Finances publiques : le difficile retour à l`équilibre

publicité
Finances publiques : le difficile retour à l’équilibre
1 Un déficit public qui se comble lentement
2 La dette publique stabilisée à un haut niveau
3 Où réaliser des économies ?
4 Réduire le déficit est-il une priorité ?
1 Un déficit public qui se comble lentement.
Le déficit public correspond à la somme du déficit budgétaire (celui
de l’Etat au sens strict), aux déficits des organismes divers de
l’administration centrale (ODAC) [exemple de météo France], aux
déficits des collectivités locales et aux déficits des organismes
d’assurances sociales.
Il faut nous rappeler que jamais, depuis 1975, la France n’est
parvenue à équilibrer ses comptes publics (elle était presque à
l’équilibre en 1980).
Depuis le déficit public oscille : il se réduit un peu quand la situation
économique s’améliore (exemple du début des années 2000) et il se
détériore (beaucoup) quand la situation est mauvaise (exemple à
partir de 2008).
En 2012 la France a signé le « Pacte budgétaire » avec les autres pays
européens qui l’obligeait à parvenir à l’équilibre budgétaire en 2015.
L’échéance a depuis été reportée.
En 2015 le déficit public s’élevait à 77.5 milliards € (72 milliards
prévus pour 2016). L’essentiel du déficit public s’explique par le
déficit budgétaire (et celui des ODAC) : il représente 93.4% du déficit
public de la France.
Pour des comparaisons internationales on exprime souvent ce déficit
en % du PIB. En 2015 il était de 3.5% du PIB (3.17% prévu pour 2016)
et « obligation » de moins de 3% pour 2017 pour respecter nos
engagements européens.
La « bonne » nouvelle est que le déficit public semble se résorber
(assez lentement) ce qui est du largement à la réduction du déficit
budgétaire. La question sera de savoir d’où vient cette réduction et
quel est le prix à payer pour y parvenir.
La France a donc signé en 2012 le Pacte de budgétaire qui impose le
retour à l’équilibre structurel des comptes publics.
Un déficit temporaire peut être admis, mais uniquement en cas de
conjoncture économique particulièrement défavorable (une récession
durant deux trimestres consécutifs au moins) et avec l’accord de la
Commission européenne.
Ce pacte visait deux objectifs :
- limiter l’endettement public de certains pays de la zone euro
qui aurait pu fragiliser l’ensemble de la monnaie européenne.
- limiter les risques inflationnistes liés aux déficits : en effet,
pour financer ces déficits il faut créer de la monnaie, ce qui entraine
sa dépréciation et donc la hausse des prix.
En matière de déficits publics, la France fait un peu moins bien que
la moyenne européenne, nettement moins bien que les pays
d’Europe du nord (l’Allemagne est en excédent budgétaire de 1% de
son PIB) mais mieux que le Royaume-Uni et l’Europe du sud.
Le déficit français se résorbe donc lentement, il n’est pas loin de
l’objectif des – 3%, et il n’est pas le plus important des pays
européens.
Pourquoi alors doute-t-on de la capacité de la France à équilibrer ses
comptes publics ? La réponse est assez simple et tient dans la
permanence de ce déficit depuis plus de 40 ans.
Au fond, les divers gouvernements qui se sont tous succédés ont
considéré que le déficit était une recette comme les autres, à la
différence prés que c’est une recette indolore dans un 1° temps.
Chaque gouvernement, quelle que soit la situation économique, s’est
donc cru autorisé à pratiquer le déficit, plutôt que, par exemple,
réduire la dépense publique quand la situation s’améliore.
Au passage, quand en France on parle de réduire la dépense, il faut
comprendre « la faire moins augmenter que prévu » : en volume,
jamais la dépense publique n’a diminué en France. Au mieux, elle n’a
pas atteint le niveau prévu !
2 La dette publique stabilisée à un haut niveau.
Le problème des déficits, c’est qu’il faut les financer, c’est-à-dire
emprunter, ce qui constitue la dette publique.
A titre d’exemple, la France devra emprunter en 2017 187 milliards €
(soit en gros 500 millions d’€ par jour) pour rembourser les intérêts
de la dette (ce que l’on appelle la charge de la dette : 44.5 milliards
par an), rembourser le capital emprunté et financer les nouveaux
déficits.
La dette publique continue donc de progresser, mais à un rythme
moins rapide : pour 2016 elle atteint 2128 milliards € soit 95.7% du
PIB, en légère baisse par rapport à 2015 (96.2%).
Cette dette est dite brute : on n’y a pas soustrait les actifs dont
disposent les administrations publiques. Mais le problème de ces
actifs est que leur valeur est très discutable et qu’il semble difficile de
les vendre, pour la plupart d’entre eux.
Par habitant, la dette publique s’élève à 32 240 €
L’INSEE vient de publier les comptes trimestriels qui indiquent
qu’en % du PIB la dette publique se stabilise, voire même qu’elle
diminue légèrement : le PIB s’accroit un peu plus vite que le montant
de la dette. A priori, la barre des 100% du PIB ne devrait pas être
atteinte.
Dans la mesure où l’essentiel du déficit public s’explique par le
déficit budgétaire, il n’est pas surprenant que l’essentiel de la dette
publique soit la dette de l’Etat et des ODAC.
Elle représente 80% de la dette publique, soit pratiquement 1740
milliards €. Par comparaison, la dette des administrations de sécurité
sociale ne représente « que » 228.5 milliards €, alors que leur budget
est supérieur à celui de l’Etat (344 milliards € contre 235 milliards €).
En matière de remboursements des intérêts, une bonne nouvelle :
dans la mesure où les taux sur les dettes publiques (on les appelle les
taux souverains) sont très bas, la charge de la dette s’allège : 46.3
milliards en 2011 et 44.4 milliards en 2016.
En d’autres termes, la France s’endette un peu plus et pourtant elle
doit rembourser un peu moins. C’est normal : nous empruntons
aujourd’hui à des taux plus bas pour rembourser des dettes
contractées à des taux plus élevés. Mais attention, ceci ne devrait pas
durer : les taux commencent à remonter.
Décomposition de la dette publique de la France au 3° trimestre 2016 (total :
2160,4 milliards €)
Administrations
de sécurité
sociale; 228,5;
11%
Administrations
publiques
locales; 192,9; 9%
Etat et ODAC;
1739,1; 80%
Sur le plan des comparaisons internationales, la France n’est pas
absolument le pays le plus endetté, que ce soit en valeur absolue ou
en valeur relative.
Dette publique des "grands" pays de l'UE en milliards d'€ courants
(source : Eurostat)
2400
2300
2200
2100
2000
1900
1800
1700
1600
1500
1400
1300
1200
1100
1000
900
800
700
600
500
1999
Royaume-Uni; 2270
Allemagne; 2158
Italie; 2173
France; 2098
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Dette publique en % du PIB en 2015
Rep Tchèque
40,3
Danemark
40,4
Suède
43,9
Pologne
51,1
Finlande
63,6
Pays-Bas
65,1
Allemagne
71,2
Hongrie
74,7
UE
85
Royaume-Uni
89,1
Zone euro
90,4
France
96,2
Espagne
99,8
Belgique
105,8
Portugal
129
Italie
132,3
177,4
Grèce
0
20
40
60
80
100
Eurostat
120
140
160
180
Le bilan financier de la France est donc moyen : l’Etat n’est pas
vraiment « en faillite » mais la situation est très fragile et à la merci
d’une remontée brutale des taux ou d’une crise économique ou
financière soudaine.
Nos marges de manœuvre sont donc très réduites, d’autant plus que
nous devons nous rappeler que plus de 70% de notre dette publique
est détenue par des fonds non résidents, c’est-à-dire en gros par des
étrangers qui ne nous feront aucun cadeau.
C’est d’ailleurs la différence avec beaucoup de pays : 50% de la dette
publique allemande ou américaine sont détenus par des résidents, et
c’est le cas de plus de 80% de la dette publique japonaise.
La poursuite d’un déficit public important de la part de la France est
donc risqué, y compris en termes d’indépendance nationale.
Et n’oublions surtout pas que les dettes d’aujourd’hui seront
remboursées par nos enfants (qui auront en plus à assumer nos
retraites et nos dégâts écologiques) [« Nos enfants nous haïront »].
3 Où réaliser des économies ?
Si on veut réduire, voire faire disparaître, le déficit public, il n’y a que
deux moyens :
- soit augmenter massivement les prélèvements obligatoires :
c’est ce que François Hollande a essayé de faire en 2013-2014 avecle
résultat que l’on connaît : l’augmentation des impôts a freiné le début
de reprise économique, ce qui a retardé d’autant la réduction du
déficit (nous y reviendrons dans quelques instants).
- soit diminuer les dépenses publiques : c’est désormais
l’objectif affiché par presque tous les futurs candidats à l’élection
présidentielle.
La dépense publique française est en effet l’une des plus élevée du
monde : elle représente 57% de notre PIB. Dans le même temps, la
dépense publique moyenne de la zone euro est de 48.5% du PIB.
La dépense publique française est donc supérieure de 8.5% du PIB à
la moyenne, soit 189 milliards € « de trop ».
Les dépenses publiques en % du PIB en 2015 (source : Eurostat)
Irlande; 29,4
Etats-Unis; 35,6
Japon; 37,9
Pologne; 41,5
Rep Tchèque; 42
Royaume-Uni; 42,8
Espagne; 43,8
Allemagne; 44
Pays-Bas; 45,1
UE 28; 47,3
Portugal; 48,4
Zone euro; 48,5
Hongrie; 50
Suède; 50,3
Italie; 50,4
Autriche; 51,6
Belgique; 53,9
Danemark; 54,8
Grèce; 55,4
France ; 57
Finlande; 57,7
0
10
20
30
40
50
60
70
Il faut ici être clair : si nous voulons faire disparaître notre déficit
public sans augmenter en quoi que ce soit nos prélèvements
obligatoires, il faudrait au minimum réaliser 77 milliards €
d’économies.
Mais il faut se rappeler (conférence future) que les prélèvements
obligatoires français sont déjà parmi les plus élevés du monde : 44%
du PIB contre une moyenne pour la zone euro de 41% (37% pour les
pays de l’OCDE).
Si la France voulait donc à la fois ne pas avoir de déficit et un taux
de prélèvement obligatoire comparable à la zone euro il lui faudrait
économiser 3% de PIB en plus soit au moins 66 milliards de plus.
L’objectif de la France pourrait donc être de réduire notre dépense
publique de 77 (déficit) + 66 (réduire les prélèvements) = 143
milliards €.
Le problème étant maintenant de savoir où réaliser ces économies,
si tant est qu’il soit souhaitable (et possible) de le faire.
Nous avons déjà dit que l’essentiel du déficit public et de la dette
publique était un déficit de l’Etat, beaucoup plus qu’un déficit de la
sécurité sociale ou des collectivités locales.
Ce serait donc à l’Etat, en toute priorité, de faire des économies.
Mais où ? Quand on regarde le budget prévisionnel pour 2017 nous
sommes perplexes :
- faut-il réduire la dépense éducative sachant que les résultats
en la matière sont médiocres et que la France consacre à son
éducation à peu près le même % de PIB que les autres pays ? (autour
de 7%).
- faut-il réduire les dépenses d’intervention économique
(économie, agriculture, santé…) sachant que de très nombreux
secteurs ne subsistent justement que grâce aux aides de l’Etat ?
- faut-il réduire la dépense de sécurité intérieure et extérieure
alors que tout indique au contraire qu’il faut les augmenter (exemple
de l’effort de défense qui devrait passer de 1.77% à 2% du PIB)
Les grands postes du budget 2017 : total : 235,2
milliards € (11% du PIB)
Politique étrangère;
5,5; 2%
Ecologie et
aménagement du
territoire; 28,1; 12%
Fonctionnement de
l'Etat; 19,2; 8%
Education,
recherche et
culure; 80,8; 35%
Sécurité intérieure
et extérieure,
justice; 55,9; 24%
Economie,
emploi,agriculture,
solidarité, santé;
45,7; 19%
Alors bien entendu, la cible toute désignée sont les dépenses de
fonctionnement. Mais pour l’Etat elles ne représentent que 8% du
total, soit 19.2 milliards €.
Ceci dit, si on étudie le coût global de fonctionnement de la sphère
publique, la France fait bien partie des pays les plus « dépensiers »,
même si certains font encore moins bien.
Nous constatons par exemple que le coût de fonctionnement de la
France est supérieur de 6.2 points de PIB à celui de l’Allemagne. En
d’autres termes, si la France avait le même coût que l’Allemagne elle
réaliserait déjà 136 milliards d’économies, soit presque la totalité des
économies à réaliser.
On rejoint alors un thème très entendu ces derniers temps (et que
nous allons réentendre jusqu’au mois de mai) : la France a « trop » de
fonctionnaires. Certains envisagent donc de réduire leur nombre :
500 000 ? 300 000 ?...
Mais là aussi, la réalité est un peu plus têtue que les croyances : si en
effet la rémunération de la sphère publique a progressé en % du PIB
de 1949 (8%) à 1980 (12%), elle est stable depuis.
Il y a en effet un peu plus d’agents des services publics (1.1 million de
plus depuis 1990) mais comme leur rémunération progresse en
moyenne moins vite que le PIB, le poids de leur rémunération dans le
PIB stagne.
Si on veut réduire l’emploi public pour faire des économies, encore
faut-il savoir où :
- dans la fonction publique d’Etat, le nombre de
fonctionnaires n’a pas augmenté depuis 1990. Si on veut supprimer
500 000 fonctionnaires, il faut savoir que cela représentera
pratiquement 21% des effectifs. Est-ce possible ?
- dans la fonction publique territoriale le nombre d’emplois a
augmenté de 700 000 depuis 1990. Mais la charge en emploi ne
représente que 59 milliards €. On peut sans doute faire quelques
économies. Mais une partie de l’augmentation du nombre d’emplois
s’explique aussi par le transfert de missions de l’Etat vers les
collectivités locales.
- dans la fonction publique hospitalière le nombre d’emplois a
augmenté de 400 000. Mais dans le même temps les besoins en
personnel ont augmenté encore plus vite et le personnel hospitalier
est au bord de la rupture. Moins de personnel encore dans les
hôpitaux ? Assez difficile à concevoir, sauf à la marge.
Il y a bien sûr des possibilités de réduction des dépenses de
personnel dans la sphère publique :
- revenir aux 39 h mais seulement payées 37 h. Mais cela
suppose l’abandon de la référence aux 35 h comme durée légale du
travail en France sinon le Conseil Constitutionnel s’y opposera au
nom du principe d’égalité devant la loi.
- il est sans doute possible de réduire le nombre de personnel
d’encadrement sans réduire le nombre de personnel d’exécution :
certains organigrammes administratifs sont en effet assez « chargés »
Mais cela supposera une refonte assez complète du rapport au travail
en France et pas seulement dans le secteur public : plus d’autonomie,
plus de prise de responsabilité, moins de consignes…
Il y a enfin une autre piste à explorer en matière de réduction de la
dépense publique : les mesures en faveur des entreprises qui
atteignent en 2017 40.5 milliards €. La logique de ces mesures étant
d’encourager les entreprises à embaucher.
En 2016 l’emploi du secteur marchand en France a augmenté de 150
000 personnes. En admettant même que ces embauches s’expliquent
totalement par les réductions de charges, cela fait
216 666 € par
embauche. C’est cher tout de même !
Et on pourrait également évoquer les 83 milliards € annuels de niches
fiscales dont la Cour des comptes elle-même « doute » de la
quelconque efficacité.
4 Réduire le déficit est-il une priorité ?
Nous avons l’impression qu’une certaine « doxa » (vérité
incontournable) s’est imposée : hors l’équilibre des finances
publiques point de salut.
Pourtant l’histoire nous montre que justement certains pays se
portent nettement mieux parce qu’ils ont accepté à un certain
moment un déficit public pour contrer les effets d’une crise.
Cet enseignement, prôné par Keynes (1883-1946) en son temps a été
repris par les Etats-Unis lors de la crise de 2008 et il semble de
nouveau devoir être repris par Donald Trump. Nous avons vu
également que les anglais avaient massivement laissé augmenter leur
dette à partir de 2008.
C’est alors un paradoxe : l’équilibre des comptes publics est une
croyance très libérale, et ce sont justement des pays très libéraux qui
font exactement l’inverse, et avec quelques succès puisque leur
croissance économique est plus soutenue que la nôtre.
On connaît en effet le risque du cycle dépressif lié à la recherche à
tous prix de l’équilibre budgétaire :
Réduction des
dépenses publiques
Augmentation des
taxes et des impôts
Ralentissement de la croissance
économique, récession
Augmentation des
dépenses sociales
Faiblesse des
rentrées fiscales
Persistance du déficit
On peut donc se demander si, en 2012, une politique de résorption
rapide du déficit était vraiment souhaitable. N’aurait-on pas pu faire
comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni ? Laisser « filer » le déficit,
retrouver la croissance économique, ce qui aurait permis au final de
réduire le déficit (mais avec plus de croissance et moins de chômage)
Conclusion
L’équilibre des comptes publics est sans doute un objectif louable,
mais il doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres :
- la conjoncture économique : autant il semble évident d’être à
l’équilibre en situation de prospérité, autant vouloir le faire en
situation délicate semble discutable.
- les besoins sociaux de la population : il y a certes des
gaspillages évitables. Mais la plupart des dépenses publiques,
notamment sociales, renvoie à un véritable besoin exprimé par la
population. On évoquera ici les besoins de santé et ceux liés au
vieillissement de la population.
- les choix de société : les besoins d’une population peuvent
être laissés au secteur privé comme ils peuvent être assurés par un
secteur public. Rien n’indique vraiment la supériorité d’un système
sur un autre. Par contre, si on admet que ce soit le secteur public qui
assume ces besoins, alors il faut aussi en accepter le prix : les impôts.
Téléchargement