
professionnel. De plus, les directeurs financiers et les auditeurs sont en accord avec le fait
que les IFRS fournissent de l’information fiable. Cependant, pour l’information fondée sur
le jugement, ils estiment que la fiabilité n’est pas accrue comparativement aux normes
nationales.
Finalement, Chen et al. (2010) ont analysé l’impact de l’adoption des IFRS sur la qualité
de la comptabilité au sein de l’Union Européenne. L’étude porte sur l’ensemble des
entreprises issues de 15 pays membres ayant adopté les IFRS en 2005 et qui sont cotées à
une bourse de valeurs mobilières, pour la période de 2000 à 2007. L’hypothèse unique de
la recherche présume que la qualité de l’information comptable dans les pays de l’Union
Européenne est plus grande après la période de l’adoption obligatoire des IFRS par rapport
à la période antérieure. Les proxies utilisés pour mesurer la qualité de l’information
comptable influencent la conclusion de l’étude. Ainsi, lorsqu’on utilise la gestion des
résultats (Earnings management) comme mesure de la qualité des bénéfices comptables,
les résultats
des tests statistiques supportent l’hypothèse alors que c’est l’inverse
lorsqu’on la mesure par la rapidité dans la comptabilisation des pertes. De plus, il est
important de préciser que certains facteurs reliés au cadre institutionnel national,
considérés dans cette recherche comme des facteurs de contrôle, peuvent avoir un impact
aussi significatif que les normes comptables en vigueur sur la qualité de la comptabilité.
Les auteurs considèrent ainsi les facteurs de contrôle suivants : la confiance en la qualité
de la règlementation des affaires, la confiance dans l’exécution des contrats et le contrôle
de la fraude lors de la préparation de l’information financière. Les autres facteurs à
prendre en considération sont le degré de liberté dans la circulation de l’information, la
stabilité politique, la confiance des gestionnaires dans l’efficacité de l’action
gouvernementale, l’environnement de l’information financière, les incitations politiques
dans la gestion des bénéfices et enfin les différences entre les normes comptables
nationales et les IFRS. Les auteurs concluent leur analyse en faisant ressortir que les IFRS
44
jouent un rôle plus significatif dans l’amélioration de la qualité de la comptabilité que les
autres facteurs reliés à l’environnement comme les initiatives prises par la direction des
entreprises. L’étude suggère enfin que le remplacement des normes comptables locales
comme celles des États-Unis d’Amérique par exemple améliorerait sensiblement la qualité
de l’information financière.
2.1.2 Du passage de la comptabilité au coût historique à celle à la juste valeur
Le concept de la juste valeur a été introduit par le FASB en 1991 et l’IASB en 1998. Selon
les normes de ces organismes règlementaires, lors de l’entrée d’un actif dans une entité, la
juste valeur correspond
généralement au coût d’acquisition29. Pour les évaluations
ultérieures, l’objectif est de cerner la réalité économique. En fait, l’évaluation à la juste
valeur conduit à une approche économique de la performance et de la valeur de
l’entreprise. Il faut dire que le coût historique présente des inconvénients qui ont incité les
normalisateurs comptables en général, et le FASB et l’IASB en particulier, à réfléchir sur
d’autres alternatives pour l’enregistrement et la présentation de l’information financière.
Pendant un demi-siècle30, la comptabilisation au coût historique a fait son chemin jusqu’à
ce que certaines faiblesses apparaissent notamment au niveau des institutions financières.
Selon Cornett et al. (1996), ces dernières ont connu des crises qu’on n’a pas pu détecter à
temps, cela étant dû à la faible pertinence de l’information financière alors publiée selon la
perspective du coût historique. Il s’agit par exemple du problème d’inadéquation du
capital des banques et de l’impossibilité du coût historique de refléter la santé financière
de certaines entreprises.
Casta (2003) justifie l’émergence du concept de juste valeur par trois déterminants. Il
s’agit en premier lieu de l’orientation récente prise par les cadres conceptuels de l’IASC
(1989) et du FASB (1984) en ce qui concerne le rôle de la comptabilité financière,
marquant ainsi la préférence sur l’aide à la prise de décisions par deux principaux groupes
29
30
En 2011, l’IASB a publié la norme IFRS 13 Évaluation de la juste valeur qui donne des
recommandations pour la mesure des transactions lorsque d’autres normes comptables exigent
ou permettent l’utilisation de la juste valeur.
Il s’agit de la période allant de la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à la fin des années
90. Aux États-Unis, la juste valeur a refait surface en 1991 avec la norme comptable
américaine SFAS 107 relative aux informations à fournir sur les instruments financiers.
45
d’utilisateurs, à savoir les investisseurs et les créanciers. Il s’agit en deuxième lieu de
l’utilisation croissante des instruments financiers qui, au vu du risque qu’ils posent,
lançaient un défi à l’information comptable fournie selon le principe du coût historique.
Finalement, l’auteur cite la réduction de l’espace discrétionnaire des dirigeants en matière
de conventions comptables, objectif clairement affiché par certaines autorités boursières
comme la SEC, afin que l’information fournie par les entreprises représente la juste valeur
des actifs, des passifs et des capitaux propres. Il devient dès lors plus difficile de faire une
gestion opportuniste de résultats, en particulier dans sa composante du résultat de
détention.
Il faut dire que la qualité essentielle de l’évaluation à la juste valeur est qu’elle fournit une
information qui semble rencontrer les besoins des investisseurs puisqu’elle intègre les
tendances du marché31. Plus précisément, il devient aisé dans ce cas de rapprocher le
résultat comptable du résultat économique (Casta, 2003). En d’autres termes, le principal
avantage de la juste valeur, que les normalisateurs comptables et particulièrement l’IASB
mettent de l’avant, est qu’elle permet de mieux traduire dans les états financiers
l’incertitude affectant les prévisions des flux de trésorerie et les opportunités
d’investissement.
S’intéressant à la pertinence de ce nouveau modèle comptable, Casta (2003) se pose la
question de savoir si les états financiers élaborés à partir de la juste valeur donnent une
meilleure estimation de la valeur de l’entreprise et du risque opérationnel. L’étude retrace
l’évolution des cadres conceptuels de la comptabilité, en comparant l’introduction du coût
historique, du coût de remplacement et de la juste valeur. L’utilisation de la juste valeur a
pour avantage de reposer sur l’actualisation des flux monétaires futurs, intégrant ainsi les
données du marché. Le deuxième avantage découle du premier puisque la cohérence de
cette approche avec celle utilisée en gestion opérationnelle du risque pourrait faciliter la
réconciliation du résultat comptable avec le résultat économique. Cependant, pour ce qui
est du contenu informationnel des données comptables pour le marché, Casta (2003)
31
Cependant, lorsqu’aucun marché n’existe, la comptabilité recourt à certaines formules de
modèles financiers comme celui de Black and Scholes (1973). Tel est le cas lorsqu’on doit
estimer la valeur des stock options accordés dans le cadre de contrats de rémunération des
hauts dirigeants.
46
conclut que la littérature comptable antérieure à 2003 ne permet pas d’affirmer une
quelconque supériorité du modèle de juste valeur par rapport à celui de coût historique.
Le nouveau cadre conceptuel de l’IASB fait référence, à plusieurs reprises, à la notion de
juste valeur. Au vu de l’objectif de l’information financière à usage général, il est à se
demander si la présentation des états financiers en juste valeur améliore la prise de
décisions d’investissement et de crédit, respectivement par les investisseurs et les
créanciers. Pour Bernheim (2001), trois critères peuvent être retenus pour caractériser
l’évaluation en juste valeur. Le premier critère est la fidélité de la représentation de la
réalité économique alors que le deuxième est la capacité prédictive de la performance.
Enfin, le troisième critère est l’élimination de toute comptabilité d’intention32. Jeanjean
(2001) ajoute que l’un des avantages de la juste valeur est sa capacité de contrôler les
dirigeants, plutôt que son meilleur contenu informationnel. Ce rôle disciplinaire de la
comptabilité en juste valeur fait que l’information fournit deux sources de création de
valeur: le résultat de transaction et le résultat de détention. Dans la première source, il
s’agit de montrer la capacité de l’entreprise à extraire d’un actif des flux de liquidité
supérieurs aux attentes du marché. La deuxième source montre en quoi la détention d’un
actif permet de créer de la valeur, par exemple lorsque le taux de rendement exigé baisse
entre la date d’achat et celle de l’évaluation33.
Parallèlement à l’adoption de l’approche de la situation financière du normalisateur
mondial basée sur l’évaluation des actifs au lieu de l’approche résultats, il a été introduit
un nouvel état financier, à savoir « l’état du résultat global ». L’avantage principal de cet
état financier est que l’information qu’il contient combine aussi bien le résultat des
transactions de l’entreprise que le résultat de détention des actifs. Cette dernière
composante traduit le niveau de l’offre et de la demande de ces actifs sur le marché à la fin
de l’exercice financier. L’approche de la situation financière présente ainsi le résultat
annuel comme étant la variation dans la richesse de l’entité d’une année à l’autre. Puisque
32
Ici, il faut penser au fait que les dirigeants sont parfois tentés de céder des actifs qui ont des gains
latents substantiels pendant une année afin de les inclure à l’état des résultats si telle est leur
intention, dans la perspective de présenter un très bon résultat pour un exercice donné.
33
Ces informations sont fournies dans le nouvel état financier du résultat global. L’économie sousjacente d’une entité inclut ses ressources économiques (l’actif), les droits rattachés à ces actifs
(dettes et capitaux propres), la variation dans les ressources et les droits ainsi que les liquidités.
Cette économie sous-jacente est représentée respectivement par l’état de la situation financière
(anciennement bilan), l’état du résultat global et l’état des flux de trésorerie.
47
ce sont désormais les valeurs de marché qui sont présentées à l’état de la situation
financière, les manipulations comptables de la direction devraient être minimes.
Logiquement, cette dernière devrait se concentrer sur sa stratégie d’affaires alors que les
actionnaires devraient se concentrer sur l’évaluation de la performance des dirigeants.
La juste valeur tranche donc avec le coût historique dont l’information financière basée
sur cette mesure faisait en sorte que l’action des dirigeants était guidée par des
considérations économiques et non des préoccupations de communication financière.
Dans un autre ordre d’idées, il est généralement admis que les IFRS sont un ensemble de
normes comptables de haute qualité (Leuz, 2003) et leur adoption améliore la qualité de la
communication financière (Ashbaugh et Picus, 2001). Il faut cependant tempérer les
attentes après l’adoption des IFRS en particulier lorsque les pays qui les adoptent ont déjà
un niveau élevé de protection légale des investisseurs. En effet, la littérature suggère que
la qualité des normes comptables et l’étendue de la protection des investisseurs sont
positivement corrélées (La Porta et al.,1998). Il se pourrait donc que, dans certains pays,
l’adoption obligatoire des IFRS ne réduise pas significativement l’incertitude entourant la
qualité de la communication de l’information financière dans certaines situations.
Sous l’angle de l’économie politique, l’analyse du bien-fondé des IFRS doit dépasser le
seul aspect technique. En effet, la montée spectaculaire dans l’adoption obligatoire de ces
normes ne peut être une simple question d’harmonisation des normes comptables (Perry et
Nölke, 2006). Selon ces auteurs, il faudrait «lire entre les lignes» dans le discours
comptable international pour comprendre que les nouvelles normes (les IFRS) traduisent
un grand changement de pouvoir de l’économie réelle vers l’économie financière ou, en
d’autres termes, un changement de pouvoir du capitalisme industriel vers le capitalisme
financier. En effet, les profits du secteur productif sont désormais reliés aux mouvements
du secteur financier puisque l’information contenue dans l’état de la situation financière
provient essentiellement des valeurs de marché.
En partant du fait que l’IASB détient une autorité règlementaire dans l’économie mondiale
alors qu’elle est une entité entièrement privée, Perry et Nölke (2006) caractérisent les
IFRS par deux changements majeurs: l’apparition de la comptabilité à la juste valeur et
l’approche « de la situation financière » dans les états financiers. Dans ce nouveau
48
contexte de l’évaluation de la juste valeur généralisée, on remarque que les analystes
financiers de marché gagnent du pouvoir alors que les dirigeants d’entreprises en perdent!
2.1.3 Transparence de la communication financière en IFRS
Barth et Schipper (2008) proposent de définir la transparence financière comme
étant l’étendue à laquelle l’information financière publiée par une entité révèle la réalité
économique sous-jacente, et compréhensible par ses utilisateurs. En principe, de la
transparence dans la communication financière peut résulter un coût de capital plus faible
suite à la réduction du risque informationnel. Ainsi, la transparence est une caractéristique
recherchée par les utilisateurs de l’information financière. Il faudrait également tenir
compte, selon ces auteurs, du risque auquel l’entité fait face, de sorte que la transparence
financière inclue les risques et la façon dont la direction les gère. Dans certains cas, les
parties intéressées peuvent être plus nombreuses que les utilisateurs traditionnels de
l’information financière. Ainsi, selon l’organisation Transparency International, la
transparence de l’information permet aux décideurs administratifs, aux opérateurs
économiques ou aux travailleurs de bienfaisance de savoir non seulement les faits et
caractéristiques de base mais aussi leurs mécanismes et procédures. Malgré l’importance
de la notion de transparence, Barth et Schipper (2008) ne pensent pas qu’il soit nécessaire
pour l’IASB d’en faire une caractéristique qualitative distincte dans son nouveau cadre
conceptuel de l’information financière. Ces auteurs appuient ainsi la proposition de
l’IASB de classer les caractéristiques qualitatives de l’information financière selon
qu’elles sont essentielles ou auxiliaires.
De leur côté, Bushman et Piotroski (2004) ont voulu savoir si les facteurs de transparence
des entreprises varient selon les régimes légaux, judiciaires ou politiques d’un pays.
L’article se base sur des données des rapports annuels des entreprises sélectionnées et
différentes bases de données comme CIFAR International Accounting and Auditing
Trends (1995). Selon cette étude, la présence de la transparence financière est
statistiquement corrélée au régime politique de l’économie et aux variables du régime
légal du pays. On constate également que la divulgation financière joue un rôle important
aussi bien dans la disponibilité de l’information financière destinée aux investisseurs que
celle sur la gouvernance pour évaluer la performance des dirigeants et administrateurs.
49
La notion de transparence de l’information financière peut aussi être abordée à partir de
son contraire, l’opacité. Ainsi, selon Riahi-Belkaoui et AlNajjar (2006), l’opacité des
résultats est une mesure qui reflète le faible niveau de l’information se trouvant dans l’état
du résultat global au sujet de la performance économique d’une entité. L’opacité dans les
résultats est liée aux pratiques comptables et d’affaires qui caractérisent l’environnement
économique, social et comptable dans un pays donné. L’étude utilise un échantillon de 34
pays pour lesquels l’opacité des résultats est mesurée par trois dimensions: l’agressivité
des résultats, l’évasion des pertes (loss avoidance) et le lissage des résultats (earnings
smoothing). Les résultats de l’étude permettent de déduire que, dans un pays donné, c’est
le contexte économique et social, plutôt que les normes comptables, qui explique mieux le
niveau de la qualité de l’information comptable en général et le niveau d’opacité en
particulier.
De leur côté, Aggrawal et Kyaw (2009) évaluent comment le système national de
transparence peut influencer le coût de la dette ou l’émission d’actions dans 14 pays
européens pour la période de 1990 à 2003. L’article part du fait que les caractéristiques
corporatives sont des déterminants importants des structures de capital utilisant
l’endettement, si l’on tient compte de la taille, des actifs corporels, de la rentabilité, de la
croissance, du risque d’affaires, de l’endettement et des dividendes. De plus, en tenant
compte des variables micro et macroéconomiques, les résultats suggèrent que la
transparence qui réduit les coûts d’agence entre les propriétaires et les dirigeants (comme
le niveau élevé du suivi par les analystes) est négativement corrélée au niveau
d’endettement faible. Par contre, la transparence qui réduit les coûts d’agence entre les
propriétaires et les créanciers comme la rapidité dans la divulgation et l’application des
lois, est positivement corrélée au niveau élevé d’endettement de l’entreprise concernée. En
d’autres termes, plus une entreprise divulgue de façon transparente les données
comptables, plus elle a facilement accès à l’endettement bancaire. Finalement, les facteurs
de la transparence jouent un rôle important dans les grandes entreprises et dans les
entreprises opérant dans le secteur économique des services et celui de l’industrie lourde
au sein desquels les problèmes d’agence sont très prononcés. Les résultats de l’étude sont
intéressants dans la mesure où les dirigeants d’entreprises pourraient réduire leur coût du
capital (dette et capitaux propres) en prêtant une attention particulière au niveau de la
transparence du système dans lequel ils opèrent.
Le tableau 2-I ci-après synthétise la littérature sur la qualité des IFRS.
50
Tableau 2-I Synthèse de la littérature sur la qualité des IFRS
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Diamond et
Une bonne divulgation transforme une information privée en
Verrecchia (1991)
information publique, cela entraînant une réduction de l’asymétrie
d’information.
Cornett et al. (1996)
Les institutions financières ont connu des crises que la comptabilité
au coût historique n’a pas pu détecter à temps.
La Porta et al.
La qualité des normes comptables et l’étendue de la protection des
(1998)
investisseurs sont positivement corrélées.
Levitt (1998)
Les normalisateurs comptables font la promotion des IFRS en
prenant souvent le seul point de vue des entreprises.
Kothari (2000)
La qualité de l’information financière est fonction de sa conformité
aux normes comptables.
Ashbaugh (2001)
Les entreprises opérant dans les pays avec des normes comptables
peu rigoureuses sont plus disposées à adopter les IFRS. De plus, les
entreprises cotées sur plusieurs places boursières adoptent
volontairement les IFRS.
Ashbaugh et Picus
L’adoption des IFRS améliore la qualité de la communication
(2001)
financière.
Bernheim (2001)
La fidélité de la représentation de la réalité économique, la capacité
prédictive de la performance et la minimisation de gestion des
résultats sont trois caractéristiques de l’évaluation en juste valeur.
Jeanjean (2001)
L’information en juste valeur fournit deux sources de création de
valeur: le résultat de transaction et le résultat de détention d’un
actif.
Leuz (2003)
En comparant plusieurs ensembles de normes comptables, l’auteur
est d’avis que les IFRS sont des normes de haute qualité.
Ball et al. (2003)
Même si les normes comptables sont de haute qualité, les facteurs
institutionnels de chaque pays constituent des déterminants
importants dans la présentation de l’information financière. Toute
analyse complète devrait en tenir compte.
51
Tableau 2-I Synthèse de la littérature sur la qualité des IFRS (Suite)
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Casta (2003)
L’auteur explique l’émergence de la juste valeur par au moins trois
déterminants: l’orientation prise par le FASB (1984) et l’IASB
(1991), l’utilisation croissante des instruments financiers et une
gestion opportuniste des résultats par les entreprises.
Bushman et
Les facteurs de transparence des entreprises varient selon les
Piotroski (2004)
régimes légaux, judiciaires ou politiques d’un pays.
Ledouble (2005)
La mise en place des IFRS est perçue comme un changement de
paradigme.
Ball (2006)
En inventoriant les avantages et les inconvénients des IFRS,
l’auteur met en doute la pertinence de la juste valeur en particulier
lorsque le marché n’est pas liquide.
Hope et al. (2006)
En se conformant à un seul jeu des états financiers, les entreprises
bénéficient d’une diminution du coût du capital alors que leurs
utilisateurs bénéficient d’une économie de temps et d’énergie.
Perry et Nolke
L’introduction de la juste valeur dans les IFRS marque un
(2006)
changement de pouvoir du capitalisme industriel vers le capitalisme
financier puisque les résultats du secteur productif sont reliés aux
mouvements du secteur financier.
Riahi-Belkaoui et
L’opacité des résultats reflète comment l’information au sujet de la
Al Najjar (2006)
performance économique est petite.
Disle et Noël (2007)
L’adoption obligatoire des IFRS s’accompagne de changements
majeurs : le passage à une approche économique de la comptabilité
et le passage à la comptabilité à la juste valeur.
Lantto (2007)
Les directeurs financiers, les analystes financiers et les auditeurs
reconnaissent la pertinence d’une information financière en IFRS.
Toutefois, une telle information fondée sur le jugement
professionnel ne serait pas toujours fiable.
52
Tableau 2-I Synthèse de la littérature sur la qualité des IFRS (Suite)
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Barth et al. (2008)
Une information comptable de haute qualité doit générer un
bénéfice net avec peu ou pas de gestion de résultat. En se basant sur
la notion de transparence financière des normes comptables, les
auteurs concluent que les IFRS sont de très haute qualité.
Barth et Schipper
La transparence financière est l’étendue à laquelle l’information
(2008)
financière publiée par une entité révèle la réalité économique sousjacente est compréhensible par les utilisateurs de cette information.
Aggrawal et Kyaw
Les facteurs de transparence jouent un rôle particulièrement
(2009)
important dans les grandes entreprises et celles opérant dans le
secteur des services.
Chen et al. (2010)
Les IFRS permettent d’encadrer la gestion des résultats en limitant
notamment certaines pratiques opportunistes dans la détermination
des chiffres comptables.
Paiva et Lourenço
Au Royaume-Uni, la qualité de la comptabilité est élevée pour les
(2010)
grandes entreprises ayant de bons flux monétaires d’exploitation.
En France, un tel niveau de qualité se rencontre chez les grandes
entreprises cotées sur une bourse de valeurs mobilières européenne.
De façon générale, la littérature comptable sur l’information financière suggère que les
IFRS sont de haute qualité même s’il n’y a pas actuellement de consensus sur le concept
de qualité. Précisons cependant que la seule adoption des IFRS n’implique pas
l’amélioration de l’information financière qui en est issue, l’environnement économique
et légal jouant un rôle de premier plan dans la divulgation financière des entreprises.
53
2.2 Principales parties prenantes et analyse des avantages économiques de
l’information financière en IFRS
Parmi la multitude de parties prenantes au processus communicationnel de l’information
financière, nous avons fait le choix dans le cadre de cette recherche d’analyser l’impact
économique de l’adoption obligatoire des IFRS sur les entreprises, les investisseurs et les
créanciers. Les intérêts des uns et des autres ne sont pas nécessairement convergents et il
nous parait dès lors très important d’analyser séparément les avantages de chaque partie
prenante.
2.2.1 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les préparateurs
de l’information financière
La comptabilité produit de l’information sur le processus de création et de répartition de la
valeur, et sa mise en place ne se justifie que si les bénéfices induits sont supérieurs aux
coûts associés (Charreaux et Debrières, 1998). Ces avantages induits peuvent être traduits
par la baisse du coût du capital de l’émetteur de l’information financière. Or, le coût du
capital est le principal outil pour évaluer les décisions importantes de l’entreprise en
matière d’investissements, tant au niveau du montant investi que de celui de la qualité de
ses investissements (Habib, 2006).
Dans le même ordre d’idées, l’article de Francis et al. (2005) fut parmi les premières
études à parler simultanément des deux composantes du coût du capital, à savoir le coût de
la dette (cost of debt) et le coût des capitaux propres (cost of equity capital) dans le cadre
d’une analyse de corrélation avec les incitatifs de divulgation des entreprises. Ces auteurs
illustrent l’importance de l’information par le fait que le risque informationnel est non
diversifiable et est inclus dans le coût de la dette et celui des capitaux propres, les deux
composantes du coût du capital. L’étude conclut que les entreprises ayant une qualité du
bénéfice net faible ont un coût du capital élevé. Bien plus, cette étude comble le vide laissé
par les recherches comptables antérieures qui non seulement examinaient essentiellement
la composante « coût des capitaux propres », mais aussi utilisaient un échantillon
d’entreprises américaines. Les résultats de cette étude ont donc permis de conclure, en
utilisant un échantillon de 34 pays, que les entreprises en quête de financement externe ont
un niveau de divulgation élevé. De plus, les entreprises ayant une politique stratégique de
divulgation parviennent à diminuer aussi bien le coût de la dette que celui des capitaux
54
propres, et ce en tenant compte des différences légales au niveau de la protection des
investisseurs et des différences dans le système financier.
Puisque l’introduction de la juste valeur est au cœur du grand changement dans les IFRS,
la question est de se demander si la comptabilité va mieux jouer son rôle d’aide à une
meilleure allocation des ressources économiques. Ainsi, du point de vue des entreprises, y
a-t-il un avantage net à préparer l’information financière selon les IFRS?
En partant du fait que les IFRS sont censées favoriser une meilleure divulgation, l’étude
de Botosan (1997) nous semble particulièrement intéressante. Dans une recherche
pionnière sur la mesure du coût du capital, cette auteure conclut à une relation
significative entre son index de divulgation et le coût du capital seulement pour les
entreprises suivies par un petit nombre d’analystes financiers. Dans le cas des entreprises
suivies par un grand nombre d’analystes, aucune relation entre le coût du capital et l’index
de divulgation n’est décelée. Dans une autre étude, Botosan et Plumlee (2002) se sont
intéressés à trois types de divulgation à savoir le rapport annuel, le rapport trimestriel et
les relations avec les investisseurs. Les auteurs ont constaté que le niveau de la divulgation
pris globalement n’est pas corrélé au coût des capitaux propres. Par contre, la spécification
de la divulgation change la donne. En effet, le coût des capitaux propres décroît avec le
niveau de divulgation dans le rapport annuel. Cependant, le coût des capitaux propres est
positivement relié à la rapidité de publication dans les rapports trimestriels, ceci pouvant
être expliqué par la volatilité des prix boursiers. Il n’y a par ailleurs aucune relation entre
le coût du capital et le niveau d’activités des relations avec les investisseurs. Cette étude a
l’avantage d’améliorer celle de Botosan (1997) puisqu’elle met en exergue le type de
divulgation sur un échantillon de 43 industries sur une période de 11 ans. De façon globale
cependant, l’analyse détaillée suggère que le total de la divulgation n’est pas corrélé au
coût du capital. Cette relation entre la divulgation et le coût du capital peut être négative
(rapport annuel), positive (autres publications comme le rapport trimestriel) ou inexistante
(relations avec les investisseurs).
Dans l’ensemble, et en se basant sur une analyse de contenu de certains rapports, Guay et
al. (2011) ont remarqué que le coût du capital diminue si la divulgation est favorable et
augmente dans le cas inverse. Cet effet semble encore plus prononcé pour la divulgation
faite par la presse financière par rapport à celle faite par les analystes financiers.
55
La mesure des coûts et des avantages associés au processus de normalisation et aux
préparateurs des états financiers pose néanmoins un défi de taille. Dans ce contexte,
Schipper (2010) a voulu comprendre les mesures généralement utilisées pour capter les
coûts et les avantages des changements apportés dans les normes internationales
d’information financière. L’objectif de son article est double. Premièrement, il vise d’une
part à présenter les composantes de l’analyse coûts-bénéfices généralement utilisée pour
l’évaluation des projets dans le secteur public et d’autre part à comparer cette méthode
d’analyse avec les approches préconisées par les normalisateurs pour évaluer les coûts et
les avantages des changements dans les normes comptables. Deuxièmement, l’article
décrit les analyses proposées par la recherche comptable traitant des effets suite aux
changements des normes comptables, et les compare avec l’analyse des coûts-bénéfices
conventionnelle. Pour cela, l’auteure analyse le processus d’élaboration des normes
comptables utilisé par le FASB et l’IASB en examinant davantage la norme IFRS 3.
L’analyse coûts-bénéfices renferme les composantes suivantes : (1) une période de temps
sur laquelle seront estimés les coûts et les bénéfices futurs, (2) la prise en considération
des coûts et bénéfices pour chacune des options y compris le statu quo, (3) une attribution
de valeurs monétaires aux coûts et bénéfices qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs et (4)
un taux d’actualisation afin de ramener tous les flux monétaires sur une même base de
comparaison. On constate que l’analyse coûts-bénéfices dans le processus de
normalisation n’est pas indispensable, car il est difficile, voire impossible, d’identifier de
manière quantitative les coûts et les bénéfices d’une norme comptable. À titre d’exemple,
les coûts associés à la préparation d’une norme ne doivent pas se limiter aux dépenses
directes nécessaires pour son élaboration, mais doivent également inclure les effets sur les
entreprises et les actionnaires. Vu cette difficulté de trouver une mesure adéquate à
utiliser, l’analyse coûts-bénéfices classique constitue davantage une contrainte. Or, la
recherche académique en comptabilité se focalise essentiellement sur les avantages que
procurent les normes. Concrètement, elle met l’accent par exemple sur l’information
produite ou les effets de cette dernière sur les marchés des capitaux. En conclusion,
Schipper (2010) est d’avis que l’analyse conventionnelle des coûts-avantages ne peut
s’appliquer adéquatement au contexte des normes comptables. Il serait même préférable
que l’on change cette terminologie afin de parler d’effets ou d’impacts. C’est sous cet
angle que nous analysons notre question de recherche, en proposant une mesure spécifique
à chaque partie prenante au processus de communication financière.
56
Dans une étude sur la divulgation volontaire dans le contexte des entreprises suisses, Hail
(2002) confirme les résultats antérieurs quant à la relation négative entre la quantité
d’informations divulguées par une entreprise et son coût du capital. L’avantage comparatif
des entreprises qui divulguent beaucoup d’informations est évalué à une baisse du coût du
capital correspondant de 1.8 à 2.4%, après avoir contrôlé pour les caractéristiques du
risque et la taille de l’entreprise. L’étude analyse les deux aspects de la divulgation: la
liquidité du marché boursier et l’estimation du risque par l’investisseur. Les résultats
doivent cependant être interprétés avec prudence, car il existe une corrélation positive
entre l’information dispersée dans les rapports annuels et les autres types de documents
comme les communiqués de presse (Lang et Lundholm, 1993).
L'article de Gao (2010) étudie comment la qualité de la divulgation des informations de
l’entreprise affecte le coût du capital et le bien-être des investisseurs. L'hypothèse émise
est qu'une bonne divulgation des informations de l'entreprise améliore le bien-être des
investisseurs en réduisant le coût du capital. La variable dépendante est le coût du capital
alors que la qualité de la divulgation des informations est la variable indépendante. L'étude
suggère que le coût du capital peut augmenter de pair avec la qualité de l'information
dévoilée quand un nouvel investissement est suffisamment élastique.
Dans le cadre d’un échantillon américain, Bharath et al. (2009) se sont intéressés à la
relation entre l’asymétrie d’information (entre les dirigeants et les participants au marché)
et les décisions sur la structure du capital. L’étude se base sur le Pecking Order Theory
selon laquelle les entreprises ne devraient émettre des actions pour couvrir leurs déficits
qu’en dernier lieu, après avoir épuisé toutes les autres alternatives comme l’endettement
bancaire et les liquidités générées à l’interne. Les résultats de l’étude considèrent le niveau
de l’asymétrie d’information comme un déterminant important du niveau du changement
du seuil d’endettement des entreprises américaines pendant trois décennies (1973-2002).
Ces résultats s’expliqueraient par le fait que les entreprises préfèrent l’émission de la dette
plutôt que celle des actions à cause précisément de l’asymétrie d’information entre les
dirigeants et les investisseurs.
Pour analyser le lien éventuel entre le coût du capital et la transparence dans les résultats,
Barth et al. (2011) se sont basés sur un échantillon de 6 237 entreprises américaines.
L'étude avait pour but de déterminer si les entreprises avec des résultats plus transparents
57
– c'est-à-dire des revenus qui sont plus représentatifs des changements de la situation
économique de l’entité – jouissent d'un coût du capital plus bas. Selon les auteurs, plus les
résultats sont transparents, plus l’asymétrie d’information est faible. Les auteurs arrivent à
la conclusion que les entreprises faisant preuve de plus de transparence ont un coût du
capital moins élevé, car des résultats comptables transparents reflètent les changements
des conditions économiques d'une manière qui est compréhensible par les investisseurs.
Cette étude est la première à établir une relation significativement négative entre la
transparence des résultats et le coût du capital.
Dans le même sens, les entreprises dépendant du financement externe, spécialement du
financement bancaire, peuvent subir des conséquences de la situation de leurs institutions
de financement. En se basant sur un échantillon de 38 pays développés et non développés,
Kroszner et al. (2007) ont analysé si l’impact d’une crise financière sur les secteurs
dépendant du financement externe varie avec le niveau de développement du système
financier. Les résultats suggèrent que ces secteurs subissent une chute de leur valeur
durant une grande crise financière lorsqu’ils opèrent dans des pays ayant des systèmes
financiers développés. Par ailleurs, au sein des entreprises de tels secteurs, les jeunes
entreprises ou celles ayant beaucoup d’actifs intangibles difficiles à mesurer ont de la
difficulté à se faire financer sur le marché boursier et se tournent donc vers d’autres
sources comme le financement bancaire. Les résultats mènent également à la conclusion
que les entreprises à forte dépendance au financement externe subissent des conséquences
plus graves lorsque le pays a connu beaucoup de crises bancaires. Un des résultats
importants de l’étude est qu’il y a un impact négatif disproportionné d’une crise bancaire
sur la croissance réelle des ventes, la croissance réelle du bénéfice net et du rendement
boursier des entreprises financièrement dépendantes. Qui plus est, parmi ces dernières, les
impacts ci-dessus sont moins prononcés pour les entreprises considérées comme ayant un
faible niveau de divulgation. Par rapport à l’étude de Rajan et Zingales (1998) qui analyse
le comportement des secteurs à forte dépendance financière externe en temps normal,
l’article de Kroszner et al. (2007) montre le « revers de la médaille » pour les mêmes types
d’entreprises en cas de crise bancaire.
Semenov (2006) s’est aussi intéressé aux contraintes de financement des entreprises par
rapport à leur niveau d’investissements. Plus précisément, l’auteur se demande si certaines
caractéristiques institutionnelles des pays comme les différences dans le développement
58
des systèmes financiers, la capitalisation boursière et le niveau de l’actionnariat bancaire
peuvent entrainer des modèles d’investissement différents. En se basant sur un échantillon
de 11 pays développés, les auteurs pensent qu’une grande présence tant des marchés
boursiers que des intermédiaires financiers comme les banques facilitent l’accès au
financement des entreprises par la réduction du coût en capital. Pour ce qui est
spécialement du financement bancaire, la quantité d’informations dont dispose
l’emprunteur est plus grande lorsque le prêteur est en même temps actionnaire dans
l’entreprise comme c’est souvent le cas en Allemagne et au Japon. En effet, des relations
bancaires transparentes et durables permettent une compréhension mutuelle et entrainent
des coûts de surveillance réduits. Les résultats de l’étude concluent que les ratios de
liquidité dans les pays dont le financement est à prédominance bancaire sont plus faibles
lorsque les relations d’affaires sont profondes et permanentes par rapport aux entreprises
entretenant des relations occasionnelles. Par contre, l’étude ne suggère aucune corrélation
entre le niveau de contraintes financières et les indicateurs du développement financier
d’un pays.
Dans le même ordre d’idées et en se basant exclusivement sur un échantillon de 600
petites et moyennes entreprises finlandaises, Hyytinen et Väanänen (2006) ont analysé
l’origine profonde des contraintes de financement. Plus précisément, ces auteurs se
demandent si les problèmes de financement et donc de croissance proviennent de la
relation adverse ou d’aléa moral. Les auteurs pensent ainsi que pour résoudre le problème
de friction dans l’accès au financement pour la survie et la croissance des PME, il faudrait
une publication appropriée de l’information sur ces dernières. Dans le cas des PME
finlandaises, il apparaît clairement que le problème est autant celui de sélection adverse
(difficulté de distinguer les bonnes des mauvaises entreprises) que celui d’aléa moral
(utilisation du financement à des fins autres que celles convenues). De plus, les résultats
sont conformes à l’hypothèse implicite selon laquelle la sélection adverse et l’aléa moral
sont inversement corrélés à l’âge de l’entreprise.
En conduisant leur étude au niveau européen, Faccio et Lang (2002) ont analysé la
structure de propriété ultime des entreprises dans 13 pays. L’article veut répondre à deux
questions: d’une part, identifier à qui appartiennent ultimement les entreprises
européennes et d’autre part par quels moyens ces propriétaires possèdent des droits de
contrôle supérieurs à leurs droits aux liquidités. En se basant sur un échantillon de 5 232
59
entreprises européennes cotées en bourse, les auteurs dégagent quatre sortes
d’actionnariat :
l’actionnariat
diffus
des
entreprises
non
financières
(36.93%),
l’actionnariat familial (44.92%), l’actionnariat étatique (4.14%) et l’actionnariat diffus des
entreprises financières (9.03%). Par ailleurs, l’analyse de la distribution de l’actionnariat
montre que par exemple une famille peut détenir 25% d’une entreprise A qui à son tour,
détient 20% d’une entreprise B lui donnant ainsi 5% des droits aux liquidités (produit des
pourcentages de contrôle tout au long de la chaîne) mais détient 20% des droits de vote
(dû au lien faible de la chaîne de contrôle). L’étude montre par ailleurs que 53.99 % des
entreprises européennes sont contrôlées par un seul actionnaire, de sorte que plus de deuxtiers des entreprises familiales ont des dirigeants provenant des familles dont est issu le
dirigeant principal. Essentiellement, l’étude met à jour le fait que l’écart entre la propriété
et le contrôle est dû à l’existence de pyramides et de holdings à travers les multiples
chaînes de contrôle, évitant ainsi l’application du principe « 1 action, 1 vote ». Au total,
les plus grands propriétaires ultimes au niveau des droits aux liquidités sont l’Allemagne
(49%), l’Autriche (47%) et la France (47%) alors que les plus faibles sont l’Irlande (19%),
le Royaume-Uni (23%) et la Norvège (24%). Par contre, au niveau des droits de vote, les
pourcentages les plus élevés se rencontrent en Allemagne (55%), en Autriche (54%) alors
que les plus faibles se rencontrent en Irlande (22%), au Royaume-Uni (25%) et en Suède
(31%). Finalement, le ratio des droits aux liquidités par rapport aux droits de contrôle
donne le classement suivant : Espagne (0,941), France (0,930), Portugal (0,924),
Royaume-Uni (0,888) et Autriche (0,851).
Dans une étude sur le financement des entreprises, Beck et al. (2008) se sont intéressés au
modèle de financement des petites entités comparé à celui des plus grandes. En se basant
sur les données collectées par la Banque Mondiale sur plus de 3 000 entreprises dans 48
pays pour l’année 1999 (World Business Survey, WBS), les résultats de l’étude indiquent
que les petites entreprises ne peuvent pas substituer le financement bancaire par d’autres
sources de financement comme le crédit-bail, le financement par les fournisseurs et les
banques de développement. L’étude suggère ainsi que la taille de l’entreprise joue un rôle
important dans la compréhension de modes de financement des entités économiques, en
particulier lorsqu’on tient compte des aspects institutionnels comme une meilleure
protection des droits de propriété. Les grandes entreprises par contre sont financées grâce
aux banques de développement et aux autres sources gouvernementales. En définitive, les
60
facteurs institutionnels jouent un rôle de premier plan dans l’amélioration de l’accès au
financement des entreprises.
En partant d’un échantillon espagnol, Pindado et de la Torre (2009) ont analysé le rôle que
peut jouer la structure de propriété sur les décisions d’investissement des entreprises. Par
rapport à la littérature existante, ces auteurs examinent ce rôle de façon plus approfondie
en intégrant le phénomène de l’enracinement des dirigeants et celui de l’expropriation.
L’étude se base sur un échantillon de 135 entreprises non financières espagnoles cotées en
bourse durant la période de 1990 à 1999. Les résultats de l’étude suggèrent que le niveau
de l’investissement est corrélé à celui des flux de liquidité provenant des projets.
Cependant, les actionnaires majoritaires poursuivent généralement leurs propres intérêts
en investissant parfois dans des projets au-delà du seuil optimal. De plus, en présence
d’une situation de surinvestissement, la solution peut être l’alignement des intérêts entre
les dirigeants et les propriétaires alors qu’en situation inverse (sous-investissement), la
surveillance des premiers par les seconds semble appropriée.
L’un des objectifs stratégiques des propriétaires des groupes d’entreprises familiales est de
s’assurer du contrôle et de la coordination des entreprises qui leur sont affiliées.
Contrairement à l’Amérique du Nord et à l’Europe où on rencontre souvent des cadres
indépendants au sein des équipes de direction, le positionnement des membres issus de la
famille fondatrice dans des postes clés, est plutôt le mécanisme le plus répandu en Asie.
Un tel système de gouvernance est beaucoup plus observé si la famille fondatrice détient
une propriété directe. D’un point de vue théorique, Chung et Chan (2012) utilisent le
modèle Principal-Agent pour expliquer la relation entre les différents types de propriété
(directe ou pyramidale), le mécanisme de contrôle et de coordination utilisé (leadership
familial ou non) et la performance de la société affiliée. En cas d’une structure de
propriété directe, la famille fondatrice fait face à un risque spécifique avec des pertes
potentielles proportionnelles aux parts détenues. En réponse à cet état de fait, elle met en
place des mécanismes suffisamment protecteurs privilégiant incitation ou surveillance.
L’une des meilleures stratégies est de doter de telles entreprises des équipes de direction
largement dominées par des membres issus de la famille. En conséquence, l’alignement
d’intérêts augmente la motivation de tels gestionnaires, diminue les coûts d’agence et
favorise ainsi la performance de l’entreprise.
61
Par contre, l’investissement des fonds familiaux dans plusieurs entreprises permettant la
diversification du risque, la structure de propriété pyramidale est de loin la plus préférée.
La baisse du risque financier qui en résulte réduit à son tour la tendance de la famille
fondatrice à placer leurs membres dans les organes de décision, allant même à soutenir
des candidatures externes.
La relation entre propriété familiale et contrôle d’une part et la relation entre propriété
familiale et performance des entreprises d’autre part est une question qui demeure au cœur
d’un débat largement contradictoire. Certains auteurs soutiennent que la propriété et le
contrôle d’une entreprise par une famille font augmenter la performance. D’autres, par
contre, prônent la séparation entre propriété et gestion sans quoi les coûts excèdent les
avantages, ce qui mène à une relation négative. À cheval entre ces deux positions
extrêmes, une autre tendance dans la littérature en gouvernance affirme que les facteurs
propriété et contrôle ne sont pas déterminants dans la performance d’une entreprise. Ainsi,
Peng et Jiang (2010) pensent que c’est le cadre institutionnel de chaque pays qui
détermine la résultante entre coûts et avantages et partant l’existence et la nature de la
relation. Comme la propriété peut être directe ou pyramidale et sachant que l’une des
stratégies de contrôle utilisées est de confier la direction de l’entreprise à un membre issu
de la famille, les auteurs se basent sur un échantillon de 634 entreprises de sept pays
asiatiques et émettent trois hypothèses toutes relatives à des liens éventuels entre propriété
familiale, performance, direction familiale et structure pyramidale. Les résultats de l’étude
suggèrent l’existence d’une relation négative entre la propriété pyramidale et le leadership
d’une part et entre la propriété pyramidale et la performance d’autre part dans les pays où
le cadre institutionnel est relativement plus développé. La prise en compte du facteur
institutionnel permet de comprendre l’impact négatif de la propriété pyramidale et du
leadership tout en confirmant l’absence de relation significative entre propriété directe et
performance. On en déduit que l’effet net entre coûts et bénéfices liés à la propriété
familiale et à la gouvernance dépend du niveau de développement des institutions de
chaque pays; un degré relativement élevé de protection légale des investisseurs limiterait
des abus comme l’expropriation même en présence d’une direction familiale.
Le tableau 2-II résume les écrits sur l’analyse des avantages économiques pour les
préparateurs de l’information financière ayant adopté les IFRS.
62
Tableau 2-II Synthèse de la littérature sur les avantages pour les préparateurs de
l’information financière suite à l’adoption des IFRS
Auteurs et année Résultats de la recherche
Lang et
Il existe une corrélation positive entre l’information contenue dans
Lundholm (1993)
les rapports annuels et celle contenue dans les autres documents
comme les communiqués de presse.
Botosan (1997)
Le nombre d’analystes financiers suivant une entreprise joue un rôle
important dans l’existence d’une relation entre le coût du capital et
l’ampleur de la divulgation. Cette relation n’existe que lorsqu’on est
en présence d’un petit nombre d’analystes.
Charreaux et
La mise en place de la comptabilité ne se justifie que si les bénéfices
Debrières (1998)
y associés sont supérieurs aux coûts correspondants.
Botosan et
La divulgation totale des entreprises n’est pas corrélée au coût du
Plumlee (2002)
capital. Cependant, il existe une corrélation négative dans le rapport
annuel, neutre dans le rapport trimestriel et cette corrélation serait
inexistante dans les publications sur les relations avec les
investisseurs.
Faccio et Lang
Dans leur étude sur la structure de l’actionnariat des entreprises
(2002)
européennes, les auteurs ont identifié les propriétaires ultimes de ces
dernières et ont expliqué par quels moyens il existe un écart entre les
droits aux votes et les droits aux liquidités.
Hail (2002)
Dans le contexte de l’économie suisse, les entreprises divulguant
beaucoup d’informations voient leur coût du capital diminuer.
Francis et al.
Les entreprises à la recherche de financement ont un niveau de
(2005)
divulgation élevé. De plus, celles ayant une politique stratégique de
divulgation diminuent le coût de la dette et celui des capitaux
propres.
Habib (2006)
Le coût du capital est le principal instrument pour évaluer le montant
et la qualité des investissements. Le coût du capital est dès lors un
repère essentiel dans les décisions prises.
63
Tableau 2-II Synthèse de la littérature sur les avantages pour les préparateurs de
l’information financière suite à l’adoption des IFRS (Suite)
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Hyytinen et
En se basant sur un échantillon de petites et moyennes entreprises
Väanänen (2006)
finlandaises, l’article analyse l’importance à accorder à la sélection
adverse ou à l’aléa moral dans leurs contraintes de financement. Les
auteurs suggèrent que le premier problème est plus important que le
second dans l’accès au financement bancaire de ces entreprises.
Semenov(2006)
Lorsqu’on analyse les contraintes d’accès au financement des
entreprises, on remarque que certaines caractéristiques qualifiées
d’institutionnelles peuvent influencer le coût du capital. Telles sont :
la présence des marchés boursiers, des intermédiaires financiers et
du niveau de l’actionnariat bancaire.
Kroszner et al.
En analysant l’impact d’une crise financière sur les entreprises qui
(2007)
dépendent énormément du financement bancaire, l’article suggère
un effet négatif disproportionné sur la croissance de leurs affaires.
Beck et al. (2008)
L’accès au financement des entreprises est influencé par leur taille.
Ainsi, les petites entreprises sont essentiellement financées par les
banques commerciales alors que les grandes le sont par les banques
de développement ou par des fonds gouvernementaux.
Peng et Jiang
En se basant sur un échantillon d’entreprises asiatiques, les auteurs,
(2010)
en analysant la relation éventuelle entre la propriété familiale et la
performance suggèrent que ce lien est fortement influencé par le
niveau de développement des institutions de chaque pays et du degré
élevé de la protection légale des investisseurs.
Bharath et al.
Les auteurs analysent la relation entre l’asymétrie d’information
(2009)
entre les dirigeants et les participants au marché et les décisions sur
la structure du capital. Ainsi, il ressort que le niveau de l’asymétrie
d’information est un facteur très important dans le niveau du
changement du seuil d’endettement.
64
Tableau 2-II Synthèse de la littérature sur les avantages pour les préparateurs de
l’information financière suite à l’adoption des IFRS (Suite)
Auteurs et année Résultats de la recherche
Pindado et de la La structure de propriété peut jouer un rôle important dans les
Torre (2009)
décisions d’investissement des entreprises. Même si en général le
niveau d’investissement est corrélé à celui des flux de liquidité
provenant de l’exploitation des projets, les auteurs ont constaté des
actionnaires majoritaires poursuivent leurs propres intérêts en
investissant dans des projets peu rentables.
Gao (2010)
L’étude suggère que le coût du capital peut augmenter de pair avec
la qualité de l'information dévoilée quand un nouvel investissement
est suffisamment élastique.
Schipper (2010)
L’analyse coûts-bénéfices du processus de normalisation comptable
de l’IASB se heurte à une difficulté majeure, soit celle de trouver
une mesure appropriée à utiliser compte tenu de la diversité des
parties intéressées.
Barth et al.
Selon ces auteurs, les entreprises faisant preuve de plus de
(2011)
transparence ont un coût du capital moins élevé, ceci étant dû au fait
que des résultats très transparents reflètent les changements des
conditions économiques de façon claire pour les investisseurs.
Guay et al.
L’analyse de contenu des rapports annuels suggère que le coût du
(2011)
capital diminue si la divulgation est favorable et augmente dans le
cas inverse.
Chung et Chun En analysant la structure de propriété des entreprises familiales, les
(2012)
auteurs suggèrent que lorsque les actions de la famille fondatrice
sont dans une seule entreprise, il y aura une tendance à doter les
entreprises concernées des équipes de direction dominées par les
membres issus de la famille. Par contre, lorsque les actions sont
éparpillées dans plusieurs entreprises, cette tendance diminue et on
observe même un certain soutien aux candidatures externes aux
postes de direction de leur entreprise familiale.
65
La synthèse de la littérature sur les avantages pour les préparateurs de l’information
financière en IFRS nous suggère que les résultats restent encore mitigés. À cela, il faut
ajouter le fait qu’il y a une grande difficulté dans la mesure des coûts et avantages pour les
entreprises puisque les intérêts des parties prenantes sont souvent en conflit.
2.2.2 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les investisseurs
La littérature comptable a toujours considéré les analystes financiers comme les
représentants attitrés des investisseurs étant donné la difficulté des chercheurs de capter
globalement le comportement de ces derniers dans leur diversité. Les avantages des
investisseurs suite à l’adoption obligatoire des IFRS peuvent concerner une meilleure
qualité du résultat comptable, une faible gestion du résultat ou la pertinence accrue du
résultat comptable.
2.2.2.1 Contenu informationnel du résultat comptable publié selon les IFRS
Pour comprendre l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS sur le contenu
informationnel, Beuselinck et al. (2010) se basent sur 2071 entreprises de 14 pays
européens ayant adopté les IFRS durant période de 2003 à 2007. La question de recherche
était de savoir si l'adoption obligatoire des IFRS réduit l'opacité des entreprises et
contribue à l'amélioration du contenu informationnel telle que mesurée par la
synchronicité du rendement boursier du titre avec le bénéfice par action. Pour répondre à
cela, les auteurs proposent trois hypothèses relatives à la synchronicité du rendement
boursier et du bénéfice par action pendant la période menant aux rapports conformes aux
IFRS. L’étude conclut que l'adoption des IFRS, en diminuant l'opacité des entreprises,
contribue à améliorer le contenu informationnel des états financiers en rapport avec le prix
boursier à partir de l'année 2005, comparativement aux années précédant l’adoption
obligatoire des IFRS.
Par ailleurs, Collins et al. (2009) ont analysé la question de la confiance du marché dans
les résultats annoncés par la presse financière qui serait le facteur le plus déterminant de
l’augmentation de la qualité du contenu informationnel des annonces, pour la période de
1985 à 2000. Pour ce faire, l’article se base sur un échantillon de 114 986 entreprises.
L'unique hypothèse formulée est que le marché se fie plus aux résultats annoncés par la
66
presse financière qu’à ceux produits par le système comptable des entreprises. Ce
comportement du marché se traduit par une réaction plus forte suite aux annonces de la
presse financière qu’à la publication des états financiers. On constate ainsi que le marché y
voit un contenu informationnel meilleur que les résultats produits par le système
comptable. Selon les auteurs, cette situation peut être interprétée comme une tentative des
dirigeants et des analystes financiers de ne pas prendre en considération les données
intermédiaires entre la marge brute et le résultat net pour faire des résultats de la presse
financière une mesure améliorée afin de déterminer les flux monétaires futurs et par
conséquent la valeur de l’entreprise.
En s’intéressant à la persistance des résultats et de leurs composantes après l’adoption
obligatoire des IFRS sur la période de 2002 à 2007, l’étude de Doukakis (2010) se base
sur un échantillon de toutes les entreprises non financières cotées sur la bourse d’Athènes
pour la période de 2002 à 2007. Cette question est étudiée sous deux volets : le contenu
informationnel des différentes composantes des résultats pour la prédiction de la
rentabilité future et la persistance éventuelle des résultats et de leurs composantes après
l’adoption obligatoire des IFRS. L'étude confirme que la désagrégation des résultats en
leurs composantes est utile car elle donne de nouvelles informations et améliore la
capacité de prédiction des résultats futurs. Par contre, les IFRS ne semblent pas améliorer
la persistance des résultats ni de leurs composantes, c’est-à-dire qu’elles n’améliorent pas
la prédiction des rendements futurs. Cet article est le premier à examiner l’impact de
l’adoption des IFRS sur la capacité prédictive des informations financières produites sous
le nouveau référentiel comptable international.
Pour analyser l’influence des auditeurs externes et des comités d’audit sur le contenu
informationnel des manipulations comptables, Janin et Piot (2008) ont abordé la
problématique en partant du lien entre la composante discrétionnaire du résultat comptable
et la qualité du processus d’audit. L’étude a été faite sur un échantillon de 67 entreprises
françaises, couvrant la période de 1999 à 2001. Les hypothèses testées concernent la
corrélation entre les accruals discrétionnaires et la rentabilité boursière en tenant compte
de la taille du cabinet d’audit. Les grands cabinets comptables ont une tendance trop
prudente dans la validation des choix comptables, ce qui enlève aux dirigeants la
flexibilité comptable qu’ils ont pour informer le marché sur les perspectives de rentabilité.
Par ailleurs, la corrélation entre les accruals discrétionnaires et la rentabilité boursière ne
67
serait pas altérée par la durée de la relation auditeur-audité. Les résultats des tests
suggèrent que le contenu informationnel des accruals comptables discrétionnaires est
moindre en présence d’un auditeur appartenant aux grands cabinets comptables. De plus,
seule la présence d’un comité d’audit à majorité indépendant de la direction peut limiter la
pratique de la discrétion managériale dans la présentation de l’information financière.
Enfin, l'étude est d’avis qu’une longue collaboration auditeur-audité (supérieur à six ans)
ne semble pas avoir d’effet significatif sur la corrélation entre la rentabilité boursière et la
composante discrétionnaire de la performance comptable.
Enfin, Florou et Pope (2012) ont analysé l’impact de l’introduction obligatoire des IFRS
sur les décisions d’allocation des ressources par les investisseurs institutionnels. En se
basant sur un échantillon de plus de 144 000 investisseurs institutionnels, transigeant dans
près de 4 000 entreprises dans 24 pays, les auteurs notent un grand changement dans
l’acquisition de nouvelles actions durant l’année de l’adoption obligatoire des IFRS ainsi
que l’année suivante. Il faut toutefois signaler que de tels changements s’observent
uniquement dans les pays ayant une grande protection légale, un faible niveau de
corruption et une faible gestion des résultats. Les conclusions de la recherche suggèrent en
définitive que beaucoup d’investisseurs s’attendent à ce que le passage obligatoire à
l’utilisation des IFRS abaisse le coût du capital.
2.2.2.2 Qualité des résultats comptables et information financière en IFRS
La gestion des résultats comptables dans le contexte international a fait l’objet de
beaucoup de recherches. Par exemple, pour comprendre l’ampleur de la pratique de
gestion des résultats, Burgstahler et Eames (2006) ont analysé les buts et les moyens
utilisés par les dirigeants d’entreprises pour y arriver. Le modèle empirique utilisé estime
les accruals discrétionnaires en régressant les accruals totaux sur l’inverse de l’actif total,
la variation des ventes et les immobilisations, toutes ces variables étant déflatées par le
montant de l’actif total. L'étude constate que les dirigeants sont engagés dans la gestion
des résultats pour éviter des résultats inférieurs aux prévisions. La recherche met en
évidence le fait qu’on observe anormalement plus de surprises agréables que de surprises
désagréables dans la réalisation des résultats prédits. Elle montre que pour ce faire, les
dirigeants manipulent à la hausse les résultats et à la baisse les prévisions de résultats.
68
Ainsi, il est suggéré que, pour arriver à leur but, les dirigeants d’entreprises préfèrent par
exemple la gestion des résultats à la gestion des prévisions.
L’étude de Hoarau (2008) quant à elle n’a pas pu trancher sur l’impact éventuel de
l’adoption obligatoire des IFRS sur la gestion des résultats par comparaison à l’utilisation
des normes comptables locales. Cet auteur se demande en effet s’il y a une approche plus
pertinente qu’une autre pour influencer le comportement des dirigeants en matière de
gestion des résultats comptables. L'hypothèse est qu'aucune approche normative n’est
satisfaisante en soi. L’auteur est d’avis que la gestion des résultats est possible via la
structuration des opérations et qu’elle passe par la flexibilité des normes comptables qui
ouvre la voie à des interprétations.
L’amélioration de la qualité de l’information financière publiée en IFRS est aussi la
préoccupation de l’étude publiée par Iatridis (2010). L’étude porte sur 241 entreprises
britanniques qui avaient déjà adopté les IFRS en 2005. Pour cela, les hypothèses
formulées vont dans le sens que l’adoption obligatoire de ces normes est susceptible de
réduire la gestion des résultats en passant par la transparence et la qualité de l’information
produite. De même, les données comptables produites selon les IFRS seraient d’une plus
grande fiabilité. Les résultats des tests suggèrent que l'adoption obligatoire des normes
internationales réduit la pratique de la gestion des résultats. De plus, elle diminue
l’asymétrie d’information grâce à une plus grande transparence et une plus grande qualité
de l’information comptable. Cette étude éclaire les autorités règlementaires sur les qualités
des IFRS et les investisseurs dans leur prise de décisions.
L'article de Liu et al. (2011) analyse l’impact des IFRS sur la qualité de l’information
comptable dans un marché règlementé. L'étude a été faite sur la période de 2005 à 2008
en se basant sur un échantillon d’entreprises chinoises. L'hypothèse de cette étude est que
les IFRS sont pertinentes pour une meilleure qualité de l’information financière. L’auteur
est d’avis que la qualité de l’information comptable a augmenté, par la baisse de la gestion
des résultats et l’augmentation de la fiabilité des données comptables en Chine depuis
2007, date d’adoption des normes comptables très proches des IFRS. Cependant,
l’ampleur de cette amélioration est moindre pour les entreprises qui étaient auditées par les
grands cabinets comptables (Big 4). Cet article contribue à la recherche en suggérant que
69
les IFRS sont très pertinentes aussi bien pour les économies développées que pour les
économies émergentes.
Dans le cadre d’un échantillon de 353 entreprises françaises, Zéghal et al. (2011)
analysent si l’adoption des IFRS a résulté en une baisse de la gestion des résultats durant
la période de 2003 à 2006 en se référant aux rapports annuels de la base de données
DIANE. Cette étude propose huit hypothèses toutes relatives à la diminution potentielle de
la manipulation des résultats en faisant intervenir notamment la composition du conseil
d’administration et la taille du cabinet d’audit. Pour déterminer les entreprises qui
manipulent le moins les résultats, les auteurs prennent en considération les accruals
discrétionnaires. En plus, les entreprises ayant manipulé le moins les résultats possèdent
les caractéristiques suivantes: Grande proportion d’administrateurs externes indépendants,
grande taille du conseil d’administration, absence de dualité au niveau du poste de
président du conseil et celui de président-directeur général, un comité d’audit indépendant,
le fait que l’auditeur soit un grand cabinet et cotation sur une bourse étrangère. Cette étude
met en lumière le rôle important que joue la gouvernance de l’entreprise dans
l’implantation des IFRS.
En tenant compte de l’environnement légal, Cahan et al. (2008) analysent si les
motivations de la gestion des résultats diffèrent selon le niveau de protection des
investisseurs dans un pays en se basant sur les données de la période de 1993 à 2002 dans
44 pays. L’étude suggère que la qualité informative des résultats comptables est très
positivement corrélée avec le lissage des résultats dans les pays à forte protection de
l’investisseur par rapport aux pays à faible protection. Cela signifie que les dirigeants
d’entreprises dans les pays à forte protection légale utilisent le lissage des résultats pour
divulguer certaines de leurs informations privilégiées sur la prévision des résultats futurs,
alors que ceux dans les pays à faible protection, le lissage des résultats sert à des buts
opportunistes.
Pour leur part, Tucker et Zarowin (2006) posent la question de savoir si le lissage des
résultats améliore la qualité de l'information financière. Les auteurs se basent pour cela sur
les données de Compustat entre 1993 et 2000 et émettent deux hypothèses. La première
est que le lissage des résultats améliore le contenu informationnel si les dirigeants utilisent
la prudence pour communiquer l’évaluation des résultats futurs. La seconde est que le
70
lissage des résultats rend plus agressifs les dirigeants qui faussent intentionnellement les
données prévisionnelles. L'étude conclut que le changement du cours boursier de l'action
des entreprises lissant le plus les résultats contient plus d'informations que celui des
entreprises effectuant un lissage moins important.
Pour analyser la relation entre la qualité des bénéfices et la propriété par une famille
fondatrice, Wang (2005) s’est basé sur un échantillon des 500 entreprises S & P pour la
période de 1994 à 2002. L'étude porte sur la question de savoir si le fait que la famille
fondatrice soit actionnaire dans une entreprise affecte ses résultats financiers. Pour cela,
deux hypothèses mettent en parallèle
le fait que
les familles fondatrices peuvent
accaparer la richesse de l’entreprise aux dépens des autres investisseurs en sous-estimant
les résultats déclarés (effet d’enracinement) et le fait que la famille fondatrice d'une
entreprise peut vouloir aligner ses intérêts avec ceux des autres investisseurs (effet
d’alignement). L’analyse des résultats de l’étude suggère l’existence d’une relation non
linéaire entre la famille propriétaire d’une entreprise et la qualité des bénéfices.
La structure de propriété peut également influencer le contenu informationnel du résultat.
Ainsi, dans le cadre des entreprises polonaises, Korczak et Korczak (2009) ont intégré
l’environnement de la gouvernance corporative pour analyser l’effet de cette dernière sur
l’expropriation et la présentation de l’information financière. Alors que la Pologne, parmi
d’autres pays de l’Europe centrale, a évolué dans le sillage du communisme jusqu’au
début des années 1990, le système de gouvernance y est généralement considéré comme
faible si on se réfère aux conclusions de LaPorta et al. (1998). Se basant sur un échantillon
d’entreprises polonaises cotées durant la période de 1999 à 2002 et sur le fait que les
entreprises à haut risque ont un grand incitatif à exploiter la discrétion, l’étude conclut à
des résultats fort intéressants. Ainsi, la concentration de propriété a un effet positif sur le
contenu informationnel du résultat comptable. De plus, l’actionnariat managérial a un
impact positif sur l’information contenue dans les résultats; les dirigeants non actionnaires
pouvant utiliser leurs pouvoirs pour favoriser les activités qui sont bénéfiques à leurs
propres intérêts. Les blockholders quant à eux peuvent avoir des intérêts divergents dans
leur façon d’influencer la gouvernance corporative. Les résultats nous orientent vers le fait
que les internes (insiders) peuvent manipuler la divulgation financière de façon à
désorienter les externes, et éviter ainsi toute action disciplinaire. De même, il y aurait un
71
effet positif sur la propriété managériale sur la qualité de l’information contenue dans les
résultats lorsque la direction détient entre 25 et 50% des droits de vote.
De leur côté, Fan et Wong (2002) se sont intéressés aux relations entre la structure de
propriété des entreprises et la qualité des informations comptables. Pour ce faire, leur
étude se base sur la structure de propriété de 977 entreprises Est-asiatiques entre 1991 et
1995. Les deux hypothèses analysées sont relatives à la relation entre la structure de
propriété à participations croisées et pyramidales et les conflits d’intérêts, et à la relation
entre ce type de structure et les informations financières publiées. L'étude arrive à la
conclusion que la forte concentration de la propriété d'une entreprise engendre une
mauvaise qualité des informations financières publiées sur les résultats. Elle permet en
outre d'étendre les recherches actuelles en examinant la structure de propriété comme étant
l'un des canaux à travers lesquels l'environnement institutionnel d'un pays influence la
qualité des informations financières des entreprises. Enfin, cette étude intéresserait les
autorités politiques et règlementaires Est-asiatiques qui s'efforcent d'améliorer la
gouvernance d'entreprise et la transparence dans leurs pays respectifs.
Dans leur étude sur la qualité des bénéfices et la structure de propriété, Givoly et al.
(2010) traitent de la comparaison des chiffres comptables produits par des entreprises
publiques et privées. Pour cela, cette étude se base sur un échantillon d'entreprises
américaines pour la période de 1978 à 2003. Cet article met en opposition deux
hypothèses: celle de la demande qui suppose que les bénéfices des entreprises publiques
sont de meilleure qualité que ceux des entreprises privées ; et celle du comportement
opportuniste qui suggère que la qualité des résultats est moindre dans les entreprises
publiques car leurs gestionnaires ont une plus grande motivation à gérer les résultats. Au
final, il s'avère que les entreprises privées ont des comptes de régularisation de meilleure
qualité et une propension plus faible à gérer les résultats. Cette étude élargit la littérature
sur le type de propriété (publique ou privée) en examinant un très grand échantillon
d’entreprises américaines, et en tenant compte de différentes caractéristiques spécifiques.
Dans la même logique, Ali et al. (2007) traitent de la divulgation des résultats comptables
dans les entreprises familiales. L’étude porte sur 500 entreprises américaines pour
l’exercice 2003 et propose quatre hypothèses qui, en comparant les entreprises familiales
aux autres types d’entreprises sont consacrés aux aspects suivants : la qualité des
72
bénéfices, la divulgation volontaire des pratiques de gouvernance et la dispersion dans les
prévisions des analystes. Cette étude arrive à la conclusion que les bénéfices publiés
s'avèrent de meilleure qualité dans les entreprises familiales que dans les autres
entreprises. De plus, les entreprises familiales sont plus susceptibles de donner des alertes
pour les mauvaises nouvelles mais divulguent moins les informations à propos de leurs
mécanismes de gouvernance que les autres entreprises. Cet article contribue à la littérature
sur la question des informations divulguées par les entreprises, en documentant la
différence de qualité desdites informations entre les firmes familiales et celles nonfamiliales.
Enfin, Dechow et al. (2010) font une revue de littérature très intéressante sur la qualité des
bénéfices. Ces auteurs proposent en particulier des mesures appropriées pour saisir ce
concept, et que nous utilisons au chapitre IV de notre recherche.
2.2.2.3 Pertinence du résultat et information financière en IFRS
En faisant une analyse comparative entre normes comptables, l’article d’Atwood et al.
(2011) se demande si la relation existant entre les résultats comptables courants et futurs et
les flux de trésorerie diffèrent pour les entreprises utilisant les IFRS par rapport à celles
utilisant les normes comptables américaines ou autres. L’étude porte sur 58 832
entreprises européennes qui utilisent les IFRS sur la période de 2002 à 2008. Elle constate
que les résultats courants et futurs sont positivement corrélés et que les pertes sont
généralement moins persistantes que les bénéfices. Toutefois, elles le sont encore moins
sous les IFRS que sous les normes comptables américaines, mais il n’y a pas de différence
significative par rapport aux autres normes comptables nationales. Il n’y a pas non plus de
différence significative dans la persistance des résultats lorsqu’on utilise les IFRS, les
normes américaines ou même les autres normes. Enfin, cet article donne beaucoup d’outils
aux investisseurs, analystes, créanciers et autres parties prenantes qui utilisent les
informations contenues dans les résultats courants pour former leurs anticipations sur les
résultats et les cash flows futurs.
Dans un autre ordre d’idées, Devalle et al. (2010) ont évalué la pertinence de la valeur des
données comptables après l’introduction des IFRS en Europe. Ils ont ainsi utilisé un
échantillon de 3 721 entreprises cotées sur les bourses de Frankfort, Madrid, Paris,
Londres et Milan. Les auteurs examinent l’étendue avec laquelle les données comptables
73
sont reflétées dans le prix boursier, le ratio de dividendes ou la pertinence de la valeur
mesurée par la gestion des résultats et la rapidité dans la comptabilisation des pertes. Les
résultats de l’étude sont mitigés puisque l’introduction obligatoire des IFRS a fait
augmenter la pertinence des résultats comptables alors que la valeur comptable des
capitaux propres a diminué.
Karampinis et Hevas (2009) ont analysé les effets de l’adoption obligatoire des IFRS sur
la pertinence de la valeur des données comptables en se basant sur un échantillon
d’entreprises grecques sur la période de 2003 à 2006. Il s’agit d’entreprises cotées à la
Bourse d’Athènes, dont la période d’analyse précède l’adoption obligatoire des IFRS. Ce
pays est caractérisé par un régime dit de code civil et l’économie grecque est orientée vers
le financement bancaire avec une faible protection légale des investisseurs. Selon cette
étude, le pouvoir explicatif des modèles utilisés dans la compréhension du résultat net
augmente après l’adoption obligatoire des IFRS même dans un contexte non favorable
comme celui de l’économie grecque. Les résultats de l’étude suggèrent que l’adoption
obligatoire des IFRS affecte positivement la pertinence de la valeur des données
comptables relatives au revenu net consolidé et la valeur aux livres des capitaux propres.
Ceci constitue donc un avantage économique pour les analystes financiers.
En utilisant un échantillon plus large, Aharony et al. (2010) arrivent à des conclusions
comparables. En effet, ces auteurs ont analysé l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS
sur l’évaluation des données comptables pour les investisseurs boursiers au sein de
l’Union Européenne. L’étude compare ainsi la pertinence de l’information comptable dans
14 pays, soit pendant une année avant la période d’adoption obligatoire des IFRS et une
année après cette date. Plus spécifiquement, les auteurs analysent les normes relatives aux
actifs intangibles, à la recherche et développement et à la réévaluation des actifs
immobilisés. Dans l’ensemble, les résultats amènent les auteurs à conclure que l’adoption
des IFRS a augmenté la pertinence de l’information des trois données comptables pour les
investisseurs en capitaux propres dans les pays de l’Union Européenne.
Pour saisir l’impact global sur les entreprises, les investisseurs et les créanciers, Lantto et
Sahlström (2009) ont analysé l’évolution des ratios financiers avant et après l’adoption des
IFRS par les entreprises européennes. En prenant le cas de la Finlande, les auteurs ont
d’abord converti
en normes internationales les états financiers établis en normes
74
comptables locales afin d’analyser les ratios de rentabilité et les ratios cours-bénéfice.
Dans l’ensemble, les ratios se sont améliorés, car ceux de rentabilité ont en moyenne
augmenté de 9 à 19 % alors que le ratio cours-bénéfice a diminué de 11%. Plus
précisément, les normes comptables suivantes expliquent les changements dans les ratios :
la comptabilité à la juste valeur, les contrats de location, les impôts futurs et les
instruments financiers. Ces changements dans les ratios sont essentiellement dus à
l’augmentation du résultat net.
L’étude d’Aubert et Grudnitski (2011) vient nuancer la supériorité présumée des normes
IFRS sur les normes comptables locales. Ces auteurs ont analysé le comportement des
entreprises de treize pays réparties dans 20 secteurs économiques en comparant
spécifiquement le rendement des actifs (ROA) lorsqu’on utilise les IFRS et lorsqu’on
utilise les normes comptables locales. En prenant l’information en IFRS comme référence,
des différences positives statistiquement significatives existent dans les pays suivants :
Belgique, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Suède, Suisse et Royaume-Uni. Par contre,
entre les informations en IFRS et celles en normes comptables locales, les entreprises
allemandes et norvégiennes présentent des différences négatives statistiquement
significatives. L’étude ne décèle donc pas de façon claire une documentation statistique
qui tendrait à démontrer que l’information comptable produite selon les IFRS soit plus
pertinente que celle produite selon les normes comptables locales.
Dans le but de comprendre si ce sont les IFRS seules ou leur combinaison avec la présence
des institutions financières qui déterminent le niveau du résultat publié, Shima et Gordon
(2011) ont analysé un échantillon de holdings américains en fonds étrangers sur la période
de 2003 à 2006. Pour ce faire, les trois hypothèses analysées sont relatives à une
corrélation éventuelle entre l’utilisation des IFRS et le choix du pays pour les investisseurs
américains en actions d’entreprises étrangères. Les résultats des tests suggèrent que
l'utilisation comme telle des IFRS dans un pays donné n'est pas corrélée avec la présence
des placements américains dans des entreprises étrangères. Par contre, l'environnement
légal est positivement corrélé à la présence de plus gros investissements américains en
actions étrangères. Enfin, l'article suggère que les IFRS réduisent l’asymétrie
d'information si les caractéristiques institutionnelles sont en place pour s'aligner avec les
besoins des investisseurs étrangers. On retiendra ainsi que la présence des investissements
75
américains dans un pays donné est positivement corrélée à l'utilisation des IFRS seulement
quand cela est combiné avec un fort cadre règlementaire.
Afin d’analyser l’effet des surprises dans les résultats sur l’asymétrie informationnelle
entre les investisseurs informés et ceux qui ne le sont pas, Brown et al. (2009) se sont
basés sur l’hypothèse de reconnaissance par l’investisseur (Investor Recognition
Hypothesis). Les auteurs classent les entreprises en trois catégories: celles qui atteignent
les prévisions des analystes financiers, celles qui les dépassent et celles qui ne les
atteignent pas. L’étude a porté sur 65 619 entreprises américaines sur la période de 1995 à
2004. L’hypothèse de reconnaissance par l’investisseur, développée par Merton (1987) se
base sur le fait que la diffusion de l’information incomplète au sein des investisseurs
affecte leur comportement transactionnel et la valeur des actions qui en résulte. Les deux
premières catégories de l’étude de Brown et al. (2009) attirent une attention spéciale des
média avec pour conséquence d’augmenter les transactions par les investisseurs non
informés pour les entreprises ayant dépassé les prévisions. Cela suggère ainsi qu’une
surprise positive dans les résultats améliore la visibilité des investissements de l’entreprise
cotée en bourse en attirant de nouveaux investisseurs. Pour ce qui est d’une surprise
négative dans les résultats comptables, l’étude montre que le volume des transactions
diminue pour les investisseurs non informés. Ainsi, l’asymétrie informationnelle, mesurée
par la fourchette des prix boursiers, augmente durant le trimestre suivant la surprise,
qu’elle soit positive ou négative.
Dans le contexte de l’économie française, Zhao et Millet-Reyes (2007) ont analysé la
façon dont la structure de l’actionnariat (familial ou bancaire) peut affecter l’information
comptable publiée par les entreprises. Le système de communication financière est
intimement lié au système légal de gouvernance dans lequel baignent les organisations et
deux modèles sont en constante compétition à savoir celui de common law et celui de code
law. Dans ce dernier système, l’actionnariat est réparti entre les familles (petites
entreprises avec plus de 40% des droits de votes), les institutions financières et l’État
(grandes entreprises). Le système de gouvernance peut être affecté par la qualité de la
divulgation financière, la protection des actionnaires minoritaires et l’indépendance du
conseil d’administration. Cette situation est plus prononcée dans le cas des entreprises
familiales, en particulier lorsqu’il y a présence des grands actionnaires (blockholders) et
des structures pyramidales. Les marchés financiers perçoivent les entreprises familiales
76
comme ayant beaucoup de problèmes d’agence quand elles recourent aux dettes à long
terme. Ces problèmes d’agence sont dus à la faible qualité de la divulgation de
l’information et à la faible protection des actionnaires minoritaires. Ces entreprises
bénéficieraient donc potentiellement des avantages de l’adoption obligatoire des IFRS.
Les auteurs concluent que la qualité des données comptables est plus grande dans les
entreprises à forte majorité d’actionnariat bancaire que dans celles à actionnariat familial.
Les conflits d’intérêts entre les actionnaires majoritaires et les minoritaires sont par
ailleurs plus présents dans le deuxième que dans le premier cas.
Chahine (2007) s’intéresse à l’impact de la structure de propriété concentrée aux mains de
quelques grands actionnaires (blockholders) et l’actionnariat familial sur la performance
des entreprises concernées. L’étude analyse également l’impact de l’actionnariat diffus
résultant d’une ouverture progressive de ces deux types de propriété à des capitaux
externes. L’auteur considère un échantillon de 163 des 335 entreprises françaises 1 an
après leur enregistrement au premier appel public à l’épargne (PAPE) pour la période de
1996 à 2000. Pour le cas des blockholders, certains auteurs soutiennent que ce type de
propriété augmente l’efficience alors que d’autres prédisent une baisse de la valeur de la
firme à cause d’abus qui pourraient être exercés sur les actionnaires majoritaires. La
première position fondée sur l’ idée de surveillance laisse présager l’ existence d’ une
relation positive entre performance d’ une entreprise et sa possession par un nombre limité
d’ actionnaires tandis que le deuxième point de vue mettant en avant l’ hypothèse d’
enracinement des dirigeants pousse plutôt à présumer une relation négative. De même, les
caractéristiques de la gestion d’entreprises familiales mènent à deux points de vue
opposés. Le fait que l’intérêt de la famille coïncide avec celui de l’organisation est un bon
incitatif pour plus d’efficience, moins de problème d’agence, une facilité de surveillance et
de discipline et partant une hausse de la performance. Hélas, cette structure souffre de la
tendance à l’enracinement, laquelle porte à croire à une relation négative comme
précédemment exposé. À ce niveau, la contribution de l’auteur est de suggérer que le
premier point de vue cohérent avec l’hypothèse d’alignement d’intérêts l’emporte sur celle
d’enracinement ou non. Afin de pallier la contrainte de financement inhérente à la
croissance des organisations, ces deux types de propriété peuvent faire appel à des
capitaux externes. L’actionnariat diffus qui en découle devrait atténuer la tendance à
l’enracinement, augmenter l’efficience via une surveillance plus accrue et donc une hausse
de la performance. En outre, l’effet négatif observé dans le cas des entreprises détenues
77
par quelques grands actionnaires est exacerbé si en plus ceux-ci appartiennent à une même
famille, par sang ou par lien comme le mariage.
Le tableau 2-III donne une vue d’ensemble sur l’analyse des avantages économiques de
l’adoption des IFRS pour les investisseurs.
78
Tableau 2-III Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques pour
les investisseurs suite à l’adoption obligatoire des IFRS
Auteurs et
année
Résultats de la recherche
Merton
La diffusion d’une information incomplète au sein des investisseurs
(1987)
affecte le comportement transactionnel et la valeur des actions qui en
résulte.
Fan et Wong
Les auteurs analysent l’effet de la structure de propriété sur la qualité des
(2002)
informations financières dans les pays Est-asiatiques. Les résultats
tendent à affirmer qu’une forte concentration de la propriété d’une
entreprise entrainerait une mauvaise qualité des bénéfices.
Wang (2005)
En se basant sur un échantillon d’entreprises américaines, l’auteur
analyse si la présence de la famille fondatrice dans l’actionnariat affecte
les résultats comptables. Les résultats de l’étude suggèrent l’existence
d’une relation non linéaire entre cette catégorie d’actionnaires et la
qualité des bénéfices.
Burgstahler et
Cet article analyse les moyens utilisés par les gestionnaires d’entreprises
Eames (2006)
pour atteindre le résultat attendu. Les auteurs sont d’avis que les
dirigeants d’entreprises essaient de minimiser les prévisions du résultat
pour rencontrer aisément les attentes des analystes financiers.
Tucker et
Les auteurs analysent l’effet du lissage des résultats sur le contenu
Zarowin
informationnel. Cette étude conclut que cet impact est remarquable pour
(2006)
les entreprises qui effectuent un lissage très important du résultat
comptable.
Ali et al.
L’étude compare les pratiques de divulgation des entreprises familiales
(2007)
au niveau des résultats comptables et des mécanismes de gouvernance.
Par rapport aux autres types d’entreprises, celles ayant un actionnariat
familial donnent de meilleures informations sur le bénéfice comptable
mais de moins bonnes informations sur leurs pratiques de gouvernance.
79
Tableau 2-III Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques pour
les investisseurs (Suite)
Auteurs et
année
Résultats de la recherche
Chahine
L’analyse de la gestion des entreprises familiales amène à deux points de
(2007)
vue opposés, celui de l’enracinement des dirigeants et celui de la
convergence des intérêts. Sur base d’un échantillon d’entreprises françaises
pour la période d’une année après la première introduction en bourse,
l’auteur est d’avis qu’en faisant appel à des capitaux externes, l’actionnariat
devient diffus, ce qui atténuerait la tendance à l’enracinement.
Zhao et
Les auteurs analysent l’impact de la structure de l’actionnariat sur
Millet-
l’information comptable publiée par les entreprises familiales. Ces dernières
Reyes
auraient beaucoup de problèmes d’agence dus à la faible qualité de la
(2007)
divulgation financière. Ainsi, l’adoption obligatoire des IFRS serait
particulièrement avantageuse à ce type d’entreprises.
Cahan et al. L’article analyse la motivation des dirigeants dans la pratique de la gestion
(2008)
des résultats par le lissage de ces derniers. Ainsi, les dirigeants d’entreprises
ayant une grande protection légale utilisent le lissage des résultats pour
divulguer certaines informations privilégiées au sujet des résultats futurs.
Hoarau
Malgré la haute qualité des informations comptables publiées selon les
(2008)
IFRS, l’article suggère que la gestion des résultats est toujours possible via
la structuration des opérations et la flexibilité dans l’application des IFRS.
Les auteurs analysent l’influence des auditeurs externes et des comités
Janin et
d’audit sur le contenu informationnel des manipulations comptables. Il
Piot (2008)
ressort que le contenu informationnel des accruals est moindre en présence
d’un auditeur appartenant aux grands cabinets comptables dans le monde.
L’article analyse l’effet des surprises dans les résultats entre les
Brown et
al. (2009)
investisseurs informés et ceux qui ne le sont pas. Sur base d’un échantillon
américain, et en mesurant l’asymétrie informationnelle par la fourchette des
prix boursiers, les auteurs constatent que cette dernière augmente au cours
du trimestre suivant la surprise, qu’elle soit positive ou négative.
80
Tableau 2-III Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques pour
les investisseurs (Suite)
Auteurs et
année
Résultats de la recherche
Collins et al.
En se basant sur un échantillon de plus de 100 000 entreprises, l’article
(2009)
suggère que le marché réagit plus vigoureusement aux résultats publiés
par la presse financière qu’à ceux produits par le système comptable.
Karampinis et
En analysant les entreprises grecques cotées sur la Bourse d’Athènes sur
Hevas (2009)
la période de 2003 à 2006, les auteurs ont constaté que l’adoption
obligatoire des IFRS a eu un impact positif sur la pertinence de la valeur
des données comptables relatives au résultat net et des capitaux propres.
Korczak et
Les auteurs analysent l’effet de la gouvernance d’entreprises polonaises
Korczak
sur la présentation de l’information financière et le risque redouté
(2009)
d’expropriation. Il ressort de l’étude que les actionnaires internes peuvent
manipuler la divulgation financière, désorientant ainsi les actionnaires
externes lorsque vient le moment de la prise de décision par ces derniers.
Lantto et
L’article analyse les changements dans les ratios financiers lorsque les
Sahlström
entreprises passent des normes comptables locales aux IFRS. Sur base
(2009)
d’un échantillon finlandais, les auteurs constatent une amélioration de
ratios, en particulier ceux de rentabilité et de cours-bénéfice.
Aharony et al.
Les auteurs ont analysé l’impact de passage obligatoire des IFRS des
(2010)
entreprises européennes sur la pertinence des informations relatives aux
actifs intangibles, à la recherche et développement et à la réévaluation des
actifs. L’étude suggère que cet impact est positif pour les trois données
comptables.
Beuselink et
En améliorant l’opacité de l’information financière, les IFRS contribuent
al.(2010)
à améliorer le contenu informationnel du prix boursier à compter de
l’année 2005, date de leur adoption obligatoire par les pays de l’Union
Européenne.
81
Tableau 2-III Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques pour
les investisseurs (Suite)
Auteurs et
année
Résultats de la recherche
Dechow et al.
Les auteurs font une revue de la littérature sur les différentes mesures
(2010)
utilisées pour capter la notion de qualité des bénéfices comptables.
Sur base d’un échantillon d’entreprises européennes sur la période suivant
Devalle et al.
l’introduction des IFRS, l’étude soutient que l’influence des résultats
(2010)
comptables sur le prix boursier augmente alors que l’influence de la
valeur comptable des capitaux propres diminue.
Doukakis
(2010)
Iatridis
(2010)
Malgré des présomptions fort répandues, l’adoption obligatoire des IFRS
n’améliore pas toujours la capacité de prédiction de la rentabilité future
par les résultats de l’entreprise.
L’adoption obligatoire des IFRS amène une plus grande transparence de
l’information financière, entrainant de ce fait une faible gestion des
résultats.
L’article compare la qualité des bénéfices comptables présenté par les
Givoly et al.
(2010)
entreprises publiques et les entreprises privées. En tenant compte du
comportement opportuniste des gestionnaires, les auteurs sont d’avis que
les comptes des entreprises privées sont de meilleure qualité avec une
tendance plutôt faible à gérer les résultats.
En se basant sur un échantillon d’entreprises américaines pour la période
Atwood et
al.(2011)
de 2002 à 2008, l’article analyse l’impact des IFRS sur la corrélation entre
les résultats d’exploitation et les flux de trésorerie futurs. Les auteurs ne
décèlent aucun indice quant à l’influence de l’adoption des IFRS dans la
relation analysée.
En se basant sur un échantillon d’entreprises situées dans 13 pays
Aubert et
européens, les auteurs constatent une tendance à la diminution du
Grudnitski
rendement des actifs après le passage obligatoire aux IFRS. Cette étude
(2011)
vient nuancer la supériorité de l’information produite en IFRS quant à
pertinence par rapport à celle produite en normes comptables locales.
82
Tableau 2-III Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques pour
les investisseurs (Suite)
Auteurs et
année
Résultats de la recherche
En se basant sur un échantillon d’entreprises situées dans 13 pays
Aubert et
européens, les auteurs constatent une tendance à la diminution du
Grudnitski
rendement des actifs après le passage obligatoire aux IFRS. Cette étude
(2011)
vient nuancer la supériorité de l’information produite en IFRS quant à
pertinence par rapport à celle produite en normes comptables locales.
Liu et al.
(2011)
Dans le cadre de l’économie chinoise, l’adoption des normes comptables
très proches des IFRS a fait baisser la gestion des résultats par les
entreprises et augmenter la fiabilité des données comptables.
L’étude s’intéresse à l’influence des IFRS dans le choix du pays par les
Shima et
Gordon
(2011)
investisseurs américains. Tout en admettant que l’utilisation des IFRS
réduit l’asymétrie informationnelle, l’étude suggère qu’il y a une certaine
corrélation entre la présence des investissements américains à l’étranger et
l’utilisation de ces normes seulement lorsqu’un cadre règlementaire fort
existe dans le pays concerné.
L’article se base sur un échantillon français pour analyser le rôle que joue
Zéghal et al.
(2011)
la gouvernance dans l’implantation des IFRS et la publication de
l’information financière qui en est issue. Les entreprises qui manipulent
moins leurs résultats comptables sont celles qui se caractérisent par la
mise en pratique des meilleures normes en matière de gouvernance.
Le passage obligatoire aux IFRS dans les pays à forte protection légale,
Florou et
peu corrompus et avec un faible niveau de gestion des résultats amène les
Pope (2012)
investisseurs institutionnels à acquérir davantage d’actions auprès des
entreprises concernées.
Il existe actuellement une littérature dense sur l’attention que portent les investisseurs à
l’adoption obligatoire des IFRS. Toutefois, cette littérature n’est pas concluante puisqu’un
certain courant milite en faveur des avantages procurés par cette adoption alors qu’un
autre reste hésitant.
83
2.2.3 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour les créanciers
Les créanciers représentent une part importante des parties prenantes dans la vie des
entreprises et toute analyse des conséquences économiques de l’adoption obligatoire des
IFRS devrait en tenir compte (Wu et Zhang, 2009). En effet, dans leur étude sur la loi et la
finance, La Porta et al. (1998) considèrent qu’en moyenne la dette envers le secteur
bancaire privé et autres obligataires représentent 59% du produit national brut. Certaines
études se sont dès lors intéressées au rôle contractuel de l’information comptable en
particulier lorsqu’il s’agit de prêts bancaires et que cette information est préparée selon les
normes internationales d’information financière. Par exemple, Kosi et al. (2012) ont
analysé la pertinence de l’information comptable en IFRS sur la cote de crédit des
entreprises. Il faut dire ici que pour déterminer la cote de crédit d’une entreprise, les
analystes font une étude complète de la situation financière de l’entité concernée et
tiennent compte aussi bien des aspects qualitatifs (liés aux risques d’affaires) que
quantitatifs (liés aux risques financiers). Dans l’ensemble, les éléments du risque
d’affaires pris en considération sont : le risque politique du pays, les caractéristiques de
l’industrie, la position concurrentielle, la rentabilité et les données comparatives avec le
secteur. En ce qui concerne le risque financier, les agences de notation prennent en
considération la gouvernance de l’entreprise, la stratégie financière, l’information
comptable, la disponibilité des liquidités et la structure du capital. Les agences de notation
admettent généralement que les états financiers constituent la source première de
l’information sur laquelle elles se basent pour émettre les scores de crédit pour les entités
concernées. On part souvent de l’idée selon laquelle la pertinence du crédit (credit
relevance) se conçoit comme la corrélation entre l’information comptable et les attentes
des créanciers quant aux liquidités futures générées par l’exploitation de l’entreprise, et
qui sont captées par le score du crédit. Les auteurs concluent que dans l’ensemble le score
de crédit s’est amélioré lorsqu’on compare les résultats statistiques avant et après
l’utilisation obligatoire des IFRS pour les mêmes entreprises. L’étude arrive à la même
conclusion lorsqu’on compare les scores de crédit entre les entreprises utilisant les IFRS et
les entreprises américaines avant et après l’adoption obligatoire des IFRS.
Bolton et Scharfestein (1996) ont analysé la structure optimale de la dette et le nombre de
créanciers en partant du fait que la théorie financière corporative s’intéresse notamment au
compromis qu’il faut trouver entre le financement par dettes et celui par capitaux propres.
84
Comme sur une longue période (de 1946 à 1987) la dette représente 85% du financement
externe et les fonds propres 7%, il est intéressant d’analyser la structure de la dette en
utilisant le cadre théorique des contrats optimaux. En l’absence de clauses de pénalité en
cas de défaut de paiement, les débiteurs pourraient ne pas rembourser, soit par manque de
liquidités, soit par détournement de fonds par les dirigeants pour leurs propres intérêts.
C’est ainsi que les contrats de dettes réduisent les incitatifs
de certains dirigeants
d’entreprises à recourir aux défauts stratégiques par le droit reconnu aux créanciers de
liquider les actifs de l’entreprise en cas de besoin. Une des explications du nombre réduit
de créanciers est que le fait d’avoir de multiples créanciers a un coût. Ainsi, le modèle
utilisé suggère que les entreprises caractérisées par une faible cote de crédit, en plus
d’opérer dans des industries non cycliques, avec des actifs hautement complémentaires,
émettront principalement de la dette bancaire alors que les autres émettront de la dette
publique.
De leur côté, Ball et al. (2008) se sont intéressés à la façon dont la communication
financière est influencée par le marché des capitaux ou celui de l’endettement bancaire. En
prenant appui sur le célèbre article de Ball et Brown (1968), les auteurs proposent que les
marchés de la dette créent une grande demande pour la communication financière. Les
auteurs se basent ainsi sur un échantillon de 22 pays pour constater que les marchés de la
dette sont corrélés avec les propriétés importantes de la communication financière. Les
différences entre les deux principales catégories d’utilisateurs de l’information financière
sont de plusieurs ordres. En premier lieu, les marchés de dettes, plus que les marchés de
capitaux propres, demandent une comptabilisation rapide de l’information aux états
financiers, car beaucoup de contrats de dettes s’y réfèrent expressément. Ensuite, en ce qui
concerne la détention du portefeuille, plus les investisseurs sont diversifiés, moins ils
s’intéressent à la corrélation entre le bénéfice et le rendement boursier. Pour les créanciers
par contre, la notion de diversification ne s’applique pas puisque les contrats de dettes sont
rédigés par référence aux données individuelles de chaque emprunteur. Enfin, une grande
différence au niveau de la demande en communication financière apparaît entre la dette et
les capitaux propres lorsqu’il y a changement dans la valeur de la firme et celle de sa dette.
Les résultats proposent que la célérité dans la communication financière est une activité
coûteuse et sa quantité devrait dépendre de la demande, par exemple selon la taille du
marché boursier. De même, la rapidité de la comptabilisation des bénéfices et pertes n’est
pas corrélée à la taille du marché boursier alors qu’elle est corrélée à la taille du marché de
85
la dette. Ces résultats sont conformes aux prédictions du rôle contractuel de la
comptabilité (Watts et Zimmerman, 1986).
Pour la composante du coût de la dette, Kim et al. (2011) ont examiné l’impact de
l’adoption volontaire des IFRS sur les prêts bancaires à travers le monde. Les auteurs se
sont basés sur un échantillon d’entreprises non américaines provenant de 40 pays durant la
période de 1997 à 2005. Les conclusions de la recherche suggèrent que les banques
demandent un taux d’intérêt faible aux entreprises ayant adopté les IFRS par rapport aux
autres, avec une différence de 20 points de base. De même, les banques imposent des
clauses restrictives moins contraignantes aux emprunteurs utilisant les IFRS par rapport
aux autres. Plus intéressant encore, les entreprises utilisant les IFRS parviennent plus
facilement à attirer plus d’emprunteurs étrangers que les entreprises utilisant les normes
locales.
Pour ce qui est des prêts bancaires, Sufi (2007) a analysé leur problématique lorsqu’ils
sont offerts par des syndicats de banques aux entreprises non financières. Dans ce genre de
transactions où l’on distingue le financier principal des prêteurs participants, l’auteur
s’intéresse à la façon dont l’asymétrie d’information affecte les arrangements financiers et
ce que les institutions financières font pour réduire les problèmes associés à l’asymétrie
informationnelle. L’étude est basée sur le cadre conceptuel du problème d’aléa moral
(moral hazard) selon lequel la partie au contrat ayant plus d’informations que l’autre a
tendance à se comporter de façon inappropriée par rapport à celle ayant moins
d’informations. Ainsi, le financier principal joue le rôle de prêteur le plus informé des
affaires de l’emprunteur et prend en charge la majeure partie du financement, formant
ainsi un syndicat très concentré autour de lui. Cette situation est plus accentuée dans le cas
des entreprises américaines cotées en bourse qui exigent plus de surveillance de la part des
autorités lorsqu’elles présentent une grande asymétrie d’information. Il est intéressant de
rappeler que la littérature économique propose que l’asymétrie d’information entre les
entreprises et leurs investisseurs et les problèmes d’agence qui s’ensuivent sont les aspects
principaux des modèles expliquant les fluctuations macro-économiques, les contraintes de
financement externe et la fragilité du secteur des petites et moyennes entreprises. L’étude
souligne ainsi que le marché des prêts syndiqués explique pourquoi les firmes opaques ou
peu transparentes sur le plan de la diffusion de l’information sont dépendantes du capital
des banquiers informés et sont très affectés durant une crise dans le secteur bancaire.
86
Dans le même contexte du financement par un syndicat bancaire, Ivashima (2009) a
analysé le coût de l’asymétrie d’information entre la banque chef de file et les autres
membres dudit syndicat. Le problème de l’asymétrie d’information au sein du syndicat
bancaire est très important sur le niveau du prêt à accorder. Puisque le banquier chef de
file connaît généralement son client mieux que les autres banques du syndicat, les résultats
relèvent que plus la proportion qu’il finance est importante, plus le coût du financement
exigé est bas. Par exemple, une augmentation de 9% de la part du financement du leader
entraîne une diminution de 4% du coût du financement exigé.
S’intéressant aux conséquences de la cotation par les agences de crédit, Tang (2009) s’est
basé sur les données de l’Agence de notation Moody’s pour analyser l’effet de la mise à
jour de la cote de crédit des entreprises sur leur coût d’emprunt subséquent. L’étude est
basée sur un échantillon de 266 entreprises de l’année 1982, qui investissent peu, et qui
ont beaucoup de liquidités. Ainsi, suite à une mise à jour périodique de l’information sur
le crédit, les investisseurs sont en mesure de mieux évaluer la solvabilité des entreprises,
de sorte qu’en cas de hausse de la qualité du crédit, elles bénéficient d’un meilleur
financement avec un coût faible et un montant élevé d’émission de la dette. L’inverse se
produit lorsque la cote de crédit des entreprises est rabaissée.
Les créanciers semblent se démarquer des actionnaires en ce qui concerne leurs besoins en
information. En effet, Peek et al. (2009) ont comparé les besoins en information des
actionnaires et des créanciers tant dans les entreprises cotées que dans celles à capital
fermé. Sur base d’un échantillon de 13 pays européens, les résultats laissent conclure que
la différence dans les demandes en rapidité de publication de l’information entre les
entreprises publiques et les entreprises privées n’est pas corrélée au degré de protection
légale des investisseurs. Par contre, une telle différence est positivement corrélée avec le
degré de protection légale des créanciers. Il faut signaler ici que les créanciers des
entreprises privées ont une plus faible demande en information comptable que les
créanciers des entreprises publiques puisque les premiers sont généralement engagés dans
une relation de longue durée avec les entreprises leur permettant d’accéder à d’autres
types d’informations. Ainsi, ces résultats appuient l’idée selon laquelle les problèmes
d’agence entre créanciers et investisseurs sont plus prononcés dans les entreprises à capital
fermé que dans celles cotées en bourse. Les résultats de la recherche sont intéressants dans
la mesure où ils suggèrent que les créanciers appartiennent à une catégorie d’utilisateurs
87
principaux de l’information financière, ce qui va dans le même sens que la section OB 2
du cadre conceptuel de l’information financière de l’IASB. De plus, la distinction opérée
entre les entreprises publiques et les entreprises privées justifie, sur le plan pratique, la
récente adoption (juillet 2009) d’un ensemble de normes internationales d’information
financière pour les petites et moyennes entités (IFRS for SME).
L’analyse de la relation entre la transparence de l’information financière et les créanciers
serait incomplète si on ne parlait pas de la structure de l’actionnariat sur le comportement
des dirigeants dans la préparation de cette information financière. Le plus souvent, les
études sur la structure de l’actionnariat comparent la performance entre entreprises
familiales et celles non familiales, portent sur de grandes entreprises publiques, ne
distinguent pas l’effet famille au niveau de l’actionnariat et au niveau de la direction de
l’entreprise. Plus important encore, leurs conclusions quant à l’impact de la variable
famille (actionnariat et/ou direction) demeurent contradictoires.
L’étude de Sciascia et Mazzola (2008) s’intéresse ainsi aux petites entreprises à capital
fermé et distingue les deux dimensions de la variable famille tout en gardant la même
question de recherche à savoir la relation entre la famille et la performance. La présence
d’actionnaires issus d’une même famille au sein d’une entreprise aurait un effet positif sur
la performance de l’entreprise. Par contre, d’autres recherches ne décèlent aucune relation
entre la présence d’actionnaires issus d’une même famille et la performance. La
justification théorique de ces contradictions empiriques se situerait au niveau des
avantages et des inconvénients liés à la présence des actionnaires issus d’une même
famille. L’altruisme intergénérationnel limite l’engouement aux bénéfices immédiats,
engage l’entreprise dans des investissements de long terme, permet de constituer plus
d’épargne en capitaux physiques et financiers qui garantissent la survie
durant les
périodes de faible rentabilité. Cependant, des situations comme l’enracinement des
dirigeants et les conflits d’intérêts seraient à l’origine de plusieurs inconvénients. Comme
ces disfonctionnements apparaissent au fur et à mesure que la proportion d’actionnaires
d’une même famille augmente, les auteurs présument l’existence d’une relation positive
quadratique entre la présence des membres issus d’une même famille dans l’actionnariat et
la performance. Quant à l’impact de l’inclusion des membres d’une même famille dans la
direction d’une entreprise, les auteurs dénombrent aussi des avantages et des
inconvénients. D’un point de vue théorique, ces avantages proviendraient de la baisse des
88
coûts d’agence, du sentiment d’identification des dirigeants à l’entreprise, d’un
engagement crédible entre actionnaires et dirigeants ainsi que des salaires et honoraires
modérés librement acceptés en contrepartie d’une garantie de stabilité d’emploi. Toutefois,
les conflits d’intérêts, la divergence de visions, les facteurs émotionnels menant à la
poursuite d’objectifs non monétaires comme le sentiment d’indépendance, de prestige, des
pratiques non professionnelles (blocage des candidats externes à la famille, népotisme,
favoritisme) au mépris des valeurs comme le mérite et la compétence constituent le revers
de la médaille. Ces inconvénients n’apparaissent que si la dimension familiale atteint une
proportion relativement élevée. Encore une fois, ce constat de coexistence d’avantages et
inconvénients combinée à cette idée d’influence négative grandissante avec la taille de la
composante familiale amène les auteurs à formuler une hypothèse de relation positive et
entre l’implication des membres d’une même famille dans la gestion et la performance.
Les auteurs concluent que les inconvénients dominent les avantages même pour de bas
niveaux de l’implication familiale dans la gestion générant de ce fait une relation négative
avec un effet d’accélération pour des degrés élevés de ce phénomène. En substance,
l’étude recommande de limiter au strict minimum la présence dans les instances de
décision d’individus avec des liens familiaux.
Les entreprises familiales font face à des coûts potentiels substantiellement dus à la
tendance de mettre en avant l’intérêt familial au détriment de celui de l’entreprise ellemême. En conséquence, émergent des pratiques non professionnelles comme la poursuite
d’objectifs personnels, l’enracinement, et toute sorte de favoritisme menant à la baisse de
la performance. D’un autre côté par contre, de telles entreprises ne manquent pas non plus
d’avantages, source de bonne performance. On citerait notamment les effets positifs
inhérents au phénomène d’alignement d’intérêts, l’atténuation de l’impact du problème
d’agence, l’investissement dans des projets de long terme grâce à une vie familiale
intergénérationnelle. Suite à cette controverse, la question de recherche d’Anderson et
Reeb (2003) porte sur la relation entre propriété familiale et performance aux États-Unis
où certains auteurs soutiennent l’hypothèse que les entreprises familiales sont moins
efficientes que celles à actionnariat dispersé. Sur un échantillon de 403 entreprises durant
la période de 1992 à 1999, ils se servent du rendement sur les actifs et de la valeur Q de
Tobin comme critère de performance. Selon le premier critère, les entreprises familiales
afficheraient une performance plus grande de 6.65% que celles non familiales et 10% plus
grande si on utilise le 2ème critère. Toutefois, cette relation positive entre propriété
89
familiale et performance commence à baisser à partir des niveaux de propriété de 27.6%,
30.8% ou 31% respectivement selon que l’on considère le rendement brut, le rendement
net ou la valeur Q de Tobin. De plus, cette supériorité de performance entre entreprises
familiales et celles non familiales ne dépend pas de l’âge. Les résultats indiquent une
relation positive entre gouvernance et performance si la direction est détenue par le
fondateur alors que l’identification de cette relation dépend du critère de performance
utilisé (rendement ou la valeur Q) si la direction est aux mains d’un successeur du
fondateur ou d’un manager externe à la famille. Quant au sens de causalité, certains
pensent que les familles fondatrices, généralement plus informées sur leurs entreprises
respectives, quitteraient systématiquement les firmes en cas d’anticipation d’une baisse de
performance future pour réinvestir leurs parts dans celles florissantes. Cet argument est
important car il suggère que la performance observée au sein d’entreprises familiales serait
le fruit de telles stratégies spéculatives et non d’une véritable capacité de gestion. De
façon globale, ils expliquent cette relation positive comme résultant du fait que les
avantages liés à la propriété familiale excèdent les coûts surtout en présence d’un
leadership familial. En effet, les coûts seraient relativement limités dans les économies
avec des marchés transparents et à forte protection légale des investisseurs. Cependant, dès
que la proportion des parts familiales atteint un certain niveau, émerge alors le problème
d’enracinement, ce qui explique la baisse de la performance et donc la forme non linéaire
de la relation.
Nous regroupons dans le tableau 2-IV les écrits sur l’analyse des avantages économiques
de l’adoption obligatoire des IFRS pour les créanciers.
90
Tableau 2-IV Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques de
l’adoption obligatoire des IFRS pour les créanciers
.
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Bolton et
Les entreprises avec une faible qualité de crédit et celles opérant dans
Scharfestein
les industries non cycliques émettent principalement de la dette
(1996)
bancaire tandis que les autres émettent de la dette dans le grand
public.
Anderson et Reeb
En analysant la relation entre la présence de la famille fondatrice
(2003)
dans l’actionnariat et la performance de l’entreprise, les auteurs
suggèrent que lorsque la proportion de l’actionnariat familial atteint
un certain niveau, le problème d’enracinement des dirigeants surgit et
peut affecter à la baisse la performance.
Sufi (2007)
Cette étude analyse la problématique des prêts bancaires lorsqu’ils
sont accordés par un syndicat de banques à leurs clients, avec une
forte présence de l’asymétrie informationnelle. L’auteur constate
qu’en général le prêteur principal est le plus informé de la marche des
affaires du client et fournit l’essentiel du financement bancaire par
rapport aux autres participants du consortium.
Ball et al. (2008)
Les marchés de la dette créent une grande demande pour la
communication de l’information financière. Ces résultats appuient la
deuxième hypothèse fondamentale de la théorie positive de la
comptabilité qui stipule que plus une firme est endettée, plus elle aura
tendance à sélectionner des procédures comptables qui reportent les
bénéfices des périodes futures vers la période en cours.
Sciascia et
En analysant l’impact de l’implication dans la gestion et
Mazzola (2008)
l’actionnariat des membres d’une même famille, les auteurs
suggèrent de limiter fortement la présence de personnes avec des
liens familiaux aux instances de décision des entreprises.
91
Tableau 2-IV Synthèse de la littérature sur l’analyse des avantages économiques de
l’adoption obligatoire des IFRS pour les créanciers (Suite)
.
Auteurs et année
Résultats de la recherche
Ivashima (2009)
Dans son analyse sur le coût de l’asymétrie informationnelle entre le
banquier chef de file et les autres membres du consortium dans le cadre
d’un prêt bancaire, l’auteur suggère que plus la proportion qu’il finance
est importante, plus le coût du financement exigé est bas.
Peek et al. (2009)
En conduisant une étude comparative, les auteurs sont d’avis que les
créanciers dans les entreprises privées ont une plus faible demande en
information comptable que ceux des entreprises publiques. Ceci
s’explique notamment par la structure de propriété de l’entité concernée.
Tang (2009)
L’auteur analyse l’impact de la mise à jour de la cote de crédit sur le
coût d’emprunt subséquent. Les résultats suggèrent qu’après une telle
mise à jour, lorsqu’il y a une amélioration de la qualité du crédit, il
s’ensuit un financement à un coût faible, et vice versa.
Wu et Zhang
L’adoption volontaire des IFRS implique une augmentation significative
(2009)
de la corrélation entre l’information comptable et la cote de crédit des
entreprises concernées.
Kosi et al. (2012)
Les auteurs analysent l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS sur la
cote de crédit des entreprises concernées. L’information comptable
jouant un rôle très important dans la prise de décision des agences de
notation, les entreprises ayant adopté les IFRS à compter du 1er janvier
2005 améliorent sensiblement leur score de crédit.
Kim et al. (2011)
Les auteurs ont analysé l’impact de l’adoption des IFRS sur les prêts
bancaires. Ils ont conclu que les entreprises utilisant les IFRS ont des
facilités d’avoir des prêts bancaires.
La littérature comptable sur l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS sur les créanciers
n’est pas assez étoffée. On remarque toutefois qu’une telle analyse ne manque pas
d’intérêt puisque les rares études disponibles indiquent notamment que les banques
accordent facilement leurs prêts aux entreprises utilisant les IFRS. Dans notre recherche,
nous privilégions plutôt l’analyse de l’amélioration éventuelle de la cote de crédit après le
passage obligatoire aux IFRS.
92
2.3 Analyse des avantages économiques de l’adoption des IFRS pour l’ensemble de
l’économie
Après avoir passé en revue la littérature sur chacune des principales parties prenantes, il
est utile d’analyser l’effet combiné de l’adoption obligatoire des IFRS sur la croissance
économique.
2.3.1 Qualité des normes comptables et croissance économique
Sur le plan macro-économique, un pays peut avoir intérêt à adopter les IFRS. En effet, une
telle décision pourrait permettre d’attirer des capitaux étrangers en donnant aux
investisseurs l’opportunité de diversifier leurs investissements. De plus, la libéralisation
des restrictions et la réduction des barrières aux flux de capitaux internationaux peut
augmenter le fonctionnement des marchés de capitaux émergents, avec comme
conséquence l’accélération de la croissance économique par l’amélioration de la liquidité
des marchés (Beck et Levin, 2000).
L’article de Ramanna et Sletten (2009) s’est intéressé aux raisons profondes qui poussent
les pays à adopter les IFRS. Ces auteurs utilisent la théorie économique des réseaux
(Economic Theory of Networks) pour développer les hypothèses de recherche. Selon cette
théorie, deux facteurs peuvent conduire à l’adoption des produits ayant une « influence de
réseau »: la valeur intrinsèque du produit et la valeur de réseau du produit. Ainsi,
l’adoption d’un ensemble de normes comptables comme les IFRS peut être attirante pour
un pays lorsque d’autres pays l’ont adopté, ce qui suggère que les IFRS produisent des
effets de réseaux. On peut dès lors avancer l’idée selon laquelle un pays peut décider
d’adopter les IFRS du fait que d’autres pays de la même région géographique ou des
partenaires commerciaux les aient eux-mêmes adoptées. Dans cette logique, en plus des
effets de réseaux, un produit peut être adopté suite à ses effets directs. Dans le cas des
IFRS, les effets directs sont représentés aussi bien par des avantages économiques que
politiques lorsqu’on les compare aux normes comptables locales. L’un des principaux
avantages économiques des IFRS est qu’il est moins coûteux pour les participants aux
marchés des capitaux de se familiariser avec un seul ensemble de normes comptables que
plusieurs ensembles de normes comptables locales (Barth et al., 2008). L’argument
93
politique, quoique ne rencontrant pas de consensus, est que les pays puissants34 n’adoptent
pas rapidement les IFRS puisqu’en le faisant, ils perdent leur influence sur le processus
d’adoption des normes comptables. L’argument économique principal en faveur des IFRS
étant la diminution des coûts aux participants aux marchés, il est logique de suggérer que
les pays dépendant du capital étranger et du commerce extérieur adoptent rapidement
lesdites normes. En conclusion, l’auteur suggère qu’à partir de l’année 2007, année
d’observation, l’adoption croissante des IFRS par différents pays expliquerait l’existence
des avantages « réseaux » pour justifier une telle décision. Cependant, à notre avis, même
les autres pays peuvent être incités à les adopter si ces facteurs peuvent favoriser la
croissance économique et si les avantages sont supérieurs aux coûts.
Se basant sur la mondialisation croissante des marchés financiers, Ball (2006) analyse les
avantages et les inconvénients de l’application des IFRS. Parmi les avantages mentionnés,
l’étude cite le fait que les IFRS sont plus précises et globales. Les IFRS réduisent les coûts
des investisseurs en éliminant les différences internationales entre les normes comptables,
notamment le format. En réduisant le coût du processus informationnel, on augmente
l’efficience du marché. Enfin, les petits investisseurs pourraient mieux anticiper
l’information financière à partir d’autres sources, par exemple les journaux spécialisés et
ainsi mieux concourir avec les analystes financiers (Ball, 2006).
L’adoption des IFRS par les entreprises est aussi appréciée par les investisseurs étrangers.
Ainsi, dans le cas des fonds mutuels, Covrig et al. (2007), en se basant sur un échantillon
international hors Canada et États-Unis, suggèrent que les entreprises qui adoptent les
IFRS dans un environnement informationnel faible ont, subséquemment, des niveaux
élevés d’investissement. La conclusion de l’étude est que l’adoption des IFRS réduit les
coûts d’information des investisseurs étrangers, spécialement ceux qui s’appuient
fortement sur des analyses spécifiques de l’entreprise.
34
Cet argument nous semble justifié car les États-Unis, en tant que première puissance
économique mondiale, auront attendu une longue période avant de se prononcer sur
l’opportunité d’adopter les IFRS. En effet, depuis le 14 novembre 2008, la SEC a publié un
document par lequel elle explore la possibilité d’obliger les entreprises publiques à utiliser les
IFRS pour les états financiers ouverts dès le 1er janvier 2014. À ce jour, aucune décision n’est
encore officiellement prise.
94
Beneish et al. (2010), se basant sur l’adoption de plus en plus croissante des IFRS à travers
le monde, ont testé si d’une part les pays de l’Union Européenne ainsi que quatre pays non
européens ayant adopté les IFRS au 1er janvier 2005 attirent plus d’investissements
étrangers et si d’autre part il y a diminution du biais domestique (home bias). On dira
qu’il y a absence de biais domestique lorsque la valeur de l’action (ou de l’obligation)
investi localement est égale à celle de l’action (ou de l’obligation) sur l’ensemble du
marché mondial. Compte tenu du fait que la qualité des normes comptables n’est qu’un
élément de la gouvernance corporative, les auteurs contrôlent pour certaines
caractéristiques des pays telles que le système légal, les droits des actionnaires et la
concentration de la propriété. L’étude sépare le marché des actions et celui des
obligations, car c’est ce dernier qui bénéficie principalement de l’amélioration de la
qualité des normes comptables. Selon les résultats de l’étude, le fait d’adopter les IFRS n’a
aucun effet significatif sur la capacité d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers en
actions. Par contre, on remarque un effet positif sur l’investissement étranger en
obligations. Les facteurs expliquant cette tendance sont : la concentration de la propriété,
l’application des lois, les droits des investisseurs, le ratio de dividendes versés, la cotation
du pays par les agences de notation et la liquidité des marchés. On remarque également
qu’il y a une diminution du biais domestique (debt home bias). L’explication la plus
plausible est que l’origine de cette diminution n’est pas la comparabilité tant vantée par les
normalisateurs comptables comme l’IASB, mais l’amélioration de la capacité pour les
obligataires de surveiller les dirigeants et de contrôler les actionnaires à travers la
communication de l’information financière. On peut donc dire que l’adoption des IFRS
bénéficie plus au marché obligataire qu’à celui des actions, en particulier dans les pays
caractérisés par une faible protection des investisseurs et un risque financier élevé.
2.3.2 Normes internationales d’information financière et croissance économique
Certaines recherches s’intéressent à l’effet qu’auraient les IFRS sur la croissance
économique. Par exemple, Larson et Kenny (1995) ont analysé 27 pays en voie de
développement pour tester une éventuelle association entre l’adoption des IFRS et le
développement des marchés financiers d’une part et entre les IFRS et la croissance
économique d’autre part, dans un contexte d’adoption volontaire. L’article conclut que
l’adoption des IFRS n’implique pas à elle seule le développement des marchés financiers
ou une plus grande croissance économique. Cette conclusion est de notre point de vue trop
95
globalisante, et n’apporte donc aucune nuance quant à la spécificité sectorielle par
exemple. L’étude souffre par ailleurs de la partialité de l’échantillon qui ne contient que
des pays en voie de développement alors que dans le contexte d’une adoption obligatoire,
ils sont très peu nombreux à utiliser les IFRS. Bien plus, leur PIB total ne représente
qu’une très petite proportion du PIB mondial.
Afin d’étudier la nature de la corrélation entre la dépendance financière et la croissance
économique, Rajan et Zingales (1998) ont privilégié un point de vue sectoriel. Plus
précisément, les auteurs se demandent si les secteurs économiques qui ont relativement
plus besoin de financement externe comme l’industrie pharmaceutique se développent
plus rapidement dans les pays ayant des marchés financiers très développés. L’étude se
base sur le taux de croissance réel moyen de la valeur ajoutée dans chaque secteur sous
analyse pour la période de 1980 à 1990 pour les entreprises américaines. En principe, il
existe une raison technologique qui fait que certaines industries dépendent du financement
externe, en supposant par ailleurs que ces différences technologiques persistent au-delà du
contexte national. La dépendance au financement externe est définie comme le ratio du
montant de la dette émise et des dépenses en capital. En ce qui concerne la notion de
développement financier, deux mesures ont été retenues, à savoir le ratio de capitalisation
qui est le ratio du total de crédit local plus la capitalisation boursière sur le produit
intérieur brut d’une part et la qualité des normes comptables nationales d’autre part. Cette
dernière information est recueillie en se basant sur l’index du CIFAR (Center for
International Financial Analysis and Research) en référence aux 90 items inclus ou omis
dans les rapports annuels des entreprises. Par ailleurs, la croissance dans un secteur
économique est le résultat de nouvelles entités économiques qui s’ajoutent au secteur ou
d’une croissance en taille des entités déjà existantes. Les résultats de la recherche
suggèrent que le développement financier peut jouer un rôle particulièrement bénéfique
dans l’acquisition de fonds dont les entreprises en démarrage ont tant besoin. De plus, il
semble que les imperfections des marchés financiers aient un impact sur l’investissement
et la croissance. Finalement, l’existence d’un marché bien développé est certainement un
avantage comparatif important pour un pays, particulièrement pour les secteurs
économiques qui dépendent du financement externe plus que les autres.
Pour analyser les facteurs influençant l’adoption des normes comptables internationales,
Zéghal et Mhedhbi (2006) ont utilisé un échantillon de pays en développement. Ces
96
auteurs ont étudié cinq facteurs potentiels à savoir: la croissance économique, le niveau
général d’éducation de la population, le degré d’ouverture d’un pays sur l’économie
extérieure (mesurée par l’investissement direct étranger, l’IDE), l’appartenance culturelle
à un groupe de pays et l’existence d’un marché de capitaux. En se basant sur un
échantillon de 32 pays en voie de développement ayant adopté les IFRS avant l’année
2003, les auteurs ont d’abord remarqué qu’il y a une différence statistiquement
significative entre les pays ayant adopté les IFRS et ceux qui ne l’ont pas fait au niveau
des facteurs suivants : le niveau général d’éducation, la culture et l’existence de marchés
de capitaux. Dans une moindre mesure, la croissance économique fait aussi une
différence. Au niveau de l’explication elle-même du phénomène d’adoption des IFRS,
seuls trois des facteurs étudiés sont significatifs : le niveau général d’éducation, la culture
et l’existence de marchés de capitaux. En définitive, la probabilité d’adoption des IFRS est
très élevée pour les pays en développement ayant un degré élevé d’éducation, qui
appartiennent à la culture anglo-saxonne, et qui possèdent un marché de capitaux.
La littérature comptable récente, depuis la fin des années 1980, s’intéresse au rôle que peut
jouer l’information comptable dans la croissance économique. Ainsi, Riahi-Belkaoui
(2005), se basant sur un échantillon international de 34 pays durant la période de 1998 à
2001, suggère que la composante exogène de la performance du marché boursier
(l’opacité dans les résultats comptables) est négativement corrélée à la croissance
économique. L’opacité est comprise comme l’inverse de la transparence financière. Une
explication plausible de tels résultats est que les pays disposant d’une bonne qualité de
normes comptables crée de bonnes conditions de la performance du marché qui, en retour,
entraîne une accélération de la croissance économique à long terme. L’auteur est d’avis
que la corrélation entre l’information comptable et la croissance économique repose sur
quatre liens. Le premier lien établit une corrélation positive entre la croissance réelle du
PIB par habitant et les déterminants de la croissance économique. Ces déterminants sont :
le revenu initial, le niveau de développement humain (éducation) et les dépenses
gouvernementales. Le deuxième lien établit une corrélation positive entre la performance
des marchés (bancaire et boursier) sur la croissance économique. En troisième lieu,
l’auteur propose un lien établissant une corrélation négative entre l’opacité dans les
résultats comptables et la croissance économique. Enfin, un lien établissant une corrélation
négative entre l’opacité dans les résultats comptables et la performance du marché
boursier.
97
La qualité du système de communication financière peut-elle avoir un impact sur la
croissance dans un ou plusieurs secteurs industriels? C’est à cette question que Li et Shroff
(2010) ont répondu en examinant les systèmes comptables et leurs infrastructures
institutionnelles dans 30 pays. Sur le plan macro-économique, la croissance réelle du
produit intérieur brut est généralement considérée comme l’objectif ultime des différentes
politiques économiques et monétaires. Comme ces dernières sont du ressort des États, on
pourrait penser que les infrastructures institutionnelles mises en place, incluant la qualité
de la normalisation comptable, concourent à l’atteinte de cet objectif ultime. Si tel est le
cas, les pays ayant un bon système de communication financière favoriseraient l’allocation
efficiente des ressources économiques grâce à la diminution du coût en capital en
réduisant notamment l’asymétrie d’information entre les investisseurs et les dirigeants.
Mais la haute qualité des normes comptables ne suffirait pas pour améliorer la croissance
économique d’un pays donné. En effet, la Chine dont le système comptable n’est pas de
haute qualité affiche pourtant un taux de croissance élevé, depuis les années 1970 à ce
jour. Pour capter la dimension de l’influence éventuelle du système de normalisation
comptable, les auteurs s’intéressent aux spécificités des secteurs industriels et des effets
fixes des pays. En tenant compte des différences institutionnelles entre les pays comme les
besoins en financement externe et le niveau de développement financier, les résultats
laissent présager une certaine corrélation entre la qualité des normes comptables d’un pays
et la croissance de la valeur ajoutée des secteurs industriels présentant une grande
asymétrie d’information. Les auteurs mesurent la qualité des normes comptables par
l’index de gestion des résultats (selon Leuz et al., 2003), le score du CIFAR et le
conservatisme conditionnel (selon Basu, 1997). L’asymétrie informationnelle est quant à
elle mesurée notamment par le ratio market-to-book. En définitive, les résultats vont dans
le sens que le rôle primordial des systèmes comptables est de réduire l’asymétrie
informationnelle entre les investisseurs et les dirigeants.
Nous proposons au tableau 2-V un résumé des écrits antérieurs sur les IFRS et la
croissance économique.
98
Tableau 2-V Synthèse de la littérature sur les IFRS et la croissance économique
Auteurs et
année
Larson et
Kenny (1995)
Résultats de la recherche
Sur un échantillon de pays en développement, l’adoption volontaire des
IFRS n’a pas pour conséquence, à elle seule, le développement des
marchés financiers ou une plus grande croissance économique.
Rajan et
Les secteurs économiques ayant le plus besoin de financement externe,
Zingales
comme l’industrie pharmaceutique, croissent plus rapidement que les
(1998)
autres dans les pays ayant des marchés financiers développés.
Beck et Levine
(2000)
La libéralisation des investissements et la réduction des flux de capitaux
peuvent augmenter l’efficience du fonctionnement des marchés de
capitaux.
L’auteur met en relief quatre liens sur lesquels repose la corrélation entre
Riahi-
l’information comptable et la croissance économique dont les variables
Belkaoui
sont : la croissance réelle du PIB par habitant, la performance des marchés
(2005)
boursier et bancaire, l’opacité des résultats comptables et les déterminants
de la croissance économique.
Il existe des différences significatives entre les pays en voie de
Zéghal et
Mhedhbi
(2006)
développement qui ont adopté les IFRS et ceux qui ne l’ont pas fait au
niveau des facteurs suivants: le niveau général d’éducation de la
population, la croissance économique, le degré d’ouverture d’un pays sur
l’économie, l’existence d’un marché de capitaux et l’appartenance
culturelle à un groupe de pays.
Covrig et al.
L’adoption des IFRS par les entreprises est appréciée par les investisseurs
(2007)
étrangers, en particulier dans le cas des fonds mutuels.
Ball et al.
L’adoption des IFRS dans le contexte de la mondialisation de l’économie
(2008)
pourrait favoriser l’efficience des marchés financiers.
Barth et al.
(2008)
Il est moins coûteux pour les participants aux marchés des capitaux de se
familiariser avec un seul ensemble de normes comptables que plusieurs
ensembles de normes comptables locales.
99
Tableau 2-V Synthèse de la littérature sur les IFRS et la croissance économique (Suite)
Auteurs et
année
Beneish et al.
(2010)
Résultats de la recherche
Le fait d’adopter les IFRS n’a pas d’effet significatif sur la capacité
d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers en actions mais une
augmentation de l’investissement étranger en obligations est observée.
Selon la théorie des réseaux, deux facteurs peuvent influencer la décision
Ramanna et
Sletten (2009)
des pays à adopter les IFRS : (1) les effets de réseaux générés par le fait
que des pays de la région géographique les aient déjà adoptées et (2) les
effets directs liés au fait que les IFRS présentent en soi des avantages
économiques présumés.
Li et Shroff
Les normes comptables de haute qualité contribuent à l’amélioration de la
(2010)
croissance économique des pays les ayant adoptées.
La littérature sur le lien entre les normes comptables et la croissance économique d’un
pays reste timide. En particulier, en ce qui concerne les IFRS, il n’est pas encore clair si
les avantages éventuels de chaque partie prenante au processus de communication
financière peuvent être agrégés pour dégager un effet global sur l’économie d’un pays.
100
2.4 Conclusion du deuxième chapitre
La revue de la littérature comptable pertinente sur les IFRS et les principales parties
prenantes nous permet de constater que les chercheurs se sont longtemps intéressés aux
avantages économiques dans une perspective d’adoption volontaire. À partir du 1er janvier
2005 par contre, date d’adoption obligatoire desdites normes par les pays de l’Union
Européenne et d’autres pays, certains chercheurs se sont mis à tester, souvent sur une
courte période, les avantages attendus de cette décision politique.
Les résultats sont généralement mitigés. La tendance qui se dégage est que les
conséquences économiques suite à l’adoption obligatoire des IFRS varient d’un pays à un
autre. Les analyses sont ainsi partielles et ne peuvent saisir au niveau global l’avantage (ou
le coût) net de l’adoption obligatoire des IFRS.
Par rapport à notre thèse, les recherches antérieures étudient séparément les effets attendus
alors qu’en ce qui nous concerne, nous utilisons une même base de données pour analyser
les avantages économiques des préparateurs et des utilisateurs principaux (investisseurs et
créanciers) de l’information financière produite selon les IFRS. De plus, la littérature
antérieure a laissé un vide quant à la compréhension des déterminants qui expliquent la
dissémination des conséquences économiques de l’adoption obligatoire des IFRS. C’est ce
vide que nous nous proposons de combler en explorant les aspects suivants: l’asymétrie
d’information, la dépendance financière et la structure de l’actionnariat de type familial.
Le chapitre suivant nous permet dès lors de développer notre cadre conceptuel et nos
hypothèses de recherche.
CHAPITRE III
DÉVELOPPEMENT DU CADRE CONCEPTUEL ET DES HYPOTHÈSES
DE RECHERCHE
Ce chapitre présente le cadre conceptuel de notre recherche. Nous présentons d’abord la
problématique sous étude dans notre première section. Dans la section suivante, nous
posons notre question de recherche avant de formuler, à la troisième section, nos quatre
hypothèses de recherche.
3.1 Développement du cadre conceptuel de la recherche
L’adoption obligatoire des IFRS constitue le point de départ de notre recherche. En effet,
cette obligation est vue comme une décision politique prise par les pouvoirs publics et qui
est externe aux préparateurs et utilisateurs principaux de l’information financière.
Dans la littérature comptable, nous considérons que dès lors qu’elles sont en présence de
l’adoption obligatoire des IFRS, les diverses parties prenantes souhaitent tirer le plus
d’avantages économiques possibles de cette situation. Ces avantages souhaités par les
parties au processus communicationnel feront l’objet de notre développement
d’hypothèses de recherche et de tests empiriques.
La figure 3.1 présente le cadre conceptuel qui met en relation les différentes variables de
nos trois modèles empiriques. Enfin, les composantes de ce cadre conceptuel sont
expliquées dans le quatrième chapitre, lorsque nous proposons leur définition et leur
mesure.
102
Figure 3.1 Cadre conceptuel de la recherche
Industrie
VARIABLES DE
Indust
Industinvest
CONTRÔLE
VARIABLE
DÉPENDANTE
VARIABLES
INDÉPENDANTES
Capitalisation
boursière
Protection légale
Séparation entre
droits de vote et
droits de
propriété
Avantages des
préparateurs
de
l’information
financière
Asymétrie
informationnelle
(H2)
Rapprochement
entre la fiscalité et
la comptabilité
Corruption
Avantages
des
investisseurs
Cotation sur une
bourse
américaine
Industrie
Pays
Adoption
obligatoire des
IFRS (H1)
Avantages
des
créanciers
Dépendance
financière (H3)
Structure de
l’actionnariat de
type familial
(H4)
103
3.2 Question de recherche
Comme toute activité économique, celle de la préparation et de la communication
financière est coûteuse et cela à, au moins, deux niveaux.
Au niveau macro-économique, le pays supporte des coûts de développement et
d’opération des institutions nationales comme la profession indépendante d’audit, un
pouvoir judiciaire indépendant pour faire appliquer les lois, les systèmes règlementaires et
les mécanismes de suivi comme les analystes financiers et les agences de notation (Ball et
al., 2008).
Au niveau micro-économique, l’entité qui communique l’information financière supporte
des coûts d’installation et d’opération des systèmes d’information, des fonctions de
comptabilité et de contrôle, de gestion, d’audit interne et externe. Du côté des utilisateurs
principaux de l’information financière, les investisseurs supportent des coûts comme les
frais payés à leurs analystes financiers et autres courtiers pour l’interprétation de
l’information financière. Enfin, les créanciers supportent également des coûts qui sont les
coûts de sélection adverse, les coûts de l’obtention de l’information sur les cotes de crédit
et bien d’autres. En général, la sélection adverse se produit lorsque le client dispose de
plus d’informations que le créancier sur sa situation financière réelle. En effet, en se
basant sur une information financière peu transparente, un créancier peut accorder un prêt
à un client peu solvable et assumer de mauvaises conséquences par la suite.
La littérature comptable antérieure sur les conséquences économiques de l’adoption
obligatoire des IFRS s’est contentée d’analyser essentiellement le coût du capital pour les
préparateurs de l’information financière ou la précision dans les prévisions des analystes,
mais de façon séparée et cela dans un contexte national.
Le cadre conceptuel de l’IASB de septembre 2010, paragraphe QC 38, affirme que
« l’application de la contrainte de coût amène à évaluer s’il est probable que les avantages
procurés par l’information justifieront les coûts entraînés par sa production et son
utilisation (…) ». Dès lors, notre question de recherche est formulée comme suit:
104
Quels sont les déterminants des avantages économiques de l’adoption obligatoire des
IFRS par les principales parties prenantes au processus de communication financière
(préparateurs, investisseurs et créanciers)?
Pour apporter des éléments de réponse à cette question de recherche, nous développons
dans la section suivante quatre hypothèses.
3.3 Développement des hypothèses de recherche
Se référant à la littérature existante, la section 2.2 relève les avantages économiques des
IFRS pour chacune des trois parties prenantes prises isolément. Il devient dès lors
intéressant de savoir si ces avantages demeurent simultanément conservés. À la recherche
d’une véritable théorie comptable, Watts et Zimmerman (1978 et 1986) soulignent
l’existence de lobbies dans tout processus de normalisation comptable, chacune des parties
voulant maximiser son utilité (Gordon, 1964). L’adoption des IFRS faite de façon
obligatoire, perçue alors comme contrainte à cette idée de maximisation d’utilité
susmentionnée, a-t-elle pu sauvegarder les intérêts de toutes les parties prenantes au
processus de communication financière?
Nous avons opté dans cette recherche de nous appuyer sur la théorie positive de la
comptabilité pour tester un ensemble de quatre hypothèses de recherche. La première (H1)
est une hypothèse générale alors que les trois autres sont centrées respectivement sur la
présence
de
certaines
caractéristiques
des
entreprises
à
savoir :
l’asymétrie
informationnelle (H2), la dépendance financière (H3) et la structure de l’actionnariat de
type familial (H4).
3.3.1 Hypothèse générale des conséquences économiques de l’adoption obligatoire des
IFRS
Notre question de recherche porte sur l’identification des déterminants des avantages
économiques de l’adoption obligatoire des IFRS. Comme préalable à cette question, cette
première hypothèse s’intéresse à l’existence même de ces avantages. De la littérature
précédemment exposée, trois tendances se dégagent.
105
Certains auteurs comme Leuz (2003), Barth et al.(2008) ainsi que Liu et al.(2011) estiment
avantageuse l’adoption obligatoire des IFRS pour toutes les parties prenantes et ce, pour
plusieurs raisons. Selon ces auteurs, l’information financière établie en IFRS est de qualité
supérieure
à celle avec les normes locales suite à la limitation des pratiques de
manipulation de l’information comme la gestion des résultats. De plus, reposant entre
autres sur la comptabilité à la juste valeur qui tient compte des tendances du marché et de
l’incertitude, les IFRS augmenteraient le contenu informationnel menant à plus de
synchronicité entre les données comptables et celles de marché.
Enfin, des auteurs comme Ashbaugh et Pincus (2001) ainsi que Hope et al.(2006)
avancent des arguments liés à la facilité de production de l’information, sa communication
et son exploitation par les différents acteurs. Les normes internationales d’information
financière permettraient ainsi la baisse du coût de l’information, une économie du temps et
d’énergie, la baisse du coût du capital facilitant ainsi une plus grande mobilité des
capitaux à travers le monde.
D’autres auteurs par contre aboutissent à une conclusion mitigée. Ils pensent que les
mérites vantés sont plus le fruit d’initiatives privées prises au niveau de chaque entreprise
que de la simple adoption des IFRS qui correspond dans certains cas à de purs labels
(Daske et al., 2012). Ils précisent que les avantages économiques recensés s’observeraient
dans les pays ayant encore des normes comptables moins rigoureuses et pour des
entreprises cotées sur plusieurs places boursières mais par contre, beaucoup moins dans
les pays où les investisseurs jouissent déjà d’une protection légale très élevée. Quant à la
qualité de la comptabilité, les résultats dépendent du critère utilisé pour capter l’impact des
IFRS. Dans ce deuxième courant de recherche, nous citons notamment Ashbaugh (2001),
Paiva et Lourenco (2010), Chen et al. (2010) ainsi que Daske et al.(2012).
Loin d’être nuancée, la dernière tendance englobe des auteurs tels que Ball et al. (2003),
Gao (2010) ainsi qu’ Atwood et al.(2011) qui sont plutôt contre l’idée que les IFRS sont
de qualité supérieure à celles des normes locales. Selon ces auteurs, la qualité des IFRS
reste tributaire des facteurs politico-économiques, les normes en elles-mêmes
n’augmentant pas la capacité prédictive des états financiers en ce qui concerne la
disponibilité des flux de trésorerie futurs. La littérature suggère qu’il est possible même
106
d’observer une relation positive entre la qualité de la divulgation et le coût du capital
indépendamment des normes comptables utilisées.
Hormis le fait que les avantages économiques de l’adoption obligatoire des IFRS sont
mitigés, on ne saurait passer sous silence le problème lié à leur évaluation car la méthode
d’analyse coûts-bénéfices classiquement utilisée pour ce type de problèmes ne peut pas
s’appliquer suite à la difficulté voire l’impossibilité de quantification des effets d’une
norme comptable. Or, l’objectif ultime est de savoir si ça valait le coût d’adopter les IFRS,
autrement dit si leurs avantages au profit de toutes les parties excèdent les coûts
engendrés.
Considérant cette controverse dans la littérature comptable au sujet des avantages
économiques présumés suite à l’adoption obligatoire des IFRS et dans un souci de rigueur
scientifique, nous formulons la première hypothèse comme suit :
H1: Il n’existe aucun avantage économique tiré par les préparateurs et les principaux
utilisateurs de l’information financière (investisseurs et créanciers) suite à l’adoption
obligatoire des IFRS.
3.3.2 Hypothèse de l’asymétrie informationnelle
Contrairement à la première hypothèse ayant une portée générale, la deuxième vise à
vérifier si les IFRS procurent tout au moins des avantages économiques dans des cas
limités, plus précisément dans les entreprises marquées par le phénomène d’asymétrie
d’information.
Sur le plan théorique, l’idée fondamentale de Gordon (1964) selon laquelle les dirigeants
choisissent et soutiennent (par des lobbies) des normes comptables qui maximisent leur
propre utilité fut critiquée en invoquant les conflits d’intérêts existant entre dirigeants et
actionnaires. Les premiers disposent certes de plus d’informations sur la santé financière
de l’entité comptable mais demeurent des agents des actionnaires. Cette incertitude quant
à la durée de leur mandat doublée de la possibilité des départs volontaires pour d’autres
opportunités amène les dirigeants à plaider pour des projets à court terme contrairement
aux actionnaires qui privilégient ceux à long terme. Ces conflits d’intérêts dus en grande
partie à l’asymétrie d’information sont encore plus marqués entre les dirigeants et les
créanciers. Ce problème d’asymétrie d’information est préjudiciable à toutes les parties
107
prenantes. Face à ce problème de divergence d’intérêts menant même au recours au
lobbyisme par des acteurs inégalement informés, la question est de savoir s’ il existe une
relation entre l’ adoption obligatoire des IFRS et les avantages des uns et des autres.
Selon la littérature empirique (Diammond et Verrecchia, 1991; Tucker et Zarowin, 2006;
Barth et al., 2008; Ivashima, 2009; Beneish et al, 2010), l’adoption obligatoire des IFRS
contribue justement à l’atténuation de ce problème Principal-Agent. En effet, l’application
des IFRS fait baisser les possibilités de manipulation de l’information comptable,
augmente le degré d’harmonisation et de transparence ainsi qu’une bonne divulgation, qui
rend publique une information alors privée. En conséquence, cette transparence augmente
la capacité des créanciers et des investisseurs à surveiller et contrôler aux moindres coûts
la gestion de l’entreprise. En contrepartie, celle-ci voit se diversifier ses sources de
financement (notamment l’accès au financement par actions) et jouit en plus d’une baisse
du coût du capital.
Vu que l’adoption obligatoire des IFRS diminue le problème d’asymétrie d’information et
instaure un bon climat d’affaires entre les parties, nous formulons ainsi notre deuxième
hypothèse:
H2: Les avantages économiques tirés par les producteurs et les principaux utilisateurs de
l’information financière sont corrélés positivement à l’adoption obligatoire des IFRS dans
les entreprises à forte asymétrie informationnelle.
3.3.3 Hypothèse de la dépendance financière
Notre troisième hypothèse nous aide à vérifier si l’adoption obligatoire des IFRS a un
impact sur les entreprises caractérisées par une forte dépendance financière.
D’un point de vue théorique, la théorie de la règlementation (qui est l’une des sources
essentielles de la théorie positive de la comptabilité) suggère la rédaction des contrats de
dettes ou de rémunération pour éviter ou gérer les conflits entre les parties prenantes de
l’entreprise. D’un côté, l’entreprise a besoin de capitaux pour financer ses activités et d’un
autre, les investisseurs et les créanciers doivent être rassurés par la situation financière de
l’entreprise pour qu’ils consentent à contracter. L’adoption obligatoire des IFRS facilite
108
davantage la rédaction des contrats notamment ceux de financement en augmentant le
degré de transparence de l’information et la rapidité de divulgation. L’utilisation des IFRS
augmenterait la cote de crédit des entreprises qui les appliquent, qui bénéficieraient en
conséquence de la facilité d’accès à des sources de financement plus diversifiées avec des
coûts relativement bas.
La littérature soulève aussi un effet positif indirect des IFRS lié au problème d’asymétrie
d’information déjà exposé. Considérant que ce problème est plus prononcé dans les
entreprises à capital fermé que dans celles cotées en bourse (Peek et al, 2009), en
diminuant ce problème, les IFRS améliorent donc simultanément les avantages
économiques des parties prenantes dans ce type d’ entreprises.
L’étude de Kim et al. (2011) donne une évidence empirique de certains de ces effets
attendus notamment la baisse du coût du capital et la facilité d’accès au financement.
L’hypothèse de recherche suivante est basée sur la notion de dépendance au financement
externe ou dépendance financière définie par Rajan et Zingales (1998) comme étant le
ratio du montant de la dette émise par rapport aux dépenses en capital. Ainsi, de la
littérature précédente, nous formulons notre troisième hypothèse comme suit :
H3: Les avantages économiques tirés par les producteurs et les principaux utilisateurs de
l’information financière sont corrélés positivement à l’adoption obligatoire des IFRS dans
les entreprises en situation de forte dépendance financière.
3.3.4 Hypothèse de la structure de l’actionnariat de type familial
La dernière hypothèse que nous testons dans notre recherche se propose de déceler une
relation qui existerait entre l’usage des IFRS et le type de structure de propriété d’une
entreprise donnée. Plus précisément, la littérature nous pousse à présumer une certaine
corrélation positive entre l’adoption obligatoire des IFRS et les avantages économiques
tirés simultanément par les producteurs et les principaux utilisateurs de l’information
financière dans le cas des entreprises familiales. En général, de telles entreprises souffrent
de beaucoup de problèmes (Fan et Wong, 2002; Zhao et Millet-Reyes, 2007; Korezack et
Korezack, 2009). Sans prétendre à l’exhaustivité, nous citons ici le problème d’agence, la
109
faible qualité de la divulgation de l’information, la faible protection des actionnaires
minoritaires ainsi que la manipulation des résultats comptables. Les conflits d’intérêts qui
naissent d’un tel contexte conduisent souvent au phénomène d’enracinement voire
d’expropriation des actionnaires minoritaires par l’actionnaire dominant. De plus, ce type
d’actionnariat favorise l’ingérence des institutions formelles d’un pays en vue d’influencer
la manipulation de l’information à publier. L’adoption obligatoire des IFRS est dès lors
vue comme l’une des solutions à bon nombre de ces problèmes ci-haut évoqués. Il est
généralement admis que les IFRS, du fait qu’elles obligent les entreprises concernées à
fournir beaucoup d’informations sous forme de notes aux états financiers, permettent
l’atténuation de l’asymétrie d’information entre les préparateurs et les principaux
utilisateurs de l’information financière. La qualité de l’information comptable ainsi
améliorée facilite la rédaction de contrats, tels que ceux de rémunération et de dettes. De
tels contrats garantissent plus de stabilité aux entités concernées et rassurent les
partenaires externes. L’adoption obligatoire des IFRS agit directement sur le système de
communication financière, qui est lié au système légal de gouvernance qui influence à son
tour les types de structure de propriété rencontrés ici et là.
Comme évidence empirique, Ali et al.(2007) constatent que les bénéfices publiés après
l’adoption obligatoire des IFRS sont de meilleure qualité dans les entreprises familiales et
qu’elles sont susceptibles de donner des alertes en cas de mauvaises nouvelles. S’il est
vrai qu’on ne présume pas de relation entre l’adoption obligatoire des IFRS et les
avantages économiques simultanés enregistrés dans d’autres types de propriété, on ne doit
point sous- estimer l’importance des entreprises à actionnariat familial au regard de leur
forte proportion dans l’économie européenne.
Au regard de l’importance des entreprises à actionnariat familial et de l’impact attendu de
l’adoption obligatoire des IFRS, nous formulons ainsi notre quatrième hypothèse:
H4: Les avantages économiques tirés par les producteurs et les principaux utilisateurs de
l’information financière sont positivement corrélés à l’adoption obligatoire des IFRS dans
les entreprises avec un actionnariat familial.
La synthèse des quatre hypothèses de recherche est donnée au tableau 3-I ci-après
110
Tableau 3-I Synthèse des hypothèses de recherche
Préparateurs
Investisseurs
Créanciers
Aucune
Aucune
différence
différence
H2: Corrélation des avantages économiques de Corrélation
Corrélation
Corrélation
la transparence de l’information financière et positive
positive
positive
H3 : Corrélation des avantages économiques de Corrélation
Corrélation
Corrélation
la transparence de l’information financière et positive
positive
négative
H4 : Corrélation des avantages économiques de Corrélation
Corrélation
Corrélation
la transparence de l’information financière et positive
positive
positive
Hypothèse
H1 :Aucune
différence
statistiquement Aucune
significative entre les avantages économiques différence
de la transparence de l’information financière
avant et après l’adoption obligatoire des IFRS.
l’adoption obligatoire des IFRS dans les
entreprises à forte asymétrie informationnelle.
l’adoption obligatoire des IFRS dans les
entreprises à forte dépendance financière.
l’adoption obligatoire des IFRS dans les
entreprises avec un actionnariat familial.
111
3.4 Conclusion du troisième chapitre
Le troisième chapitre nous aura permis de formuler la question de recherche et les quatre
hypothèses découlant directement de la littérature antérieure. Ces dernières se basent
essentiellement sur les concepts de l’asymétrie informationnelle, la dépendance financière
et la structure de l’actionnariat de type familial. Le chapitre quatre nous amène à parler du
cadre méthodologique, de l’échantillon et des modèles empiriques.
CHAPITRE IV
CADRE MÉTHODOLOGIQUE ET ÉCHANTILLONNAGE
Les trois premiers chapitres de notre recherche nous ont amené à parler respectivement de
notre cadre théorique, de la revue de la littérature et de la formulation de nos hypothèses.
Dès lors, le présent chapitre s’intéresse à la sélection de l’échantillon et aux modèles
empiriques.
4.1 Sélection et description de l’échantillon de recherche
Pour tester nos quatre hypothèses de recherche, nous procédons dans un premier temps à
la sélection de la période d’étude et des entreprises faisant partie de l’échantillon.
4.1.1 Sélection de l’échantillon
Notre échantillon couvre 9 secteurs économiques dont la période d’étude correspond aux
années 2002 à 2007, soit 6 exercices financiers. Nous distinguons la période pré-adoption
(3 ans) de celle post-adoption (3 ans). Ceci nous permet, dans une première étape, de
comparer et d’analyser les avantages économiques de l’adoption obligatoire des IFRS.
Dans une deuxième étape, nous analysons les déterminants des avantages économiques de
l’adoption obligatoire des IFRS en distinguant les préparateurs de l’information financière
et les principaux utilisateurs.
4.1.2 Description de l’échantillon
Les entreprises qui composent notre échantillon sont celles qui sont cotées en bourse et
qui, depuis le 1er janvier 2005, utilisent obligatoirement les full IFRS. La première étape
de la sélection de notre échantillon a été de lister toutes les entreprises dont l’actif total est
supérieur à 10 millions d’euros durant l’exercice financier 2002.
113
Bien que les 25 pays de l’Union Européenne et 4 autres pays aient adopté les IFRS le 1 er
janvier 2005, certains d’entre eux autorisaient auparavant leur adoption volontaire. La
deuxième étape a donc été d’exclure toutes les entreprises situées dans de tels pays35. Nous
avons procédé ainsi pour nous assurer que nos résultats ne soient pas contaminés par la
présence de données des entreprises de ces pays. Nous avons décidé d’enlever les
entreprises qui avaient adopté volontairement les IFRS en nous basant sur la théorie des
signaux (Akerlof, 1970; Spence,1973). Selon cette théorie, il existe généralement une
asymétrie d’information entre deux parties en relation d’affaires. Pour qu’il y ait
transaction sur un marché dans lequel la partie la moins informée minimise ses risques
dans la prise de décision, il faut que la plus infirmée envoie un signal pour indiquer que le
bien ou le service, objet de la transaction, est de qualité supérieure. Dans le cas de
l’information comptable, les entreprises qui la préparent vont adopter des normes
comptables qu’elles estiment être de haute qualité (les IFRS en l’occurrence) pour inciter
les utilisateurs de cette information (investisseurs et créanciers), à lui fournir les capitaux
dont elles ont besoin à faible coût. Il nous parait dès lors très important d’éliminer de telles
entreprises de notre échantillon.
La troisième étape de notre méthodologie de collecte de données fut de sélectionner
uniquement les entreprises non financières, en excluant ainsi les banques et autres
institutions financières contenues dans la base de données WORLDSCOPE qui répondent
au critère du total d’actif supérieur à 10 millions d’euros pour les exercices de 2002 à
2007. Nous avons décidé d’éliminer ce genre d’entreprises du fait que le secteur financier
est très règlementé, en raison notamment du rôle unique qu’il joue dans la création de la
richesse par l’ensemble de l’économie.
La quatrième étape a été d’utiliser la liste des entreprises générée par WORDSCOPE pour
sélectionner celles ayant des données disponibles dans cette base de données. Notre
échantillon final est ainsi composé de 2 926 entreprises opérant dans 8 pays36 et réparties
dans 9 secteurs économiques comme le montre le tableau 4-II.
35
Ces pays sont: L’Allemagne, la Grèce, la Belgique, le Luxembourg, le Portugal, l’Autriche, la
Finlande, Chypre, Malte, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, et la
République Chèque.
36
Bien que la Slovaquie et la Slovénie répondent aux critères de sélection, leurs entreprises n’ont
pas été incluses dans l’échantillon du fait de la non disponibilité des données.
114
Capkun et al. (2011) se sont également intéressés au passage obligatoire des entreprises
européennes aux IFRS en 2005 en analysant son impact sur la qualité des états financiers.
Leur échantillon, qui couvre les exercices financiers 2004 et 2005, comprend 1722
entreprises situées dans neuf pays européens et dont l’actif est supérieur à 10 millions
d’euros. Nous notons par ailleurs que dans une autre étude sur les conséquences
économiques de l’adoption obligatoire des IFRS par les entreprises des pays de l’Union
Européenne, Daske et al. (2008) ont utilisé un échantillon de toutes les entreprises utilisant
les IFRS en 2005 soit environ 9 000 entreprises uniques dont 3100 les avaient adoptées
pour la première fois. Cette étude couvre 26 pays pour la période de 5ans, soit les
exercices 2001 à 2005 inclusivement.
Nous résumons au tableau 4-I notre processus de sélection de l’échantillon
Tableau 4-I Description de la procédure de sélection de l’échantillon
Étapes de
Critère de sélection
sélection
Nombre
d’entreprises
Étape 1
Entreprises dont l’actif est supérieur à 10 millions d’Euros
5137
Étape 2
Moins les entreprises situées dans des pays autorisant une
1 774
adoption anticipées des IFRS
Étape 3
Moins les entreprises financières incluses dans la catégorie ci-
420
dessus
Étape 4
Moins les entreprises pour lesquelles une partie de données
17
n’est pas disponible
Échantillon final
Pour faciliter le traitement statistique des données, nous avons regroupé les diverses
entreprises en 9 secteurs économiques. Nous présentons ainsi au tableau 4-II la
distribution géographique et sectorielle de notre échantillon final.
2 926
115
1
4
1
1
3
16
32
10
5
7
8
TOTAL
IRLANDE
7
6
SUÈDE
5
ROYAUME-UNI
4
ITALIE
3
HOLLANDE
2
FRANCE
1
ESPAGNE
Code du
ecteur
Code du pays
DANEMARK
Tableau 4-II Distribution des entreprises de l’échantillon par secteur économique et par
pays
6
7
26
12
73
15
166
2
Agriculture, foresterie et
pêche
Industries minières
3
Industries de la construction
21
16
45
13
6
27
93
15
236
4
Industries manufacturières
38
25
145
49
5
62
214
75
613
5
11
20
75
14
4
44
140
14
322
6
Transports et services
publics
Commerce de gros
20
16
79
20
8
11
101
16
271
7
Commerce de détail
8
10
86
8
2
30
106
17
267
8
Industries immobilières
13
21
56
17
1
12
86
18
224
9
Services
20
14
179
32
20
39
428
69
801
TOTAL
134
145
701
164
52
237
1247
246
2926
116
4.2 Modèles empiriques et mesure des variables
Notre recherche se propose de tester les quatre hypothèses en recourant à un modèle
empirique principal et trois modèles empiriques spécifiques consacrés respectivement aux
préparateurs de l’information financière, investisseurs et créanciers.
4.2.1 Modèle empirique principal
Le modèle empirique principal met en relation les avantages économiques de la
transparence de l’information financière (ATIF) comme variable dépendante et un
ensemble de variables indépendantes et de contrôle. De plus, pour capter l’effet des
différentes caractéristiques des entreprises, nous tenons compte des interactions
respectives entre l’adoption obligatoire des normes internationales d’information
financière et l’asymétrie informationnelle (IFRS*ASYM), la dépendance financière
(IFRS*FIN_DEPEND) et la structure de propriété de type familial (IFRS*FAMILY). Le
modèle proposé est le suivant :
ATIF = β0 + β1 IFRS + β2 ASYM+ β3FIN_DEPEND+ β4 FAMILY + β5 SEPARATION
+β6IFRS*ASYM +β 7IFRS* FIN_DEPEND + β8IFRS* FAMILY
+β9CAPITALIZATION +β10CORRUPTION+β11PROTECTION + β12TAXATION
+β13US_COTATION +β14COUNTRY + β15INDUSTRY+ ε
Nous donnons au tableau 4-III ci-après les définitions des diverses variables du modèle.
117
Tableau 4-III Définition des variables dépendantes, indépendantes et de contrôle
VARIABLE
Définition
ASYM
Niveau d’asymétrie informationnelle
ATIF
Avantage de la transparence de l’information financière
CAPITALIZATION
Valeur boursière de l’entreprise
CORRUPTION
Niveau de corruption dans un pays donné
COUNTRY
Pays dans lequel l’entreprise est domiciliée
FAMILY
Variable binaire donnant l’identité de l’actionnaire
principal noté 1 si famille ou 0 pour tous les autres types
de structure (L’actionnaire principal est une institution,
l’État, société à capital dispersé, etc.).
FIN_DEPEND
Niveau de dépendance de l’entreprise au financement
bancaire
IFRS
Adoption obligatoire des IFRS
IFRS*ASYM
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la présence
d’asymétrie informationnelle dans l’entreprise
IFRS*FAMILY
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la structure
de propriété de type familial
IFRS*FIN_DEPEND
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la présence
de la dépendance financière dans l’entreprise
INDUSTRY
Secteur industriel de l’entreprise
PROTECTION
Variable binaire indiquant le type de protection légale
dans un pays selon qu’il est du common law (noté 1) ou
du code law (noté 0).
SEPARATION
Identification de la présence (code 1) ou non (code 0) de
la séparation des droits de vote et des droits de propriété
118
Tableau 4-III Définition des variables dépendantes, indépendantes et de contrôle (Suite)
VARIABLE
Définition
TAXATION
Variable binaire indiquant le type de conformité entre la
comptabilité et la fiscalité dans un pays donné. Elle est
notée 1 si le résultat comptable diffère du résultat fiscal, 0
dans le cas inverse.
US_COTATION
Variable binaire traduisant le fait qu’une entreprise est
cotée (notée 1) ou non sur une bourse américaine (notée
0).
119
4.2.2 Description et mesure de la variable dépendante
La variable dépendante est l’avantage économique de la transparence de l’information
financière (ATIF) pour les préparateurs et les principaux utilisateurs de l’information
financière, appelés aussi fournisseurs de capitaux. Pour tenir compte des intérêts
divergents de ces trois parties prenantes (préparateurs, investisseurs et créanciers), nous
proposons un modèle spécifique pour chacune d’elles.
4.2.2.1 Mesure du coût du capital comme proxy de la variable dépendante du 1er modèle
spécifique aux préparateurs de l’information financière
Par définition, le coût en capital est la moyenne pondérée du coût des capitaux propres
(cost of equity capital) et de la dette (cost of debt). Cependant, dans le cadre de cette
recherche, nous utilisons seulement la composante du coût des capitaux propres. En effet,
la plupart des études qui se sont intéressées à ce sujet considèrent seulement la
composante du coût des capitaux propres.
Mis à part quelques cas rares comme l’étude de Francis et al. (2005) qui a utilisé les deux
composantes du coût du capital dans le cadre de l’étude de corrélation entre le coût du
capital et les incitatifs de divulgation des entreprises, la plupart des études se focalisent
essentiellement sur la composante du coût des capitaux propres. Parmi les dernières études
à ce sujet, nous pouvons citer Botosan et Plumee (2002), Daske et al.(2008), Gao (2010) et
Guay et al. (2011) qui ont analysé uniquement la composante du coût des capitaux
propres.
Il existe actuellement un grand débat au niveau de la mesure appropriée du coût du capital.
Dans une étude récente, Botosan et al. (2011) cherchent à réconcilier le conflit entre les
deux courants de recherche traditionnels au sujet de la mesure généralement utilisée pour
calculer le coût des capitaux propres. La première approche à ce sujet examine la
corrélation entre les différentes mesures du rendement attendu et le rendement futur
réalisé. La deuxième se concentre sur la corrélation entre les mesures du coût des capitaux
propres et les caractéristiques contemporaines de risque des entreprises. Les douze
méthodes ainsi comparées sont composées de neuf méthodes différentes, de deux
méthodes qui sont des moyennes des méthodes ci-dessus et du modèle à quatre facteurs de
Fama-French.
120
Les douze méthodes ainsi analysées dans l’article de Botosan et al. (2011) sont les
suivantes:
(1) La méthode du prix cible (Botosan et Plumee,2002),
(2) La méthode du ratio de croissance cours-bénéfice utilisant les données des quatrième
et cinquième années (Easton,2004),
(3) La méthode du ratio de croissance cours-bénéfice utilisant les données des
deuxième et troisième années (Easton,2004),
(4) La méthode du ratio de croissance cours-bénéfice modifié (Easton,2004),
(5) La méthode de croissance économique (Ohlson et Juettner-Nauroth, 2003),
(6) La méthode de croissance économique modifié (Gode et Mohanram,2003) ,
(7) La méthode de l’horizon finie (Gordon et Gordon, 1997),
(8) La méthode industrielle (Gebhart et al.2001)
(9) La méthode économique large (Clauss et Thomas, 2001),
(10) Le modèle de Fama-French à 4 facteurs (Barth et al., 2010),
(11) La moyenne du coût implicite du capital (Hail et Leuz, 2006) et
(12) La moyenne ajustée du coût implicite du capital (Dhaliwal et al., 2007).
Il ressort du premier courant, représenté principalement par Easton et Monahan (2005) et
Guay et al. (2011), qu’aucune des mesures proposées ne procure des estimations valides
de l’élément étudié. Selon Botosan et al. (2011), cette conclusion serait en grande partie
due à des erreurs de spécification. Pour cela, les auteurs se sont basés sur les données
d’entreprises américaines de la période de 1984 à 2004. Selon les auteurs, au-delà du fait
que le premier courant de recherche souffre d’erreurs de spécification, les résultats
suggèrent l’existence de relation entre deux mesures (méthode du prix cible et méthode du
ratio de croissance cours-bénéfice) aussi bien avec le rendement futur réalisé qu’avec les
caractéristiques de risque des entreprises. Ces dernières sont : le beta de la firme,
l’endettement, la valeur de marché des capitaux propres, le ratio cours-bénéfice et les
opportunités de croissance.
La méthode du prix cible (The Target Price Method) se base sur le prix boursier courant,
les prévisions des analystes au sujet des dividendes et les cash flows à la fin de la
cinquième année. La méthode du ratio de croissance cours-bénéfice quant à elle utilise les
prévisions des analystes à long terme (années 4 et 5). Cette méthode utilise un horizon de
121
cinq ans et suppose par ailleurs que les dividendes de la première année et ceux de la
période débutant à la 6ème année resteront constants.
D’autres études récentes comme celles de Daske et al. (2008) ont utilisé un ensemble de
proxies pour estimer le coût des capitaux propres. Ces auteurs ont utilisé quatre modèles
antérieurs à 2008 et ont par la suite calculé la moyenne pour chaque entreprise-année.37
Cependant, le fait d’utiliser la moyenne de plusieurs proxies ne donne pas une mesure
supérieure (Botosan et al., 2011).
Au vu des résultats de cette étude qui est la plus récente sur les mesures du coût des
capitaux propres, nous proposons d’utiliser le premier proxy (méthode du prix cible) pour
mesurer les avantages des préparateurs de l’information financière.
Ainsi, la formule utilisée est la suivante :
Po= Σ (1+rDIV)-t (dpst)+(1+rDIV)-5 (P5)
Les variables ci-dessus sont définies comme suit :
Po
Prix boursier au temps t0
rDIV
Coût des capitaux propres
dpst
Dividende par action de l’année courante
P5
Prix boursier de la cinquième année
Pour estimer le prix cible, les informations de base proviennent de la base de données
Wordscope38. Après avoir calculé le coût des capitaux propres par dérivation dans la
formule ci-dessus pour toutes les entreprises de l’échantillon, nous intégrons cette variable
dépendante dans la série de données de panel collectées par ailleurs.
37
Ces modèles sont ceux de Claus et Thomas (2001), Genbhardt ,Lee et Swminathan (2001),
Ohlson et Juettner-Nauroth (2005) et Eaton (2004) modifié.
38
Comme nous avons besoin des informations pour la cinquième année, nous limitons la collecte
de données aux années 2002 à 2006 seulement, puisque l’exercice le plus récent disponible est
2011.
122
Dès lors, le 1er modèle spécifique aux préparateurs de l’information financière s’écrit
comme suit :
COST_CAPITAL= β0 + β1 IFRS + β2 ASYM+ β3FIN_DEPEND+ β4 FAMILY
+ β5 SEPARATION+β6IFRS*ASYM +β7IFRS* FIN_DEPEND+β8IFRS*FAMILY
+β9CAPITALIZATION+β10CORRUPTION+β11PROTECTION+β12TAXATION
+β13US_COTATION+β14COUNTRY + β15INDUSTRY+ ε
Les définitions des variables ci-dessus sont les mêmes que celles données dans le modèle
principal. De plus, COST_CAPITAL est le coût du capital qui est le proxy de l’avantage
de la transparence de l’information financière (ATIF) pour les entreprises en tant que
préparateurs des états financiers.
4.2.2.2 Mesure de la variable dépendante du 2ème modèle spécifique:Qualité du résultat
comptable comme proxy pour l’avantage économique des investisseurs
Pour les investisseurs, l’information comptable mise à leur disposition est très utile
puisqu’elle constitue une base importante de prise de décisions. Au niveau de la mesure
des avantages économiques des investisseurs suite à l’adoption obligatoire des IFRS, la
tendance générale est que la littérature privilégie la notion de qualité des bénéfices.
Toutefois, certains auteurs comme Dumontier et Maghraoui (2006) recourent à la
fourchette des prix boursiers (Bid-Ask Spread) comme proxy approprié. Ce premier
courant de recherche part du fait qu’une information transparente est censée réduire l’écart
informationnel par l’amélioration du contenu informatif des chiffres comptables. Comme
ce dernier n’est pas directement observable, il est généralement représenté par une mesure
de l’asymétrie d’information. Les recherches antérieures suggèrent entre autres d’utiliser
la fourchette des prix qui correspond à l’écart, à un moment donné, entre le meilleur prix
proposé à l’achat et le meilleur prix proposé à la vente. Le proxy capte bien l’avantage
économique des investisseurs car souvent le teneur de marchés court un risque d’antisélection parce qu’il ne peut pas distinguer les caractéristiques des agents avec lesquels il
opère.
Le deuxième courant de recherche part du fait que la notion de qualité des bénéfices est
généralement associée au contexte d’un modèle spécifique de prise de décision. Selon
Dechow et al. (2010), les résultats publiés par les entreprises sont fonction de leur
performance. Cette fonction représente le système comptable qui convertit la performance
123
inobservable en résultats observables. Les résultats d’une période ont généralement trois
composantes : les cash flows générés durant la période courante, la valeur actuelle des
cash flows qui seront générés dans les périodes futures et la valeur actuelle des
changements dans la valeur de liquidation des actifs nets.
Dans le cadre du deuxième courant de recherche, il existe trois grandes catégories de
proxies généralement utilisés dans la littérature comptable pour mesurer la qualité des
bénéfices : les propriétés des bénéfices, la réaction de l’investisseur aux bénéfices et les
indicateurs externes d’inexactitudes des bénéfices. Dans la catégorie des propriétés des
bénéfices, plusieurs proxies ont été utilisés : la persistance des résultats, les accruals
anormaux, le lissage des bénéfices, la rapidité dans la comptabilisation des pertes et la
gestion des résultats. Dans la deuxième catégorie, les proxies se réfèrent généralement à la
réaction des investisseurs aux bénéfices (Investor responsiveness to earnings)39. Appelé
aussi contenu informationnel des résultats, le coefficient de réaction des investisseurs aux
résultats est admis comme un proxy de la qualité des bénéfices. Dans le but d’améliorer
cette mesure, certains auteurs comme Tucker et Zarowin (2006) ont proposé la notion de
coefficient de réponse aux résultats futurs. Enfin, la troisième catégorie de proxies qui a
trait aux indicateurs externes d’inexactitude des bénéfices les classe en erreurs
intentionnelles et erreurs non intentionnelles.
Dans cette recherche, nous avons choisi d’utiliser un des proxies du deuxième courant de
recherche, soit le coefficient de réponse des résultats futurs. À notre avis, ce proxy se
démarque des autres mesures puisque la littérature comptable, par des études empiriques, a
suggéré des preuves directes et indirectes de ce coefficient comme étant approprié pour
saisir la qualité des bénéfices. Dans ce sens, Tucker et Zarowin (2006) illustrent bien la
relation entre le coefficient de réponse des résultats futurs (Future Earnings Response
Coefficient, FERC) et le contenu informationnel des résultats comptables. Le proxy utilisé
dans cette étude se base sur le cadre conceptuel de Collins et al. (1994). Selon ces auteurs,
dans le contexte de cycles économiques continus, lorsque l’entreprise comptabilise ses
résultats, elle a une information privée sur les résultats futurs, information qu’elle révèlera
par le lissage des bénéfices. Comme l’information est reflétée dans le changement du prix
boursier, qui agrège des informations de toutes sources, il est logique de conclure que cette
39
La littérature comptable se réfère généralement que ce sont les travaux de Holthausen et
Verrechia (1988) qui ont jeté les bases théoriques de ce courant de recherche.
124
variation dans le prix boursier (ou rendement boursier) capte le changement dans les
attentes des investisseurs par rapport aux résultats comptables futurs. La force de cette
relation est captée par le coefficient de réponse des résultats futurs.
Le modèle de Collins et al. (1994) ainsi utilisé est le suivant :
Rt= b0+b1 Xt-1+b2Xt+b3Xt3+b4Rt3+Ɛt
Les variables ci-dessus sont définies comme suit :
Rt = Rendement annuel boursier = (Pt+1 –Pt)/Pt
Xt-1= Bénéfice par action de l’année t-1divisé par le prix boursier au début de l’année t.
Xt = Bénéfice par action de l’année t divisé par le prix boursier au début de l’année t.
Xt3 =Somme des bénéfices par action de l’année t+1 à t+3 divisé par le prix boursier au
début de l’année t.
Rt3 =Somme des rendements boursiers des années t+1 à t+3.
Ici, les informations de base sont tirées de Wordscope. Une fois que le coefficient b3 est
calculé, nous l’intégrons dans le deuxième modèle empirique spécifique aux investisseurs.
Ainsi, plus le coefficient de réponse des résultats futurs est grand, plus il explique une
meilleure qualité de l’information comptable.
Le 2ème modèle spécifique aux investisseurs s’écrit comme suit :
QUALITY= β0 + β1 IFRS + β2 ASYM+ β3FIN_DEPEND+ β4 FAMILY+ β5 SEPARATION
+β6IFRS*ASYM +β7IFRS*FIN_DEPEND + β8IFRS*FAMILY
+β9CAPITALIZATION+β10 CORRUPTION+β11 PROTECTION+β12TAXATION
+β13US_COTATION+β14COUNTRY + β15INDUSTRY+ ε
Les définitions des variables ci-dessus sont les mêmes que celles données dans le modèle
principal. Nous remplaçons l’ATIF par QUALITY qui représente la qualité du résultat
comptable traduisant un avantage économique pour les investisseurs.
125
4.2.2.3 Mesure de la variable dépendante du 3ème modèle spécifique: la cote de crédit
La littérature comptable propose peu de mesures qui captent le lien entre l’information
comptable et la prise de décision par les créanciers. De façon générale, ce lien est soutenu
par le rôle contractuel de la comptabilité tel que proposé par la théorie positive de la
comptabilité car les créanciers s’appuient énormément sur le contenu de l’information
comptable. Pour mesurer l’avantage de la transparence de l’information financière pour les
créanciers, nous utilisons la cote de crédit pour chaque entreprise. Cette mesure est utilisée
dans la littérature comptable par certains auteurs comme Wu et Zhang (2009) et Kosi et
al.(2012). Nous avons classé les différentes cotes de crédit en 6 catégories notées de 1
(meilleure) à 6.
Le 3ème modèle empirique pour les créanciers s’écrit comme suit :
RATING= β0 + β1 IFRS + β2 ASYM+ β3FIN_DEPEND+ β4 FAMILY+ β5 SEPARATION
+β6IFRS*ASYM +β7IFRS* FIN_DEPEND + β8IFRS*FAMILY
+β9 CAPITALIZATION+β10 CORRUPTION+β11 PROTECTION+β12TAXATION
+β13US_COTATION+β14COUNTRY + β15 INDUSTRY+ ε
Nous donnons les mêmes définitions aux variables indépendantes et de contrôle du modèle
principal. Pour la variable dépendante, RATING est la cote de crédit qui traduit en fait le
niveau de confiance que les créanciers accordent aux entreprises qui leur sont débitrices.
La variable RATING est collectée dans la base de données Bureau Van Dijk.
4.2.3 Définition et mesure des variables indépendantes
Notre modèle empirique comprend quatre variables indépendantes qui sont l’adoption
obligatoire des IFRS, l’asymétrie d’information, la dépendance financière et la structure
de l’actionnariat de type familial.
4.2.3.1 Adoption obligatoire des normes internationales (IFRS)
Dans la littérature comptable, l’adoption des IFRS est perçue comme pouvant améliorer la
qualité de la communication financière (Ashbaugh et Pincus, 2001). Cependant, même si
126
l’on admet généralement que les IFRS sont de haute qualité (Leuz, 2003), les facteurs
institutionnels de chaque pays doivent être tenus en considération lorsqu’on analyse
l’impact économique de leur adoption (Ball et al., 2003). Dès lors, nous ne pouvons
prédire l’existence d’une relation éventuelle entre cette variable et les avantages
économiques étudiés dans ce projet.
Pour mesurer l’adoption obligatoire des IFRS, nous codons de façon dichotomique cette
variable : 0 pour les années 2002,2003 et 2004, puis 1 pour les années 2005,2006 et 2007.
Les informations sont collectées à partir de la base de données WORLDSCOPE.
4.2.3.2 Mesure de l’asymétrie d’information (ASYM)
Au sein des entreprises, les initiés (corporate insiders), tels que définis par la loi
américaine de 1934 sur la SEC, sont présentés comme étant les dirigeants, les
administrateurs et les propriétaires de plus de 10% bénéficiant d’informations privilégiées
au cours de transactions portant sur les actions de leurs entreprises. Selon Aboody et Lev
(2000), c’est par l’identification des sources d’information des initiés que la littérature a
proposé différentes mesures appropriées. Actuellement, il existe plusieurs mesures pour
capter le phénomène d’asymétrie informationnelle. On cite notamment le nombre
d’analystes suivant l’entreprise (Stoll,1978), les erreurs dans la prévision des analystes et
la volatilité des rendements anormaux (Krishnaswami et Subrahmanyam,1999). D’autres
auteurs comme Degryse et Jong (2006) utilisent le Q de Tobin pour estimer l’asymétrie
d’information entre les dirigeants et les investisseurs. La littérature a également proposé
de mesurer l’asymétrie informationnelle par les dépenses en recherche et développement
(Aboody et Lev, 2000). Cette mesure serait justifiée par le fait que, les dirigeants et
administrateurs, conscients des budgets affectés à la recherche scientifique et au
développement expérimental, augmenteraient les transactions sur les actions, à l’achat
comme à la vente, avant de divulguer cette information.
Considérant ces différentes mesures, nous proposons dans cette recherche d’utiliser le Q
de Tobin pour capter l’asymétrie d’information. Ce choix est justifié par le fait que cette
mesure se base sur une littérature solide d’une part et dont les composantes sont faciles à
obtenir d’autre part. Ce ratio est défini comme étant le rapport entre la valeur boursière et
la valeur de remplacement des actifs. Si ce ratio est supérieur à 1, l’entreprise a avantage à
127
investir car le marché boursier valorise favorablement une telle acquisition. En suivant
Degryse et Jong (2006)40, nous classons les entreprises de l’échantillon en deux catégories
selon que leur Q de Tobin est supérieur à 1 ou non. Dans le premier cas, nous concluons
qu’il y a une présence d’une forte asymétrie informationnelle et l’entreprise est codée 1
alors qu’elle est codée 0 dans le cas inverse. Cette classification en deux catégories a
l’avantage de montrer une distinction nette entre les entreprises ayant une forte asymétrie
d’information et celles qui n’en ont pas.
Les données de base sont disponibles dans WORLDSCOPE. Ce qui nous permet d’utiliser
la formule pour le calcul du Q de Tobin comme suit :
L’utilisation du Q de Tobin est motivée par la disponibilité des composantes de ce ratio
dans la base de données DATASTREAM, ainsi que sa simplicité d’application.
On admet généralement que l’adoption des IFRS permet de mieux encadrer la gestion des
résultats dans la publication de l’information financière par les entreprises (Chen et al.,
2010) et que le niveau d’asymétrie d’information est un déterminant important tant au
niveau des investisseurs (Brown et al., 2009) que celui des créanciers (Tang, 2009). Nous
anticipons ainsi un signe positif du coefficient traduisant la relation entre le coût du
capital et le niveau de l’asymétrie informationnelle, puis une relation négative entre la
qualité de l’information et le niveau de l’asymétrie d’information et finalement une
relation négative entre la cote de crédit et l’asymétrie d’information.
4.2.3.3 Mesure de la dépendance financière des entreprises (FIN_DEPEND)
Nous nous inspirons de Rajan et Zingales (1998) pour mesurer la dépendance financière
d’une entreprise. C’est la fraction des dépenses en capital non financée par les flux de
liquidité d’exploitation. Plus précisément, ces derniers incluent la diminution des stocks, la
diminution des comptes clients et l’augmentation des comptes payables. Elle est donnée
par la formule suivante :
40
Ces auteurs se basent sur les conclusions de Hayashi (1982) et Vogt(1994) selon lesquelles les
entreprises ayant un Q supérieur à 1 font face à des problèmes d’asymétrie informationnelle.
128
(
)
Plus récemment, Inklaar et Koetter (2008) ont revisité l’article de Rajan et Zingales (1998)
pour proposer une mesure alternative de la dépendance financière. Pour ces auteurs, il
suffirait simplement de calculer le ratio de la dette sur le total des actifs pour capter le
niveau de dépendance financière d’une entreprise. Leur justification tiendrait au fait qu’il
faut se limiter au crédit accordé par le secteur bancaire, excluant ainsi toute considération
du crédit commercial. Nous pensons quant à nous qu’un tel proxy ne saisit que
partiellement les choix de modes de financement auxquels les dirigeants doivent faire face
dans les décisions courantes de leurs entreprises respectives. Nous optons ainsi pour
l’utilisation de la mesure proposée par Rajan et Zingales (1998) pour capter la dépendance
financière d’une entreprise.
Pour le premier modèle, nous prévoyons une relation négative entre le coût du capital et le
niveau de la dépendance financière des entreprises alors que nous anticipons une relation
positive entre la qualité des bénéfices et le niveau de dépendance financière dans le cas du
deuxième modèle empirique. Finalement, pour le 3ème modèle empirique, nous anticipons
une relation négative entre la cote de crédit et le niveau de dépendance financière.
Toutes ces prédictions sont basées sur les conclusions de l’article de Francis et al. (2005)
selon lesquelles les entreprises ayant une grande dépendance financière publient beaucoup
d’informations. Pour calculer la dépendance financière de chaque entreprise, nous
collectons les informations de base dans WORDSCOPE.
4.2.3.4 Mesure de la structure de l’actionnariat de type familial (FAMILY)
Pour les utilisateurs de l’information financière, l’accès à l’information dépend de la
structure de l’actionnariat. En effet, dans le cas des entreprises où l’actionnariat est
principalement détenu par les banques par exemple, ces dernières ont un accès très facile à
l’information dont elles ont besoin, ce qui peut influencer le coût de la dette. En nous
basant sur les articles de MacIntosh et Schwartz (1994) et Faccio et Lang (2002), la
structure de l’actionnariat peut être mesurée de deux façons. La première façon consiste à
reconnaitre le véritable actionnaire principal dans une entreprise en le considérant comme
129
seul ou non. On dira qu’il est seul lorsque dans l’entreprise il n’y a aucun autre détenteur
d’actions donnant droit à au moins 10% des votes. La deuxième façon de mesurer la
structure de l’actionnariat est d’établir l’identité du véritable actionnaire principal. Il peut
s’agir ainsi d’individus (un particulier ou une famille) ou d’une institution (Banques,
Fonds mutuels, Caisses de retraite ou compagnies d’assurances) ou même l’État. Dans
notre recherche, nous utilisons une mesure assez simple et codifions la structure de
propriété de façon binaire, soit 1 si l’actionnaire principal est un individu ou une famille et
0 dans tous les autres cas. Nous tirons ces informations de la base de données OSIRIS.
En ce qui concerne le signe de la corrélation, nous prévoyons pour le premier modèle un
signe négatif entre le coût du capital et la structure de l’actionnariat de type familial et,
pour le deuxième modèle, un signe négatif entre la qualité des bénéfices et la structure de
l’actionnariat de type familial. Finalement, pour le troisième modèle, nous anticipons une
corrélation négative entre la cote de crédit et la structure de l’actionnariat de type familial.
4.2.3.5 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence de l’asymétrie
informationnelle (IFRS*ASYM)
Cette variable capte l’interaction entre le fait que l’entreprise utilise obligatoirement les
normes internationales d’informations financières (IFRS) et la présence de l’asymétrie
informationnelle dans cette entreprise. Elle est utilisée pour tester la 2 ème hypothèse de
notre recherche.
Pour les préparateurs de l’information financière, le fait de divulguer beaucoup
d’informations diminue le coût du capital (Hail, 2002). Dès lors, puisque les IFRS sont
qualifiées de normes comptables transparentes, nous anticipons une corrélation négative
entre le coût du capital et l’interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence
d’une forte asymétrie informationnelle. Pour ce qui est des investisseurs, Hope
et
al.(2006) suggèrent que l’adoption des IFRS entraine une économie de temps et d’énergie
en leur faveur. L’adoption obligatoire des IFRS, dans le cas des entreprises ayant une
grande asymétrie informationnelle devrait améliorer la qualité des bénéfices. Nous
prévoyons ainsi un signe positif entre la qualité des bénéfices et le facteur d’interaction
entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence de l’asymétrie informationnelle. Pour
ce qui est des créanciers, les agences de notation se basent essentiellement sur
l’information comptable mise à leur disposition par l’entité à évaluer. Une telle
information produite selon les IFRS devrait réduire l’asymétrie d’information, et
130
contribuer ainsi à améliorer la cote de crédit de l’entreprise concernée. Le coefficient
traduisant la corrélation entre la cote de crédit et le facteur d’interaction ci-dessus devrait
ainsi être positif.
4.2.3.6 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la présence de la dépendance
financière (IFRS*FIN_DEPEND)
Cette variable capte l’interaction entre le fait que l’entreprise utilise obligatoirement les
normes internationales d’informations financières et la présence de la dépendance
financière dans cette entreprise. Elle est utilisée pour tester la 3ème hypothèse de notre
recherche.
Selon Francis et al. (2005), les entreprises ayant besoin de financement sont caractérisées
par un niveau de divulgation élevé. Comme les entreprises divulguant beaucoup
d’informations ont un coût de capital faible (Hail, 2002), nous nous attendons à un signe
négatif dans la relation entre le coût du capital et l’interaction entre le fait d’adopter
obligatoirement les IFRS et la dépendance financière. Pour ce qui est des investisseurs,
Florou et Pope (2012) ont remarqué une augmentation du nombre d’acquisitions des
actions par les investisseurs institutionnels une année après le passage obligatoire des
IFRS. Dans la logique de l’amélioration de la qualité des bénéfices des entreprises utilisant
les IFRS, nous anticipons un signe positif entre la qualité des bénéfices et la variable
d’interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et le niveau de dépendance financière.
Finalement, pour les créanciers, Kim et al. (2011) suggèrent que les entreprises utilisant
les IFRS accèdent facilement aux prêts bancaires. Nous anticipons ainsi un signe positif
entre la cote de crédit et la variable de l’interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS
et la dépendance financière puisque la décision d’attribution de la cote de crédit repose en
grande partie sur la transparence de l’information financière fournie aux agences de
notation (Kosi et al.,2012).
4.2.3.7 Interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la structure de propriété
de type familial (IFRS*FAMILY)
Cette variable capte l’interaction entre le fait que l’entreprise utilise obligatoirement les
normes internationales d’informations financières et la structure de propriété dans cette
entreprise. Nous utilisons cette interaction pour tester la quatrième hypothèse de notre
variable.
131
Pour les préparateurs de l’information financière, nous attendons un signe négatif entre le
coût du capital et la variable d’interaction entre le fait d’adopter obligatoirement les IFRS
et la structure de propriété familiale. Au niveau des investisseurs, Zhao et Millet-Reyes
(2007) sont d’avis que la qualité des bénéfices est faible dans les entreprises ayant un
actionnariat familial. Les IFRS étant généralement perçues comme des normes comptables
de haute qualité (Barth et al., 2008), leur adoption obligatoire devrait améliorer la qualité
des bénéfices des entreprises concernées. Nous prévoyons ainsi un signe positif pour le
coefficient relatif à l’interaction entre l’adoption obligatoire des IFRS et la structure de
propriété familiale. En ce qui concerne les créanciers, la cote de crédit des entreprises
devrait s’améliorer puisque la qualité de l’information comptable sur laquelle se basent les
agences de notation (Kosi et al., 2012) se sera elle-même améliorée.
4.2.4 Définition et mesure des variables de contrôle
Pour nous assurer que les avantages économiques de l’adoption obligatoire des IFRS ne
sont pas expliqués par certains facteurs qui ne font pas directement l’objet de notre
recherche, nous contrôlons pour un certain nombre de facteurs. Tels sont la capitalisation
boursière, la protection légale des investisseurs, le rapprochement entre la fiscalité et la
comptabilité, le niveau de corruption, la structure familiale de la propriété et la cotation
sur une bourse américaine. Nous tenons également compte du pays et du secteur industriel
auquel l’entreprise appartient, comme étant des effets fixes.
4.2.4.1 Capitalisation boursière (CAPITALIZATION)
Cette variable de contrôle est choisie en référence aux études de Botosan (1997) et
Botosan et Plumlee (2002) et constitue un proxy pour la taille. L’information est
disponible dans la base de données WORLDSCOPE.
L’usage de la taille comme variable de contrôle est justifiée par le fait que les entreprises
les plus grandes divulguent généralement beaucoup d’informations puisque cela leur
procure beaucoup d’avantages (Welker,1995 et Lang et Lundholm, 1993). En effet,
compte tenu de la complexité, de la diversité et de l’évolution croissante de leurs activités,
ces entreprises ont besoin de légitimer leurs choix managériaux vis-à-vis de plusieurs
132
parties prenantes tels que les créanciers, les investisseurs et les employés (Dumontier et
Magharoui, 2006). Nous devons alors contrôler pour cette variable. Pour le premier
modèle des préparateurs de l’information financière, nous présumons un signe négatif
entre le coût du capital et la taille de l’entreprise du fait que ce genre d’entreprises
divulgue beaucoup d’informations et que le fait de divulguer beaucoup d’informations
diminue le coût du capital. En ce qui concerne le deuxième modèle pour les investisseurs,
Liu et al. (2011) suggèrent que la qualité de l’information comptable augmente, par la
baisse de la gestion des résultats, et que cette amélioration est très grande dans les
entreprises auditées par les grands cabinets comptables. Ces dernières sont généralement
des entreprises de grande taille. Nous anticipons ainsi un signe positif pour le coefficient
traduisant la corrélation entre la qualité du bénéfice et les entreprises de grande taille.
Enfin, pour ce qui est du troisième modèle pour les créanciers, les données comptables
constituent un élément important dans la prise de décisions des agences de notation (Kosi
et al., 2012). Nous anticipons ainsi un signe positif du coefficient traduisant la corrélation
entre la cote de crédit et la taille de l’entreprise.
4.2.4.2 Protection légale des investisseurs et des créanciers (PROTECTION)
La Porta et al. (1998) ont conclu qu’il existe une différence fondamentale au niveau de la
protection légale des investisseurs selon que le pays concerné est de tradition common law
(grande protection) ou code law (faible potection). Nous utilisons dès lors les données de
La Porta et al. (1998) en codifiant 1 les pays à common law et 0 les pays à droit civil. Dans
le cas des préparateurs de l’information financière, les facteurs institutionnels comme le
régime juridique du pays influencent la confiance qu’inspire l’information comptable
préparée par les directions des entreprises (Ball et al., 2003). Les pays du common law
étant généralement considérés comme ayant une protection légale élevée (La Porta et
al.,1998), nous suggérons que la corrélation entre le coût du capital et le fait que
l’entreprise opère dans un pays du common law sera négative. Pour le deuxième modèle
spécifique aux investisseurs, la qualité des bénéfices comptables est généralement
considérée très bonne dans les pays du common law même avant l’adoption des IFRS.
Nous nous attendons donc à une corrélation entre la qualité des bénéfices et la protection
légale des investisseurs et prédisons que la relation sera positive. Dans la même logique,
pour le troisième modèle spécifique aux créanciers, nous prédisons une relation positive
entre la cote de crédit et le fait que l’entreprise se trouve dans un pays du common law.
133
4.2.4.3 Rapprochement entre la fiscalité et la comptabilité (TAXATION)
La tendance de rapprochement entre les règles comptables et les règles fiscales est
considérée comme un facteur pouvant influencer la qualité de l’information financière. En
effet, Ali et Hwang (2000) ont analysé les données de 16 entreprises industrielles de pays
développés pour la période de 1986 à 1995 et ont identifié entre autres que le niveau de
conformité élevé ou faible entre la comptabilité et la fiscalité est un facteur déterminant
dans la pertinence de l’information financière. Plus le niveau de conformité entre les deux
sphères est faible, plus l’information financière est pertinente. Nous présumons que
l’apport de l’adoption obligatoire des IFRS est fonction de la qualité de l’information
comptable avant ladite adoption, qui elle-même est fonction de certains facteurs comme le
niveau de conformité entre les règles fiscales et les règles comptables. Pour capter le
rapprochement de la fiscalité et de la comptabilité dans un pays donné, nous notons 0 si le
niveau d’alignement est élevé et 1 si le niveau d’alignement est faible. En nous référant à
l’étude d’Ali et Hwang (2000), nous proposons une relation dont le sens est négatif entre
le coût du capital et le fait que l’entreprise soit située dans un pays dont le niveau de
conformité entre les règles comptables et les règles fiscales est très faible. Dans la même
logique, pour le modèle empirique des investisseurs, nous suggérons une relation de sens
positif entre la qualité des bénéfices comptables et le fait que l’entreprise soit dans un pays
dont le niveau de rapprochement entre les règles comptables et les règles fiscales est
faible. Enfin, selon toujours Ali et Hwang (2000), l’information comptable produite par
les entreprises situées dans les pays où le niveau de conformité entre la comptabilité et la
fiscalité est faible est présumée être de grande qualité. Cependant, nous basant sur la
littérature sur le sujet, nous ne pouvons prédire le sens de la corrélation entre la cote de
crédit et le fait que l’entreprise se trouve dans un pays dont le niveau de conformité entre
les règles comptables et les règles fiscales est faible.
4.2.4.4 Niveau de corruption (CORRUPTION)
La différence dans l’environnement des affaires peut être mise en évidence par le niveau
de corruption et son effet potentiel sur l’information financière (Ball, 2001). Plus
précisément, cet auteur affirme que toute analyse complète portant sur les normes
comptables devrait être située dans le contexte du marché de la communication financière
134
et de l’environnement politique, notamment du niveau de la corruption. Nous contrôlons
donc pour la variable corruption car nous présumons que l’adoption obligatoire des IFRS
aurait davantage une influence sur les entreprises opérant dans des pays avec un niveau
élevé de corruption.
Nous mesurons le niveau de corruption selon l’index de corruption tel que publié sur le
site web de l’organisation à but non lucratif Transparency International. Pour les huit pays
de notre échantillon, le niveau le plus élevé de corruption correspond à la note de 4.8 sur
10 alors que le moins élevé correspond à la note de 9.5 sur 10. En nous basant sur l’article
de Ball (2001), dans le cas des préparateurs de l’information financière, nous présumons
une relation de signe négatif entre le coût du capital et le niveau de corruption. Dans la
même logique, la relation entre la qualité des bénéfices comptables et le niveau de
corruption dans un pays devrait avoir un signe négatif. Enfin, pour les créanciers, la
corrélation entre la cote de crédit de chaque entreprise et le niveau de corruption du pays
dans lequel il se trouve devrait être de signe négatif.
4.2.4.5 Séparation entre les droits de vote et droits de propriété (SEPARATION)
La variable SEPARATION est intéressante à contrôler dans le cadre de notre recherche
car elle vient affiner l’impact de la structure de propriété familiale sur les avantages
économiques de la transparence de l’information financière. Cette variable distingue en
effet des entreprises identifiées comme étant de type familial qui sont caractérisées par la
séparation entre les droits de propriété et les droits de vote. Lorsqu’une telle séparation
existe, la variable est codée 1, sinon elle est codée 0. Ce genre d’entreprises se distingue
des autres entreprises de type familial car elles sont caractérisées par une faible valeur de
marché (Claessens et al., 2002; King et Santor, 2007).
De plus, dans les entreprises familiales au sein desquelles il y a une séparation entre les
droits de propriété et les droits de vote, on a remarqué une propension à profiter indûment
des avantages pécuniaires (Bebchuk et al., 2000). De même, ces entreprises s’endettent
énormément pour éviter des prises de contrôle, s’assurant ainsi de la possibilité de
transférér l’entreprise familiale des fondateurs à leurs descendants (Holmén et
Nivorozhkin, 2007).
135
Les données relatives à la variable SEPARATION sont collectées de la base de données
WORLDSCOPE. Nous anticipons une corrélation de signe négatif entre le coût du capital
et la variable SEPARATION dans le cadre du premier modèle et une relation négative
entre la qualité des bénéfices et cette variable dans le cadre du deuxième modèle. Enfin,
nous anticipons une corrélation de signe négatif entre la cote de crédit et la variable
SEPARATION dans le cas du troisième modèle empirique de notre recherche.
4.2.4.6 Cotation sur une bourse américaine (US_COTATION)
Le fait qu’une entreprise européenne soit cotée aussi bien sur une place boursière en
Europe qu’aux États-Unis peut influencer ses pratiques comptables notamment suite au
fait de devoir se conformer à la règlementation boursière de la SEC. Cette double cotation
boursière amènerait plus de transparence dans l’information financière publiée par les
entreprises concernées. Comme les IFRS sont notamment caractérisées par un niveau de
transparence élevé, leur adoption obligatoire par les entreprises européennes n’aurait
d’influence que pour les entreprises peu transparentes. Par ailleurs, Ashbaugh (2001)
suggère que les entreprises cotées sur plusieurs places boursières sont très disposées à
adopter volontairement les IFRS.
Nous codifions 1 lorsque l’entreprise est cotée sur une bourse américaine, 0 dans le cas
inverse. Cette information est disponible dans la base de données ORBIS. Nous basant sur
l’article d’Ashbaugh (2001) et compte tenu de la haute qualité présumée des IFRS, nous
anticipons un coefficient de corrélation de signe négatif entre le coût du capital et le fait
pour une entreprise européenne d’être cotée sur une bourse américaine. De même, nous
présumons une corrélation de signe positif entre la qualité des bénéfices comptables et le
fait pour une entreprise d’être cotée sur une bourse américaine. Enfin, dans le cas des
créanciers, et pour les mêmes raisons, nous anticipons une relation positive entre la cote de
crédit et la cotation d’une entreprise sur une bourse américaine.
4.2.4.7 Variable Secteurs économiques (INDUSTRY)
Cette variable identifie le secteur industriel auquel appartient chaque entreprise de
l’échantillon. Il s’agit d’une variable codée de façon binaire, soit 1 ou 0. Cette information
136
est disponible dans la base de données WORLDSCOPE et nous utilisons la codification
sectorielle à un chiffre, ce qui nous permet de rendre l’analyse plus pratique en utilisant un
nombre sensiblement réduit de secteurs industriels, soit un total de neuf.
4.2.4.8 Pays (COUNTRY)
Cette variable identifie le pays dans lequel est domicilié chacune des 2926 entreprises de
l’échantillon. Au total, notre étude est basée sur un ensemble de 8 pays européens. Il s’agit
d’une variable binaire, codée 1ou 0.Nous tirons cette information de la base de données
WORLDSCOPE.
137
4.3 Source de données
Les sources de données utilisées proviennent essentiellement de WORDSCOPE et
ORBIS. Le tableau 4-IV récapitule la liste des données collectées, la base de données ou la
référence dans la littérature s’il y a lieu.
Tableau4-IV Sources des données utilisées
VARIABLE
Source de données ou
références
1
Asymétrie d’information (Q de Tobin)
Degryse et Jong (2006)
2
Capitalisation boursière
Botosan et Plumee (2002)
3
Corruption
Transparency International
4
Cotation sur une bourse américaine
Bureau Van Dijk
5
Cote de crédit
Bureau Van Dijk
6
Coût du capital
Botosan et al.(2011)
7
Dépendance financière
Rajan et Zingales(1998)
8
IFRS
Worldscope
9
Pays
Worldscope
10
Protection légale
La Porta et al. (1998)
11
Qualité du bénéfice
Tucker et Zarowin (2006)
12
Rapprochement de la comptabilité et de la fiscalité
Ali et Hwang (2000)
13
Secteurs économiques
Worldscope
14
Séparation entre les droits de vote et les droits de propriété
Worldscope
15
Structure de propriété de type familial
Bureau Van Dijk
138
4.4 Test des conditions d’application de la méthode des moindres carrés ordinaires
et traitement des données aberrantes
L’application de la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) exige au préalable que
certaines conditions soient remplies41. Ces conditions peuvent être résumées comme suit :
i.
Absence de colinéarité : On teste l’absence de relation forte entre les variables
indépendantes car autrement elles capteraient le même phénomène. Pour cela, on
recourt à la matrice de corrélation de Pearson
ii.
Absence d’endogénéité : On teste l’absence d’une corrélation entre chaque
variable indépendante et les résidus.
iii.
Absence d’hétéroscédasticité des résidus : Ici, on s’assure que les résidus du
modèle ont des variances constantes.
iv.
Absence d’autocorrélation entre les résidus : Pour vérifier cette condition, on
s’assure que les observations des données sont indépendantes.
v.
Normalité des résidus : Pour l’application de la méthode, les résidus doivent être
distribués selon la loi normale.
vi.
Indépendance des résidus : Pour chaque individu, le terme du résidu est centré à
zéro.
De plus, afin d’éliminer certaines données qui seraient éventuellement aberrantes, nous
recourons au test de la distance de Cook et à la méthode des résidus standardisés.
Dans le premier modèle comme dans les deux autres modèles empiriques spécifiques,
nous analysons la présence de la colinéarité entre les variables indépendantes et la matrice
de corrélation de Pearson.
Par ailleurs, afin de minimiser la probabilité de présence de la colinéarité dans chacun des
trois modèles, nous utilisons des valeurs centrées pour les variables d’interaction (Aiken et
al., 1991).
41
À côté des six conditions ci-dessus, on part du fait que le modèle est linéaire et additif et que les
variables indépendantes sont non aléatoires.
139
4.4.1 Analyse de corrélation des variables des trois modèles empiriques
Le tableau 4-V nous permet d’analyser l’existence éventuelle du problème de colinéarité
dans les trois modèles empiriques sous analyse. En calculant les coefficients de corrélation
linéaire entre les variables indépendantes prises deux à deux, nous n’avons trouvé aucun
problème de colinéarité. Tous les niveaux de corrélation entre les variables explicatives
sont jugés comme acceptables car les coefficients respectifs sont inférieurs à 0.80.
16
US_COTATION
15
CAPITALIZATI
ON
14
CORRUPTION
13
TAXATION
12
1
PROTECTION
11
0.13
0.73
SEPARATION
10
0.05
1
FAMILY
9
1
FIN_DEPEND
8
0.13
0.09
0.05
ASYM
7
1
0.06
0.05
IFRS*FAMILY
6
-0.16
IFRS*FIN_DEPE
ND
5
-0.06
IFR*ASYM
4
1
IFRS
3
RATING
2
QUALITY
1
COST_CAPITAL
Tableau 4-V Matrice de corrélation des variables des trois modèles
0.08
-0.09
-0.17
0.05
-0.12
-0.13
-0.11
0.40
0.22
-0.10
0.03
0.04
0.14
-0.02
0.01
0.03
-0.04
0.16
0.01
-0.08
0.06
-0.10
-0.00
0.05
-0.20
0.08
0.06
0.05
0.12
0.06
0.02
0.06
0.03
0.30
0.17
1
0.27
0.16
0.08
-0.06
0.04
-0.07
-0.06
0.07
0.01
-0.00
0.13
0.62
0.07
-0.08
-0.05
-0.08
-0.07
0.06
-0.02
-0.03
-0.12
0.01
0.13
-0.00
0.00
0.04
0.20
0.19
-0.02
0.01
1
-0.34
0.02
0.52
-0.02
-0.06
-0.07
0.00
-0.07
0.02
1
-0.05
-0.16
-0.08
-0.08
-0.09
0.01
0.15
-0.02
1
0.02
0.06
0.07
0.15
-0.08
0.15
0.10
1
0.10
0.11
0.12
0.16
0.16
-0.03
1
-0.15
-0.27
0.37
0.14
-0.01
1
0.30
0.37
-0.07
0.02
1
-0.21
-0.03
0.11
1
0.38
-0.02
1
-0.01
1
140
Les variables ci-dessus sont définies comme suit :
1
COST_CAPITAL
Coût du capital
2
QUALITY
Qualité des bénéfices comptables
3
RATING
Cote de crédit de l’entreprise
4
IFRS
Adoption obligatoire des IFRS
5
IFRS*ASYM
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la présence
d’asymétrie informationnelle dans l’entreprise
6
IFRS*FIN_DEPEND
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la présence
de la dépendance financière dans l’entreprise
7
IFRS*FAMILY
Interaction entre le fait d’adopter les IFRS et la structure
de propriété de type familial
8
ASYM
Niveau d’asymétrie informationnelle
9
FIN_DEPEND
Niveau de dépendance de l’entreprise au financement
bancaire
10 FAMILY
Variable binaire donnant l’identité de l’actionnaire
principal noté 1 si famille ou 0 pour tous les autres types
de structure (L’actionnaire principal est une institution,
l’État, société à capital dispersé, etc.)
11 SEPARATION
Identification de la présence (code 1) ou non (code 0) de
la séparation des droits de vote et des droits de propriété
dans les entreprises familiales
12 PROTECTION
Variable binaire indiquant le type de protection légale
dans un pays selon qu’il est du common law (noté 1) ou
du code law (noté 0)
13 TAXATION
Variable binaire indiquant le type de conformité entre la
comptabilité et la fiscalité dans un pays donné. Elle est
notée 1 si le résultat comptable diffère du résultat fiscal, 0
dans le cas inverse
14 CORRUPTION
Niveau de corruption dans un pays donné
15 CAPITALIZATION
Valeur boursière de l’entreprise
16 US_COTATION
Variable binaire traduisant le fait qu’une entreprise est
cotée (noté 1) ou non sur une bourse américaine (noté 0)
141
4.4.2 Colinéarité entre les variables indépendantes dans les trois modèles empiriques par
la détermination du facteur de l’inflation de la variance (VIF)
Le facteur de l’inflation de la variance est défini par la relation VIF = 1/(1 - R²) où R² est
le coefficient de corrélation multiple de la régression. On dira qu’on est en présence de
colinéarité, lorsque R² est proche de 1 et que donc VIF est grand. Pour en déterminer le
seuil, Belsley et al.(2004) proposent que la valeur du VIF est grande lorsqu’elle est
supérieure à 10.
Pour les trois modèles spécifiques, nous notons que les différents facteurs d’inflation
(VIF) sont tous inférieurs à 10. En nous basant sur les résultats du tableau 4-VI, nous
concluons ainsi à une absence de colinéarité entre les variables indépendantes des
modèles.
Tableau 4-VI Diagnostic de colinéarité dans les trois modèles empiriques
Variable
VIF
Racine carrée
du VIF
Tolérance
R2
ASYM
2.03
1.42
0.494
0.506
CAPITALIZATION
1.24
1.11
0.809
0.191
CORRUPTION
2.00
1.42
0.499
0.501
FAMILY
1.77
1.33
0.567
0.433
FIN_DEPEND
1.06
1.03
0.939
0.061
IFRS
4.06
2.02
0.246
0.754
IFRS*ASYM
5.06
2.25
0.197
0.802
IFRS*FAMILY
1.91
1.38
0.523
0.477
IFRS*FIN_DEPEND
1.05
1.03
0.949
0.051
PROTECTION
1.12
1.06
0.894
0.106
SEPARATION
TAXATION
US_COTATION
1.22
2.13
1.01
1.11
1.46
1.01
0.817
0.469
0.988
0.183
0.530
0.012
Moyenne VIF
1.97
142
4.4.3 Correction des valeurs extrêmes dans les trois modèles empiriques
Pour ne pas fausser nos résultats statistiques, nous corrigeons pour les données extrêmes
en nous basant sur deux tests statistiques : La méthode des résidus standardisés et la
méthode de la distance de Cook. Ainsi, dans le 1er modèle, 9 observations sont enlevées.
Comme pour le premier modèle, nous corrigeons les valeurs extrêmes dans le deuxième
modèle spécifique par deux méthodes : Le test de la distance de Cook (D) et la méthode
des résidus standardisés. Les deux méthodes sont complémentaires et nous permettent
d’établir notre échantillon final, après avoir enlevé 33 observations extrêmes.
En utilisant la méthode de la distance de Cook et celle des résidus standardisés, nous
détectons 184 éléments perturbateurs dans les données du 3ème modèle pour les créanciers.
Nous décidons de les enlever de notre échantillon.
143
4.5 Conclusion du quatrième chapitre
Avec le chapitre IV, nous avons proposé un modèle principal et 3 modèles spécifiques qui
captent les avantages économiques de la transparence financière. Chaque modèle
spécifique correspond à une catégorie des parties intéressées dans la communication
financière suite à l’adoption obligatoire des IFRS. Toutefois, le seul fait d’adopter les
IFRS ne devrait pas nécessairement conduire à un changement statistiquement significatif
dans les avantages reliés à la production ou à l’utilisation d’une information financière de
haute qualité, caractérisée par une grande transparence. Nous pensons plutôt que c’est
l’analyse des avantages économiques d’adoption des full IFRS en tenant compte de
certaines caractéristiques des entreprises, qui devrait mettre en évidence cette corrélation.
Nous tenons évidemment compte de certaines variables de contrôle déjà identifiées par la
littérature comptable.
Après nous être assuré que les conditions d’utilisation de la méthode des moindres carrés
ordinaires (MCO) sont remplies, nous avons éliminé les données extrêmes de notre
échantillon. La prochaine étape sera l’analyse et la discussion des résultats qui est abordée
au cours du cinquième et dernier chapitre de notre thèse.
CHAPITRE V
ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS
Le cinquième chapitre de notre thèse analyse les résultats des tests statistiques. Nous
organisons ainsi ce dernier chapitre en six sections. Dans la première section, nous
passons en revue et commentons les statistiques descriptives en prenant soin de distinguer
celles relatives aux variables continues de celles relatives aux variables binaires et
catégorielle. Dans les deuxième et troisième sections, nous analysons respectivement les
résultats de l’hypothèse générale (section 5.2) et ceux des trois autres hypothèses (section
5.3). Nous terminons par une analyse de l’influence des variables de contrôle sur les
résultats (section 5.4) suivie d’une analyse synthétique des résultats de nos trois modèles
(section 5.5) et d’une analyse de sensibilité (section 5.6).
5.1 Statistiques descriptives
La présente section décrit et commente les données descriptives caractéristiques de notre
échantillon. Nous décrivons successivement les statistiques de valeur centrale et de
dispersion pour chacun des trois modèles spécifiques, soit pour les préparateurs de
l’information financière (modèle spécifique 1), les investisseurs (modèle spécifique 2) et
les créanciers (modèle spécifique 3).
5.1.1 Statistiques relatives à la variable dépendante pour chacun des trois modèles
Nous présentons dans le tableau 5-I des statistiques sur la variable dépendante telle que
mesurée dans chaque modèle selon qu’il s’agit des préparateurs de l’information
financière, des investisseurs ou des créanciers.
145
5.1.1.1 Statistiques descriptives relatives au coût du capital
Dans le cas des préparateurs de l’information financière, nous mesurons la variable
dépendante par le coût du capital. Les données du tableau 5-I nous montrent que pour la
période concernée, le coût du capital a été en moyenne de 9.04% avant l’introduction
obligatoire des IFRS et de 6.34 % après cette date, ce qui correspond à une moyenne
globale de 8.11% durant la période de 2002 à 2007. Ainsi, durant cette période, la
variabilité ou l’écart type autour de cette moyenne est de 17.40% avant la période débutant
le 1er janvier 2005 et de 12.81% après cette période. Quant à elle, la médiane du coût du
capital a été de 2.47% avant l’introduction obligatoire des IFRS et de 1.26% après.
Dans son article portant sur un échantillon d’entreprises allemandes, Daske (2006) analyse
la variation du coût du capital des entreprises ayant utilisé les IFRS pendant la période de
1993 à 2002. Ainsi, la moyenne du coût du capital est de 11.44 % lorsqu’on utilise les
normes comptables allemandes, alors qu’elle est de 14.34% lorsqu’on utilise les IFRS et
14.99% lorsqu’on utilise les normes comptables américaines. De plus, la médiane du coût
en capital est de 9.12% pour les entreprises utilisant les normes comptables allemandes
alors qu’elle est respectivement de 12.46% pour les entreprises utilisant les IFRS et
13.43% pour celles utilisant les normes comptables américaines. Ces données ne semblent
pas confirmer la tendance générale de la littérature selon laquelle les IFRS sont de
meilleure qualité que la plupart des normes comptables locales. Toutefois, il faut noter que
l’étude ci-dessus a été menée sur la période de 1993 à 2002 au moment où l’adoption des
IFRS était volontaire, ce qui diffère du contexte obligatoire de notre étude.
Nous présentons, au tableau 5-IV du paragraphe 5.2.1 sur l’analyse des résultats de
l’hypothèse générale pour les préparateurs de l’information financière, le test statistique de
significativité de la différence de moyennes.
5.1.1.2 Statistiques relatives à la qualité du résultat comptable
Dans le cas des investisseurs, la moyenne de la qualité du résultat comptable est de 2
230.70 pour la période allant de 2002 à 2004, comparativement à 2 379.67 correspondant
à la période de 2005 à 2007. Parallèlement, l’écart type de la qualité du résultat comptable
a été de 51 313.17 pour la période de trois ans précédant le 31 décembre 2004 et de
146
52 943.89 pour la période de trois ans débutant le 1er janvier 2005 et se terminant le 31
décembre 2007. La médiane de la qualité du résultat comptable pour la période avant
l’adoption obligatoire est de 14.28 alors que celle de la période subséquente est de 40.55.
D’autres auteurs se sont intéressés à l’impact de l’adoption des IFRS sur la qualité des
données comptables. Ainsi, Karampinis et Hevas (2009) ont appliqué l’analyse de
l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS au contexte de l’économie grecque au niveau
des données suivantes de la période de 2003 à 2006 : les prix boursiers, les résultats et les
valeurs aux livres. Pour ce qui est du résultat net, la moyenne est de 0.229 durant la
période précédant l’adoption obligatoire des IFRS (de 2003 à 2004) alors qu’elle est de
0.304 durant la période subséquente (de 2005 à 2006). Bien que la mesure utilisée par cet
article ne soit pas la même que celle utilisée dans notre recherche,les résultats vont dans le
même sens.
Le test statistique de significativité de la différence de moyennes est présenté au tableau 5V de la section 5.2.2 sur l’analyse des résultats de l’hypothèse générale pour les
investisseurs.
5.1.1.3 Statistiques descriptives relatives à la cote de crédit
En ce qui concerne les créanciers, la moyenne de la cote de crédit a été calculée selon
chacune des cinq catégories. Ainsi, pour la première période précédant l’adoption
obligatoire des IFRS, la catégorie 3est la plus représentée soit 49.68% de l’ensemble des
catégories totales. Pour la deuxième période, c’est la même catégorie 3 qui est la plus
représentée, soit 46.07%. Sur toute la période, la catégorie 3 reste dominante avec 48.19%
de représentativité. Par ordre d’importance, que ça soit avant ou après la période
d’adoption obligatoire des IFRS, on remarque que les catégories 2 et 4 sont celles qui
viennent respectivement en deuxième et troisième positions. En effet, pour la catégorie 2,
le pourcentage combiné des deux périodes est de 39.19% alors que pour la catégorie 4, ce
pourcentage synthétique est de 9.32%.
La meilleure cote (catégorie 1) n’est pas accessible à un grand nombre d’entreprises
(moins de 2 %), que ce soit avant ou après l’adoption obligatoire des IFRS. Le même
147
constat se dégage pour la moins bonne cote, indépendamment de la période considérée
(moins de 2%).
Dans leur étude, Wu et Zhang (2009) analysent notamment l’impact de l’adoption des
IFRS sur les marchés de la dette en utilisant la cote de crédit comme variable dépendante.
Contrairement à notre étude pour laquelle il existe cinq catégories de la cote de crédit,
l’article de Wu et Zhang (2009) fait référence à six catégories. La troisième catégorie est
la plus représentée avec 36.13%, suivie de la troisième catégorie avec 24.58% et
finalement de la deuxième catégorie avec 18.35% durant la première période de 15 ans
précédant l’adoption obligatoire des IFRS. Au cours de la deuxième période suivant
l’adoption obligatoire des IFRS, soit de 2005 à 2007, la troisième catégorie de la cote de
crédit est la plus représentée avec 40.01%, suivie par la quatrième catégorie avec 22.22 %.
De même que pour la première période, c’est la deuxième catégorie de la cote de crédit
qui est la plus représentée en termes de fréquence.
Nous présentons au tableau 5-III les statistiques descriptives relatives à la cote de crédit.
Tableau 5-I Statistiques descriptives relatives à la variable dépendante
IFRS
Moyenne
N
Ecart
Minimum
Maximum
Médiane
type
Période pré-adoption des
COST_CAPITAL
9.04
104
17.40
0.05
36.14
2.47
6.34
55
12.81
0.08
32.98
1.26
IFRS
Période post-adoption des
IFRS
Total
QUALITY
8.11
159
15.97
0.05
36.14
1.86
Période pré-IFRS
2 230.70
8242
51 313.17
-5 305.77
13 123.26
14.28
Période post-IFRS
2 379.67
5144
52943.89
-5 864.49
14 110.92
40.55
Total
2 236.81
13386
51 361.31
-5 305.77
13123.26
14.12
Nous rappelons que les variables ci-dessus sont définies comme suit :
COST_CAPITAL
Coût du capital tel que mesuré par la méthode du prix cible
QUALITY
Qualité du résultat défini comme le coefficient de réponse
des résultats futurs tel qu’utilisé par Tucker et Zarowin
(2006)
148
5.1.2 Statistiques descriptives relatives aux variables indépendantes et de contrôle non
binaires
Nous présentons dans le tableau 5-II les statistiques descriptives sur les variables
indépendantes et de contrôle au niveau de l’ensemble de notre échantillon pour la période
de 2002 à 2007, en prenant soin de séparer la période avant et celle après l’adoption
obligatoire des IFRS.
5.1.2.1 Statistiques descriptives de la capitalisation boursière
La variable CAPITALIZATION est mesurée par la valeur boursière de chaque entreprise.
Pour la première période de 2002 à 2004, la moyenne de la capitalisation boursière est de
2 005 055 $ alors qu’elle est de 3 246 911 $ pour la deuxième période de 2005 à 2007.
L’écart type de cette variable quant à lui est de 10.2 millions de dollars pour la première
période et de 13.7 millions de dollars pour la deuxième période. Avant l’adoption
obligatoire des IFRS, la médiane de la capitalisation boursière était de 118 762 $ alors
qu’elle était de 248 709 $ après cette période.
5.1.2.2 Statistiques descriptives sur la corruption
La variable de contrôle CORRUPTION traduit le niveau de corruption du pays dans lequel
est située chaque entreprise. Ainsi, pour la période de 2002 à 2004, la moyenne de cette
variable est de 7.93 (sur un maximum de 10 pour le pays le moins corrompu) avant
l’adoption obligatoire des IFRS par rapport à 8.02 durant la deuxième période de l’étude,
soit de 2005 à 2007. L’écart type de la variable de contrôle corruption est de 1.26 pour la
période de 2002 à 2004 contre 1.14 pour la période de 2005 à 2007. Avant et après
l’adoption obligatoire des IFRS, la médiane a été de 8.6, ce qui montre qu’aucun
changement du niveau de corruption n’est à signaler.
Dans l’article de La Porta et al. (1998), la moyenne générale de tous les pays de
l’échantillon est de 8.05, indépendamment de leur appartenance à l’un ou l’autre système
légal. Cette moyenne se compare à celle de nos résultats qui est de 7.97.
149
5.1.2.3 Statistiques descriptives de la dépendance financière
Pour chacune des deux périodes concernées, nous présentons la moyenne de la
dépendance financière qui est respectivement de 6.38 % durant la période avant l’adoption
obligatoire des IFRS et -1.30 % durant la période subséquente. Nous rappelons que la
dépendance financière traduit le rapport entre le montant de l’acquisition des
immobilisations dont l’entreprise a besoin et l’excédent entre leur valeur et les flux de
liquidité en provenance de l’exploitation. L’écart type de la dépendance financière est de
433.28 % et 81.04 % respectivement. Enfin, la médiane de la dépendance financière est de
-0.65 % avant et -0.63 % après la date d’adoption obligatoire des IFRS. À ce stade de
notre analyse, nous ne pouvons parler d’une corrélation éventuelle entre la dépendance
financière et l’adoption obligatoire des IFRS. D’ailleurs, d’autres études comme celles de
Naranjo et al. (2012) rapportent des statistiques descriptives dans un sens opposé au nôtre.
En effet, ces auteurs ont analysé l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS sur les
décisions de financement et constatent que le financement externe moyen est de 28.01%
durant la période précédant l’adoption des IFRS alors qu’il est de 33.09% durant la
période subséquente. On note ainsi une augmentation de 5.08% d’une période à l’autre.
Tableau 5-II Statistiques descriptives relatives aux variables indépendantes et de
contrôle
Période
Moyenne
N
Ecart
Minimum
Maximum
Médiane
type
CAPITALIZATION
2005055
8146
1.02e+07
6860
7748405
118762
3246991
4775
1.37e+07
11116
1.32e+07
248709
2464017
12921
1.17e+07
7989
9517336
156151
7.93
9 16
1.26
5.2
9.3
8.6
8.02
5 53
1.14
5.0
9.2
8.6
Période totale
7.97
14692
1.21
5.2
9.3
8.6
Période pré- IFRS
6.38
5 03
433.28
-11.42
13.00
-0.65
Période post- IFRS
-1.30
2 82
81.04
-12.12
12.16
-0.63
3.62
785
350.28
-11.77
12.65
-0.64
Période préadoption des IFRS
Période postadoption des IFRS
Période totale
CORRUPTION
Période préadoption des IFRS
Période postadoption des IFRS
FIN_DEPEND
Période totale
150
Les variables ci-dessus sont définies comme suit :
CAPITALIZATION Capitalisation boursière de l’entreprise
CORRUPTION
Indice de corruption dans un pays selon Transparency
International
FIN_DEPEND
Dépendance au financement externe tel que mesurée par Rajan et
Zingales (1998).
5.1.3 Statistiques descriptives relatives aux variables binaires et catégorielle
Notre modèle principal ainsi que chacun des trois modèles spécifiques utilisent certaines
variables binaires et une variable catégorielle dont les statistiques descriptives sont
données au tableau 5-III. Pour ces variables, nous ne pouvons calculer ni la moyenne ni
l’écart type, ni la médiane. D’emblée, nous remarquons que les entreprises dont les
données sont disponibles sont plus nombreuses durant la période précédant l’adoption
obligatoire des IFRS (environ 60%) par rapport à la période subséquente.
L’asymétrie d’information mesurée par le Q de Tobin nous indique quant à elle que la
majorité des entreprises, soit 74.81% durant la première période et 88.22% durant la
deuxième, a une grande dépendance au financement externe, puisque le proxy utilisé est
supérieur à 1. Bien que ces statistiques traduisent une bonne nouvelle en ce qui concerne
la capacité de financement des actifs des entreprises, elles indiquent aussi que dans
l’ensemble, la majorité de ces dernières présentent une grande asymétrie d’information.
Pour ce qui est de la structure de propriété, les entreprises de type familial sont
minoritaires avec un pourcentage oscillant autour de 11% dans chacune des deux périodes
d’étude. De plus, au sein des entreprises de type familial, nous remarquons que dans la
grande majorité des cas, soit environ 89% dans chacune des deux périodes, les entreprises
sont caractérisées par une absence de séparation entre les droits de vote et les droits de
propriété.
L’analyse des statistiques descriptives nous montre également que les entreprises dont le
régime légal est le code civil sont les plus représentées dans l’échantillon pour une
moyenne d’environ 94% dans les deux cas. Nous remarquons également une certaine
constance dans les deux périodes au niveau de la séparation entre la comptabilité et la
151
fiscalité. En effet, 55% des entreprises de notre échantillon sont domiciliées dans des pays
présentant une absence de rapprochement entre le système comptable et le système fiscal.
Enfin, les statistiques descriptives nous suggèrent que très peu d’entreprises sont cotées
sur des bourses américaines puisqu’elles représentent moins de 1% de l’échantillon.
Le tableau 5-III présente un certain nombre de données descriptives des variables de
contrôle sur les deux périodes de notre étude, soit de 2002 à 2004 et de 2005 à 2007.
Tableau 5-III Statistiques descriptives relatives aux variables binaires et catégorielles
RATING
ASYM
FAMILY
IFRS
PROTECTION
SEPARATION
TAXATION
US_COTATION
Fréquence
Fréquence
Fréquence
Pourcentage
Pourcentage
Pourcentage
avant IFRS
post- IFRS
combinée
avant IFRS
post- IFRS
combiné
1
80
86
166
1.29
1.97
1.57
2
2 326
1 821
4 147
37.47
41.63
39.19
3
3 084
2 015
5 099
49.68
46.07
48.19
4
598
389
987
9.64
8.89
9.32
5
120
63
183
1.92
1.44
1.73
0
858
253
1 111
25.19
11.18
19.60
1
2 548
2 009
4 557
74.81
88.82
80.40
0
5 023
3 305
8 328
80.50
80.53
80.51
1
1 217
799
2 016
19.50
19.47
19.49
0
3406
0
3406
60.09
0
60.09
1
0
2261
2261
0
39.91
39.91
0
8 573
5 180
13 753
93.58
93.65
93.61
1
588
351
939
6.42
6.35
6.39
0
3 020
2 008
5 028
88.67
88.77
88.71
1
386
254
640
11.33
11.23
11.29
0
4 083
2 485
6 568
44.57
44.93
44.70
1
5 078
3 046
8 124
55.43
55.07
55.30
0
9 120
5 506
14626
99.55
99.55
99.55
1
41
25
66
0.45
0.45
0.45
Les variables binaires ou catégorielle ci-dessus sont expliquées comme suit :
RATING
Cote de crédit de l’entreprise
ASYM
Asymétrie d’information
FAMILY
Structure de l’actionnariat de type familial
152
IFRS
Variable indiquant l’adoption obligatoire des IFRS
PROTECTION
Protection légale du pays de l’entreprise considérée
SEPARATION
Identification de la présence de la séparation des droits de vote
et des droits de propriété dans les entreprises familiales
TAXATION
Rapprochement entre la fiscalité et la comptabilité
US_COTATION Cotation d’une entreprise sur une bourse américaine
5.2 Analyse des résultats des tests de l’hypothèse générale
Dans cette section, nous testons si les moyennes de la variable dépendante de chacun des
trois modèles (coût du capital, qualité du résultat comptable et cote de crédit) sont
statistiquement identiques pour les périodes avant et après adoption obligatoire des IFRS.
Pour comparer les moyennes des variables dépendantes dans les deux groupes, nous
utilisons le test de Student dans les deux premiers modèles et le test de Mann-Whitney
dans le cas du 3ème modèle.
5.2.1 Résultats du test de l’hypothèse générale pour les préparateurs de l’information
financière
Le tableau 5-IV montre une baisse de la moyenne du coût du capital après l’adoption des
IFRS, passant ainsi de 9.04% à 6.34%. Nous effectuons un test de comparaison de
moyennes (t de Student) pour savoir si cette différence est statistiquement significative.
Cette différence de 2.70% est associée à une p-value de 0.081, plus petite que 0.10. Nous
rejetons alors l’hypothèse nulle et concluons que l’adoption obligatoire des IFRS a un
impact statistiquement significatif sur le coût du capital.
Notre prédiction sur la première hypothèse en ce qui concerne les préparateurs de
l’information financière n’est pas validée par les résultats empiriques. Ainsi, l’adoption
obligatoire des IFRS a pour conséquence la baisse du coût du capital d’une période à
l’autre. Dans une étude récente, Li (2010) s’est posé la question de savoir si l’adoption des
IFRS par les entreprises européennes a fait baisser leur coût des capitaux propres (cost of
equity capital). Sur la base d’un échantillon de 1 084 entreprises européennes pour la
période de 1995 à 2006, la recherche conclut qu’on observe en moyenne une diminution
statistiquement significative du coût en capitaux propres de 47 points de base. Nos
153
résultats vont dans le même sens, tout en concluant à une différence plus accentuée (270
points de base) que celle constatée par Li (2010).
Par rapport à la littérature comptable sur le sujet, nous nous rangeons du côté des auteurs
qui suggèrent que l’adoption obligatoire des IFRS entraîne une diminution du coût du
capital.
Tableau 5-IV Significativité de la variation du coût du capital avant et après l’adoption
obligatoire des IFRS par le test de Student (1er modèle empirique)
Groupe
N Moyenne Erreur
Standard
Période pré-adoption 190
des IFRS
Période post91
adoption des IFRS
Combiné 281
Différence
Écart
type
Intervalle de
confiance (95%)
9.04
1.22
17.40
4.82
13.63
6.34
1.08
12.80
2.39
10.21
8.11
2.70
0.90
1.91
15.97
4.58
-1.08
11.64
6.48
t = 1.405
Nombre de degrés de liberté =279
Pr(T>t)=0.081
5.2.2 Résultats de l’hypothèse générale pour les investisseurs
Pour la variable QUALITY, dont les résultats sont présentés au tableau 5-V, nous
constatons une augmentation du coefficient de réponse des résultats futurs, passant de 2
230.70 à 2 379.67. Cependant, en procédant par le test de Student, nous constatons que la
p-value est de 0.564. Cette probabilité étant supérieure à 0.05, nous concluons que
l’adoption des IFRS n’a pas d’impact statistiquement significatif au seuil de 5% sur les
avantages des investisseurs.
Nous avions indiqué dans nos prévisions sur l’hypothèse générale qu’aucune variation
statistiquement significative n’était à prévoir. Dans le cas des investisseurs, nous
prédictions sont validées. Nos résultats ne vont pas dans le même sens que ceux de
Brüggemann et al. (2011) qui ont analysé la réaction des investisseurs individuels après
l’adoption obligatoire des IFRS. En se basant sur un échantillon de 4 869 entreprises
cotées sur la bourse allemande de Frankfort, les auteurs concluent que l’adoption
obligatoire des IFRS renforce l’investissement étranger, non seulement pour les
154
investisseurs professionnels comme suggéré par la littérature antérieure, mais aussi pour
les investisseurs individuels.
A ce jour, nous ne connaissons aucune recherche ayant testé l’amélioration des avantages
économiques des investisseurs en utilisant la qualité des bénéfices comme proxy.
Tableau 5-V Significativité de la variation de la qualité de résultat comptable avant et
après l’adoption obligatoire des IFRS par le test de Student (2ème modèle
empirique).
Groupe
Période préadoption des IFRS
Période postadoption des IFRS
Combiné
Différence
N Moyenne
8242
2 230.70
5144
2 379.67
13386
2 287.94
-148.97
Erreur
standard
565.21
Écart Intervalle de confiance
type à 95%
51
1122.74 3 338.66
313.17
738.19
52
932.51 3 826.82
943.89
448.96
51
1 407.91 3 167.97
943.96
923.02
-1 958.21 1 660.27
t= -0.161
Nombre de degrés de liberté = 13384
Pr(T>t)= 0.564
5.2.3 Résultats du de l’hypothèse générale pour les créanciers
Pour la variable cote de crédit (RATING), nous notons que dans les catégories 1 et 2, il
existe une amélioration de la cote de crédit lorsqu’on compare la première période
précédant l’adoption obligatoire à celle subséquente. De plus, le tableau 5-VI nous indique
que la variation de la cote de crédit est associée à une p-value de 0.000, qui est plus petite
que 0.05. En recourant au test de Mann-Whitney42, nous concluons que le passage
obligatoire aux normes internationales d’information financière a un impact favorable sur
les avantages des créanciers, si on utilise la cote de crédit comme mesure.
42
Ce test non paramétrique est utilisé pour comparer deux échantillons indépendants de petite
taille. Il utilise l’ordre dans lequel apparaissent les observations des deux échantillons réunis
(les rangs). Il teste l’hypothèse nulle selon laquelle les échantillons à comparer sont
identiquement positionnés.
155
Nos résultats vont dans le même sens que ceux de Wu et Zhang (2009) mais seulement
dans le contexte de l’adoption volontaire des IFRS.
Tableau 5-VI Test de significativité de la variation de la cote de crédit avant et après l’
adoption obligatoire des IFRS par le Test de Mann-Whitney
(3èmemodèle)
Groupe
Période pré-adoption des
IFRS
Période post-adoption des
IFRS
Combiné
Variance non ajustée
Variance ajustée
z
Prob> z
N Somme des
rangs
Somme
attendue
6208
33829413
32849632
4374
22165241
23145021
10582
55994653
55994653
2.4 e+10
-1.4
e+09
6.524
0.000
En conclusion, l’analyse de l’évolution de la variable dépendante pour chacun des 3
modèles spécifiques nous permet de dire que les moyennes sont statistiquement différentes
pour les variables du coût du capital et de la cote de crédit. Par contre pour la qualité des
bénéfices, nous notons qu’il n’y a aucune différence statistiquement significative.
Selon nos résultats, parmi les trois parties prenantes au processus de communication
financière, nous constatons que les préparateurs de l’information financière et les
créanciers tirent avantage de l’adoption obligatoire des IFRS, pour la période de 2002 à
2007 puisque les données comparatives dégagent des différences statistiquement
comparatives.
156
5.3 Analyse multivariée des résultats des tests des hypothèses
La troisième étape de notre démarche consiste en une analyse multivariée en vue de
déceler des corrélations éventuelles entre la variable dépendante et les variables
indépendantes, et ce pour chacun des trois modèles.
5.3.1 Analyse de la significativité globale des trois modèles empiriques
Les préparateurs de l’information financière font généralement face à un certain nombre
de coûts de préparation de ladite information. En revanche, la qualité de cette dernière est
perçue comme pouvant influencer le coût d’emprunt des entreprises. Nous testons cette
présomption dans le cas de l’adoption obligatoire des IFRS.
5.3.1.1 Analyse de la significativité globale du premier modèle pour les préparateurs de
l’information financière
Le modèle obtenu après correction des valeurs extrêmes explique 35.0% des variations du
coût du capital (R2 ajusté). Ce pouvoir explicatif est statistiquement significatif au seuil de
1%. L’analyse globale du coût du capital en tant que variable dépendante dans notre étude
est faite avec le test de Fisher. Pour effectuer ce test, nous comparons en fait deux
variances, soit le carré moyen dû à la régression et le carré moyen résiduel, ce qui nous
donne un F de Fisher de 4.45. Dans nos résultats exprimés dans le tableau 5-VII, nous
avons trouvé que la variation du F de Fisher est très significative avec un p-value très petit
de 0.000. Nous pouvons donc affirmer que le degré de conviction est plus faible que le
risque choisi (0.05) de rejeter à tort l’hypothèse nulle selon laquelle tous les coefficients
β1, β2, β3, etc sont nuls. Ceci signifie donc qu’au moins un des coefficients β est non nul.
157
Tableau 5-VII Significativité globale du 1er modèle spécifique pour les préparateurs de
l’information financière
ANOVA
Modèle
Somme
Récapitulatif du modèle
ddl
des carrés
R2-
Erreur
ajusté
standard
244.11 4.45 0.000 0.452 0.350
7.41
Moyenne
R2
Sig.
des carrés
Régression
5858.72
Résidu
7081.95 129
54.90
12940.66 153
84.58
Total
F
24
5.3.1.2 Analyse de la significativité globale du deuxième modèle pour les investisseurs
Le deuxième modèle pour capter les avantages économiques de l’adoption obligatoire des
IFRS par les investisseurs met en relation la qualité des résultats comptables et les quatre
variables indépendantes d’intérêt. Nous analysons dans ce paragraphe la significativité
globale du deuxième modèle empirique. Après correction des données pour les valeurs
extrêmes, le modèle présenté au tableau 5-VIII est statistiquement significatif au seuil de
5% (p-value de 0.000). De plus, il explique 9.0% des variations de la qualité des résultats
comptables.
Tableau 5-VIII Significativité globale du 2ème modèle spécifique pour les investisseurs
ANOVA
Modèle
Somme des
ddl
carrés
Régression
Résidu
Total
Récapitulatif du modèle
Moyenne des
F
Sig.
R2
carrés
e
26
1.7362 +10
e
5641
76487539.8
e
5667
84102 048.0
4.5140 +10
4.3147 +11
4.7661 +11
e
22.70
0.000
0.095
R2-
Erreur
ajusté
standard
0.090
8745.7
158
5.3.1.3 Analyse de la significativité globale du troisième modèle pour les créanciers
Dans son ensemble, la régression présentée au tableau 5-IX est statistiquement
significative. La quantité mathématique F de Fisher est de 23.92 et correspond à une pvalue de 0.000.Le pouvoir explicatif du modèle est de 11% (R2 ajusté).
Tableau 5-IX Significativité globale du 3ème modèle spécifique pour les créanciers
ANOVA
Modèle
Somme
ddl
des carrés
Régression
Récapitulatif du modèle
Moyenne
F
Sig.
R2
des carrés
8 133.68
26
312.83
Résidu
59 833.09
4 575
13.08
Total
67 966.79
4 601
14.77
23.92
0.000
0.119
R2-
Erreur
ajusté
standard
0.11
3.616
5.3.2 Analyse des résultats de l’hypothèse de l’asymétrie informationnelle (2ème
hypothèse)
Le test statistique de notre deuxième hypothèse n’a pas réussi à capter une corrélation
éventuelle entre le coût du capital et l’adoption obligatoire des IFRS dans le cas des
entreprises ayant une forte asymétrie informationnelle (p-value de 0.482). Dans nos
prédictions, le signe du coefficient attendu de l’interaction IFRS*ASYM devait être
négatif et significatif. Nos résultats ne vont pas dans ce sens. Cet écart de comportement
de la variable d’interaction pourrait être expliqué par le fait que l’horizon de trois ans
(2005 à 2007) serait trop faible pour capter l’impact de l’adoption obligatoire des IFRS
pour les entreprises ayant une grande asymétrie d’information.
Dans le cas des investisseurs, les résultats ne supportent pas non plus notre deuxième
hypothèse quant à la corrélation entre la qualité du résultat comptable et l’adoption
obligatoire des IFRS dans les entreprises ayant une grande asymétrie informationnelle (pvalue de 0.441).Contrairement aux préparateurs et aux investisseurs, les résultats des tests
supportent notre deuxième hypothèse quant à la corrélation entre la cote de crédit des
entreprises et l’adoption obligatoire des IFRS dans les entreprises ayant une grande
asymétrie informationnelle (p-value de 0.033).
159
Dans la littérature comptable, certains auteurs sont d’avis que l’adoption des IFRS à elle
seule ne diminue pas l’asymétrie d’information des entreprises. Par exemple, Dumontier et
Baalbaki (2012) suggèrent que même si en Europe l’adoption obligatoire des IFRS a
entraîné une diminution de l’asymétrie d’information, elle s’est faite en même temps que
l’adoption de la directive sur la transparence des marchés (Market Abuse Directive). Ainsi,
les résultats de cette étude suggèrent que la réduction de l’asymétrie d’information
attribuée à l’adoption des IFRS est en réalité largement influencée par l’adoption de la
directive européenne précitée.
Nos résultats au niveau de la deuxième hypothèse sont mitigés et vont dans le même sens
que l’article ci-dessus. De plus, notre étude laisse même penser que dans le cas des
créanciers, l’adoption obligatoire des IFRS ne diminue pas du tout l’asymétrie
d’information puisque le coefficient de la variable IFRS*ASYM est négatif.
5.3.3 Analyse des résultats de l’hypothèse de la dépendance financière (3ème hypothèse)
Dans le cas des préparateurs de l’information financière, les résultats ne supportent pas la
troisième hypothèse selon laquelle il existerait une corrélation entre l’adoption obligatoire
des IFRS et le coût du capital pour les entreprises ayant une grande dépendance financière
(p-value de 0.993). Ces résultats ne vont pas dans le même sens que nos prédictions
puisque le signe négatif du coefficient d’interaction ASYM*FIN_DEPEND est contraire à
celui qui était attendu.
Dans le deuxième modèle spécifique aux investisseurs, les résultats ne supportent pas
notre troisième hypothèse quant à la corrélation entre la qualité du résultat comptable et
l’adoption obligatoire des IFRS dans les entreprises ayant une grande dépendance
financière (p-value de 0.970). Comme pour les préparateurs de l’information financière, le
comportement attendu de l’interaction IFRS*FIN_DEPEND ne s’est pas produit dans le
cas des investisseurs.
Enfin, dans le troisième modèle spécifique aux créanciers, les résultats supportent notre
troisième hypothèse quant à la corrélation entre le proxy de l’avantage des créanciers, la
cote de crédit, et l’adoption obligatoire des IFRS dans les entreprises ayant une grande
160
dépendance financière (p-value de 0.000). En effet, le coefficient positif de l’interaction
IFRS*FIN_DEPEND dans le sens des créanciers est bien conforme à nos attentes.
Les entreprises ayant une grande dépendance financière telles qu’identifiées par Rajan et
Zingales (1998) sont notamment celles de la haute technologie. En analysant
exclusivement ce genre d’entreprises domiciliées en Allemagne, Lin (2012) constate que
lorsqu’elles passent des normes comptables américaines aux IFRS, la qualité de
l’information financière ainsi produite diminue. L’adoption obligatoire des IFRS serait
donc loin d’apporter une amélioration de l’information lorsqu’elle est mesurée notamment
par la gestion des résultats. Ainsi, cette conclusion se rapproche de la nôtre en ce qui
concerne les préparateurs de l’information financière et les investisseurs. Elle s’en éloigne
toutefois lorsque nous considérons le cas des créanciers puisque dans notre recherche nous
avons décelé une corrélation entre la cote de crédit et l’adoption obligatoire des IFRS par
les entreprises ayant une grande dépendance financière.
5.3.4 Analyse des résultats de l’hypothèse de la structure de propriété de type familial
(4ème hypothèse)
Lorsque nous analysons l’effet conjoint de la structure de propriété et l’adoption des IFRS,
nous ne décelons aucune relation avec le coût du capital (p-value de 0.947). Comme pour
notre premier modèle, les résultats du deuxième modèle spécifique aux investisseurs
suggèrent qu’il existe une corrélation entre la qualité du résultat comptable et l’interaction
entre l’adoption obligatoire des IFRS et la structure de propriété (p-value de 0.895). Le
troisième modèle spécifique aux créanciers ne fait pas exception quant à la quatrième
hypothèse de notre recherche qui n’est pas non plus supportée (p-value de 0.508). Ainsi,
dans le cas des créanciers, il n’existe aucune corrélation entre la cote de crédit et
l’adoption obligatoire des IFRS dans les entreprises avec un actionnariat familial
dominant. Aucun résultat obtenu ne va dans le sens de la prédiction relative au coefficient
de l’interaction IFRS*FAMILY.
Ben Ali et al. (2008) ont analysé le lien entre la qualité de divulgation de l’information et
la structure de propriété en se basant sur un échantillon d’entreprises françaises. Les
auteurs concluent que dans les entreprises familiales, la divulgation de l’information est de
faible qualité. Toutefois, aucun indice ne permet de déduire que l’amélioration de la
qualité de l’information notamment par l’adoption des normes comptables comme les
IFRS aurait un impact positif ou négatif sur les différentes parties prenantes au processus
161
de communication financière. En ce qui nous concerne, aucun des trois modèles
empiriques n’a permis de conclure à un quelconque avantage économique de l’adoption
obligatoire des IFRS pour les entreprises de type familial.
Nous concluons que nos trois modèles empiriques ont échoué à capter un quelconque
impact économique de l’adoption obligatoire des IFRS dans les entreprises dont la
structure de l’actionnariat est de type familial.
5.3.5 Analyse des corrélations entre la variable dépendante et les variables d’intérêt
Pour clore la section sur les résultats des tests d’hypothèses, nous analysons dans les
paragraphes qui suivent le sens des corrélations entre la variable dépendante de chaque
modèle et chacune des quatre variables d’intérêt qui sont l’adoption obligatoire des IFRS,
la présence de l’asymétrie d’information, la dépendance financière et la structure de
propriété de type familial.
5.3.5.1 Adoption obligatoire des normes internationales d’information financière
Dans aucun des trois modèles empiriques, il n’existe de relation statistiquement
significative entre la variable dépendante et l’adoption obligatoire des normes
internationales d’information financière. Notre analyse antérieure au sous-paragraphe
4.2.3.1 partait du fait que selon un courant de recherche, soutenu notamment par
Ashbaugh et Pincus (2001) et Leuz (2003), l’adoption obligatoire des IFRS améliorerait la
qualité de la communication financière puisque ces normes comptables sont généralement
perçues comme étant de haute qualité. À la lecture de nos résultats cependant, c’est le
deuxième courant de recherche, soutenu par Ball et al. (2003) qui est appuyé puisque selon
ce dernier, il faut toujours prendre en considération les facteurs institutionnels de chaque
pays pour détecter l’influence éventuelle des normes comptables sur la communication
financière. À défaut d’avoir fait une prédiction quant au sens de la relation entre la
variable dépendante de chaque modèle et l’adoption obligatoire des IFRS, nos résultats se
rangent définitivement dans ce dernier courant.
162
5.3.5.2 Niveau d’asymétrie d’information
Dans le cadre du premier modèle empirique pour les préparateurs de l’information
financière, l’asymétrie informationnelle est un facteur explicatif du coût du capital en tant
que variable dépendante du premier modèle spécifique (p-value de 0.010) et le sens du
coefficient de corrélation est négatif. De même, dans le cas des créanciers, il existe une
corrélation négative (p-value de 0.000) entre la cote de crédit et l’asymétrie
informationnelle. Ce résultat est très cohérent avec celui présenté au paragraphe 5.3.3
lorsqu’on tient compte, dans le cas des créanciers, de l’interaction de l’adoption
obligatoire des IFRS et la présence de l’asymétrie informationnelle dans les entreprises.
Cependant, les résultats du test de notre deuxième modèle, présentés au tableau 5.10
suggèrent que la qualité du résultat comptable n’est pas corrélée à l’asymétrie
informationnelle (p-value de 0.269).
Par rapport à nos prédictions, elles sont supportées dans le cas du troisième modèle pour
les créanciers seulement, avec un coefficient de corrélation de signe négatif entre la cote
de crédit et le niveau d’asymétrie d’information. La conclusion de Chen et al. (2010) selon
laquelle lorsque les entreprises utilisent les IFRS dans la préparation de leurs états
financiers recourent peu à la gestion des résultats est donc supportée dans le cas des
créanciers. Les résultats ne vont cependant pas dans le même sens dans le cas des
investisseurs puisque le coefficient de corrélation trouvé n’est pas statistiquement
significatif. Pour ce qui est des préparateurs, le fait que le sens de la corrélation soit
contraire à celui prédit mais qu’il soit significatif pourrait s’expliquer par le fait que d’une
façon ou d’une autre, le fait d’utiliser les IFRS a été pris en compte par les investisseurs
qui accordent les capitaux aux entreprises à de faibles coûts.
5.3.5.3 Importance de la dépendance financière
La dépendance financière définie comme étant la proportion des acquisitions d’actifs par
l’entreprise non financée par les liquidités en provenance de l’exploitation n’est pas un
facteur déterminant dans l’explication du faible coût du capital comme avantage
économique pour les préparateurs de l’information financière (p-value de 0.628). Il en est
de même dans le cas des investisseurs pour lesquels le niveau de dépendance financière
n’a aucun impact statistiquement significatif sur la qualité du résultat comptable (p-value
163
de 0.742). Pour les créanciers, le fait qu’une entreprise finance essentiellement de
l’extérieur ses activités d’investissement a beaucoup d’importance dans la détermination
des avantages des créanciers en termes d’amélioration de la cote de crédit pour les
entreprises (p-value de 0.000).
C’est donc avec le 3ème modèle empirique pour les créanciers que la corrélation est
positive et statistiquement significative. Nos prédictions formulées au sous-paragraphe
4.2.3.3 s’inspiraient notamment de l’article de Francis et al. (2005) pour suggérer que dans
le cas des créanciers par exemple, il y aurait une corrélation de signe négatif entre la cote
de crédit et la dépendance financière. Les résultats allant dans le sens opposé de nos
prédictions, il faudrait probablement, pour mieux saisir le phénomène, prendre en
considération le fait que l’endettement dont il est question génère ou non un effet de levier
positif.
5.3.5.4 Structure de propriété de type familial
Pour les préparateurs de l’information financière, la structure de propriété, dominée par les
individus ou les familles, n’a aucune influence statistiquement significative sur le niveau
du coût du capital (p-value de 0.547). Comme telle, la structure de propriété n’a pas non
plus d’influence sur les avantages économiques présumés dont les investisseurs sont
censés profiter. En effet, la corrélation entre la qualité des bénéfices et la structure de
propriété, bien que positive, n’est pas statistiquement significative (p-value de 0.974).
Prise isolément, la variable structure de l’actionnariat de type familial est corrélée à la cote
de crédit (p-value de 0.000).
Ainsi, parmi les trois parties intéressées au processus de la communication financière,
seuls les créanciers répondent favorablement à nos prédictions puisque le sens du
coefficient est négatif comme prévu. Ces résultats s’expliqueraient par le fait que d’une
part dans les entreprises de type familial, la qualité des bénéfices est faible (Zhao et
Millet-Reyes, 2007) et d’autre part les agences de notation se basent notamment sur le
contenu de l’information financière pour noter les entreprises. L’effet combiné des deux
éléments conduirait à une relation négative entre la présence d’une structure d’actionnariat
de type familial dans les entreprises et la cote de crédit.
164
Tableau 5-X Résultats des hypothèses de recherche pour les trois modèles empiriques
Modèle 1 pour les
Modèle 2 pour les investisseurs
Modèle 3 pour les créanciers
préparateurs de
l’information financière
2
R ajusté
0.35
0.09
0.11
Variable
Coût du capital
Qualité des bénéfices comptables
Cote de crédit
dépendante
Coefficient
t
p-value
beta
Coefficient
t
beta
pvalue
Coefficient
t
beta
pvalue
Constante
15.906
0.95
0.343
-302.111
-0.09
0.931
12.987
4.76
0.000
IFRS
-1.768
-0.68
0.496
-612.069
-1.28
0.202
0.229
1.01
0.313
ASYM
-2.513
-2.61
0.010
186.675
1.10
0.269
-0.540
-7.51
0.000
0.103
0.49
0.628
0.469
0.33
0.742
0.002
3.75
0.000
-1.415
-0.60
0.547
12.819
0.03
0.974
-0.978
-5.23
0.000
0.696
0.71
0.482
184.716
0.77
0.441
-0.243
-2.13
0.033
-0.002
-0.01
0.993
-0.252
-0.04
0.970
0.033
6.66
0.000
0.125
0.03
0.947
-80.372
-0.13
0.895
-0.188
-0.66
0.508
FIN_DEPEND
FAMILY
IFRS*ASYM
IFRS*FIN_DEPE
ND
IFRS*FAMILY
Les variables ci-dessus sont définies comme suit :
ASYM
Asymétrie informationnelle de l’entreprise
FAMILY
Structure de propriété de type familial
FIN_DEPEND
Dépendance financière de l’entreprise
IFRS
Adoption obligatoire des IFRS
IFRS*ASYM
Interaction entre l’adoption des IFRS et la présence de l’asymétrie
informationnelle
IFRS*FAMILY
Interaction entre l’adoption des IFRS et la structure de propriété
de type familial
IFRS*FIN_DEPEND Interaction entre l’adoption des IFRS et la présence de la
dépendance financière
165
5.4 Analyse de l’influence des variables de contrôle sur les résultats des tests
d’hypothèses
Notre analyse des résultats d’hypothèse serait incomplète si nous ne prenions pas en
considération l’influence des variables de contrôle telles que suggérées par la littérature
comptable. Ainsi, nous passons en revue les variables suivantes : la capitalisation
boursière, la corruption, la protection légale, la présence de la séparation des droits de vote
et des droits de propriété, le rapprochement de la comptabilité et de la fiscalité et la
cotation américaine des entreprises de l’échantillon. Notre analyse se base sur les résultats
du tableau 5-XI.
5.4.1 Analyse de la capitalisation boursière des entreprises
Dans le premier modèle empirique pour les préparateurs de l’information financière, la
taille des entreprises, telle que mesurée par la capitalisation boursière est corrélée
positivement au coût du capital et le coefficient est statistiquement significatif au seuil de
10% (p-value de 0.097). Notre prédiction suggérait un signe négatif entre le coût du
capital et la taille de l’entreprise, du fait que les entreprises de grande taille divulguent
beaucoup d’informations et que, dans un tel cas, la littérature suggérait une baisse du coût
du capital. Cependant, Botosan et Plumee (2002) sont d’avis qu’il faut tenir compte du
nombre d’analystes financiers suivant l’entreprise pour déceler une telle relation. En effet,
dans leur étude, ces auteurs ont constaté que le signe négatif entre le coût du capital et la
taille est décelé uniquement pour les entreprises suivies par un petit nombre d’analystes.
Dans notre recherche, nous n’avons pas contrôlé pour le nombre d’analystes financiers
suivant l’entreprise, ce qui expliquerait le signe positif du coefficient de corrélation entre
le coût du capital et la taille de l’entreprise.
En ce qui concerne les investisseurs, le coefficient de corrélation entre la qualité des
bénéfices et la capitalisation boursière est positif comme prévu mais n’est pas
statistiquement significatif.
Enfin, dans le modèle empirique pour les créanciers, nos résultats suggèrent un signe
négatif du coefficient de corrélation entre la cote de crédit et la capitalisation boursière
alors que nous avions prédit un signe positif. Même si Kosi et al. (2012) suggèrent que les
166
agences de notation attribuent leur cote sur base notamment du contenu de l’information
financière, il n’est pas évident que le seul fait d’être une grande entreprise garantisse de
bonnes nouvelles dans l’information financière fournie. D’autres facteurs non étudiés ici,
comme les résultats comptables, influencent probablement le signe du coefficient de
corrélation entre la taille de l’entreprise et la cote de crédit.
5.4.2 Analyse de l’impact de la corruption sur les résultats des tests d’hypothèse
Malgré la littérature antérieure (Ball, 2001) qui suggère que l’environnement économique,
politique et légal joue un rôle important dans la qualité de l’information produite par les
entreprises au-delà de la qualité des normes comptables, nos résultats ne suggèrent aucune
corrélation entre la variable dépendante de chaque modèle et la variable corruption. En
effet, nous avions prévu que le signe du coefficient entre le coût du capital serait négatif,
supposant que plus le score de l’index de corruption dans un pays est élevé (faible niveau
de corruption), plus le coût du capital des entreprises qui y sont domiciliées est faible. Il en
est de même pour les deux autres variables dépendantes (qualité des bénéfices et cote de
crédit). Or, s’il est vrai que la prédiction est validée dans les deux premiers modèles
empiriques, aucun coefficient de corrélation entre la variable dépendante et le niveau de
corruption n’est statistiquement significatif.
5.4.3 Analyse de l’impact de la protection légale sur les résultats des tests d’hypothèses
Dans notre premier modèle spécifique aux préparateurs de l’information financière, nous
remarquons que la protection légale est un facteur explicatif qui influence positivement le
coût du capital (p-value de 0.000). Pour les investisseurs, la variable de contrôle protection
légale qui distingue les pays de régime juridique common law de ceux du régime de code
civil aurait également une influence sur la qualité des bénéfices (p-value de 0.000).
Lorsqu’on considère le système de protection légale des pays dans lequel les entreprises
opèrent, nous constatons que ce facteur n’est pas du tout corrélé avec le proxy de
l’avantage des créanciers découlant de la transparence de l’information financière publiée
en IFRS (p-value de 0.584).
Si les conclusions de La Porta et al. (1998) peuvent contribuer à expliquer les résultats
dans le cas du deuxième modèle qui sont en accord avec nos prédictions, il n’en est pas de
167
même dans le cas des préparateurs de l’information financière dont les résultats sont
contraires à nos prédictions. En effet, pour les entreprises, le seul fait d’opérer dans les
pays ayant un régime juridique de type common law n’expliquerait pas la présence d’un
coût du capital élevé et cette situation ne trouverait donc pas de signification économique
même si la relation est statistiquement significative.
5.4.4 Analyse de l’influence de la présence de la séparation entre les droits de vote et les
droits de propriété sur les résultats des tests d’hypothèses
Les résultats relatifs à la relation entre la variable dépendante de chaque modèle et la
présence de la séparation entre les droits de vote et les droits de propriété suggèrent une
corrélation de signe positif dans le cas des investisseurs et une autre de signe négatif dans
le cas des créanciers. Quant aux préparateurs de l’information financière, aucune
corrélation statistiquement significative n’est à signaler.
La gestion des entreprises de type familial au sein desquelles la séparation entre les droits
de propriété et les droits de vote existe semblent profiter essentiellement aux actionnaires
ayant le contrôle de l’entreprise et aux dirigeants qui feraient tout ce qui est en leur
pouvoir pour s’enraciner dans des postes stratégiques. Puisque ces personnes ayant le
contrôle peuvent présenter l’information financière de l’entreprise à leur avantage, nos
prédictions des résultats exposées au sous-paragraphe 4.2.4.5 s’alignent sur la littérature
sur le sujet (Bebchuk et al., 2000 ; Holmén et Nivorozhkin, 2007 ; King et Santor, 2007) et
présument une relation négative. Ainsi, le sens du coefficient de corrélation est supposé
être négatif dans le cas des préparateurs de l’information financière d’une part et de sens
négatif dans le cas des investisseurs et des créanciers d’autre part. Les résultats vont dans
le sens des prédictions (p-value de 0.000) tant pour les investisseurs que pour les
créanciers. Nous notons en toutefois que dans le cas des préparateurs de l’information
financière, cette relation n’est pas significative (p-value de 0.414).
168
5.4.5 Analyse de l’influence du rapprochement entre la comptabilité et la fiscalité sur les
résultats des tests d’hypothèses
Selon les résultats du premier modèle spécifique aux préparateurs de l’information
financière, il n’existe aucun indice d’une corrélation entre le coût des capitaux propres et
le niveau de rapprochement entre les règles comptables et les règles fiscales (p-value de
0.875).
Cependant, pour les investisseurs, le fait qu’il y ait rapprochement entre les règles
comptables et les règles fiscales aurait un certain impact sur la qualité des bénéfices (pvalue de 0.014). Nous observons des résultats dans le même sens dans le cas des
créanciers puisqu’une corrélation négative et statistiquement significative entre la cote de
crédit et l’absence de rapprochement entre la comptabilité et la fiscalité (p-value de
0.000).
Par rapport à nos prédictions, nos résultats sont en accord seulement dans le cas des
investisseurs. Comme expliqué plus haut, l’article d’Ali et Hwang (2000) ne permet pas de
prédire le comportement de la variable TAXATION sur la cote de crédit dans le cas des
créanciers. Le sens négatif de la corrélation ainsi trouvé n’aurait pas à notre avis de
signification économique particulière dans le cas des créanciers.
5.4.6
Analyse de l’influence de la cotation américaine sur les résultats des tests
d’hypothèses
Pour les préparateurs de l’information financière, les résultats nous suggèrent qu’il y a une
corrélation dont le coefficient est de signe positif entre le coût du capital et le fait pour
une entreprise d’être cotée sur une bourse américaine (p-value de 0.025).Cependant, le fait
qu’une entreprise européenne soit cotée sur le marché boursier américain ne fait pas la
différence en ce qui concerne l’influence sur la qualité des bénéfices (p-value de 0.119) ou
sur la cote de crédit des entreprises (p-value est de 0.425).
Lorsque nous prédisions le comportement de la variable de la cotation américaine par
rapport à la variable de chaque modèle empirique, nous nous sommes basés sur les
conclusions d’Ashbaugh (2001) selon lesquelles les entreprises cotées sur plusieurs places
boursières adoptaient en grande partie et de façon volontaire les IFRS. Dans le contexte
169
d’adoption obligatoire des IFRS qui nous intéresse présentement, le fait d’être cotée outremer pour une entreprise européenne n’influencerait pas nécessairement le coût du capital.
Par contre, le fait qu’une entreprise cotée tant en Europe qu’aux États-Unis l’oblige à se
conformer à plusieurs règlementations comptables et boursières pourrait être corrélé à la
qualité des bénéfices. Cependant, nos résultats ne suggèrent pas une telle corrélation
puisque le p-value est de 0.119. Nos prédictions dans le cas la cotation sur une bourse
étrangère ne sont donc soutenues par les résultats. Les caractéristiques particulières à
chaque entreprise, que nous n’avons pas analysées dans ce projet, pourraient
éventuellement expliquer les résultats obtenus.
Tableau 5-XI Résultats des corrélations des variables de contrôle des trois modèles
empiriques
Modèle 1 pour les préparateurs de
Modèle 2 pour les
Modèle 3 pour les
l’information financière
investisseurs
créanciers
0.35
0.09
0.11
R2 ajusté
Variable dépendante
Coût du capital
Qualité des bénéfices
Cote de crédit
comptables
CAPITALIZATION
0.933
1.67
0.097
454.334
0.74
0.458
-0.225
-7.74
0.000
CORRUPTION
-1.269
-0.47
0.637
-355.907
-0.82
0.412
0.000
0.00
0.990
PROTECTION
11 010.15
10.03
0.000
20
4.61
0.000
-0.262
-0.55
0.584
SEPARATION
2.183
0.82
0.414
242.399
3.82
0.000
-0.783
-3.60
0.000
TAXATION
2.153
0.16
0.872
7
2.47
0.014
-1.476
-4.29
0.000
US_COTATION
4 026.81
2.24
0.025
1.56
0.119
0.678
0.80
0.425
COUNTRY43
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
INDUSTRY
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
Incl.
847.35
006.926
2
822.516
Nous rappelons que les variables ci-dessus sont définies comme suit :
CAPITALIZATION Capitalisation boursière de l’entreprise
CORRUPTION
43
Niveau de corruption dans un pays donné
Nous avons calculé les coefficients de corrélation de ces variables (non publiés) afin de contrôler
pour ces effets fixes qui sont les pays et les secteurs économiques.
170
COUNTRY
Pays d’origine de l’entreprise
INDUSTRY
Secteur industriel de l’entreprise
PROTECTION
Protection légale du pays de l’entreprise considérée
SEPARATION
Présence ou non de la séparation entre droits de propriété et droits
de contrôle dans les entreprises familiales
TAXATION
Rapprochement entre la fiscalité et la comptabilité dans un pays
donné
US_COTATION
Cotation d’une entreprise sur une bourse américaine
171
5.5 Synthèse des résultats
Nous avons montré dans ce chapitre que la significativité des avantages économiques des
parties prenantes au processus de communication financière varie. En ce qui concerne
l’hypothèse générale, les préparateurs de l’information financière ont profité d’une baisse
du coût du capital (p-value de 0.081) si l’on compare les données avant et celles après
l’adoption obligatoire des IFRS. Il en est de même des créanciers pour lesquels nous
constatons une amélioration de la cote de crédit d’une période à une autre (p-value de
0.000). Par contre, les investisseurs ne semblent pas trouver leur compte dans le passage
obligatoire aux IFRS (p-value de 0.564).
En poursuivant notre analyse par les tests multivariés, nous constatons que la deuxième
hypothèse relative à l’asymétrie d’information n’est vérifiée que par le troisième modèle
empirique spécifique aux créanciers. Il en est de même pour la troisième hypothèse
relative à la dépendance financière. Par contre, dans aucun des trois modèles empiriques,
les résultats ne supportent la quatrième hypothèse de recherche relative à la structure de
propriété de type familial.
Dans l’ensemble, l’inclusion des créanciers par l’IASB en septembre 2010 dans la
catégorie des principaux utilisateurs de l’information financière trouve ici une justification
empirique.
Le tableau 5-XII donne une vue d’ensemble des résultats de notre recherche.
172
Tableau 5-XII Synthèse des résultats des quatre hypothèses de recherche
Hypothèses de
Variable
Avantages
Avantages
Avantages
recherche
indépendante
économiques
économiques
économiques
des entreprises
des
des créanciers
investisseurs
Coût du capital
Qualité des
Cote de crédit
bénéfices
Hypothèse
IFRS
Hypothèse
Hypothèse non
Hypothèse
vérifiée
vérifiée
vérifiée
Hypothèse non
Hypothèse non
Hypothèse
vérifiée
vérifiée
vérifiée
IFRS*
FIN_DEPEND
Hypothèse non
Hypothèse non
Hypothèse
vérifiée
vérifiée
vérifiée
Hypothèse de la
IFRS*
Hypothèse non
Hypothèse non
Hypothèse non
structure de
FAMILY
vérifiée
vérifiée
vérifiée
générale
Hypothèse de
IFRS* ASYM
l’asymétrie
d’information
Hypothèse de la
dépendance
financière
propriété de type
familial
173
5.6 Analyse de sensibilité
Afin de valider la robustesse des résultats obtenus, nous effectuons quelques analyses de
sensibilité. Ainsi, nous effectuons, pour chacun de nos trois modèles empiriques, des tests
d’hypothèses après avoir proposé des mesures alternatives.
5.6.1 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 1er modèle
Pour mesurer le coût du capital des préparateurs de l’information financière, nous avons
choisi d’utiliser comme deuxième alternative la mesure développée par Easton et
Monahan (2005). Cette mesure est, selon Botosan et al. (2011) la deuxième meilleure
mesure proposée par la littérature à ce sujet. La formule est donnée comme suit :
r=
(EPS2 - EPS1)/P0
-
EPS1 et EPS2 sont respectivement le bénéfice par action des années 1 et 2 et P0 le prix
boursier ou consensus de la prévision des analystes de l’année 0.
La méthode du ratio de croissance (Easton,2004) suppose que le marché s’attend à une
croissance nulle des dividendes au-delà de la période de prévision. Le modèle suppose
aussi que les dividendes en t+1 sont nuls.
Lorsque nous remplaçons la première mesure du coût du capital par cette dernière, nos
résultats (non publiés) suggèrent une corrélation entre le coût du capital et l’adoption
obligatoire des IFRS. Toutefois, cette mesure ne parvient pas à capter une corrélation
éventuelle avec les autres variables indépendantes du modèle. Cela pourrait s’expliquer
par la faiblesse de la formule qui ne s’applique pas dans le cas où le bénéfice par action de
la 2ème année est inférieur à celui de la 1ère année d’une entreprise donnée.
174
5.6.2 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 2ème modèle
En ce qui concerne les investisseurs, nous proposons une deuxième mesure de leurs
avantages par le niveau de la gestion des résultats par les entreprises. En nous référant à
Zarowin (2002), nous saisissons la variable dépendante par l’analyse de la pratique du
lissage des résultats comptables avant et après l’adoption des IFRS.
Cette variable est donnée par la formule suivante : ∆RN it/∆CFOit
Où :
∆RN it est la variation du résultat net par rapport à l’année précédente
∆CFOit est la variation des flux de trésorerie d’exploitation par rapport à l’année
précédente.
Comme pour la mesure principale (coefficient de réponse des résultats futurs), aucune
hypothèse alternative n’est supportée.
5.6.3 Nouvelle mesure de la variable dépendante dans le 3ème modèle
Selon la littérature, le volume de transactions entre les banquiers et leurs clients traduit
une confiance que les premiers témoignent envers les seconds, et ce sur base de
l’information contenue dans les états financiers.
Nous mesurons ainsi l’avantage des créanciers bancaires par l’expansion potentielle de
leurs affaires. La formule utilisée est la suivante : Dettes*100/ Actifs.
Cette mesure est déjà utilisée dans la littérature économique, notamment par Berglof
(1990). Cet auteur a été le premier à analyser la classification des systèmes de financement
en deux : le système bancaire et le système boursier. Dans un système de financement
bancaire, les entreprises sont très proches de leurs banquiers qui leur fournissent
l’essentiel du financement dont elles ont besoin. Les banques octroient par le fait même
des prêts à long terme et entrent dans l’actionnariat des entreprises concernées. Ainsi, les
banques peuvent facilement contrôler les entreprises. Il en découle que dans un système de
financement bancaire, le ratio dette sur actifs est généralement élevé. Cependant, cette
175
mesure ne nous aide pas à capter des corrélations statistiques tendant à l’une ou l’autre
hypothèse de notre étude.
Nous résumons au tableau 5-XIII les mesures comparatives de la variable dépendante de
chaque modèle empirique utilisé dans notre étude.
Tableau 5-XIII Comparaisons de différentes mesures de la variable dépendante
Modèle empirique
Mesures utilisées
Modèle 1
Coût des capitaux propres Coût des capitaux propres
Modèle 2
Modèle 3
Mesures alternatives
(Botosan et Plumee, 2002).
(Easton et Monhan, 2005)
Coefficient de réponse des
Analyse du lissage des
résultats futurs (Turker et
résultats comptables
Zarowin, 2006)
(Zarowin, 2002).
Cote de crédit (Kosi et al.,
Ratio d’endettement
2012)
(Berglof,1990).
CONCLUSION, LIMITES ET AVENUES DE RECHERCHE
Au vu du rythme auquel les IFRS sont rendues obligatoires à travers le monde, il nous a
paru important de nous pencher sur l’un des aspects les moins explorés de ce phénomène à
savoir l’analyse de l’utilité économique de la transparence financière qu’en tirent aussi
bien les préparateurs que les principaux utilisateurs de l’information financière. Plus
particulièrement, le nouveau cadre conceptuel de l’information financière de l’IASB de
septembre 2010 considère les créanciers au même titre que les investisseurs comme
principaux utilisateurs de l’information financière. Cette nouvelle réalité nous a amené à
considérer ces deux acteurs importants notre analyse. Pour clore cette thèse, nous parlons
respectivement de notre contribution à la littérature, de ses limites et des avenues de
recherche.
1 Contributions de la recherche à la littérature comptable
Pour ce qui est des préparateurs de l’information financière, nous avons analysé l’effet de
l’adoption obligatoire des IFRS sur le coût du capital. En ce qui concerne les investisseurs,
nous avons analysé la qualité du résultat comptable (Earnings quality). En troisième lieu,
pour les créanciers, nous avons analysé la cote de crédit des entreprises de notre
échantillon suite à l’adoption des IFRS. Ainsi, l’analyse d’impact nous montre que le fait
d’adopter les IFRS comme tel n’a d’avantages économiques que pour les entreprises et les
créanciers.
Dans notre recherche, nous avons posé quatre hypothèses relatant les avantages
économiques présumés aussi bien pour les préparateurs que les principaux utilisateurs de
l’information financière présentée en IFRS. Les tests empiriques nous ont permis de
nuancer les déclarations d’intention de l’IASB en tant que normalisateur comptable
mondial en référence au paragraphe QC 38 du cadre conceptuel de l’information
financière. Ce faisant, selon la littérature antérieure, certains facteurs de l’environnement
national semblent faire varier les résultats d’un pays à l’autre. Ceci nous permet de les
considérer comme des variables de contrôle.
177
Malgré l’existence d’une certaine littérature comptable s’intéressant aux conséquences
économiques de l’adoption obligatoire des IFRS à travers le monde, notre recherche nous
aura permis d’apporter un éclairage nouveau à au moins deux niveaux :
(1) Sur le plan théorique, notre perspective de la théorie positive de la comptabilité
nous a permis de comprendre la place du lobbyisme dans l’adoption obligatoire des
IFRS à travers le monde.
(2) Au niveau pratique, notre recherche apporte des éléments de réponse au
normalisateur mondial quant à ses préoccupations formulées dans le cadre
conceptuel de septembre 2010. En effet, les résultats de notre recherche suggèrent
que l’adoption obligatoire des IFRS n’apporte des avantages économiques que
lorsqu’on analyse l’interaction entre les normes comptables et l’environnement
économique, politique et légal, ici centré autour de l’asymétrie informationnelle, de
la dépendance financière et de la structure de l’actionnariat de type familial.
2 Limites de la recherche
Comme dans toute recherche scientifique, la nôtre n’échappe pas à la présence de
certaines limites que nous résumons ci-après :
(a) Nous n’avons pas réussi à proposer une mesure synthétique des avantages
économiques de l’adoption obligatoire des IFRS. À ce jour, la littérature
comptable est incapable de trouver une telle mesure, du fait de la diversité des
intérêts des différentes parties prenantes au processus de communication de
l’information financière. Dans ce sens, l’article de Schipper (2010) a amplement
exposé les difficultés de la littérature comptable à pouvoir proposer une solution à
ce problème de taille.
(b) Certains facteurs macro-économiques comme la présence de marchés financiers
développés, l’interconnexion des économies nationales au sein de l’Union
Européenne n’ont pas été pris en considération, ce qui limite la généralisation de
nos résultats dans les pays dont les économies sont en transition ou en
développement.
178
(c) Du fait de la mesure utilisée dans le premier modèle empirique pour les
préparateurs de l’information financière (le coût du capital), la dernière année de
notre période d’étude (2007) est perdue puisque nous avons utilisé la méthode du
prix cible de Botosan et al. (2011). Pour avoir les données de 2007, il faudrait
disposer des états financiers de l’exercice 2012 de toutes les entreprises de
l’échantillon, ce qui est actuellement impossible du fait qu’au moment de la
rédaction de la thèse, ils ne sont pas encore disponibles.
(d) Compte tenu du fait qu’aucun des trois modèles n’a réussi à capter un avantage
économique quelconque dans l’adoption obligatoire des IFRS dans le cas des
entreprises de type familial, d’autres études plus affinées incluant par exemple la
présence du fondateur ou non dans la gestion de l’entreprise sont nécessaires.
(e) L’étude n’a pas intégré les tendances économiques générales, les nouvelles
dispositions législatives et règlementaires applicables aux entreprises européennes
et les différents modes de financement qui pourraient influencer le coût du capital
ou la cote de crédit.
179
3 Conclusion générale
Notre thèse a analysé les conséquences de l’adoption obligatoire des normes
internationales d’information financière (IFRS) pour la période d’étude de six ans, soit de
2002 à 2007. En nous basant sur un échantillon européen d’entreprises provenant de huit
pays et répartis dans neuf secteurs économiques, nous arrivons à des résultats qui varient
énormément, selon que nous analysons les préparateurs de l’information financière (les
entreprises), les investisseurs ou les créanciers bancaires. Ainsi, l’hypothèse générale est
supportée tant dans le cas des entreprises que dans celui des créanciers. Pour les
investisseurs cependant, il ressort que notre test ne parvient pas à capter une éventuelle
amélioration de la qualité des bénéfices suite à l’adoption obligatoire des IFRS.
L’analyse des déterminants des avantages économiques présumés de l’adoption
obligatoire des IFRS s’est basée sur les résultats des tests des trois hypothèses alternatives.
Ces dernières concernent respectivement l’asymétrie d’information, la dépendance
financière et la structure de propriété de type familial. Pour la deuxième hypothèse relative
à l’asymétrie d’information dans les entreprises, nous comparons les résultats selon qu’il
s’agit de l’une ou l’autre des parties prenantes : les préparateurs de l’information
financière, les investisseurs et les créanciers bancaires. Ainsi, il en ressort que cette
hypothèse est seulement supportée dans le cadre du 3ème modèle empirique spécifique aux
créanciers. Nous arrivons également à une conclusion similaire dans le cas de la troisième
hypothèse relative à la dépendance financière des entreprises, puisque seul le 3ème modèle
empirique nous offre des résultats qui la supportent. Finalement, la quatrième hypothèse
de recherche relative à la structure de propriété de type familial n’est supportée dans aucun
des trois modèles empiriques. En définitive, les résultats empiriques dégagent une
tendance générale selon laquelle les créanciers semblent bénéficier le plus de l’adoption
obligatoire des IFRS.
La théorie positive de la comptabilité (Watts et Zimmerman, 1986) nous a permis de tester
quatre hypothèses de recherche dans le cadre de l’adoption obligatoire des IFRS par les
entreprises de l’Union Européenne. En nous basant en particulier sur le lobbyisme tel que
rencontré dans le processus de normalisation comptable internationale, nous avons buté à
l’impossibilité de saisir simultanément les avantages économiques attendus de l’adoption
obligatoire des IFRS. Nous avons donc décidé de mener cette analyse en utilisant un
180
modèle empirique dont les variables indépendantes et de contrôle sont strictement les
mêmes mais avec des variables dépendantes différentes selon la partie prenante concernée.
Pour les dirigeants d’entreprises ayant adopté les IFRS, l’adoption obligatoire des IFRS
semble être bénéfique même si aucun déterminant envisagé ne semble jouer un rôle
déterminant dans l’explication de la baisse du coût du capital ainsi constaté lorsqu’on
compare les deux périodes analysées.
Le fait que pour les investisseurs le 2ème modèle offre peu de support aux hypothèses de
recherche rentre dans la logique du courant de recherche positive en comptabilité qui
affirme que les marchés financiers anticipent le contenu informationnel des données
comptables avant leur divulgation (Ball et Brown,1968). Dans ce sens, l’adoption
obligatoire des IFRS n’amènerait aucun avantage économique particulier aux
investisseurs. Ainsi, bien qu’aucune des quatre hypothèses ne soit validée en ce qui
concerne les investisseurs, la théorie positive de la comptabilité sur laquelle nous nous
sommes basés tout au long de cette thèse nous aura donné un cadre adéquat d’analyse de
notre question de recherche sur les déterminants des avantages économiques de l’adoption
obligatoire des IFRS.
Par rapport à l’important rôle joué par le lobbyisme dans la formulation de la théorie
positive de la comptabilité, nos résultats suggèrent que les créanciers bancaires jouissent le
plus des avantages économiques de l’adoption obligatoire des IFRS. Ces résultats vont
dans le sens que ce groupe de pression constitue un puissant lobby et appuient le nouveau
cadre conceptuel de l’IASB selon lequel les créanciers doivent être considérés comme
faisant partie des principaux utilisateurs de l’information financière.
4 Avenues de recherche
Le tour d’horizon que nous venons de faire nous amène à nous questionner sur l’impact
économique qui sous-tend la décision politique qui amène les gouvernements à rendre
obligatoire l’utilisation des IFRS dans leurs pays respectifs.
Notre recherche pourrait être étendue à d’autres avenues de recherche intéressantes :
181
(1) Tester une corrélation potentielle entre l’adoption obligatoire des IFRS et la
croissance économique, sectorielle ou nationale.
(2) Comprendre l’impact des IFRS pour les PME utilisées par les entités fermées dans
la quasi-totalité des pays en développement.
(3) Faire une étude dont l’échantillon serait constitué uniquement par les banques vu
le caractère règlementaire de ce secteur et la nature particulière de leurs états de la
situation financière constitués essentiellement d’instruments financiers.
(4) Tester les mêmes modèles empiriques dans les pays ayant fait le passage
obligatoire aux IFRS comme le Canada et l’Australie, tout en recourant à de
nouvelles mesures pour capter les avantages économiques pour les utilisateurs
principaux de l’information financière.
L’analyse des thèmes ci-dessus pourrait améliorer l’état des connaissances de façon
étendue sur les conséquences économiques de l’adoption obligatoire des IFRS par
l’enrichissement de la littérature dans le domaine de la règlementation comptable
mondiale.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Aboody, D. et B. Lev. 2000. « Information Asymmetry, R&D and Insider Gains». The
Journal of Finance, vol.55, no.6, p.2747-2766.
Aggrawal, R. et N.A. Kyaw. 2009. « International Variations in Transparency and Capital
Structure: Evidence from European Firms ». Journal of International Financial
Management and Accounting, vol.20, no.1, p.1-34.
Aharony, J., R. Barniv, et H.Falk. 2010. « The Impact of Mandatory IFRS Adoption on
Equity Valuation of Accounting Numbers for Security Investors in the EU ».
European Accounting Review, vol.19, no.3, p.535-578.
Aiken, L.S ; S.G. West et R.R.Reno.1991 « Multiple Regression : Testing and Interpreting
Interactions ». Newbury Park, California : Sage Publications, 212 p.
Akerlof, G.A. 1970.« The Market for “Lemons”: Quality Uncertainty and the Market
Mechanism ». Quarterly Journal of Economics, vol.84, no.3, p.488-500.
Alchian, A.A. 1969. « Corporate Management and Property Rights » In Economic Policy
and the Regulation of Corporate Securities (H. Manne, ed.). Washington,
American Enterprise Institute for Public Policy Research, p.337-360.
Ali, A. et L-S. Hwang. 2000. « Country-Specific Factors Related to Financial Reporting
and Value Relevance of Accounting Data ». Journal of Accounting Research,
vol.38, no.1, p.1-21.
Ali A., C. Tai-Yuan et R. Suresh. 2007. « Corporate Disclosures by Family Firms ».
Journal of Accounting and Economics, vol.44, no.1-2, p. 238-286.
Ali, M.J., K.Ahmed et D. Henry. 2004. « Disclosure Compliance with National
Accounting Standards by Listed Companies in South Asia ». Accounting and
Business Research, vol.34, no.3, p.183-1997.
Ali, M.J. 2005. « A Synthesis of Empirical Research on International Accounting
Harmonization and Compliance with IFRS ». Journal of Accounting
Literature, vol.24, p.1-52.
Anderson, R.C et D.M. Reeb. 2003. « Founding-Family Ownership and Firm
Performance: Evidence From the S&P500 ». The Journal of Finance,
vol.58, no.3, p.1301- 1328.
183
Ashbaugh, H. 2001. « Non-US Firms’Accounting Standards Choices ». Journal of
Accounting and Public Policy, vol. 20, no.2, p.129-153.
Ashbaugh, H. et M. Pincus. 2001. « Domestic Accounting Standards, International
Accounting Standards and the Predictability of Earnings ». Journal of
Accounting and Research, vol.39, no.3, p.417-434.
Atwood, T.J, M.S.Drake, J.N. Myers et L.A. Myers. 2011. « Do Earnings Reported Under
IFRS Tell Us More about Future Earnings and Cash Flows? ». Journal of
Accounting and Public Policy, vol. 30, no.2, p. 103-121.
Aubert, F. et G. Grudnitski. 2011. « The Impact and Importance of Mandatory Adoption
of International Financial Reporting Standards in Europe ». Journal of
International Financial Management and Accounting, vol.22, no.1, p.1-26.
Ball, R. 2001. « Infrastructure Requirements for an Economically Efficient System of
Public Financial Reporting and Disclosure ». In Litan,R. et R. Herring (Eds.),
Brooking Wharton Papers on Financial Services, Brookings Institution Press,
Washington, DC, p.127-182.
Ball, R. et L. Shivakumar. 2008. « How Much New Information Is There in Earnings? ».
Journal of Accounting Research, vol.46, no.5, p.975-1016.
Ball, R., A. Robin et G. Sadka. 2008. « Is Financial Reporting Shaped by Equity Markets
or by Debts Markets? An International Study of Timeliness and Conservatism
».Review of Accounting Studies, vol.13, no.2-3, p.168-205.
Ball, R., A.Robin et J.S. Wu. 2003. « Incentives versus Standards: Properties of
Accounting Income in Four East Asian Countries ». Journal of Accounting and
Economics, vol.36, no.1-3, p.235-270.
Ball, R.2006. « International Financial Reporting Standards (IFRS): Pros and Cons for
Investors ». Accounting and Business Research, vol. 36, special number, p.527.
Ball,R. et P. Brown. 1968. « An Empirical Evaluation of Accounting Income Numbers ».
Journal of Accounting Research, vol.6, no.2, p.159-178.
Barth, M.E, W.R. Landsman et M.H. Lang. 2008. « International Accounting Standards
and Accounting Quality ». Journal of Accounting Research, vol.46, no.3,
p.467-498.
Barth, M.E. et K. Schipper. 2008. « Financial Reporting Transparency ». Journal of
Accounting, Auditing and Finance, vol.23, no.2, p.173-190.
Barth, M.E., Y. Konchitechki et W. R. Landsman. 2011. « Cost of Capital and Earnings
Tranparency », Working paper, p. 1-59.
184
Basu, S. 1997. « The Conservatism Principle and the Asymmetric Timeliness of Earnings
». Journal of Accounting and Economics, vol.24, no.1, p.3-37.
Basu, S. et G. Wagnire. 2006. « Recordkeeping and Human Evolution ». Accounting
Horizons, vol.20, no.3, p.201-229.
Beaver,W.H.1968. « The Information Content of Annual Earnings Announcements ».
Journal of Accounting Research, vol.6,selected studies, p.67-92.
Bebchuk, L., R. Kraakman et G. Triantis. 2000. « Stock Pyramids, Cross-Ownership and
Dual-Class Equity : The Creation and Agency Costs of Separating Control
from Cash Flow Rights ». In Randall K.Monk, ed : Concentrated Corporate
Ownership. University of Chicago Press, Chicago, IL, p.445-460.
Beck, T., A. Demirgüç-Kunt et V. Maksimovic. 2008. « Financial Patterns Around the
World: Are Small Firms Different? ». Journal of Financial Economics, vol.89,
no.3, p.467-487.
Beck,T. et R. Levine. 2000. « New Firm Formation and Industry: Does Having a Market
or Bank-Based System Matter? ». The World Bank, WPS-2383, p.1- 44.
Belsley, D.A., E. Kuh et R.E.Welsch. 2004. « Regression Diagnostics : Identifying
Influential Data and Sources of Collinearity ».New York, 292 p.
Ben Ali, C., S.Trabelsi et M.Summa. 2008.« Disclosure Quality and Ownership Structure:
Evidence from the French Stock Market ». Corporate Ownership and Control,
vol.5, no.2, p.1-37.
Beneish,M.D., B.P. Miller et T.L. Yohn. 2010. « IFRS Adoption and Cross-Border
Investment in Equity and Debt Markets ». Working Paper, p.1-50.
Berglof,F. 1990. « Capital Structure as a Mechanism of Control: A comparison of
Financial Systems ». In The Firm as a Nexus of Treaties, edited by A.
Mashahiko, B. Gustafsson et O.E. Williamson. London, Sage, 45 p.
Bernheim, Y. 2001. « Juste valeur et mesure de la performance financière de l’entreprise
». In Casta, J.F. et B. Colasse : Juste valeur. Enjeux techniques et politiques,
p.47-56.
Beuselinck, C., P. Joos, I.K. Khurana et S.Van der Meulen. 2010. « Mandatory IFRS
Reporting and Stock Price Informativeness ». Working Paper no.2010-82, p.157.
Bharath,S.T, P.Parquariello et G.Wu. 2009. « Does Asymmetric Information Drive Capital
Structure Decisions ? » Review of Financial Studies, vol.22, no.8, p.3211-3243.
Bhimani, A. 2008. « The Role of a Crisis in Reshaping the Role of Accounting ».The
Journal of Accounting and Public Policy, vol. 27,no.6, p.444-454.
185
Bolton, P. et D.S. Scharfstein. 1996. « Optimal Debt Structure and the Number of
Creditors». The Journal of Political Economy, vol.104, no.1, p.1-25.
Botosan, C.A. 1997. « Disclosure Level and the Cost of Equity Capital ».The Accounting
Review, vol.72, no.3, p.323-349.
Botosan, C.A. et M.A. Plumlee. 2002. « A Re-examination of Disclosure Level and the
Expected Cost of Equity Capital ». Journal of Accounting Research, vol.40,
no.1, p.21-40.
Botosan, C.A ,M.A.Plumlee et H. Wen. 2011. « The Relation between Expected Returns,
Realized Returns, and Firm Risk Characteristics ». Contemporary Accounting
Research, vol.24, no.4, p. 1085- 1122.
Brown, A.M. 2006. « The Financial Milieu of the IASB and AASB ». Australian
Accounting Review,vol.16,no.38, p. 85-95.
Brown, S., S.A. Hillegeist et K. Lo. 2009. « The Effect of Earnings Surprises on
Information Asymmetry ». Journal of Accounting and Economics, vol.47, no.3,
p.208-225.
Brüggemann,U., H.Daske, C.Homburg et P.F. Pope. 2011. « How do Individual Investors
React to Global IFRS Adoption? » Working Paper, p.1-52.
Burgstahler, D. et M. Eames. 2006. « Management of Earnings and Analysts Forecast to
Achieve Zero and Small Positive Earnings Surprises ». Journal of Business
Finance & Accounting, vol.33, no 5 et 6, p.633-652.
Bushman, R.M. et J.D. Piotroski. 2004. « What Determines Corporate Transparency ?».
Journal of Accounting Research, vol.42, no.2, p.207-252.
Cahan,S.F., G. Liu et J. Sun. 2008.« Investor Protection, Income Smoothing, and Earnings
Informativeness ». Journal of International Accounting Research, vol.7, no.1,
p.1-24.
Capkun, V., A. Cazavan-Jeny, T. Jeanjean et L.A. Weiss. 2011. « Earnings Management
and Value Relevance during the Mandatory Transition from Local GAAPs to
IFRS in Europe ». Working Paper, p.1-63.
Casta, J.F. 2003. « La Comptabilité en juste valeur permet-elle une meilleure
représentation de l’entreprise? ». Revue d’Économie financière, vol.2, no.71,
p.17-31.
Casta, J.F. 2009. « Théorie positive de la comptabilité » In Encyclopédie de la
comptabilité, contrôle de gestion et audit, sous la direction de B. Colasse
(Ed.Economica), p.1393-1402.
Chahine,S. 2007. « Block-holder Ownership,Family Control and Post-Listing Performance
of French IPO ». Managerial Finance, vol.33, no.6, p.388-400.
186
Charreaux, G. et P. Desbrières. 1998. « Gouvernance des entreprises : Valeur partenariale
contre valeur actionnariale ». Finance Contrôle Stratégie, vol.1, no.2, p.5788.
Chen, H., Q.Tang, Y.Jiang et Z.Lin. 2010. « The Role of International Financial Reporting
Standards in Accounting Quality : Evidence from the European Union ».
Journal of International Management and Accounting, vol.21, no.3, p.221-278.
Christensen, C. 1983. « The Methodology of Positive Accounting ». The Accounting
Review, vol.58, no.1, p.1-22.
Chung,H-M et S.T. Chan. 2012. « Ownership Structure, Family Leadership, and
Performance of Affiliate Firms in Large Family ». Asia Pacific Journal of
Management, vol.29, no.2, 303-329.
Claessens, S., S. Djankov, J.Fan et L.H.P.Lang. 2002. « Disentangling the Incentive and
Entrenchment Effects of Large Shareholdings ». Journal of Finance, vol.57,
no.6, p.2741-2771.
Coase, R.1937. « The Nature of the Firm ». Economica, vol.4, no.16, p.386-405.
Colasse, B. 2002. « La guerre des normes comptables n’aura pas lieu ». Sociétal, 3ème
trimestre, no.37, p.89-93.
Collins, D.W, O. Zhenli et H. Xie. 2009. « What Drives the Increased Informativeness of
Earnings Announcements over Time ? » Review of Accounting Studies, vol.14,
no.1, p.1-29.
Collins, D.W., S.P. Kothari, J. Shanken et R-Sloan.1994. « Lack of Timeliness and Noise
as Explanations for the Low Contemporaneous Return-Earnings Association ».
Journal of Accounting and Economics, vol.18, no.3, p.289-324.
Comte,A. 1839.« Cours de philosophie positive, tome quatrième et dernier contenant la
philosophie sociale et les conclusions générales. Première partie. Paris,
Bachelier, Imprimeur-Libraire,736 p.
Cornett, M.M., Z. Rezae et H. Tehranian. 1996. « An investigation of Capital Market
Reactions to Pronouncements on Fair Value Accounting ». Journal of
Accounting and Economics, vol.22, no.1-3, p.119-154.
Covrig, V.M., M.L. DeFond et M.Hung. 2007. « Home Bias, Mutual Fund Holdings, and
the Voluntary Adoption of International Accounting Standards ». Journal of
Accounting Research, vol.45, no.1, p.41-70.
Cuijpers, R. et W. Buijink. 2005. « Voluntary Adoption of Non-local GAAP in the
European Union: A Study of Determinants and Consequences ». European
Accounting Review, vol. 14, no.3, p.487-524.
187
Daske, H. 2006. « Economic Benefits of Adopting IFRS or US-GAAP. Have the Expected
Cost of Equity Capital Really Decreased? ». Journal of Business Finance and
Accounting, vol. 33, no.3 et 4, p.329-373.
Daske, H., L. Hail, C. Leuz et R. Verdi. 2008. « Mandatory IFRS Reporting Around the
World: Early Evidence on the Economic Consequences ». Journal of
Accounting Research, vol.46, no.6, p.1085-1142.
Daske, H., L.Hail, C. Leuz et R. Verdi. 2012. « Adopting a Label: Heterogeneity in the
Economic Consequences of the IFRS Adoptions ». Working Paper, p.1-78.
Dechow, P., W.Ge et C. Schrand. 2010. « Understanding Earnings Quality : A Review of
the Proxies, their Determinants and their Consequences ». Journal of
Accounting and Economics, vol.50, no.2-3, p.344-401.
Degryse, H. et A.D. Jong. 2006. « Investment and Internal Finance : Asymmetric
Information or Managerial Discretion? ». International Journal of Industrial
Organization, vol.24, no.1, p.125-147.
Devalle, A., E. Onali et R. Magarini. 2010. « Assessing the Value Relevance of
Accounting Data After the Introduction of IFRS in Europe ». Journal of
International Management and Accounting, vol.21, no.2, p.85-119.
Diamond, D. et R. Verrechia.1991. « Disclosure, Liquidity and the Cost of Capital ».
Journal of Finance, vol.64, no.4, p.1325-1359.
Dichev,I.D. et D.J. Skinner. 2002. « Large-Sample Evidence on the Debt Covenant
Hypothesis ». Journal of Accounting Research, vol.40, no.4, p.1091-1123.
Ding, Y., O.K. Hope, T. Jeanjean et H. Stolowy. 2008. « Differences between Domestic
Accounting Standards and IAS: Measurements and Implications ». Journal of
Accounting and Public Policy, vol.26, no.1, p.1-38.
Disle, C. et C. Noël. 2007. « La révolution des normes IFRS: Convergence de la
Comptabilité vers la Finance ? ». La Revue des Sciences de Gestion : Direction
et Gestion, no.224-225, p.17-27.
Doukakis, C. L. 2010. « The Persistance of Earnings and Components after the Adoption
of IFRS ». Managerial Finance, vol. 36, no.11, p. 969-980.
Dumontier, P. et F. Baalbaki.2012. « Disentangling the joint Effects of IFRS and MAD on
Asymmetry in EU Capital Markets ». Working Paper, p.1-18.
Dumontier, P. et R. Maghraoui. 2006. « Adoption volontaire des IFRS, asymétrie
d’information et fourchette de prix : l’impact du contexte informationnel ».
Comptabilité, Contrôle, Audit, vol.12, no.2, p.27-48.
188
Easton, P.D. et S.J. Monahan. 2005. « An Evaluation of Accounting-Based of Expected
Returns ».The Accounting Review, vol.80, no.2, p.501-538.
Emenyonu, E.N. et S.J. Gray. 1992. « EC Accounting Harmonization : An Empirical
Study of Measurement Practices in France, Germany and the UK ». Accounting
and Business Research, vol.23, no.89, p.49-58.
Faccio, M et L.H.P. Lang. 2002. « The Ultimate Ownership of Western European
Corporations ». Journal of Financial Economics, vol. 65, no.3, p.365-395.
Fan, J.P.H et T.J. Wong. 2002. « Corporate Ownnership Structure and the Informativeness
of Accounting Earnings in East Asia ». Journal of Accounting and Economics,
vol.33, no.3, p. 401-425.
Florou, A. et P.F. Pope. 2012. « Mandatory IFRS and Investor Asset Allocation Decisions
». The Accounting Review, vol.87, no.6, (À venir).
Francis, J.R., I.K. Khurana et R.Pereira. 2005. « Disclosure Incentives and Effects on Cost
of Capital Around the World ». The Accounting Review, vol.80, no.4, p.11251140.
Friedman, M.1953. « The Methodology of Positive Economics ». In Essays In Positive
Economics. Chicago, University of Chicago Press, p.3-16.
Gao, P. 2010. « Disclosure Quality, Cost of capital, and Investor Welfare ». The
Accounting Review, vol.85, no. 1, p.1-28.
Georgiou, G. 2004. « Corporate Lobbying on Accounting Standards: Methods, Timing
and Perceived Effectiveness ». ABACUS, vol.40, no.2, p.219-237.
Givoly, D., C.K.Hayn et S.P.Katz. 2010. « Does Public Ownership of Equity Improve
Earnings Quality? » The Accounting Review, vol. 85, no.1, p. 195- 225.
Gordon, M.J. 1964. « Postulates, Principles and Research in Accounting ».The Accounting
Review, vol.39, no.2, p.251-263.
Gray S.J.1988. « Towards a Theory of Cultural Influence on the Development of
Accounting Systems Internationally ». ABACUS, vol. 24, no.1, p. 1-15.
Guay, W.R, S.P. Kothari et S.Shu. 2011. « Properties of Implied Cost of Capital Using
Analysts' Forecasts ». Australian Journal of Management, vol.36, no.2, p.125149.
Habib, A. 2006. « Information Risk and the Cost of Capital: Review of the Empirical
Literature ». Journal of Accounting Literature, vol.25, p.127-168.
Hail, L. 2002. « The Impact of Voluntary Corporate Disclosures on the Ex-ante Cost of
Capital for Suiss Firms ». The European Accounting Review, vol.11, no.4,
p.741-773.
189
Hoarau, C. 2008 . « La gestion des résultats comptables : IFRS vs US GAAP ». Revue
française de comptabilité, vol.46, p.20-22.
Holmén, M. et E. Nivorozhkin. 2007. « The Impact of Family Ownership and Dual-Class
Shares on Takeover Risk ». Applied Financial Economics, vol.17, no.10,
p.785-804.
Holthausen, R.W. et R.W. Leftwitch. 1983. «The Economic Consequences of Accounting
Choice:Implications of Costly Contracting and Monitoring ». Journal of
Accounting and Economics, vol.5, no.2, p.77-117.
Hope, O-K, J. Jin et T. Kang. 2006. « Empirical Evidence on Jurisdictions that Adopt
IFRS ». Journal of International Accounting Research, vol.5, no.2, p.1-20.
Hyytinen, A. et L. Väänänen. 2006. « Where do Financial Constraints Originate from? An
Empirical Analysis of Adverse Selection and Moral Hazard in Capital Markets
». Small Business Economics, vol.27, no.4-5, p.323-348.
Iatridis, G. 2010. « International Financial Reporting Standards and the Quality of
Financial Statement Information ». International Review of Financial
Analysis,vol.19, no.3, p.193-204.
Inklaar, R. et M. Koetter. 2008. « Financial Dependence and Industry Growth in Europe:
Better Banks and Higher Productivity». University of Groningen, p.1-28.
International Accounting Standards Board (IASB) and Financial Accounting Standard
Board (FASB). 2010. « Conceptual Framework for Financial Reporting. Phase
A: Objective and Qualitative Characteristics », 38 p.
Ivashima, V. 2009. « Asymmetric Information Effects on Loan Spreads ». Journal of
Financial Economics, vol.92, no.2, p.300-319.
Janin, R. et C.Piot. 2008. « L’influence des auditeurs externes et des comités d’audit sur le
contenu informatif des manipulations comptables ». La Revue des Sciences de
Gestion:Direction et Gestion, vol.43, no.233, p. 23-24.
Jeanjean, T. 2001. « Juste valeur et décision ». In Casta, J.F et B. Colasse. Juste valeur :
Enjeux techniques et politiques. Économica, p. 97-112.
Jeanjean, T. 2007. « La théorie positive de la comptabilité : Une revue des critiques ».
Cahier 99-12 du CEREG, p.1-40.
Jensen, M.C. 1976. « Reflections on the State of Accounting Research and the Regulation
of Economics ». Stanford Lectures in Accounting (Graduate School of
Business, Stanford University), p.11-19.
Jensen, M.C. et W.H. Meckling. 1976. « Theory of the Firm: Managerial Behavior,
Agency Costs and Ownership Structure ». Journal of Financial Economics,
vol. 3, no. 4, p. 305-360.
190
Karampinis,N. et D. Hevas. 2009. « The Effect of the Mandatory Application of IFRS on
the Value Relevance of Accounting Data: Some Evidence from Greece ».
European Research Studies, vol.12, no.1, p.73-96.
Kim, J-B,J.S.L. Tsui et C.H. Yi. 2011. « The Voluntary Adoption of International
Financial Reporting Standards and Loan Contracting Around the World ».
Review of Accounting Studies,vol.16, no.4,p.779-811.
Kim, J-B.et H. Shi. 2007. «Enhanced Disclosures via IFRS and Stock Price Synchronicity
Around the World: Do Analyst Following and Institutional Infrastructure
Matter?» . Working Paper, p.1-44.
King, M.R et E. Santor. 2007. « Family Values : Ownership Structure, Performance and
Capital Structure of Canadian Firms ». Bank of Canada Working Paper 200740, p.1-39.
Korczak, A. et P. Korczack. 2009. « Corporate Ownership and the Information Content of
Earnings in Poland ». Applied Financial Economics, vol.19, no.9, p.703-717.
Kosi,U., P.F.Pope et A. Florou. 2012. « Does IFRS Adoption Improve Credit Relevance
of Accounting Information? ».Working Paper, p.1-41.
Kothari, S.P. 2000. « The Role of Financial Reporting in Reducing Financial Risks in the
Market ». In E.S. Rosengrenet S.J. Jordan (Eds), Building an Infrastructure for
financial Stability. Federal Reserve Bank of Boston Conference Series, no.44,
p.89-102.
Krishnaswami, S. et V. Subramaniam. 1999. « Information Asymmetry, Valuation, and
the Corporate Spin-off Decision». Journal of Financial Economics, vol.53,
no.1, p.73-112.
Kroszner, R.S., L. Laeven et D. Klingebiel. 2007. « Banking Crises, Financial
Dependence and Growth ». Journal of Financial Economics, vol.84, no.1,
p.187-228.
Kuhn, T.1962. « The Structure of Scientific Revolutions ». Chicago, The University of
Chicago Press,173 p.
La porta, R., F. Lopez-de-Silanes, A. Shleifer et R. Vishny. 1998. « Law and Finance ».
Journal of Political Economy, vol.106, no.6, p.1113-1155.
Lakatos, I. 1970. « Falsification and the Methodology of Scientific Research Programmes
» in Lakatos et A. Musgrave (eds).Criticism and the Growth of Knowledge
(Cambridge: Cambridge University Press), p.91-196.
Lang, M. et R. Lundholm. 1993. « Cross-Sectional Determinants of Analyst Ratings of
Corporate Disclosures ». Journal of Accounting Research, vol. 31, no. 2, p.
246-271.
191
Lantto, A. 2007. « Does IFRS Improve the Usefulness of Accounting Information in a
Code-Law Country? » Working Paper,Turku School of Economics, p. 1-37 p.
Lantto, A. et P. Sahlström. 2009. « Impact of International Financial Reporting Standards
Adoption on Key Financial Ratios ». Accounting and Finance, no.49, p.341361.
Larson, R.K. et S.Y. Kenny. 1995. « An Empirical Analysis of International Accounting
Standards, Equity Markets, and Economic Growth in Developing Countries ».
Journal of International Financial Management and Accounting, vol.6, no.2,
p.130-156.
Larson, R.K. 1997. « Corporate Lobbying of the International Accounting Standards
Committee ». The Journal of International Financial Management and
Accounting, vol.8, no.3, p.175-203.
Ledouble, D. 2005. « La comptabilité est-elle encore l’algèbre du droit ? ». Revue
française de Comptabilité, no.380, p.18-21.
Leuz, C. 2003. « IAS versus US GAAP: Information Asymmetry-Based Evidence from
Germany’s New Market ». Journal of Accounting Research, vol.41, no.3,
p.445-472.
Leuz, C., D. Nanda et P. Wysocki. 2003. « Earnings Management and Investor Protection:
An International Comparison ». Journal of Financial Economics, vol.69, no.3,
p.505-527.
Levitt, A. 1998. « The Importance of High Quality Accounting Standards ». Accounting
Horizons, vol. 12, no.1, p.79-82.
Li, F. et
N. Shroff. 2010. « Financial Reporting Quality and Economic Growth ».
University of Michigan, Working Paper, p.1-61.
Li,S. 2010. « Does Mandatory Adoption of International Financial Reporting Standards in
European Union Reduce the Cost of Equity Capital? ». The Accounting
Review, vol.85, no.2, p. 607-636.
Lin,S. 2012. « Does Accounting Quality Change Following a Switch from US GAAP to
IFRS? Evidence from Germany». Working Paper, p.1-36.
Liu, C., L. J. Yao, N. Hu et L. Liu 2011. « The Impact of IFRS on Accounting Quality in a
Regulated Market: An Empirical Study of China ». Journal of Accounting,
Auditing & Finance, vol.26, no.4, p.659-676.
MacIntosh, J.G. et L.P.Schwartz.1994. « Do Institutional and Controlling Shareholders
Increase Corporate Value? ». In Corporate Decision-Making in Canada.
University of Calgary Press, 835 p.
192
Merton, R.C. 1987. « A Simple Model of Capital Market Equilibrium with Incomplete
Information ».The Journal of Finance, vol.42, no.3, p.483-510.
Mouck, T.1990. « Positive Accounting Theory as a Lakatosian Research Programme ».
Accounting and Business Research, vol.20, no.79, p.231-239.
Naranjo,P., D.Saavedra et R.S. Verdi.2012.«IFRS Adoption and Financing Decisions ».
Working Paper, p.1-50.
Paiva, I.C. et I.C. Lourenço. 2010. « Determinants of Accounting Quality: Empirical
Evidence from the European Union ». Working Paper, ISCTE-IUL Business
School, p.1-22.
Paul, P.D. 2010. «Impact of Globalization on International Accounting Harmonization ».
Working Paper, p.1-8.
Peek, E., R. Cuijpers et W. Bwijink. 2009. « Creditors’ and Shareholders’ Reporting
Demands in Public versus Private Firms: Evidence from Europe ».
Contemporary Accounting Research,vol.27, no.1, p.49-91.
Peltzman, S. 1976. « Toward a More General Theory of Regulation ». Journal of Law and
Economics, vol.19, no.2, p.211-240.
Peng,M.W et Y. Jiang. 2010. « Institutions Behind Family Ownership and Control in
Large Firms ». Journal of Management Studies, vol.47, no.2, p.253-273.
Perry, J. et A. Nölke. 2006. «The Political Economy of International Accounting
Standards ». Review of International Political Economy, vol.13, no.4, p.559586.
Pindado, J. et C. de la Torre. 2009. « Effect of Ownership Structure on Underinvestment
and Overinvestment : Empirical Evidence from Spain ». Journal of Accounting
and Finance, vol.49, no.2, p. 363-383.
Popper, K.R. 1959. « The Logic of Scientific Discovery ». Basic Books: New York, 480 p.
Raffournier, B. 1990. « La théorie positive de la comptabilité: Une revue ». Économie et
Société: Série Sciences de gestion, no.16, p.137-166.
Rajan, R.G et L. Zingales. 1998. « Financial Dependence and Growth ». The American
Economic Review, vol.88, no.3, p.559-586.
Ramanna, K. et E. Sletten. 2009. « Why Do Countries Adopt International Financial
Reporting Standards?». Working Paper, Harvard Business School, p.1-46.
Riahi-Belkaoui, A. 2005. « Earnings Opacity, Stock Market Wealth Effect and Economic
Growth ». Review of Accounting and Finance, vol.4, no.1, p.72-91.
193
Riahi-Belkaoui, A. R. et F.K. AlNajjar. 2006. « Earnings Opacity Internationally Elements
of Social, Economic and Accounting Order ». Review of Accounting and
Finance, vol.5, no.3, p.189-203.
Richard, J. 2001. « Histoire de la valeur dans la règlementation comptable allemande et
française de 1673 à 1974 ».In Casta, J.F et B. Colasse. Juste valeur : Enjeux
techniques et politiques, Économica, p.17-45.
Schipper,K. 2010. « How Can we Measure the Costs and Benefits of Changes in Financial
Reporting Standards? ». Accounting and Business Research, vol. 40, no.3,
p.309-327.
Schmandt-Besserat, D.1995. « Recordkeeping Before Writing ». In Civilizations of the
Ancient Near East, vol.4, edited by Jack Sasson, New York, NY: Scribner, p.
2097-2106.
Sciascia,S. et P. Mazzola. 2008. « Family Involvement in Ownership and Management:
Exploring Nonlinear Effects on Performance ». Family Business Review,
vol.21, no.4, p.331-345.
Securities and Exchange Commission (SEC). 2008. « Roadmap for the Potential Use of
Financial Statements Prepared in Accordance with International Financial
Reporting Standards by U.S. Issuers ». Release no.33-8982, p.1-165.
Semenov, R. 2006. « Financial Systems, Financing Constraints and investment: Empirical
Analysis of OECD Countries ». Applied Economics, vol. 38, no.17, p.19631974.
Shima, K.M. et E.A. Gordon. 2011. « IFRS and the Regulatory Environment: The case of
U.S. Investor Allocation Choice ». Journal of Accounting and Public Policy,
vol.30, no.5, p.481-500.
Shleifer, A. et R.W. Vishny. 1997. « A Survey of Corporate Governance ». Journal of
Finance, vol.2, no. 2, p. 737-783.
Smith, C.W. et J.B. Warner.1979. « On Financial Contracting: An Analysis of Bonds
Convenants ». Journal of Financial Economics, vol.7, no. 2, p.117-161.
Spence, M. 1973. « Job Market Signaling ». The Quarterly Journal of Economics, vol.87,
no.3, p.355-374.
Sterling, R.S. 1990. « Positive Accounting Theory: An Assessment ». ABACUS, vol.26,
no.2, p.97-135.
Stoll, H. 1978. « The Pricing of Security Dealer Services: An Empirical Study of
NASDAQ Stocks». TheJournal of Finance, vol.33, no.4, p.1153-1172.
Sufi, A. 2007. « Information Asymmetry and Financing Arrangements: Evidence from
Syndicated Loans ». The Journal of Finance, vol.62, no.2, p.629-668.
194
Sutton, T.G. 1984. « Lobbying of Accounting Standard-Setting Bodies in the U.K. and the
U.S.A: A Downsian Analysis ». Accounting, Organizations and Society, vol.9,
no.1, p.81-96.
Tang, T.T. 2009. « Information Asymmetry and Firm’s Credit Market Access: Evidence
from Moody’s Credit Rating Format Refinement ». Journal of Financial
Economics, vol.93, no.2, p.325-351.
Tendeloo, B.V. et A. Vanstraelen. 2005. « Earnings Management under German GAAP
versus IFRS ». European Accounting Review, vol.14, no.1, p.155-180.
Tucker J.W. et P.A. Zarowin. 2006. « Does Income Smoothing Improve Earnings
Informativeness? » The Accounting Review vol. 81, no. 1, p. 251-270.
Union Européenne. 2002. « Règlement (CE) no. 1606/2002 du Parlement Européen et du
Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables
internationales », 6 p.
Wang, D. 2005. « Founding Family Ownership and Earnings Quality ». Journal of
Accounting Research », vol. 44, no. 3, p. 619-656.
Watts, R.L. et J.L. Zimmerman.1978. « Towards a Positive Theory of the Determinants of
Accounting Standards ». The Accounting Review, vol.53, no.1, p.112-134.
Watts, R.L. et J.L. Zimmerman.1986. « Positive Accounting Theory ». Prentice-Hall
Contemporary topicsin accounting series, 388 p.
Weetman, P. E., S. Davies et W. Collins. 1996. « Lobbying on Accounting Issues
Preparers/ User In balance in the Case of the Operating and Financial Review
». Accounting, Auditing and Accountability, vol. 9, no.1, p.59-70.
Welker,M. 1995. « Disclosure Policy, Information Asymmetry and Liquidity in Equity
Markets ». Contemporary Accounting Research, vol.11, no.2, p.801-827.
Wu,J.S et I.X Zangh.2009. « The Adoption of Internationally Recognized Accounting
Standards : Implications for the Credit Markets ». Working Paper, p.1-49.
Zarowin, P. 2002. Does Income Smoothing Make Stock Prices More Informative?
NYU Working Paper No. 2451/27592, p.1-40.
Zéghal, D. et K. Mhedhbi. 2006. « An Analysis of the Factors Affecting the Adoption of
International Accounting Standards by Developing Countries ». The
International Journal of Accounting, vol.41, no.4, p.373-386.
Zéghal, D, S.Chtourou et Y.M. Sellami. 2011. « An Analysis of the Effect of Mandatory
Adoption of IAS/IFRS on Earnings Management ». Journal of International
Accounting, Auditing and Taxation, vol.20, no.2, p. 61-72.
195
Zhao, R. et B.Millet-Reyes. 2007. « Ownership Structure and Accounting Information
Content : Evidence from France ». Journal of International Financial
Management and Accounting, vol. 18, no.3, p.223-246.
ANNEXES
xxii
ANNEXE 1
LISTE DES 40 NORMES IFRS AU 30 JUIN 2012
Norme
Sujet
IFRS 1
Première application des normes internationales d'information financière
IFRS 2
Paiement fondé sur des actions
IFRS 3
Regroupements d’entreprises
IFRS 4
Contrats d’assurance
IFRS 5
Actifs non courants détenus en vue de la vente et activités abandonnées
IFRS 6
Prospection et évaluation des ressources minérales
IFRS 7
Instruments financiers: Informations à fournir
IFRS 8
Secteurs opérationnels
IFRS 9
Instruments financiers : Comptabilisation
IFRS 10
États financiers consolidés
IFRS 11
Coentreprises
IFRS 12
Divulgation des participations dans d’autres entités
IFRS 13
Mesure de la juste valeur
IAS 1
Présentation des états financiers
IAS 2
Stocks
IAS 7
Tableaux des flux de trésorerie
IAS 8
Méthodes comptables, changements d’estimations comptables et erreurs
IAS 10
Événements postérieurs à la date de clôture
IAS 11
Contrats de construction
IAS 12
Impôts sur le résultat
IAS 16
Immobilisations corporelles
IAS 17
Contrats de location
IAS 18
Produits des activités ordinaires
xxiii
Norme
Sujet
IAS 19
Avantages du personnel
IAS 20
Comptabilisation des subventions publiques et informations à fournir sur
l’aide publique
IAS 21
Effets des variations des cours des monnaies étrangères
IAS 23
Coûts d’emprunt
IAS 24
Information relative aux parties liées
IAS 26
Comptabilité et rapports financiers des régimes de retraite
IAS 27
États financiers individuels
IAS 28
Participations dans des entreprises associées et des coentreprises
IAS 29
Information financière dans les économies hyper-inflationnistes
IAS 32
Instruments financiers: présentation
IAS 33
Résultat par action
IAS 34
Information financière intermédiaire
IAS 36
Dépréciation d’actifs
IAS 37
Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels
IAS 38
Immobilisations incorporelles
IAS 40
Immeubles de placement
IAS 41
Agriculture
xxiv
ANNEXE 2
LISTE DES 24 INTERPRÉTATIONS DES NORMES INTERNATIONALES
D’INFORMATION FINANCIÈRE (IFRIC/SIC) AU 30 JUIN 2012
Interprétation Sujet
IFRIC 1
Variation des passifs existants relatifs au démantèlement, à la remise en
état et similaires
IFRIC 2
Parts sociales des entités coopératives et instruments similaires
IFRIC 4
Déterminer si un accord contient un contrat de location
IFRIC 5
Droits aux intérêts émanant de fonds de gestion dédiés au
démantèlement, à la remise en état et à la réhabilitation de
l'environnement
IFRIC 6
Passifs découlant de la participation à un marché déterminé — Déchets
d’équipements électriques et électroniques
IFRIC 7
Application de l’approche du retraitement dans le cadre d’IAS 29
Information financière dans les économies hyper-inflationnistes
IFRIC 10
Information financière intermédiaire et pertes de valeur (dépréciation)
IFRIC 12
Accords de concession de services
IFRIC 13
Programmes de fidélisation de la clientèle
IFRIC 14
Le plafonnement de l’actif au titre des régimes à prestations définies, les
exigences de financement minimal et leur interaction
IFRIC 15
Accords pour la construction de biens immobiliers
IFRIC 16
Couvertures d’un investissement net dans une activité à l’étranger
IFRIC 17
Distributions d’actifs non monétaires aux propriétaires
IFRIC 18
Transferts d’actifs provenant de clients
IFRIC 19
Extinction de passifs financiers avec des instruments de capitaux
IFRIC 20
Frais de découverture engagés pendant la phase de production d'une
mine à ciel ouvert
SIC 7
Introduction de l'euro
SIC 10
Aide publique— Absence de relation spécifique avec des activités
opérationnelles
xxv
Interprétation Sujet
SIC 15
Avantages dans les contrats de location simple
SIC 25
Impôt sur le résultat — Changements de statut fiscal d’une entreprise ou
de ses actionnaires
SIC 27
Évaluation de la substance des transactions prenant la forme juridique
d’un contrat de location
SIC 29
Informations à fournir — Accords de concession de services
SIC 31
Revenu : Transactions de troc impliquant des services de publicité
SIC 32
Immobilisations incorporelles : Coûts liés aux sites web
Téléchargement