Pauvre en graisse, vite préparée et peu coû-
teuse, la volaille a la faveur des Helvètes. C’est
même la deuxième viande la plus consommée
après le porc. Son succès croît de manière phénomé-
nale, puisque chaque Suisse en mange aujourd’hui en
moyenne 3 kilos de plus qu’il y a vingt ans. La chair de
poulet ou de dinde séduit donc, mais inquiète aussi,
sa qualité microbiologique étant sérieusement re-
mise en cause.
Et notre test confirme la méfiance qu’elle inspire,
puisque sur les 40 échantillons que nous avons
confiés à notre laboratoire, 19 contiennent des
bactéries résistantes aux antibiotiques. En mars
2012, nos confrères de l’émission alémanique
Kassensturz faisaient la même constatation, tout
comme l’association hollandaise de consomma-
teurs, qui effectuait une campagne similaire. Et
cette préoccupation ne concerne pas que l’Europe.
Consumer Reports, aux Etats-Unis, a également
Volaille
Les poulets font de la résistance
47,5% des viandes de notre test
révèlent la présence de bactéries
résistantes aux antibiotiques. Des
résultats inquiétants, révélateurs d’un
grand problème de santé publique.
Anne Onidi - Aline Clerc et Barbara Pfenniger
Mieux vaut privilégier la viande indigène
PRODUITS SUISSES TYPE DE VOLAILLE DISTRI-
BUTEUR PROVE-
NANCE PRIX
AU KILO
BACTÉRIES RECHERCHÉES
E. coli Staphylo-
coque doré Campylo-
bacter
OPTIGAL Emincé de poulet Migros Suisse 33.– nll ll
BARONI Ragoût de dinde Lidl Suisse 16.63 nll ll
FRIFAG Tranche de dinde sortant à l'extérieur Migros Suisse 33.– nll ll
OPTIGAL Poulet entier Migros Suisse 9.50 nll ll
BARONI Poulet entier Lidl Suisse 7.50 ll sll
FRISCH VOM BAUERNHOF Poulet entier Aldi Suisse 7.50 nsll
M-BUDGET Poulet entier Migros Suisse 7.50 nsll
QUALITÉ & PRIX Poulet entier Coop Suisse 9.80 nsll
M-BUDGET Ailes de poulet surgelées Migros Suisse 7.– nsll
MANOR Poitrine de poulet Manor Suisse 29.– nsll
BARONI Cuisses entières de poulet Lidl Suisse 7.19 ns s
QUALITÉ & PRIX Cuisses de poulet Coop Suisse 13.– ns s
BARONI Ailes de poulet Lidl Suisse 9.07 ns s
QUALITÉ & PRIX Mini-poitrines de poulet Coop Suisse 33.50 s s s
BARONI Pilons de poulet Lidl Suisse 9.98 s s s
BBQ Cuisses entières de poulet épicées Aldi Suisse 8.87 ns ss
OPTIGAL Ailerons de poulet Migros Suisse 19.– ns ss
OPTIGAL Cuisses de poulet Migros Suisse 13.– ns ss
LE FOURNIER Poulet IP-Suisse entier Manor Suisse 12.90 ss ll ss
Prix indicatifs basés sur les références fournies en magasin. n. d. = Non disponible
frc mieux choisir I octobre 2013 I N°62
Steshkin Yevgeniy/shutterstock.com
relevé des taux élevés de bactéries
résistantes aux antibiotiques dans
la viande de dinde.
Mauvaises pratiques
Mais qui sont au juste ces
bactéries résistantes aux an-
tibiotiques et quel danger
représentent-elles pour la santé?
Pour mieux les cerner, il faut
d’abord savoir que les antibio-
tiques sont utilisés pour venir
à bout d’infections d’origine
bactérienne chez l’homme et
l’animal. La résistance appa-
raît lorsque les antibiotiques
sont administrés de manière
inadéquate. Or, en médecine
vétérinaire, les mauvaises
pratiques foisonneraient. Ain-
si, dans certains élevages, tout
le troupeau peut se voir traité,
alors que seuls quelques individus
sont malades.
Grille de lecture
Mauvais point à la multirésistance
Même si sa présence n’est pas souhaitable, la bactérie E. coli
ne fait pas courir de danger au consommateur; les échantillons
qui en contiennent obtiennent une note moyenne. En re-
vanche, si ces bactéries résistent à un antibiotique, elles sont
mal jugées, voire très mal lorsqu’elles résistent à plusieurs an-
tibiotiques. Campylobacter et staphylocoque doré sont, eux,
plus problématiques. L’échantillon est pénalisé lorsqu’il en
contient (note «mauvais») et écope d’un score très mauvais si
ces bactéries résistent à un ou plusieurs antibiotiques.
19 PRODUITS
SUISSES 21 PRODUITS
IMPORTÉS
RECOMMANDÉS 24
PASSABLES 49
À ÉVITER 156
PRODUITS IMPORTÉS TYPE DE VOLAILLE DISTRI-
BUTEUR PROVE-
NANCE PRIX
AU KILO
BACTÉRIES RECHERCHÉES
E. coli Staphylo-
coque doré Campylo-
bacter
ALDI Aiguillette de dinde premium Aldi Allemagne 12.90 nll ll
SILVER-STAR Escalopes de poulet surgelées Manor Argentine 13.90 nll ll
BOUCHERIE COOP Emincé de poulet vrac Coop n. d. 33.44 nll s
M-BUDGET Escalopes de poulet avec mini-filet Migros Allemagne 14.90 nsll
LANDJUNKER Poitrine de poulet Lidl Allemagne 14.90 nsll
VOLAILLES FERMIÈRES DE LOUÉMéd. de filet mignon de dinde fermière Coop France 41.50 ns s
GEKA Ailes de poulet Aldi Allemagne 6.99 s s ll
QUALITÉ & PRIX Escalopes de blanc de poulet surgelées Coop Brésil 13.50 ss ll ll
POLLO FRESCO Mini-steaks de dinde Aldi Allemagne 15.76 ss s ll
LANDJUNKER Escalopes de dinde Lidl Allemagne 15.78 ss s ll
QUALITÉ & PRIX Filet de dinde Coop Allemagne 24.– ss s ll
M-BUDGET Emincé de poulet surgelé Migros Brésil 12.– ss s ll
QUALITÉ & PRIX Emincé de blanc de poulet surgelé Coop Brésil 16.67 ss s ll
HENRI IV Escalopes de poulet Manor n. d. 26.50 ns ss
POLLO FRESCO Poitrine de poulet Aldi Allemagne 14.90 s s ss
MANOR Emincé de poitrine de poulet fraîche Manor Hongrie 23.50 ss ll ss
BBQ Brochettes de filet de dinde Aldi Allemagne 15.98 s ss ll
HENRI IV Escalopes de dinde Manor n. d. 28.– ss s ss
BOUCHERIE GLOBUS Blanc de poulet vrac Globus n. d. 44.– ss s ss
M-CLASSIC Escalopes de dinde Migros Allemagne 19.50 ss ss ll
POLLO FRESCO Emincé de poulet Aldi Allemagne 14.98 ss ss ll
ll = Très bon l = Bon n = Satisfaisant s = Peu satisfaisant ss = Insuffisant
1313
N°62 I octobre 2013 I frc mieux choisir
point fort I alimentation
Si les bactéries ont déserté
la viande cuite à point, elles
colonisent encore les ustensiles,
les récipients et les mains. Cinq
règles d’or pour avoir le dessus.
CUIRE | On ne le répètera jamais assez: la volaille doit être
parfaitement cuite. Si la température au centre atteint au
moins 70° C, toutes les bactéries sont détruites, qu’elles
soient nocives ou pas, et résistantes aux antibiotiques
ou non. Une viande bien cuite ne comporte plus de zone
rouge et se détache facilement des os.
LAVER | Nettoyer soigneusement tous les ustensiles
qui sont entrés en contact avec la viande crue. Pour la
planche, plus que le matériau, c’est l’entretien qui compte.
Après l’avoir lavée au savon, la faire sécher à l’air libre et
la jeter dès qu’elle est fissurée. Par ailleurs, changer fré-
quemment d’éponge à vaisselle et laver les torchons à
haute température, idéalement à 95 degrés.
ISOLER LA VIANDE CRUE | Eviter tout contact entre la
viande non cuite et des aliments consommés crus! Et
veiller à ne pas placer la viande cuite dans le plat qui a
contenu la viande crue, et à ne pas utiliser des ustensiles
ayant été en contact avec elle.
SE LAVER LES MAINS | Enlever bagues et bracelets avant
de cuisiner et se savonner à l’eau chaude après avoir tou-
ché la viande crue.
GÉRER LES SURGELÉS | La surgélation ne tue aucune
bactérie, qu’elle soit résistante ou non. Décongeler la
viande dans le réfrigérateur ou au micro-ondes, mais pas
à température ambiante, et jeter le jus qui est produit à la
décongélation.
Si les bactéries s’avèrent inoffensives, leur capacité de
résistance n’inquiète pas directement. Le problème ré-
side dans le fait que la résistance peut être transmise à
d’autres bactéries, celles-là nocives. Les infections dues à
des bactéries résistantes – qui peuvent survenir dans les
plaies, les poumons, le sang ou les voies urinaires – sont
en effet difficiles, voire impossibles à traiter. D’après les
estimations des autorités de santé de l’Union européenne
datant de 2009, 25 000 personnes mourraient chaque
année d’une infection à bactéries résistantes aux antibio-
tiques. Et le nombre d’infections de ce type augmente.
A l’hôpital universitaire de Zurich, rien que pour un type
de bactérie, on a comptabilisé 161 cas en 2010, contre
30 cinq ans auparavant.
Eviter la prolifération
Deux bactéries préoccupent plus spécialement les au-
torités médicales: le SARM (pour staphylocoque doré,
résistant à la méthicilline) et le BLSE (pour Bêta-lacta-
mase à spectre étendu). Notre laboratoire a donc traqué
ces indésirables ainsi que le Campylobacter, principale
cause de gastro-entérite dans le monde. Résultat des
courses: sur les 40 viandes de poulet et de dinde ache-
tées dans la grande distribution, 19 contiennent l’une
et/ou l’autre de ces bactéries résistantes aux antibiotiques.
Un constat: les échantillons de viande importée sont plus
touchés. La volaille bio étant encore marginale dans les
étals, nous ne l’avons pas incluse dans notre sélection.
Qu’on se rassure, la viande bien cuite ne contient plus de
bactéries actives. Mais la volaille crue peut en revanche
contaminer les personnes ou d’autres aliments consom-
més sans cuisson si les règles d’hygiène ne sont pas
appliquées. Adopter les bonnes pratiques à la cuisine est
donc plus que jamais essentiel (lire ci-dessous).
Conseils
Haro sur les bactéries
à la cuisine !
Interview de Vincent Perreten,
professeur d’épidémiologie, pistes sur
les sources de contamination et liens vers
les offices fédéraux sur frc.ch/poulet-resistant
Adopter des règles
d’hygiène strictes
avec la volaille crue
est essentiel
.
14
frc mieux choisir I octobre 2013 I N°62
point fort I alimentation
photopixel/shutterstock.com
Qu’est-ce que l’antibiorésistance?
Lorsque les antibiotiques sont consommés à tort ou en
trop grande quantité, des bactéries du corps développent
des stratégies pour leur résister. On parle de résistance
simple lorsque la bactérie a une insensibilité diminuée ou
totale à un antibiotique, et de multirésistance lorsque plu-
sieurs antibiotiques échouent à l’anéantir.
La volaille est-elle l’unique viande touchée?
Non, les autres viandes sont concernées, mais dans une
moindre mesure. Dernièrement, une équipe de chercheurs
suisses a découvert qu’une vache helvétique sur douze
était porteuse de bactéries résistantes BLSE. Chez les
poulets, c’est un animal sur quatre qui se révèle positif. Le
porc et le veau en contiennent aussi.
Quelles sont les causes de l’antibiorésistance?
Certainement l’abus et la mauvaise gestion des antibio-
tiques chez l’homme et dans les élevages d’animaux. Ces
bactéries peuvent également apparaître lors d’une conta-
mination ayant eu lieu durant l’abattage, où les conditions
d’hygiène ne sont pas toujours optimales. Les voyages
favorisent aussi la prolifération des bactéries. Et l’alimen-
tation? Selon Vincent Perreten, responsable à l’Institut de
bactériologie vétérinaire à l’Université de Berne, «même
s’il n’a pas été prouvé scientifiquement, le rôle de l’alimen-
tation dans la contamination humaine aux bactéries résis-
tantes est fort probable».
Quand est-elle apparue?
La première bactérie SARM a été isolée en 1961 déjà. En
1995, Vincent Perreten consacrait sa thèse de doctorat à
la résistance aux antibiotiques dans les fromages et les
saucisses. En 1999, la Suisse débloquait 12 millions pour
un projet de recherches axé sur cette problématique.
Nommé NRP49, ce programme avait donné naissance
au Centre suisse pour le contrôle de l’antibiorésistance
(Anresis).
Que dit la législation?
Rien pour l’instant; l’actuelle Ordonnance sur l’hygiène
ne mentionne pas les bactéries antibiorésistantes. Raison
pour laquelle les distributeurs, invités à commenter les ré-
sultats du test, ont tous répondu être dans la légalité. Ce
problème constitue pourtant l’une des priorités sanitaires
du Conseil fédéral. En juillet dernier, les Offices fédéraux
de la santé (OFSP), de l’agriculture (OFAG) et vétérinaire
(OVF) ont entamé une stratégie pour lutter contre ces
bactéries.
Que peut-on craindre à plus long terme?
Parce que les antibiotiques classiques ne sont plus à
même de traiter certains cas d’infections, les médecins
doivent de plus en plus prescrire des antibiotiques dits
«de réserve». On est sérieusement en droit de redouter
que ces médicaments de dernier recours ne deviennent
inefficaces à leur tour.
L’antibiorésistance, un problème
sanitaire complexe
mieux
comprendre
Position FRC
Il est urgent d’agir
Pour lutter contre ce problème, la FRC agit au niveau na-
tional et international, ce qui est primordial car notre pays
importe plus de la moitié de ses besoins en volaille. En
Suisse, elle participe à l’élaboration de la stratégie fédé-
rale qui devrait être adoptée en 2015. La FRC est d’avis
qu’il faut privilégier la prévention des maladies des ani-
maux afin de diminuer le besoin en antibiotiques. D’autres
mesures doivent impérativement suivre: cibler les traite-
ments (substances, dosages, individus), approfondir la
connaissance des voies de transmission et destiner les an-
tibiotiques de réserve uniquement à la médecine humaine.
Quant à la désinfection au chlore, proposée par les Etats-
Unis, la FRC la rejette énergiquement, car elle dégrade
la viande. Et notre test montre qu’on peut produire de la
volaille sans germes résistants.
Certains élevages
traitent toutes les bêtes
aux antibiotiques, alors
que seules quelques-
unes sont malades.
1515
N°62 I octobre 2013 I frc mieux choisir
point fort I alimentation
kornnphoto/shutterstock.com
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !