Mémoire de recherche Griffet - serge malik id conseil en

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Introduction
Lorsque André Malraux a dit, lors de l’inauguration de la Maison de la Culture d’Amiens le
19 mars 1966
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: « la culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait
sur terre. Et pour le reste, mieux vaut n’en parler qu’à d’autres moments, il y a aussi les
entractes », il ne pensait pas, devant l’euphorie et l’enthousiasme des nombreuses personnes
présentes pour l’occasion, que la France culturelle de 2007 serait celle d’une contradiction :
un savant mélange entre un activisme élitiste et un attentisme culturel populaire.
Aujourd’hui, deux constats peuvent être faits sur le marché de l’Art Contemporain :
- Les artistes français ne sont plus reconnus mondialement.
- Malgré de nettes avancées en 2003, le système juridique et fiscal du mécénat français est
beaucoup moins efficient que celui qu’ont adopté ses voisins européens et les Etats-Unis.
Ce deuxième constat est l’une des conséquences directes de la non-influence des jeunes
artistes français sur le marché mondial.
Artprice, leader mondial de l’information sur le marché de l’art, surveille dans un classement
mis à jour régulièrement, les scores obtenus aux enchères par les plus jeunes générations
d’artistes, ceux nés après 1960. S’ils n’arrivent pas encore au niveau de prix de Picasso,
Renoir ou Van Gogh, ils sont malgré tout, tous acclamés à l’international, et sont désormais
des valeurs incontournables aux enchères ; certains ont même déjà atteint le million de dollars
et la progression de leurs cotes est continue. Seulement, sur les dix premiers du classement
des artistes nés après 1960 les plus chers, sept sont anglo-saxons. La grande majorité est
soutenue par de prestigieuses galeries. Les autres sont l’italien Maurizio Cattelan, le japonais
Takashi Murakami et l’allemand Franz Ackermann.
Alors, pourquoi la France est-elle absente de ce classement ?
Comme cela a été dit précédemment, la France, malgré un sursaut en 2003, n’a pas encore
encré socialement les avantages considérables que pourrait lui apporter le mécénat culturel, un
mécénat qui est l’outil adéquat à un rapprochement efficient entre la culture et l’économie. En
effet, de plus en plus aujourd’hui, le monde entrepreunarial doit faire face à l’accroissement
continu de la complexité des marchés qu’il côtoie, mais aussi de celle de la gestion de ses
ressources-humaines.
La problématique principale de ce mémoire sera de considérer l’Art comme outil de gestion
des relations entre l’ensemble des collaborateurs d’une structure organisationnelle, et donc
d’analyser les enjeux et les impacts du mécénat culturel au sein même de l’entreprise.
Cette réflexion sera accompagnée tout au long de ce mémoire par trois questions
fondamentales :
-Le mécénat culturel peut-il être considéré comme un outil de communication à part entière ?
-Le Ministère de la Culture et de la Communication a t-il mis en place un plan de
communication des avantages de la loi de 2003 relative au mécénat, adéquat aux attentes et
aux contraintes du monde corporate ?
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Voir Annexe I page 83
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-Existe t-il un gain financier pour les entreprises souhaitant s’orienter vers le mécénat
culturel ?
Ce mémoire sera divisé en trois grandes parties distinctes : une étude théorique approfondie
des ouvrages et des textes écrits sur le sujet, une étude terrain axée sur l’interview de plusieurs
personnes influentes de la Culture française et sur les résultats d’un questionnaire quantitatif
administré aux salariés de quatre entreprises picardes, et une troisième et dernière partie il
sera question d’analyser de manière thématique l’ensemble des réponses apportées aux
interviews et au questionnaire.
La première partie théorique sera axée sur quatre thématiques fondamentales : l’évolution du
mécénat, de son créateur Caius Cilnius Maecenas, au mécénat social du 19
ième
siècle
américain, le cas français et les rapports entre la culture et l’Etat, la place des PME dans ce
nouveau système de communication, et enfin la prise en compte de la complexité comme
objectif principal de la gestion des ressources-humaines d’une entreprise.
Dans la partie 2, l’objectif sera, pour les interviews, de comprendre les rapports existants entre
l’économie et la culture, et pour le questionnaire, d’analyser les hypothétiques liens entre
l’Art et les attentes de plus en plus nombreuses des salariés d’une structure organisationnelle.
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1
ière
Partie : Etude théorique
1- L’histoire du mécénat
1.1 Une Culture, une Identité.
Comme nous le verrons dans une seconde partie, le mécénat est indéniablement lié à l’Art et à
la culture. L’histoire du mécénat est aussi liée à l’histoire des pays dans lesquels il s’est
développé, mais surtout aux hommes qui ont fait l’Histoire, qu’ils soient célèbres ou
anonymes.
« Les civilisations ont l’Art qu’elles méritent ou qu’un tyran leur a imposé, et dont se
glorifiera de toute façon leur descendance. »
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Prenons comme exemples, Saint-Pétersbourg, qui fut édifiée dans le sang par Pierre Le
Grand, la grande Muraille de Chine qui selon certaines légendes ne tient plus que grâce à la
chair et aux os de milliers de chinois, et bien-entendu les grandes pyramides d’Egypte qui ont
usé à mort des milliers d’esclaves. Aujourd’hui, ces édifices sont tous inscrits au patrimoine
mondial de l’humanité.
L’Homme a toujours eu une relation particulière avec l’Art qui le détermine, et ce pour deux
raisons essentielles : l’Art lui permet d’être immortel
l’Art fait partie intégrante de la culture et « les groupes humains se
définissent beaucoup mieux par leurs cultures que par leurs anatomies. »
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D’ailleurs, quelle communication est possible sans personnalité culturelle originale, sans
matière à échanger ?
C’est pour cette raison essentielle que l’Art aura toujours une place prédominante dans
l’histoire de l’humanité, et de ce fait dans la vie d’un homme et ce même s’il n’est en aucune
manière son propre reflet. Malraux dira par ailleurs : « Une des raisons pour lesquelles l’Art
m’intéresse tellement, c’est précisément sa puissance de destruction de l’Histoire. »
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Donnons tout de suite des limites à la notion de « culture », de manière à donner une structure
efficiente au sujet. Pour certaines personnes, la culture ne se résume qu’aux beaux-arts et aux
« belles lettres », et pour d’autres, elle recouvre l’ensemble des manifestations propres à
l’espèce humaine : élaboration et figuration de l’Idée, échanges, expérimentations sociales,
croyances, rites. La culture doit être prise « dans le sens de l’anthropologie culturelle et de ce
point de vue, le gouvernement de Mitterrand, l’organisation de la sécurité sociale, le débat
entre producteurs de vins italiens et français font partie de la culture française et européenne
du XX ième siècle au même titre que les travaux et l’organisation de l’Ecole pratique des
Hautes Etudes, les ouvrages de Foucault et de Lévi-Strauss, et les mises en scène du Théâtre
national populaire. »
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2
BREBISSON G, Le Mécénat, 2
ième
ed, Paris, Presse universitaire de France, 1986
3
RUFFIER J, Le complexe de Léonard, Paris, Edition Le Nouvel Observateur, 1984
4
ROGER S, André Malraux : entretiens et précisions, Gallimard, 1984
5
ECO U, Le complexe de Léonard, ouvrage déjà cité
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La Culture est donc ce qui singularise les individus et les groupes les uns par rapport aux
autres. Elle représente la finalité de l’alchimie entre le vécu personnel de chaque être et
l’Histoire de son peuple.
Pour André Malraux, il existe deux approches culturelles :
la pratique
l’œuvre
Ce sont les formes particulières de pratiques, choisies ou héritées qui déterminent la culture
d’un individu ou d’une collectivité. Ce sont ces mêmes formes de pratiques qui rendent
spécifiques chacune des cultures existantes. Mais, c’est l’œuvre en elle-même, ses
caractéristiques intrinsèques, sa vie, sa survie, sa diffusion, qui est au bout du compte
l’instrument le plus apte à permettre à quiconque de se situer vis-à-vis du reste du monde
« dans le temps et dans l’espace. »
Ce sont donc l’Art et sa survie qui sont les caractéristiques prédominantes d’une
culture. Le Mécénat est l’outil qui va leur permettre de s’unir et d’être efficients.
L’histoire du mécénat a connu jusqu’à aujourd’hui trois grandes phases :
1. L’Antiquité et Maecenas
2. Le mécénat florentin et la famille Médicis
3. Le XIX ième siècle aux Etats-Unis
1.2 L’Antiquité et Maecenas.
Caius Cilnius Maecenas (69-68 av-J.C), dont le nom francisé est Mécène, fut conseiller de
l’empereur romain Auguste. Le jeune homme rencontre le futur empereur lors d’études qu’il
poursuit en Grèce. Devenu un proche, il est nommé conseiller et s’impose rapidement comme
un fin négociateur. Passionné par les arts et les lettres, poète à ses heures, il aide volontiers les
écrivains en leur assurant sa protection. Il prend ainsi en amitié le jeune Virgile qui, libéré de
tout souci financier, peut se consacrer pleinement à l’écriture des Géorgiques. « En esthète
avisé, Caius Maecenas lui suggère de réaliser des poèmes plus didactiques dans lequel Virgile
décrira les travaux des champs et le bonheur de la vie champêtre. »
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Horace bénéficie aussi du soutien du conseiller d’Auguste ainsi que Properce et Valerius
Messala Corvinus. Rapidement, un groupe fidèle de poètes, d’écrivains et d’artistes se
retrouve régulièrement sur le mont Esquilin de Rome, dans la maison de Caius Maecenas,
« ouverte à tous et à toute heure. » Une hospitalité qui contribue à rallier ces artistes à
Auguste. Le cercle de lettrés apparaît bientôt comme le cercle officiel de la littérature
augustéenne.
« En 1526, le mot mécénat vient enrichir la langue française, occultant presque totalement le
premier protecteur des arts et des lettres de l’histoire. »
Il est important d’analyser la vie de Maecenas pour comprendre les bases, la structure de ce
qui va devenir au XVI ième siècle le mécénat ; en effet, et cela sera plus explicite quand nous
parlerons des Etats-Unis, seuls les pays qui ont su garder les valeurs principales de ce
domaine, des valeurs antiques, des valeurs liées à une volonté de mettre en place un cadre
juridique précis, sont aujourd’hui les grands pays du mécénat.
6
L’age d’or du mécénat (1598-1660), Actes du colloque international du CNRS sur le mécénat en Europe,
Edition du CNRS, 1985
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1.3 Le mécénat florentin et la famille Médicis.
« En ce jour de 1429, une foule nombreuse accompagne jusqu'à sa dernière demeure - l'église
San Lorenzo de Florence - Giovanni «di Bicci» de Médicis. Ancien gonfalonier de la ville (le
plus prestigieux des offices de justice), mécène, banquier, représentant de l'une des plus
grandes familles de Florence, le défunt avait su se faire respecter de ses concitoyens par sa
puissance et sa discrétion. Sa mort semble jeter une ombre sur l'avenir de la lignée. Tous les
regards convergent désormais sur son fils aîné, Cosme de Médicis. A quarante ans, celui-ci
parviendra-t-il à préserver les intérêts de la famille, notamment face au puissant clan des
Albizzi, maîtres de Florence ? Eduqué en prince, riche d'un patrimoine estimé à 180.000
florins, somme considérable pour l'époque, l'héritier des Médicis ne manque pas d'atouts pour
y parvenir. A commencer par la banque familiale, encore modeste en 1429, mais dont les trois
succursales italiennes jouent comme autant de relais de pouvoir et d'influence. »
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L’argent et la politique : tel est le secret de l’irrésistible ascension des Médicis ; la famille
s’est enrichie dans le commerce et l’industrie de la laine, spécialité de Florence, et commence
à « sortir de l’ombre » à la fin du XIII ième siècle, en prenant une part active à la vie de la
cité. Après avoir pris la tête de la « révolte des Ciompi », des ouvriers aux conditions de
travail misérables, la famille scelle une sorte d’alliance avec le parti populaire. La révolte sera
écrasée et les Médicis se retireront du monde politique pour se concentrer sur celui des
affaires, et c’est en 1393 que leur première banque naît.
« Deux siècles plus tard, les petites banques itinérantes ont bien changé. Devenues
compagnies commerciales, elles regroupent plusieurs associés, disposent de succursales dans
la plupart des places commerciales du monde méditerranéen et sont présentes dans toutes les
activités, de la fabrication de draps jusqu'aux mines en passant par le grand commerce
maritime, le change, les virements, les dépôts, les prêts aux princes, aux rois ou aux papes. »
Au début des années 1460, Cosme est devenu le protecteur attitré des Florentins et le
«parrain» de la ville. Mécène, ami des arts et des lettres, il s’offre même le luxe d'organiser,
en 1439, un concile à Florence pour tenter de réunir l'Eglise orthodoxe et l'Eglise catholique,
prenant à sa charge tous les frais, y compris le voyage de délégués éthiopiens. Le mécénat des
Médicis prend donc une forme particulière avec Cosme, qui porte un intérêt très vif à l’art et à
la science, « au service desquels il met sa fortune avec la libéralité d’un grand seigneur. Tout
Florence suivra son exemple. »
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Collectionneur, il est conseillé par Donatello, qu’il encouragera dans ses recherches
artistiques.
La différence entre le mécénat de Maecenas et celui de la famille Médicis est précisément
explicitée dans le fait que cette dernière va faire rentrer un nouveau facteur en jeu : le pouvoir.
Il y a ici une rupture entre la volonté et la finalité artistique de l’antiquité et la manière dont
l’Italie de la renaissance et le monde contemporain vont utiliser l’Art pour asseoir leur
domination.
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ANTONETTI P, Les Médicis, Paris, PUF, 1997
8
LUCAS-DUBRETON J, La vie quotidienne à Florence au temps des Médicis, Paris, Hachette, 1958
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