Les politiques de développement financier en Afrique

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UNIVERSITE PARIS DAUPHINE Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne Définition‐ Enjeux‐ Réalités et propositions THESE pour l’obtention du titre de Docteur de l’Université Paris Dauphine en Sciences économiques présentée et soutenue publiquement par Jean­Paul MVOGO Directeur de recherche : Joël METAIS Professeur, Université Paris Dauphine Membres du jury : Monsieur Thierry CHAUVEAU Professeur émérite, Université Paris I Sorbonne Monsieur Régis BLAZY le Rapporteur Rapporteur Monsieur Marc RAFFINOT Suffragant Monsieur Joël METAIS Directeur de thèse Professeur, Université et IEP de Strasbourg Professeur, Université Paris Dauphine Professeur, Université Paris Dauphine Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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UNIVERSITE PARIS DAUPHINE
Doctorat de Sciences Economiques
__________________
Les politiques de développement financier en
Afrique subsaharienne
Définition- Enjeux- Réalités et propositions
Thèse pour l’obtention du titre de Docteur en Sciences économiques présentée et
soutenue publiquement par
Jean-Paul MVOGO
Directeur de recherche : Joël
METAIS
Professeur, Université Paris Dauphine
Ecole doctorale de Dauphine
LEDa (Laboratoire d'Economie de Dauphine)
Membres du jury :
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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A l’Afrique, ma Terre,
Et parce que cette Terre vous donne toujours plusieurs mères,
merci Angélique, merci Rose.
Femme noire, femme africaine,
Ô toi ma mère, je pense à toi...
Ô Daman, ô ma Mère,
Toi qui me portas sur le dos,
Toi qui m'allaitas, toi que gouvernas mes premiers pas,
Toi qui la première m'ouvris les yeux aux prodiges de la terre,
Je pense à toi.
Ô toi Daman, Ô ma mère,
Toi qui essuyas mes larmes,
Toi qui me réjouissais le cœur,
Toi qui, patiemment, supportais mes caprices,
Comme j'aimerais encore être près de toi,
Etre enfant près de toi !
Femme simple, femme de la résignation,
Ô toi ma mère, je pense à toi.
Ô Daman, Daman de la grande famille des forgerons,
Ma pensée toujours se tourne vers toi,
La tienne à chaque pas m'accompagne,
Ô Daman, ma mère,
Comme j'aimerais encore être dans ta chaleur,
Etre enfant près de toi...
Femme noire, femme africaine,
Ô toi ma mère,
Merci, merci pour tout ce que tu fis pour moi,
Ton fils si loin, si près de toi.
Camara Laye, L’enfant Noir
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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REMERCIEMENTS
Le chemin est long du projet à la chose
Molière
Rédiger cette thèse a été un processus long. Au terme de ce parcours, je tiens à remercier
pour leur soutien et contribution plusieurs personnes sans lesquelles cet exercice n’aurait pas été
possible :
Mes remerciements vont tout d’abord à mes professeurs qui, avec patience et application,
ont su me transmettre leur savoir et passion. Je tiens tout particulièrement à témoigner de ma
profonde gratitude à mon directeur de thèse, le Professeur Joël METAIS, pour son aide et ses
précieux conseils. J’associe également à ces remerciements le Professeur Jérôme SGARD, pour les
intuitions glanées tout au long de son enseignement sur les crises financières, et le Professeur
Sophie MERITET pour son excellente introduction à l’économie de la concurrence.
Ma sollicitude va aussi aux membres de l’équipe pédagogique du DEA 106 et à sa secrétaire,
Madame Corinne VIRIQUE, ainsi qu’aux personnels du Service des Thèses pour leur gentillesse
(notamment Monsieur Bruno BALBASTRE).
Cette thèse de doctorat est aussi le fruit de différentes expériences au sein de la Société
Générale des Banques du Cameroun (SGBC) et de l’Agence française de Développement (AfD). Elles
ont été l’occasion de découvrir les systèmes financiers des pays en développement et de
développer de précieuses intuitions. Je tiens, par conséquent, à témoigner toute ma
reconnaissance aux personnels de ces institutions et plus particulièrement à Messieurs Grégoire
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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CHAUVIERE LE DRIAN et Nicolas MEISEL, respectivement économistes au sein du Département
Banques et Marchés financiers et du Département de la Recherche.
Tout en assumant seul la responsabilité de toute erreur contenue dans cette thèse, je tiens,
par ailleurs à associer à ce travail Francis ZE AKONO, Jean-Marie MVOGO et Matthieu
BOUSSICHAS pour leur relecture attentive et précieuse.
Au final, je tiens à remercier ma famille et mes amis pour m’avoir accompagné tout au long
de ce cheminement.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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SOMMAIRE
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 5
SOMMAIRE .............................................................................................................................................. 7
LISTE DES ABREVIATIONS ...................................................................................................................... 14
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 16
PARTIE I SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ............................. 27
Introduction....................................................................................................................................... 28
Chapitre 1 Les vertus microéconomiques de systèmes financiers efficients et développés ........... 30
Introduction ................................................................................................................................... 30
Section I – systèmes financiers subsahariens efficients et amélioration des interactions entre
agents economiques ..................................................................................................................... 31
§1- La facilitation des échanges de biens et services ............................................................... 32
§2- L’action en faveur de la mobilisation de l’épargne ............................................................. 33
§3- Les intermédiaires financiers comme financeurs de projets et créateurs d’information .. 34
§4- Des acteurs précieux en matière de gestion du risque ....................................................... 36
§5- Une action décisive sur la gouvernance des entreprises .................................................... 36
Section II – Systèmes financiers efficients et capacité des ménages à faire face aux chocs macro
et microéconomiques.................................................................................................................... 38
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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§1- La relation générale entre système financier efficient et résilience aux chocs
économiques. ............................................................................................................................ 38
§2- Le lien entre intermédiation financière, le travail des enfants, le niveau de scolarisation et
l’amélioration de l’accès aux soins de sante ............................................................................. 40
Conclusion ..................................................................................................................................... 42
Chapitre 2 Systèmes financiers efficients et croissance................................................................... 44
Introduction ................................................................................................................................... 44
Section I - La controverse théorique autour du lien finance-croissance et l’apport des modèles
de croissance endogène ................................................................................................................ 45
§1- L’approche néoclassique et les travaux fondateurs sur le lien croissance-finance ............ 45
§2-Les modèles de croissance endogène clarifient les canaux par lesquels des systèmes
financiers influent sur la croissance .......................................................................................... 48
Section II - Eléments empiriques faisant de systèmes financiers efficients un pre-requis a la
croissance en Afrique .................................................................................................................... 51
§1- Le recours à l’épargne locale comme alternative à la faiblesse des flux de financements
extérieurs................................................................................................................................... 52
§2- Différentes études économétriques attestent de la relation finance/croissance en Afrique
subsaharienne ........................................................................................................................... 54
Conclusion ..................................................................................................................................... 62
Chapitre 3 Systèmes financiers et réduction de la pauvreté ........................................................... 63
Introduction ................................................................................................................................... 63
Section I – La controverse théorique autour du lien entre système financier et pauvreté .......... 64
§1 - Le lien entre inégalités, pauvreté, croissance et politique financière............................... 64
§2 - Les théories postulant une relation positive entre systemes financiers EFFICIENTS et
réduction de la pauvreté ........................................................................................................... 66
§3 - Les théories postulant une intermediation financiere source d’ appauvrissement .......... 68
Section II - études empiriques et contribution positive du système financier à la réduction de la
pauvreté ........................................................................................................................................ 70
Conclusion ..................................................................................................................................... 71
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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Conclusion ......................................................................................................................................... 73
PARTIE II LE FAIBLE DEVELOPPEMENT FINANCIER DES PAYS SUBSAHARIENS ..................................... 75
Introduction....................................................................................................................................... 76
Chapitre 4 Une nouvelle méthodologie d’analyse du développement financier ............................ 79
Introduction ................................................................................................................................... 79
Section I – Les différentes dimensions du développement financier et les indicateurs permettant
de mesurer leur essor.................................................................................................................... 81
§1-La profondeur ou taille du système financier ...................................................................... 81
§2-Diversité du secteur financier ou complétude ..................................................................... 82
§3-Rentabilité - Stabilité ............................................................................................................ 86
§4-L’efficacité ............................................................................................................................ 88
§5-L’accessibilité........................................................................................................................ 88
§6-Les institutions d’appui ........................................................................................................ 91
§7-Ouverture du système financier .......................................................................................... 93
Section II -
Vers une typologie des systèmes financiers subsahariens.................................... 94
§1- Définitions et méthodologie ............................................................................................... 94
§2- Premiers résultats ............................................................................................................... 98
Conclusion ................................................................................................................................... 100
Chapitre 5 Des systèmes financiers peu profonds et faiblement diversifiés ................................. 101
Introduction ................................................................................................................................. 101
Section I - Les espaces financiers subsahariens affichent une capacité limitee de financement de
leur économie.............................................................................................................................. 102
§ 1- Des systèmes financiers caractérisés par une summa divisio entre l’Afrique du Sud et le
reste du continent mais aussi la domination du secteur bancaire ......................................... 102
§2 - L’incapacité des acteurs bancaires à assurer le financement de l’économie et les
phénomènes de Surliquidité ................................................................................................... 105
Section II - La faible diversité des systèmes financiers subsahariens contraint les agents
économiques dans la réalisation de leurs projets. ...................................................................... 114
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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§1- Des usagers actuels et potentiels aux besoins financiers non satisfaits ........................... 114
§2 - Peu de pays d’Afrique subsaharienne disposent d’une gamme élargie d’institutions et
d’instruments financiers.......................................................................................................... 123
Conclusion ................................................................................................................................... 143
Chapitre 6 L’accessibilité limitée aux systèmes financiers : une contrainte puissante à l’esprit
d’entreprise ..................................................................................................................................... 145
Introduction ................................................................................................................................. 145
Section I - différents facteurs freinent l’accès des ménages à des services financiers à même de
les faire participer à une croissance non paupérisante .............................................................. 147
§1- La faible accessibilité géographique des ménages aux services financiers ...................... 148
§-2 Les intermédiaires financiers doivent accomplir des efforts en matière de soutenabilité
des frais financiers ................................................................................................................... 151
§3- Des formalités parfois contraignantes .............................................................................. 153
Section II – Des PME au développement financièrement contraint ........................................... 154
§1 - Le facteur financier : une des contraintes les plus fortes pesant sur le développement des
entreprises dans l’espace subsaharien.................................................................................... 154
§2-Une acuité de la contrainte financière différente selon la taille, le secteur et la nationalité
de l’entreprise ......................................................................................................................... 161
Conclusion ................................................................................................................................... 164
Chapitre 7
Le faible niveau de concurrence : une explication à l’excellente rentabilité et à
l’efficacité relative des intermédiaires financiers ? ........................................................................ 165
Introduction ................................................................................................................................. 165
Section I – Le paradoxe des institutions financières subsahariennes : fortes rentabilités mais
faibles efficacité........................................................................................................................... 166
§1-La profitabilité des intermédiaires financiers subsahariens : mythe, realite ou normalite ?
................................................................................................................................................. 167
§2 – Une rentabilité tributaire du faible degré de concurrence ? .......................................... 172
Section II - Concurrence et efficacité des banques au sein de l’arc subsaharien........................ 175
§1 - La concurrence : ses différentes acceptions et techniques de mesure ........................... 176
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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§2-Les systèmes bancaires d’Afrique subsaharienne : entre forte concentration et faible
concurrence ............................................................................................................................. 186
§3-Faible concurrence et faible efficacité bancaire : le lien par les inefficiences X ................ 193
Section III – Le pari des pays subsahariens : limiter la concurrence pour favoriser la stabilite au
detriment de l’efficacite et de la diversite ? ............................................................................... 198
§1-Le lien positif entre concurrence et développement financier.......................................... 200
§2- La vision de la concurrence comme élément déstabilisateur ne résiste pas à un examen
minutieux................................................................................................................................. 207
Conclusion ................................................................................................................................... 218
Conclusion ....................................................................................................................................... 220
Partie III DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT FINANCIER DESEQUILIBRES ................................... 223
Introduction..................................................................................................................................... 224
Chapitre 8 La notion de politique de développement financier .................................................... 227
Introduction ................................................................................................................................. 227
Section I- Le développement financier comme bien public et les imperfections associées à sa
production ................................................................................................................................... 228
§1 - Le développement financier comme bien public ............................................................. 229
§2-Les phénomènes de passager clandestin et les imperfections liées à la création de biens
collectifs justifient l’intervention des pouvoirs publics ........................................................... 234
Section II- Faire de la politique de développement financier un nouvel outil des politiques de
développement ........................................................................................................................... 239
§1-Politique de développement financier de facto et développement financier de jure ...... 240
§2- Objectifs finaux, intermédiaires et canaux de la politique de développement financier . 241
§3 - Les politiques agissant sur les fondamentaux .................................................................. 247
§4-Les politiques agissant sur les dimensions ......................................................................... 253
Conclusion ................................................................................................................................... 261
Chapitre 9 Les leçons d’un siècle de développement financier dans l’arc subsaharien ................ 264
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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Introduction ................................................................................................................................. 264
Section I - Des politiques de développement financier volontaristes, finalement victimes de la
généralisation de pratiques de gouvernance défaillantes (1960-1980) ..................................... 266
§1-Des institutions financières au service de la mobilisation de l’épargne et du financement
de l’investissement .................................................................................................................. 266
§2-Une période de développement financier réel … .............................................................. 268
§3-… Interrompue par l’extension de pratiques de gouvernance publique et privée
dommageables ........................................................................................................................ 271
Section II - Les réformes de libéralisation financière n’ont pas remis le malade sur pied .......... 274
§1 - La crise financière affecte durement les mécanismes du développement financier ...... 274
§2-Le bilan contrasté des réformes de libéralisation .............................................................. 277
Conclusion ................................................................................................................................... 279
Chapitre 10
De la politique de développement financier aux politiques de développement
financier ........................................................................................................................................... 282
Introduction ................................................................................................................................. 282
Section 1- Le développement financier en Afrique subsaharienne requiert des politiques
pragmatiques et non des solutions dogmatiques ....................................................................... 283
§1 - L’exemple des pays de l’OCDE : coexistence de mécanismes d’intervention directE et
régulation par les marchés ...................................................................................................... 285
§2- pragmatisme et gouvernance améliorée : les clés du succès des politiques de
développement financier subsahariennes .............................................................................. 292
Section II - Des politiques de développement financier déséquilibrés ....................................... 307
§1-
Des politiques de developpement financier notoirement centrees sur l’offre ou la
demande de services financiers .............................................................................................. 307
§2- Axer les politiques de developpement financier sur le renforcement de la demande de
services financiers ................................................................................................................... 312
Conclusion ................................................................................................................................... 319
CONCLUSION ....................................................................................................................................... 321
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 324
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 12
ANNEXES.............................................................................................................................................. 341
Liste des illustrations ....................................................................................................................... 342
Liste des tableaux ............................................................................................................................ 345
Liste des encadrés ........................................................................................................................... 347
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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LISTE DES ABREVIATIONS
Sigles
AfD
APD
ASS
BAD
BCEAO
BDEAC
BEAC
BM
BOAD
BRVM
CAD
CAR
CBN
CEDEAO
CEDEAO
CEMAC
CNUCED
DAB/GAB
EAC
F CFA
FANAF
FMI
IDE
IDH
IFAD
IFNB
IMF
MENA
NEPAD
OCDE
OHADA
OMC
Signification
Agence française de Développement
Aide publique au Développement
Afrique Sub-Saharienne
Banque Africaine de Développement
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale
Banque des Etats de l’Afrique Centrale
Banque Mondiale
Banque Ouest Africaine de Développement
Bourse Régionale des Valeurs Mobilières d’Abidjan
Comité d’Aide au Développement
Capital Adequacy Ratio
Central Bank of Africa
Communauté Economique de Développement de l’Afrique de l’Ouest
Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
Distributeur Automatique de Billet/Guichet Automatique Bancaire
East African Community
Franc de la Communauté Financière Africaine, Coopération Financière en Afrique Centrale
Fédération des Sociétés d'Assurances de droit National Africaines
Fonds monétaire international
Investissement Direct étranger
Indicateur de Développement Humain
International Fund for Agriculture Development
Institutions Financières Non Bancaires
Institutions de Microfinance
Middle East and North Africa
Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique
Organisation pour la Coopération et le Développement Economique
Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique
Organisation Mondiale du Commerce
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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Sigles
OMD
ONU
PAS
PAZF
PED
PIB
PME
PNB
RBE
RNB
ROA
ROE
TGE
TIC
TPE
UA
UEMOA
ZF
Signification
Objectifs du Millénaire pour le Développement
Organisation des Nations Unies
Programme d’Ajustement Structurel
Pays Africains de la Zone Franc
Pays En Développement
Produit Intérieur Brut
Petites et Moyennes Entreprises
Produit Net Bancaire
Revenu Brut d'Exploitation
Revenu national brut
Return on Assets
Return on Equity
Très Grandes Entreprises
Technologies de l’information et de la communication
Très Petites Entreprises
Union Africaine
Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
Zone Franc
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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INTRODUCTION
L’Afrique noire est mal partie.
René Dumont
La Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique découvrit que les pays qui suivaient les
programmes recommandés par le FMI avaient des taux de croissance inférieurs à ceux des pays qui se
reposaient sur le secteur public pour répondre aux besoins fondamentaux de leur population.
Noam Chomsky, L'An 501, la conquête continue
Le capital ne manque, ce qui manque, c’est la vision.
Denis Watley
Contrastant avec les sombres prédictions de René Dumont, l’optimisme semble de retour en
Afrique subsaharienne. Il faut dire que les décennies 80 et 90 ont été une période noire, souvent
considérée à juste titre comme les décennies perdues du développement. Depuis 2000, cet espace
enregistre un regain de croissance, bien loin des taux antérieurs (2,1% en moyenne entre 1980 et
1990 contre 4,8% sur la période 2000-2005 et 6,2% en 2007). D’autres indicateurs témoignent de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 16
ce passage au vert. Si l’Indice de Développement Humain du PNUD recule dans certains pays, la
tendance est globalement à la hausse dans l’arc subsaharien, signe d’une amélioration graduelle
des conditions de vie des habitants (Cf. graphique n°1).
Ces performances sont le fruit de profondes réformes structurelles réalisées par les Etats
depuis le milieu des années 80. Le passage sous les fourches caudines de l’ajustement structurel,
au-delà des critiques sur ses conséquences sociales, a permis aux pays subsahariens d’améliorer
leurs finances publiques et de réduire leur niveau d’inflation. Par ailleurs, contrairement à l’image
véhiculée par les médias à l’occasion des grandes crises (Kenya, Zimbabwe, Tchad), les transitions
démocratiques conduisent progressivement à une plus grande stabilité politique ainsi que l’atteste
la baisse de l’indicateur de troubles politiques développé par la Banque Africaine de
Développement et l’OCDE (Cf. graphique n°1). Les initiatives de lutte contre la corruption et
différentes réformes réglementaires (instauration de l’OHADA1, par exemple) contribuent à
l’amélioration de l’environnement des affaires.
Toutefois, la hausse de la croissance africaine est aussi largement liée à des facteurs
exogènes. Au-delà des annulations de dette qui octroient aux Etats subsahariens de nouvelles
marges de manœuvre, la hausse des prix des matières premières arrive au premier rang des
facteurs expliquant les performances actuelles des économies africaines. Les recettes issues de ces
flux commerciaux représentent parfois les trois quarts des ressources budgétaires de l’Etat.
Une telle dépendance expose les pays subsahariens à d’éventuels retournements
conjoncturels résultant d’une baisse de la demande de matières premières ou de la générosité des
bailleurs. Elle remet en cause la capacité des pays de l’arc subsaharien à atteindre le taux de
croissance soutenu de 7-8% considéré par les Nations Unies et la Banque Mondiale comme un
minimum pour la réalisation des Objectifs de Développement du Millénaire.
Réaliser de manière durable et auto-entretenue ce taux de croissance nécessite le
développement d’un secteur privé dynamique, au-delà du secteur exportateur de matières
premières. Malheureusement, sur ce chemin de Damas, les obstacles sont nombreux pour les
entrepreneurs subsahariens. Et l’accès ainsi que le coût du financement ne sont pas les moindres.
En effet, l’accès et le coût du financement apparaissent au deuxième rang des contraintes
rencontrées par les entrepreneurs subsahariens lorsqu’ils souhaitent développer leurs activités,
juste après la contrainte énergétique2 (Banque Mondiale, 2008). La puissance de l’obstacle
financier peut expliquer bien des paradoxes présents dans l’arc subsaharien.
1
Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. Institution regroupant 16 pays africains avec pour
finalité l’harmonisation et la réforme de leurs droits privés.
2
A titre d’exemple, la crise énergétique que traverse actuellement l’Afrique du Sud explique en grande partie le
ralentissement de la croissance économique (5,4% en 2007 contre une prévision de 3,4% en 2008) et l’effondrement de la
production minière au cours de l’exercice 2007 (-17,2%)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 17
Ainsi la crise alimentaire et les émeutes de la faim3 qu’ont connues la majorité des pays de cet
espace sont dues, entre autres causes, à la baisse des financements octroyés au secteur agricole4.
Le facteur financier est aussi à considérer dans la hausse des flux migratoires en provenance de cet
espace. En effet, faute d’activités ou d’opportunités de créer une activité dans le secteur formel, de
nombreux jeunes étudiants africains se trouvent contraints à un triple choix aux conséquences
parfois tragiques:
(i)
(ii)
(iii)
rejoindre la cohorte des chômeurs,
prospérer dans l’informel ou
migrer vers des cieux plus cléments selon eux.
La puissance de la contrainte financière pesant sur l’arc subsaharien est d’autant plus
paradoxale que l’Afrique ne manque pas de ressources financières : la Cnuced (2007a) estime à
près de 10 milliards de dollars au minimum le volume annuel de la fuite des capitaux, avec un pic à
21 milliards en 2005 (Cf. figure n°2). Ces flux traduisent une des limites des systèmes financiers
subsahariens : leur capacité limitée à remplir pleinement leur fonction de transformation et plus
largement d’intermédiation.
3
L’huile de palme a augmenté de 140% entre décembre 2007 et mars 2008 au Cameroun. Sur la même période, le sac de 50
kg de blé a progressé de près 46% au Togo tandis que le kilo de riz s’envolait de 40% en Côte d’Ivoire et le kilo de farine
progressait de 35% au Congo. Source : Jeune Afrique (2008), Les prix flambent, l’Afrique souffre, n°2461, du 9 au 15 mars
2008.
4
La part de l’aide internationale consacrée à l’agriculture est passée de 26% à la fin des années 80 à moins de 5% en 2005.
(Ministère Français des Affaires Etrangères, 2008).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 18
Figure 1: Quelques grandeurs socio-économiques caractérisant l’espace subsaharien
Evolution de l’IDH dans différents pays
africains (1975-2004)
Evolution de la croissance et des troubles politiques en Afrique
subsaharienne (1996-2007)
Source : Cnuced (2007a)
Source : Pnud (2008)
Source : OCDE (2008) et auteur.
Pays retenus pour réaliser l’indice: Afrique du Sud, Botswana, Burkina Faso,
Cameroun, Tchad, Côte d'Ivoire, Guinée Equatoriale, Ethiopie, Gabon, Ghana,
Kenya, Mali, Maurice, Mozambique, Namibie, Nigeria, Sénégal, Tanzanie,
Ouganda, Zambie et Zimbabwe. L’indicateur comprend des variables portant sur
les grèves, manifestations, blessés et morts politiques ainsi que les coups d’Etat.
Différentes études ont jeté d’excellents jalons dans la compréhension des systèmes
financiers subsahariens et l’analyse de leurs dysfonctionnements *Monga (1997), Joseph (2000 et
2002) ou Chouchane-Verdier (2001)+. Elles s’accordent toutes sur le diagnostic du blocage de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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l’intermédiation dans l’aire subsaharienne et pointent, entre autres facteurs, le rôle des asymétries
d’information, l’impact de techniques de décision peu efficientes, le manque de garanties et les
dysfonctionnements des procédures de recouvrement. Elles soulignent la faiblesse du crédit
octroyé, la structuration défaillante des acteurs financiers et les attentes insatisfaites de leurs
utilisateurs.
Afrique subsaharienne : différents flux financiers en 2005 (mds
de $)
Figure 2: Différents flux financiers vers et en provenance d'Afrique subsaharienne. Source: Cnuced
(2007a), IFAD (2007) et Cnuced (2007b)
Loin de se livrer à une réécriture ou à une réinterprétation de ces travaux, cette thèse
abordera la problématique du financement dans l’arc subsaharien sous un angle différent,
développant ainsi une intuition née pendant un stage au sein de la Société Générale des Banques
du Cameroun. Cette dernière, à la limite de l’interpellation ou du questionnement, interroge la
qualité de la gouvernance des actions mises en œuvre pour favoriser l’essor des systèmes financiers
comme pouvant être un des facteurs à même d’expliquer leurs piètres performances.
Cette intuition part d’un constat : en matière de structuration de leurs systèmes financiers,
comme dans d’autres secteurs, les pays subsahariens possédaient à la fin de la Seconde Guerre
Mondiale des niveaux de développement proches de certains de leurs homologues asiatiques. Un
demi-siècle plus tard, l’écart est patent et ne cesse de s’accroître avec la convergence des systèmes
financiers asiatiques vers les pays les plus développés de l’OCDE. Or, la qualité des politiques
publiques a souvent été considérée comme étant un des facteurs clé du succès des différents
secteurs de l’économie réelle des pays asiatiques. Le niveau élevé de la contrainte financière dans
l’arc subsaharien pourrait-il s’expliquer par la faillite de la gouvernance des politiques menées par
les pouvoirs publics pour favoriser l’essor de ces systèmes financiers ? Et surtout, quel impact ces
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 20
défaillances de la gouvernance du secteur financier ont-elles sur la croissance mais aussi sur les
mécanismes de réduction de la pauvreté ?
Plus particulièrement, il faudra s’interroger, en déclinant les différents avatars de la notion
de gouvernance, sur la capacité des Etats à identifier au bon moment les besoins financiers des
agents économiques mais aussi sur leur aptitude à développer des instruments à même d’y
répondre.
Loin de reproduire le clivage opposant dogmatiquement partisans de la libéralisation
financière et ceux d’une intervention plus forte de l’Etat, cette thèse s’attellera à répondre à ce
questionnement en trois temps. La première partie aura à cœur d’améliorer l’intelligence de la
notion de systèmes financiers définis comme un ensemble intégrant les intermédiaires financiers
certes, mais aussi les instruments proposés par ceux-ci, les différents marchés sur lesquels ils
opèrent et les institutions légales et réglementaires qui en assurent le bon fonctionnement. Le
chapitre 1 reviendra sur les différentes fonctions microéconomiques que des systèmes financiers
efficients proposent aux agents non financiers et leurs effets positifs sur la qualité et le volume des
interactions entre ceux-ci. En présentant les différentes imperfections pouvant affecter ces
fonctions, ce chapitre met aussi en lumière les causes du blocage de l’intermédiation dans l’arc
subsaharien.
Le chapitre 2 s’appuiera sur ces fondements microéconomiques pour établir l’influence
d’une intermédiation financière efficiente sur la croissance et ses composantes. Il mettra
notamment en exergue le rôle que peuvent jouer des systèmes financiers bien structurés dans
l’intégration réussie au commerce international, un élément important pour des économies
subsahariennes qui représentent sur longue période moins de 3% du commerce mondial.
Le chapitre 3 essaiera de présenter l’état de la connaissance sur le lien entre structuration
financière et réduction de la pauvreté. Bien qu’encore ambiguë, cette relation semble étayée par
de nombreux travaux théoriques reposant sur la capacité d’intermédiaires financiers efficients de
proposer des solutions de financement à des ménages pauvres porteurs de projets rentables.
Au-delà de cet examen de la contribution des systèmes financiers à la croissance et à la
réduction de la pauvreté, la deuxième partie aura à cœur de dresser un état des lieux des systèmes
financiers en Afrique subsaharienne. Elle marquera aussi un pas qualitatif dans l’analyse de la
structuration des systèmes financiers en ayant à cœur de déterminer si leurs différentes fonctions et
mécanismes contribuent au développement socioéconomique dans l’arc subsaharien. Cet exercice
sera réalisé à travers une réflexion sur la notion de développement financier, c’est-à-dire un
processus multidimensionnel par lequel un système financier gagne en accessibilité, profondeur,
efficacité, rentabilité, stabilité, qualité institutionnelle, propose une plus grande diversité
d’institutions et d’instruments aux agents économiques et s’ouvre aux flux internationaux de
capitaux. Cette définition met l’accent sur sept dimensions fondamentales mais qui ne doivent pas
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 21
être considérées de manière exclusive dans la mesure où elles interagissent entre elles pour
concourir au développement financier d’un pays :
1-La profondeur du système financier ;
2-L’accessibilité des agents économiques au système ;
3-L’existence d’institutions d’appui permettant son bon fonctionnement ;
4-La rentabilité et la stabilité des institutions et du système dans son ensemble ;
5-L’efficacité des intermédiaires financiers ;
6-La complétude ou diversité du système financier et
7-L’ouverture du système financier.
Les sept dimensions retenues pour caractériser le développement financier sont non
seulement à même de caractériser le niveau de maturité d’un système financier mais constituent
aussi une approximation de l’impact du système financier sur les opérations des agents
économiques non financiers. Le chapitre 4, en proposant une batterie de variables susceptibles de
mesurer le degré de maturité de chaque dimension, jette les bases d’une série d’indicateurs de
développement financier. Se livrer à un tel exercice quantitatif n’est pas aisé en raison de la nature
encore parcellaire des données sur les systèmes financiers subsahariens et ce malgré des progrès
significatifs.
En sus de cette approche quantitative, les chapitres 5, 6 et 7 permettent de préciser
qualitativement l’état du développement financier dans l’arc subsaharien. S’il est globalement
faible, la profondeur et la diversité des institutions financières apparaissent comme étant les
parents pauvres des systèmes financiers subsahariens. Ces deux dimensions pèsent fortement sur
l’aptitude des économies à développer de nouvelles opportunités productives mais aussi à obtenir
des services financiers à même de conduire leurs agents non financiers vers des équilibres
optimaux. Une telle situation, accrue par l’accessibilité réduite des ménages et des PME aux
systèmes financiers, limite la création d’emplois mais aussi les opportunités de sortie de l’informel
et plus largement de la pauvreté.
Cet état des lieux est d’autant plus consternant que la rentabilité moyenne des intermédiaires
financiers subsahariens est excellente dans un système caractérisé par un retour à la stabilité
(chapitre 7). Ce hiatus entre une faible contribution aux besoins des acteurs et une bonne
rentabilité s’explique peut être par le niveau limité de concurrence au sein des sphères financières
de l’arc subsaharien et plus particulièrement de leur compartiment bancaire. Une situation qui
pourrait être le résultat d’une préférence des autorités bancaires pour la stabilité au détriment des
effets escomptés de la concurrence en matière d’innovation ou de qualité du service.
La troisième partie fera des dynamiques des acteurs, et plus particulièrement celles des Etats
subsahariens, la clé du sous-développement dont souffre cet espace. Le chapitre 8 insistera sur la
nécessité de déployer des politiques publiques ad hoc dites politiques de développement financier
en démontrant le caractère de bien public du développement financier et l’existence de toute une
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 22
série d’imperfections affectant sa production. Tout en posant le cadre conceptuel de cette nouvelle
politique, ses objectifs finaux, intermédiaires et ses instruments, ce chapitre reviendra sur un des
aspects indispensables à la réussite des politiques de développement financier : leur formalisation.
Le chapitre 9 analysera sur longue période (de l’ère coloniale à la décennie 2000) les modes
de régulation et la gouvernance des politiques de développement financier mises en œuvre au sein
de l’arc subsaharien. De cette analyse, ressortiront deux grandes conclusions. Premièrement, loin
de la traditionnelle condamnation des interventions de l’Etat au sein des sphères financières
pendant les décennies 60-70, cette période correspond en fait à un épisode de développement
financier réel. Les crises qui minent les systèmes financiers subsahariens au milieu des années 80
résultent plus une démission de la gouvernance des politiques de développement financier qu’une
remise en cause de leurs instruments. Deuxièmement, les thérapies de restructuration des
systèmes financiers subsahariens n’ont pas réussi à susciter un développement financier
harmonieux. Notamment, parce qu’elles ne se sont pas attardées sur les causes profondes du
blocage de l’intermédiation (faible diversification économique, niveau élevé de risque, rationalité
atypique des agents). Mais aussi parce qu’elles ont créé un piège d’économie politique autour
duquel gravitent les différentes parties prenantes du développement financier sans qu’aucune
d’entre elles n’accepte de porter le poids de réformes structurelles profondes.
En mettant en perspectives les politiques de développement financier au sein de l’OCDE et
des pays subsahariens, le chapitre 10 s’appuiera sur les résultats du chapitre 9 pour apporter une
conclusion forte : l’écart de performances des systèmes financiers de ces deux ensembles pourrait
s’expliquer par la divergence de la gouvernance de la politique de développement financier en
Afrique subsaharienne. Divergence qualitative, tout d’abord, avec la multiplication de pratiques
malsaines. Divergence dans les instruments, ensuite, avec la renonciation à toute forme
d’intervention forte de l’Etat au sein des systèmes financiers subsahariens. Face à ces divergences,
le chapitre 10 démontrera que seules des politiques de développement volontaristes, avec une
implication plus forte de l’Etat, sont à même de résorber les déséquilibres affectant le
développement financier dans l’arc subsaharien.
Longtemps, une telle prise de position aurait été soumise à de vives critiques en raison de la
promotion des théories de la libéralisation financière. Deux éléments laissent espérer qu’elle sera
bien accueillie. Premièrement, la publication du rapport The Growth Report: Strategies for Sustained
Growth and Inclusive Development par la Commission pour la croissance et le Développement
(Commission on Growth and Development, 2008)5. Mais aussi le rapport 2007 de la Cnuced sur le
développement en Afrique intitulé Le Développement économique en Afrique, Retrouver une marge
5
La Commission on Growth and Development est un groupe de travail qui a réuni entre 2006 et 2008 une vingtaine de
praticiens du monde des affaires et des questions de développement pour réfléchir sur les stratégies de développement du
XXIème siècle. Dirigée par le prix Nobel Michael Spence et le vice-président de la Banque Mondiale (Danny Leipziger), elle
comprend entre autres membres Kemal Dervis (administrateur du PNUD), Trevor Manuel (Ministre des finances sud africain)
ou le prix Nobel d’économie Robert Solow.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 23
d’action- La mobilisation des ressources intérieures et l’Etat développementiste (Cnuced, 2007a). Ces
deux contributions placent une intervention publique forte au cœur des processus de structuration
de la sphère financière.
Afin de ne pas rééditer les dérives des décennies 60-80, quelques principes forts seront
présentés et formeront la base d’une gouvernance renouvelée des politiques de développement
financier au sein de l’arc subsaharien.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 24
L’Afrique subsaharienne et ses composantes
L'Afrique sub-saharienne, parfois qualifiée appelée « Afrique noire », est souvent mise en opposition avec l'Afrique du Nord, limitée au Sud par le Sahel.
Plusieurs facteurs socio économiques sont traditionnellement utilisés pour alimenter cette summa divisio : revenu par habitant et niveaux d’IDH
(globalement plus élevés en Afrique du Nord), dynamique de croissance et intégration dans la mondialisation (moins rapide et intense en Afrique
subsaharienne, exception faite de l’Afrique du Sud), l’histoire ou le peuplement. L'Afrique sub-saharienne est généralement subdivisée en quatre sousrégions :
- l’Afrique de l'Ouest,
- l’Afrique de l'Est,
- l’Afrique centrale,
- l’Afrique australe.
Afrique de l'Ouest :
Afrique de l’Est
Afrique centrale
Afrique australe
Sont généralement considérés comme Sont généralement considérés Sont généralement considérés Sont généralement considérés comme
appartenant à cet ensemble les pays comme appartenant à cet comme
appartenant
à
cet appartenant à cet ensemble les pays
suivants :
ensemble les pays suivants :
ensemble les pays suivants :
suivants :
Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Érythrée, Éthiopie, Djibouti, Burundi, République centrafricaine, Afrique du Sud, Angola, Botswana,
Gambie, Ghana, Guinée, Guinée- Somalie,
Kenya,
Ouganda, Tchad, République démocratique Comores,
Lesotho,
Madagascar,
Bissau, Cap-Vert, Libéria, Mali, Tanzanie.
du Congo (Congo-Kinshasa, l'ex- Malawi,
Maurice,
Mozambique,
Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal,
Zaire), Rwanda, Cameroun, Guinée Namibie, Swaziland, Zambie, Zimbabwe.
Sierra Leone, Togo.
équatoriale, Gabon, République du
Congo (Congo-Brazzaville), Angola,
Zambie.
Certains pays de l'Afrique australe
sont parfois considérés comme
faisant partie de l'Afrique centrale.
Tableau 1: L’Afrique subsaharienne et ses subdivisions géographiques. Source: auteur et Wikipedia (2008)
Figure 3: Les organisations régionales africaines. Source : Durand, M-F, Martin, B. et Törnquist-Chesnier, M., (2007)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 26
PARTIE I
SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS ET
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
INTRODUCTION
Semblables à l’huile qui adoucit les mouvements d’une machine compliquée, les monnaies, répandues
dans tous les rouages de l’industrie humaine, facilitent des mouvements qui ne sont plus productifs
dès que l’industrie cesse de les employer
Say, Traité d’Economie politique, 1803
Le banquier n’est donc surtout pas un intermédiaire dont la marchandise serait la puissance d’achat ;
il est d’abord le producteur de cette marchandise
Schumpeter, Business Cycles
Les banquiers ne prêtent qu’aux riches
Diction populaire
Comprendre la nécessité d’une action publique en faveur de systèmes financiers plus
efficients en Afrique subsaharienne nécessite une bonne intelligence des mécanismes par
l’intermédiaire desquels ceux-ci agissent sur les différentes dimensions du développement. Depuis
quelques années, l’essor de la microfinance, au-delà de son impact direct sur le bien être des plus
pauvres, a redonné une impulsion forte aux travaux portant sur l’action de systèmes financiers
efficients en faveur du développement.
L’organisation de la conférence des Nations Unies "Financing for Development" à Monterrey
en 2002, l’attribution du prix Nobel de la Paix 2006 à Muhammad Yunus ou la hausse des concours
d’aide publique au développement destinés à la structuration des systèmes financiers des PED
illustrent cet intérêt6. Cette attention pour les systèmes financiers contraste avec des décennies de
politique de développement et plaide pour un examen du rôle de systèmes financiers efficients dans
les pays d’Afrique subsaharienne (ASS). Ces derniers sont, en effet, réputés pouvoir exercer une
6
Bien au-delà de la déferlante micro finance, cet engouement est consacré en Afrique subsaharienne par la publication par
différentes institutions internationales de plusieurs rapports majeurs consacrés à cette question. Ainsi, en 2007, la Banque
Mondiale a présenté en grandes pompes son rapport Making Finance Work For Africa (Banque Mondiale, 2007) tandis que
la Cnuced a intitulé son rapport 2007 sur le développement économique en Afrique Retrouver une marge d’Action : la
mobilisation des ressources intérieures et l’Etat développementiste (Cnuced, 2007).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 28
influence multidimensionnelle indirecte et directe sur différentes variables affectant le
développement.
Microéconomiquement, ils sont réputés exercer un rôle fondamental en réduisant le niveau
de risque des agents économiques non financiers, en contrôlant l’exécution de leurs projets, en
jouant le rôle d’intermédiaire entre les agents à capacité de financement et ceux ayant des besoins
de financement et en proposant une gamme d’instruments de paiement. Ce faisant, ils contribuent à
la diversification, à l’augmentation de la qualité et du volume des opérations mises en œuvre par les
autres agents économiques (chapitre 1).
Ces fonctions microéconomiques expliquent les vertus de systèmes financiers efficients sur la
croissance (chapitre 2) et la réduction de la pauvreté (chapitre 3). Toutefois, ainsi que l’atteste la
référence à la vox populi, à Joseph Schumpeter et à Jean Baptiste Say, les effets positifs des systèmes
financiers dans ces deux domaines ont longtemps fait débat. Malgré leurs limites, différentes études
empiriques commencent à y apporter une réponse en légitimant l’attention portée aux systèmes
financiers dans l’arc subsaharien.
Face à cette présentation des effets vertueux de systèmes financiers efficients sur le
développement, les pays d’Afrique subsaharienne semblent ne pas être en mesure d’en récolter les
fruits tant leurs systèmes financiers se caractérisent par des niveaux de structuration et de
développement parmi les plus faibles au monde (partie II).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 29
CHAPITRE 1
LES VERTUS MICROECONOMIQUES DE
SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS ET
DEVELOPPES
La finance est l'art de faire passer l'argent de mains en mains jusqu'à ce qu'il ait disparu.
Robert W. Sarnoff
INTRODUCTION
A l’instar de Sarnoff, le rôle de l’intermédiation financière a longtemps été envisagé de
manière négative voire sarcastique. Face à cette vision, le rôle des intermédiaires financiers dans
l’essor des interactions entre les différentes catégories d’agents économiques a fait l’objet de
nombreux développements au sein de la littérature économique.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 30
Historiquement, l’étude des vertus d’un système financier efficient a d’abord été réalisée en
considérant les conséquences bénéfiques de l’action des intermédiaires financiers au niveau
microéconomique. Nous inscrirons notre travail dans cette tradition car la compréhension des
fondements microéconomiques de l’utilité de systèmes financiers efficients est nécessaire à la
bonne intelligence de leur impact macroéconomique (action sur le rythme, le niveau et la qualité de
la croissance) mais aussi en matière de réduction de la pauvreté.
Afin de ne point déroger à la tradition académique, l’analyse des fonctions
microéconomiques remplies par un système financier sera réalisée en suivant une typologie
proposée par Levine (2005). Pour ce dernier, un système financier efficient remplit cinq fonctions
majeures:
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
la facilitation des échanges de biens et services ;
la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
la production d’informations sur les investissements envisageables et l’allocation de
l’épargne ;
la répartition, la diversification et la gestion du risque ;
et au final, le suivi des investissements en exécution et le contrôle de la gouvernance.
Ces différentes fonctions sont à même de contribuer à l’amélioration des transactions
effectuées entre les différentes classes d’agents économiques, et à travers eux, elles favorisent une
meilleure efficience de l’économie dans son ensemble. A ce titre, ces fonctions constituent les
fondements microéconomiques de l’impact macroéconomique des systèmes financiers. Leur analyse
dans le contexte des pays d’Afrique subsaharienne révèle un certain nombre de goulots
d’étranglements, bien souvent à l’origine de blocages macroéconomiques affectant la croissance
dans l’espace subsaharien.
La section I présente une revue de la littérature portant sur les effets positifs associés à ces
différentes fonctions tandis que la section II s’attache à souligner les avantages de l’intermédiation
financière pour les ménages des pays d’Afrique subsaharienne notamment en raison de la capacité
des intermédiaires financiers de proposer des solutions susceptibles de les protéger contre des chocs
aléatoires.
SECTION I – SYSTEMES FINANCIERS SUBSAHARIENS EFFICIENTS ET
AMELIORATION DES INTERACTIONS ENTRE AGENTS ECONOMIQUES
En reprenant chacune des cinq fonctions microéconomiques proposées par des
intermédiaires financiers efficients, il est possible de mettre en lumière non seulement leurs gains
potentiels pour les pays subsahariens mais aussi les goulots d’étranglements qui en limitent la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 31
portée. Pour mener cet exercice, l’intéressante revue de la littérature menée par Jacquet et Pollin
(2007) servira, en partie, de fil conducteur.
§1- LA FACILITATION DES ECHANGES DE BIENS ET SERVICES
Afin d’appréhender le rôle des systèmes financiers dans l’amélioration des processus
d’échange de biens et de services, notre analyse se doit de débuter dans un monde hypothétique
sans coûts de transactions. Dans cet hypothétique univers, le besoin de détenir de la monnaie
n’existe pas.
Ce monde à la Arrow-Debreu, sans coûts de transaction et frictions au sein de la sphère
commerciale, étant impossible à réaliser, les acteurs se doivent d’intégrer ces coûts dans leurs calculs
économiques en raison des pertes et des perturbations qu’ils subissent. De par son aisance
d’utilisation, de transport et de conservation, la monnaie constitue un vecteur d’échange plus
pratique que le troc (Clower, Howitt, 1978). Ces propriétés font de l’évolution vers une
monétarisation de plus en plus forte, une source de développement pour l’économie et justifient la
création et le développement d’intermédiaires financiers spécialisés (notamment les banques) dont
l’une des missions est la gestion du système de paiements.
Le système financier, à travers l’action de certains de ses acteurs, facilite ainsi les échanges
de biens et services en réduisant les coûts de transaction et d’accès à l’information liés aux échanges.
Son rôle est comparable à celui de la monnaie, qu’il approfondit, notamment en facilitant les
paiements et en apportant une dimension inter temporelle par l’accès au crédit. Le lien avec la
croissance passe par l'interaction entre le développement des échanges et la spécialisation,
l’efficacité productive et l’innovation. Cette interaction se produit autant au niveau national qu'au
niveau international, le développement des échanges ayant contribué à la mobilité des capitaux, qui,
à son tour, nourrit la vigueur du commerce international. Le bilan en termes de croissance d’un
système de paiements efficient est, au final, fonction de la manière dont cette interaction engendre
un processus efficace d'allocation des ressources.
Dans le cas des pays africains, la large sous utilisation de la monnaie scripturale constitue un
frein au développement des échanges et réduit la contribution à la croissance de cette fonction. Les
explications sont à rechercher dans des comportements de défiance assez semblables à ceux du
public français après la faillite de la Banque de Law en 1720. Les faillites bancaires qui ont affecté
l’Afrique subsaharienne au cours des décennies 1980-1990 ont généré un fort sentiment de méfiance
par rapport à l’institution bancaire, le développement de la thésaurisation et le recours à la monnaie
scripturale. La faible expansion des systèmes de compensation électronique et les fraudes affectant
certains moyens de paiement (chèque notamment) expliquent, par ailleurs, leur faible utilisation.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 32
Ces différentes imperfections limitent la portée des enchaînements vertueux associés à la
fonction de facilitation des échanges dans l’arc subsaharien. Ces imperfections peuvent aussi exercer
une influence tout aussi défavorable sur la mobilisation des ressources.
§2- L’ACTION EN FAVEUR DE LA MOBILISATION DE L’EPARGNE
Pour des économies subsahariennes souvent caractérisées par de faibles densités de
population et une forte concentration de la population dans des zones rurales encore peu desservies
par les acteurs financiers, les systèmes financiers sont appelés à jouer un rôle important dans la
mobilisation et la collecte de l’épargne. .
Dans de tels environnements, l’apport du système financier se comprend aisément car il
permet de constituer un stock de ressources financières à partir de la contribution non coordonnée
d’un grand nombre d’épargnants, ce qui réduit les coûts de transactions.
Il assure aussi une fonction essentielle de garant de la confiance nécessaire pour que chaque
épargnant soit prêt à lui confier son épargne. Ce rôle est assuré aussi bien par les marchés que par
les intermédiaires financiers : les marchés proposent dans un contexte institutionnel encadré par des
autorités de régulation différents véhicules, qu’il s’agisse de placements en actions, obligations,
différents types de produits ou de fonds communs de placement ; les intermédiaires financiers
attirent l’épargne par la réputation qu’ils acquièrent dans leur capacité à faire fructifier cette
épargne, dans un contexte également régulé, et assorti de diverses garanties des dépôts, susceptible
de rassurer l’épargnant.
De nombreux pays d’ASS ne peuvent malheureusement pas bénéficier des retombées
positives associées à la capacité de mobilisation de l’épargne des systèmes financiers en raison de
lacunes institutionnelles. Au sein de pays sévèrement touchés par des crises financières qui ont
parfois détruit l’épargne des déposants et autres agents économiques, le système financier ne joue
pas pleinement son rôle en l’absence d’une régulation et de mécanismes garantissant le
remboursement des dépôts en cas de crise7. Dans les pays de l’arc subsaharien, le manque de
mécanisme de solidarité de place ou d’assurance des dépôts combinés aux effets mémoires (crise
des années 1980-1990 et dévaluation dans la zone franc en 1994) constituent de puissants freins à la
mobilisation de l’épargne. Ces déterminants conditionnent une importante fuite des capitaux.
7
Cf. Les travaux de Bryant sur les effets de l’assurance des dépôt : Bryant, .J (1980), A model of reserves bank runs and
deposit insurance, Journal of Banking and Finance, 43, p 749-761
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 33
D’après la Cnuced (Cnuced, 2007), ce phénomène représente sur la période 1970- 2007 près de 400
milliards de dollars soit près de deux fois le volume de la dette africaine8.
Le phénomène bancaire bénéficie, en outre, d’une mauvaise presse en raison des coûts
extrêmement élevés associés aux produits et services financiers par rapport au revenu des habitants.
Dans des espaces encore largement marqués par l’informel, l’introduction du fait financier et son
utilisation engendre un arbitrage entre les gains de la financiarisation et ceux de l’informel
(économie fiscale notamment). La capacité des systèmes financiers à œuvrer en faveur d’une
meilleure mobilisation de l’épargne requiert, par conséquent, la prise en compte des différents
facteurs exogènes limitant le recours au système financier.
Au-delà des contraintes, on peut aussi s’interroger de manière plus générale sur la capacité
de mobilisation de l’épargne dans les pays africains. Ainsi, si la décennie 90 a été marquée par la
mise en œuvre de politiques de libéralisation financière destinées à améliorer la mobilisation de
l’épargne grâce à la libre détermination de taux d’intérêts jusque là quasi administrés, près de vingt
ans après le début de ces politiques, deux constats contradictoires et provocateurs peuvent être
formulés. Premièrement, en considérant l’ensemble des pays en développement, on peut affirmer
que la libéralisation a été un demi-échec en Afrique subsaharienne car les taux d’épargne y sont
encore faibles par rapport aux autres régions en développement. La deuxième conclusion est assez
provocatrice: au vu de la surliquidité bancaire dans de nombreux pays subsahariens (Cf. chapitre 5),
on peut penser que la libéralisation financière en Afrique subsaharienne a été un succès en matière
de mobilisation de l’épargne mais a failli à en assurer une allocation efficiente vers les projets
d’investissements. Ce phénomène de surliquidité est, en effet, à rattacher à une autre fonction
microéconomique associée à un système financier efficient : le financement de projets et la création
d’information pour juger de la pertinence de ceux-ci. Cette fonction est malheureusement
difficilement remplie par les systèmes financiers des pays d’Afrique subsaharienne, avec des
conséquences microéconomiques et macroéconomiques désastreuses.
§3- LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS COMME FINANCEURS DE PROJETS ET CREATEURS
D’INFORMATION
La Banque Mondiale et différents bailleurs de fonds ont financé la réalisation du programme
Investment Climate Assessement afin de mieux comprendre les contraintes affectant la croissance
des entreprises et de pouvoir y remédier. Entre autres sujets, les enquêteurs ont demandé aux chefs
d’entreprises de sélectionner parmi neuf contraintes, celle qui affectait de manière prépondérante
leur croissance. Le tableau n°2 reprend quelques uns de ces résultats. En examinant les réponses
8
Entre 1991 et 2004, le volume de la fuite des capitaux a représenté près de 10 milliards de dollars par an soit près de 7% du
PIB continental. Cf. Cnuced (2007), Le Développement économique en Afrique, Retrouver une marge d’action- La
mobilisation des ressources intérieures et l’Etat développementiste, Genève.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 34
données pour 10 pays d’Afrique subsaharienne, il apparaît que le facteur financier (accès au
financement et coût du financement) constitue l’obstacle principal pour les entrepreneurs dans six
pays de l’échantillon.
Contraintes
Corruption
Tribunaux
Criminalité
Electricité
Finance
Code du travail
Compétences de
la main d'œuvre
Incertitude
politique
Fiscalité
Erythrée Ethiopie
Kenya Madagascar Mali
Sénégal Afriq du Sud
Tanzanie
3
39
74
47
49
40
16
51
0
0
0
35
17
13
9
20
1
10
70
38
22
15
29
26
38
43
48
41
24
31
9
59
54
40
58
63
57
60
15
53
5
5
23
15
4
16
33
12
41
18
28
31
21
19
36
25
32
31
39
74
52
68
42
45
22
37
31
51
18
19
32
73
Tableau 2: Pourcentage de chefs d’entreprises citant la contrainte comme étant un obstacle majeur
au développement de leur entreprise. Source : Banque Mondiale (2007c)
Ce tableau souligne aussi le hiatus entre des acteurs économiques en attente de financement
et des intermédiaires financiers ne répondant pas à leur demande. L’absence ou la mauvaise qualité
de l’information sur les différents projets se trouve au cœur de ce conflit d’intérêt.
Or, le traitement de l’information sur les projets d’investissement et leur financement
constitue une des raisons d’être de l’intermédiation financière. La production d’informations est, en
effet, essentielle pour que le système financier soit capable d’orienter l’épargne vers les utilisations
les plus rentables. Dans ce processus, les intermédiaires financiers permettent une meilleure analyse
des projets d’investissements et des entreprises, contribuant ainsi à l’identification des meilleurs
projets, au financement des entreprises les plus profitables, et donc à l’efficacité de l’allocation des
ressources, à la productivité et à la croissance.
Dans ce domaine, ils apportent des solutions optimales aux agents économiques qui seraient
tentés de surveiller et de produire individuellement de l’information sur les différents projets dans
lesquels ils auraient investis. Les intermédiaires financiers étant des coalitions de créanciers qui
préfèrent se regrouper et mutualiser leurs coûts individuels de production et de diffusion de
l’information sur les projets d’investissements, ils permettent à chaque agent de bénéficier
d’économies d’échelle en effectuant une surveillance des projets pour l’ensemble des investisseurs9.
Quelque soit leur nature, ceux-ci peuvent, par ailleurs, en diversifiant leurs activités
(association d’activités dans la banque, l’assurance, les marchés financiers) générer des économies
9
Cf. Diamond (1984) pour une analyse de ces économies d’échelles dans le domaine bancaire
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 35
d’envergure qui sont le fruit de la réutilisation de l’information acquise dans un type de transaction
dans d’autres transactions (Black, 1975).
Ces effets positifs doivent être combinés à ceux dérivés de la gestion des risques.
§4- DES ACTEURS PRECIEUX EN MATIERE DE GESTION DU RISQUE
Les systèmes financiers facilitent également la gestion et la diversification du risque en
permettant aux épargnants de détenir des portefeuilles d’actifs diversifiés. Ce faisant, ils augmentent
la propension d’agents averses au risque à investir dans des projets risqués dont la rentabilité est
plus forte. On peut donc escompter des effets bénéfiques pour la croissance à long terme.
Au-delà de cet effet de diversification, les systèmes financiers favorisent la gestion du risque
en fonction de la liquidité, c’est-à-dire de la possibilité de convertir des instruments financiers en
pouvoir d’achat prévisible dans des délais brefs. Or, la liquidité augmente la volonté des investisseurs
de détenir des instruments (actions, obligations, dépôts bancaires) alors même qu’ils servent à
financer des investissements risqués à long terme.
La liquidité des marchés peut ainsi contribuer à ce que les décisions prennent davantage en
compte le long terme. En même temps, cependant, elle peut aussi faciliter l'instabilité due à la
réversibilité des décisions, dont les coûts peuvent alimenter les processus donnant naissance aux
crises.
Loin de ce schéma, les différents mécanismes de protection contre le risque sont encore
limités dans les pays d’Afrique subsaharienne. La sphère financière est généralement peu diversifiée
(prédominance du compartiment bancaire, rôle limité des institutions financières non bancaires et
des compagnies d’assurance). Cette offre limitée constitue une contrainte forte pour la croissance
des activités des entreprises, le bien être des ménages et le développement économique dans son
ensemble. Cette notion sera considérée de manière plus détaillée dans la section II qui étudie les
mécanismes à travers lesquels des systèmes financiers efficients peuvent contribuer à limiter
l’ampleur des chocs micro et macroéconomiques affectant les ménages.
§5- UNE ACTION DECISIVE SUR LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES
Le contrôle de la gouvernance des projets réalisé par les intermédiaires financiers constitue
la dernière fonction exercée par un système financier efficient. Cette fonction est particulièrement
importante, notamment en raison de son action sur la croissance. En effet, si les investisseurs,
actionnaires ou créanciers peuvent inciter les dirigeants d’entreprises à maximiser la valeur de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 36
l’entreprise, il en ressort une amélioration de l’allocation des ressources et une plus forte disposition
des épargnants à financer les entreprises et l’innovation.
Cette fonction butte sur le traitement d’une information très asymétrique : le dirigeant
d’entreprise a un accès direct à l’information et peut en contrôler la diffusion (le risque existe aussi
que cette information soit manipulée), tandis que cet accès implique un investissement (à la fois
financier et en termes d’expertise) de la part des apporteurs de capitaux. Ce phénomène d’asymétrie
d’information est un obstacle sérieux à la conclusion des opérations de financement parce qu’il
engendre deux types de difficultés (Jacquet et Pollin, 2007) :
- un problème de « sélection adverse » qui rend difficile la fixation d’un prix
d’équilibre entre l’offre et la demande de financement. En effet, si l’on considère que
l’apporteur de capitaux ne peut connaître la qualité ou le risque des projets pour lesquels il
est sollicité, alors, il demandera une rémunération qui sera fonction de la qualité ou du
risque moyen des projets tel qu’il les apprécie. Ce qui revient à dire que les projets les moins
risqués devront supporter une tarification trop élevée tandis que les projets les plus risqués
seront, au contraire, sous tarifés. Dans ces conditions, les bons risques (évincés par les
mauvais, d’où cette notion d’anti sélection) renonceront à leur demande de financement.
Ceci réduit la qualité moyenne des projets, justifie une hausse de la rémunération requise,
élimine à nouveau une partie des demandes de financement et ainsi de suite … Au final, en
appliquant au marché des capitaux (crédits et fonds propres), les conclusions d’Akerlof
(1970), celui-ci court un risque de rétrécissement et éventuellement un risque de disparition.
A tout le moins, on montre que dans ces circonstances, l’offre de capitaux sera rationnée,
c’est-à-dire que l’ajustement se fera par le volume de financement faute de trouver un prix
ou en l’occurrence une rémunération d’équilibre (Stiglitz etWeiss, 1981).
- un problème « d’aléa de moralité » qui hypothèque le respect des clauses du
contrat financier. Ce dernier est lié à l’incomplétude des contrats qui dispose qu’il est difficile
d’écrire précisément les droits et obligations des co-échangistes dans tous les cas de figure
possibles. Le demandeur de capitaux peut alors utiliser sa situation d’information privilégiée
pour jouer contre les intérêts du créditeur. Il peut, en particulier, choisir un projet plus risqué
que prévu, ou le mettre en œuvre selon des modalités différentes, cacher la réalité des
résultats obtenus. La position asymétrique des co-contractants peut rendre impossible, ou du
moins difficile la réalisation de l’opération.
La réduction des différents effets induits par les asymétries se situe au cœur du processus de
développement financier et économique. Améliorer la capacité des intermédiaires financiers à
exercer leur droit de gouvernance sur les entreprises pourrait à cet égard contribuer fortement au
développement du secteur privé en Afrique.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 37
L’analyse des effets positifs prêtés aux différentes fonctions présentées supra démontre à
loisir la contribution de systèmes financiers efficients à l’amélioration de l’efficience
microéconomique des acteurs de la sphère réelle.
Au-delà de cette présentation générale des effets positifs d’un système financier efficient,
leur impact sur les ménages mérite une attention toute particulière au sein d’un espace
géographique où 41,1% des individus vivent avec moins d’un dollar par jour (United Nations, 2007).
Cette interrogation est particulièrement importante au vu de la volonté de la communauté
internationale d’améliorer la capacité des populations d’Afrique subsaharienne à se prémunir contre
les aléas de la vie incarnée dans la Déclaration du Millénaire.
SECTION II – SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS ET CAPACITE DES
MENAGES
A
FAIRE
FACE
AUX
CHOCS
MACRO
ET
MICROECONOMIQUES
Les différentes fonctions et instruments (notamment les dépôts et les crédits) mis en œuvre
par les intermédiaires financiers peuvent améliorer la gestion par les ménages de leur contrainte de
liquidité et beaucoup plus largement de leur contrainte financière. Ils augmentent leur résilience à
différentes catégories de chocs. Des mécanismes généraux (§1) et spécifiques (§2) sous-tendant ces
processus seront présentés avec une attention toute particulière pour leur impact positif en matière
de hausse de la productivité, de baisse du travail des enfants, de scolarisation ou d’amélioration de
l’accès aux soins médicaux.
§1- LA RELATION GENERALE ENTRE SYSTEME FINANCIER EFFICIENT ET RESILIENCE AUX CHOCS
ECONOMIQUES.
Les ménages, comme tout agent économique, sont amenés à réaliser un certain nombre
d’investissements illiquides ou alors ayant une rentabilité uniquement à long terme. Il peut s’agir
d’investissement dans des activités intangibles telles que l’éducation ou alors un investissement dans
une activité productive.
Face à ces dépenses engagées sur le long terme, les ménages se doivent parfois de maintenir
un niveau minimal de consommation courante ou alors d’augmenter celle-ci de manière temporaire.
Confrontés à un choc microéconomique ou macroéconomique, ils peuvent enregistrer une baisse de
leur revenu courant (qui exerce une contrainte sur leur consommation courante) ou alors être dans
l’obligation d’augmenter leur consommation courante (volonté qui vient buter sur leur contrainte
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 38
financière). Pour faire face à ces aléas et en l’absence de toutes ressources nouvelles, les ménages
peuvent être contraints de liquider leurs investissements de long terme.
Cette décision est doublement sous-optimale dans sa réalisation et dans son esprit. Dans sa
réalisation, elle se heurte au caractère illiquide de certains investissements. Ceux-ci ne peuvent être
vendus immédiatement ou alors à leur valeur de marché. Cette contrainte limite la capacité des
ménages à faire face à un choc économique et peut les pousser à recourir à d’autres moyens (travail
des enfants et son corollaire désinvestissement dans l’éducation, par exemple) pour satisfaire leur
besoin de consommation courante. Dans son esprit, la liquidation prématurée de ces actifs remet en
cause les gains futurs supérieurs à ceux réalisés immédiatement lors de la vente.
Le système financier peut réintroduire de l’optimalité dans le calcul économique des
ménages à travers deux mécanismes complémentaires : l’accès aux crédits et à une épargne
mutualisée. La première forme (à travers l’accès aux dépôts/crédits, par exemple) permet aux
ménages de passer d’une situation dans laquelle ils pourraient investir eux mêmes dans des projets
de long terme rentables mais peu liquides vers une deuxième situation dans laquelle ils peuvent
investir sur le long terme dans un placement semblable à la rentabilité égale ou plus forte mais
caractérisée par une meilleure liquidité. Dans ce dernier cas, l’intermédiaire financier se substitue à
la vocation entrepreneuriale de chaque individu.
Pour les ménages et les entreprises, les dépôts à vue et les comptes chèques offerts par les
banques possèdent le plus fort degré de liquidité car ils sont susceptibles d’être échangés à tout
moment contre tout autre bien. Cette propriété est critique dans la maximisation de l’utilité de la
consommation inter temporelle des ménages. Les dépôts à vue peuvent être considérés comme des
contrats détenus par des agents ayant chacun des préférences différentes, des besoins et des plans
de consommation qui sont soumis à des chocs aléatoires à chaque période. Au regard de cet aléa, les
dépôts à vue fournissent une assurance-liquidité. Un encours de dépôts à vue suffisant permettant à
l’agent d’ajuster son programme de consommation pour tenir compte des chocs sans qu’une
contrainte de liquidité (pas suffisamment de moyens de paiement relativement à la consommation
désirée au cours d’une période) ne le rende sous-optimal. Le coût de l’assurance liquidité, la prime,
se traduit par la sous rémunération (ou l’absence de rémunération) des dépôts à vue (Bryant, 1980).
Ces différents mécanismes seront analysés de manière plus spécifique dans leur contribution
à la réduction de la déscolarisation, du travail des enfants et à la baisse de la consommation suite à
un choc médical.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 39
§2- LE LIEN ENTRE INTERMEDIATION FINANCIERE, LE TRAVAIL DES ENFANTS, LE NIVEAU DE
SCOLARISATION ET L’AMELIORATION DE L’ACCES AUX SOINS DE SANTE
Différents services proposés par les intermédiaires financiers permettent de desserrer la
contrainte financière des ménages. Face à un choc macroéconomique (sécheresse, récession,…) ou
microéconomique (maladie, par exemple), l’accès au crédit constitue une alternative permettant aux
ménages de maintenir leur programme optimal de consommation inter temporelle sans avoir à
effectuer des choix cornéliens ou sous-optimaux (recours au travail des enfants, sacrifice de certaines
dépenses essentielles telles que l’éducation, vente d’une partie du patrimoine).
A-Accès au crédit et conséquence sur le travail des enfants et la scolarisation
La protection de l’enfance fait partie des objectifs que s’est assignée la communauté
internationale dans le cadre de la Déclaration du Millénaire. D’après l’Unicef, près de 246 millions
d’enfants ayant moins de 14 ans travaillaient dans le monde en 2006 (Unicef, 2008a et 2008b). En
Afrique subsaharienne, sur la période 1999-2005, près de 37 pourcent des moins de 14 ans
exerçaient une activité professionnelle.
Figure 4: Travail des enfants dans différentes régions en développement. Source : Unicef (2008a et
2008b)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 40
Dans l’approche économique orthodoxe, le travail des enfants est considéré comme étant
une conséquence de la pauvreté10 mais cette interprétation unique semble désormais être remise en
cause. En s’appuyant sur la théorie du revenu permanent, une littérature récente, s’inspirant des
travaux de Morduch (1995) fait de l’absence d’accès au crédit un des déterminants de la prévalence
du travail des enfants. Selon cet auteur, en l’absence d’accès au crédit, des ménages désireux de
lisser leur profil de consommation peuvent utiliser différents mécanismes dont le travail des enfants.
En s’appuyant sur l’étude de données de panel menée dans la région de Kagera en Tanzanie, Beegle
et al.(2003) démontrent que le travail des enfants est un mécanisme que les ménages ruraux des
pays en voie de développement utilisent pour lisser leur consommation.
Le raisonnement est simple : suite à un choc macroéconomique (mauvaises récoltes), les
ménages peuvent souhaiter, pour différentes raisons, maintenir leur revenu courant inchangé (entre
autres raisons, on peut citer le besoin de disposer de ressources pour faire face aux besoins
alimentaires). En l’absence de systèmes financiers fonctionnels, les ménages ne peuvent pas
emprunter pour faire face à ce choc transitoire et peuvent recourir au travail des enfants. L’absence
de marché du crédit empêche le ménage type de réaliser un arbitrage optimal entre les gains de
court terme liés au travail des enfants et les gains plus importants sur longue période résultant d’une
meilleure éducation de ceux-ci.
Dehejia et Gatti (2002), utilisant des données en coupe portant sur 172 pays, ont confirmé
cette causalité en mettant en exergue une relation négative entre le travail des enfants et l’accès au
crédit. L’étude conclut sur un recours au travail des enfants plus important comme variable
d’ajustement aux variations macroéconomiques dans des pays disposant de systèmes financiers
sous-développés.
Ces travaux soulignent la nécessité de développer les systèmes financiers dans les pays d’ASS
ou alors de favoriser l’essor de produits d’assurance. Le travail des enfants ayant pour
complémentaire la déscolarisation, le développement financier peut permettre de faciliter la
réalisation d’un autre Objectif du Millénaire : l’augmentation du taux de scolarisation des enfants.
S’intégrant dans la lignée des analyses en termes de revenu permanent, Jacoby (1994)
démontre qu’un faible accès au crédit contribue à la perpétuation de la pauvreté en raison de la
propension des ménages les plus démunis à limiter le niveau d’éducation de leurs enfants. Pour
Jacoby et Skoufias (1997), suite à un choc macroéconomique, les populations de six villages d’indiens
du Pérou ne disposant pas d’un accès aux marchés du crédit réduisaient davantage le niveau de
scolarisation de leurs enfants que les ménages ayant un accès au crédit.
10
Cf. notamment le document rédigé par Fallon et Tzannatos (1998): Fallon, P.et Z. Tzannatos (1998), Child Labor: Issues
and Directions for the World Bank, Washington D.C.: Banque Mondiale.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 41
Si l’absence d’intermédiaires ou de mécanismes financiers efficients constituent un facteur
de déscolarisation et de recours au travail des enfants, leurs effets se font aussi sentir en matière
d’accès aux soins médicaux.
B-Accès au crédit et résilience aux chocs médicaux
Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, en l’absence de filet de protection sociale,
les ménages doivent gérer individuellement les conséquences de la maladie. Ce manque de
couverture sanitaire peut occasionner des risques importants liés notamment à la perte de revenu
associée à la maladie mais aussi aux coûts médicaux élevés qui y sont associés.
Dans un tel environnement, les ménages peuvent compter sur des mécanismes privés et
informels d’assurance (ponction sur leur épargne thésaurisée, vente d’actifs, transferts d’argent).
L’existence de ces formes imparfaites de protection sociale permet aux familles de se prémunir plus
ou moins parfaitement contre les effets de chocs aléatoires.
En fait, ces mécanismes ne sont pas forcément optimaux et constituent des solutions de
second rang. Gertler et Gruber (2002) ont démontré que des familles s’appuyant uniquement sur des
mécanismes informels n’étaient pas à même de préserver leur niveau de consommation en cas de
maladie grave.
Dans une étude datant de 2003 et portant sur des familles indonésiennes, Gertler, Levine et
Moretti (2003) mettent en évidence le rôle fondamental joué par l’accès aux institutions d’épargne
et de crédit pour le maintien du niveau de consommation en cas de maladie. Ce faisant, ils mettent
en avant la capacité du système financier, à travers les institutions de micro finance dont ces familles
étaient clientes, à contribuer au maintien de leur niveau de consommation.
L’épargne financière et d’autres formes d’actifs jouent, par conséquent, un rôle majeur dans
la préservation de la consommation familiale en cas de crise sanitaire. Une stratégie prometteuse
dans ce domaine consisterait à rendre leur accès plus aisé.
CONCLUSION
De ce premier chapitre, il apparaît que des systèmes financiers efficients constituent une
nécessité pour améliorer les interactions économiques entre agents mais aussi leur capacité à faire
face à toute une série de chocs pouvant affecter et réduire leur bien-être. A ce titre, la capacité des
intermédiaires financiers à proposer des solutions à même d’empêcher le recours à des solutions
sous-optimales (travail des enfants, déscolarisation, vente prématurée d’actifs productifs) représente
un facteur indéniable de développement.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 42
Différents mécanismes microéconomiques étudiés dans ce chapitre constituent quelques uns
des fondements microéconomiques des théories associant le développement financier au
développement économique. La réalité et la pertinence de ces liens feront l’objet du chapitre 2 (lien
développement financier et croissance) et du chapitre 3 (lien développement financier et pauvreté).
Toutefois, la portée de ces mécanismes au sein des pays de l’arc subsaharien semble altérée
en raison de la présence de facteurs susceptibles d’en réduire l’impact. A titre d’exemple, le souvenir
des crises financières des années 80 et 90 limite la confiance des agents à capacité d’épargne tout en
alimentant les processus de fuite des capitaux. L’existence d’asymétries d’information réduit le
volume et la qualité du processus d’intermédiation tandis que la multiplicité des risques limite la
capacité des acteurs financiers à les diversifier et à les supporter.
Dans des marchés encore plus imparfaits que sous d’autres cieux, les logiques de
maximisation de la rentabilité en univers incertain par des agents à la rationalité limitée peuvent
exclure de l’accès aux services financiers des clientèles qui devraient pourtant en être les premiers
bénéficiaires (pauvres, PME innovantes). Ces imperfections et leurs conséquences constituent autant
de remises en cause des effets vertueux associés à l’intermédiation financière.
Au sein d’environnements caractérisés par l’incapacité des acteurs à se coordonner, ces
imperfections et processus sous-optimaux soulignent la nécessité d’actions correctrices mises en
œuvre par la puissance publique.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 43
CHAPITRE 2
SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS ET
CROISSANCE
Les opinions, les théories, les systèmes, passent tour à tour sur la meule du temps, qui leur donne
d'abord du tranchant et de l'éclat, et qui finit par les user.
Rivarol, Maximes, pensées et paradoxes
INTRODUCTION
C’est en gardant cette maxime à l’esprit et en procédant avec une certaine prudence qu’il
faut envisager le lien entre des systèmes financiers développés et efficients et les différentes
composantes de la croissance dans la mesure où la littérature sur ce lien a été animée d’effets de
mode statuant tantôt négativement ou positivement sur cette relation.
En effet, à l’instar de la querelle des Anciens et des Modernes, le débat autour du lien entre
finance et croissance a parfois, voire souvent, été plus qu’animé. Malgré les différentes fonctions
microéconomiques qu’il remplit au sein de toute économie, la prise en compte du rôle du facteur
financier dans le processus de développement est assez récente et la réflexion sur sa contribution à
la croissance a été l’objet d’un débat théorique très dense (section I). Ainsi, la vision d’un système
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 44
financier répondant passivement aux impulsions de la sphère réelle défendue par Say et les
néoclassiques s’oppose à la position schumpetérienne faisant de l’intermédiaire financier et du
banquier un des moteurs du cycle économique (Schumpeter, 1911). S’inscrivant dans cette lignée, les
modèles de croissance endogène éclairent depuis le début des années 80 les canaux d’interactions
entre variables financières et réelles.
De nombreuses études empiriques réalisées depuis les années 1990 permettent d’étayer le
lien positif entre développement financier et croissance. Elles reposent soit (i) sur le constat du rôle
joué par des systèmes financiers développés dans les trajectoires de développement d’autres PED,
(ii), sur leur capacité à palier la baisse ou la volatilité des ressources financières extérieures (APD, IDE)
mais aussi sur des études économétriques précisant la nature des interactions entre les sphères
réelle et financière, notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne (section II).
SECTION I - LA CONTROVERSE THEORIQUE AUTOUR DU LIEN
FINANCE-CROISSANCE ET L’APPORT DES MODELES DE CROISSANCE
ENDOGENE
La controverse autour de la contribution de systèmes financiers efficients à la croissance s’est
développée autour de travaux émanant de la pensée néoclassique qui ont fait l’objet d’une
réfutation méthodique de la part d’économistes tels que Schumpeter, Gurley, Shaw ou Gerschenkron
(§1). Au tournant des années 80, l’avènement des modèles de croissance endogène est venu
légitimer encore plus fortement l’apport du développement financier à la croissance économique
(§2).
§1- L’APPROCHE NEOCLASSIQUE ET LES TRAVAUX FONDATEURS SUR LE LIEN CROISSANCE-FINANCE
Le débat épistémologique autour du lien entre finance et croissance se caractérise
aujourd’hui par un relatif consensus sur la capacité du secteur financier à influer sur la croissance.
Cette quasi unanimité n’a cependant pas toujours été de rigueur (A).
A-La vision néoclassique : le secteur financier n’influe pas sur la croissance
Dans la lignée des économistes néoclassiques et des disciples de la théorie de la monnaievoile de Jean-Baptiste Say, des économistes de renom tels que Robinson (1962) et Lucas (1988) ont
affirmé que les opérations du secteur financier répondent simplement au développement
économique et s’adaptent aux évolutions de la sphère réelle.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 45
“In general, I believe that the importance of financial matters is very badly over-stressed in
popular and even much professional discussion and so am not inclined to be apologetic for going to
the other extreme. Yet insofar as the development of financial institutions is a limiting factor in
development more generally conceived I will be falsifying the picture, and I have no clear idea as to
how badly. But one cannot theorize about everything at once. I had better get on with what I do have
to say”. Lucas, R.E. (1988)
Les modèles néoclassiques (dont le plus influent d’entre eux, celui de Solow) ont longtemps
incarné l’orthodoxie et ignoré les frictions pouvant affecter l’intermédiation financière. Dans ces
modèles, les systèmes financiers garantissent de manière quasi mécanique et optimale l’allocation
de l’épargne vers les projets d’investissements. Pour les tenants de cette tradition économique, le
rôle accordé au secteur financier dans le processus de développement est injustifié voire
disproportionné.
Cette position est contestée par de nombreux économistes dont les travaux portant sur la
croissance endogène remettent en cause la pensée néoclassique et valident une intuition ancienne
faisant du facteur financier un des déterminants de la croissance.
Ces travaux postulent que les secteurs financiers nationaux exercent un rôle crucial dans la
résorption des frictions existant sur les marchés et influent sur les taux d’intérêt, les décisions
d’investissement, l’innovation technologique et les taux de croissance de long terme. En effet, les
institutions financières tirent leur légitimité et leur raison d’être de leur capacité à réduire les
conséquences découlant des coûts de transaction et d’information ainsi que des imperfections au
sein de la sphère financière présentées supra. Ces facteurs réduisent le processus d’allocation et
d’accumulation de l’épargne domestique mais aussi l’effectivité des différents mécanismes
microéconomiques par lesquels les intermédiaires financiers influent positivement sur leur
environnement. Différents auteurs, ont essayé de réconcilier ces effets microéconomiques avec
l’action de la sphère financière sur la croissance de la sphère réelle.
B-Les travaux fondateurs sur le lien entre systèmes financiers efficients et la croissance
La compréhension des effets bénéfiques d’un système financier fonctionnel sur la croissance
et le développement ne peut se faire sans un arrêt sur quelques auteurs considérés comme des
classiques de la littérature sur le développement financier et son impact : Schumpeter (1911),
Gerschenkron (1962), Gurley et Shaw (1955, 1960) ainsi que Goldsmith (1969).
Au-delà de ses contributions sur la théorie de l’innovation, de l’entrepreneur et du cycle du
produit, Schumpeter affirme dès 1911 que l’accès au crédit constitue un des prérequis à
l’innovation car il n’y a pas de théorie du développement qui ne soit une théorie monétaire
Chouchane-Verdier (2001). S’inscrivant dans le cadre d’une économie de plein emploi, il souligne que
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 46
la seule source d’évolution réside dans la modification et l’amélioration des conditions productives
antérieures. Dans son analyse, l’épargne ne correspond pas à un effort d’abstinence au détriment de
la consommation mais constitue le fruit des gains accumulés antérieurement.
Or, l’épargne est malheureusement insuffisante pour satisfaire le besoin de monnaie des
entrepreneurs qui doivent solliciter les banques. Ces dernières créent littéralement du pouvoir
d’achat et Schumpeter oppose cette création monétaire intitulée "crédit essentiel" au "crédit non
essentiel" apporté par l’épargne. Dans une telle économie, les intermédiaires ont un rôle
déterminant à travers un double mécanisme à la fois quantitatif et qualitatif. Qualitativement, seul
l’octroi de crédit aux entrepreneurs peut permettre à ceux-ci d’innover et de modifier les processus
de la sphère réelle. Quantitativement, le volume de crédit accordé par les banques a des effets sur
l’évolution du cycle économique.
La montée des préoccupations développementalistes dans la période d’après Guerre, va
donner libre cours à une série de réflexions orientées spécifiquement sur les systèmes financiers des
PED. Gerschenkron, s’inscrivant dans la tradition schumpétérienne, précise la nature du lien entre
système financier et croissance économique dans les pays en voie de développement. Pour cet
auteur, le système bancaire est amené à jouer un rôle primordial dans le processus de
développement car il s’agit de la seule source de financement dans des pays ne disposant pas d’un
stock de capital préalablement constitué. Selon Gerschenkron, plus le retard économique est fort,
plus le rôle du secteur bancaire est fondamental en tant que pourvoyeur de crédit. Le rôle des
banques diffère, par ailleurs, selon les étapes du développement.
S’opposant à la vision d’un processus uniforme de développement présentée par Rostow et
s’appuyant sur une étude des différentes expériences d’industrialisation, Gerschenkron établit
l’importance de la mise à disposition du capital pour asseoir le processus d’industrialisation. Il fait,
par ailleurs, remarquer que pendant la phase d’industrialisation dans les pays européens, le manque
de capital a été compensé par le système bancaire grâce à la création de crédit. Il s’agit du "paradoxe
de Gerschenkron" qui n’est malheureusement pas à l’œuvre en Afrique. En effet, face à la carence de
capitaux pour financer des investissements, les banques africaines ne jouent pas le rôle qu’ont pu
avoir leurs consœurs européennes dans le passé. Gerschenkron en déduit une recommandation de
politique économique : face à l’incapacité des banques d’octroyer des crédits aux entrepreneurs,
l’Etat se doit de mener une politique visant à encourager les institutions financières.
Par ailleurs, il affirme que l’activité de pourvoyeur de pouvoir d’achat sera facilitée si le
processus d’industrialisation repose sur la reproduction d’unités de production dans le même secteur
et non sur une forte diversification des activités. En effet, les banques sont plus à même de prendre
des risques sur des projets déjà expérimentés.
L’ultime recommandation de Greschenkron a trait aux réformes financières. Le processus
d’industrialisation requiert des institutions financières différentes selon le stade de retard
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 47
économique. Les réformes financières doivent, par conséquent, prendre en compte cette séquence
et ne pas être appliquées uniformément telle une panacée universelle.
Pour Gurley et Shaw, la fonction principale des intermédiaires financiers est de transférer la
fraction du revenu non dépensée des agents à excédent aux agents à besoin de financement. Il en
résulte une amélioration du niveau d’épargne, d’investissement et une allocation plus efficiente de
l’épargne. La diversification des instruments financiers permet, en outre, une croissance économique
optimale.
Goldsmith s’inscrit dans la démarche méthodologique de Gurley et Shaw. Il s’appuie sur
l’étude d’une douzaine de pays développés mais qui diffèrent par le degré de maturité de leur
structure financière (diversité des instruments financiers), et leur évolution dans le temps (apparition
des différents instruments financiers, vitesse de pénétration dans les différents secteurs de
l’économie et adaptation aux modifications de l’environnement économique). Goldsmith réalise une
typologie des systèmes financiers à partir de certains ratios dont le FIR (Financial Interrelations
Ratios). Celui-ci se définit comme le rapport des actifs financiers à la richesse nationale. La valeur de
ce ratio permet de distinguer trois catégories de structures financières.
Un FIR faible (0.2 à 0.5) correspond à un système dans lequel les institutions financières ne
détiennent qu’une faible part des actifs financiers. Dans ce type de système, les banques
commerciales sont les institutions financières et la relation de gré à gré est prépondérante. Une
deuxième catégorie de structures se distingue par les conditions du premier stade mais accorde un
rôle plus important aux institutions financières étatiques. La troisième catégorie englobe les pays
pour lesquels le FIR est supérieur à 1. Il s’agit généralement de pays développés dans lesquels les
institutions financières détiennent une part importante des actifs financiers. Un rôle plus
considérable y est dévolu aux compagnies d’assurance et autres intermédiaires financiers.
Selon Goldsmith, le niveau de développement économique est d’autant plus élevé que le
système financier est complexe et diversifié. La multiplicité et la diversité des instruments financiers
permettent, en effet, d’obtenir un niveau d’investissement supérieur au montant de l’épargne
nationale. Les modèles de croissance endogène ont essayé d’intégrer ces différents apports afin de
présenter de la manière la plus exhaustive possible l’impact du développement financier sur la
croissance économique.
§2-LES MODELES DE CROISSANCE ENDOGENE CLARIFIENT LES CANAUX PAR LESQUELS DES
SYSTEMES FINANCIERS INFLUENT SUR LA CROISSANCE
Les modèles néoclassiques de croissance à la Solow ont longtemps postulé que la sphère
financière était une boîte noire ayant pour unique fonction la transmission de l’épargne des agents
excédentaires vers les agents à besoin de financement. Dans ces modèles, seules les variables de la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 48
sphère réelle, notamment le progrès technique, exercent une influence sur le taux de croissance.
Différents modèles de croissance endogène, s’appuyant sur l’analyse de Romer (1989), se sont
attachés à démontrer que la qualité de l’intermédiation financière pouvait avoir des effets sur le
niveau de capital par tête ou celui de la productivité mais aussi sur leurs taux de croissance
respectifs.
Parmi les différentes contributions théoriques intégrant le facteur financier, Pagano (1993)
modélise une économie concurrentielle avec externalités à la Romer dans laquelle chaque entreprise
fait face à des rendements d’échelle constants. Le bien unique produit au sein de cette économie
peut être investi ou consommé. Ce modèle a été largement utilisé, notamment par Santamero et
Seater (2000) afin de déterminer la taille optimale du système financier. Il permet de préciser les
différents mécanismes d’interaction entre finance et croissance.
Jacquet et Pollin (2007) explicitent les trois canaux de transmission mis en exergue par Pagano
entre des systèmes financiers et la croissance à long terme. Premièrement, un système financier plus
efficient peut contribuer à accroître la proportion de l’épargne allouée au financement de
l’investissement. Un système financier plus efficient est à même de mieux identifier les opportunités
d’investissement et d’allouer une part plus importante de l’épargne vers des projets productifs. Par
ailleurs, il entraîne une baisse des coûts de transaction impliqués dans la collecte de l’épargne et
dans son allocation à l’investissement. Ces coûts constituent la part de l’épargne captée ou perdue
au sein du processus d’intermédiation. Deuxièmement, à travers l’allocation de l’épargne vers les
projets les plus rentables, le développement financier augmente la productivité marginale du capital,
un des facteurs de la croissance à long terme. Troisièmement, un système financier plus efficient
peut accroître le taux d’épargne privé. Cet effet est toutefois sujet à caution et souvent présenté
comme ambigu. En effet, le développement d’instruments d’épargne fiables et efficaces ainsi que la
rémunération de l’épargne peuvent conduire à la hausse du taux d’épargne. Mais, le développement
financier peut aussi réduire l’épargne : des ménages mieux assurés, par exemple, peuvent diminuer
l’épargne de précaution. Le développement financier relâche aussi la contrainte de liquidité à
laquelle les ménages font face et permet un lissage de la consommation, ce qui peut également
conduire à une baisse du taux d’épargne.
Ces effets de l’organisation financière ont pour conséquence d’accroître à la fois, le niveau et
la productivité du capital, donc la croissance de l’économie, selon un enchaînement que l’on peut
résumer par le schéma suivant.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 49
Meilleure sélection des investissements
et contrôle des décisions
Amélioration de la collecte et de
la rémunération de l’épargne
(2)
Hausse de la productivité du capital
(3)
Hausse de l’épargne
(1)
Hausse de l’investissement
Hausse de la
Production
Figure 5: Les canaux d’interaction entre système financier et variable réelle. Source : Jacquet, P. et
Pollin, J.-P. (2007)
Jacquet et Pollin concluent qu’ « …en supposant qu’il existe une proportionnalité entre le
stock de capital et le niveau de production, on parvient à justifier l’incidence de l’organisation
financière sur le taux de croissance de l’économie : une amélioration de l’efficience du système
financier engendre un accroissement du niveau de production en raison de l’augmentation du niveau
et de la productivité du capital, ce qui génère une augmentation de l’épargne et un accroissement du
stock de capital. Au final, il en résulte un processus auto entretenu. Le taux de croissance devient
endogène aux caractéristiques de l’économie et particulièrement à celles du système financier.»
En plus de ce schéma récapitulant les avancées des modèles de croissance endogène, le
tableau n°3 revient sur les différentes approches théoriques justifiant l’importance du lien entre
développement financier et différentes variables réelles contribuant à la croissance. Au-delà de cet
effort théorique, de nombreux économistes se sont lancés dans une quête de preuves empiriques
pouvant légitimer la relation finance-croissance.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 50
Thèmes
Système financier et
financement du cycle
économique
Canaux d’action du système financier sur la sphère réelle




Système financier et
accroissement du stock
de capital



Action sur l’épargne, la
productivité marginale
du capital et le niveau
d’investissement
Aspects
microéconomiques
Auteurs
L’accès au crédit constitue un des prérequis à l’innovation.
La création de pouvoir d’achat par les intermédiaires
financiers permet de financer de nouvelles activités.
Effet qualitatif du crédit (financement de l’innovation) et
quantitatif (volume de financement) sur l’activité.
Le crédit est le moteur du cycle économique.
Schumpeter (1911)
Le système bancaire comme seule source de financement
dans des pays ne disposant pas d’un stock de capital
préalablement constitué.
Paradoxe de Gerschenkron : face à la carence de capitaux
pour financer des investissements, les banques des PVD ne
jouent pas le rôle qu’ont pu avoir leurs consœurs
européennes au cours de la révolution industrielle.
Recommandation : action de la puissance publique pour
palier à ce déficit.
Gerschenkron (1962)

Un système financier plus efficient contribue à la hausse de
l’épargne allouée en faveur de l’investissement.

L’allocation de l’épargne vers les projets les plus rentables
permet d’augmenter la productivité marginale du capital, un
des facteurs de la croissance de long terme.

un système financier plus efficient peut accroître le taux
d’épargne privé.
Des intermédiaires financiers fonctionnels améliorent l’efficience des
agents économiques à travers cinq fonctions de base :
(i)
la facilitation des échanges de biens et services ;
(ii)
la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
(iii)
la production d’information sur les investissements
envisageables et l’allocation de l’épargne ;
(iv)
la répartition, la diversification et la gestion du risque et
au final ;
(v)
(v) le suivi des investissements en exécution et le
contrôle de la gouvernance.
Modèles
de
croissance endogène
dont Pagano (1993)
Levine (2005)
Tableau 3: Différentes contributions théoriques au débat sur le lien entre système financier et
croissance.
SECTION II - ELEMENTS EMPIRIQUES FAISANT DE SYSTEMES
FINANCIERS EFFICIENTS UN PREREQUIS A LA CROISSANCE EN
AFRIQUE
Depuis plusieurs années, l’utilisation de l’économétrie permet de préciser le lien entre le
développement du secteur financier et la croissance de la sphère réelle (§2) tandis que différents
rapports et études soulignent la nécessité pour les pays d’Afrique subsaharienne de disposer de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 51
systèmes financiers solides afin de faire face à la baisse des flux d’APD et financer la croissance de
leur secteur productif (§1).
§1- LE RECOURS A L’EPARGNE LOCALE COMME ALTERNATIVE A LA FAIBLESSE DES FLUX DE
FINANCEMENTS EXTERIEURS
En dépit d’un taux de croissance régional de 5.3% en 2005, le continent africain n’attire pas
les investissements directs étrangers (IDE). En 2004, le continent n’a reçu que 3% des flux d’IDE
entrants mondiaux contre près de 23% pour les pays asiatiques en développement. A elle seule,
l’Afrique du Nord a capté le tiers des 18 milliards de dollars américains investis sur le continent. Le
reste, soit près de 14 milliards de dollars américains, a été réparti entre les 48 pays d’Afrique
subsaharienne. Malheureusement, l’essentiel de ces flux a été orienté vers quelques pays pétroliers.
Cette inégalité dans la répartition de l’IDE fait de la constitution de systèmes financiers nationaux
profonds une nécessité afin de financer le développement des pays africains. Elle permettrait aussi
de compléter les flux de financement provenant de l’APD dont les fluctuations sont parfois erratiques
(OCDE, 2007). La mobilisation des ressources internes est d’autant plus importante que certaines
études affirment que la capacité d’un pays à financer ses besoins d’investissements de manière
autonome constitue une des clés de la croissance de long terme.
A-L’auto financement local de l’investissement : un gage de croissance forte et durable
Aizenman et al. (2004) proposent un indicateur d’autofinancement national qui correspond
au ratio Epargne brute nationale cumulée et actualisée/Investissement brut. Ce ratio indique la part
de capital tangible financée par l’épargne nationale accumulée. Le numérateur correspond au
volume de capital qui serait disponible si tous les investissements nationaux étaient financés sans
recourir aux emprunts extérieurs. Dans l’idéal, un ratio d’autofinancement égal à 1 correspond à une
économie dans laquelle le stock de capital est entièrement financé par l’épargne nationale. Un ratio
inférieur (respectivement supérieur) à 1 indique un recours à l’épargne extérieure (respectivement
une capacité de financement).
L’étude d’Aizenman et al. est intéressante à plus d’un titre. Premièrement, elle met en
lumière les différences régionales en matière d’auto financement. Bien que stable dans la majorité
des pays en voie de développement sur la décennie 1990 (ratio moyen de 90%), le ratio a connu une
baisse de 3% en moyenne dans les pays d’Amérique latine et d’Afrique. Ces derniers ont donc
enregistré une hausse de leur dépendance vis-à-vis de l’épargne extérieure pour financer leur effort
d’investissement. A contrario, dans les pays asiatiques, ce ratio, déjà largement supérieur à 1 en
1991 n’a cessé de progresser. Les pays asiatiques ont donc largement financé leur accumulation de
capital en recourant à leur épargne domestique.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 52
mérique Latine
Figure 6: Ratio d’autofinancement moyen par
Figure 7: Taux de croissance moyen par région du
région. Source : d’après Aizeman J. (2005)
PIB. Source : d’après Aizeman J. (2005)
Deuxièmement, Aizenman et al. font remarquer que les pays ayant les taux d’auto
financement plus élevés sont ceux qui connaissent les taux de croissance les plus forts (en
l’occurrence les pays asiatiques suivis par l’Amérique latine et l’Afrique).
B-Des systèmes financiers à même de palier au « financing gap » des pays africains
L’examen des financing gaps de certains pays africains, c’est-à-dire la différence entre la
formation brute de capital et l’épargne brute, révèle l’incapacité des systèmes financiers africains à
financer leurs besoins d’investissement interne. Cette réalité constitue une de leurs principales
faiblesses et justifie la volonté de structurer ceux-ci afin que le développement financier puisse
accompagner le développement économique. Au niveau des bailleurs de fonds, cette volonté doit
être d’autant plus forte que des systèmes nationaux efficients et profonds seraient capables de palier
à la faiblesse des flux d’investissements directs et de compenser les fluctuations erratiques de l’APD.
Le développement des secteurs financiers nationaux subsahariens doit, par conséquent,
constituer une priorité des politiques économiques. Au-delà de ces constats empiriques sur la
nécessité du développement financier, de nombreux travaux économétriques se sont attelés à
préciser la nature de la relation entre développement financier et croissance.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 53
Figure 8: Financing gap de quelques pays africains. Source : Banque Mondiale (2007a)
Figure 9: Financing gap de quelques pays africains. Source: Banque Mondiale (2007a)
§2- DIFFERENTES ETUDES ECONOMETRIQUES ATTESTENT DE LA RELATION FINANCE/CROISSANCE
EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Avec le développement de l’économétrie, une série d’études vont essayer de préciser à partir
des années 90 la nature du lien entre finance et croissance ainsi que ses modalités. Avant de
présenter des études attestant de l’existence de cette relation dans le cas africain (B), la présentation
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 54
des études séminales sur le lien entre croissance et finance (A) permettra de comprendre certaines
de leurs limites.
A-Les travaux économétriques séminaux sur le lien finance-croissance
#1- La corrélation générale intermédiation financière/croissance et ses fondements
micro et macroéconomiques
La littérature traitant du lien entre finance et croissance a connu un formidable
développement au cours des quinze dernières années en raison de l’élaboration par la Banque
Mondiale de bases de données comprenant différentes variables financières portant sur plus de 190
pays depuis 1960. Plusieurs études, remontant parfois jusqu’aux années 60, se sont efforcées
d’établir le lien entre le niveau de développement financier d’un pays (notion appréhendée à travers
toute une série d’indicateurs de profondeur et d’efficience) et son taux de croissance économique.
En raison de la difficulté de disposer d’indicateurs portant sur des dimensions telles que l’accès, la
diversité, la plupart des études utilisent des indicateurs de profondeur du système comme une
approximation du développement financier. La mise à disposition de données plus riches devrait
permettre d’améliorer la qualité des études.
L’article séminal dans ce domaine est celui de King et Levine (1993). Ces deux économistes
ont établi une relation entre des indicateurs macroéconomiques de profondeur financière (une des
dimensions du développement financier) et de croissance (croissance du PIB par tête et/ou de la
productivité par tête). Au-delà de ce lien de corrélation, leurs travaux mettent en exergue la capacité
du niveau de développement financier à déterminer la croissance future. Ils affirment, en effet, que
la profondeur financière actuelle est à même d’influer et de déterminer le niveau de croissance
économique pour les dix voire trente prochaines années. On peut en déduire, avec les auteurs, que
de meilleurs systèmes financiers sont à même de promouvoir une croissance plus rapide de la
productivité et du PIB par tête.
De nouvelles études essaient de préciser la contribution du développement financier à la
croissance réelle. Certains travaux empiriques laissent penser que le développement financier
influencerait plus la croissance économique de manière qualitative que quantitative. Les travaux
réalisés par Beck, Levine et Loayza (2000) soulignent que l’action de systèmes financiers plus
efficients en faveur de la hausse du taux de productivité et d’une meilleure allocation des ressources
exerce un impact plus fort que l’amélioration de la mobilisation de l’épargne et du volume
d’investissements alloué à l’économie. Au-delà des modalités d’action des systèmes financiers,
plusieurs études se sont attelées à déterminer l’effet des systèmes financiers sur différentes
variables macroéconomiques (canal 2, la balance commerciale, par exemple) ou secteurs de
l’économie (canal 1, le développement sectoriel).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 55
Canal n°1 : l’effet sur le développement des différents secteurs de l’économie
S’appuyant sur des échantillons de données industrielles recueillis aussi bien dans des pays
développés qu’en voie de développement, de nombreux économistes ont tenté de valider les
conclusions des modèles théoriques portant sur les effets aux niveaux micro/méso économiques de
systèmes financiers plus efficients (Demirgüç-Kunt, 2006).
Une première série d’études s’est attelée à mesurer l’impact microéconomique du
développement financier en analysant son rôle dans le financement et la croissance des entreprises.
En matière de taux de croissance, Demirguc-Kunt et Maksimovic (1998), à l’aide d’un modèle de
planification financière, affirment que des systèmes financiers plus développés (caractérisés par la
présence d’un secteur bancaire plus large et des marchés plus liquides) permettent aux entreprises
de connaître une croissance plus rapide que si elles recouraient uniquement à l’autofinancement.
L’investissement des entreprises s’avère, par ailleurs, plus sensible à la capacité d’autofinancement
et à ses fluctuations dans des systèmes connaissant un faible degré de développement financier
(Love, 2003). Dans un article publié en 2004, Fisman et Love (2004) donnent une dimension
temporelle à la contrainte de financement. Pour eux, sur le court terme, dans un pays bénéficiant
d’un système financier efficient, l’allocation de l’épargne se fera vers tout secteur connaissant une
augmentation de ses opportunités de croissance. Sur le long terme, au contraire, les imperfections
financières viendront contraindre le développement de ce secteur par rapport à des secteurs
présentant de moindres besoins de financements externes.
Rajan et Zingales (1998) ont établi que dans des pays disposant d’un système financier
développé, les industries dépendantes des financements externes connaissaient des niveaux de
croissance plus élevés que leurs homologues de pays moins bien financièrement dotés. Quant aux
études sur données industrielles, elles ont permis de mettre en exergue un effet distributionnel : les
industries qui sont naturellement composées de petites firmes croissent plus vite dans les économies
financièrement développées. Wurgler (2000), s’inscrivant dans la lignée des études analysant la
répartition du crédit, insiste sur la qualité de l’efficience allocative en soulignant que dans les pays
connaissant un degré élevé de maturité financière, les investissements ont tendance à croître plus
fortement en faveur des secteurs en expansion et à décroître plus rapidement dans les secteurs en
déclin.
Ces études internationales sont corroborées par des travaux empiriques nationaux. Guiso,
Sapienza et Zingales (2002), examinant les différentes régions italiennes, ont mis en évidence que le
développement financier local augmentait la probabilité qu’un individu se lance dans une activité
entrepreneuriale mais aussi le degré de concurrence industrielle, accélérant ainsi la croissance des
firmes. Dans le cas français, Bertrand, Shoar et Thesmar (2004) se fondant sur des données
microéconomiques, affirment que la dérégulation de 1985, mettant fin aux interventions du
gouvernement dans les prêts bancaires, a encouragé la concurrence sur le marché du crédit et
augmenter l’efficience allocative.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 56
Canal n°2: l’effet sur la balance commerciale
L’impact sur la qualité de l’allocation est particulièrement important pour les pays africains
qui tirent une part importante de leur revenu des recettes générées par les exportations. Dans la
majorité des travaux, la contribution à la croissance du niveau de développement financier et du
degré d’ouverture économique sont étudiées de manières dissociées. Dans un modèle présenté en
2001, Beck (2001), résout cette lacune en établissant le rôle d’un secteur financier efficace dans la
détermination du niveau et la composition de la balance commerciale. Reprenant les travaux de
Kletzer et Bardhan (1987), cet article souligne que les pays disposant d’un bon niveau de
développement financier exploitent mieux leur avantage comparatif. En effet, les secteurs
exportateurs qui se financent principalement par recours à des ressources externes bénéficient dans
cet environnement de potentialités de développement plus fortes.
Cette spécificité repose sur la capacité d’un secteur financier fonctionnel d’allouer l’épargne
vers les secteurs confrontés à des contraintes de liquidité. Ceci permet, entre autres, aux secteurs
bénéficiant d’économies d’échelle de se développer et de pouvoir tirer parti de ces dernières.
S’inspirant de cette intuition, le modèle présenté par Thorsten Beck comprend deux secteurs : le
premier a des rendements à l’échelle constants (production de nourriture) et l’autre présente des
économies d’échelles croissantes. Les producteurs des deux secteurs peuvent augmenter leurs
ressources grâce à l’épargne déposée au sein des banques.
Dans cette économie, les frictions causées par les asymétries d’information donnent
naissance aux intermédiaires financiers qui à leur tour font face à des coûts de recherche. Le
développement financier se trouve dès lors matérialisé par la réduction de ces coûts qui entraîne une
augmentation des possibilités de recourir à des financements externes. Il en découle une aptitude à
modifier la spécialisation de l’économie vers le secteur affichant des économies d’échelle dans la
mesure où le développement de ce dernier n’est plus entravé. En guise de conclusion, le modèle
énonce que les économies avec un secteur financier développé seront des exportateurs nets du bien
affichant des rendements d’échelle croissants.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 57
Figure 10: Part de l’Afrique dans le commerce mondial. Source : Cnuced (2007b)
Plusieurs enseignements peuvent être tirés. Premièrement, le niveau de développement
financier a un impact sur la structure de la balance commerciale d’où la nécessité de réformer le
système financier pour permettre à l’économie de pleinement tirer partie de ces potentialités
exportatrices. Au-delà de son impact dans la composition et le volume de la balance commerciale, un
système financier développé constitue un atout fondamental pour l’intégration d’un pays dans
l’économie mondiale. Une étude menée par Aghion, Angelos, Banerjee et Manova (2004) accrédite
ce rôle en démontrant que le développement financier réduit l’impact de chocs externes sur les
économies nationales.
Pour les pays africains dont la part dans le commerce mondial représente à peine 2 pourcent
du total des échanges mondiaux, la mise en œuvre de systèmes financiers fonctionnels constitue, par
conséquent, un enjeu majeur.
Encadré n°1.
Synthèse de quelques uns des canaux d’actions entre facteurs financiers et croissance
1. Des systèmes financiers plus efficients permettent de lever la contrainte financière et d’obtenir une croissance plus
rapide des entreprises.
Demirguc-Kunt et Maksimovic (1998) affirment que les entreprises évoluant au sein de pays disposant de systèmes
financiers plus développés connaissent des taux de croissance de leur activité plus élevés que si elles recouraient
uniquement à l’autofinancement. Par ailleurs, la possibilité de pouvoir accéder à des sources de financement externes
réduit leur contrainte de financement global et leur dépendance vis-à-vis de leur capacité d’autofinancement *Love, 2003+.
.
Rajan et Zingales (1998) ont établi que dans des pays connaissant un fort niveau de développement financier, les industries
dépendantes des financements externes enregistraient des niveaux de croissance plus élevés que leurs homologues de pays
moins bien financièrement dotés.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 58
2. Le développement financier améliore la gouvernance des entreprises et l’exécution des projets
Certains travaux empiriques affirment que le développement financier influencerait plus la croissance économique de
manière qualitative que quantitative. L’étude réalisée par Beck, Levine et Loayza (2000) concluent que le système financier
exerce un impact déterminant sur la croissance à travers l’activité de surveillance des projets et d’analyse de la
gouvernance des entreprises réalisées par les intermédiaires financiers. La hausse de la productivité et une meilleure
allocation des ressources constitueraient des facteurs aussi importants que le volume d’épargne collectée et le montant des
investissements alloués aux acteurs économiques.
3. Un secteur financier efficient permet une meilleure intégration au commerce international
La qualité et l’activité du secteur financier sont susceptibles de déterminer la composition de la balance commerciale et la
compétitivité des économies des PED. Beck (2001), reprenant les travaux de Kletzer et Bardhan (1987) affirment que les
pays disposant d’un bon niveau de développement financier exploitent mieux leur avantage comparatif. En effet, les
secteurs exportateurs se finançant principalement par recours à des ressources externes bénéficient de potentialités de
développement plus fortes, peuvent accroître leurs économies d’échelle et utiliser pleinement leur compétitivité-prix pour
participer à la compétition internationale.
Par ailleurs, un système financier efficient et stable constitue un facteur de protection face à des chocs internationaux et
peut faciliter l’intégration des PED au commerce mondial. Une étude menée par Aghion, Angelos, Banerjee et Manova
(2004) accrédite ce rôle en démontrant que le développement financier réduit l’impact des chocs externes sur les
économies nationales.
#2-Les lacunes méthodologiques des études sur le lien finance/croissance et leur
amélioration
Les études présentées supra sur le lien développement financier et croissance se sont
largement développées à partir du milieu de la décennie 1990 et constituent aujourd’hui un corpus
important voire autonome au sein de la littérature sur la croissance. Par souci d’exhaustivité, il
apparaît important d’en souligner quelques limitations et de présenter les améliorations qui ont pu
être apportées. Cette démarche permettra d’attester de la robustesse actuelle du lien entre
développement financier et croissance.
La première ligne de critiques portant sur ces études repose sur leur méthodologie,
notamment le recours aux études en coupe instantanée pour analyser l’impact de la profondeur
financière sur la croissance. Driffill (2003) résume quelques unes des interrogations sur la
méthodologie et l’interprétation des résultats.
Sa remise en cause de la méthodologie des études portant sur le lien finance/croissance se
fonde avant tout sur l’étendue de la base de données utilisée pour les réaliser. Bien que couvrant la
période 1960-2003, les données ne sont pas complètes pour l’ensemble des pays. Le ratio
d’intermédiation le plus souvent retenu, Crédit privé rapporté au PIB, comprend en moyenne 24.1
observations par pays alors que la période comprend 43 observations potentielles. Pour résoudre ce
problème, la plupart des travaux utilisent des études en coupe instantanée. Pour ce faire, les auteurs
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 59
procèdent en général à un calcul de moyennes de la variable sur une période assez longue ou alors
sur l’ensemble de la période d’étude. La moyenne présentant de nombreux inconvénients, Driffill
s’interroge sur la pertinence des résultats qui découlent de son utilisation. Le recours à des études
en coupe instantanée fait naître un doute sur la significativité du lien entre finance et croissance en
raison de la longueur de la période d’étude considérée mais aussi des éventuels biais de sélection.
Afin de remédier aux éventuelles distorsions associées à la moyenne, un certain nombre
d’études en données de panel ont été réalisées [entre autres, Levine et al. (2000)]. Tout en
constituant un progrès sensible, elles présentent toutefois une limitation pratique : elles requièrent
l’ensemble des observations sur la période d’étude pour chaque pays. L’appareil statistique souvent
rudimentaire des pays en développement étant incapable de fournir de telles informations, la taille
de l’échantillon de pays s’en trouve mécaniquement réduite. Dans le cas de l’étude réalisée par
Levine et al., le panel comprend 5 moyennes effectuées sur 5 périodes mais ne comprend que 71
pays étudiés contre 150 pays potentiellement observables.
La deuxième série de critiques formulées par Driffill porte sur le peu de conclusions
quantitatives pouvant être tirées de cette littérature. Manning (2002) remet ainsi en cause une des
principales conclusions de Levine et Zervos (1998) : les pays en voie de développement pourraient
augmenter leur taux de croissance moyen d’un pourcent par an s’ils élevaient leur niveau de
développement financier vers celui de pays plus mature. Pour Driffill, ces résultats sont largement
générés par l’intégration dans l’échantillon des Dragons Asiatiques. L’intégration de variables
muettes permettant de différencier les résultats par région, notamment pour les Dragons asiatiques,
rend non significatif le lien entre système financier et croissance. Driffill en conclut que la relation
positive entre finance et croissance est largement attribuable à la croissance des Dragons asiatiques.
Or, dans ces pays, la croissance est largement expliquée par d’autres facteurs structurels11.
Une autre limitation inhérente aux études sur la relation finance et croissance est liée à la
date limite des données. En effet, la dernière observation de la base de données utilisée dans la
plupart des études correspond à l’année 1995. Les études n’ont, par conséquent, pas toujours pris en
compte la crise financière asiatique. Or, celle-ci a été une période de retournement économique
précédée par un fort approfondissement des systèmes financiers. La profondeur financière mesurée
dans les études réalisées par Levine et al. (crédit au secteur privé rapporté au PIB) a fortement
augmenté au sein des Dragons asiatiques pendant la période 1992-1998 : la hausse de cet indicateur
s’est échelonnée de 21.9 pourcent en Indonésie à 142.9 pourcent aux Philippines. De telles
limitations remettent en cause la significativité du lien entre finance et croissance lorsque l’on prend
en compte le poids des pays asiatiques dans la régression. La prise en compte de ces limitations
pourraient permettre de valider la force du lien finance/croissance et faire du développement du
secteur financier une priorité, notamment dans les pays subsahariens.
11
Cf. notamment les travaux de Rodrik dans ce domaine : Rodrik, D. (1996). ‘Understanding Economic Policy Reform’.
Journal of Economic Literature, 34(1):9–41..
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 60
B-Etudes économétriques centrées sur le lien développement financier-croissance en
Afrique
Un des reproches formulé à l’encontre des études économétriques réalisées par les équipes
de la recherche sur le secteur financier de la Banque Mondiale réside dans l’hétérogénéité des pays
retenus dans les échantillons. En effet, l’intégration de quelques pays africains caractérisés par un
faible niveau de développement financier au sein d’échantillon contenant de nombreux pays
développés a souvent été source de conclusions biaisées quant à la portée du facteur financier en
Afrique.
Différentes études centrée sur l’Afrique ont remédié à ce biais. Les travaux de Gelbard et
Leite (1999), Collier et Gunning (1999), et Ndikumana (2001) arrivent à la même conclusion : le
développement financier a un impact positif sur la croissance économique en Afrique. L’étude de
Gelbard et Leite est d’autant plus intéressante que les auteurs ont construit un indicateur composite
de développement financier à l’aide de six indices représentant les caractéristiques majeures des
systèmes financiers des pays africains :
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
(vi)
la structure de marché et la compétitivité du système financier ;
l’éventail des produits financiers disponible sur le marché financier ;
le degré de libéralisation financière ;
la qualité de l’environnement institutionnel ;
le degré d’ouverture financière et,
le degré de complexité des instruments de politique monétaire.
L’enquête couvre 38 pays de l’Afrique subsaharienne entre 1987 et 1997. Les résultats des
estimations économétriques montrent une relation positive entre l’indice composite de
développement financier et la croissance du PIB par tête.
Si le développement financier influe sur la croissance dans les pays africains, ce facteur, tout
comme de nombreuses autres variables (capital humain, physique,…), exerce un impact plus faible
sur la croissance en Afrique que dans d’autres régions en voie de développement. Cette faiblesse a
été mise en évidence par Kpodar (2005) sur la base d’une analyse portant sur différentes variables
financières recueillies dans 71 PED dont 28 pays d’Afrique subsaharienne sur la période 1968-1997. Il
démontre qu’une augmentation d’un point de pourcentage du ratio M3/PIB entraîne une hausse de
la croissance de 0,27 point dans les autres PED contre 0.04 points pour les pays africains. Une
croissance d’un point de pourcentage du ratio Crédit au secteur privé/PIB contribue à une croissance
additionnelle de 0.37 point dans les autres PED contre 0.12 point de pourcentage dans les pays
Africains soit un impact trois fois plus faible.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 61
CONCLUSION
Au-delà des arguments portés par Robinson et Lucas, la littérature économique semble
désormais s’accorder sur la capacité du facteur financier à exercer une action sur le niveau et la
stabilité de la croissance (Bernanke, Gertler, 1989).
Théoriquement et empiriquement, différentes études documentent l’action au niveau méso
et macroéconomique d’intermédiaires financiers développés et efficients sur les différents ressorts
(processus et acteurs) contribuant à la croissance.
Le véritable débat porte sur l’intensité de cette relation. Dans la sphère subsaharienne, celleci semble moindre que dans d’autres régions en développement. Au nombre des explications
susceptibles d’éclairer ce résultat, figurent l’instabilité financière, la présence de nombreuses
imperfections, le faible degré de concurrence, la mauvaise qualité de la réglementation/régulation et
l’efficacité judiciaire.
Face au peu de travaux consacrés à ces sujets, une meilleure intelligence des facteurs
influençant l’impact du facteur financier apparaît nécessaire. Un effort devrait notamment être
envisagé afin de mieux appréhender les effets d’une meilleure intermédiation financière sur les
différents secteurs des économies subsahariennes. L’analyse pourrait, par ailleurs, être affinée afin
de déterminer la ou les formes d’intermédiation financière à même de répondre aux besoins des
différents acteurs.
Guidées par de telles analyses, les interventions dans la sphère financière seront à même de
lever les contraintes affectant les différents systèmes financiers subsahariens et leur permettront de
jouer pleinement leur rôle. Ces interventions sont d’autant plus impérieuses que le volume et la
qualité de l’intermédiation exercent aussi un impact sur les processus de réduction de la pauvreté
(Chapitre 3).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 62
CHAPITRE 3
SYSTEMES FINANCIERS ET REDUCTION DE LA
PAUVRETE
L'emprunt est le premier-né de la pauvreté.
Proverbe peul
Le riche domine les pauvres, du créancier l’emprunteur est esclave.
La Bible, Proverbes 22:7
INTRODUCTION
Il ne peut y avoir assertions plus contradictoires que l’intitulé de ce chapitre et les deux
citations précédentes. Celles-ci s’inscrivent dans une longue tradition morale, longtemps partagée
par différentes civilisations, qui réprouve certaines activités financières (notamment le prêt à
l’usure).
Elles entrent en conflit avec une part importante de la littérature économique faisant de
l’émergence d’intermédiaires financiers forts un gage de développement social. Les travaux qui
s’inscrivent dans cette veine laissent supposer que des intermédiaires financiers efficients sont
susceptibles de modifier le niveau et la redistribution des revenus en offrant des services financiers
adéquats (financement, notamment) aux agents économiques et plus particulièrement aux plus
fragiles d’entre eux.
Face à ces visions antagonistes de la contribution du facteur financier à la réduction de la
pauvreté, de nombreuses contributions académiques ont essayé d’établir l’impact du
développement financier en matière de réduction de la pauvreté.
Or, théoriquement, le développement financier semble avoir un effet ambigu dans ce
domaine (Section I). Lever cette indétermination est nécessaire pour orienter les politiques
économiques des pays subsahariens, tâche à laquelle s’attellent différentes études empiriques
(Section II). Leurs résultats semblent postuler une influence positive de systèmes financiers
développés en matière de réduction de la pauvreté.
SECTION I – LA CONTROVERSE THEORIQUE AUTOUR DU LIEN ENTRE
SYSTEME FINANCIER ET PAUVRETE
Pendant longtemps, les recherches réalisées n’ont pas permis de déterminer si des systèmes
financiers développés bénéficient à l’ensemble de la population, à sa fraction la plus riche ou alors
aux couches les plus pauvres. Différents modèles théoriques fournissent des conclusions divergentes
sur la relation entre développement financier et son impact en matière de lutte contre la pauvreté.
Les premiers concluent à une influence « démocratisante » du développement financier, bénéfique à
l’ensemble des couches sociales (§2), tandis que les seconds affirment le contraire (§3). Avant de
présenter ces modèles, la compréhension des mécanismes liant développement financier et
pauvreté requiert de revenir sur la notion de pauvreté et les outils permettant de la réduire (§1).
§1 - LE LIEN ENTRE INEGALITES, PAUVRETE, CROISSANCE ET POLITIQUE FINANCIERE
Il existe un consensus au sein des praticiens en faveur de l’adoption d’une mesure absolue de
la pauvreté. Celle-ci est déterminée par un seuil de revenu qui délimite une partie de la population
dont le revenu se situe en dessous de ce seuil et qui est, par conséquent, considérée comme pauvre.
Deux seuils (1 dollar américain et 2 dollars américains par jour), sont souvent retenus et permettent
de définir un des Objectifs de Développement du Millénaire : la proportion de la population disposant
de moins d’un dollar par jour. Dans un article intitulé "The Poverty-Growth-Inequality Triangle",
François Bourguignon (2003) fait des politiques visant à stimuler la croissance et à modifier la
répartition des revenus les deux piliers de la lutte contre la pauvreté.
Ce double choix s’explique par l’existence d’une relation arithmétique associant pauvreté
absolue, croissance et répartition des revenus. Dans cette optique, la croissance se définit comme
l’évolution en valeur relative du bien être au sein de la population quantifiable à travers la
consommation ou le revenu moyen. En supposant qu’il n’y ait pas de modification dans la répartition
des gains de la croissance, cette variable constitue à elle seule un outil de réduction de la pauvreté.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 64
En effet, tous gains de croissance supplémentaire attribués aux plus pauvres contribuent à
augmenter leur revenu absolu et peuvent leur permettre de franchir le seuil de pauvreté. Cette
relation explique la volonté des bailleurs de fonds d’encourager les politiques de stimulation de la
croissance.
La répartition des revenus ou l’inégalité dans leur distribution constitue la deuxième
alternative pour atteindre l’objectif de réduction de la pauvreté absolue. La répartition des revenus
fait référence aux disparités relatives de revenu au sein de l’ensemble de la population. En l’absence
de toute hausse des revenus de l’ensemble de la population, une meilleure redistribution de ceux-ci
entre les individus peut constituer un outil de baisse de la pauvreté absolue. Différentes études se
sont attachées à calculer la contribution de ces deux mécanismes à la réduction de la pauvreté.
Besley et Burgess (2003) ont calculé que les pays en voie de développement devraient
réaliser un taux de croissance moyen de 3,8 pourcent afin d’atteindre les Objectifs de Développement
du Millénaire12. Ce niveau représente le double de la performance en matière de croissance
enregistrée par ces pays entre 1960 et 1990. Ces auteurs estiment, par ailleurs, qu’une modification
de la distribution des revenus d’un point d’écart-type pourrait réduire la pauvreté de moitié en
Amérique Latine, voire plus en Afrique subsaharienne. Ces chiffres soulignent la dimension binaire
que doivent emprunter les politiques de lutte contre la pauvreté en associant politiques de
croissance globale du revenu et politiques de réduction des inégalités.
Ils mettent, par ailleurs, le doigt sur un besoin fondamental : la détermination de politiques
de croissance qui soient bénéfiques aux pauvres ("Pro poor Growth"). En raison de la focalisation sur
l’objectif de croissance par tête, peu d’attention est portée aux conséquences de la croissance et des
politiques de promotion de celle-ci sur la répartition des revenus. En effet, s’il est largement admis
que la croissance économique est un puissant moteur pour réduire la pauvreté, les bénéfices de la
croissance peuvent être réduits ou annihilés par l'accroissement des inégalités susceptibles
d’accompagner la croissance. En effet, de nombreux facteurs influant sur la croissance économique,
telles que la stabilité macroéconomique, l'ouverture au commerce international, l'importance des
dépenses publiques, les règles de droit et d’autres politiques conjoncturelles ou structurelles
peuvent affecter la répartition des gains de la croissance.
Ces politiques, en fonction de leur pilotage peuvent (i) augmenter le revenu de l’ensemble
de la population, (ii) favoriser une hausse plus forte du revenu des couches les plus riches, (iii) ou
contribuer à une forte hausse du revenu des strates les plus pauvres. Des politiques de croissance
ayant une forte capacité à favoriser les populations les plus pauvres sont donc mieux à même de
contribuer à la réduction de la pauvreté.
S’agissat des politiques visant à favoriser l’essor du système financier ayant un impact sur la
croissance (Cf. chapitre 2), il est nécessaire de s’interroger sur leurs effets en matière de distribution
12
Les Nations Unies et la Banque Mondiale font d’un objectif de 7% un minimum pour les pays subsahariens.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 65
des revenus au sein de la population. Certains modèles postulent qu’un secteur financier plus
développé exerce une influence positive sur la croissance et réduit les inégalités. Ils partent d’un
constat : les imperfections caractérisant les marchés financiers telles que les asymétries
d’information, les coûts de transactions et les coûts d’application des contrats peuvent constituer
des contraintes majeures pour les entrepreneurs les plus pauvres qui ne disposent pas de garanties,
de relations ou alors d’un historique en matière de crédit. Ces contraintes sont susceptibles de
limiter le flux de crédit vers des personnes ayant des projets rentables mais qui ne possèdent pas les
capitaux nécessaires à leur mise en œuvre. Il peut en résulter une baisse de l’efficience de l’allocation
du capital et une augmentation des inégalités de revenu. Le développement financier peut modifier
la donne en réduisant la contrainte de crédit pesant sur les pauvres ainsi que les inégalités de
revenus et améliorer l’allocation du capital et accélérer la croissance.
Cet enchaînement vertueux est remis en cause par d’autres travaux qui affirment que les
améliorations du secteur financier bénéficient en premier lieu aux entrepreneurs les plus riches. Les
entrepreneurs les plus pauvres n’utilisent que leurs relations familiales ou alors le secteur informel
afin de réunir les fonds nécessaires à la mise en œuvre de leur projet.
L’étude de la relation entre le développement financier et la réduction de la pauvreté
s’apparente ainsi à un grand écart afin de réconcilier deux courants de la littérature apparemment
contradictoires. Le premier souligne l'effet positif du développement financier sur la croissance (et la
pauvreté) tandis que pour un autre courant d’autres mécanismes, dont la croissance du crédit,
constituent des facteurs d’appauvrissement à travers par exemple les effets des crises bancaires et
monétaires. Au vu des enjeux, les enchaînements théoriques sous-tendant ces deux courants seront
explorés avant de considérer les études empiriques. Ces dernières étayent le rôle du facteur financier
dans la réduction de la pauvreté.
§2 - LES THEORIES POSTULANT UNE RELATION POSITIVE ENTRE SYSTEMES FINANCIERS EFFICIENTS
ET REDUCTION DE LA PAUVRETE
La contrainte de crédit résultant des asymétries d’information est particulièrement
exacerbée pour les couches les plus pauvres. Pour certains économistes, l’évolution de
l’intermédiation financière devrait avoir un impact largement positif pour les pauvres. Selon Banerjee
et Newman (1993) mais aussi Galor et Zeira (1993), les plus pauvres, en raison de l’absence de
ressources, de garantie ou de connexions politiques pour accéder au financement, éprouvent des
difficultés à financer leurs projets d’investissements ou alors de formation. L’absence d’institutions
financières fonctionnelles crée des phénomènes d’hystérèse (reproduction sociale des inégalités) et
fait converger des économies caractérisées par la pauvreté et de fortes inégalités vers une situation
de pauvreté au moins égale ou plus forte.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 66
Banerjee et Newman (1993) s’inscrivent dans cette veine et s’intéressent au processus de
détermination des choix occupationnels (salariat, auto-emploi, chômage), c’est-à-dire les activités
exercées par les individus appartenant à une population donnée. Ces dernières et leur dynamique
sont particulièrement importantes dans la mesure où elles exercent un impact sur la distribution des
revenus et de la richesse entre agents mais aussi sur le niveau d’épargne, de consommation voire la
nature et le niveau de la demande et de la production. Dans la modélisation adoptée, les individus les
plus pauvres ne peuvent mettre en œuvre des projets pourtant rentables en raison des imperfections
caractérisant les marchés financiers. A contrario, ils peuvent travailler pour des individus mieux dotés
et qui ont pu mettre en œuvre une activité entrepreneuriale. Quant au statut occupationnel (salarié
ou chômeur ou alors création d’une micro-activité personnelle), il est tributaire des conditions sur le
marché du travail.
Sans opportunités de financements, le sentier de changement structurel se trouve déterminé
par les conditions initiales : les plus pauvres ne peuvent qu’accéder à deux états : salariés ou
chômeurs, la possibilité de créer une micro-activité personnelle étant fortement contrainte par
l’élément financier.
Le modèle de Galor et Zeira fait porter la contrainte financière sur l’accumulation de capital
humain car les imperfections existant au sein de la sphère financière empêchent les individus les plus
pauvres d’emprunter afin d’acquérir une meilleure éducation. Dans un tel environnement, seules les
personnes ayant hérité d’un niveau de richesse suffisant peuvent obtenir un certain niveau
d’éducation et changer de statut social. Plus la répartition initiale des richesses est inégalitaire, plus
le nombre de personnes à même d’accumuler un niveau conséquent de capital humain est faible. Or,
cette dernière variable étant une des clés conditionnant une croissance forte et soutenue sur le long
terme, les économies caractérisées par de telles inégalités risquent de sombrer dans un piège à
pauvreté.
Le développement de l’intermédiation financière peut rompre cet enchaînement fataliste,
notamment en réduisant les coûts d’intermédiation ou alors en rendant ceux-ci plus supportables
par les intermédiaires financiers dans le cadre de système plus profond. En effet, l'accès des ménages
pauvres aux crédits bancaires est freiné par les coûts unitaires élevés pour des prêts de faible
montant. Cependant, au fur et à mesure que le système financier devient plus sain, plus vaste et plus
compétitif, il est possible qu'il soit plus apte à supporter les coûts élevés de cette catégorie de
crédits. A titre d’exemple, en Amérique latine, les banques commerciales font désormais des crédits
groupés aux pauvres à l’instar des institutions de microcrédit. De plus, le développement du crédit
informel, qui est souvent l'unique source de dépôt et d'emprunt pour les pauvres, est facilité par la
croissance du système financier formel qui offre des occasions de placements rentables aux
institutions ou aux agents financiers informels.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 67
Figure 11: Politiques de développement financier et liens avec la lutte contre la pauvreté. Source :
auteur.
Toutefois, cette vision « démocratisante » du développement financier ne fait pas
l’unanimité car un autre courant de la littérature affirme que l’accès au système financier,
notamment au crédit, bénéficie principalement aux riches et aux personnes pourvues d’appui.
§3 - LES THEORIES POSTULANT UNE INTERMEDIATION FINANCIERE SOURCE D’ APPAUVRISSEMENT
Le thème du développement financier appauvrissant peut être exploré en adoptant une
approche structurelle (la contribution positive ou négative sur longue période du système financier à
la réduction de la pauvreté) ou conjoncturelle (les effets des crises affectant le système financier sur
les populations les plus pauvres).
L’approche conjoncturelle insiste sur le lien entre sophistication/complexification des
institutions et instruments financiers et la pauvreté. La sophistication/complexification financière
s'accompagne souvent périodiquement de crises financières susceptibles d'avoir de profondes
répercussions sur le niveau de pauvreté. L’expansion du crédit, un des indicateurs de développement
financier constitue un bon indicateur pour prédire les crises financières. Ainsi, une étude réalisée par
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 68
Guillaumont Jeanneney et Kpodar (2006) fait remarquer que sur un échantillon de 110 pays en voie
de développement, le développement financier mesuré par le ratio des actifs liquides du système
financier sur le PIB (M3/PIB) est souvent accompagné d’une instabilité de ce ratio.
Or, les pauvres sont plus vulnérables aux crises bancaires que les riches. Les perturbations du
système de paiement et les fermetures de banques ont des effets bien plus graves sur les individus
les plus démunis. Le gel des dépôts leur est particulièrement préjudiciable, puisqu'ils ne peuvent pas
diversifier leurs actifs et notamment investir leur épargne dans des banques étrangères. Cette
couche de la population est, par ailleurs, la première affectée par les mesures de rationnement prises
par les banques en cas de difficulté. Cette logique s’explique par une plus faible rentabilité des prêts
octroyés à ce type de clientèle et son faible pouvoir de négociation.
À côté des effets directs de l'instabilité financière sur les pauvres, celle-ci affecte ces derniers
par d’autres canaux plus indirects. En effet, puisque le taux d'investissement dépend de la
disponibilité de financements, l'instabilité financière induit celle de ce taux, et par conséquent du
taux de croissance. De plus, l'instabilité financière conduit à la volatilité des prix relatifs car les prix
des différents biens et services ne sont pas influencés de la même façon par une modification de la
disponibilité des crédits. En effet, si les prix des biens échangeables sont déterminés par les prix
internationaux et par le taux de change nominal, ceux des biens non échangeables dépendent de
l'offre et de la demande intérieure. Ils sont donc plus directement liés au volume des crédits. Ces
deux instabilités (celle du taux d'investissement et celle du taux de change réel) provoquent la
volatilité de la croissance. Cette dernière variable exerçant un effet négatif sur le taux de croissance
annuel13, l'instabilité financière, en provoquant la volatilité de la croissance économique, peut
ralentir la croissance. La croissance économique étant nécessaire à la réduction durable de la
pauvreté, l'instabilité financière est défavorable aux pauvres à cause de son effet négatif sur la
croissance économique. De plus, les pauvres peuvent être plus vulnérables au caractère cyclique de
la croissance économique que les riches, du fait d'une asymétrie entre les périodes de baisse et de
hausse du revenu global, les premières réduisant plus le revenu des pauvres que les secondes ne
l'augmentent.
Au-delà de cet effet conjoncturel des systèmes financiers sur la pauvreté, ce dernier peut
avoir un impact plus structurel et sur le long terme. Haber, se fondant sur l’exemple mexicain affirme
que le système financier peut contribuer à la croissance sans que son impact sur la distribution des
revenus soit clair (Haber, 2004, 2005). Greenwood et Jovanovic (1990), reprenant le raisonnement de
Kuznets établissant un lien entre croissance et hausse des inégalités (la courbe en U inversé), se sont
attelés à examiner le lien existant entre développement financier et l’évolution des inégalités. Le
modèle mis en œuvre par les deux auteurs postule que si l’accès au crédit s’améliore avec la
croissance économique et l’entrée des franges les plus pauvres dans le secteur formel, la relation
entre développement financier et distribution du revenu peut être non linéaire. Au cours des
13
Cf. notamment l’article rédigé par Ramey et Ramey: Ramey G. et Ramey V.A (1995), Cross-country Evidence on the Link
Between Volatility and growth, The American Review, vol. 85, n° 5, December 1995, p. 1138-1151
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 69
premières étapes du processus de développement, seules les couches les plus riches peuvent se
permettre d’accéder aux marchés financiers et le développement financier accroît les inégalités de
revenus tandis que la maturité se caractérise par la conjonction d’un système financier développé,
une distribution moins inégale du revenu entre les individus et un niveau de croissance élevé.
Face aux divergences de ces différentes écoles de pensée, le recours aux études empiriques
constitue un secours précieux dans la détermination de la relation entre pauvreté et développement
financier.
SECTION II - ETUDES EMPIRIQUES ET CONTRIBUTION POSITIVE DU
SYSTEME FINANCIER A LA REDUCTION DE LA PAUVRETE
Beck, Demirguc-Kunt et Levine (2004) ont analysé le lien entre développement financier, le
taux de croissance de l’indice de Gini, le taux de croissance du revenu du quintile le plus pauvre de la
population et la fraction de la population vivant avec moins de 1 dollar américain par jour. Selon les
résultats de cette étude, le développement du système financier contribue fortement à la réduction
de l’inégalité des revenus et à la réduction de la pauvreté absolue et relative. La méthodologie de
cette étude est séminale car elle repose sur trois indicateurs complémentaires mais qui ont des
portées différentes en termes de politiques économiques.
Le premier indicateur est le nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour, un
indicateur de pauvreté absolue. A titre de rappel, un consensus de plus en plus fort se fait autour de
l’adoption d’indicateurs de pauvreté absolue comme indicateur privilégié en matière de mesure de la
pauvreté (Bourguignon, 2003).
Le deuxième indicateur, le coefficient de Gini mesure le niveau d’inégalité au sein d’une
population. Il est obtenu à partir de la courbe de Lorenz. Cette dernière relie le pourcentage cumulé
de la population au pourcentage cumulé de revenu. Si la courbe de Lorenz est matérialisée par une
droite à 45°, la distribution des revenus est égalitaire (20 pourcent de la population reçoit 20
pourcent du revenu). Le coefficient de Gini correspond au ratio entre l’aire délimitée par la courbe de
Lorenz et la droite à 45° rapporté à l’aire située sous la droite à 45°. Les valeurs du coefficient
s’échelonnent de 0 à 1 et plus sa valeur est élevée, plus le niveau d’inégalités est important.
Le troisième indicateur retenu est le revenu du quintile le plus pauvre de la population qui
appartient à la catégorie des indicateurs de pauvreté relative.
Sur la base de données portant sur la période 1960-1999 et dans le cadre d’un échantillon
comprenant 52 pays (dont 23 pays africains), les auteurs concluent que :
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 70
1-Le développement financier accélère le taux de croissance du revenu du quintile de la
population le plus pauvre. Le développement financier réduit la pauvreté relative ;
2-Le développement financier entraîne une baisse du coefficient de Gini. La relation négative
entre le développement financier et le taux de croissance du coefficient de Gini est robuste même
après contrôle de la croissance du PIB réel par tête. On peut déduire de ce résultat que le
développement financier réduit les inégalités de revenu ;
3-Le développement financier réduit le pourcentage de la population vivant avec moins d’1
dollar américain par jour. Les auteurs en déduisent que le développement financier réduit le niveau
de pauvreté absolue. Les résultats obtenus pour chacun des indicateurs sont robustes au test de
contrôle sur d’autres variables explicatives.
Bien que présentant certaines limitations (l’indicateur de développement financier retenu ne
mesure pas l’accès au secteur financier de la population la plus pauvre), les conclusions de cette
étude ont de profondes implications en matière de politique économique. En réduisant les frictions
au sein de la sphère financière, la mise en œuvre de réformes au sein de la sphère financière semble
à même de réduire les inégalités de revenu et la pauvreté, de stimuler la croissance sans les
éventuelles distorsions liées à la mise en œuvre de politique de redistribution.
Honohan (2004) complète cette étude en démontrant, par ailleurs, que pour des niveaux de
revenus identiques, des économies présentant des systèmes financiers plus profonds sont
caractérisés par un nombre moins élevé de personnes pauvres.
CONCLUSION
Ces différents travaux apportent de premières réponses sur le rôle positif que peut exercer
un système financier développé en matière de réduction de la pauvreté et complètent les
développements sur le lien entre systèmes financiers efficients et croissance.
Toutefois, les premières conclusions optimistes des études empiriques sur le rôle du facteur
financier en matière de réduction de la pauvreté ne doivent pas minorer la présence de nombreux
effets de seuil. Ainsi, des produits financiers sophistiqués et potentiellement sources d’amélioration
du bien être des couches sociales les plus fragiles ne leur seront d’aucune utilité si leurs conditions
d’utilisations (coûts des services, niveau d’éducation requis) limitent leur diffusion.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 71
Par ailleurs, il est nécessaire de souligner, par honnêteté intellectuelle, certaines des
faiblesses des études d’impact des produits/institutions financières sur la pauvreté. En effet, en dépit
du développement de la microfinance, son action sur la pauvreté demeure encore largement sujette
à caution. Les études d’impact microéconomique souffrent encore de nombreux biais (sélection des
échantillons, durée des études, etc…). Au niveau subsaharien, il n’existe pas d’étude globale sur le
rôle des variables bancaires dans le processus de réduction de la pauvreté. Le coût de ces études et
la difficulté d’accéder aux données limitent encore malheureusement leurs conclusions et
restreignent les conclusions à certains pays de l’arc subsaharien qui sont souvent les plus
développés.
Or, vouloir lutter contre la pauvreté en utilisant le facteur financier requiert une
connaissance plus poussée des interactions entre les deux sphères. A cet égard, loin de conclure sur
une note faussement optimiste, il apparaît nécessaire de compléter les premières conclusions
positives par des études d’impact portant sur les effets de la mise à disposition de services et de
produits financiers. C’est à ce prix que la mise en place de systèmes financiers inclusifs sera à même
d’exercer un impact massif en termes de réduction de la pauvreté.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 72
CONCLUSION
Cette première partie a permis de préciser et de comprendre la mécanique reliant des
systèmes financiers efficients et développés aux différentes dimensions du développement socioéconomique. Au-delà d’un simple résumé des différents chapitres, il peut être utile de clore ce
premier volet par une réinterprétation de certains phénomènes affectant le développement dans
l’arc subsaharien à l’aune des jalons empiriques et théoriques présentés.
Le chapitre 1 a permis de présenter cinq fonctions microéconomiques remplies par des
intermédiaires financiers efficients :
(i) la facilitation des échanges de biens et services ;
(ii) la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
(iii) la production d’information sur les investissements envisageables et l’allocation de
l’épargne ;
(iv) la répartition, la diversification et la gestion du risque ;
(v) et le suivi des investissements en exécution et le contrôle de la gouvernance.
Ces fonctions influent au quotidien sur la qualité et le niveau des opérations mises en œuvre
par les agents non financiers. Elles constituent le sous-bassement microéconomique de l’influence de
l’intermédiation en matière de croissance et de réduction de la pauvreté mais voient leur impact
limité par la présence de nombreux facteurs inhibant le développement de l’intermédiation dans
l’arc subsaharien.
En mettant en lumière la capacité d’un système financier à impulser qualitativement et
quantitativement la croissance, le chapitre 2 a mis en évidence différents canaux méso et
macroéconomiques à même d’expliquer l’incapacité de l’espace subsaharien à susciter une
croissance forte et durable hors secteur producteurs de matières premières14. Face aux études
soulignant les performances enregistrées par des secteurs ou des régions bénéficiant de systèmes
financiers développés et efficients, la stagnation de l’entrepreneuriat africain pourrait aussi
s’expliquer par les carences de l’intermédiation financière en zone subsaharienne. Les faiblesses de
cette dernière et l’incapacité de ses acteurs à pourvoir aux besoins de financement pourrait ainsi
expliquer la trajectoire chaotique de l’entreprise subsaharienne : peu d’entreprises sortent de
14
La forte croissance enregistrée au sein de l’arc subsaharien au cours des cinq dernières années est largement liée à la
hausse des cours des matières premières et aux performances des industries extractives.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 73
l’informel, encore moins parviennent à passer du statut de TPE à celui de PME et celles qui deviennent
de grandes entreprises constituent des quasi ovnis.
Les mécanismes reliant l’intermédiation et le développement de certains secteurs sont à
l’origine de l’incapacité des pays africains à exploiter leurs avantages comparatifs dans de nombreux
domaines et de leur difficile insertion dans la chaîne de la mondialisation [l’Afrique représente en
moyenne un peu plus de 2% du commerce mondial sur les 10 dernières années (Cnuced, 2007b)].
La première thérapie pour favoriser la réduction de la pauvreté étant la croissance, il ne faut
pas s’étonner que des systèmes financiers peu à même de susciter la croissance, soient encore moins
à même de participer à la lutte contre la pauvreté.
Pourtant, ainsi que l’atteste le chapitre 3 les interactions entre des systèmes financiers
développés et efficients et la réduction de la pauvreté sont fortes. En octroyant des services
financiers de qualité à même de répondre aux besoins des plus démunis, les intermédiaires financiers
peuvent participer à l’augmentation et à une meilleure redistribution des revenus.
Malheureusement, différents goulots d’étranglements peuvent entraver ces processus vertueux. A
titre d’exemple, les asymétries d’informations peuvent inciter les banques à sélectionner les projets
provenant des ménages les mieux nantis au détriment de ceux émanant de personnes physiques
démunies mais possédant des projets plus rentables.
Au final, il apparaît qu’un système financier traversé par de telles distorsions, bien que
disposant d’une palette d’institutions et d’instruments variés, contribuera peu au développement
socio-économique. Ce double paradoxe (capacité de systèmes financiers diversifiés et profonds à ne
pas contribuer à la réduction de la pauvreté et à ne pas susciter une croissance durable et répartie
dans tous les secteurs) appelle une réflexion profonde sur les indicateurs couramment utilisés pour
mesurer la maturité d’un système financier et sa contribution au développement socio-économique.
La partie II entend apporter une modeste contribution à ce processus d’intelligence en
revenant largement sur la notion de développement financier et en proposant une nouvelle
méthodologie à la fois quantitative et qualitative d’analyse du développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 74
PARTIE II
LE FAIBLE DEVELOPPEMENT FINANCIER
DES PAYS SUBSAHARIENS
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 75
INTRODUCTION
Il existe plusieurs sources potentielles de financement intérieur qui pourraient fournir d’importantes
ressources additionnelles pour le développement s’il en était tiré parti comme il convient. Toutefois,
les mesures de politique générale prises jusqu’à présent pour accroître le montant total des
ressources pour le développement ne tiennent pas suffisamment compte du fait que les pays
d’Afrique doivent mieux mobiliser leurs ressources intérieures.
Cnuced (2007a), Rapport sur le développement en Afrique
Les différents travaux théoriques et empiriques présentés dans la première partie ont
permis de mieux comprendre les liens unissant des systèmes financiers efficients et développés à
deux dimensions fondamentales du développement socio-économique : la réduction de la pauvreté
et la promotion d’une croissance soutenue, auto-entretenue et non centrée sur les secteurs
extractifs.
Les différents protagonistes des systèmes financiers d’Afrique subsaharienne15 se rejoignent
autour d’un constat : comparés à leurs homologues d’autres pays en développement, ceux-ci sont
sous-développés et l’écart est encore plus prononcé avec les systèmes financiers des pays de l’OCDE.
Au nombre des reproches les plus souvent avancés, on trouve :
(i)
(ii)
(iii)
la faible accessibilité des utilisateurs (ménages et PME notamment) ;
des frais et commissions bancaires élevés par rapport au niveau de vie ;
une offre de services limitée tandis que les intermédiaires financiers sont le plus
souvent accusés de prospérer et d’afficher des taux de rentabilité insolents sans
rechercher à innover ou alors à améliorer la qualité du service proposée aux
utilisateurs.
Malheureusement, au-delà de ces constats, il est difficile de mesurer le niveau de
contribution des systèmes financiers subsahariens au développement socio-économique et ce
faisant, leur capacité à favoriser la croissance et la réduction de la pauvreté.
15
Etats, bailleurs de fonds, ménages, entreprises et intermédiaires financiers.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 76
C’est dans cette voie que les quatre chapitres de cette deuxième partie entendent s’inscrire
et marquer un certain nombre de progrès. Le chapitre 4 présentera une nouvelle méthodologie
élaborée parallèlement à cette thèse dans le cadre d’une mission de conseil effectuée au sein de
l’Agence française de Développement par l’auteur. En s’appuyant sur le concept de développement
financier, elle appréhende la contribution d’un système financier au développement socioéconomique à travers un indicateur de développement financier. Celui-ci permet de mesurer de
manière quantitative les performances des systèmes financiers subsahariens en utilisant sept
dimensions: l’accessibilité, la profondeur, l’efficacité, la rentabilité/stabilité, les institutions d’appui, la
diversité institutionnelle et instrumentale et l’ouverture aux flux internationaux de capitaux. Les
notes recueillies constituent une avancée dans la compréhension des systèmes financiers
subsahariens tout en soulignant leurs lacunes.
Face aux limites de cette approche quantitative, les chapitres suivants complètent ces notes
en précisant qualitativement les performances des systèmes financiers africains pour certaines
dimensions.
Le chapitre 5 met ainsi en exergue une réalité connue : la faible profondeur des systèmes
financiers subsahariens. Ces derniers, malgré une amélioration de leur capacité à mobiliser l’épargne,
sont encore loin des performances affichées par leurs homologues des autres PED. Pis, ils se
caractérisent par leur incapacité à allouer cette épargne à des fins productives et affichent des
niveaux de surliquidité élevés. Ce dernier phénomène inhibe fortement l’efficacité de la politique
monétaire et les stimulations des autorités en charge de celle-ci.
Au-delà de la faible profondeur des systèmes financiers subsahariens, leur faible diversité
constitue une deuxième contrainte pour le développement de nombreux projets et activités. Elle se
décline aussi bien au niveau des institutions (largement dominées par le compartiment bancaire)
mais aussi des services proposés (les agents économiques non financiers peinent à trouver des
produits ayant une maturité adaptée à leurs besoins).
Le chapitre 6 revient sur une autre carence structurelle des systèmes financiers de l’arc
subsaharien : leur niveau réduit d’accessibilité. Cette notion désigne la capacité des acteurs non
financiers à faire face à différents types d’obstacles (distance, coûts des services et formalités
administratives) pour accéder aux services financiers. Pour les ménages et les PME, le niveau élevé
de ces obstacles limite leur capacité à mettre en œuvre des activités productives susceptibles de
créer des emplois, de participer à la réduction de la pauvreté mais aussi d’augmenter le niveau de
croissance.
Incapables de satisfaire les attentes des entreprises et de la majorité des ménages, les
intermédiaires financiers subsahariens, et plus particulièrement les banques, enregistrent néanmoins
des taux de rentabilité parmi les plus élevés au monde. Le chapitre 7, en détaillant et en nuançant les
conditions de cette rentabilité, fait du maintien de l’augmentation du coût des services financiers le
principal déterminant de ces performances. A contrario, les établissements financiers subsahariens
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 77
affichent des niveaux d’efficacité sensiblement plus faibles que ceux de leurs homologues des autres
régions en développement.
Cette situation à longtemps été expliquée à l’aune du coût des facteurs et des nombreuses
contraintes présentes dans l’environnement des intermédiaires financiers subsahariens (risque
politique, macroéconomique et microéconomique). Toutefois, le faible degré de concurrence
apparaît désormais comme un autre facteur explicatif. Le chapitre 7, en revenant sur cette notion,
établit le lien entre faible degré de concurrence et le niveau réduit d’efficacité des intermédiaires
financiers. Il souligne, par ailleurs, la nécessité de promouvoir une concurrence plus importante dans
ces sphères financières afin de bénéficier des effets vertueux de celle-ci dans des dimensions telles
que la profondeur et la diversité.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 78
CHAPITRE 4
UNE NOUVELLE METHODOLOGIE D’ANALYSE
DU DEVELOPPEMENT FINANCIER
Si la science évolue, c'est souvent parce qu'un aspect encore inconnu des choses se dévoile soudain.
François Jacob
INTRODUCTION
Une étude fine des espaces financiers subsahariens ne peut se faire sans un canevas
d’analyse permettant de caractériser leur niveau de développement et in fine les canaux à travers
lesquels ils contribuent au développement économique. Répondant à cette exigence, cette partie
présentera une méthodologie permettant de caractériser l’état de développement et les besoins des
systèmes financiers africains. Cette méthodologie a été élaborée par l’auteur dans le cadre d’une
mission de conseil au sein de l’Agence française de Développement en collaboration avec le
Département de la Recherche (REC) et la Division Banques et Marchés Financiers (SFP) de cette
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 79
institution. Elle se fonde sur une réflexion autour de la notion de développement financier, un
concept qui est intuitivement facile à comprendre mais difficile à définir. Ce concept et sa mesure
ont usé plusieurs générations d’auteurs qui ont essayé de le définir, voire de le mesurer (Cf. encadré
n°2). En ce sens, François Jacob traduit bien le lent processus d’intelligence du développement
financier.
Nous apportons notre pierre à cet édifice en définissant tout d’abord le développement
financier comme étant un processus multidimensionnel par lequel un système financier gagne en
accessibilité, profondeur, efficacité, rentabilité, stabilité, qualité institutionnelle, propose une plus
grande diversité d’institutions et d’instruments aux agents économiques et s’ouvre aux flux
internationaux de capitaux. Cette définition met l’accent sur sept dimensions fondamentales mais qui
ne doivent pas être considérées de manière exclusive dans la mesure où elles interagissent entre
elles pour concourir au développement financier d’un pays :
1-La profondeur du système financier ;
2-L’accessibilité des agents économiques au système ;
3-L’existence d’institutions d’appui permettant son bon fonctionnement ;
4-La rentabilité et la stabilité des institutions et du système dans son ensemble ;
5-L’efficacité des intermédiaires financiers ;
6-La complétude ou diversité du système financier ;
7-L’ouverture du système financier.
Figure 12: Les sept dimensions du développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 80
L’utilisation de ces dimensions permet de mettre à contribution différents indicateurs
susceptibles de mesurer de manière thématique les forces et les faiblesses des systèmes financiers
subsahariens. Ce faisant, cette méthode établit une typologie des systèmes financiers africains. La
section I reviendra de manière détaillée sur chacune de ces dimensions, leur définition et les
indicateurs permettant de mesurer leur développement. La section II, quant à elle, présentera la
méthodologie permettant de générer une typologie des systèmes financiers africains et les
résultats d’une analyse du niveau de développement financier menée sur l’ensemble de l’espace16.
Le classement obtenu sera utile dans le cadre de notre effort de catégorisation des systèmes
financiers subsahariens et sera complété par une étude qualitative, objet des chapitres 5, 6 et 7.
SECTION I – LES DIFFERENTES DIMENSIONS DU DEVELOPPEMENT
FINANCIER ET LES INDICATEURS PERMETTANT DE MESURER LEUR
ESSOR
La réflexion menée infra a pour finalité premièrement d’approfondir la connaissance des
fonctions remplies par les intermédiaires financiers dans chacune de ces dimensions mais aussi de
définir les dimensions pertinentes du développement financier et de sélectionner des indicateurs à
même de les caractériser.
§1-LA PROFONDEUR OU TAILLE DU SYSTEME FINANCIER
La profondeur fait référence à l’importance du secteur financier au sein d’une économie et à
sa capacité à drainer l’épargne pour financer les opportunités d’investissement. La profondeur
associe, par conséquent, deux sous-dimensions complémentaires, la financiarisation ou
approfondissement financier (approche par les stocks) et le financement (approche par les flux).
La financiarisation ou approfondissement financier désigne la part du secteur financier
relativement au reste de l’économie. Le degré de financiarisation est souvent utilisé pour juger du
degré de maturité financière d’une économie. On considère, en effet, que plus un pays possède un
niveau avancé de développement, plus les agents économiques sont supposés détenir une part
importante de leur épargne sous forme d’actifs financiers.
Quant au financement, il a trait aux ressources apportées par le secteur financier à
l’ensemble de l’économie. Celui-ci comporte deux aspects : la mobilisation des ressources et
16
Cf. à ce sujet AfD (2007), Etat des systèmes financiers en Afrique, sous la direction de Grégoire Chauvière Le Drian et
Nicolas Meisel, Agence française de développement, Paris
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 81
l’allocation de ceux-ci sous forme d’emplois. Différents ratios peuvent permettre de déterminer les
niveaux de financiarisation et de financement, à savoir :





Actifs financiers totaux/PIB ;
Crédit au secteur privé/PIB ;
Taux d’épargne/PIB ;
Dépôts du système financier/PIB ;
Capitalisation boursière/PIB.
Plus ces indicateurs sont élevés, plus la profondeur est jugée importante et le secteur
financier est supposé contribuer positivement au développement. Toutefois, l’interprétation de ces
différents ratios doit être faite avec précaution dans la mesure où des pays connaissant des
niveaux de développement identiques peuvent avoir des modes d’intermédiation financière
différents.
§2-DIVERSITE DU SECTEUR FINANCIER OU COMPLETUDE
La complétude ou diversité du système financier traduit la capacité des agents économiques à
pouvoir disposer d’institutions et d’instruments financiers diversifiés à même de répondre à leurs
attentes. Cette dimension est particulièrement importante pour satisfaire les différents types de
besoin financier. Cette notion comporte plusieurs déclinaisons : la complétude institutionnelle (A),
la complétude instrumentale (B), la complétude temporelle (C), la complétude fonctionnelle (D) et
la complétude des clientèles (E). En raison de leur importance, il apparaît nécessaire de revenir sur
chacune de ces sous-dimensions.
A- La complétude institutionnelle
Ce concept caractérise un système financier dans lequel l’intermédiation financière est
réalisée par des institutions financières diversifiées. Il peut s’agir, entre autres, de banques, de
sociétés de crédit immobilier, de leasing, d’institutions financières non bancaires comme des
compagnies d’assurance, des fonds de pension, de sociétés de courtage ou d’entreprises de capital
risque.
La composition relative du secteur financier constitue une première approche pour mesurer
la diversité du système financier. La part de chaque grande classe d’institutions financières peut se
faire en rapportant la valeur de son total bilan à celle de l’ensemble des actifs financiers du pays. On
obtient la part relative des différents types d’acteurs financiers au sein du système financier. Une
autre approche rapporte la valeur des actifs au PIB afin de connaître le degré de développement de
ce type d’intermédiation financière au sein de l’économie nationale. Dans les pays d’Afrique
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 82
subsaharienne largement dominés par le compartiment bancaire, une forte épargne hors du système
bancaire et un financement non bancaire élevé constituent parfois le signe d’une diversification.
Bien que présentant des limitations, la capitalisation boursière rapportée au crédit à
l’économie ou au crédit au secteur privé permet d’évaluer historiquement la part de financement
levée par des émissions d’actions ou d’obligations.
Indicateurs retenus
Complétude instrumentale
Complétude institutionnelle
Part types d’instruments
Marché boursier
Capitalisation boursière totale (actions et
obligations) /PIB
Dépôts/Total actifs financiers
Obligations/Total actifs financiers
Actions/ Total actifs financiers
Par types de besoins
Assurances
Primes d’assurance/PIB
Total actif compagnies d’assurances /Total
actifs financiers
Crédit à la consommation/Crédit total
Crédit à l’investissement/ Crédit total
Crédit d’exploitation/ Crédit total
immobiliers et crédit bail
Actifs des sociétés de crédit immobilier/
Total actifs financiers
Banques
Total bilan bancaire/ Total actifs financiers
OPCVM/ Total actifs financiers
Commentaires
Difficile à évaluer en l’absence de
données sur plusieurs pays.
La composition relative du système
financier est difficile à obtenir en raison
des différences de référentiel comptable
entre pays
Tableau 4: Instruments de mesure de la complétude instrumentale et institutionnelle.
B- La complétude instrumentale
La complétude instrumentale traduit la capacité du système financier à offrir aux agents
économiques une gamme assez riche d’instruments financiers susceptibles de répondre à leurs
besoins. La mobilisation de l’épargne peut se faire par des instruments aussi divers que les dépôts,
obligations, actions, billets de trésorerie. Les agents peuvent, par ailleurs, avoir recours à différents
types de produits pour obtenir des financements, placer leur épargne ou alors se prémunir contre
le risque (polices d’assurance, produits dérivés).
L’étude de la diversification peut aussi être effectuée par types de besoins satisfaits. Les
ménages et les entreprises peuvent, par exemple, exprimer une demande de crédit à la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 83
consommation, de crédit immobilier, pour financer leur investissement ou alors leur cycle
d’exploitation.
C- La complétude temporelle
La complétude temporelle fait référence à la possibilité pour les agents économiques de
pouvoir accéder à des financements ou des formes d’épargne répondant à leurs besoins en termes
d’échéances et de maturité. Cette notion est particulièrement importante dans de nombreux pays
en voie de développement car les entreprises n’ont accès qu’à peu de solutions pour financer leur
investissement de long terme. Ce faisant, le système financier finance uniquement la croissance de
court-moyen terme au détriment de la croissance de long terme. Du côté de l’épargne, excepté les
obligations d’Etat et quelques titres de participations, les ménages et les investisseurs
institutionnels ne disposent que de peu d’instruments de placements à long terme tandis que les
possibilités de placements à court terme sont souvent mal rémunérées.
Indicateurs retenus
Complétude temporelle
Commentaires
Banques
Dépôts à long terme/Total Dépôt
Crédits à long terme/Total Crédit
Il existe peu de bases de données donnant
la répartition des actifs et passifs par
maturité d’où nécessité de réaliser des
enquêtes plus fines
Actifs financiers
Valeur des actifs à long terme
(obligations, actions, crédits à long
terme,
immobilier)/Total
actifs
financiers
Tableau 5: Instruments de mesure de la complétude temporelle.
D- La complétude fonctionnelle
Elle désigne la possibilité pour les agents économiques de pouvoir jouir des 5 fonctions de
base d’un système financier, à savoir :
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
la facilitation des échanges de biens et services ;
la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
la production d’information sur les investissements envisageables et l’allocation de
l’épargne ;
la répartition, la diversification et la gestion du risque et au final ;
le suivi des investissements en exécution et le contrôle de la gouvernance.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 84
Système de paiement
Complétude fonctionnelle
Commentaires
Analyse des différents ratios monétaires
M1/PIB
(M2-M1)/PIB
(M3-M2)/PIB
Nombre de Distributeur Automatique de
Banque/Guichet
Automatique
de
Banque (DAB/GAB)
La vélocité de la monnaie permet de
mesurer les comportements d’utilisation
de la monnaie, comportement de
thésaurisation ou de rétention de
monnaie
Nombre de chambre de compensation
L’analyse des différents ratios permet
d’étudier la répartition entre monnaie
scripturale et fiduciaire
Nombre de cartes de paiement ou de
crédit en circulation
Nombre de détenteurs de chéquiers
Nombre de chèque émis
Nombre de jours pour la compensation
d’un chèque
Production d’information
et allocation de l’épargne
Nombre de dossiers clients traités
Nombre de dossiers acceptés
Existence de centrales des bilans
Existence de registres de crédit
Difficile à mesurer
Suivi de l’investissement
et contrôle de
la
gouvernance
Participation au conseil d’administration
des sociétés
Avis favorable sur les projets
Augmentation des autorisations de
crédits
Difficile à mesurer
Gestion du risque
Indicateurs de développement
l’assurance et des produits dérivés
Mobilisation et collecte
de l’épargne
Epargne/PIB
Epargne par catégorie d’agents/PIB
Epargne par catégorie d’agents/Epargne
totale
Epargne par maturité/ Epargne totale
de
.
Tableau 6: Instruments de mesure de la complétude fonctionnelle.
E-La complétude des clientèles
Cette notion s’attache à mesurer la capacité du système bancaire à offrir des services de
qualité à l’ensemble des clientèles potentielles qu’elles soient constituées d’entreprises (TPE, PME,
TGE) ou de ménages (ménages plus ou moins pauvres).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 85
L’analyse de la complétude est complémentaire de l’accessibilité bien que cette dernière se
situe en amont (évaluation de la capacité d’accéder au système financier). La complétude des
clientèles a pour objectif l’appréciation en aval de la composition des clientèles bancaires. Elle peut
se faire par l’intermédiaire des dossiers clients des banques afin d’obtenir une répartition de la
clientèle par CSP, secteurs, taille d’entreprise voire niveau de revenu pour les ménages.
§3-RENTABILITE - STABILITE
La stabilité du système financier fait référence non seulement à la bonne santé financière des
institutions financières, de leur contrepartie (suivi du taux d’endettement des ménages, des
entreprises et de la composition de leur richesse) mais aussi de leur capacité de résilience suite à
un choc macroéconomique. La rentabilité du système financier est intimement liée à la stabilité car
les résultats conditionnent l’existence de fonds propres susceptibles de permettre de faire face à
des chocs. Elle s’oppose parfois à l’accessibilité car certaines politiques de recherche de la
rentabilité prônées par les institutions financières privilégient le service à des clientèles spécifiques
ou alors excluent certains types d’instruments.
A-Mesure de la rentabilité
Différents indicateurs peuvent servir à apprécier la rentabilité : marge d’intermédiation,
niveau de commissions, le Résultat Brut d’Exploitation (RBE), le Return on Equity (ROE) et le Return
on Asset (ROA). La marge d’intérêt ou marge d’intermédiation correspond à la différence entre les
produits provenant des intérêts perçus sur les prêts réalisés et les charges financières versées à la
clientèle ou d’autres établissements financiers. Le niveau de cette marge dépend de la structure
actif/passif et présente une forte exposition à l’évolution des taux.
Les commissions perçues proviennent de la tarification des services rendus par
l’établissement bancaire. Le suivi des commissions est particulièrement important dans la mesure
où les banques essaient de développer celles-ci car elles ne sont pas entièrement liées à l’évolution
des taux d’intérêts.
Le résultat brut d’exploitation (RBE) correspond à la différence entre le PNB et les frais
généraux auxquels s’ajoutent aussi des charges d’exploitation. La part la plus significative est
représentée par les frais généraux qui regroupent, outre les frais de fonctionnement, les charges
sociales et salariales. Le RBE est le premier solde intermédiaire permettant de mesurer la
rentabilité. En effet, il indique clairement le niveau de marge dégagée par l’activité courante et
permet surtout une bonne comparaison entre des banques ayant des structures ou des réseaux
différents.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 86
Le résultat d’exploitation représente le RBE, duquel sont déduites les dotations aux
amortissements sur immobilisation et provisions. Dans l’activité bancaire, les dotations aux
amortissements sont significatives en raison d’investissements technologiques parfois massifs.
Le Return on Equity (ROE) correspond au rapport Résultat de l’exercice/Fonds propres et
mesure la rentabilité des fonds apportés par les actionnaires. Le Return on Asset (ROA) mesure
quant à lui la rentabilité de la banque par rapport à l’ensemble des actifs mis à contribution pour
réaliser le bénéfice.
Instruments
Rentabilité
Stabilité
Produit Net Bancaire (PNB)
Respect des référentiels
locaux et régionaux
comptables
Evolution des commissions
Respect des normes prudentielles
Evolution de la marge d’intérêt
Respect procédures LAB
Coefficient
d’exploitation
Généraux/PNB)
(Frais
Marge nette (Résultat net/PNB)
Rapport des auditeurs
Notation par des agences
Marge brute (PNB/Total Bilan)
ROE
ROA
Commentaires
Obtention des données dans les
rapports sur le système bancaire rédigés
par les commissions bancaires
Obtention des données dans les rapports
sur le système bancaire rédigés par les
commissions bancaires
Peu d’agences de notation existent en
Afrique
Tableau 7: Instruments de mesure de la rentabilité et de la stabilité
B-La stabilité
Il est difficile de mesurer les performances globales des systèmes financiers en matière de
stabilité en raison de l’hétérogénéité des normes réglementaires. Toutefois, différents indicateurs
peuvent être utilisés à l’instar :



Du respect des ratios réglementaires de fonds propres (Cook, MacDonough) ;
De l’observation des ratios de division des risques ;
Le taux d’endettement des ménages et des entreprises.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 87
Ces indicateurs ne sont malheureusement pas disponibles dans de nombreux pays africains tout
comme les études sur la décomposition de la richesse des ménages.
§4-L’EFFICACITE
L’efficience traduit la capacité du secteur financier à fournir des produits et services
d’excellente qualité au coût le plus faible c’est-à-dire en consommant le moins de ressources
possibles. Par ressources, il faut ici entendre les prélèvements effectués (commissions, marge
d’intérêts) par les différents intermédiaires financiers pour réaliser les transactions financières
mais aussi les délais associés à l’intermédiation financière et les coûts supportés (l’examen de la
marge d’exploitation est à ce titre très importante).
Marges et coûts
Indicateurs
Commentaires
Marge d’intermédiation
Plus la marge d’intermédiation est forte,
plus ceci traduit la capacité des
institutions financières à générer une
forte rentabilité sur les opérations de
prêts à travers la collecte d’une ressource
bon marché et l’octroi de prêts à des taux
relativement plus élevés.
Marge d’intermédiation/PNB
Productivité par agent (Crédit ou dépôt
par agent/Effectif)
Productivité des capitaux (PNB/Capitaux
utilisés)
Coût total de l’intermédiation/Total des
actifs
Frais
d’émissions
actions
obligations/Valeur de l’émission
Concentration/Concurrence
Diversification
et
Indice de concentration des 3 ou 4
premières banques
Indice Herfindhal
Tests de Panzar et Rosse
Liquidité
Volume
transigé/capitalisation
boursière (ratio de rotation ou turnover
ratio)
Malgré la théorie des marchés
contestables, la concentration des acteurs
est généralement utilisée comme
approximation du degré de concurrence.
Concurrence
et
efficience
sont
généralement liées.
Approximation de la liquidité du marché
boursier et de son efficience
Tableau 8: Instruments de mesure de l’efficacité
§5-L’ACCESSIBILITE
L’accessibilité désigne la capacité des différentes catégories d’agents économiques, quelque
soit leur lieu de résidence, leur niveau de vie, de revenu pour les ménages, leur taille pour les
entreprises à pouvoir accéder à des services financiers de qualité.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 88
Pour les ménages, cette notion est très importante car elle est parfois reliée à des
considérations de politique sociale et d’équité nationale à travers la notion d’exclusion financière
et ses répercussions en matière de paix sociale. L’accessibilité comporte trois sous-dimensions :
1-La soutenabilité des frais financiers ;
2-L’accessibilité géographique ;
3-Les formalités pour accéder à un service financier.
L’attention portée à ces sous-dimensions s’explique par leur capacité à freiner l’accès
d’utilisateurs potentiels aux services financiers. Des frais financiers élevés par rapport aux revenus
des ménages, une faible accessibilité géographique et des formalités d’accès au crédit draconiennes
peuvent, en effet, constituer de puissants facteurs d’exclusion. Pendant longtemps, la mesure de
l’accessibilité dans les pays subsahariens n’a pas été aisée en raison du refus des établissements
bancaires de documenter leurs frais financiers et la non publication des statistiques sur la
pénétration bancaire.
Afin de mesurer l’accessibilité, il est désormais possible de s’appuyer sur de nouvelles bases
de données. A titre d’exemple, Beck, Demirgüc-Kunt et Martinez Peria (2006) ont créé une base de
données contenant des informations recueillies auprès de 193 banques implantées dans 58 pays
dont 15 africains17 et portant sur différents indicateurs d’accessibilité. Bien qu’imparfaits, ces
indicateurs appréhendent les facteurs limitant l’accessibilité géographique, le coût des services
bancaires ou alors conditionnant l’éligibilité à certains produits.
A-La soutenabilité des frais financiers
Par rapport à leur revenu et situation financière, cette notion désigne la capacité des
ménages et des entreprises à pouvoir faire face aux frais et commissions financiers demandés par
les différents intermédiaires financiers.
A titre d’exemple, l’ouverture d’un compte chèque au Cameroun requiert un dépôt minimum
à l’ouverture de 700 dollar américain, une somme supérieure au PIB annuel par tête dans ce pays
(662 USD en 2004). A contrario, l’ouverture d’un compte ne requiert pas de montant minimal dans
de nombreux pays africains.
Le cabinet Genesis (2005) affirme qu’il est insoutenable de demander à des ménages pauvres
de dépenser plus de 2 pourcent de leur revenu en charges bancaires. Or, les frais bancaires dans
les pays subsahariens vont parfois bien au-delà de cette limite et représentent parfois le revenu sur
17
Algérie, Cameroun, Egypte, Ethiopie, Ghana, Kenya, Madagascar, Malawi, Mozambique, Nigeria, Sierra Leone, Afrique du
Sud, Ouganda, Zimbabwe
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 89
plusieurs années d’un ménage. Le coût des services financiers affecte aussi les activités de
transferts d’argent internationaux qui constituent une part importante des services financiers
proposés dans l’arc subsaharien18.
B-L’accessibilité géographique
L’accessibilité physique ou géographique désigne la possibilité pour un utilisateur de pouvoir
accéder aux services financiers dans différentes zones géographiques. Elle peut être évaluée en
déterminant le nombre de personnes ayant accès aux services financiers sous quelque forme que
ce soit.
L’accès physique peut être limité par la faible couverture du réseau bancaire et du système
financier ou alors par des dispositions imposant un passage au siège de la banque ou alors de
l’institution financière afin d’effectuer certains types d’opérations financières.
C-Les formalités
Cette sous-dimension a pour vocation d’apprécier les barrières documentaires ou les
procédures auxquelles les ménages et les entreprises doivent faire face pour accéder au crédit.
Les formalités pour accéder aux différents services financiers peuvent s’avérer dissuasives pour de
nombreuses catégories de populations bancaires potentielles. Par exemple, l’environnement socioéconomique de certains PED ne permet pas l’utilisation des critères classiques d’accès aux services
financiers. En effet, peu de personnes disposent d’une adresse fixe et permanente ou d’un emploi
dans le secteur formel. Cette donne est accentuée dans les pays africains où la majorité de la
population vit dans des zones rurales ou alors travaille dans le secteur informel.
Accessibilité
géographique
Indicateurs
Commentaires
Nombre d’habitants desservis par une
agence
Peu
d’études
ou
de
mesures
approfondies. La densité par guichet ou
par DAB/GAB présente de fortes
limitations en raison de la concentration
dans certaines zones.
Nombre total d’agences
Densité bancaire par DAG/GAB ou alors
par guichet
Analyse de la densité de la couverture
par région ou province/ Zone rurale ou
18
Les frais collectés par les opérateurs sur les transferts financiers peuvent représenter jusqu’à 15-20 de la somme (Cf. chap.
5 et 6).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 90
Indicateurs
Commentaires
urbaine
Soutenabilité
des
conditions financières
Frais financiers/PIB par tête
Apport à l’ouverture du compte/PIB par
tête
Encours minimal à conserver sur le
compte/PIB par tête
Frais sur transferts d’argent/Montant
transféré
Comparaisons internationales difficiles
en raison des niveaux de vie différents
mais
permet
d’obtenir
une
approximation de la soutenabilité.
Formalités
Nombre de documents à produire pour
obtenir un service bancaire
Difficultés méthodologiques
Nombre de jours pour instruire une
demande de crédit
Hétérogénéité des instruments financiers
Nombre de jours pour obtenir un prêt
Habitudes financières différentes
Tableau 9: L’accessibilité, ses sous-dimensions et ses indicateurs
§6-LES INSTITUTIONS D’APPUI
La notion d’institutions d’appui au système financier fait référence à l’existence de règles et
d’organisations permettant le bon dénouement des contrats financiers. Ces institutions d’appui sont
endogènes au système financier (agences de notation, centrale des bilans, banques centrales, agence
de la concurrence, autorités des marchés financiers) mais aussi exogènes. Ces dernières sont
généralement liées au cadre macroéconomique, politique et juridique.
A-Stabilité politique et macroéconomique
La stabilité politique et macroéconomique constitue une des conditions essentielles au
développement du système financier. En effet, la corruption et la criminalité économique
augmentent les coûts entreprenariaux et l’incertitude en matière de droits de propriété. Ayyagari,
Demirguc-Kunt et Maksimovic (2005) démontrent que l’instabilité politique et le crime constituent
des freins majeurs à la croissance des entreprises. Detriagache, Gupta et Tressel (2005) abondent
dans ce sens en soulignant que dans les pays à faible revenu, l’instabilité politique et la corruption
exercent des effets nuisibles au développement financier.
Par ailleurs, dans un environnement politique stable, la discipline budgétaire et des
politiques macroéconomiques stables sont autant de facteurs contribuant à l’émergence d’acteurs
financiers dynamiques. Selon Boyd, Levine et Smith (2001), les pays connaissant des taux
d’inflation stables connaissent des degrés de développement bancaire et des marchés financiers
plus élevés.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 91
B-Qualité du système juridique
Le développement d’un cadre juridique adapté et d’une infrastructure facilitant l’échange
d’informations sont autant de conditions nécessaires au développement de systèmes financiers
efficients. L’aptitude des entreprises à lever des fonds auprès du système financier formel est
fonction du degré de protection accordé aux investisseurs externes. Ceux-ci manifestent
généralement une réticence à investir dans une entreprise si leurs droits en matière de
gouvernement d’entreprise et de protection de leurs investissements sont susceptibles d’être
bafoués par les actionnaires ou les gestionnaires. La protection des droits de propriété et
l’applicabilité des contrats constituent des éléments essentiels au développement du système
financier. Djankov, McLiesh et Shleifer (2005) ont démontré qu’une meilleure protection des
créanciers augmente le volume de crédit accordé au secteur privé.
Beck, Demirguc-Kunt et Maksimovic (2004) confirment le rôle fondamental du système
judiciaire : leur étude établit que les entreprises sont mieux à même d’accéder à des financements
externes dans des pays où les tribunaux assurent pleinement l’applicabilité des contrats.
C-Information sur les créanciers
De nombreuses études font de la qualité et de l’accessibilité de l’information des facteurs
décisifs dans la constitution d’un secteur financier développé. Pour Jappelli et Pagano(2002), le
volume de crédit bancaire est plus élevé dans les pays disposant de systèmes d’échanges
d’information. Love et Mylenko (2004) vont dans ce sens car les entreprises font état de moindres
contraintes de financement en présence d’une meilleure information sur le crédit. A cet égard, le
développement de centrale des bilans et de registre des sociétés constitue une priorité pour le
développement des institutions financières.
E-Régulation financière
Une régulation et une supervision adéquates constituent d’autres conditions de succès et de
développement des systèmes financiers bien que le degré d’implication des autorités soit un
facteur de discussion entre économistes. Loin du laissez-faire, la régulation par les autorités
gouvernementales est perçue comme une solution aux déficiences du marché (Stigler, 1971). Dans
ce cadre d’analyse, les régulateurs sont censés assurer la stabilité du système et guider les
décisions des banques par le biais de la réglementation et de la supervision.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 92
Cette vision de la réglementation nécessite toutefois la réalisation de deux hypothèses : les
gouvernements doivent mieux connaître le marché que les acteurs évoluant sur celui-ci et se
doivent d’agir dans l’intérêt général. L’absence de ces conditions (expertise limitée des autorités et
phénomènes de capture) limite l’effectivité de la régulation.
La contestabilité et l’efficience des marchés financiers et systèmes bancaires commencent à
être considérées depuis peu non comme une donnée mais un objet de politique économique. Dans
des environnements où quelques banques ont longtemps été en situation oligopolistiques, le
renforcement de la concurrence devrait intégrer les actions en faveur de la structuration de
systèmes financiers efficients.
§7-OUVERTURE DU SYSTEME FINANCIER
L’ouverture du système financier fait référence à deux processus distincts (Classens et
Jansen, 2000) :
(i)
(ii)
la possibilité pour des institutions financières étrangères de pouvoir pénétrer au sein
du système bancaire ou alors dans les autres compartiments du secteur financier,
et la possibilité de pouvoir recevoir ou envoyer des flux financiers sans contrainte
excessive sous forme de lignes de crédit, d’investissements de portefeuille, d’IDE,
de remittances, de placements en bourse ou alors au sein des institutions
financières (Claessens et Jansen, 2000).
Bayraktar et Wang (2006) insiste sur le fait que l’ouverture du compte de capital fait certes
partie des mesures visant à promouvoir l’ouverture mais ne doit pas être confondue avec celle-ci.
La mesure du degré d’ouverture financière n’est pas un exercice aisé. Une première série de
mesures examinent la présence, l’absence et le niveau des règles contrôlant les flux de capitaux. La
source la plus utilisée pour réaliser cet exercice est une publication du FMI, l’Annual Report on
Exchange Arrangements and Exchange Restrictions (AREAER). Certaines études utilisent ce
document pour compiler des indices synthétiques d’ouverture financière. Le KAOPEN présenté par
Chinn et Ito (2002) s’inscrit dans cette lignée et comprend trois grands groupes de variables : (i) les
restrictions sur les transactions du compte de capital, (ii) l’existence de régimes de change parallèle
et (iii) les restrictions sur le compte courant.
D’autres études essaient de mesurer le degré d’ouverture financière réelle. Certains travaux
utilisent des notions telles que la convergence des taux d’intérêts domestiques et internationaux, les
corrélations entre l’épargne domestique et l’investissement et entre épargne domestique et les flux
de capitaux. Ces mesures apprécient les contraintes réelles pesant sur les participants au système
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 93
financier car les acteurs privés arrivent souvent à détourner les mesures instaurées par les autorités
publiques.
Face aux difficultés méthodologiques rencontrées, des indicateurs plus simples sont adoptés
en raison de leur disponibilité pour de nombreux pays :






Flux d’IDE ;
Flux d’investissement de portefeuille ;
Flux des transferts de migrants ;
Flux d’APD ;
Part d’intérêts étrangers dans le capital des banques nationales ;
Pourcentage des dépôts, crédits ou flux financiers effectués par des institutions
majoritairement détenues par des étrangers.
SECTION II -
VERS UNE TYPOLOGIE DES SYSTEMES FINANCIERS
SUBSAHARIENS
§1- DEFINITIONS ET METHODOLOGIE
L’indicateur de développement financier proposé infra a été élaboré dans le cadre d’une
mission de conseil menée au sein de l’AfD [(AfD, 2007) ainsi que (Meisel et Mvogo, 2007)]. Cet outil a
été conçu avec une finalité cognitive : mieux connaître les systèmes financiers subsahariens et
obtenir une typologie mettant à la fois en lumière les besoins des pays en développement.
Encadré n°2.
Quelques étapes dans l’histoire des typologies des systèmes financiers
Goldsmith réalise une typologie des systèmes financiers à partir de certains ratios dont le FIR (Financial
Interrelations Ratios). Celui-ci se définit comme le rapport des actifs financiers sur la richesse nationale. La
valeur de ce ratio permet de distinguer trois catégories de structures financières.
Un FIR faible (0.2 à 0.5) correspond à un système dans lequel les institutions financières ne détiennent qu’une
faible part des actifs financiers. Dans ce type de système, les banques commerciales sont les institutions
financières et la relation de gré à gré est prépondérante. Une deuxième catégorie de structures se distingue
par les conditions du premier stade mais accorde un rôle plus important aux institutions financières étatiques.
La troisième catégorie englobe les pays pour lesquels le FIR est supérieur à 1. Il s’agit généralement de pays
développés dans lesquels les institutions financières détiennent une part importante des actifs financiers. Un
rôle plus considérable y est dévolu aux compagnies d’assurance et autres intermédiaires financiers.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 94
Selon Goldsmith (1969), le niveau de développement économique est d’autant plus élevé que le système
financier est complexe et diversifié. La multiplicité et la diversité des instruments financiers permettent, en
effet, d’obtenir un niveau d’investissement supérieur au montant de l’épargne nationale. Les modèles de
croissance endogène ont essayé d’intégrer ces différents apports afin de présenter de la manière la plus
exhaustive possible l’impact du développement financier sur la croissance économique.
Gelbard et Leite (1999) dans le cadre d’un article publié en 1999 ont construit un indicateur composite de
développement financier à l’aide de six indices représentant les caractéristiques majeures des systèmes
financiers des pays africains (la structure de marché et la compétitivité du système financier, l’éventail des
produits financiers disponible sur le marché financier, le degré de libéralisation financière, la qualité de
l’environnement institutionnel, le degré d’ouverture financière et le degré de complexité des instruments de
politiques monétaire).
Chouchane-Verdier (2001) propose de caractériser le développement financier des pays africains à travers une
série d’indicateurs composites.
La réflexion sur les différentes dimensions du développement financier a largement avancé sous l’influence de
réflexions menées au sein de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI, 2005). La Banque
Mondiale a élaboré une méthodologie assez voisine de la nôtre permettant de caractériser le développement
financier dans différents pays africains.
Il s’appuie sur la notion de développement financier et reprend dans sa composition six des
sept dimensions sous-tendant cette notion (la diversité du système institutionnel n’a pas été intégrée
en raison des difficultés à reconstituer des séries longues pour mesurer les variables pertinentes).
L’indicateur est le fruit de la réflexion sur les différentes dimensions du développement financier et
les variables susceptibles de les caractériser au mieux. Au terme de celle-ci, un certain nombre de
variables ont été sélectionnées en raison de la disponibilité des données pour l’ensemble des pays de
l’arc subsaharien mais aussi de leur corrélation avec la dimension.
Le tableau n°10 présente les six dimensions d’analyse, leur définition et les indicateurs
retenus pour chacune d’entre elles. Les indicateurs s’écartent parfois de ce qu’auraient été des
indicateurs « idéaux » de la dimension mesurée, faute de disponibilité ou de qualité suffisante des
données dans les pays d’Afrique mais témoignent d’une réelle avancée par rapport aux études
antérieures sur le développement financier en Afrique subsaharienne.
En fonction de l’impact positif ou négatif sur la dimension, un signe positif ou négatif a été
attribué à la variable. En prenant pour exemple la dimension efficacité, plus le système bancaire est
concentré moins il est réputé contribuer favorablement à l’efficacité du système financier. Un signe
négatif a donc été attribué à la variable concentration des banques. A contrario, plus le marché
boursier est liquide, plus les investisseurs sont protégés du risque de décote. Ils sont donc, par
conséquent, plus enclins à prendre des positions sur le marché boursier. La liquidité est, par
conséquent, doté d’un signe positif.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 95
Dimension
Définition
Indicateurs retenus pour l’Afrique
Profondeur
Mesure
le
degré
de
financiarisation de l’économie et
de l’importance des financements
apportés par le système financier à
l’économie
 Actifs financiers totaux/PIB
 Crédit au secteur privé/PIB
 Dépôts
du
système
financier/PIB
 Capitalisation boursière/PIB
Accessibilité
Mesure la capacité des différents
agents économiques, quelles que
soient leurs caractéristiques, à
accéder à l’offre de produits et
services financiers
 Crédit au secteur privé/PIB
 Nombre de guichets pour
100000 habitants
 Taux emprunteur
 Prime de risque des prêts
bancaires
Mesure l’efficacité des institutions,
des règles et des organisations qui
assurent le respect des contrats
financiers
 Indice d’information financière
 Indice de développement des
lois bancaires, des centrales de
bilan et des registres de crédit
 Indice de sanction des contrats
Stabilité
Mesure la solvabilité et la capacité
de résilience du système financier
national.
La
stabilité
macroéconomique est un facteur
de stabilité financière.
 Actifs de la banque centrale/PIB
 Réserves de devises en mois
d’importations
 Transparence
et
reporting
financier
 Dette publique totale/PIB
 Inflation
Efficacité
Mesure la capacité du secteur
financier à proposer une offre et
des performances les plus élevées
possible au moindre coût.
 Concentration
du
système
bancaire
 Liquidité du marché boursier
 Liquidité monétaire (M2/PIB)
 Spread des taux d’intérêt
 Frais généraux des banques
Ouverture
Mesure le degré d’ouverture du
système financier local aux
investisseurs étrangers (au sens
large)
 Investissements
directs
étrangers
 Prêts accordés par les banques
étrangères
 Transferts de fonds des
migrants
Institutions
régulation
d’appui
et
de
Tableau 10: Les six dimensions d'analyse des systèmes financiers. Source : Meisel et Mvogo (2007) et
Afd (2007)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 96
Il est important de souligner que les exercices de notation présentent un certain nombre de
limites. En effet, l’agrégation des notes obtenues sur ces six dimensions, utile pour la présentation et
la lisibilité des chiffres, ne présente que peu de sens au plan conceptuel. Par exemple, le degré
d’ouverture ne peut pas être interprété de façon normative : « plus » d’ouverture n’est pas
nécessairement « mieux ». Les caractéristiques d’une petite économie insulaire peuvent l’amener à
être extrêmement ouverte alors qu’un grand pays continental peut s’avérer plus fermé sans qu’une
configuration soit, par nature, « meilleure » que l’autre.
De même, plus de profondeur financière n’est pas nécessairement mieux. Et l’on ne voit pas
non plus comment un optimum pourrait exister en la matière, qui serait valable pour tous les pays du
monde. Ceci n’aurait proprement aucun sens. Ce qui compte est l’interaction dynamique entre les
composantes du système financier, la cohérence d’ensemble des dispositifs et leur utilité pour le
développement économique, autant d’éléments qu’aucune échelle de notation n’est en mesure de
bien saisir. D’où le choix d’une échelle de notation purement relative.
Outre leur normativité implicite, les exercices de notation ou de comparaison des mesures de
développement financier aboutissent souvent à « écraser » les performances obtenues par les pays
africains dans les classements. Des écarts trop importants ne permettent pas de tirer de réels
enseignements des classements, au-delà de l’habituel constat négatif d’un « retard » de l’Afrique. De
ce constat, deux conséquences ont été tirées. Premièrement, nous avons décidé de construire une
(seconde) base de données exclusivement centrée sur l’Afrique sub-saharienne, ne retenant que des
indicateurs couvrant de façon suffisamment fiable et complète l’ensemble du continent.
Deuxièmement, nous avons adopté une méthodologie de notation qui permette de comparer des
grandeurs comparables, c'est-à-dire les pays d’Afrique entre eux, en augmentant la variance et donc
le « contenu informationnel » des notes. Ainsi, pour chaque dimension, le pays le moins bien noté
obtient automatiquement 0, et le mieux noté 10, quelle que soit leur performance absolue (valeur de
la donnée source). Les notes obtenues au final sont donc purement relatives (voir Encadré n°3 pour
la méthodologie).
Encadré n°3.
Construction des indicateurs
Pour chaque variable élémentaire (donnée source), les ordres de grandeurs présentant des écarts parfois considérables
selon les pays, nous avons commencé par prendre le logarithme de toutes les variables. Dans un second temps, nous avons
transformé ces données en « notes relatives » comprise entre 0 (pour le moins bon) et 1 (pour le meilleur pays). La
k
k
transformation est linéaire, si Xi est le logarithme de la donnée brute du pays i pour l’indicateur k, alors sa note relative Yi
est définie par :

X ik  min j ( X kj )

k
k
 max j ( X j )  min j ( X j )
Yi k  
k
k
 max j ( X j )  X i
 max ( X k )  min ( X k )
j
j
j
j

Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 97
selon que la composante contribue « positivement ou non » au développement du système financier. Le sens de la relation
a été déduit à partir des résultats solidement établis par la littérature empirique. En guise d’agrégation des indicateurs pour
chaque dimension, nous avons effectué une simple moyenne et multiplié le résultat par 10 afin d’obtenir une « note
relative » comprise en 0 et 10 par dimension. Les notes pays n’ont pas été renseignées quand, pour une dimension donnée,
moins de la moitié des indicateurs était utilisable, que ce soit par manque de données, ou parce que les valeurs prises sur
un indicateur étaient trop extrêmes et « écrasaient » le reste des notes pays.
Une autre présentation des résultats à vocation opérationnelle (aide à l’établissement de priorités par pays) a consisté à
classer les pays en quatre groupes pour chaque dimension, en agrégeant les notes relatives précédentes afin d’obtenir une
note par dimension comprise entre 1 et 4. La transformation de base est encore linéaire. Avec les notations précédentes, la
note Zi du pays i pour une dimension donnée est :
Z i  0.5  4 
moyk ( X ik )  min j (moyk ( X kj ))
max j (moyk ( X kj ))  min j (moyk ( X kj ))
où k décrit l’ensemble des indicateurs se rapportant à la dimension considérée (la moyenne est arithmétique simple). La
valeur obtenue est enfin arrondie à l’unité pour obtenir une note de 1 à 4.
Dans le même souci de cohérence et afin de ne pas écraser les notes, l’Afrique du Sud a été
exclue de la matrice finale, le système financier sud-africain égalant voire dépassant sur la plupart
des dimensions le niveau de développement financier des pays développés. Le résultat se présente
sous la forme du tableau ci-dessous (Tableau 11).
§2- PREMIERS RESULTATS
Au sein du tableau 11, les six premières colonnes présentent les résultats obtenus dans
chaque dimension par les différents pays étudiés. La septième colonne correspond à la moyenne
des notes obtenues dans chaque dimension. La dernière colonne propose une moyenne relative
africaine. A titre d’illustration, la dernière colonne (note globale) est calculée en appliquant à ces
moyennes la méthode de notation décrite dans l’encadré 3 : le pays dont la moyenne est la plus
faible (la RDC qui obtient 0,1) obtient 0 comme note relative et le mieux classé 10. Ainsi Maurice,
avec une note moyenne de 7,7, se retrouve en tête du classement relatif et obtient donc 10. Le
Botswana, avec une moyenne de 6,2, obtient 7,9 en « note relative ». Toutes les notes pays s’étirent
ainsi entre la RDC et Maurice.
Les notes pays par dimension permettent d’identifier rapidement dans une lecture en ligne
les points faibles d’un système financier donné.
L’analyse des moyennes, notamment la moyenne relative, place l’île Maurice en tête de cette
analyse du niveau de structuration des systèmes financiers subsahariens (7,7 en moyenne normale).
Le Botswana et le Cap Vert occupent tous deux la deuxième place. Ce palmarès obéit à la perception
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 98
usuelle du degré de développement financier de l’île Maurice et du Botswana. La bonne gestion des
excédents liés à l’extraction minière dans ce pays a permis de développer un système financier
particulièrement diversifié (présence de nombreux fonds de pension, par exemple) et dense. Le Cap
Vert bénéficie quant à lui de son statut d’économie touristique (flux de liquidités dépensés par les
touristes) mais aussi des transferts de fonds réalisés par la diaspora capverdienne. La conjonction de
ces volumes de liquidités dans cette petite économie a donné naissance à des réseaux
particulièrement denses d’institutions financières.
Les moyennes régionales sont également parlantes : le niveau de développement financier
des pays africains apparaît très faible, puisque même sur une base de comparaison strictement
régionale, la note moyenne du continent n’est que de 3,7. Les notes des pays de la Zone Franc sont
inférieures à celles des pays non Zone Franc en matière d’institutions d’appui, d’accessibilité et
d’ouverture. Au sein de la Zone Franc, la CEMAC présente une moyenne régionale très faible (2,3),
tandis que l’UEMOA avec une note moyenne de 3,9 se situe au même niveau que le reste de l’Afrique
hors Zone Franc.
Profondeur
Accessibilité
Institutions
d'appui
Stabilité
Efficacité
Ouverture
NOTE
MOYENNE
NOTE
RELATIVE
Cameroun
2
3
4
3
5
2
2,9
3,7
Centrafrique
1
4
3
3
2
2,6
3,3
Tchad
0
4
2
3
1
2,0
2,5
Congo, Rep.
1
2
2
1
1
1
1,4
1,7
Gabon
2
4
3
3
3
2
2,6
3,3
Benin
3
6
4
3
4
2
3,7
4,7
Burkina Faso
3
5
3
3
6
1
3,4
4,3
Cote d'Ivoire
3
4
5
3
5
6
4,1
5,2
Guinée Bissau
1
5
2
3
5
8
3,9
5,0
Mali
3
4
3
3
4
3
3,5
4,4
Niger
1
6
6
3
2
2
3,2
4,1
Sénégal
4
5
5
4
7
6
5,3
6,8
Togo
3
6
4
3
3
7
4,4
5,7
Angola
1
0
3
2
2
1,5
1,8
Botswana
4
6
10
10
6
6,2
7,9
Burundi
4
6
3
2
1
3,2
4,1
Cap Vert
6
8
6
3
5
7
6,1
7,9
Congo RDC
0
0
0
0
0
0,1
0,0
Ethiopie
5
6
5
4
7
4
5,1
6,5
Gambie
3
4
6
1
2
6
3,5
4,4
Ghana
3
2
5
4
3
3
3,4
4,3
Kenya
5
5
8
4
8
5
5,9
7,5
Lesotho
2
6
2
3
3
3,2
4,0
Madagascar
2
3
6
3
4
0
2,8
3,5
Malawi
2
4
4
1
0
0
1,9
2,3
Pays
1
Mauritanie
3
6
5
1
3
5
3,8
4,8
Maurice
10
10
5
3
8
10
7,7
10,0
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 99
Mozambique
1
5
5
2
2
5
3,3
4,2
Namibie
7
9
10
Nigeria
3
5
4
2
5
0
5,5
7,1
4
10
2
4,7
Rwanda
1
6,0
4
3
2
0
2,1
2,5
Seychelles
9
Sierra Leone
2
8
3
4
6
6,0
7,7
6
0
5
0
2
2,5
3,2
Soudan
1
Swaziland
3
7
1
2
2
8
2,8
3,6
7
2
3
5
4,5
Tanzanie
2
5,8
4
5
3
5
1
3,2
4,0
Ouganda
Zambie
2
3
5
7
3
4
3,9
5,0
3
3
5
6
4
3
4,0
5,1
Zimbabwe
7
0
5
4
3
2
3,8
4,8
CEMAC
1
3
3
3
2
2
2,3
2,9
UEMOA
3
5
4
3
4
4
3,9
5,0
ZF
2
4
4
3
4
4
3,4
4,2
NON ZF
3
5
5
3
4
3
3,9
4,9
Afrique S.-S.
3
5
4
3
4
3
3,7
4,7
Tableau 11: Matrice des notes pays par dimension. Source : AFD (2007)
CONCLUSION
Face à la difficulté d’analyser et de comparer les performances des systèmes financiers
subsahariens et plus largement leur contribution à la croissance et à la réduction de la pauvreté, ce
chapitre a proposé une méthodologie permettant de situer aussi bien qualitativement que
quantitativement leurs niveaux de développement financier.
De manière qualitative, l’intelligence du développement financier à l’échelle subsaharienne a
été améliorée par la construction d’indicateurs de développement financier à même de capturer
pour chaque pays son niveau de développement financier global mais aussi de préciser la qualité des
interactions avec différents éléments de la sphère réelle grâce à l’utilisation de six dimensions
(profondeur, accessibilité, institutions d’appui et de régulation, stabilité, efficacité, ouverture).
Malheureusement, dans chacune de ces dimensions, les performances de l’espace
subsaharien sont faibles en comparaison de celles affichées par les systèmes financiers d’autres
régions en développement (moyenne d’ensemble de 3,7 sur 10).
Malgré le soin apporté à la construction de ces indicateurs de développement financier,
ceux-ci sont, par nature, imparfaits et doivent être améliorés par une étude qualitative. Cette
dernière confirme ces résultats (chapitre 5, 6 et 7).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 100
CHAPITRE 5
DES SYSTEMES FINANCIERS PEU PROFONDS
ET FAIBLEMENT DIVERSIFIES
Trois questions distinctes doivent être considérées pour que les ressources intérieures puissent
prendre une place plus importante dans le développement économique des pays africains.
Premièrement, la question du volume des ressources existantes se pose; deuxièmement, ces
ressources doivent être détenues sous une forme qui en facilite une allocation utile du point de vue
économique et social. Enfin, les ressources disponibles doivent être utilisées effectivement et
efficacement.
Cnuced (2007a), Rapport sur le développement en Afrique
INTRODUCTION
Après avoir décrit un nouvel outil d’analyse du développement financier dans le chapitre 4,
nous allons utiliser les dimensions présentées afin de caractériser qualitativement l’état de
développement financier des systèmes financiers d’Afrique subsaharienne. La citation extraite du
Rapport 2007 sur le Développement en Afrique de la Cnuced met l’accent sur un élément essentiel :
la nécessité d’analyser la profondeur des systèmes financiers subsahariens et leurs déterminants.
Cette dimension apparaît fondamentale au vu des liens mis en évidence entre différents
indicateurs les caractérisant et les processus contribuant à la réduction de la pauvreté et à la
croissance au sein de la sphère réelle. Au sein de l’espace subsaharien et exception faite de l’Afrique
du Sud, la part des actifs financiers rapportée au PIB est faible et le système financier mobilise mal
l’épargne disponible ainsi que l’atteste le volume de la fuite des capitaux (Section I).
En outre, les plaintes des agents économiques sur l’incapacité de leur système financier à
leur octroyer des niveaux et des formes adéquates de financement transparaissent dans la part
relativement réduite des crédits à l’économie rapportés au PIB.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 101
La section II renforce ce constat en revenant longuement sur la faible diversité des
institutions mais aussi des services proposés dans l’arc subsaharien. Dans un environnement
financier marqué par la prédominance du compartiment bancaire, cette situation est à l’origine du
financing gap spécifique à certains secteurs ou clientèles de l’arc subsaharien, mais aussi du recours à
des solutions financières non optimales (Geiss et Mvogo, 2008).
SECTION I - LES ESPACES FINANCIERS SUBSAHARIENS AFFICHENT
UNE CAPACITE LIMITEE DE FINANCEMENT DE LEUR ECONOMIE
Les systèmes financiers subsahariens ne se ressemblent pas. Il existe en réalité une summa
divisio entre l’Afrique du Sud, qui affiche un développement financier qui n’a rien à envier à une
économie émergente et le reste du continent. Il existe aussi des différences structurelles liées à la
taille des économies (les systèmes financiers nigérians et burundais n’ont rien de comparable, Cf.
§1).
Toutefois, quelques grandes lignes directrices semblent caractériser les systèmes financiers
africains, au nombre desquelles leur faible profondeur et capacité limitée de financement de leurs
économies respectives. Face à des acteurs économiques se plaignant des difficultés à accéder au
financement, les systèmes financiers d’ASS connaissent une forte surliquidité qui rend difficile le
pilotage de la politique monétaire (§2).
§ 1- DES SYSTEMES FINANCIERS CARACTERISES PAR UNE SUMMA DIVISIO ENTRE L’AFRIQUE DU
SUD ET LE RESTE DU CONTINENT MAIS AUSSI LA DOMINATION DU SECTEUR BANCAIRE
A-La prépondérance du compartiment bancaire dans les systèmes financiers subsahariens
Malgré l’absence de données harmonisées sur la composition des systèmes financiers des
pays d’Afrique subsaharienne, les chiffres existant permettent de s’accorder sur une réalité : le
secteur bancaire y occupe une place prépondérante. Les actifs du secteur représentent plus de 70%
du total des actifs des acteurs financiers dans les pays au sein desquels le FMI a mené des enquêtes
Financial Stability Assessment Program19.
19
Le FMI consacre un site aux enquêtes Financial Stability Program (FSAP) accessible à l’adresse suivante,
http://www.imf.org/external/NP/fsap/fsap.asp, page consultée le 13 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 102
Tableau 12: Répartition des actifs financiers dans quelques pays africains en 2004. Source : FMI
(2006)
Au sein des 7 systèmes financiers pour lesquels nous disposons de statistiques pour 2004, le
total bilan des compagnies d’assurances représentaient en moyenne 2,7% de l’ensemble des actifs
du système financier, tandis que le total bilan des fonds de pension et autres intermédiaires
financiers représentaient respectivement 10,6 et 13,1% de l’ensemble des actifs financiers. Quant au
secteur bancaire, il totalisait en moyenne 73,7% des actifs avec des pics en Ethiopie (94%) et au
Botswana (46,7%). La majorité des systèmes financiers d’Afrique subsaharienne se situent entre ces
deux extrêmes, avec une plus forte proximité de la situation éthiopienne que du cas botswanais20.
Cette domination du secteur bancaire au sein des systèmes financiers d’Afrique
subsaharienne explique la part assez importante qui lui sera accordée infra. Elle justifie l’utilisation
de celui-ci comme approximation des différences de taille entre systèmes financiers africains (B).
B-La taille des systèmes financiers, reflet des disparités économiques entre pays africains
Le chapitre 4 a permis d’établir une liste d’indicateurs à même de caractériser la taille ou la
profondeur d’un système financier. Malheureusement, nombre d’entre eux (notamment le montant
total des actifs du système financier) sont indisponibles pour les pays d’Afrique subsaharienne. Il est
toutefois possible d’approcher leur taille en considérant celle du système bancaire, ce dernier
dominant bien souvent largement la sphère financière.
La disponibilité et la fiabilité des statistiques sur le secteur bancaire sont plus grandes en
raison de l’effort d’harmonisation des données entrepris sous l’égide des bailleurs de fonds (FMI,
notamment). Toutefois, en raison de divergences nationales dans la comptabilisation des agrégats
monétaires, il est préférable de choisir un agrégat étroit, tel que M2 (encours des billets, pièces,
dépôts à vue et certains dépôts à terme).
L’utilisation de ce dernier comme indicateur de profondeur financière révèle que seuls le
Nigeria et l’Afrique du Sud disposent de systèmes financiers dont les actifs dépassent 10 milliards de
20
Ce pays bénéficie, en effet, d’un des niveaux de vie par habitant les plus élevés et un système d’épargne salariale et
patronale développé.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 103
dollars américains. Près de dix pays africains possèdent des actifs compris entre 2 et 10 milliards de
dollars américains. Le reste de l’espace subsaharien correspond à des marchés dont la profondeur
est inférieure à 2 milliards de dollars américains, l’équivalent du total bilan d’une petite banque
régionale dans un pays développé (East African Community, 2006).
Ce classement ne fait que reproduire les performances économiques de ces pays et suit de
près celui effectué en fonction du PIB. Le rapport Making Finance Work for Africa (Banque Mondiale,
2007) publié par la Banque Mondiale abonde dans ce sens : après contrôle de différentes variables
(dont l’inflation), le revenu par habitant semble constituer un des déterminants majeurs du niveau
de profondeur financière dans les pays subsahariens. L’analyse du classement des 75 premières
banques d’Afrique subsaharienne du magazine African Business21 confirme cette logique et suit à peu
de choses près le poids économique des pays (Cf. tableau n°13).
Ainsi, les cinq premières banques de cet espace sont sud africaines (Standard Bank, ABSA
Group, Nedbank Group et FirstRand Banking Group, Investec) suivies par une multitude de banques
nigérianes. Parmi les 30 premières banques du classement, seuls trois établissements n’appartenant
pas à ces deux pays viennent perturber le duopole entre l’Afrique du Sud et le Nigeria. En termes de
taille, les performances des banques sud africaines confirment la summa divisio entre le système
financier sud africain et ses homologues du continent.
Il n’y a, en effet, rien de comparable entre les cinq premières banques sud africaines (64% du
capital social de l’ensemble des 75 premières banques africaines, 80% du total bilan et 73% des
bénéfices engrangés par les établissements bancaires de cet ensemble). Le système bancaire sud
africain constitue à juste titre un véritable mastodonte et un modèle dont de nombreux pays
africains devraient s’inspirer. Sur les 75 premiers établissements bancaires d’Afrique subsaharienne,
12 appartiennent à la zone Franc22, 8 sont kenyans, 4 sont ghanéens, 20 sont nigérians.
Cette forte place des banques nigérianes s’explique par le poids économique et
démographique du pays mais aussi par le processus de consolidation entre les banques de ce pays.
Suite au passage à 127 millions de dollars du capital minimum pour exercer l’activité bancaire
décidée en juillet 2004 par le gouverneur de la Central Bank of Nigeria (CBN), Charles Soludo, un
mouvement de fusion-concentration au sein du secteur bancaire nigérian a fait passer celui-ci de 89
banques en 2004 à 25 banques qui constituent autant de poids lourds régionaux (Jeune Afrique,
2007). Autre comparaison, dans le top 75 des banques d’Afrique subsaharienne, 8 banques
nigérianes avaient des actifs supérieurs à 2 milliards de dollars.
Au-delà des comparaisons nationales, ce classement démontre au final une fois de plus la
faible taille des banques d’ASS : le total bilan des 75 premières banques africaines représente 470
21
Cette publication consacre chaque année un numéro au panorama du secteur bancaire africain. Nous nous sommes
appuyés sur l’édition 2007 : African Business (2007), Africa Top 100 Banks, October 2007, n°335, 41st year
22
Soit 4 pour le Cameroun, 2 pour la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Sénégal, 1 pour le Togo et le Bénin
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 104
milliards de dollars23, soit moins du tiers des actifs de la première banque mondiale en termes
d’actifs en 2007, UBS (1 963 milliards de dollars)24. Ce volume assez faible des banques en termes
d’actifs semble aller de pair avec l’incapacité des acteurs financiers à accorder des financements aux
secteurs privés des économies africaines ainsi que l’atteste le paragraphe (§2).
§2 - L’INCAPACITE DES ACTEURS BANCAIRES A ASSURER LE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE ET LES
PHENOMENES DE SURLIQUIDITE
L’effort d’intermédiation des systèmes financiers subsahariens peut être analysé à travers sa
participation aux deux dimensions de cet exercice : sa capacité à mobiliser des ressources mais aussi
son aptitude à les utiliser pour le financement de l’économie, et plus particulièrement du secteur
privé. Dans ces deux domaines, les performances des systèmes financiers d’Afrique subsaharienne
sont souvent inférieures à celles observées dans d’autres régions (A). Un niveau de ressources
collectées supérieures aux emplois est à l’origine de la surliquidité et symbolise le blocage de
l’intermédiation dans de nombreux systèmes financiers subsahariens. Or, au-delà de sa capacité à
révéler les dysfonctionnements, la surliquidité constitue un frein pour la politique monétaire de ces
pays et un coût pour la croissance (B).
A- Des niveaux d’intermédiations plus faibles que dans les autres régions en
développement
Ce constat est le fruit de l’analyse de différents agrégats bancaires (M3/PIB et Crédit au
secteur privé/PIB) qui témoigne assez bien de pratiques communes à de nombreux agents financiers
subsahariens. La mobilisation des ressources dans les pays africains est réduite avec un ratio M3/PIB
de 32% contre 49% en Asie du Sud Est/Pacifique et plus de 100 % dans les pays à hauts revenus25. La
transformation des ressources en emplois est particulièrement faible dans les pays d’Afrique
subsaharienne. Le ratio Crédit au secteur privé/PIB illustre parfaitement l’incapacité de ces systèmes
à participer au financement de l’économie. D’après le rapport Making Finance Work For Africa
(Banque Mondiale, 2007d), ce dernier est de 18% en moyenne en Afrique contre 30% en Asie du Sud
et 107% dans les pays d’Asie de l’Est.
23
24
Calculs de l’auteur d’après le classement fourni par African Banker (2007)
D’après
Bankersalmanac
(2008),
Top
50
banks
in
the
World,
http://www.bankersalmanac.com/addcon/infobank/wldrank.aspx, page consultée le 13 juin 2008. Les chiffres
correspondent aux bilans de 2006.
25
D’après les statistiques de Making Finance work for Africa (Banque Mondiale, 2007)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 105
Banques
Pays
Capital
Actifs
CAR
(m$)
(m$)
6516
139023
Profits
ROE
ROA
(m$)
4,7
2634
40,4
1,9
Standard Bank
Afrique du Sud
ABSA
Afrique du Sud
4850
68766
7,1
1585
32,7
2,3
Nedbank
Afrique du Sud
4082
59016
6,9
971
23,8
1,6
Investec
Afrique du Sud
3175
46813
6,8
835
26,3
1,8
FirstRand Banking group
Afrique du Sud
2928
61700
4,7
1522
52
2,4
Intercontinental Bank
Nigeria
1277
5735
22,2
184
14,4
3,2
Union Bank of Nigeria
Nigeria
783
5248
14,9
106
13,5
2
Zenith International Bank
Nigeria
738
4785
15,4
119
16,1
2,4
First Bank of Nigeria
Guaranty Trust Bank
IBTC Chartered Bank
Oceanic Bank
United Bank for Africa
First Inland Bank
Diamond Bank
Spring Bank
Ecobank Nigeria
Platinium Habib Bank
Access Bank
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
465
406
308
297
296
282
272
267
238
224
215
6574
3959
895
2926
6962
1510
1738
1052
1070
1249
2502
7,1
10,2
34,4
10,1
4,2
18,6
15,6
25,4
22,2
17,9
8,6
184
128
37
91
101
32
41
39,5
31,5
12
30,6
34,1
11,3
15,1
2,8
3,2
4,1
3,1
1,4
2,1
2,3
41
28
52
17,2
12,5
24,2
3,8
2,2
2
Banques
Pays
Afribank Nigeria
Standard Chartered Bank of Nigeria
Wema Bank
Fidelity Bank
Skye Bank
First City Monument Bank
BGFI Bank
Barclays Bank of Kenya
Commercial Bank of Ethiopia
Banco de Fomento Angola
Kenya Commercial Bank
Standard Chartered Bank of Kenya
Société Générale de Banque de Côte d'Ivoire
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Nigeria
Gabon
Kenya
Ethiopie
Angola
Kenya
Kenya
Côte d'Ivoire
211
207
206
200
198
196
185
178
166
155
132
120
104
1024
531
1050
934
1346
831
1199
1689
3828
1579
1333
1167
903
20,6
38,9
19,6
21,4
14,7
23,6
15,5
10,5
4,3
9,8
9,9
10,3
11,5
19
25
24
24
12
22
36
93
91
89
45
55
17
9
12,1
11,6
11,6
6,2
11,2
19,3
52,2
54,8
57,4
34,1
45,8
16,3
1,8
4,7
2,3
2,3
0,9
2,6
3
5,5
2,3
5,6
3,4
4,7
1,9
Standard Bank of Namibia
Capitec Bank
Bank Windhoek
Barclays Bank of Botswana
Standard Chartered Bank of Ghana
Ghana Commercial Bank
Teba Bank
CBAO
Namibie
Afrique du Sud
Nambie
Botswana
Ghana
Ghana
Afrique du Sud
Sénégal
101
85
83
79
78
78
76
73
1334
204
1052
1150
758
645
360
860
7,5
41,6
7,9
6,8
10,3
12,1
21,1
8,5
26
27
17
43
30
26
32
24
25,7
31,7
20,4
54,4
38,4
33,3
42,1
32,9
1,9
13,2
1,6
3,7
3,9
4
8,9
2,8
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Capital
(m$)
Actifs
(m$)
Page 107
CAR
Profits
(m$)
ROE
ROA
Banques
Pays
Capital
(m$)
Actifs
(m$)
CAR
Profits
(m$)
ROE
ROA
Banque Commerciale de l'Industrie de la Côte Côte d'Ivoire
d'Ivoire
Banco de Poupanca e Credito SARL
Angola
Sasfin Holdings
Afrique du Sud
Société Générale de Banque du Sénégal
Sénégal
69
574
12
9
13
1,5
66
65
64
649
343
858
10,1
18,9
7,4
36
32
20
54,5
49,2
30,8
5,5
9,3
2,3
Cooperative Bank of Kenya
Banque Internationale pour l'épargne et le Crédit
Kenya
Cameroun
63
61
831
764
7,5
8
18
13
28,5
21,2
2,1
1,7
Development Bank of Mauritius
Barclays Bank of Ghana
Developement Bank of Mauritius
Banco Africanos de Investimentos
CFC Bank
National Bank of Kenya
Banco International de Mocambique
Societe Generale Ghana
National Bank of Malawi
BICIG
Barclays Bank Zambia
National Bank of Commerce
Maurice
Ghana
Maurice
Angola
Kenya
Kenya
Mozambique
Ghana
Malawi
Gabon
Zambie
Tanzanie
60
59
58
51
49
48
47
44
43
43
42
42
247
541
245
1283
581
520
849
320
261
556
455
443
24,3
10,9
23,67
3,9
8,4
9,2
5,5
13,7
16,5
7,69
9,2
9,48
2
29
2
42
20
13
14
10
11
11
10
11
3,3
49,1
3,45
82,3
40,8
27
29,8
22,7
25,6
25,64
23,8
26,19
0,8
5,3
0,81
3,2
3,4
2,5
1,6
3,1
4,2
1,97
2,2
2,48
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 108
Banques
Pays
Société Générale de Banques au Cameroun
Cameroun
Capital
(m$)
Actifs
(m$)
40
Afriland First Bank
Cameroun
40
CRDB
Tanzanie
38
ABC Holdings
Botswana
38
Bank of Africa Benin
Bénin
36
Standard Chartered Bank Zambia
Zambie
36
Investment and Mortgage Bank
Kenya
35
CRDC Bank
Tanzanie
34
National Industrial Credit Bank
Kenya
33
BCI Fomento
Mozambique
32
Barclays Bank of Uganda
Ouganda
31
Commercial Bank of Cameroon
Cameroun
30
Bank of Abyssinia
Ethiopie
29
Tableau 13: Caractéristiques des 75 premières banques subsahariennes. Source : African Business (2007)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 109
CAR
Profits
(m$)
514
7,8
550
634
347
507
354
322
710
284
455
218
550
237
7,3
6,01
10,9
7,1
10,1
10,8
4,8
11,6
7
14,2
5,4
12,2
ROE
ROA
6
15,5
1,2
16
10
6
14
13
22
6
9
9
41,72
26,3
16,6
38,8
37,1
64,7
18,2
28,1
29
2,51
2,9
1,2
3,9
4
3,1
2,1
1,9
4,1
9
31
3,8
Au-delà de ces généralités, une analyse plus fine permet de distinguer des différences
fondamentales entre pays africains dans le processus d’intermédiation et de souligner l’existence de
paliers de développement financier. Le graphique n°13 démontre que la région MENA affiche de
meilleures performances en matière de collecte des dépôts et d’octroi du crédit. Elles sont
pratiquement identiques à celles observées dans les pays asiatiques.
A contrario, les pays des deux zones Franc sont sensiblement en retrait par rapport à la zone
MENA et il existe un écart important entre la CEMAC et l’UEMOA. La profondeur financière au sein
de l’UEMOA est faible mais comparable à la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Le ratio Dépôts/PIB
au sein de l’UEMOA représente près du double de celui de la CEMAC et il approche les performances
des pays de la zone MENA.
Toutefois, en matière de prêts, le différentiel entre les deux espaces économiques est plus
important. En effet, l’UEMOA est proche de la moyenne de l’Afrique subsaharienne (17,8% pour
l’UEMOA contre 16,7% pour l’Afrique subsaharienne en 2002-2003) mais très loin des performances
des pays du pourtour méditerranéen (40.1%)26.
Figure 13: Ratios d’intermédiation financière de différentes zones géographiques. Source : Micco, A.,
Panizza U. et M. Yañez (2006)
Le graphique ci-dessous met en exergue la nécessité de développer le financement du
secteur privé dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Excepté l’Afrique du Sud (avec un
26
Cf. Amadou N., Sy, R. (2006), Financial Integration in the West African Economic and Monetary Union, WP/06/214,
International Monetary Fund, Washington D.C.
ratio de près de 78%), les secteurs bancaires subsahariens se caractérisent par de piètres
performances en matière de financements à l’économie.
Figure 14: Moyenne du ratio crédit accordé par les banques de dépôts au secteur privé/PIB entre
2003 et 2005. Source : Banque Mondiale (2006)
Dépôts bancaires/PIB
Figure 15: Moyenne du ratio dépôts bancaires/PIB entre 2003 et 2005. Source : Banque Mondiale
(2006)
Les difficultés en matière de financement de l’économie dans ces pays s’expliquent, entre
autres causes, par la faible mobilisation de l’épargne au sein du secteur bancaire ainsi que l’atteste le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 111
graphique n°15. Celui-ci souligne l’écart en matière de collecte des dépôts entre les systèmes
financiers subsahariens et ceux des autres régions en développement.
B - Le blocage de l’intermédiation, la surliquidité et ses conséquences sur l’efficience de la
politique monétaire
#1-Le blocage de l’intermédiation dans les pays d’Afrique subsaharienne
De nombreux pays subsahariens sont aujourd’hui caractérisés par un blocage de
l’intermédiation se manifestant par une mobilisation des dépôts largement supérieure aux crédits
octroyés à l’économie, source de surliquidité.
Cette situation est liée à différents facteurs. Au niveau microéconomique, on retrouve les
asymétries d’informations associées à la mauvaise diffusion de l’information en Afrique et les risques
associés à la réalisation de projets (notamment le risque de défaut). Au niveau macroéconomique,
l’accumulation de divers risques (instabilité politique, dévaluation, existences d’opportunités
commerciales pour les entreprises) remet en cause la viabilité des secteurs industriels locaux et vient
renforcer le risque microéconomique perçu par les banques, légitimant ainsi une politique de crédit
rigoureuse.Par ailleurs, la structure économique dans de nombreux pays ne favorise pas
l’intermédiation car la majorité des crédits est octroyée à de grandes entreprises et repose sur
quelques grands secteurs exportateurs de matières premières. Cette situation entraîne une
concentration des risques bancaires sur quelques acteurs et filières.
Au-delà des politiques visant à renforcer les institutions financières, seules des politiques
agissant sur les différents facteurs réels à l’origine de l’intermédiation sont à même de mettre fin au
blocage de l’intermédiation. Ces politiques feront l’objet de la troisième partie de cette thèse. Elles
sont d’autant plus nécessaires que la surliquidité résultant de la faible intermédiation limite la portée
de la politique monétaire.
Les systèmes bancaires africains se caractérisent par une surliquidité récurrente. Le FMI
estime ainsi que les réserves non rémunérées dans les pays d’Afrique subsaharienne représentaient
en moyenne 13% du total des dépôts avec des pics supérieurs à 30% dans des pays pétroliers tels
que la Guinée Equatoriale ou le Tchad (FMI, 2006).
#2-Des niveaux de surliquidité bancaire inégalés
La situation de surliquidité dans laquelle se trouvent plongés de nombreux systèmes
bancaires africains est parfaitement illustrée par les cas de la CEMAC et de l’UEMOA. La faiblesse des
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 112
volumes de financement offerts surprend d’autant plus que le niveau des ressources disponibles ne
cesse de progresser depuis 1997 au sein des deux zones en raison de facteurs externes (hausse des
cours de certaines matières premières, désendettement) et internes (croissance économique et
remboursement de la dette intérieure). C’est particulièrement vrai au sein de la CEMAC où les avoirs
externes nets ont été quasiment multipliés par 4 entre 2003 et 2005 d’après le rapport de la BEAC
2005 (BEAC, 2005). La forte surliquidité bancaire que connaît cette zone est le fruit de la hausse des
dépôts due à l’augmentation des recettes pétrolières combinée à la stagnation des crédits à
l’économie.
Figure 16: Des avoirs extérieurs nets en forte croissance au sein de la BEAC. Source : BEAC (2005)
Au premier trimestre 2007, les réserves libres des établissements bancaires, c’est-à-dire les
réserves constituées hors réserves obligatoires représentaient 922,4 milliards de Francs CFA au sein
de la BEAC (BEAC, 2007). Au-delà des réserves des établissements financiers, les réserves officielles
des Etats sont en constante progression et permettraient de satisfaire le besoin de financement
nominal de la zone CEMAC. Entre 2004 et 2005, les réserves brutes de la BEAC ont enregistré une
hausse de 89.6% passant de 1 535 milliards de Francs CFA à 2 911 milliards de Francs CFA (BEAC,
2007). Les avoirs au sein du Compte d’opérations placé auprès du Trésor français ont doublé passant
de 1 305 milliards à 2 647.2 milliards fin 2005 soit près de 4 milliards d’euros. L’abondance des
ressources accentue encore plus fortement la dimension paradoxale des difficultés de financement
des différentes catégories d’agents des pays de la CEMAC.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 113
Au-delà des pays disposant de rentes extractives, ce phénomène peut s’expliquer par
plusieurs facteurs : (i) le faible développement des marchés financiers, (ii) la faible concurrence et le
manque d’initiative dans la sphère bancaire, (iii) l’existence d’asymétries d’information, (iv) le
manque de projets bancables et (v) l’étroitesse du marché interbancaire.
#3-Les coûts de la surliquidité
La surliquidité figure au nombre des facteurs pouvant affecter l’efficience de la politique
monétaire. Une étude récente du Fonds Monétaire International (Saxegaard, 2006) souligne les
effets pervers de ce phénomène dans les pays d’Afrique subsaharienne en mettant en exergue
l’insensibilité des banques commerciales à toute modification de la politique monétaire lorsque leur
trésorerie (et notamment le volume des réserves non obligatoires) est surabondante.
La faiblesse de l’intermédiation et la surliquidité qui en résulte constituent deux des facteurs
les plus préoccupants du sous-développement financier des pays subsahariens. La faible diversité de
ces systèmes vient aggraver cette situation en associant à un faible volume de financement des choix
d’instruments, de maturité et d’institutions somme toute assez limités (Section II). Elle n’empêche
pourtant pas les intermédiaires financiers de dégager des niveaux de rentabilité parmi les plus élevés
au monde.
SECTION II - LA FAIBLE DIVERSITE DES SYSTEMES FINANCIERS
SUBSAHARIENS CONTRAINT LES AGENTS ECONOMIQUES DANS LA
REALISATION DE LEURS PROJETS.
La capacité d’un système financier à fournir à ses usagers des produits/services aptes à
répondre à leurs besoins constitue un de ses principaux critères d’efficience. Contrairement au
chapitre 6 qui s’interrogera sur l’accessibilité des ménages et des PME à ces services (les services
sont disponibles mais se pose la question de la capacité financière et physique à y accéder), cette
section mettra l’accent sur l’existence de produits/services et institutions susceptibles de satisfaire
les besoins. Il apparaît que les systèmes financiers d’Afrique subsaharienne se caractérisent par un
contraste entre la grande diversité des besoins financiers (§1) et la faible complétude des institutions
et services pour les satisfaire (§2).
§1- DES USAGERS ACTUELS ET POTENTIELS AUX BESOINS FINANCIERS NON SATISFAITS
Connaître précisément les besoins financiers des agents économiques relève de la gageure
dans de nombreux pays africains. En effet, il n’existe pas d’enquêtes systématiques et harmonisées
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 114
exprimant ces besoins ou leur insatisfaction. L’expression des besoins reflète souvent le fruit de la
vox populi et s’avère non documentée.
Toutefois, ces dernières années ont été marquées par quelques avancées majeures dans ce
domaine. Les enquêtes Finscope27 ont permis de mieux connaître la pénétration de différents
services/produits financiers auprès des ménages/entreprises en Afrique australe.
Nous caractériserons la diversité des besoins non satisfaits en utilisant (A) les fonctions de
base que des agents économiques souhaiteraient trouver dans un système financier efficient mais
aussi (B) la disponibilité de certaines formes de financement pour répondre aux besoins sectoriels et
par maturité.
A- Des secteurs financiers qui peinent à remplir leurs fonctions de base
A titre de rappel (Cf. partie I), un système financier efficient remplit cinq fonctions :
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
la facilitation des échanges de biens et services ;
la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
la production d’information sur les investissements envisageables et l’allocation de
l’épargne ;
la répartition, la diversification et la gestion du risque et au final,
le suivi des investissements en exécution et le contrôle de la gouvernance.
Ces cinq fonctions microéconomiques accomplies par les intermédiaires financiers sont à
même de contribuer à l’amélioration de l’efficience économique des différents agents et à travers
eux, de façon agrégée, à celle de l’ensemble de l’économie. Or, les intermédiaires financiers
subsahariens semblent ne pas remplir de manière efficiente ces différentes fonctions ainsi que nous
le verrons à travers un examen attentif de deux d’entre elles : (i) les systèmes de paiement et (ii) la
mobilisation de l’épargne.
#1-La faiblesse des systèmes de paiement pénalise les acteurs économiques
subsahariens
La transition vers des formes monétaires plus évoluées (monnaie scripturale et ses
différentes formes) est un signe de développement financier. Cette évolution apporte à l’économie
une meilleure fluidité des échanges.
27
Le site Internet de la société Finscope est accessible à l’adresse suivante: http://www.finscope.co.za/index.asp, page
consultée le 13 juin 2006
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 115
L’approfondissement du secteur financier va souvent de pair avec une hausse de M1 et de
M2, deux agrégats monétaires de base. Avec le développement financier et économique, M2 est
supposé croître plus rapidement, entraînant une baisse du ratio M1/M2. Or, les pays d’Afrique
subsaharienne possèdent le ratio régional M1/M2 le plus élevé, marquant ainsi la faible évolution
des formes de la monnaie dans cet espace (FMI, 2006). Dans les pays africains, la large sous
utilisation de la monnaie scripturale constitue un frein au développement des échanges.
Afin d’expliquer ce phénomène, plusieurs facteurs peuvent être mis en avant. L’impact des
faillites bancaires des années 1980-1990 n’est pas à sous-estimer car elles ont généré un fort
sentiment de méfiance vis-à-vis de l’institution bancaire qui a entraîné le développement de
phénomènes de thésaurisation et un recours significatif à la monnaie fiduciaire.
Figure 17: Nombre de distributeurs automatiques pour 100 000 personnes. Source: Beck, DemirgucKunt et Martinez Peria (2005)
Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’utilisation de la monétique demeure
encore un phénomène marginal bien que les programmes de domiciliation de la paie des agents de
l’Etat entraînent une hausse de l’utilisation des cartes bancaires. Des efforts doivent être réalisés afin
d’augmenter le nombre de Distributeurs Automatiques de Banques et Guichets Automatiques de
Banques (DAB/GAB) et leur répartition géographique. Toutefois, ce désir se heurte à la nécessité de
mettre en œuvre des infrastructures de télécommunications lourdes (VSAT notamment) pour gérer
ces systèmes.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 116
Les institutions monétaires ont tardé à promouvoir la monétique et les systèmes de
compensation automatique. Cette inertie, la longueur des opérations de compensation et les fraudes
expliquent la faible diffusion du chèque de banque et plus largement de la monétique.
Le retard en matière de structuration des systèmes financiers est perceptible à travers la
faiblesse du compartiment interbancaire. Au sein de la zone Franc, les marchés interbancaires des
zones UEMOA et CEMAC ont longtemps eu des évolutions divergentes avec des volumes échangés
plus importants au sein de l’UEMOA que dans la CEMAC (118,3 milliards de F CFA échangés
annuellement en moyenne sur la période 1997-2004 contre 14,1 milliards sur la même période au
sein de la CEMAC). La crise ivoirienne et ses répercussions économiques semble avoir eu un impact
non négligeable sur le marché de la zone UEMOA dans la mesure où les volumes sont passés de
199,6 milliards de Franc CFA en 1999 à 48 milliards en 2004.
Afin de combler ce retard, les institutions régionales de l’UEMOA et de la CEMAC ont lancé
un vaste chantier autour de la réforme du système des paiements. La BCEAO a initié la mise en
œuvre d’un système de règlement brut en temps réel (RTGS) (STAR-UEMOA) et d’un système de
compensation bancaire (SICA-UEMOA). Par ailleurs, deux projets de systèmes de paiement par carte
(GIM-UEMOA et CTMI-UEMOA) sont en cours.
Au-delà de leurs difficultés à proposer des solutions de paiement efficientes, les
intermédiaires financiers africains ne jouent pas leur rôle en matière de mobilisation de l’épargne et
de financement de ceux-ci.
#2-De piètres performances en matière de collecte de l’épargne
Pour de nombreux pays subsahariens caractérisés par de faibles densités de population et
une forte concentration de la population dans des zones rurales encore peu desservies par les
acteurs financiers, des systèmes financiers efficients représentent une opportunité d’améliorer la
mobilisation et la collecte de l’épargne.
Dans de tels environnements, la contribution du système financier se comprend aisément car
il permet de constituer un stock de ressources financières à partir de contributions non coordonnées
d’un grand nombre d’épargnants, ce qui réduit les coûts de transactions. Il assure aussi une fonction
essentielle de garant pour que chaque épargnant soit prêt à confier son épargne (Jacquet et Pollin,
2007).
L’Afrique subsaharienne ne jouit pas de cette fonction : son niveau d’épargne sur longue
période est le plus faible au monde et ne montre aucune amélioration sensible. Différentes
explications peuvent être avancées. La faiblesse des niveaux de rémunération et le coût de la vie
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 117
dans des économies qui importent l’essentiel de leurs produits manufacturés constituent la première
limite à la capacité d’épargne des agents.
Figure 18: Evolution du taux d’épargne domestique. Source : Banque Mondiale (2007a)
Elle s’explique aussi par la défiance envers les intermédiaires financiers. Celle-ci est liée à des
phénomènes sociologiques (l’institution bancaire dans sa structuration paraît étrangère et éloignée
des réalités quotidiennes) mais aussi à des effets mémoires. De nombreux épargnants gardent, en
effet, un souvenir amer des évènements financiers qui ont ébranlé de nombreux pays africains au
cours des années 80 et 90 (crises financières, dévaluation du Franc de 1994). Ceux-ci ont
durablement et profondément remis en cause leur désir d’épargne en détruisant leurs maigres
économies.
En l’absence de mécanismes de solidarité de place, d’assurance des dépôts ou alors de
prêteur en dernier ressort, les agents économiques recourent largement à la thésaurisation ou alors
des processus de fuite des capitaux28. D’après certaines estimations, les capitaux quittant le
continent africain s’élèveraient à près de 10 milliards de dollars américains chaque année.
28
Cette absence ne contribue pas à rassurer les épargnants qui se rappellent que la puissance publique a souvent
accompagné la faillite des banques en remboursant uniquement les gros épargnants et les créanciers les plus importants au
détriment des petits épargnants.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 118
Au-delà de ces faiblesses structurelles, les systèmes financiers africains se caractérisent par le
hiatus entre les besoins exprimés dans la demande de financement et l’offre de services/produits
formulées par les banques. Cette divergence est perceptible à travers l’analyse de la répartition
sectorielle des crédits et celle du PIB mais aussi de la maturité des crédits proposés.
B- La non satisfaction des demandes de financement pour certains secteurs ou à long terme
#1-Non satisfaction des demandes de financement par secteur d’activité
Dans de nombreux pays subsahariens, on ne peut qu’être frappé par la profonde divergence
existant entre la composition sectorielle de l’économie et l’allocation du crédit. Le FMI estime ainsi
que les secteurs secondaire et tertiaire représentent 2/3 du PIB régional dans les pays d’Afrique
subsaharienne mais reçoivent près de 90 % des prêts octroyés par les institutions bancaires (FMI,
2006). A contrario, le secteur primaire qui comptait pour 31,7% du PIB et constituait une source de
revenu essentiel pour des pays dont les populations sont encore largement rurales n’a reçu que
11.6% des prêts.
Le décalage entre économie réelle et financière est encore plus perceptible au sein des pays
de la zone UEMOA dans lesquels l’agriculture, la sylviculture, la pêche et les industries extractives
n’ont reçu que 5% des crédits bancaires d’après le Rapport Annuel de la Commission Bancaire UMOA
2005 (BCEAO, 2005) alors que l’agriculture constitue un des principaux contributeurs au PIB. Il faut
toutefois nuancer ces conclusions dans la mesure où certaines activités liées à l’agriculture sont
comptabilisées dans le secteur d’activité commerce.
Toutefois ces données interrogent quelques mois après les émeutes de la faim qui ont agité
de nombreuses villes africaines. Elles font de la crise alimentaire dans laquelle baignent de nombreux
pays subsahariens une crise du financement agricole.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 119
Figure 19: Répartition sectorielle des crédits. Source : FMI (2006)
Figure 20: Répartition sectorielle du PIB. Source : FMI (2006)
Secteurs d'activité
Agriculture, sylviculture et pêche
Industries extractives
Industries manufacturières
Electricité, gaz et eau
Bâtiments, travaux publics
Commerce, restaurants et hôtels
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
2002
7
1
23
3
4
36
2003
6
1
24
3
4
33
2004
4
1
22
4
4
38
2005
4
1
22
4
4
38
Page 120
Secteurs d'activité
2002
2003
2004
2005
Transports, entrepôts et communications
7
8
10
10
Assurance, immobilier, service aux entreprises
5
5
6
6
Services divers
14
16
11
11
Total
100
100
100
100
Tableau 14: Répartition sectorielle des crédits dans la zone UEMOA, déclaration à la centrale des
risques. Source : BCEAO (2005)
Cette incapacité à servir certaines clientèles au niveau sectoriel se retrouve aussi lorsque l’on
considère l’origine des débiteurs. La répartition des actifs bancaires en fonction du détenteur de la
créance illustre le phénomène de non satisfaction de la demande. Les banques d’Afrique
subsaharienne détiennent le niveau de créances sur le secteur privé le plus faible de toutes les
régions en développement (Cf. graphe n°21). Cette situation est particulièrement préoccupante
lorsque l’objectif affiché et recherché est l’utilisation du secteur privé comme vecteur de croissance.
A contrario, les entreprises publiques font l’objet d’un financement massif (la plus forte proportion
de l’échantillon régional) et les concours au gouvernement se situent en valeur relative en deuxième
position derrière l’Asie du Sud.
Figure 21: Répartition des actifs des banques par région. Source : Banque Mondiale (2007d)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 121
#2-La nécessité de renforcer la complétude temporelle pour financer la croissance de
long terme en Afrique
La complétude temporelle désigne la possibilité pour les agents économiques de pouvoir
accéder à des financements ou des formes d’épargne répondant à leurs besoins en termes
d’échéances et de maturité. Cette notion est particulièrement importante dans de nombreux pays en
voie de développement car les entreprises n’ont accès qu’à peu de solutions pour financer leur
investissement de long terme, les intermédiaires financiers privilégiant uniquement des
investissements de court terme au détriment de projets qui pourraient alimenter la croissance de
long terme.
La possibilité donnée aux agents de pouvoir se financer à long terme réduit le risque de
montage financier hasardeux tel que le financement de projets de long terme par des prêts à court
terme.
Les zones UEMOA et CEMAC fournissent d’excellents exemples de la difficulté des agents à
obtenir des financements à long terme. Au sein de la zone UEMOA, les crédits à long terme accordés
à l’économie et déclarés à la banque centrale représentaient seulement 3% du total des crédits
octroyés par les banques en 2005. Dans la zone CEMAC, ils constituaient 1% du portefeuille crédits
en 2004. On peut, par ailleurs, s’interroger sur le qualificatif de crédit à long terme car celui-ci
s’applique, suivant la règlementation de la Zone Franc, à tous les crédits ayant une maturité
supérieure à 3 ans.
Figure 22: Répartition par maturité des crédits à l’économie déclarés à la centrale des risques dans la
CEMAC entre 2003 et 2005. Source : BEAC (2005)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 122
Le faible niveau de crédit à long terme octroyé à l’économie dans les pays africains est à
rechercher du côté de l’offre de capitaux par le peu de confiance accordée au système financier par
les acteurs économiques en raison de l’incertitude macroéconomique et politique mais aussi du
souvenir des crises bancaires passées. Toutefois, la réduction du nombre de crises politiques sur le
continent autorise un certain optimisme en matière de constitution d’une épargne longue. Ce
processus passe par la diversification des instruments d’épargne à long terme. Or, les ménages et les
différents investisseurs institutionnels locaux disposent de peu d’instruments de placements à long
terme à l’exception des obligations d’Etat et de quelques titres de participations.
Au-delà des instruments et des maturités, la problématique de la diversité s’étend aussi à la
gamme des institutions financières représentées dans les différents systèmes financiers
subsahariens.
§2 - PEU DE PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE DISPOSENT D’UNE GAMME ELARGIE
D’INSTITUTIONS ET D’INSTRUMENTS FINANCIERS
Face à l’extrême diversité des besoins formulés par les utilisateurs des systèmes financiers
subsahariens, ceux-ci pêchent par le nombre relativement restreint d’institutions à même de les
satisfaire. Or, au-delà du volume de financement, la diversité du système financier et sa capacité à
répondre à des besoins multiples constituent deux des éléments majeurs du processus de
développement financier.
Avant d’examiner plus en détail l’état de développement des différentes catégories
d’institutions financières africaines, deux précisions doivent être apportées. La première concerne le
champ et la qualité de notre analyse. Cette présentation souffre naturellement des faiblesses
associées à ce type d’exercice. Dans le contexte africain, l’accès aux données à été difficile. Lorsque
ces dernières étaient disponibles, il n’a pas toujours été possible de disposer de statistiques
homogènes ou harmonisées. Par ailleurs, les délais de publication des statistiques officielles étant
parfois assez longs, il existe un décalage parfois assez important entre la date de rédaction de ce
document et les données disponibles. L’objet de ce travail portant sur les systèmes financiers en
Afrique subsaharienne, le panorama dressé ne sera jamais aussi précis et détaillé que des
monographies pays29.
La deuxième précision est d’ordre sémantique. La complétude institutionnelle caractérise un
système financier dans lequel l’intermédiation financière est réalisée par des institutions financières
diversifiées. Il peut s’agir, entre autres, de banques, de sociétés de crédit immobilier, de leasing,
d’institutions financières non bancaires comme des compagnies d’assurance, des fonds de pension,
29
Les enquêtes Financial Stability Assessment Program du FMI et les parties consacrés au secteur financier des Investment
Climate Assessment de la Banque Mondiale constituent des références dans ce domaine.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 123
de sociétés de courtage ou d’entreprises de capital risque. Quant à la complétude instrumentale,
elle traduit la capacité du système financier à offrir aux agents économiques une gamme assez riche
d’instruments financiers à même de répondre à leurs besoins. La mobilisation de l’épargne peut se
faire par des instruments aussi divers que les dépôts, obligations, actions, billets de trésorerie. Les
agents peuvent, par ailleurs, avoir recours à différents types de produits pour obtenir des
financements, placer leur épargne ou alors se prémunir contre le risque (polices d’assurance,
produits dérivés).
Les complétudes institutionnelle et instrumentale sont souvent complémentaires dans la
mesure où l’absence d’institutions pouvant offrir un instrument particulier empêche le
développement de ce dernier. Ces deux dimensions de la complétude sont malheureusement peu
développées dans les pays africains. Le secteur bancaire largement évoqué dans les précédents
développements sera volontairement exclu de cette présentation au profit des institutions
financières non bancaires (IFINB ou IFNB). Face aux carences des institutions d’assurance et de
prévoyance (A), au développement erratique des institutions financières spécialisées dans le crédit à
des secteurs prioritaires (B), l’essor du microcrédit (C) et la progression des marchés boursiers (D)
font figure d’alternative à condition de ne pas en faire une panacée et de les ancrer dans des
processus de croissance réfléchis.
A- D’importants besoins en matière d’assurance accentués par la quasi faillite de nombreux
organismes de prévoyance sociale
Le chapitre 1 a présenté certaines des vertus microéconomiques associées au
développement des systèmes financiers, notamment en matière d’assurance. Malheureusement, ce
besoin et ses différentes déclinaisons (assurance-vie, Incendie Accidents Risques Divers) est
faiblement couvert par les institutions existantes. Ces dernières se présentent sous deux formes
principales : des compagnies (qui peuvent être privées, publiques ou mixtes) ou des caisses de
prévoyance publiques couvrant des salariés du privé ou du public. Différents acteurs interviennent,
par ailleurs, dans la galaxie assurantielle notamment dans la distribution des polices (courtiers,
banques et, de plus en plus, des institutions de microcrédit).
La gestion des caisses de prévoyance ne faisant pas l’objet d’une grande publicité et accusant
les contrecoups d’une mauvaise gestion, l’essentiel de la présentation du secteur se fera sur la base
des données des compagnies d’assurance.
#1 - Des systèmes de prévoyance sociale en difficulté
En matière de couverture sociale, le continent africain se caractérise par le faible
développement des régimes de retraite et de prévoyance sociale. D’après la Banque Mondiale, ceuxLes politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 124
ci couvrent principalement les employés du secteur public et para public ainsi que les salariés de
grandes entreprises privées soit un peu moins de 10% de la population active.
Dans les pays où elle existe, cette couverture est loin d’être effective en raison de la situation
de quasi faillite de nombreux régimes de prévoyance. En effet, les caisses et organismes de retraite
et de prévoyance créés aux indépendances et fonctionnant sur le principe de la répartition
connaissent des difficultés semblables à leurs homologues des pays de l’OCDE. Ces organismes sont
en premier lieu victimes de l’évolution de la démographie. La conjonction de la baisse du nombre de
cotisants (plans de réduction du personnel de la fonction publique) et le départ à la retraite de
cohortes des fonctionnaires embauchés dans les années 1960-1970 entraînent des difficultés de
paiement des prestations. Face aux déficits budgétaires récurrents liés aux déséquilibres des
comptes sociaux, les bailleurs de fonds sont souvent contraints d’augmenter leur concours
budgétaire.
Ce mécanisme démographique est aggravé par la mauvaise gestion de ces systèmes de
prévoyance. L’Etat ne s’est pas toujours acquitté de ses cotisations patronales tandis que les
cotisations salariales n’ont généralement pas fait l’objet de placements sous formes de titres ou
d’actifs immobiliers mais ont été utilisées dans le cadre de l’exécution du budget. Ces différents
mécanismes expliquent la quasi faillite de nombreux systèmes de sécurité sociale et appellent des
réformes structurelles profondes. A titre d’exemple, la réforme de la Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale (CNPS) au Cameroun commence à porter ses fruits : après avoir connu pendant des années
des difficultés à s’acquitter de ces prestations (notamment versement des pensions de retraites),
celles-ci sont désormais versées régulièrement.
Les difficultés rencontrées par les Caisses publiques mettent en lumière le potentiel de
développement des activités d’assurance notamment dans le secteur vie. Ce secteur est encore peu
développé à l’exception de l’Afrique du Sud et de quelques pays d’Afrique australe (Botswana, en
particulier).
#2 - Un secteur de l’assurance peu développé
Afin d’appréhender le développement du secteur de l’assurance, plusieurs indicateurs sont
traditionnellement utilisés tels que le nombre de compagnies, la part des actifs du secteur de
l’assurance/total des actifs du secteur financier ou alors le niveau des primes rapporté au PIB.
L’assurance représentait seulement 8.2% des actifs du secteur financier au Kenya, 7.1% au
Gabon et 2.1% au Nigeria malgré la présence dans ce pays de 118 compagnies d’assurance actives
(FMI, 2006) en 2005. Les données sur cet indicateur étant généralement limitées à quelques pays, la
majorité des analyses utilisent un autre ratio, le taux de pénétration (part des primes totales/PIB).
A l’exception de l’Afrique du Sud qui affiche des taux supérieurs aux principaux pays de
l’OCDE (12,8% en 2005), ce ratio est particulièrement bas dans l’arc subsaharien avec un maximum
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 125
de 2,5% au Kenya en 2005. A titre de comparaison, en 2003, ce ratio était en moyenne de 4,8% pour
l’Afrique, 7,5% pour l’Asie, 7,8% pour l’Europe et 8,5% pour le continent américain.
En focalisant notre analyse sur l’UEMOA, on estime que ce ratio était en moyenne de 1,1% au
sein de la zone avec des extrêmes allant de 0,6% au Niger à 1,6% en Côte d’Ivoire (BCEAO, 2006). La
part relativement faible du secteur des assurances dans cette région est tributaire comme dans
l’ensemble du continent des bas niveaux de revenu, des niveaux de primes jugées inabordables par
de nombreux habitants, l’absence de couverture des secteurs informels et le manque de produits de
couverture contre les aléas affectant le secteur agricole.
Ce marché présente toutefois un réel potentiel. Si la cotisation moyenne en Afrique était de
44 $ en 2005, loin derrière l’Amérique (1 453 $) et l’Europe (1 514 $), ce continent affiche un fort
taux de progression de cet indicateur depuis 2001 (FANAF, 2007). Au-delà de problèmes dans leur
gestion, de nombreuses compagnies d’assurance n’arrivent pas à développer leurs activités en raison
de la difficulté à quantifier et tarifier le risque. En considérant les activités vie, l’appareil statistique
de nombreux pays africains ne permet pas l’obtention des tables de mortalité, d’indicateurs
mesurant la prévalence de certaines maladies ou alors la sinistralité liée à différents phénomènes.
Figure 23: Ratio primes d’assurance/PIB. Source : Banque Mondiale (2006) et FANAF (2007)
Or, ces données sont fondamentales en assurance en raison de l’inversion du cycle de
production. En effet, dans le monde de l’assurance, les prix de vente des produits sont fixés avant la
détermination du coût de revient réel, qui n’intervient qu’après la survenance des sinistres. Les
différents marchés (vie et dommage) ne sont donc pas à l’abri d’un risque de sous-tarification lié à
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 126
une mauvaise estimation d’un des paramètres du calcul actuariel. Avec ce cycle d’exploitation
inversé, une mise à jour des différentes tables utilisées dans le calcul des différentes primes (table de
mortalité, taux de prévalence de certaines maladies, coût d’une journée d’hospitalisation) est
nécessaire et requiert des études fréquentes.
Celles-ci étant onéreuses et rarement prises en charge par les Etats, l’action des bailleurs en
faveur de ce secteur passe certainement par la résolution de cette imperfection de marché et le
financement d’études actuarielles ou statistiques.
Une autre limite au développement des compagnies d’assurance réside dans le nombre
limité de placements sûrs, liquides et bien rémunérés dans lesquels les compagnies d’assurance
pourraient placer les liquidités générées par leurs activités techniques. Ce problème constitue une
forte limite au développement de l’ensemble des différentes catégories d’investisseurs
institutionnels dans les pays africains. Or, le secteur de l’assurance présente un réel potentiel de
financement pour l’économie. En 2003, au sein de l’UEMOA, les compagnies d’assurance détenaient
un portefeuille d’investissement de 289,9 milliards de Francs CFA, soit environ 9% de l’encours de
crédits à l’économie détenu par le secteur bancaire au cours du même exercice. La réalisation des
réformes appropriées pourraient permettre au secteur d’afficher de se rapprocher des performances
des acteurs de l’OCDE.
Au sein de ce groupe, les placements financiers représentent une part importante de la
rentabilité des compagnies d’assurance. Ainsi, en 2006, les compagnies d’assurance françaises ont
dégagé un résultat net de 14 milliards d’euros, avec une contribution des produits financiers à
hauteur de 75 milliards d’euros et un encours d’actifs financiers de près de 1 500 milliards d’euros
(ACAM, 2006).
Dans de nombreux pays africains, le code des assurances mais aussi l’inexistence de produits
dynamiques, poussent les compagnies à détenir des actifs peu rémunérateurs (titres d’Etat) n’offrant
pas une bonne protection contre l’inflation. La prépondérance de ces actifs dans les bilans des
sociétés d’assurances présente un risque de détérioration de leur valeur en termes réels.
Le secteur des assurances en Afrique subsaharienne se retrouve, par conséquent, dans une
situation d’extrême tension entre d’une part son incapacité à proposer des produits adaptés aux
besoins et aux moyens de ses clients et d’autre part ses difficultés à trouver des placements sûrs et
rentables pour canaliser les flux de primes.
B- Les institutions financières spécialisées: une histoire mouvementée et une présence de
plus en plus réduite
Derrière le terme générique d’institutions financières spécialisées, on trouvera des
institutions ayant pour vocation la mobilisation de l’épargne, le financement, ou l’appui au
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 127
financement d’un certain nombre de secteurs ou de besoins non couverts par les acteurs bancaires
traditionnels. Ces institutions, qu’elles soient publiques ou privées, peinent à prendre leur essor dans
les pays subsahariens. Ces difficultés sont, le plus souvent, liées à la faible rentabilité émanant des
opérations dans ces secteurs ou auprès de ces clientèles. Leur situation sera abordée à travers leurs
interventions dans deux secteurs prioritaires en Afrique subsaharienne (l’immobilier et le secteur
agricole) mais aussi une analyse de leur positionnement au sein d’une région emblématique,
l’UEMOA. Ces deux analyses se recoupent pour faire des institutions financières spécialisées, les
parents pauvres de la finance au sein de l’arc subsaharien. Leur faiblesse actuelle semble largement
tributaire des aléas de leur histoire qui seront détaillés dans la troisième partie de ce travail.
#1 - Les difficultés des institutions financières spécialisées dans le financement des
besoins du secteur agricole et de l’immobilier
Sur un continent au sein duquel plus de la moitié de la population vit encore en zone rurale30,
il est frappant de constater la faible couverture des besoins du monde rural et du secteur agricole.
Reprenant l’expression « On ne prête qu’aux riches », les banquiers africains semblent préférer les
gros exploitants et ceux opérant des cultures de rente, génératrices de devises. Ce comportement,
en minant les producteurs de cultures vivrières, pénalise les économies subsahariennes dans la quête
de leur autosubsistance. Les comportements des acteurs des systèmes financiers africains
expliquent, en partie, la hausse du coût de la vie dans de nombreux pays subsahariens et les émeutes
de la faim qui s’y sont déroulées au cours du premier trimestre 2008.
La deuxième partie de ce travail a permis de mesurer l’écart existant entre la contribution de
l’agriculture au PIB dans de nombreux pays et les crédits alloués à ce secteur. Trois explications
peuvent expliquer cette divergence.
Premièrement, le secteur agricole n’étant pas intensément capitalistique en Afrique, il
nécessiterait de moindres investissements et financements que les autres pans de l’économie.
Deuxièmement, les acteurs financiers se défient d’un secteur aux évolutions incontrôlées. En
particulier, les fluctuations des cours des matières premières ont souvent plombé les comptes de
différentes filières agricoles avec pour conséquence le non remboursement des crédits de campagne.
Troisièmement, les intermédiaires financiers n’ont pas encore trouvé des canaux de distribution
adaptés du crédit et de mobilisation de l’épargne dans les zones rurales.
En réalité, le déficit de financement du secteur agricole subsaharien semble résulter de la
conjonction des deux derniers facteurs. En effet, dans un contexte de croissance mondiale des prix
des produits agricoles et d’augmentation généralisée de la demande de matières premières
agricoles, les potentialités de l’Afrique en matière agraire devrait inciter les banques à prêter
30
D’après la base de données Banque Mondiale (2006), World Development Indicators.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 128
massivement aux acteurs de la filière. Le premier argument ne tient donc pas car la satisfaction de la
demande mondiale ou intérieure nécessite au contraire la mise en œuvre de filières fortement
capitalistique. Le deuxième argument, celui relatif aux coûts d’intervention et aux risques, est
légitime tout comme celui portant sur l’existence de canaux adéquats de collecte et de distribution
des ressources vers le monde agricole.
Afin d’apporter des solutions à ces contraintes, les gouvernements africains ont très tôt
décidé la création d’organismes spécialisés dans le financement: banques de développement
agricole, fonds de stabilisation ou de péréquation et des organismes coopératifs (caisse agricole).
Malheureusement, nombre de ces institutions, après un essor fulgurant pendant les années 60-70,
ont connu de sérieuses difficultés de gestion qui ont entraîné leur liquidation, déclin ou atonie.
Avec la disparition des caisses de stabilisation et de péréquation des matières premières, les
cultivateurs africains ne disposent plus dans de nombreuses régions de mécanismes pour se
prémunir contre les fluctuations du cours de leurs productions tandis que les grands négociants
internationaux disposent de systèmes élaborés de couverture contre le risque. Il en va de même des
systèmes de collecte de l’épargne et de financement des petites exploitations agricoles.
L’Agricultural Finance Corporation kenyane illustre cette situation. Créée afin de promouvoir
l’accès aux services financiers en faveur du secteur agricole, elle a accumulé un niveau élevé de
créances douteuses. Son actif s’est détérioré et son redressement est compromis par la corruption
et la culture de non-remboursement qui s’est établie vis-à-vis de cette institution (à l’approche des
échéances électorales, les gouvernements successifs ont accordé des annulations de dette aux
paysans afin de renforcer leur base électorale).
Toutefois, il existe quelques exemples de structures de financement du secteur agricole
ayant réussi à tirer leur épingle du jeu. La Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS),
filiale du Crédit Agricole français, est un exemple de réussite. Spécialisée dans le financement rural, la
CNCAS dispose de l’un des réseaux les plus denses du point de vue de la répartition géographique (14
agences réparties dans 9 des 10 régions sénégalaises). Elle peut, par ailleurs, mobiliser des bureaux
saisonniers en région si l’activité agricole le justifie.
Autre secteur dans lequel, les intermédiaires financiers sont peu développés malgré
l’intervention de la puissance publique : les marchés immobiliers. L’accès à un logement décent
constituant la 11ème cible des objectifs du Millénaire (Réussir, d'ici à 2020, à améliorer sensiblement la
vie d'au moins 100 millions d'habitants vivant dans des bidonvilles), la structuration d’institutions à
même de contribuer au développement du marché immobilier dans les pays africains constitue une
autre priorité. Les besoins dans ce domaine sont importants et font face à la faiblesse du marché du
financement immobilier. A l’exception de l’Afrique du Sud où le secteur en charge du financement de
l’immobilier représente entre 18 et 20% du PIB, ce type d’activité est très peu développé dans la
majorité des pays d’Afrique subsaharienne malgré la création dans les années 60-70 d’institutions
pour promouvoir les constructions de logement.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 129
Le Sénégal constitue un excellent exemple de la fortune de ce type d’institutions. Fondée en
1979 par l’Etat, la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS) s’est vue attribuer une mission de service
public : le développement du logement social, grâce à des lignes de crédit et l’assistance technique
de la Banque Mondiale. Son cœur de cible est constitué de personnes modestes dont le revenu
mensuel est inférieur à 225.000 FCFA, ces dernières bénéficiant de prêts à taux d’intérêt bonifié. En
dépit de ces intentions louables, la BHS, pas plus que sa sœur jumelle malienne (BHM) ne sont
parvenues à susciter un développement immobilier massif et sur longue période les crédits à moyen
et long terme représentaient moins de 5% des crédits à l’économie, avec près de 60% constitués de
crédits à l’habitat de la BHS.
Face à l’étroitesse des marchés immobiliers, différentes initiatives essaient de promouvoir
leur essor. L’East African Community31 envisage ainsi de mettre en place un marché d’obligations
hypothécaires garanties par les trois Etats membres afin de financer le développement d’acteurs
spécialisés.
#2 - L’UEMOA : un cas d’école pour analyser le développement actuel des institutions
financières spécialisées
L’UEMOA est un cas d’école pour observer le développement de ces institutions. Pour une
population de près de 80 millions d’habitants, la zone n’accueillait en 2005 que deux établissements
spécialisés dans la vente à crédit, 10 institutions financières intervenant dans les opérations de
crédit-bail et 7 opérateurs dans le capital-investissement ou alors les fonds de garantie.
Le Sénégal illustre encore mieux cette pauvreté institutionnelle. Les actifs sous gestion des
établissements financiers non bancaires y représentent, en effet, moins d’un pourcent du total bilan
du secteur bancaire. Les institutions spécialisées ont perdu une bonne part de leur spécificité voire
de leur monopole car les banques proposent désormais des produits tels que le crédit-bail, le crédit à
la consommation ou à la clientèle. Le secteur mutualiste et les intermédiaires financiers informels
entravent aussi le développement de ce type d’institutions.
Le symbole de ce déclin est la disparition du Crédit Sénégalais (CRESEN) en 2000 et la
liquidation de la société de capital-risque SENINVEST en 2004. Quatre établissements spécialisés dans
le crédit-bail et l’affacturage demeurent toutefois actifs. En reprenant secteur par secteur les
dynamiques, celles-ci apparaissent néanmoins erratiques. La Compagnie Ouest-Africaine de CréditBail (LOCAFRIQUE), filiale du Groupe CBOA (80%) et des Assurances Générales du Sénégal (20%) est
le seul établissement financier spécialisé dans la distribution de crédit-bail et immobilier. La Société
de Crédit et d’Equipement du Sénégal (SOCRES), fondée en 1961 est spécialisée dans le crédit à
31
Organisation créée en 1999 afin de regrouper les pays de l’Afrique de l’Est : Kenya, Ouganda, Tanzanie Burundi et Rwanda
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 130
l’équipement, notamment de la maison (mobilier, TV, Hi-Fi, électroménager). Elle est désormais
concurrencée par l’entrée depuis 2006 de la SAFCA Sénégal qui propose elle aussi du financement
sur biens mobiliers et immobiliers, du crédit-bail et de la location longue durée. Le dernier
établissement financier spécialisé, détenu par des actionnaires sénégalais et sous-régionaux, Sénégal
Factoring (SENFAC), agréé depuis 2005, s’est orienté vers le factoring, la gestion externalisée de
comptes clients et le renseignement commercial.
Au-delà des institutions ayant pour vocation le financement de certains secteurs, d’autres
intermédiaires ont été créés afin de subvenir aux besoins financiers d’une clientèle fragile au sein des
ménages que des entreprises qui seront analysées de manière plus détaillée dans le chapitre 6 relatif
à la faible satisfaction des besoins financiers de ces clientèles.
La Banque Régionale de Solidarité (BRS) a pour ambition de desservir une clientèle exclue du
système bancaire traditionnel, en particulier les femmes et les jeunes diplômés sans emploi. Quant à
la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC), créée en 1999, elle aspire
à mettre en œuvre les projets de développement économique dans les 21 états membres de la
communauté des Etats sahélo-sahariens.
Face aux difficultés rencontrées par les institutions financières non bancaires traditionnelles,
l’essor de la microfinance au cours des dernières années constitue une importante source de
développement financier pour les pays subsahariens mais ne constitue malheureusement pas une
panacée (C).
C- La microfinance : panacée au faible développement financier des pays d’Afrique
subsaharienne ?
La microfinance étant désormais un champ d’étude en soi, l’objet de ce paragraphe n’est pas
d’en faire une présentation mais plutôt d’en souligner l’apport en matière de développement
financier pour les économies d’Afrique subsaharienne.
Au sein d’un espace caractérisé par un des taux de bancarisation les plus bas au monde (11%
des adultes possèdent un compte d’après le FMI, la rapide expansion des réseaux de microfinance
semble apporter une solution à la question des canaux de distribution des produits et services
financiers.
La présence des institutions de microfinance (IMF) renforce certes la complétude
institutionnelle mais peut aussi aller de pair avec la promotion d’une meilleure accessibilité, c’est-àdire la capacité d’un système financier à garantir l’accès aux institutions, produits et services
financiers sans contraintes géographiques (distance), administratives ou de coûts excessifs.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 131
En effet, au-delà des programmes de downscaling visant à démocratiser l’accès aux
opérations bancaires, la micro finance constitue une solution en raison de son fort potentiel de
développement sur le continent. D’après le FMI, 2.5 % de la population des pays d’Afrique
subsaharienne possède un compte au sein d’une institution de micro finance. L’UEMOA et le
Cameroun (Cf. encadré n°4) fournissent d’excellents exemples du potentiel de croissance de ce
secteur en Afrique.
Au sein de l’UEMOA, les institutions de microfinance (IMF) représentaient en juin 2005 près
de 7% des prêts et des crédits accordés au sein de la zone et desservaient près de 13.4% de la
population. Si ces chiffres sont sensiblement peu élevés par rapport à la pénétration bancaire, ils
traduisent la forte progression des IMF. Le graphique 24, souligne, par ailleurs, la capacité des
institutions de microfinance à compléter les réseaux de distribution bancaire grâce à un maillage des
territoires plus fin.
Figure 24: Comparaison des réseaux micro finance et bancaire au sein de l’UEMOA en 2005. Source :
BCEAO (2005b)
Ces institutions semblent, par ailleurs, pratiquer une politique d’octroi du crédit plus
volontariste que les banques sans toutefois connaître une dégradation de leur portefeuille bancaire.
Le taux de créances douteuses des IMF de la sous-région était de 6.1% en juin 2005, un niveau assez
proche de l’objectif de créances douteuses des banques (5%).
Cependant, on peut s’interroger sur la capacité des institutions de microfinance à satisfaire à
elles seules les besoins financiers des acteurs économiques des pays subsahariens. En effet, à moins
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 132
de réduire les économies africaines à une succession de très petites entreprises familiales, les prêts
et volumes d’activité des IMF ne sont pas à même de susciter un décollage économique massif. Ce
dernier passe plus certainement par le financement de filières à même de susciter une croissance
riche en emploi et en valeur ajoutée. A ce titre, le recours aux marchés financiers peut constituer une
alternative pour la mobilisation de volume de fonds élevés. Ce dernier doit toutefois être envisagé en
ayant à l’esprit la nécessaire rationalisation de ces marchés, parfois trop petits et diversifiés à
l’échelle de leur pays.
Encadré n°4.
Le secteur de la micro finance au Cameroun
Le secteur de la micro finance au Cameroun est de loin le plus développé des pays de la zone CEMAC, avec 652 IMF
(institutions de micro finance) recensées, soit 75 % du total de la zone. Touchant environ 200 000 clients (soit 44% du total
de la clientèle de l'ensemble du secteur financier), le secteur de la micro finance fait quasiment jeu égal avec le secteur
bancaire camerounais. Il ne représente par contre que 5% du total de bilan du secteur, 6% de l'épargne collectée et 4,6%
des crédits distribués. Son maillage permet en outre une bien meilleure couverture territoriale que celle des banques et
établissements financiers (287 localités couvertes par les institutions de micro finance contre 15 seulement pour le réseau
bancaire traditionnel), même si les régions du Nord et du centre restent moins bien desservies que Douala, Yaoundé où
l'Ouest.
Source : COBAC (2004)
D - Les bourses en Afrique subsaharienne : une contribution au financement de l’économie
à améliorer par l’intermédiaire de l’intégration régionale
Le phénomène boursier occupe une place marginale dans le financement des économies des
pays africains mais celui-ci pourrait croître au vu des besoins de financement à long terme et à
condition de respecter quelques règles essentielles (Geiss et Mvogo, 2007 et 2008).
En matière de développement financier, la summa divisio entre l’Afrique du Sud et le reste
du continent se vérifie une fois de plus. La capitalisation boursière sud africaine (près de 600 milliards
de dollars américains en 2005) place ce marché dans le peloton de tête des bourses des pays
émergents et souligne le caractère marginal du financement boursier dans les autres pays africains.
Cette faible contribution est perceptible à l’aune du ratio capitalisation boursière/PIB qui fournit une
approximation du financement octroyé par les marchés financiers. A titre indicatif, la capitalisation
boursière des places sud africaines s’élevait à 170,5 % du PIB en 2005 contre 36% à Maurice, 26,1%
au Kenya et 27,2 pourcent au Botswana. Quant à la capitalisation boursière de la Bourse Régionale
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 133
des Valeurs Mobilières d’Abidjan (BRVM), elle ne représentait que 12.3% du PIB des huit pays
constituant la zone UEMOA32.
La faible profondeur des marchés boursiers africains semble liée à leur faible liquidité et aux
opportunités limitées de diversification. En effet, les investisseurs rechignent à se positionner sur des
marchés caractérisés par un risque de décote important lors de la vente des actifs mais aussi sur
lesquels le nombre de valeurs est réduit. Sur la majorité des places boursières africaines, les
investisseurs bénéficient d’une liquidité réduite en raison du volume restreint des échanges et du
nombre limité de titres inscrits à la cote. Le turnover ratio (volume des échanges/capitalisation
boursière) appréhende cette faible liquidité avec des performances sud africaines (44,9%) largement
au-dessus de la liquidité des autres places du continent : 3,2% au Ghana, 4,4% à Maurice ou 2,5% en
Tanzanie.
Au-delà de ces inconvénients, le recours aux marchés financiers présente une série
d’avantages :
(i)
un coût parfois moins élevé que le financement bancaire ;
(ii)
la possibilité de s’affranchir de la réglementation bancaire car les ratios de division
des risques peuvent restreindre les volumes de fonds mobilisables auprès des
banques ;
(iii)
l’absence de risque de change liée à un endettement sur les marchés de capitaux ;
(iv)
l’opportunité d’accéder à des investissements rémunérateurs et sûrs pour les agents
économiques locaux ;
(v)
et des maturités plus longues que les financements bancaires33.
Encadré n°5.
Présentation des opérations de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
Le compartiment action
La forte concentration sectorielle de la capitalisation boursière
Le 3 août 2008, la capitalisation boursière du compartiment actions de la BRVM s’élevait à 4539 milliards de Franc CFA soit
un peu moins de 6,5 milliards d’euros. Elle apparaît faible eu égard aux capitalisations affichées par les principales bourses
émergentes mais ce chiffre masque le dynamisme de cette bourse. La capitalisation a été multipliée par 4 depuis 1988 et
34
par trois depuis 2005 .
Le compartiment action est dominé par deux secteurs : les services publics et l’industrie qui représentaient près de 76,4
pourcent de la capitalisation boursière en 2005. Fin 2007, la SONATEL, l’opérateur téléphonique sénégalais comptait à elle
32
La guerre en Côte d’Ivoire a entravé le développement du marché boursier régional mais celui-ci a bien résisté. Avec le
retour de la paix, de nouvelles introductions alimentent le regain d’intérêt autour de la BRVM.
33
Cf. notamment R. Geiss, J.P Mvogo, L’étonnante performance des bourses africaines, la Tribune du 12 septembre 2007 et
R. Geiss, J.P Mvogo, Investir sur le marché de la dette en Afrique, la Tribune du 14 janvier 2008
34
Cf. le site Internet du prestataire de services d’investissement CGF Bourse, http://www.cgfbourse.com/, page consultée le
3 août 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 134
seule pour 46% de la capitalisation boursière totale. Ce chiffre souligne la faible profondeur de la bourse, la forte exposition
des investisseurs au risque sectoriel et le besoin de diversification du portefeuille boursier. La concentration sectorielle se
double aussi d’une concentration géographique : sur les 39 valeurs inscrites à la cote fin 2007, 35 sont ivoiriennes (CGF
Bourse, 2007 et 2008). Cette situation est intimement liée au poids de l’économie ivoirienne dans le PIB régional mais aussi
une meilleure diversification de cette économie. Le marché des actions se caractérise au final par son étroitesse et son peu
de dynamisme: depuis l’ouverture de la Bourse en 1998, le nombre d’entreprises inscrites à la cote a peu progressé (39
entreprises cotées fin 2007 contre 35 en 1998). Cette situation reflète non seulement le ralentissement économique sousrégionale imputable à la crise ivoirienne mais aussi une certaine défiance des sociétés de la sous région vis-à-vis de la
bourse.
Toutefois, la donne semble se modifier avec l’introduction à la cote depuis le début 2008 de plusieurs valeurs.
Un compartiment action caractérisé par une faible liquidité et contribution au financement de l’économie
La BRVM est la seule bourse africaine francophone présentant une activité réelle mais au palmarès des bourses africaines,
ses performances demeurent relativement modestes. En mesurant la contribution de la BRVM à la financiarisation de
l’économie, on peut noter que la capitalisation boursière ne représente que 12,3 pourcent du PIB sous-régional (Banque,
Mondiale, 2007a). Par ailleurs, les volumes échangés étant faibles, le ratio de rotation de la BRVM (volume de
transaction/capitalisation boursière) n’était que de 1,5% en 2005 et 3,7 % en 2004. La baisse de ce ratio traduit un
fléchissement de la liquidité du marché. Or, celle-ci constitue une dimension importante pour l’investisseur car elle lui
garantit une possibilité de désinvestir sans subir de décote trop importante.
Le compartiment obligataire
Le relatif dynamisme du marché obligataire sous régional…
35
Le compartiment obligataire comptait 21 emprunts cotés début janvier 2007 contre 10 en 1998 . Début août 2008, les
différents emprunts obligataires contribuaient pour 513 milliards de Francs CFA au financement des économies de la sousrégion. La dynamique du nombre d’emprunts obligataires inscrit à la cote a elle aussi été freinée par la crise ivoirienne bien
que la qualité des emprunteurs soit bonne. Il faut ainsi noter qu’en dépit de la crise ivoirienne, les différents emprunts
ivoiriens ont été assurés sans coup férir. Le Trésor ivoirien a ainsi marqué la qualité de sa signature en procédant au rachat
anticipé de sa ligne « TPCI 6,5% 2003-2006 ». L’année 2006 a été marquée par le redémarrage de l’activité avec
l’inscription de quatre nouvelles lignes à la cote (Etats togolais et de Côte d’Ivoire et deux lignes pour le compte de la
BOAD).
Au cours de cet exercice, les transactions ont progressé de plus de 460% en volume et de 430% en valeur des échanges.
Toutefois, de manière structurelle, le marché connaît peu d’échanges. En effet, les transactions représentaient 1,2 milliards
de francs CFA en 2005 et 6,4 milliards de francs en 2006. Par ailleurs, le nombre réduit d’intervenants institutionnels
contraint ceux-ci à conserver leurs titres jusqu’à l’échéance, faute d’opportunité de diversification.
La contribution du marché obligataire au financement de l’économie
La capitalisation du marché obligataire représentait près de 513 milliards de francs CFA au 3 août 2008. La capitalisation
obligataire a été multipliée par près de 5 entre 1999 et 2007 ce qui traduit une montée en régime de ce marché.
35
Cf. pour une présentation détaillée : CREPMF (2006a), Rapport Annuel 2006, Conseil Régional de l'Epargne Publique et des
Marchés Financiers, Abidjan
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 135
En 2005, le montant de ressources effectivement mobilisé au titre des quinze opérations d’emprunts obligataires autorisées
au cours de cet exercice a atteint 219.7 milliards de francs CFA contre 84.7 milliards de francs CFA en 2004. Le volume
d’épargne mobilisé par voie obligataire au cours de l’exercice 2005 peut paraître conséquent mais ne représente que 5% du
crédit accordé à l’économie cette même année par les banques de la zone.
Ce chiffre marque une progression de plus de 150% des ressources levées annuellement sur le marché. La valeur des
emprunts obligataires a régulièrement progressé depuis les premières émissions en 1998. Au cours de cet exercice, 57,2
milliards de francs CFA ont été levés contre 86,7 milliards en 2001 et 117,8 milliards en 2002. Entre 2001 et 2005, le total
des fonds levés par voie obligataire a atteint 602,6 milliards de francs CFA.
Au-delà de la faible contribution au financement de l’économie, le marché obligataire se caractérise par un fort tropisme en
faveur des émetteurs publics. En effet, les ressources obligataires mobilisées en 2005 ont été levées pour près de 16
pourcent en faveur du secteur privé et pour 84 pourcent en faveur du secteur public (Etat, BOAD et entreprises publiques).
Ces émissions publiques ne sont, par ailleurs, réalisées que par quelques Etats : en 2005, les Trésors Publics de Côte d’Ivoire
et du Sénégal totalisaient 85% des ressources levées par les Etats.
Au sein des émetteurs privés, la concentration des émissions obligataires est importante : 45 pourcent du volume des
émissions obligataires a été orienté vers le secteur des télécommunications, contre 36 pourcent pour l’agriculture, 11
pourcent pour l’immobilier et 8 pourcent pour le secteur bancaire.
Ainsi, la maturité moyenne des émissions obligataires lancées depuis 1999 sur la Bourse
Régionale des Valeurs Mobilières d’Abidjan (BRVM), seule bourse réellement active de la Zone Franc,
est de 5 ans, un niveau supérieur à la maturité de la majorité des emprunts bancaires. Le cumul des
fonds levés par voie obligataire et par émissions d’actions sur la BRVM entre 1997 et 2005 s’élève à
246,7 milliards de Francs CFA soit une moyenne de 27 milliards par an. Un tel volume annuel
représente certes le centième des crédits à l’économie, mais 20% des financements à long terme
accordés annuellement par les banques de la sous-région sur la même période.
Malheureusement, l’utilisation des instruments boursiers reste réservée à un petit nombre
de grandes sociétés satisfaisant des critères stricts. Par ailleurs, le compartiment réservé aux sociétés
privées n’affiche pas de dynamique de développement réelle (Graphique 25). Un tel constat peut
être étendu à de nombreuses bourses africaines qui sont de facto souvent considérées comme une
réalité peu adaptée aux besoins des pays africains.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 136
Figure 25: Emissions actions et obligations privées sur la BRVM. Source : CREPMF (2006b)
Toutefois, le succès phénoménal de la bourse de Nairobi constitue une illustration du
potentiel boursier en Afrique pour les investisseurs et les entreprises. La capitalisation boursière du
Nairobi Stock Exchange (NSE) a crû de près de 787% entre 2002 et 2007 sous l’effet de l’ouverture de
capital de la société nationale d’électricité (KenGen) mais aussi d’introductions telles que celles du
fabricant de piles Eveaready, de l’agence de publicité Scanad et de l’opérateur de téléphonie mobile
Safaricom. Près de 126 millions d’euros ont été levés sur ce marché au cours de l’année 2006 et on
estime à près d’un million le nombre de kenyans détenant des titres mobiliers.
Certes, cette forte hausse de la valorisation boursière et l’engouement populaire autour de la
bourse peuvent aussi s’expliquer par la création d’une bulle spéculative, phénomène qui souligne le
besoin d’une intervention par les pouvoirs publics : seule celle-ci est à même de garantir un
atterrissage en douceur de ce marché. Cette présentation des marchés financiers subsahariens clôt
ce panorama sur la complétude des systèmes financiers africains. Leur faible diversité aussi bien en
matière institutionnelle qu’instrumentale se conjugue à leur faible profondeur et capacité de
financement des économies pour alimenter le constat de faible développement des systèmes
financiers subsahariens.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 137
Figure 26: Capitalisation boursière/PIB dans différentes PED en 2005. Source : Banque Mondiale
(2006)
Le financement par les marchés boursiers constitue aujourd’hui une excellente alternative à
explorer pour asseoir la diversification des sources de financement des économies africaines.
Parallèlement, des efforts doivent être réalisés afin d’optimiser des sources apportant aux économies
africaines des flux mais dont les potentialités sont sous-exploitées. L’épargne et les transferts des
migrants appartiennent à cette catégorie.
E - Le cas particulier des transferts des migrants : une opportunité de développement
financier mal exploitée
Les transferts de fonds émanant de la diaspora africaine représentent désormais une source
de financement non négligeable pour les économies africaines ainsi que l’atteste la figure 27. En
2006, les migrants, quelque soit leur lieu de résidence, ont transféré pour près de 21,8 milliards de
dollars vers l’Afrique subsaharienne soit un flux légérément plus élevé que le volume d’IDE accueilli
par la région en 2005 (20,2 milliards). Ces flux contribuent de manière significative au financement
de la plupart des économies.
En considérant le cas français, il faut préciser que les transferts représentent, sur longue
période, 15 à 25% du revenu des migrants. En moyenne, 41% des migrants vivant en France envoient
de l’argent dans leur pays d’origine mais cette proportion peut s’élever à 60% pour les personnes
originaires d’Afrique sub-saharienne. En valeur, les transferts vers le pays d’origine étaient de 7,95
Mds € en 2005 d’après le rapport Milhaud36. Mais ce chiffre souffre de certaines imprécisions.
36
Le rapport Milhaud a été commandé en décembre 2005 à Charles Milhaud, Président du Directoire de la Caisse Nationale
des Caisses d'Épargne par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur afin d’envisager des solutions pour améliorer
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 138
Les tranferts de fonds des migrants : une place importante dans le financement des économies africaines
Comparaison avec les autres flux de financement vers l’Afrique : des flux supérieurs à l’APD
Transfert des migrants vers l’Afrique (IFAD, 2007)
APD (source CAD, 2005)
 Total Afrique : 38,9 milliards de $
 Flux nets d’APD à destination de
l’Afrique Sub-saharienne : 32,6 Mds
 Transferts de fonds moyen reçu par habitant: 83
USD en 2005 (dont 8 milliards
$
d’annulation de dette)
 Somme annuelle transférée par le migrant:
 APD moyenne par habitant :44 $
1,358$
 APD/PIB : 5,5%
 Masse des transferts de fonds/PIB: 4%
 Masse des transferts de fonds/Exportations : 4%
IDE (CNUCED, 2005)
 Transfert de fonds moyen reçu par habitant/PIB
 Afrique, flux entrants d’IDE en $ :
par habitant: 13%
30, 6 milliards
 Afrique subsaharienne, flux entrants
Principaux récipiendaires en 2006 en $ : Maroc (6,1
d’IDE en $ : 20,2 milliards
milliards), Nigeria (5,4 milliards), Algérie (5,164 milliards),
Egypte ( 3,479 milliards), Tunisie ( 1,5 milliards)
Répartition internationale et régionale
l’intégration des migrants. Cf. Ministère français de l’Intérieur (2006), L’intégration économique des migrants et la
valorisation de leur épargne, Rapport réalisé par Charles Milhaud, Septembre 2006, Paris
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 139
Source (IFAD, 2007)
Source (IFAD, 2007)
Figure 27: Comparaison des flux de transferts avec d'autres sources de fonds. Source: Cnuced (2007),
IFAD (2007)
A titre de comparaison, le volume annuel d’APD de la France vers les pays d’Afrique
subsaharienne a été de 3,048 milliards de dollars sur la période 2001-2005. Face aux fluctuations de
l’APD, ces transferts représentent une contribution majeure pour le développement de leurs pays
d’origine mais les systèmes de transferts d’argent grèvent une partie de la générosité des migrants
tout en proposant des solutions qui ne maximisent pas le potentiel des transferts.
#1-Les solutions proposées grèvent la générosité des migrants
Les systèmes de transfert d’argent peuvent être décomposés en trois éléments principaux :
les institutions prestataires du service de transfert, le mécanisme qui permet d’effectuer le transfert
d’un point A à un point B et l’interface client par laquelle l’argent est collecté et/ou décaissé. La
diversité des solutions pour chacun des trois éléments permet une grande variété de combinaisons.
Les flux de transferts empruntent différents canaux, plus ou moins formels, résumés dans le tableau
ci-dessous.
Les études auprès des clients montrent que les critères essentiels d’un bon service de
transfert sont :
(i)
(ii)
(iii)
la sécurité ;
la confidentialité ;
la destination (peut-on envoyer l’argent jusqu’au village d’origine ?)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 140
(iv)
et le coût, qui n’est pas le principal élément discriminant.
Tableau 15: Avantages et limites des différents types de transferts
Les frais prélevés sur les transferts de fonds vers l’Afrique sont plus élevés que ceux observés
sur d’autres géographies (entre 8 à 11% en moyenne pour envoyer 200 $ en Afrique contre 6 à 8% en
Amérique latine et Caraïbes) et obèrent fortement le montant des transferts vers les régions
d’origine, entraînant une déperdition de ressources pouvant être affectées au développement. Ces
différences s’expliquent par le faible développement des systèmes financiers et des infrastructures
de télécommunications dans les pays d’origine mais aussi par les législations régissant les activités de
transfert et qui en restreignent souvent l’exercice. La conjonction de ces facteurs est à l’origine de
structures plus ou moins concurrentielles tout au long des chaînes de transfert de fonds. A titre
d’exemple, Western Union réalise 46% des transferts à destination de l’Afrique sub-saharienne
contre 27% vers l’Algérie et 33% vers le Maroc.
#2- La faible efficience économique des transferts et ses raisons
L’affectation économique des transferts de fonds dans le pays d’origine laisse perplexe quant
à leur impact sur le développement. En effet :



75% des volumes transférés sont destinés à des dépenses de consommation (nourriture,
habillement, frais de scolarité des enfants, transport, santé) ;
15% sont consacrés à l’habitat ;
5% affectés à des investissements collectifs (équipements villageois, communaux). Cette
proportion passe à 12% en Afrique subsaharienne. On estime ainsi que les 400 associations
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 141


originaires du bassin du fleuve Sénégal financent chacune des investissements collectifs à
hauteur de 10 000 € par an en moyenne ;
5% sont consacrés à des investissements économiques individuels ;
L’essentiel des transferts ne fait que transiter dans les institutions financières et ne
contribuent pas à l’approfondissement des systèmes financiers des pays d’Afrique
subsaharienne.
Si l’on peut comprendre l’importance du soutien aux proches, la répartition actuelle des
transferts est à même de créer des comportements susceptibles d’alimenter l’économie de rente, de
susciter des comportements consuméristes, une inflation importée et de favoriser la réduction de la
productivité sans générer un essor de l’activité productive. La faible part des transferts alloués à
l’investissement prive les économies africaines des effets positifs découlant des externalités des
programmes de couverture des besoins sanitaires, productifs et immobiliers (hausse de l’emploi,
création de filières en amont et en aval, amélioration de l’équipement urbain).
En réalité, le migrant ou l’association de migrants porteurs de projet se trouvent confrontés à
deux types de problèmes :
L’absence de solutions de financement adaptées aux besoins d’investissement des migrants
Le coût financier des projets d’investissements collectifs (équipements, mutuels de santé…),
immobiliers ou productifs dans leur pays d’origine dépasse souvent la capacité à lever des fonds par
les migrants. Bien que disposant d’un emploi, les migrants peinent à trouver des crédits en France ou
dans leur pays d’origine pour financer ces projets faute de garanties et d'outils financiers adaptés.
Les migrants doivent alors réaliser progressivement un projet dont la croissance est corrélée
aux levées annuelles de cotisations (cas d’un projet collectif) ou à la succession de transferts (cas
d’un projet individuel immobilier ou productif). On parle alors de « réalisations au comptant en
escalier ». Pour les projets immobiliers, cette contrainte induit une augmentation du coût final de
l’investissement car la détérioration des réalisations non achevées au fil des mois implique des frais
supplémentaires de rénovation ou de consolidation. L’achat de matériaux en petites quantités à
chaque levée entraîne des pertes d’économies d’échelle. Pour les investissements productifs, un tel
fonctionnement peut contraindre l’essor de l’entreprise en l’empêchant de saisir des opportunités
commerciales voire remettre en cause sa pérennité.
Difficultés en matière d’accompagnement technique et de réalisation du projet
Le projet d’investissement du migrant se heurte, par ailleurs, à la difficulté de rentrer en
contact avec une structure d’études et de conseils apte à faciliter le montage et l’accompagnement
du projet. En outre, il est souvent complexe de trouver dans le pays d’origine une personne dans la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 142
famille ou parmi les connaissances, qui allie compétences et confiance pour être le promoteur du
projet. Les lourdeurs administratives, accentuées par la distance, et les problèmes de confiance
envers les intermédiaires locaux constituent aussi des freins importants.
Toutefois, différentes solutions commencent à émerger pour faire face aux obstacles
entravant la mobilisation de l’épargne des migrants. Leur nombre est limité, pour l’instant, car la
majorité des acteurs préfèrent se cantonner à des mécanismes ayant fait leur preuve et à même de
leur garantir la perpétuation d’une excellente rentabilité.
CONCLUSION
Au terme de ce chapitre, la profondeur et la diversité apparaissent comme étant deux des
maillons les plus faibles des systèmes financiers subsahariens mais aussi comme deux contraintes
puissantes limitant la matérialisation d’une croissance plus riche en emplois et source de réduction
de la pauvreté.
L’incapacité des systèmes financiers subsahariens à proposer des gammes d’institutions et
d’instruments pèse lourdement sur le développement de certains secteurs ou activités. Ainsi, la crise
agricole et alimentaire dont pâtit depuis quelques mois l’espace subsaharien est aussi, avant tout,
une crise du financement du secteur agricole. Le nombre relativement réduit d’institutions opérant
dans ce secteur et l’offre limitée de produits et services dédiés au monde rural explique sans doute,
en partie, l’essor des phénomènes migratoires entre zones rurales et urbaines. Cette divergence
entre les besoins exprimés et les solutions proposées par les intermédiaires financiers est aussi à
l’origine des tensions observées dans des secteurs tels que la protection sociale ou le logement.
Quant à la faible diversité des instruments posés, elle limite la capacité des agents non
financiers à bénéficier des vertus microéconomiques associées à l’intermédiation financière. Au
contraire, elle est à l’origine de comportements non optimaux et crisogènes tels que l’utilisation de
financement à court terme pour satisfaire des besoins d’investissement à moyen long terme.
La diversité limitée de systèmes financiers subsahariens largement dominés par le
compartiment bancaire semble aller de pair avec leur faible profondeur. Celle-ci reflète un poids
limité de la sphère financière dans l’ensemble de l’économie mais surtout un réel blocage de
l’intermédiation. A l’origine de celui-ci, on retrouve tout d’abord des niveaux de mobilisations moins
élevés que dans d’autres zones en développement de l’épargne locale et surtout une réelle difficulté
des intermédiaires financiers à transformer celle-ci en emploi à même de satisfaire les besoins des
différentes catégories d’acteurs. La surliquidité qui en résulte affecte la portée de la politique
monétaire et alimente la critique des institutions financières par la vox populi.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 143
Celle-ci est d’autant plus vive que le couple faible profondeur/diversité semble constituer
une réalité ancienne au sein de l’arc subsaharien (Cf. notamment le chapitre 9) tout comme le
niveau d’accessibilité restreinte aux produits et services financiers (chapitre 6).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 144
CHAPITRE 6
L’ACCESSIBILITE LIMITEE AUX SYSTEMES
FINANCIERS : UNE CONTRAINTE PUISSANTE A
L’ESPRIT D’ENTREPRISE
Entreprendre consiste à changer un ordre existant.
Joseph Schumpeter
INTRODUCTION
Au vu des dernières projections démographiques portant sur la croissance de la population
subsaharienne au cours des cinquante premières années du XXIème siècle, on ne peut que
s’interroger sur la capacité des économies de l’arc subsaharien à générer les emplois nécessaires
pour absorber les cohortes de jeunes actifs qui inonderont le marché du travail (Cf. graphique n°28).
Le doute est d’autant plus de rigueur au vu du taux de chômage élevé régnant à l’heure
actuelle dans ces pays et ce malgré le recours massif au secteur informel comme déversoir. La
pression démographique étant déjà intenable avec une population subsaharienne de 769 millions de
personnes en 2005, le pari semble risqué lorsque l’on sait que les économies africaines accueilleront
près de 1,76 milliards de personnes en 2050 (United Nations, 2008).
Figure 28: Evolution de la population subsaharienne entre 2005 et 2050. Source : United Nations
(2008)
Afin de faire face à ces défis, les pays d’Afrique subsaharienne se doivent d’augmenter leur
capacité d’absorption de main d’œuvre mais aussi leur faculté à créer des emplois. Cette volonté
passe par une réforme et une transformation des sphères productives nationales et sous-régionales.
Cette transformation est d’autant plus nécessaire que les économies africaines se
caractérisent bien souvent par une croissance faiblement génératrice d’emplois. L’origine de ce
phénomène est à rechercher dans la structure socio-productive : la croissance économique est
souvent le fruit d’activités extractives ou de cultures de rente qui n’emploient qu’une infime partie
de la population active. Avec la hausse des prix des matières premières, la croissance africaine
devrait être forte au cours des prochaines années mais pauvre en emplois.
La perpétuation d’un tel régime de croissance est crisogène car il ne crée pas les conditions
pour absorber le trop plein de main d’œuvre généré par la croissance démographique. La solution
réside dans la mise en œuvre d’un régime de croissance riche en emploi. Au-delà de mesures
structurelles générales (modernisation des politiques agricoles, politique commerciale plus efficiente,
meilleure redistribution des gains de la croissance, politique de remontées de filières industrielles), la
solution passe par l’amélioration du financement accordé à deux catégories d’acteurs : les ménages
et les PME.
En Afrique subsaharienne, ces deux acteurs sont ceux créant le plus d’emplois, aussi bien
dans le secteur formel qu’informel. Améliorer les conditions de leur financement signifie pour les
ménages une capacité plus forte à développer des activités leur permettant d’accéder à l’autoemploi. Favoriser les conditions d’accès au financement des PME aura pour conséquence une plus
forte propension de ces acteurs à générer des emplois. En réunissant ces deux effets (création
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 146
d’auto-emploi et d’emplois), ceteris paribus, une action sur les conditions de financement des
ménages et des PME devrait participer des mesures tendant à instaurer une croissance plus riche en
emploi dans les économies subsahariennes.
Or, les systèmes financiers de la zone peinent à satisfaire les besoins de ces acteurs en raison
de leur faible accessibilité.
L’accessibilité désigne la capacité des différentes catégories d’agents économiques, quelque
soit leur lieu de résidence, leur niveau de vie, de revenu pour les ménages ou leur taille et secteur
pour les entreprises, à pouvoir accéder à des services financiers de qualité. L’effectivité de cette
notion est souvent jugée à l’aune de la possibilité des populations et entreprises de pouvoir jouir des
produits et services du système bancaire, le principal compartiment du système financier formel.
Quelque soit le pays, l’accessibilité est une notion essentielle car elle est parfois reliée à des
considérations de politique économique et d’équité nationale. Le premier lien se fait à travers la
capacité d’agents économiques bénéficiant de financement adéquats de participer de manière
efficiente à la création de richesses et à la croissance. La deuxième relation est à rapprocher de la
thématique de l’exclusion financière et ses répercussions en matière de paix sociale. Une bonne
accessibilité garantissant, en effet, aux plus pauvres la possibilité de s’extraire de la misère par le
biais d’activités productives (Cf. revue de la littérature, première partie).
A l’aide de données récentes, la section I permettra de qualifier l’accessibilité des ménages
aux services financiers dans les espaces subsahariens. La section suivante (section II) présentera les
difficultés rencontrées par les entrepreneurs pour accéder aux services financiers et les contraintes
pour leur activité.
SECTION I - DIFFERENTS FACTEURS FREINENT L’ACCES DES
MENAGES A DES SERVICES FINANCIERS A MEME DE LES FAIRE
PARTICIPER A UNE CROISSANCE NON PAUPERISANTE
Cette situation est tributaire de différents facteurs : dans la majorité des pays africains, les
ménages bénéficient malheureusement
(i)
d’une faible accessibilité géographique ;
(ii)
font face à des frais financiers très élevés ;
(iii)
et doivent accomplir des formalités parfois très contraignantes pour accéder aux
services bancaires.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 147
§1- LA FAIBLE ACCESSIBILITE GEOGRAPHIQUE DES MENAGES AUX SERVICES FINANCIERS
Dans des systèmes largement dominés par le compartiment bancaire, la capacité du système
financier formel à répondre aux besoins financiers des populations peut être appréhendée à l’aune
des différents indicateurs de bancarisation37. Ces derniers traduisent, de manière certes imparfaite,
la proximité géographique des services financiers pour leurs éventuels utilisateurs. Quelque soit
l’indicateur choisi, celui-ci met en exergue le fossé entre l’Afrique subsaharienne et les autres régions
du monde.
En effet, la majorité de la population n’a pas accès au système financier formel et le compte
bancaire constitue un luxe au sens propre comme au sens figuré dans de nombreux pays d’Afrique
subsaharienne. D’après le Fonds Monétaire International, seuls 11% des adultes au sein de cet
espace possédaient un compte bancaire contre 25% dans les pays à revenu faible et intermédiaire
non africain et 90% de la population dans les pays industrialisés. Cette proportion était encore plus
faible dans les pays africains à faible revenu où seulement 7% de la population adulte avait un
compte bancaire (FMI, 2006).
Cet indicateur traduit les profondes disparités nationales entre pays d’Afrique subsaharienne.
En effet, les taux de bancarisation s’échelonnent de 47% au Botswana, 46 % en Afrique du Sud à 0.8%
en République Centrafricaine et 0.4 % au Tchad. Dans ce domaine, les performances des pays de la
zone Franc sont assez modestes. A titre d’exemple, le Cameroun, un des poids lourds économiques
de cet espace ne compte que 3.7% d’habitants possédant un compte contre 5% au Ghana et 10 % au
Kenya.
Un autre indicateur d’accès, le nombre de guichets pour 100 000 habitants met en évidence
l’écart entre différents pays d’Afrique subsaharienne (à l’exception de l’Afrique du Sud) et les pays
émergents (graphique n°29).
Face à cette faible accessibilité, des systèmes financiers parallèles se sont développés afin de
satisfaire les besoins des populations. En dépit de leur rôle au sein des économies d’Afrique
subsaharienne, peu d’études se sont attachées à mesurer leur contribution au financement de
l’économie. A titre d’exemple, on estime que les tontines géraient près de 140 milliards de Francs
CFA en 1991 au Cameroun.
A côté des activités de financement de l’économie, l’accessibilité aux institutions financières
spécialisées dans la gestion du risque constitue une autre priorité au vu des effets bénéfiques de ces
dernières sur l’activité et le comportement des agents (Cf. lien finance-pauvreté dans la Partie I).
37
Notamment le nombre de comptes bancaires, le nombre de comptes par habitant, le nombre de guichets pour 100 000
habitants, le pourcentage d’habitants possédant un compte bancaire.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 148
Malheureusement, ces dernières affichent une couverture géographique encore plus restreinte que
les institutions bancaires ou de microfinance ainsi que l’atteste le cas kenyan (Cf. encadré n°6)
Figure 29: Nombre de guichets bancaires pour 100 000 habitants en 2005. Source : Beck, DemirgucKunt et Martinez Peria (2005)
La problématique de l’accessibilité géographique aux systèmes financiers en
Afrique subsaharienne est amplifiée par la question du financement en zone rurale (espace qui
recouvre en général la majorité du pays) et une de ses déclinaisons : le financement du secteur
agricole qui emploie encore une large proportion des actifs.
Il existe, en effet, une forte asymétrie entre les zones rurales, largement ignorées des
grandes banques et institutions financières classiques, et les centres urbains dans lesquels sont
concentrés l’essentiel des agences bancaires. Les espaces ruraux sont victimes du démantèlement
des institutions financières spécialisées dans le financement du secteur agricole suite aux plans
d’ajustement structurels et de réhabilitation du secteur financier qui ont vu la fermeture de
nombreuses banques de développement agricole, victimes de leur mauvaise gestion. L’émergence
d’institutions de microfinance ou alors les banques agricoles en activité (cas de la BNDA au Mali) ne
suffisent pas à combler les besoins en termes d’accessibilité géographique.
Ces difficultés font du développement financier en zone rurale un enjeu de politique
économique et sociale. Ce dernier est d’autant plus grand que de nombreux pays subsahariens sont
tributaires des devises générées par la vente des matières premières agricoles. Au-delà de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 149
l’accessibilité géographique aux services financiers, la problématique plus générale, de l’accessibilité
des ménages aux services financiers est avant tout associée aux coûts de ces derniers (§2).
Encadré n°6.
Le développement des produits d’assurance au Kenya
En 2004, le Kenya comptait 40 sociétés d’assurance, 2 société de réassurance, 200 courtiers en assurance et
3000 agents de vente d’assurance. Bien que souffrant de certaines faiblesses structurelles (nombre trop
38
important de compagnies par rapport à la population du pays et mauvaise régulation) le secteur de
l’assurance kenyan est l’un des plus développés en Afrique subsaharienne (le taux de pénétration, Primes
d’assurances/PIB, était de 2,8% en 2005, se situant entre la Chine et le Maroc).
Toutefois, le Kenya peine à améliorer son taux de pénétration au sein de la population, notamment en matière
d’assurance vie malgré une bonne sensibilisation de la population à ce produit. Ces difficultés sont intimement
liées à la problématique de l’accessibilité ainsi que l’atteste le tableau suivant.
Seuls 8% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête sur le secteur utilisaient ou avaient utilisé des
produits d’assurance au moins une fois dans leur vie. Sur la fraction de l’échantillon utilisant des services
d’assurances, 39% des personnes disposaient d’une couverture santé-maladie. Bien que largement supérieurs
aux taux rencontrés dans d’autres pays subsahariens, ces taux de pénétration assez faibles s’expliquent par la
perception qu’ont les usagers des services d’assurance. Pour 69% d’entre eux, ils sont trop chers et près d’un
tiers de la population ne sait comment y accéder. L’image des assureurs est d’autant plus mauvaise que 15%
des sondés jugent les services d’assurance inutiles et les institutions les fournissant comme malhonnêtes (AfD,
2007).
D’après l’Association des assureurs du Kenya, la principale explication de ce phénomène semble se trouver
dans l’inadaptation des méthodes de distribution. Afin de palier à ce problème, des mécanismes de
coopération avec les établissements bancaires sont à l’étude mais requièrent une modification des lois
bancaires et du code des assurances pour permettre la création de mécanismes de bancassurance.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 150
Tableau 16: Utilisation et perception des services d’assurance au Kenya. Source : AfD (2007)
Si la proximité géographique constitue un des freins à l’accessibilité des ménages aux services
financiers, les frais associés à ceux-ci représentent un coût d’opportunité majeur et un élément
expliquant le recours à des solutions non optimales.
§-2 LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS DOIVENT ACCOMPLIR DES EFFORTS EN MATIERE DE
SOUTENABILITE DES FRAIS FINANCIERS
La soutenabilité des frais exigés pour accéder à un service financier, c’est-à-dire la capacité
des ménages à faire face à ce coût compte tenu de leur revenu, constitue une des dimensions les
plus importantes dans toute réflexion sur le développement. Or, celle-ci est particulièrement critique
dans de nombreux pays africains. L’analyse de la soutenabilité a franchi un grand pas depuis 2005
avec la publication d’études réalisées au sein de la Banque Mondiale (Beck et al., 2006) ou menées
dans différents pays d’Afrique australe par des organismes tels que Finscope39 et Genesis (2005).
Genesis (2005) affirme qu’il est insoutenable de demander à des ménages pauvres de
dépenser plus de 2 pourcent de leur revenu en charges bancaires. Or, les frais bancaires dans les
pays en voie de développement vont parfois bien au-delà de cette limite et représentent parfois le
revenu sur plusieurs années d’un ménage.
A titre d’exemple, l’ouverture d’un compte chèque au Cameroun requiert un dépôt minimum
à l’ouverture de 700 USD, une somme supérieure au PIB annuel par tête dans ce pays (662 USD en
2004). Bien que les conditions financières pour ouvrir un compte soient moins contraignantes dans
39
Cf. le site de Finscope, http://www.finscope.co.za/index.asp, page consultée le 13 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 151
d’autres pays africains, le Cameroun est loin de constituer une exception, ainsi que l’attestent les
graphiques 30 et 31. En matière de transferts de fonds, les frais et les pièces documentaires exigées
affectent aussi l’accès des utilisateurs.
Figure 30: Montant minimal pour ouvrir un compte à vue en pour cent du PIB/tête. Source : Beck T.,
A. Demirguc-Kunt et M.S. Martinez Peria (2006)
Figure 31: Coût d’un transfert international d’argent. Source : Beck T., A. Demirguc-Kunt et M.S.
Martinez Peria (2006)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 152
Figure 32: Frais de gestion d’un compte à vue. Source : Beck T., A. Demirguc-Kunt et M.S. Martinez
Peria (2006)
§3- DES FORMALITES PARFOIS CONTRAIGNANTES
Les formalités, barrières documentaires ou les procédures auxquelles les ménages et les
entreprises doivent faire face pour accéder au crédit peuvent constituer de puissants obstacles pour
accéder aux services financiers. Dans de nombreux pays africains, peu de personnes disposent d’une
adresse postale. En l’absence de plans d’aménagement urbain, il est difficile de se fier aux numéros
des artères de circulation.
En matière d’accès au dépôt ou au crédit, la nécessité de disposer d’un emploi dans le
secteur formel et de pouvoir justifier de celui-ci à travers des fiches de paie ou alors des certificats de
travail est une condition discriminante pour la majorité de la population dans la mesure où l’essentiel
des actifs travaillent dans le secteur informel. Une grande partie de la population se trouve, par
conséquent, limitée dans son accès aux services bancaires de base, notamment le compte à vue.
Les règles anti blanchiment constituent une autre source de durcissement des conditions
d’accès aux banques. On estime ainsi que près de 35% des adultes en Namibie et 30% en Afrique du
Sud ne sont pas à même de fournir des justificatifs répondant aux normes anti blanchiment. Il s’agit
pourtant de deux des économies du continent disposant d’un des niveaux de développement
financier les plus élevés.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 153
Ces formalités apparaissent nécessaires afin de trier le bon grain de l’ivraie dans des pays
caractérisés par de nombreuses asymétries d’information. Toutefois, le succès des programmes de
micro finance démontre la capacité d’acteurs financiers à promouvoir l’accès aux services financiers
sans formalités excessives. L’assouplissement des conditions d’accès aux services financiers apparait
être une des priorités majeures pour faciliter la création et le développement d’activités productives
par les ménages subsahariens.
Cette problématique est partagée par les PME qui, dans des environnements caractérisés par
un affaiblissement de l’Etat, se trouvent parfois dans l’incapacité de produire les différents éléments
de la liasse documentaire nécessaire à l’ouverture d’un compte bancaire. Au-delà de cet aspect bien
particulier, un faisceau de facteurs pénalise fortement l’accès des entreprises aux services financiers,
et ce faisant, contraint leur développement et ralentit la croissance économique (Section II).
SECTION II – DES PME AU DEVELOPPEMENT FINANCIEREMENT
CONTRAINT
Depuis le début des années 80, les PME de nombreux pays d’Afrique subsaharienne
présentent le financement comme une des contraintes majeures à leur développement. Relayées par
les organisations professionnelles ou la presse, ces plaintes n’avaient pas (ou peu) été étayées par
des études quantitatives portant sur un ensemble conséquent de pays. Depuis quelques années, la
publication de certaines statistiques (marge d’intermédiation, taux d’intérêt, Crédit à l’économie/PIB,
pourcentage d’entreprises citant le facteur financier comme une contrainte majeure) par différentes
organisations internationales (Banque Mondiale et FMI en particulier) permet de mieux apprécier
l’ampleur de l’obstacle financier. Celui-ci apparait au rang des contraintes majeures rencontrées par
les entreprises dans leur développement (§1) mais avec une acuité plus ou moins forte en fonction
de la taille, du secteur, de la nationalité de l’entreprise (§2).
§1 - LE FACTEUR FINANCIER : UNE DES CONTRAINTES LES PLUS FORTES PESANT SUR LE
DEVELOPPEMENT DES ENTREPRISES DANS L’ESPACE SUBSAHARIEN
A- L’accès au financement comme contrainte majeure pour le développement des
entreprises africaines
A l’instar des ménages et en l’absence d’indicateurs quantitatifs, la compréhension de la
problématique financière spécifique aux entreprises de l’arc saharien a longtemps souffert d’un
manque d’indicateurs précis. A travers différents programmes (Investment Climate Assessment,
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 154
Enterprise Surveys et Doing Business), la Banque Mondiale est à l’origine d’un bond qualitatif et
quantitatif dans la compréhension des goulots d’étranglements affectant l’essor du secteur privé en
Afrique (Banque Mondiale, 2007b, 2007c, 2008).
Chaque année, la Banque Mondiale réalise dans le cadre de ces programmes des enquêtes
auprès des chefs d’entreprises de ses pays membres afin d’y évaluer l’environnement des affaires40.
Ces derniers sont interrogés, entre autres, sur les différents obstacles affectant le développement de
leurs entreprises. Les enquêtes permettent d’obtenir pour chaque pays, un classement des
contraintes les plus fortes affectant le développement des entreprises et la part de chaque
contrainte dans l’ensemble des facteurs limitant l’essor des entreprises.
Cette dernière information est reprise dans le graphique n°33. Ce dernier souligne une réalité
fortement relayée par la vox populi : la prégnance de la contrainte financière sur le développement
des entreprises en ASS. En effet, la contrainte financière y apparaît en 2006 comme le deuxième
obstacle le plus important pour les entreprises : elle représente 11,99% de la contrainte totale,
derrière la question électrique (47,45%). Et ce devant des contraintes telles que le taux d’imposition
(9,05%), la criminalité et la stabilité économique (4,98%) et la corruption (3,42%) que l’on aurait pu
penser plus fortes. Au-delà de leur apport statistique, ces données semblent traduire une plus forte
capacité des entreprises à traiter et intégrer ces contraintes par rapport à la problématique
financière.
Comparé à d’autres zones géographiques, l’obstacle financier occupe une part plus forte
dans la contrainte totale ressentie par les entreprises en ASS (11,99 en Afrique subsaharienne,
10,52% en moyenne dans le monde et 9,73% en Amérique Latine et dans les Caraïbes). Dans de
nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’accès au financement constitue soit la première (Malawi,
Burkina-Faso, Ethiopie, Mauritanie) ou deuxième plus forte contrainte (Tanzanie, RDC, Cameroun,
Ethiopie, Mauritanie) au développement des entreprises.
40
Bien que présentant des limites associées à la subjectivité des réponses et à la composition de l’échantillon, les enquêtes
Enterprise Surveys, Investment Climate Assessment et Doing Business permettent d’obtenir la vision des chefs d’entreprise
sur les contraintes affectant le plus fortement le développement de leur entreprise. Elles permettent de dépasser un écueil
fréquent des analyses des besoins de financement des entreprises qui privilégient un traitement de la question du point de
vue de l’offre (analyses des encours de crédits bancaires aux entreprises et des ratios de crédit au secteur privé/PIB). Toutes
les analyses de ce paragraphe sur les conditions d’accès aux services financiers des entrepreneurs reposent sur les données
issues de ces enquêtes.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 155
Pays
Auto
financement
Financement Financement Crédit
Créditbancaire
informel
fournisseur bail
Financement Cartes
Finance Autres
public et
de crédit ment par
spécialisé
actions
Benin
77,1
13,7
2,7
2,1
0,2
2,8
0
0,8
0,6
Burkina Faso
72,9
16,7
3,2
1,3
0
4,4
0
0
1,5
Cameroun
67,9
12,4
6,3
3,3
0
1,2
0
4
4,9
Mali
84,7
11,7
1,8
0,3
0
1,5
0
0
0
87
9,7
0,1
0,1
0
1,9
0
0
1,2
Sénégal
70,5
18,4
3,8
2
1,1
1
0
0
3,1
Kenya
52,7
32,4
1,5
4
0,2
0,4
0,8
0,4
7,7
Ouganda
71,4
13,5
3,5
0,5
2,4
2,2
0
2
4,5
Afrique du Sud
Moyenne
(Echantillon
mondial)
58,5
16,5
1,1
0,6
15,6
0,7
0
0,1
6,9
65,2
14,9
4,9
3,2
2,9
1,1
0,3
3,7
3,3
Niger
Tableau 17: Sources de financement de l’investissement des entreprises. Source : Banque Mondiale,
Enterprise Surveys report (2007), Washington D.C
Cette situation a des conséquences non négligeables sur le mode de financement des
entreprises avec notamment un recours plus élevé à l’autofinancement. L’auto financement
constitue traditionnellement la première source de financement des entreprises mais la littérature
souligne que les secteurs dont la croissance est organiquement tributaire de financements externes
obtiennent de meilleures performances lorsqu’ils peuvent plus facilement accéder aux ressources
apportées par les intermédiaires financiers externes.
Or, au sein de l’échantillon de pays observés dans le cadre de l’enquête Enterprise Surveys
Report 2007, la moyenne des pays subsahariens retenus (71,4% des fonds mobilisés proviennent de
l’auto financement, tableau n°17) est largement inférieure à la moyenne mondiale. L’auto
financement atteint des pics au Niger et au Mali (87% et 85%) tandis que le financement bancaire
oscille dans les Pays Africains de la Zone Franc analysés entre 9,66% (Niger) et 18,44% (Sénégal).
Le Kenya et l’Afrique du Sud se démarquent avec pour le premier des niveaux élevés de
financement bancaire (32,4% des sources de financement total) et pour le deuxième une répartition
égale entre le crédit bail (15,6% de l’ensemble des sources de financement) et le financement
bancaire (16,5%).
Toutefois, une limite importante de la méthodologie d’enquête est liée à la technique de
sélection des entreprises : un tirage au sort dans les registres officiels du commerce et des sociétés.
Par conséquent, ces enquêtes apportent une contribution relative à la connaissance des
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 156
problématiques de financement des entreprises du secteur informel au niveau international.41 La
part du financement informel ressort toutefois de façon assez nette pour les entreprises
camerounaises (6,2%), confirmant la vigueur persistante des systèmes d’épargne informelle dans ce
pays.
En reprenant la méthodologie proposée par Beck, Demirguc-Kunt et Martinez Peria (2006)
pour analyser les barrières freinant l’accès aux services financiers, les prochains développements
seront consacrés à la compréhension de la faible accessibilité des PME aux services financiers. Les
PME souffrent, elles aussi, certes dans une moindre mesure d’une accessibilité géographique limitée.
Dans des environnements où les standards juridiques, comptables et fiscaux sont encore à
développer, les documents requis par les institutions financières pour accéder à leurs services
constituent une entrave supplémentaire. Toutefois, et même si elles sont parfois prêtes à accepter
des coûts élevés pour accéder aux services financiers, ceux-ci représentent une lourde charge,
susceptible d’obérer la compétitivité internationale des secteurs exportateurs.
B- Marge d’intérêts, commissions et garanties : autant d’éléments réduisant la portée de
l’intermédiation
Il est possible d’appréhender le coût du financement à travers l’étude des taux créditeurs
pratiqués par les banques. L’analyse de la marge d’intérêt est néanmoins plus parlante car elle
traduit véritablement le coût supplémentaire imposé au financement de l’économie et des PME. A
titre d’exemple, les différentiels moyens observés entre taux créditeurs et emprunteurs sur la
période 2000-2004 au sein de la zone CEMAC s’élèvent à près de 14,3%.
Au-delà des frais, taux et diverses commissions, les conditions posées par les banques pour
accéder aux prêts et autres services financiers, notamment à travers les demandes d’apport de
garanties réelles ou financières, sont de nature à décourager les entrepreneurs indépendamment de
la qualité de leurs projets. Au Bénin, au Burkina Faso et au Cameroun, les banques exigent une
garantie avant d’accorder un prêt dans plus de 90% des cas. Ce n’est pas tant le principe de la
demande de garantie qui fait problème que la nature et le niveau élevé de la garantie demandée : en
valeur, elle représente dans tous les cas analysés un montant supérieur au prêt sollicité (Tableau 18).
Par ailleurs, face aux difficultés rencontrées dans la mobilisation des garanties réelles, les
établissements financiers exigent de plus en plus souvent des nantissements de titres (actions,
obligations, certificats de dépôts), des cautions bancaires dont le montant peut parfois égaler le
crédit consenti. De manière paradoxale, des ressources monétaires sont immobilisées pour obtenir
des fonds productifs.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 157
Pays
Pourcentage des prêts nécessitant Valeur de la garantie pour obtenir un prêt (% du
une garantie
montant des prêts)
Bénin
90.57
118.68
Burkina Faso
90.24
124.28
Cameroun
90.16
130.98
Kenya
86.14
172.45
Mali
..
117.53
Niger
83.05
102.89
Sénégal
..
108.03
Afrique du Sud
61.11
123.82
Ouganda
93.22
112.94
Tableau 18: Analyse des garanties exigées pour l’octroi de prêts. Source : Banque Mondiale,
Enterprise Surveys Report (2007b), Washington D.C
Cette prudence des banques s’explique par la difficulté d’utiliser le foncier comme garantie
en raison des lacunes du système hypothécaire dans un espace caractérisé par des niveaux de
pauvreté élevés, une forte insécurité juridique et la prédominance des relations informelles entre
agents économiques. Plus généralement, la prudence des banques comme des autres institutions
financières s’explique par le haut degré d’incertitude qui entoure l’activité des entreprises et leur
pérennité. La prise en compte du risque microéconomique supporté par les agents et de ses
conséquences dans un environnement macroéconomique également très risqué apparaît
déterminante pour comprendre les logiques des acteurs42. Ainsi, s’explique la difficulté de la plupart
des entreprises à accéder aux crédits bancaires et le faible niveau de bancarisation des entreprises.
L’émergence de nouveaux acteurs (institutions de microfinance notamment) modifie la
donne du financement dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Dans le cadre de
programmes d’upscaling (montée en gamme du montant des prêts) qui bénéficient souvent de
l’appui des bailleurs, les institutions de micro finance proposent de plus en plus de financements non
seulement aux TPE mais aussi aux PME locales. Toutefois, cette forme de financement reste
marginale, aussi bien à l’échelle macroéconomique que dans les bilans agrégés des entreprises. Il
faut aussi noter les progrès sensibles accomplis en Afrique du Sud en matière de financement des
entreprises grâce à l’adoption de la Financial Charter43. Cette dernière impose aux institutions
42
Financial
Sector
Charter
Council
(2008),
Financial
Sector
Charter
Scorecard,
Marshalltown,
Charter
Scorecard,
Marshalltown,
http://www.fscharter.co.za/page.php?p_id=1, page consultée le 13 juin 2008
43
Financial
Sector
Charter
Council
(2008),
Financial
Sector
http://www.fscharter.co.za/page.php?p_id=1, page consultée le 13 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 158
financières, entre autres mesures, une obligation de services aux PME, notamment celles contrôlées
par la majorité noire.
Parmi les produits de dette offerts aux entreprises, le crédit à long terme reste rare (3% des
crédits au sein de l’UEMOA et de la CEMAC en 2005), sachant que le qualificatif de « long terme »
s’applique, suivant la règlementation de la Zone Franc, à tous les crédits ayant une maturité
supérieure à 3 ans. Le volume limité des crédits à long terme et la difficulté d’y accéder peuvent
pousser les entreprises à utiliser des montages potentiellement plus risqués (endettement en devises
ou alors financement d’investissement à long terme par accumulation de prêts à court terme).
Le crédit commercial est très peu utilisé (Tableau 17). Quant au crédit-bail, il ne l’est pour
ainsi dire pas du tout, malgré les avantages qu’il offre : facilité de saisie pour les créanciers et source
de fonds stables pour les emprunteurs. A titre d’exemple, le crédit bail ne représentait que 8
milliards de FCFA en 2004 au sein de la CEMAC dont près de 7 milliards d’encours pour le seul
Cameroun (COBAC, 2004).
Au-delà de ce sentiment homogène formulé par les chefs d’entreprises, l’accès et le coût du
financement sont perçus différemment selon la taille, le secteur, la nature extravertie et l’origine des
capitaux de l’entreprise.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 159
Figure 33: Part de chaque contrainte dans la contrainte globale des entreprises. Source : Banque Mondiale (2007b)
§2-UNE ACUITE DE LA CONTRAINTE FINANCIERE DIFFERENTE SELON LA TAILLE, LE SECTEUR ET LA
NATIONALITE DE L’ENTREPRISE
L’analyse des données fournies par les études Enterprise Surveys permet d’établir, entre
autres variables discriminantes, un distinguo dans la perception de la contrainte financière selon le
secteur (A), la taille et la nationalité (C).
A-Opposition entre les secteurs des services et l’industrie mais aussi entre entreprises
exportatrices et non exportatrices
Le graphique n°34 illustre ces différences de perception selon le secteur productif. Les
entreprises évoluant dans le secteur des services semblent rencontrer plus de difficultés à accéder
aux services financiers que leurs homologues de l’industrie.
Figure 34: Pourcentage d’entreprises faisant de l’accès ou du coût du financement une contrainte
majeure dans différents secteurs. Source : Banque Mondiale (2008)
Figure 35: Pourcentage d’entreprises ayant une ligne de crédit en fonction de leur degré
d’extraversion. Source : Banque Mondiale (2008)
Le graphique n°35 matérialise une autre contrainte, beaucoup plus néfaste pour les
économies des pays africains : la contrainte d’accès au financement des entreprises produisant pour
satisfaire la demande intérieure est plus forte. En effet, dans de nombreux pays subsahariens, les
entreprises exportatrices éprouvent une contrainte d’accès et des coûts de financement moindre
que les entreprises produisant pour le marché domestique.
Ces données traduisent aussi une autre réalité du financement des économies africaines : les
banques prêtent plus volontiers aux grandes entreprises exportant des matières premières ou des
produits semi-finis et dont les revenus sont libellés en devises. A contrario, les entreprises de
transformation ou alors de fabrication de produits manufacturés sont pénalisées. Contraintes dans
leur croissance, elles peinent à atteindre des niveaux de production leur permettant de réaliser des
économies d’échelles importantes. Face aux exportateurs chinois, européens ou américains, une telle
situation ne peut que pénaliser la croissance de ces PME et en fait souvent des proies aisées de la
globalisation.
B- L’effet taille et nationalité en matière d’accès au financement
Ce constat est d’autant plus alarmant que les principaux parents pauvres de cette crise du
financement sont les très petites et petites entreprises. En Afrique subsaharienne, et malgré
l’absence de données précises, ces dernières emploient pourtant l’essentiel des actifs. Les difficultés
de financement auxquelles elles sont soumises pénalisent à plus d’un titre l’objectif d’une croissance
riche en emplois. Au demeurant, on peut s’interroger sur la pertinence des différents programmes de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 162
réalisation des Objectifs du Millénaire tant que la question du financement en faveur de
l’investissement productif n’aura pas reçu de réponse.
Figure 36: Pourcentage de firmes identifiant le coût ou l’accès au financement comme une contrainte
majeure en fonction de leur taille. Source : Banque Mondiale (2007b)
Figure 37: Pourcentage d’entreprises ayant recours à différents instruments ou services financiers en
fonction de leur taille. Source : Banque Mondiale (2007b)
Ainsi, seules 12,99% des petites entreprises détiennent une ligne de crédit contre 36,56% des
moyennes entreprises et 61,34% pour les grandes entreprises. La problématique est encore plus
exacerbée en matière de financement de l’investissement ainsi que l’atteste le graphique n°37. Au
final, les petites et moyennes entreprises pénalisées aussi bien dans leur volonté de disposer
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 163
d’instruments d’épargne et de crédit expriment une contrainte financière plus forte (68,77% et
67,95% respectivement) contre seulement 42,14% pour des grandes entreprises.
L’accès aux services financiers semble, par ailleurs, fortement lié à un effet de nationalité.
Ainsi, au Mali, 50% des entreprises locales interrogées déclarent bénéficier des services du secteur
bancaire contre près de 75% des entreprises contrôlées par des capitaux étrangers. Cet écart est
encore plus important au Bénin où seulement 19.2% des entreprises locales ont accès à des services
bancaires contre 60% des entreprises étrangères. La nationalité du chef d’entreprise joue, par
ailleurs, un rôle non négligeable dans les réponses apportées aux demandes de crédit. Au Mali,
42.7% des demandes de crédits effectuées par des entreprises dirigées par des entrepreneurs
d’origine africaine ont obtenu une réponse positive contre 80% dans le cas d’entreprises détenues
par des européens.
CONCLUSION
Au final, comme dans beaucoup de pays développés et en développement, il vaut mieux être
une grande entreprise, extravertie et détenue par des capitaux étrangers qu’une PME à capitaux
nationaux et produisant pour satisfaire la demande locale. Dans le cas particulier des pays de l’arc
subsaharien, cette asymétrie n’est pas rassurante quant aux perspectives de développement des
PME qui sont généralement de grandes pourvoyeuses d’emplois. Elle pose également la question de
l’appropriation économique du développement, qui pourrait être grandement améliorée à travers
des politiques ciblées d’accès aux services financiers de base pour les entrepreneurs locaux.
Pour les ménages, les difficultés d’accéder à des services financiers constituent une forte
contrainte au développement d’activités productrices rémunératrices susceptibles de contribuer à la
réduction de la pauvreté. Les difficultés à accéder à une gamme élargie d’instruments affectent, par
ailleurs, les processus de gestion et de diversification des risques.
Ces différents facteurs s’alimentent et se renforcent et favorisent la perpétuation d’un piège
à pauvreté lié au facteur financier. Le faible degré de concurrence auquel doivent faire face les
acteurs financiers subsahariens constitue une des pistes à explorer pour expliquer cette situation
(chapitre 7).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 164
CHAPITRE 7
LE FAIBLE NIVEAU DE CONCURRENCE : UNE
EXPLICATION A L’EXCELLENTE RENTABILITE
ET A L’EFFICACITE RELATIVE DES
INTERMEDIAIRES FINANCIERS ?
Les banquiers n'ont guère l'habitude d'apporter des oranges à leurs concurrents en difficulté.
Ils préfèrent sortir leur dague.
Marc Viénot, Extrait du journal Le nouvel économiste
C'est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports
entre elles.
Montesquieu, Extrait de De l'esprit des lois
INTRODUCTION
De manière générale et à quelques exceptions près (Afrique du Sud, en particulier), les
systèmes financiers d’Afrique subsaharienne semblent caractérisés par une situation de sousdéveloppement financier généralisé et une incapacité de répondre à leur raison d’être : le
financement de l’économie.
Cette situation qui perdure depuis deux décennies n’empêche toutefois pas les
intermédiaires financiers (et plus particulièrement bancaires) évoluant au sein de ces systèmes
d’afficher des taux de rentabilité à faire pâlir un gestionnaire de hedge funds. Bien que ces niveaux
de rentabilité doivent être nuancés par zone géographique, taille d’établissement ou secteur
d’activité, la tendance générale est à l’amélioration après une décennie de résultats en demi-teinte,
legs de la crise financière du milieu des années 80. Ces perspectives de rentabilité expliquent l’intérêt
grandissant d’acteurs internationaux de la finance pour les intermédiaires financiers
internationaux44.
Malheureusement, l’augmentation de la rentabilité des établissements financiers
subsahariens n’est pas forcément allée de pair avec celui de leur efficacité et l’essentiel de cette
progression semble s’expliquer par le maintien de marges d’intermédiation élevées sur les
opérations avec la clientèle (Section I).
Dans un contexte caractérisé par la volonté de créer des systèmes financiers plus inclusifs et
à même de favoriser l’essor d’une classe entrepreneuriale dynamique, le couple forte
rentabilité/faible efficacité interpelle. Au-delà, de facteurs structurels (coûts des différents facteurs
de la fonction de production bancaire, niveau de risque micro et macroéconomique élevé45),
différentes études pointent le faible niveau de concurrence au sein des sphères financières
subsahariennes comme une des explications de cette situation (Section II).
En mettant en exergue le faible niveau de concurrence, ces travaux soulignent aussi une
orientation plus ou moins volontaire de la fonction d’objectifs du système financier en faveur de
l’amélioration de la rentabilité/stabilité des intermédiaires financiers au détriment de leur efficacité.
Cette orientation résulte d’une analyse de la concurrence au sein du système financier comme un
processus déstabilisateur et non pas créateur de valeur et d’innovation. La section III présentera les
éléments de cet arbitrage qui s’est fait au détriment d’un des prérequis de toute politique de
libéralisation financière : l’existence de marchés concurrentiels.
SECTION I – LE PARADOXE DES
SUBSAHARIENNES :
FORTES
INSTITUTIONS FINANCIERES
RENTABILITES
MAIS
FAIBLE
EFFICACITE.
Les banques d’Afrique subsaharienne affichent des niveaux de rentabilité souvent
exceptionnels. Pendant longtemps, ce constat n’a été établi qu’à l’aune des comptes annuels des
44
Ce dernier se traduit non seulement par le succès des emprunts obligataires lancés par différentes banques nigérianes sur
le marché londonien, la cotation d’ADR sur ce même marché mais aussi par des prises de participation par des
intermédiaires financiers étrangers dans des banques subsahariennes.
45
Dans des environnements au sein desquels les infrastructures sont profondément dégradées, la contrainte énergétique, le
coût des investissements nécessaires en matière de technologie de l’information constituent deux postes.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 166
grands groupes internationaux implantés en Afrique. De toutes les entités géographiques, leurs
filiales implantées sur le continent affichaient la rentabilité la plus forte46.
Toutefois, plusieurs facteurs incitaient à la prudence. En premier lieu, il fallait prendre en
compte la summa divisio existant entre les filiales des grands groupes internationaux et les petites
banques créées par des investisseurs locaux. Les premières bénéficiaient souvent des meilleures
technologies et processus de gestion tandis que les autres, généralement plus petites et plus
exposées aux risques, connaissaient des difficultés de gestion. Cette réserve a été renforcée par les
crises financières des années 80-90 qui ont plombé les bilans et comptes de résultat des banques de
l’espace subsaharien.
Par ailleurs, toute une série de facteurs structurels semblaient contribuer à une sur
rentabilité (artificielle) des établissements bancaires d’Afrique subsaharienne (Cf. Encadré n°7).
Aujourd’hui, différents travaux nous poussent à apprécier l’excellente rentabilité des établissements
financiers subsahariens au regard des standards internationaux (§1). Toutefois, celle-ci doit être
appréciée au cas par cas en raison de facteurs discriminants (taille, nationalité, type d’activité,
notamment). La prudence est d’autant plus de mise que la quête de l’efficience ne semble pas
toujours expliquer ces niveaux de rentabilité (§2).
§1-LA PROFITABILITE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS SUBSAHARIENS : MYTHE, REALITE OU
NORMALITE ?
A-Une profitabilité souvent supérieure aux standards internationaux
Dans le cadre de cet exercice d’appréciation de la rentabilité des institutions financières en
Afrique, trois études méritent une attention toute particulière : celle publiée par Micco, Panizza, et
Yañe (2006), les développements sur le sujet du rapport Making Finance Work For Africa et le
classement annuel des 100 premières banques africaines publié par la revue African Business (African
Business, 2007). Ces différentes études sont toutes concentrées sur le secteur bancaire en raison de
sa prédominance au sein des systèmes financiers. Les résultats proposés par chacune d’entre elles
diffèrent parfois en raison d’échantillon et de méthodes de calculs non homogènes mais convergent
vers une réalité : l’excellente rentabilité des secteurs bancaires d’ASS.
D’après le rapport de la Banque Mondiale Making Finance Work for Africa (Banque Mondiale,
2007), sur la période 2000-2004e, le ROE moyen des banques africaines était de 20.1% contre 8.5%
pour la moyenne mondiale soit un écart de près de 12,5 points. Les calculs établis par nos soins sur la
46
Définie à l’aune d’indicateurs traditionnels de rentabilité tels que le ROE, ROA, taux de marge d’intermédiation (marge
d’intermédiation/PNB)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 167
base du classement de la revue African Business (African Business, 2007) vont dans le même sens et
attestent de l’exceptionnelle rentabilité des 75 plus grandes banques africaines. Le taux de
rentabilité moyen au sein de cet échantillon était de 29% sur la période 2005-2006 (Cf. tableau n°19).
Pays
Capital (m$)
Total
Actifs (m$)
CAR(%)
Profits(m$)
ROE(%)
ROA(%)
33499
470800
447
6277
13
144
29
3
Max
6516
139023
41,6
2634
82,3
22,4
Min
29
204
3,9
2
3,3
0,8
Médiane
85
895
10,3
26,5
26,3
2,505
1110,8
20425,0
8,0
414,3
16,2
3,0
Moyenne
Ecart-type
10382
Tableau 19: Analyse statistique portant sur le capital, les actifs, le Capital Adequacy Ratio, les
bénéfices, le ROE et le ROA des 75 premières banques d’Afrique subsaharienne. Source : African
Business (2007), calculs de l’auteur
Une étude réalisée par le Secrétariat de la Commission bancaire de la Banque de France
(Dauchy et Gouteroux, 2006) apporte un benchmark plus qu’intéressant aux performances des
banques africaines. Elle mesure le coefficient de rentabilité des principaux groupes bancaires de
différents pays de l’OCDE (Suisse, Benelux, Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne, France, Japon,
Allemagne, Italie) en 2004 et 2005. Le taux de rentabilité moyen des principaux groupes bancaires
dans cet échantillon de pays était de 11,5% en 2004 et de 15% en 2005. A titre de comparaison, les
cinq plus grandes banques sud africaines affichent toutes une rentabilité supérieure à 23% avec des
pics pour FirstRand Banking Group (52%) et Standard Bank (40,4%)47.
Pays
2004
2005
Suisse
17,7
20,7
Benelux
17,1
17,4
Etats-Unis
11,9
15,5
Royaume-Uni
15,8
15,3
Espagne
11,7
15,3
France
11,4
13,9
Japon
4,1
13,6
Allemagne
2,5
12
Italie
11,4
11,4
Moyenne
11,5
15,0
Tableau 20: Coefficient de rentabilité des principaux groupes bancaires. Source : Dauchy, C. et
Gouteroux, C. (2006),
47
Cf. tableau retraçant les performances des 75 premières banques africaines.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 168
Les calculs effectués par Micco, Panizza, Yañe (2006) révèlent des écarts encore plus grands
entre l’Afrique subsaharienne et d’autres régions en développement (zone MENA, Asie du Sud,
Amérique Latine).
Figure 38: ROE bancaire moyen par région géographique. Source : Micco, Panizza, Yañe (2006)
B-Une rentabilité à nuancer selon la taille, la nationalité et le type d’institutions
Le graphique précédent permet d’établir une première nuance à la situation de rentabilité
des établissements bancaires d’ASS : la rentabilité semble ne pas être uniformément répartie selon la
propriété de l’entreprise bancaire. Ainsi, les banques étrangères opérant en Afrique subsaharienne
affichent une rentabilité de plusieurs points supérieure à celles contrôlées par l’Etat ou les intérêts
privés domestiques. Pour de nombreux groupes internationaux, les filiales africaines constituent les
entités les plus rentables. A titre d’exemple, Standard Chartered Bank et Barclays Bank of Ghana ont
affiché sur les exercices 2005 et 2006 des rentabilités plus qu’enviables (38,8% et 49,1%
respectivement).
D’autres disparités existent. Elles peuvent être régionales : à titre d’exemple, le taux de
rentabilité des fonds propres s’établissaient à 9.9% en 2005 (contre 8.6% en 2004) au sein de
l’UEMOA, tandis que la zone CEMAC affichait un ROE de 17,2% en 2004 (Saab et Vacher, 2006).
Par ailleurs, l’activité bancaire peut être fortement cyclique et tributaire des résultats des
cultures ou produits de rente. Ainsi, d’après le Rapport Annuel de la Commission Bancaire de l’UMOA,
le ROE du système bancaire malien était de -22.6% en 2004 et de 8.7% en 2005. Au Togo, le ROE est
passé de 33.9% en 2004 à 7.2% l’année suivante (BCEAO, 2005a).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 169
Au final, les différences peuvent se faire selon la taille de l’institution financière ou sa
spécialisation. Sur la période 2000-2004, les grandes banques de l’UEMOA ont affiché des écarts de
rentabilité de plusieurs points avec les banques de taille moyenne et des écarts encore plus
importants avec des banques de petite taille. Le type d’institutions joue aussi un rôle
particulièrement important.
Etablissements de crédit
2000
2001
2002
2003
2004
Grands
11,5
9,3
12
10,1
13,2
Moyens
0,3
2,1
10,3
7,9
22,5
Petits
(dont Etblts financiers)
-6,7
-2,4
4,9
-1
6
Types d'institutions
2000
2001
2002
2003
2004
Banques universelles
6,5
9,1
12,5
9,8
16
Banques spécialisées
2,7
-5,9
5,1
2,6
8,6
Etablissements financiers
-4,5
0,2
-0,8
-1
9,9
Moyenne
4,5
5,1
10,1
7,4
14,2
Tableau 21: ROE par catégories d’institutions financières dans l’UEMOA. Source : BCEAO (2006c)
Le tableau 21 souligne, là encore, l’écart de rentabilité existant entre les banques universelles
(largement rentables), les banques spécialisées (rentabilité modérée ou bonne selon les années) et
les établissements financiers qui souffrent d’une véritable méforme. A titre de comparaison, les
institutions de microfinance de la zone UEMOA, quant à elles, ont affiché une rentabilité des fonds
propres sur la période 1999-2003 de 7,5%, inférieure à la norme internationale de 15% admise pour
le secteur. La rentabilité de l’actif (excédent net/total des actifs) a elle aussi été inférieure à la
moyenne internationale : 1,7% contre 3% (BCEAO, 2006). La faible rentabilité des IMF est liée à leurs
conditions d’exploitation et à des réseaux de collecte, de surveillance et de recouvrement beaucoup
plus développés que ceux des banques.
Ces prudences dans l’appréciation de la rentabilité des institutions financières africaines ne
doivent néanmoins pas masquer la tendance à l’amélioration de leurs performances qui explique
l’intérêt porté par de nombreux fonds d’investissements internationaux à différents acteurs du
secteur48 et la forte croissance des valeurs bancaires cotées sur certaines places boursières du
continent.
48
Le fonds russo-britannique Renaissance Capital détient ainsi 25% du 17ème groupe bancaire africain (Ecobank) et essaie
d’augmenter son encours.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 170
Encadré n°7.
Les performances des banques d’Afrique subsaharienne : rentabilité réelle ou artificielle
L’analyse de la rentabilité des établissements bancaires africains a longtemps été un exercice sujet à caution et à
précautions. En effet, plusieurs raisons étaient à même de venir nuancer les fortes rentabilités affichées par certains
établissements subsahariens.
Les pratiques comptables
L’inadéquation des normes prudentielles et la faible supervision prudentielle ont parfois donné l’opportunité aux acteurs
bancaires de majorer leurs résultats en s’affranchissant des règles orthodoxes de la comptabilité bancaire.
Les primes de risque
La juste rémunération du risque pris par les établissements bancaires a longtemps été un des moteurs de la forte rentabilité
en ASS. En effet, dans un environnement économique risqué, la rémunération des capitaux devait intégrer une prime de
risque élevée.
La sous-capitalisation des banques et ses conséquences sur le ratio de rentabilité des fonds propres.
Contrairement aux banques de l’OCDE et d’autres PED, de nombreuses banques africaines ont longtemps été affranchies de
la réglementation Bâle I obligeant les banques à avoir un ratio risques pondérés/fonds propres égal à 8%. Ayant des
obligations de capital réglementaire moindres, les établissements bancaires africains pouvaient afficher des coefficients de
rentabilité supérieurs à ceux de leurs homologues suivant les normes Bâle I.
Ces différentes nuances ne sont plus de mises pour plusieurs raisons. Premièrement, les filiales des grandes banques
internationales opérant en Afrique adoptent, pour des raisons de consolidation et d’harmonisation des règles de gestion au
sein du groupe, les normes prudentielles de la maison-mère. Deuxièmement, suite aux crises financières des années 80 et
90, de nombreux pays africains se sont engagés, sous l’influence du FMI et de la Banque Mondiale, à renforcer leurs règles
prudentielles dans le domaine bancaire. Au terme de cet « ajustement structurel financier », les systèmes bancaires
africains ont des normes de plus en plus proches des standards de l’OCDE. Troisièmement, les établissements financiers
africains ont désormais des normes de gestion calquées sur les meilleures pratiques internationales. Leur actionnariat mais
aussi leurs ambitions stratégiques expliquent cette évolution. Plusieurs banques africaines comptent parmi leurs
actionnaires des fonds ou des actionnaires non africains qui imposent des règles de gestion conformes aux standards
mondiaux. Le recours de plus en plus important aux marchés financiers internationaux pour lever des fonds participe de
49
cette logique .
Les ratios de fonds propres se sont fortement améliorés au cours des dernières années dans les pays africains. Calculé sur
la base d’un échantillon de banques africaines pat le FMI, le CAR ou Capital Adequacy Ratio moyen était de 15,5% en
Afrique subsaharienne, chiffre qui traduit l’amélioration de la supervision et de la stabilité des banques (FMI, 2006). Le
calcul sur l’échantillon des 75 premières banques d’Afrique subsaharienne fourni par le magazine African Business aboutit à
un CAR moyen de 13% (avec un écart type de 8) et un ratio médian de 10,3%. Bien que l’écart entre les deux sources soit
important, chacune traduit une réalité : les grandes banques africaines s’alignent désormais sur les standards
internationaux (8%).
Le ROA qui propose une vision moins biaisée de la rentabilité illustre aussi la bonne rentabilité des banques africaines
lorsque celle-ci est mesurée par rapport aux actifs.
49
Cf. le cas de plusieurs banques nigérianes qui ont levé plusieurs milliards de dollars à la City en 2006 et 2007
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 171
Figure 39:Comparaison du ROE et du ROA de banques en fonction de leur
implantation/appartenance sur la période 2000-2004. Source: Banque Mondiale (2007d)
La baisse de l’inflation dans l’ensemble de la zone contribue, par ailleurs, à asseoir la justesse des calculs de rentabilité.
La conjugaison de ces facteurs expliquent pourquoi plus que jamais la rentabilité affichée par les établissements africains
peut être qualifiée de réelle. A contrario, on peut même penser qu’elle est parfois minorée par les techniques de
provisionnement des risques…
Cette amélioration de la rentabilité des établissements financiers en Afrique suscite des
interrogations sur les facteurs à l’origine de celle-ci. Le retour de la croissance économique, la hausse
des recettes d’exportation associées aux matières premières, une meilleure maîtrise de l’inflation
sont autant d’éléments de l’environnement macroéconomique expliquant cette tendance. Au niveau
des banques, elle semble toutefois plus liée à la perpétuation de commissions et de marges
d’intermédiation élevées qu’à une forte amélioration de l’efficience interne.
§2 – UNE RENTABILITE TRIBUTAIRE DU FAIBLE DEGRE DE CONCURRENCE ?
L’excellente rentabilité du PNB des banques d’Afrique subsaharienne semble plus s’expliquer
par une progression des marges que par la progression de l’efficacité. Au-delà de facteurs
traditionnellement évoqués, cette situation pourrait trouver son origine dans le peu de discipline
enregistrée dans les processus de gestion en raison du faible degré de concurrence.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 172
Figure 40: Frais de gestion bancaire/total des actifs (moyenne 2003-2005). Source : Banque
Mondiale (2006)
Les banques de l’espace subsaharien se caractérisent, en effet, par un niveau d’efficacité
généralement plus faible que celui de leurs consœurs opérant dans d’autres PED. Le ratio frais de
gestion bancaire/total des actifs constitue une approximation de l’efficience de la fonction de
production bancaire (graphique 40). On peut constater une nette différence entre les performances
affichées par les pays subsahariens et le reste des pays émergents bien que les banques de l’arc
subsaharien aient amélioré leur efficience au cours de la dernière décennie.
En fait, c’est l’amélioration du PNB et de ses déterminants (commissions et la marge
d’intermédiation) qui alimente la progression de la rentabilité. En raison de leur forte croissance, les
commissions représentent désormais une part de plus en plus forte du PNB pour de nombreux
établissements subsahariens. Elles sont le fruit de différentes prestations associées aux conventions
de compte (différents frais de tenue de compte ou alors de mise à disposition d’instruments de
paiements) ou sont liées à l’octroi de produits financiers.
Le volume de commissions engrangé au titre des conventions de compte est de plus en plus
talonné voire supplanté par les commissions sur les transferts d’argent (Type Western Union ou
MoneyGram), ces dernières étant généralement critiquées en raison de leur montant élevé par
rapport aux revenus des ménages.
La marge d’intermédiation des banques fait elle aussi l’objet de nombreuses critiques.
D’après le Rapport Making Finance Work for Africa, les banques africaines présentent les marges
d’intérêts les plus élevées au monde (800 contre 480 points de base pour les banques non
africaines). Le spread est encore plus important en Afrique subsaharienne (Cf. graphique n°41).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 173
Figure 41: Spreads moyens sur la période 2002-2004 de différents pays. Source : Banque Mondiale
(2006)
Les banques subsahariennes sont caractérisées par une autre particularité : la non
convergence du spread moyen subsaharien vers la moyenne mondiale. Dans un contexte marqué par
une forte surliquidité (Cf. chapitre 5), le maintien du spread à des niveaux identiques à ceux des
périodes de tensions portant sur l’accès à la liquidité accrédite une thèse : la non corrélation du
spread avec le niveau de liquidité existant sur le marché ou alors la conjoncture économique.
Le niveau élevé des spreads dans l’arc subsaharien a souvent été interprété comme le
résultat d’une prime de risque plus forte associée aux marchés de cet espace. Or, depuis quelques
années, les plans d’ajustement structurels produisent leurs fruits : l’inflation n’a jamais été aussi
faible en ASS, les comptes nationaux ont été rétablis et contrairement à ce que pourraient laisser
croire les évènements au Tchad, Kenya ou Darfour, cet espace n’a jamais été aussi calme depuis les
indépendances (Cf. graphique n°1).
La baisse des niveaux de risque politique et macroéconomique aurait dû avoir des
répercussions positives sur le différentiel de taux mais sa quasi stagnation laisse supposer l’existence
d’autres facteurs structurels.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 174
Figure 42: Evolution de la marge d’intérêt bancaire depuis 1996 dans différentes régions. Source :
Banque Mondiale (2006)
Parmi ceux-ci, de nombreuses études pointent désormais la forte concentration mais surtout
le faible degré de concurrence bancaire comme étant un des facteurs explicatifs les plus pertinents
du spread et de l’efficience des intermédiaires financiers.
La section II revient sur les notions de concurrence/concentration, présentera une revue des
différents efforts pour mesurer ces deux réalités au sein de l’arc subsaharien et les travaux faisant
d’un faible niveau de concurrence le substrat idéal au développement d’inefficiences au sein de la
firme bancaire. Au-delà des gains attendus en termes d’efficience de l’intermédiation, la concurrence
peut avoir d’autres effets positifs ou négatifs. La section III analysera ceux-ci et formulera une
hypothèse : suite aux crises financières qui ont affecté les systèmes financiers subsahariens, le
recentrage de la fonction d’objectifs des systèmes financiers subsahariens sur la stabilité/rentabilité
a entraîné une marginalisation des interrogations autour de la concurrence, pourtant source de
diversité, de profondeur et d’accessibilité.
SECTION II - CONCURRENCE ET EFFICACITE DES BANQUES AU SEIN
DE L’ARC SUBSAHARIEN
Au-delà de son utilisation par tout un chacun, la concurrence est une notion complexe et
plurielle dont la compréhension des effets au sein des sphères bancaires subsahariennes requiert
une excellente compréhension des tenants et des aboutissants (§1). Après avoir longtemps été
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 175
marginalisée voire ignorée, l’analyse de la concurrence dans les secteurs bancaires subsahariens
enregistre depuis quelques années un regain d’intérêt notamment sous l’impulsion d’études lancées
par la Banque Mondiale et le FMI (§2).
§1 - LA CONCURRENCE : SES DIFFERENTES ACCEPTIONS ET TECHNIQUES DE MESURE
La lecture des classiques, en économie, comme en littérature présente plusieurs avantages
pour l’homme en quête de sens. Ils présentent, en général, des vérités universelles et complexes,
souvent atemporelles avec le mérite de la clarté dans l’exposition des faits et des arguments, mais
aussi un effort de catégorisation remarquable.
En matière de concurrence, recourir aux classiques peut se révéler utile. Ainsi, faire appel à
Adam Smith, génie protecteur des économistes, place cette analyse sous de bons auspices mais
permet aussi de satisfaire cette recherche de clarté tout en ancrant historiquement l’évolution du
concept de concurrence. La lecture d’un article de Stigler (1957) intitulé "Perfect Competition,
historically contemplated" est fort édifiante et permet d’illustrer le génie conceptuel de la "Richesse
des Nations" en matière de concurrence. En effet, si à la parution de l’ouvrage, le concept de
concurrence était déjà largement débattu dans la littérature économique50, le mérite de l’ouvrage
d’Adam Smith, au-delà d’une définition fonctionnelle de la concurrence (la concurrence comme
facteur susceptible d’amener le prix de marché à un niveau auquel serait éliminé le surprofit mais
aussi toute demande insatisfaite) réside dans la présentation de son caractère pluri morphe.
Stigler reprend et présente les cinq conditions présentées par Smith et qui sont nécessaires à
la matérialisation de la concurrence :
1-Les rivaux se doivent d’agir indépendamment et sans collusion ;
2-Le nombre de rivaux, potentiels et actuels, se doit d’être suffisants pour éliminer tout
surprofit ;
3-Les unités économiques doivent posséder une connaissance suffisante des différentes
opportunités de marché ;
4-Sur la base de cette information, les unités économiques doivent être libres de toute
contrainte sociale et pouvoir prendre les décisions qui leur semblent les plus appropriées ;
5-Sur le long terme, la mobilité de tous les facteurs de production doit pouvoir être assurée.
Ces différentes conditions sont toutes nécessaires à l’établissement d’un régime de
concurrence mais au fil du temps, elles sont devenues différentes acceptions de la notion de
concurrence, acceptions qui ont donné naissance à différents courants d’analyse de ce phénomène.
Sur la base des conditions posées par Smith, une rapide présentation des cinq acceptions de la
50
Pour une revue de la littérature économique consacrée à la concurrence avant la Richesse des Nations, Cf. McNulty, P.J
(1968), Economic Theory and the Meaning of Competition, Quaterly Journal of Economics 82 (639-656)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 176
définition de la concurrence sera effectuée dans le cadre africain (A) avant une brève introduction
aux techniques de mesures de la concurrence (B).
A- Les cinq acceptions de la notion de concurrence
Adam Smith présente cinq conditions nécessaires pour caractériser un état de concurrence
qui définissent cinq avatars de cette notion :
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
(v)
la concurrence comme processus de rivalité ;
la concurrence comme une structure de marché ;
la concurrence comme processus de traitement de l’information ;
la concurrence au sens liberté ;
et la concurrence comme processus temporel.
#1 - La concurrence comme rivalité
L’expression concurrence peut être utilisée pour désigner un état de rivalité entre
entreprises évoluant sur un même marché. Dans ce cas, le processus de rivalité peut mettre en jeu
des compétiteurs déjà présents ou alors potentiels. La concurrence est alors appréciable à l’aune du
comportement des entreprises et de l’existence d’un processus de rivalité. En effet, l’effectivité de la
main invisible comme mécanisme d’allocation optimal des ressources est compromise si les firmes ne
sont pas rivales.
Cette dimension de la concurrence perçue comme rivalité est ancienne. On la retrouve
notamment chez Ely (1901):
"…Competition, in a large sense, means a struggle of conflicting interests…”.
Stigler (1957) insiste, lui aussi, sur cette dimension:
"…Competition entered economics from common discourse and for long it connoted only the
independent rivalry of two or more persons…”
De manière extrême, la concurrence comme absence de monopole présente chez certains
auteurs peut être assimilée à une forme exacerbée de la concurrence-rivalité. En effet, des firmes
preneuses de prix ne s’engagent pas dans des comportements de rivalité ou stratégiques. Cette
vision est partagée par Chamberlin (1933) et Lerner (1934):
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 177
"…Monopoly ordinarily means control over the supply, and therefore over the price. A sole
prerequisite to pure competition is indicated – that no one have any degree of such control…"
Chamberlin (1933)
"…the monopolist is confronted with a falling demand curve for his product…while the seller in a
purely competitive market has an horizontal demand curve…" Lerner (1934):
Par ailleurs, la concurrence comme processus de rivalité est parfois apparentée à un
processus de sélection et d’élimination darwiniens. Cette conception de la concurrence est portée
par un courant d’analyse de la concurrence fondé sur l’analyse du comportement (courant dit
behavioriste) des acteurs de marché et les facteurs déterminant l’évolution des structures de marché
(courant dit évolutionniste). Ces approches sont particulièrement pertinentes dans le cas des
systèmes bancaires africains car les utilisateurs de services bancaires et la vox populi affirment que
les banques ne se livrent pas à une concurrence en termes de rivalité.
#2 - La concurrence comme structure de marché
La deuxième condition mentionnée par Smith renforce l’impression d’un manque de
concurrence au sein des systèmes financiers africains car elle met l’accent sur la structure bancaire et
le nombre de concurrents. Elle repose sur l’ineffectivité de la main invisible lorsque le nombre
d’acteurs actuels ou potentiels est faible. Cette définition de la concurrence privilégie une approche
de cette notion en termes de structure de marché. Elle met l’accent sur le nombre et la distribution
de la taille des entreprises et leurs coûts.
Cette approche infère de la structure de marché le type de comportement concurrentiel. Elle
est souvent qualifiée de courant structuraliste ou déterministe, un peu par opposition avec le courant
behavioriste. Cet avatar de la concurrence constitue un axe d’analyse particulièrement intéressant de
la concurrence au sein des sphères bancaires africaines dans la mesure où celles-ci sont souvent
marquées par une forte concentration des dépôts et des encours de crédits entre les mains de
quelques acteurs.
#3 - La concurrence comme mécanisme de gestion de l’information
Le troisième aspect (la concurrence comme processus de gestion de l’information), met
l’accent sur l’effectivité limitée de la main invisible lorsque les entreprises bancaires ne sont pas
conscientes des opportunités de gains. Il en va de même si les consommateurs méconnaissent les
différentes offres bancaires. Bien que souvent méconnue ou alors considérée dans le cadre de
l’économie de l’information, cette dimension est particulièrement importante dans la mesure où elle
conditionne l’effectivité et la réalité du processus concurrentiel. Des acteurs mal informés et des
consommateurs peu éclairés ne peuvent pas faire jouer la concurrence en leur faveur.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 178
Or, on peut s’interroger sur les efforts de communication des banques en Afrique et la
portée de leurs canaux de transmission de l’information dans des environnements marqués par des
taux d’analphabétisme assez importants.
#4 - La concurrence comme garant de la liberté d’action
La quatrième condition représente un apport majeur à l’analyse de la concurrence. En effet,
elle insiste sur la notion de liberté d’action. Cette définition de la concurrence perçue comme
l’absence de barrières à l’entrée a été portée par un courant de réflexion et de recherche souvent
considéré comme précurseur de la théorie des marchés contestables51. Machlup (1942), faisait
remarquer dès 1942 :
"…In the succeeding discussion…the expression perfect competition …will exclusively denote free and
easy entry into the industry…” (Machlup, 1942)
Stigler (ibid) précisait la notion de concurrence quelques années plus tard:
"…It seems preferable, therefore to adapt the concept of competition to changing conditions by
another method: to insist only upon the absence of barriers to entry and exit from an industry in the
long run normal period; that is, in the period long enough to allow substantial changes in the
quantities of even the most durable and specialized resources…"
#5 - La concurrence- processus temporel
La cinquième condition insiste sur la dimension temporelle de la notion de concurrence car la
main invisible n’est pas forcément efficace sur des périodes de temps ne permettant pas à la rivalité
de s’exercer. D’où la nécessité d’analyser la concurrence sur un horizon favorisant l’entrée de
nouveaux acteurs et l’utilisation de nouvelles combinaisons de production.
Seule la réunion de ces cinq dimensions de la concurrence donne à cette notion toute son
effectivité. Toutefois, l’analyse de la concurrence s’est développée principalement autour de
l’approche béhavioriste qui privilégie le comportement des acteurs et de l’approche structuraliste qui
associe degré de concurrence et structure de marché. Un rapide aperçu des techniques permettant
de mesurer la concurrence dans le cadre de ces deux approches est présenté infra et permettra de
caractériser cette notion dans la sphère subsaharienne.
51
Cf. les travaux de Baumol, W.J, Panzar J.C et Willig R.D (1982), Contestable Markets and the Theory of the Industry
Structure, New York Harcourt Brace Jovanovitch
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 179
B- Les techniques de mesure de la concurrence
La littérature sur la mesure de la concurrence s’organise autour de deux grandes approches :
une approche structurelle et une approche dite non structurelle.
L’approche structurelle, objet du (#2), intègre des théories aussi diverses que le paradigme
Structure-Conduite-Performance, l’hypothèse d’efficience et d’autres méthodes qui puisent leurs
racines dans les théories de l’économie industrielle. Le paradigme SCP essaie de déterminer si un
marché concentré est source de comportements collusifs entre banques, comportements qui à leur
tour confèrent à ces dernières des rentabilités exceptionnelles. L’hypothèse d’efficience, quant à elle,
tente de démontrer qu’une plus grande efficience opérationnelle des banques est à l’origine de
performances supérieures à la moyenne leur permettant de gagner des parts de marché, expliquant
ainsi la concentration.
Les modèles non structurels de mesure de la concurrence ont été développés afin de
combler les déficiences empiriques et théoriques des modèles structurels. Le modèle de Panzar et
Rosse (1987) s’inscrit dans cette lignée. Ignorant les mesures de concentration bancaire, il essaie de
déterminer le comportement concurrentiel des banques et l’utilisation par ces dernières de leur
pouvoir de marché (#3). Au-delà de leurs différences, elles partagent toute en commun une
réflexion et des méthodes de détermination du marché pertinent objet du (#1).
#1 - La définition du marché pertinent et des variables
La concurrence et la concentration sont spécifiques à des marchés de produits ou de services
mais aussi à des zones géographiques. Or, les banques proposent une multitude de produits qui ne
sont pas distribués sur un seul marché. La mesure de la concentration et de la concurrence requiert
donc comme préliminaire la définition du marché pertinent.
Derrière cette notion fondamentale en économie industrielle, on retrouve en fait l’ensemble
des fournisseurs d’un produit qui sont des concurrents actuels ou potentiels. La notion de marché a
une double dimension : spatiale (zone, région, pays ou groupes de pays considérés) et commerciale
(les produits susceptibles d’entrer en concurrence). La dimension commerciale du marché pertinent
nécessite l’identification de l’ensemble des produits ou services bancaires qui sont considérés
comme appartenant au même marché en raison de leur substituabilité par rapport à la demande du
consommateur.
Une bonne définition du marché pertinent est au cœur de toute politique efficiente en
matière de concurrence. Il s’agit d’autant plus d’un enjeu de politique économique qu’un marché
bancaire défini de manière trop étroite pourrait susciter des craintes infondées sur une éventuelle
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 180
absence de concurrence. Alternativement, un marché défini trop largement est susceptible de
masquer un manque de concurrence.
Les frontières géographiques d’un marché sont définies sur la base de contacts existant entre
les acteurs actuels et potentiels du marché. Ces frontières sont définies en se basant sur le point de
vue du consommateur et prennent en compte aussi bien des considérations liées aux
consommateurs individuels que les caractéristiques du produit. La mobilité des clients bancaires et,
par conséquent, les frontières géographiques du marché sont fonction du type de consommateur et
de leur taille économique. Les produits de banque de détail ont en général un marché de taille locale
alors que la banque d’affaires offre des produits dont le marché a une dimension régionale ou
internationale. Les caractéristiques des produits influencent la mobilité des consommateurs dans la
mesure où les emprunteurs semblent afficher une plus grande mobilité pour obtenir des
opportunités de financement que les déposants.
En ce qui concerne les différentes variables, certaines études ont recours au prix d’un service
ou d’un produit comme mesure de la concurrence bancaire. On peut opter pour un prix moyen des
produits et services proposés par les banques (taux d’intérêt moyen demandé pour les crédits, taux
d’intérêt moyen rémunérant les dépôts ou alors du prix d’un service en particulier). L’utilisation du
prix comme mesure de performances peut être sujet à caution en raison de phénomènes de
subventions croisées entre différentes activités bancaires.
De nombreux travaux emploient des indicateurs de profitabilités. Ils présentent l’avantage de
consolider les profits et les pertes d’un établissement multi produits en un seul nombre et prennent
en compte les phénomènes de subventions croisées. Il faut néanmoins remarquer qu’il peut ne pas
exister de corrélation entre pouvoir de marché et profits car des pratiques opérationnelles
inefficientes peuvent dégrader la profitabilité.
Les inconvénients des différentes techniques expliquent le recours aux deux types de
variables dans la majorité des études. Les variables de profitabilité peuvent servir à déterminer le
pouvoir de marché alors que les variables de marché seront souvent utilisées pour déterminer le
marché pertinent.
Différents tests ont été développés afin de délimiter le marché pertinent. La méthode la plus
communément utilisée par les autorités de la concurrence est le test du cartel ou du monopoleur
hypothétique. Ce test a pour objectif d’identifier le plus petit ensemble de produits (respectivement
de producteurs) contenant (respectivement produisant) le produit dont on recherche le marché
pertinent pour lequel un cartel ou un monopoleur hypothétique contrôlant l’offre pourrait
augmenter son profit en instituant une augmentation infime et permanente du prix par rapport au
prix de concurrence. Ce test est aussi connu sous le nom de SSNIP (Small but Significant, NonTransitory Increase in Price) test. Cette approche sert non seulement à définir les frontières
géographiques du produit mais aussi celles de ses substituts.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 181
Le Département de la Justice américain et la Federal Trade Commission (FTC) ont intégré ces
principes dans l’édition de 1984 du Horizontal Merger Guidelines52 qui ont été repris par les autorités
européennes de la concurrence
#2 - Les indicateurs de concentration du marché bancaire
Les ratios de concentration occupent une place centrale dans l’approche structurelle car ils
concourent à la description de la structure de marché et mesurent notamment la concentration du
marché bancaire. Ils permettent d’établir un lien entre concentration et concurrence.
L’utilisation des ratios de concentration se justifie par leur capacité à appréhender un certain
nombre de caractéristiques structurelles des marchés. Les ratios de concentration sont, par
conséquent, souvent utilisés dans les modèles structurels afin d’expliquer les performances
concurrentielles par la structure de marché. Par ailleurs, ils sont à même de fournir une idée de
l’évolution de la concentration sur le marché aussi bien en raison d’une croissance externe ou
interne. Deux revues de la littérature effectuées d’une part par Bikker et Haaf (2001)et d’autre part
Bhattacharya et Das (2003) constituent une excellente introduction aux indices de concentration les
plus fréquemment utilisés et permettent d’en établir une taxinomie en fonction de certaines de leurs
propriétés.
Il existe de nombreux ratios ayant pour finalité la mesure de la concentration. Toutefois,
seuls quelques uns d’entre eux sont utilisés de manière régulière par les autorités de la concurrence
ou alors par la littérature théorique et empirique. L’analyse portera, par conséquent, sur le ratio de
concentration des k-premières banques, l’indice Herfindhal-Hirschman et l’indice de Rosenbluth.
Le ratio de concentration des k-premières banques (CRk)
La mesure la plus communément utilisée dans la littérature afin de déterminer le niveau de
concentration régnant sur un marché bancaire donné est l’indice de concentration des parts de
marché des k premières banques opérant sur celui-ci. Il s’obtient en additionnant les parts de marché
des k plus grandes banques :
52
Cf. notamment Department of Justice and Federal Trade Commission (1992), Horizontal Merger Guidelines, Antitrust and
Trade Regulation Report, 69(1559), Washington D.C. et pour une discussion de leur application Langenfeld, J, (1996), The
Merger Guidelines as Applied, in Coate, M. et A. Kleit, eds., The Economics of the Antitrust Process.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 182
Toutes les banques intégrées dans le calcul bénéficient de la même pondération et
l’indicateur fournit un résultat compris entre 0 et 1. La valeur minimale approche 0 pour un nombre
infini de banques ayant la même taille et 1 lorsque les entreprises considérées pour le calcul
représentent la totalité du secteur.
Ce ratio est particulièrement apprécié en raison de sa simplicité et du nombre limité de
données nécessaires à son calcul. La perfection étant un idéal difficile à atteindre, cet indicateur de
concentration souffre du choix arbitraire du nombre k de banques retenues pour son calcul.
Indice Herfindhal-Hirschmann (HHI)
Dans le cadre d’une industrie bancaire comprenant n établissements ayant chacun une part
de marché si, l’indice Herfindhal-Hirschmann se définit comme la somme du carré des parts de
marché de l’ensemble des banques.
En raison de la simplicité de son calcul, l’indice Herfindhal-Hirschmann arrive en deuxième
place du classement des indices de concentration les plus utilisés. Il associe à cette qualité un autre
avantage : son aptitude à prendre en compte les caractéristiques de l’ensemble des banques
appartenant à la distribution, raison pour laquelle il est souvent considéré comme un indice
d’information complet. Il sert, par ailleurs, d’étalon pour l’appréciation d’autres indices de
concentration et constitue un indicateur avancé de concentration du marché employé par de
nombreuses autorités de concurrence.
Aux Etats-Unis, par exemple, une autorisation de fusion entre deux banques ne sera acceptée
par les autorités ad hoc que si l’évaluation d’impact en matière de concentration sur le marché des
dépôts est positive. Les normes en vigueur stipulent que la valeur de l’indice HHI ne doit pas
dépasser 0.18. Par ailleurs, la hausse de l’indice ne doit pas dépasser 0,02 après la fusion (Cetorelli,
1999).
Selon que l’on utilise une échelle de part de marché allant de 0 à 1 ou de 0 à 100, les valeurs
de l’indice Herfindhal s’échelonnent de 1/n (respectivement 10 000/n) à 1 (respectivement 10 000).
Les deux valeurs extrêmes sont celles obtenues en situation de concurrence pure et parfaite ou de
monopole. Plus les banques sont de tailles équivalentes, plus l’indice HHI est petit.
Nonobstant sa popularité, la mesure de concentration HHI présente un certain nombre
d’inconvénients. En premier lieu, des distributions de part de marché fondamentalement différentes
sont susceptibles de produire des indices similaires (Rhoades, 1995). Il accorde une prime aux
grandes banques dans la mesure où le carré démultiplie leur impact sur l’indice.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 183
Kwoka (1985) relie l’indice HHI aux théories en matière de distribution en réécrivant l’indice
HHI comme une fonction croissante de la variance des parts de marché des différentes banques:
en posant,
on obtient :
Indice Rosenbluth (Rosenbluth Index) RI et Indice Hall-Tideman (HTI)
Les indices de concentration définis par Hall et Tideman (1967) d’une part et Rosenbluth (1955)
d’autre part présentent de fortes similitudes aussi bien dans leur forme que dans leur essence. Hall
et Tideman, en particulier, mettent l’accent sur la nécessité d’intégrer le nombre de banques dans le
calcul de l’indice de concentration car ce dernier reflète les conditions d’entrée dans une industrie.
L’indice de Hall et Tideman prend la forme :
La part de marché de chaque banque est pondérée par son classement afin de s’assurer de la
prise en compte du nombre de banques. Ainsi, si la banque la plus grande reçoit un poids égal à i=1.
Les valeurs de l’indice HTI sont comprises entre 0 et 1. Il est proche de 0 pour un nombre infini de
banques de taille identique et atteint 1 en cas de monopole.
L’indice de Rosenbluth est relié à la courbe de concentration. A titre de rappel, la courbe de
concentration représente la somme cumulée des parts de marché des différentes banques prises
dans un ordre croissant. La valeur affichée en tout point de la courbe représente le pourcentage
qu’occupe les i plus grandes banques au sein de l’industrie.
Contrairement au ratio de concentration des premières banques, l’indice Rosenbluth prend
en compte le poids de chaque unité présente dans la distribution par taille. L’utilisation des
classements des banques comme pondération pour le calcul de l’indice rend ce dernier sensible à
tout changement intervenant dans la distribution des banques de faible taille. L’indice de Rosenbluth
est calculé à partir de l’aire se situant au dessus de la courbe de concentration. La valeur de cette aire
étant désignée par C, l’indice de Rosenbuth est de la forme :
qui est équivalent à l’indice HTI pour
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 184
La seule différence entre les deux indices réside dans le classement des banques. Pour un degré
d’inégalité donnée, l’indice RI décroît avec le nombre de banques. La valeur de l’indice de Rosenbluth
est fortement influencée par les petites banques appartenant à la distribution d’où la nécessité
d’analyser des déviations concurrentielles dans des industries fortement concentrées avec prudence.
#3-Les méthodes de mesure non structurelles
Face aux limites de l’analyse structurelle présentées par les théoriciens de l’école des
marchés contestables, différents modèles économétriques ont été développés afin de mesurer le
niveau de concurrence au sein du marché bancaire. Le modèle de Panzar et Rosse (1987)53 s’inscrit
dans cette lignée. Ce modèle, ignorant les mesures de concentration bancaire, essaie de déterminer
le comportement concurrentiel des banques et l’utilisation par ces dernières de leur pouvoir de
marché.
Le modèle de Panzar et Rosse cherche à déterminer dans quelle mesure un changement dans
le prix des facteurs de production sera répercuté à l’équilibre sur les recettes générées par une
banque dans le cadre d’un modèle d’équilibre à la Chamberlain. Il suppose que les banques utilisent
des stratégies de tarification différentes en réponse à des changements des coûts des facteurs de
production en fonction de la structure de marché dans laquelle elles opèrent.
Pour ce faire, le modèle de Panzar et Rosse s’attache à mesurer les différentes élasticités de
la recette (dans notre cas le produit bancaire) par rapport aux différents coûts des facteurs. Ces
dernières mesurent la variation du produit bancaire suite à une variation du coût d’un des facteurs
de production de la firme bancaire. L’intuition géniale de Panzar et Rosse réside dans l’utilisation de
ces différentes élasticités pour mesurer les conséquences d’un changement du prix des facteurs de
production sur le produit bancaire de la firme en situation d’équilibre. Pour ce faire, ils dérivent des
différentes élasticités revenus par rapport au coût des facteurs et obtiennent une variable H, somme
de l’ensemble de ces élasticités. Celle-ci traduit l’impact sur le produit bancaire d’une augmentation
d’un pourcent de l’ensemble des coûts de production bancaire. L’interprétation de la grandeur H
peut se faire en suivant le raisonnement classique de l’économie de la concurrence (Prasad et Ghosh,
2005).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 185
La variable statistique H prend des valeurs comprises entre −∞ et 1. H est inférieure à 0 si le
marché considéré est en situation de monopole. Elle prend des valeurs comprises entre 0 et l’unité
pour d’autres structures de concurrence telles que l’oligopole et H prend une valeur égale à l’unité
en situation de concurrence parfaite.
Si H est égale à 1 (concurrence pure et parfaite), ceci signifie qu’une hausse d’un pourcent de
l’ensemble du coût des facteurs de production entraîne une hausse équivalente de la recette de
l’entreprise, suite à une augmentation des prix mise en œuvre pour faire face à l’augmentation du
coût des intrants. Dans cette structure de marché concurrentielle, une augmentation du coût des
facteurs entraîne sur longue période une augmentation de même ampleur de la recette totale
quelque soit la firme considérée. H égale à l’unité peut aussi correspondre à un monopole naturel
évoluant dans un marché parfaitement contestable. Le tableau 22, récapitule les différentes valeurs
prises par la variable H et le type de structure de marché correspondant.
Valeurs prises par H
H≤0
0<H<1
H=1
Structure de marché
Monopole, différentes variations Oligopole
Concurrence monopolistique
Concurrence pure et parfaite. Monopole naturel
dans un marché parfaitement contestable
Tableau 22: Les différentes valeurs prises par la variable H et le type de structure de marché
correspondant
§2-LES SYSTEMES BANCAIRES D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE : ENTRE FORTE CONCENTRATION ET
FAIBLE CONCURRENCE
A-Des systèmes fortement concentrés
Le graphique n°43 recense les ratios de concentration des actifs des trois premières banques
dans différents pays développés et en développement. Les pays d’Afrique subsaharienne s’inscrivent
largement dans une tendance de forte concentration des acteurs bancaires avec un ratio de
concentration des trois premières banques souvent largement supérieur à 50%.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 186
Figure 43: Concentration des actifs des trois premières banques (moyenne 2003-2005). Source :
Banque Mondiale (2006)
Les systèmes financiers subsahariens et leur compartiment bancaire sont le plus souvent
dominés par des structures de marché oligopolistiques. Au sein des plus petits d’entre eux,
l’oligopole est souvent homogène (oligopole concentré autour de quelques acteurs majeurs ayant la
même surface). Sur de tels marchés, l’homogénéité des acteurs fait des guerres tarifaires une des
seules possibilités de concurrence à court terme et accorde une place déterminante aux
établissements ayant les coûts les plus faibles. Par ailleurs, la vitesse de diffusion de la technologie au
sein du marché constitue une puissante barrière à l’entrée.
D’autres marchés accueillent des oligopoles avec frange qui se caractérisent par la
cohabitation d’un centre oligopolistique avec une frange concurrentielle. Au sein de celle-ci, la
présence de petites firmes s’explique par la forte segmentation du marché avec une grande
spécificité de la demande et l’existence de niches. Les grandes firmes ne cherchent pas à occuper ces
segments du fait de leur stratégie de minimisation des coûts et préviennent tout risque de
cartellisation des petites firmes en utilisant leur pouvoir de marché afin de définir ceux susceptibles
de leur assurer des parts de marché confortables. Cette situation correspond à la structure de
marché dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne francophone. Dans ceux-ci, deux ou trois
grandes banques se partagent parfois plus de la moitié du marché tandis que quelques banques plus
petites se partagent les restes.
Les pays de la CEMAC obéissent généralement à ce mouvement oligopolistique soit sous sa
forme homogène (cas du Tchad et de la Guinée équatoriale) ou à frange (Cameroun notamment). Fin
2005, la CEMAC comptait 33 banques de dépôts en opération, soit pratiquement autant que le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 187
Kenya. Le système bancaire de cette sous-région s’inscrit sous le double sceau de la concentration.
Concentration géographique tout d’abord, car il est dominé par les établissements des deux
puissances économiques régionales : le Gabon et le Cameroun. Ces deux pays représentent près de
75% des prêts et des dépôts. Concentration au sein des acteurs nationaux ensuite : la majorité des
actifs est détenue par quelques filiales de grands groupes internationaux.
L’indice Herfindahl-Hirchman Index (HHI) fournit de précieuses précisions sur la distribution
de la concentration des acteurs du marché et atteste de la forte concentration bancaire au sein de la
zone CEMAC (à titre de rappel, ces valeurs s’échelonnent de 10 000 -une seule banque détient le
marché- à 1 -absence totale de concentration et banques de tailles équivalente, tandis que des
valeurs comprises entre 1000 et 2000 témoignent d’un degré de concentration faible).
Le tableau n°23 reprend les niveaux de concentration observés au sein de la CEMAC en 2002
et 2005. Seuls deux pays se situent en dessous du seuil des 2000, synonyme de faible concentration :
le Cameroun, quelque soit l’année d’étude et le Tchad en 2005 (1933). Les autres pays affichent des
valeurs témoignant d’un niveau élevé de concentration même si celui-ci semble s’inscrire à la baisse.
Pays
Indice HH (2002)
Indice HH (2005)
Cameroun
1621
1416
République Centrafricaine
3673
3421
Congo
3098
2689
Gabon
2716
2734
Guinée Equatoriale
4346
3832
Tchad
2154
1933
Tableau 23: Indice de concentration Hirschmann-Herfindhal pour différents pays de la CEMAC en
2002 et 2005. Source : Saab et Vacher (2007)
Au-delà de la concentration qui n’est que le reflet d’une structure de marché, le
comportement non concurrentiel des acteurs peut constituer la véritable entrave à la création de
systèmes financiers efficaces et à même de fournir des services à des prix abordables pour les
populations et entreprises locales. En effet, des marchés financiers peu concurrentiels peuvent
constituer des freins puissants à l’innovation, à l’extension de l’offre de crédit mais aussi à la baisse
des prix.
B-Des systèmes financiers caractérisés par une concurrence limitée
La détermination du degré de concurrence au sein de la sphère bancaire est un exercice
difficile car les indicateurs de structure (indices de concentration, par exemple) apportent une idée
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 188
de la concentration des acteurs et de leur distribution sans toutefois apprécier le niveau de
concurrence réelle.
Le tableau n°24 reprend les tests de Panzar et Rosse réalisés pour différents pays africains et
européens. Bien que devant être considérés avec précautions, ils sont instructifs à plus d’un titre.
Premièrement, bien que les valeurs de la statistique H situent les systèmes bancaires subsahariens
dans le vaste champ de la concurrence monopolistique, le niveau de concurrence au sein de l’arc
subsaharien est loin d’être homogène. Certains pays et zones se caractérisent par des niveaux de
concurrence très faibles, s’approchant de processus oligopolistique ou de monopole (CEMAC,
Ouganda) tandis que d’autres enregistrent des valeurs de H les faisant flirter avec des niveaux de
concurrence élevés (Afrique du Sud).
Deuxièmement, après comparaison avec les pays de l’Union Européenne, les pays de l’arc
subsaharien n’ont pas finalement « à rougir » des niveaux de concurrence révélés par la statistique H.
Ainsi, la valeur affichée pour la CEMAC est assez proche de celle de l’Espagne. L’Afrique du Sud
approche les performances finlandaises.
Pays
Période
Statistique H
Nombre de banques
CEMAC
1993-2004
0,27
32
Ouganda
1999-2002
0,3
15
Ouganda
2002-2004
0,49
15
Ghana
1998-2003
0,56
13
Kenya
1994-2001
0,58
34
Nigeria
1994-2001
0,67
42
Afrique du Sud
1994-2001
0,85
45
Espagne
1986-2005
0,34
438
Royaume-Uni
1993-2003
0,33
703
France
1993-2003
0,20
1047
Belgique
1993-2003
0,71
261
Finlande
1993-2003
0,94
53
Tableau 24: Valeurs de la statistiques H dans différents espaces géographiques africains. Source :
Buchs et Mathisen (2005),Casu et Girardone (2005), Saab et Vacher (2007)
Troisièmement, le niveau de concurrence au sein des sphères bancaires africaines évolue
rapidement : à titre d’exemple, en Ouganda, la statistique H est passée de 0,3 (période 1999-2002) à
0,49 (période 2002-2004), bien que le nombre d’établissements bancaires soit demeuré constant. Le
processus de consolidation/restructuration du système bancaire nigérian et l’entrée de nouveaux
acteurs au sein des secteurs bancaires de la CEMAC et de l’UEMOA devraient entraîner
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 189
d’importantes variations dans la valeur de la statistique H et plus largement dans la nature des
processus concurrentiels.
Figure 44 : Evolution du nombre de banques dans les pays de l’UEMOA entre 2002 et 2007. Source :
Jeune Afrique (2007)
Cette entrée de nouveaux acteurs perturbent des équilibres concurrentiels longtemps figés
par l’existence de jeux répétés sur plusieurs périodes et espaces géographiques54. En situation de
jeux répétés, les établissements bancaires connaissent les actions antérieures de leurs rivaux et les
actions de la période courante sont conditionnées par celles des périodes antérieures. Les banques
maximisent alors leurs profits sur un ensemble de périodes et adoptent des stratégies différentes de
celles traditionnellement mises en œuvre à court terme.
En effet, dans le cadre d’un jeu mono période intégrant un dilemme du prisonnier, chaque
banque considère pour donnée la stratégie de ses rivales et suppose n’avoir aucune influence sur
celle-ci. Sur longue période, un tel raisonnement n’est plus de mise et les établissements financiers
gagnent à s’entendre et à contourner le dilemme du prisonnier. Les lois de protection de la
concurrence interdisant toute forme de communication directe, ces contournements ou ententes
peuvent se faire indirectement par l’adoption d’une stratégie révélatrice de leurs intentions
(signalisation/représailles).
54
D’après l’étude PricewaterhouseCoopers (2007), les dirigeants de banques ivoiriennes et sénégalaises interrogés
considèrent désormais la concurrence comme appartenant aux facteurs exerçant une pression forte sur leurs activités. Ils
considèrent, par ailleurs, leurs marchés respectifs comme étant saturés.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 190
Les banques peuvent signaler leur stratégie à leurs concurrents par une baisse du niveau de
production. Cette action indique une volonté de coopérer durant les périodes à venir. Une réaction
identique des autres acteurs du marché annonce leur volonté de coopérer. Sinon, ils s’exposent à
une hausse en guise de rétorsion.
Les jeux répétés ne génèrent pas forcément la coopération. Celle-ci est fonction des moyens
dont disposent les joueurs pour sanctionner les comportements non coopératifs et de la stratégie qui
maximise la valeur actualisée de leur profit. Les principales variables exerçant une influence sur le
profit actualisé étant le taux d’intérêt (ou taux d’actualisation), la durée du jeu et la crédibilité de la
menace, différents facteurs présents dans la sphère financière africaine favorisent la mise en place
d’équilibres coopératifs.
Pour le banquier, un taux d’actualisation élevé augmente la préférence pour le présent et
limite la valeur de la chronique des profits futurs. Pour que la crainte de sanctions soit une menace
suffisante pour susciter la coopération, les taux d’intérêt doivent être faibles. Or, les pays de l’arc
subsaharien ayant enregistré sur longue période des niveaux de taux d’intérêt réels négatifs ou assez
faibles, leurs secteurs bancaires ont longtemps satisfait une des conditions favorables au
développement de stratégie de coopération.
Ils réunissent souvent deux autres conditions nécessaires au développement de phénomènes
de coopération : la longueur des jeux (plus un jeu est long et se répète, plus les entreprises sont
incitées à adopter une stratégie de coopération afin de ne pas cumuler les sanctions) et la crédibilité
de la menace de représailles55.
Les jeux dans de nombreux pays africains sont anciens et remontent parfois à la période
coloniale. Les grandes banques sont souvent les héritières des banques coloniales ou alors des
monopoles publics de la période des indépendances. Austin et Ugochukwu Uche (2007) décrivent
parfaitement ce processus de répartition des parts de marchés bancaires par zones géographiques et
clientèles en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone, avant et après les indépendances.
De tels mécanismes de coopération sont d’autant plus monnaie courante que le secteur
financier a longtemps été un club restreint en Afrique avec des acteurs se connaissant tous et
évoluant dans le cadre d’une véritable économie des clubs. La stabilité d’un équilibre coopératif
étant d’autant plus élevée que le nombre d’établissements est faible, le nombre relativement
restreint d’établissements bancaires opérant dans les pays subsahariens au cours des deux dernières
décennies a renforcé la naissance de comportements coopératifs.
55
La stratégie de menace n’est crédible que si les entreprises s’y tiennent quelque soit le sous-jeu considéré, c’est-à-dire un
nouveau jeu qui débute à une période t quelconque et dure jusqu’à la dernière période.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 191
Le facteur géographique amplifie la dimension temporelle car les réseaux des grandes
banques étrangères cohabitent souvent dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Le
déclenchement d’une guerre des prix par un acteur dans un pays aurait sans aucun doute des
répercussions pour ses filiales implantées dans d’autres pays en raison des représailles mises en
œuvre par ses concurrents disposant de réseaux panafricains. Ce véritable « équilibre de la terreur »
dissuade fortement les révisions tarifaires susceptibles de bénéficier aux entrepreneurs et ménages.
Les barrières à l’entrée, en limitant la portée de la contestabilité ont très souvent amplifié ces
phénomènes56.
Figure 45: Matrice de contestabilité des différents sous marchés bancaires sud-africains. Source :
Task Group Report for the National Treasury and the South African Reserve Bank (2004),
Au-delà d’une présentation qualitative des barrières, il existe malheureusement peu
d’analyse quantitative du degré de constestabilité des marchés bancaires subsahariens. Celles-ci sont
d’autant plus rares que la mesure du degré de contestabilité et son effectivité doivent normalement
56
On peut citer l’image de marque des banques établies de longue date, la réputation des banques étrangères, les coûts
élevés pour introduire différentes innovations technologiques, les textes réglementaires favorisant les banques déjà actives,
les réseaux de connaissance et liens plus ou moins formels avec les régulateurs.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 192
être effectuées par marché et sous marché. L’Afrique du Sud est le seul pays africain pour lequel un
tel travail a été réalisé à l’aide d’une matrice de constestabilité bancaire détaillée57.
Au sein de cette matrice, un sous marché est défini par le type de consommateurs et de
produits. Les nombres dans chaque cellule indiquent la plus ou moins grande facilité d’entrée dans le
sous marché (de 0, faible contestabilité à 10, forte contestabilité). En raison du degré de maturité
financière du marché sud africain, les résultats de ce pays constituent à l’échelle subsaharienne un
benchmark pour les autres pays subsahariens.
Ils caractérisent une contestabilité à géométrie variable, fonction du type de marché
considéré. Celle-ci est beaucoup plus importante pour les ménages à hauts revenus et les grandes
entreprises quelque soit le type de produits financiers. Pour ces deux types de clientèles, une analyse
par type de produit révèle des niveaux de contestabilité plus forts pour les services, les dépôts et les
crédits par rapport aux moyens de paiements. Pour les trois premiers produits, le niveau de
contestabilité est élevé en raison de la facilité des grandes entreprises et ménages à hauts revenus à
accéder aux marchés internationaux pour trouver des substituts ou des concurrents aux acteurs
financiers sud-africains. En matière de moyens de paiement, cette mise en concurrence
internationale est plus difficile en raison de leur utilisation dans un cadre national.
L’étude de PricewaterhouseCoopers, s’appuyant sur les réponses de dirigeants de différentes
institutions financières africaines, caractérise les marchés de la banque de détail et de la banque
commerciale comme étant les plus soumis aux pressions concurrentielles en Côte d’Ivoire, au
Sénégal et au Kenya. Toutefois, si les banques kenyanes affirment avoir procédé à de profonds
changements stratégiques sur ces deux segments de marché, les banques ivoiriennes et sénégalaises
ne se sont livrées qu’à de légères modifications. A contrario, les marchés du crédit immobilier, de la
banque d’affaires et d’investissement affichent une concurrence limitée (PricewaterhouseCoopers,
2007).
Au final, que ce soit en termes de structure (concentration) ou de comportements, les
marchés bancaires africains semblent définitivement caractérisés sur longue période par des niveaux
de concurrence faibles. Au-delà des risques micro et macro ou de la qualité des infrastructures, ces
niveaux réduits de concurrence sont de plus en plus envisagés comme étant une des explications du
faible niveau d’efficience des acteurs bancaires (§3).
§3-FAIBLE CONCURRENCE ET FAIBLE EFFICACITE BANCAIRE : LE LIEN PAR LES INEFFICIENCES X
57
L’étude réalisée par le cabinet PricewaterhouseCoopers, Initial Perspectives on Strategic and Emerging Banking Issues in
Key African Markets, apporte quelques informations sur la nature de la concurrence et de la contestabilité au Kenya, en Côte
d’Ivoire et au Sénégal.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 193
La concurrence comme aiguillon de l’efficacité des établissements bancaires n’a pas toujours
été un thème à la mode dans l’espace subsaharien. Comprendre le rôle de la concurrence sur la
gouvernance et l’efficience des banques africaines (B) requiert, par conséquent, un détour par la
théorie de l’organisation de la firme et une introduction à la notion d’excédent organisationnel (A).
A-Le « slack » comme mesure du degré d’inefficience des processus de la firme
Loin de la vision néoclassique faisant de l’entreprise une boîte noire soumise à des
comportements de maximisation du profit et de minimisation des coûts, elle est le lieu de coalitions
entre groupes (salariés, dirigeants, actionnaires) possédant chacun des fonctions d’objectifs
divergeant de celle des propriétaires, en l’occurrence la maximisation du profit. Cette présentation
plus fine de l’entreprise a été présentée par Cyert et March (1960) afin de définir la notion de "slack"
(le « mou » dans une traduction littérale française) ou excédent organisationnel. L’excédent
organisationnel correspond aux paiements faits aux différents membres des coalitions pour les
inciter à demeurer au sein de l’organisation. Il correspond à l’écart entre la situation optimale décrite
par l’économie néoclassique et la réalité des comportements humains (Michard, 2000).
Ces paiements, selon Cyert et March, permettent d’assurer la cohésion de la structure et sa
viabilité mais entraînent une déperdition de ressources qui affectent le résultat comptable de
l’entreprise.
Le "slack" représente l’ensemble des paiements effectués aux différents membres des
coalitions qui sont excédentaires par rapport à ce qui est nécessaire à l’activité et à la survie de
l’organisation (Cyert et March, 1959). Intuitivement, on peut penser que cette dérive des objectifs
de l’organisation est d’autant plus vive que le processus concurrentiel est faible. Cette intuition qui
veut que la concurrence soit une condition à la réalisation de l’efficience opérationnelle est assez
ancienne58.
En dépit de celle-ci, la majorité des recueils académiques considéraient jusqu’aux années
1960 comme acquis une vérité théorique: les entreprises combinaient de manière efficiente les
facteurs de production, minimisaient leurs coûts de production et de distribution pour chaque niveau
de production. Ce postulat dérive du comportement de maximisation du profit sous-tendant la
théorie de la firme que l’on soit en oligopole, monopole ou concurrence. Cette vision idéaliste a été
profondément remise en cause par Harvey Lebenstein (1966).
58
Bien avant Lebenstein et son analyse de l’efficience X, Chadwick écrivait en 1859:
“…where a single tradesman is permitted to have the entire and unconditional possession of a field of service, as in remote
rural districts, he generally becomes indolent, slow, unaccommodating, and too often insolent, reckless of public
inconvenience, and unprogressive. To check these evils, competition of a second is no doubt requisite.”
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 194
Pour Lebenstein, sur des marchés caractérisés par une concurrence imparfaite, les coûts de
production ont tendance à être supérieurs au niveau minimum requis pour une production
efficiente. Cette divergence du coût efficient résulte des comportements des managers et des
employés qui substituent, partiellement ou totalement, leurs propres intérêts à la maximisation du
profit, objectif numéro un des actionnaires.
Le slack qui résulte de ces comportements divergents peut être mesuré de trois manières. La
première méthode se fonde sur l’analyse comptable des surévaluations budgétaires, des dépenses
discrétionnaires des dirigeants mais aussi des coûts de non qualité. La deuxième approche est fondée
sur la comparaison avec les meilleures entreprises du secteur. Elle repose sur le benchmarking ou
alors la construction de frontières d’efficience. La dernière technique est celle proposée par
Lebenstein dans ses travaux. Depuis ceux-ci, il est de coutume d’appeler inefficience X l’écart entre le
coût de production minimum et le coût réel. Or, pour Lebenstein, il existe une relation entre degré
de pouvoir de marché et inefficience X.
B- La concurrence comme facteur de bonne gouvernance des entreprises bancaires
Crew, Rowley et Jones-Lee (1971), s’inspirant des travaux de Lebenstein, ont développé la X
Theory de l’entreprise afin d’expliquer la coexistence d’inefficiences X et de l’objectif de
maximisation du profit sur des marchés concurrentiels. Pour Crew et al., la maximisation du profit est
l’objectif central de la firme - dans notre cas de l’entreprise bancaire. Toutefois, la séparation entre
propriété et gestion effective de l’entreprise génère des écarts entre les fonctions d’utilité des
gestionnaires et du personnel et celles des actionnaires avec de potentielles divergences de l’objectif
de maximisation du profit. La concurrence et la crainte d’une menace de faillite exercent un effet de
discipline aussi bien sur les gestionnaires et les employés en alignant leurs objectifs personnels avec
celui de maximisation du profit.
Or, la baisse du degré de concurrence crée un terreau favorable à une démotivation du
personnel et crée un terreau favorable à l’émergence d’inefficiences X. Plusieurs solutions ont été
envisagées pour remédier aux inefficiences X : la discipline par le marché, la menace d’acquisition, les
stock-options, la rémunération à l’objectif. Malheureusement, la majorité de ces mesures ont un
coût pour l’entreprise et ponctionnent des ressources qui doivent être intégrées dans la fonction de
coûts, rehaussant d’autant celle-ci.
On peut en déduire que les fonctions de coûts de banques opérant sur des marchés non
concurrentiels sont, ceteris paribus, plus élevées qu’en situation de concurrence. Il est possible de
percevoir les effets des inefficiences X sur offre de crédit et le taux demandé dans le cadre du
modèle d’arbitrage de Williamson. Dans cette version adaptée à la sphère bancaire (figure 45), les
coûts du monopoleur sont réduits par la présence d’économies d’échelle mais rehaussées par le
surcoût associé aux inefficiences X. Elle permet, par ailleurs, de mettre en évidence l’arbitrage entre
les inconvénients liés à une structure de marché non concurrentielle (inefficiences X, niveau de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 195
production plus faible et prix plus élevé) et les avantages de la grande taille (économies d’échelles et
possibilités de répercuter celles-ci vers les clients à travers des baisses des prix).
La figure 45 présente deux cas de figure : dans le premier scénario, les économies d’échelles
l’emportent sur l’élévation des coûts liés aux inefficiences X tandis que dans le second scénario, les
coûts résultant des inefficiences X sont supérieurs aux gains nés des économies d’échelles.
En situation de concurrence, la courbe de coût moyen de l’ensemble des établissements
bancaires est confondue avec la courbe de coût marginal (Cm). L’industrie offre un volume de crédits
OQ1 au taux d’intérêt OP2. Lorsque l’intégralité de la production de la branche est réalisée par un
établissement bancaire monopoleur, celui-ci profite des économies d’échelles réalisées (sa courbe de
coût marginal Cm2 est plus basse que Cm) mais il doit subir la hausse des coûts résultant de
l’augmentation du slack organisationnel.
Le monopole est une structure plus efficiente que la concurrence si les économies d’échelles
dégagées l’emportent sur les inefficiences X. Si l’inefficience X n’absorbe pas toutes les économies
d’échelles, la courbe de coût de l’entreprise est (Cm2<Cm). La banque en situation de monopole
propose un volume de crédit OQ2 au prix OP2. Graphiquement, l’arbitrage s’effectue entre les gains
associés aux économies d’échelles (l’aire P1BDC2) et la perte liée au slack (triangle de Harberger
ABC).
A l’inverse, lorsque l’inefficience X et les mesures de discipline absorbent les économies
d’échelles, le monopoleur bancaire a une courbe de coût Cm3>Cm avec un niveau de crédits offerts
OQ3 au taux d’intérêt OP3. Il n’y a pas d’arbitrage dans la mesure où le coût additionnel doit être
ajouté au triangle de Harberger pour calculer la perte imputable au monopole.
Les études menées sur l’efficience X au sein des banques attestent de l’existence de
nombreuses inefficiences en matière de coûts [Cf. les travaux de (Northcott, 2004) pour une revue de
la littérature). Bien que fondées principalement sur des études américaines, ces travaux font état de
près de 20 pourcent d’inefficiences. En dépit d’une volonté d’identifier leurs origines (taille des
banques, organisation de la banque, caractéristiques des marchés, âge de la banque, ratio prêt/actif),
les résultats sont mitigés. Toutefois, ces études s’accordent sur l’existence de gains potentiels en
matière d’efficience.
Autre conclusion intéressante de ces études : le lien entre structure concurrentielle et plus
grande efficience semble être établi empiriquement. Angelini et Cetorelli (2000) affirment que
l’industrie bancaire italienne est devenue plus compétitive après les réformes réglementaires
introduites en 1993. Schure et Wagenvoort (1999) mettent en exergue une amélioration de
l’efficience X dans le secteur bancaire italien après 1993. Evanoff et Ors (2002) concluent qu’une
amélioration de la concurrence (mesurée comme une augmentation de l’entrée ou alors la création
de concurrents viables) est associée à l’efficience X dans le secteur bancaire américain.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 196
Taux d’intérêt
Les implications en termes
de bien être des
inefficiences X
F
P3
A
P2
Cm3
B
C
P1
C2
E
D
O
Q3
Q2
Cm
Cm2
Q1
Volume de crédits
Figure 46: Les implications en termes de bien être des inefficiences X. Source : adaptation à la sphère
bancaire par l’auteur d’après Rowley, C. et Rathbone, A. (2004)
Il n’existe malheureusement pas d’études sur les inefficiences X portant sur l’ensemble des
pays de l’arc subsaharien en raison de la qualité, de la rareté, de la non homogénéité des données et
de la difficulté à y accéder59. En reprenant toutefois le cas sud africain, Okeahalam (2006), se basant
sur l’étude de 61 filiales de banques établies dans l’ensemble du pays, estime que celles-ci
pourraient réduire leurs coûts de 17% en améliorant leur degré d’efficience.
L’amélioration de la concurrence pourrait donc avoir des effets non négligeables sur le degré
d’efficacité des banques subsahariennes. Face à cette conclusion à même de satisfaire les utilisateurs
des systèmes financiers subsahariens, la crainte des institutions bancaires de perdre une partie de
leurs revenus substantiels liés au faible degré de concurrence traduit l’existence d’un délicat
arbitrage entre les deux éléments contribuant à la rentabilité : le PNB et la gestion des coûts.
59
Obtenir des données (notamment microéconomiques) sur l’ensemble du système financier apparaît difficile.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 197
L’incertitude associée aux effets de la concurrence pourrait expliquer que dans de nombreux
pays africains l’arbitrage ait accordé une moindre attention aux effets de la concurrence sur
l’efficacité, inhibant les effets potentiels dans ce domaine.
SECTION III – LE PARI DES PAYS SUBSAHARIENS : LIMITER LA
CONCURRENCE POUR FAVORISER LA STABILITE AU DETRIMENT DE
L’EFFICACITE ET DE LA DIVERSITE ?
Suite aux crises financières qui ont affecté les économies subsahariennes à partir du milieu
de la décennie 80 (Cf. partie III pour une présentation détaillée), les plans
d’assainissement/restructuration des intermédiaires financiers (notamment les banques) ont eu à
cœur de jeter les bases de systèmes financiers dont les structures seraient à même de promouvoir la
stabilité des intermédiaires financiers tout en mettant en œuvre des politiques de libéralisation
financière.
Or, l’observation des trajectoires de libéralisation financière au sein de la sphère
subsaharienne et des pays de l’OCDE révèle une divergence de taille dans leur conduite. En effet, au
sein de ce deuxième groupe de pays, le processus de libéralisation économique et financière est allé
de pair avec la mise en place de politiques de la concurrence fortes (principe de libre détermination
des prix, proscription des ententes et création d’autorités dotés de moyens d’investigations et de
sanction conséquents). A contrario, dans les pays subsahariens, la libéralisation n’a pas été
accompagnée par la mise en œuvre d’institutions capables de garantir la concurrence. Celles-ci ont
souvent été créées tardivement et leur effectivité est souvent plus que limitée en raison d’un
manque de moyens. En l’absence de politique de la concurrence, la libéralisation financière s’est
traduite par une réforme des structures sans une réelle modification des processus. Or, le succès des
politiques de libéralisation financière repose sur une hypothèse forte (McKinnon, Shaw, 1973) :
l’existence de marchés concurrentiels.
Au-delà de la rhétorique, ce faible intérêt pour l’existence d’un équilibre concurrentiel peut
être interprété de deux manières. Premièrement, on peut penser que pour les praticiens du processus
de libéralisation, la concurrence devait naître naturellement de la réforme des structures et devait
produire de manière mécanique ses effets théoriques. Pour les concepteurs de ces programmes, les
entreprises privatisées, notamment dans le secteur bancaire, opéreraient automatiquement en
situation de concurrence ou alors créeraient la concurrence. Ce faisant, une attention limitée a été
accordée aux défaillances de marchés ou aux processus pouvant limiter la réalisation du processus
de concurrence.
Les bailleurs de fonds et les Etats subsahariens ont souvent compté sur la capacité de
mesures macroéconomiques à promouvoir la concurrence et stimuler la productivité des entreprises
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 198
nationales. Malheureusement, autant la libéralisation du commerce international n’a pas suscité une
concurrence plus vive au sein des entreprises de la sphère réelle, autant on peut penser que
l’ouverture du compte de capital et la désintermédiation n’ont pas réussi à générer une plus grande
concurrence au sein des sphères financières africaines et augmenter l’offre de produits et de
services.
Les acteurs en charge de la mise en œuvre et du suivi des programmes de réformes des
systèmes financiers subsahariens ont accordé peu de place à la vérification de la réalité ou de la
réalisation de cette hypothèse. Ainsi, les conditionnalités des prêts des bailleurs de fonds
internationaux aux pays africains n’intégraient généralement aucun critère précis sur les politiques
nationales de la concurrence (Gray et Davis, 1993). Cette absence d’intérêt pour la concurrence et
ses effets dans les pays africains se manifeste par le peu d’études existant en la matière. La
littérature théorique sur la politique de la concurrence est essentiellement fondée sur des
expériences américaines et européennes avec peu de modèles spécifiques aux pays en voie de
développement. Contrairement à la macroéconomie avec l’apport d’Agenor et Montiel (1996), il
n’existe pas de travaux d’envergure visant à adapter au contexte des pays en voie de développement
et africains les modèles de concurrence généraux ou spécifiques à la sphère financière *à l’exception
des travaux de Rey (1997)].
La combinaison de ces manquements explique que seuls une douzaine de pays en voie de
développement disposaient de dispositifs de la concurrence se rapprochant du corpus des pays de
l’OCDE à la fin des années 80 (Gray et Davis, 1993). Près de vingt ans plus tard, peu de pays d’Afrique
subsaharienne disposent d’un corpus en matière de concurrence appliquée ou applicable au sein de
la sphère financière. Le contrôle du degré de concurrence ne faisant pas partie de manière explicite
des prérogatives des autorités bancaires, cette absence crée un vide.
Face à l’adoption de textes législatifs ou réglementaires régissant la concurrence dans de
nombreux pays d’Afrique subsaharienne, on peut toutefois s’interroger quant à leur application ou
applicabilité. Les institutions internationales commencent à prendre conscience de la présence de
cette lacune dans leur agenda de développement. La Banque Mondiale (1993) conclut que de
nombreux pays en voie de développement ont mis en œuvre des processus de privatisation
inefficaces qui ont créé des monopoles privés protégés de toute forme de concurrence. Elle fait, par
ailleurs, de la création d’agences de régulation efficientes la solution à ces dérives.
A cette première ligne d’explication mettant en avant le désintérêt ou l’absence de moyens de
supervision pour contrôler l’état de la concurrence dans les systèmes financiers, s’ajoute une
deuxième hypothèse fondée sur une décision rationnelle des autorités en charge de la
régulation/réglementation du secteur bancaire de privilégier, dans un contexte post-crise, le
renforcement de la santé des acteurs bancaires au détriment de leur efficacité. Cet arbitrage repose
sur l’opposition entre une partie de la littérature faisant de la concurrence au sein de la sphère
financière un facteur de régression pour le secteur bancaire (§2) et différents travaux postulant que
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 199
seule la concurrence est à même d’améliorer le volume, la qualité et la diversité des services offerts
par les intermédiaires financiers (§1).
§1-LE LIEN POSITIF ENTRE CONCURRENCE ET DEVELOPPEMENT FINANCIER
Les systèmes bancaires de l’arc subsaharien ont été caractérisés supra comme étant
faiblement concurrentiels aussi bien en termes de structures que de comportements de marché.
L’application à la sphère bancaire des modèles d’analyse traditionnels de l’économie industrielle
laissent supposer que plus de concurrence au sein des systèmes bancaires africains contribuerait à
apporter une solution à la problématique du sous-développement financier notamment à travers
une hausse du volume de financement, de meilleurs taux d’intérêts pour le consommateur et un
effet sur l’innovation financière.
A-La concurrence comme facteur d’amélioration de l’offre bancaire à travers son influence
sur les prix et les quantités
Les développements suivants s’appuient sur Rowley et Rathbone (2004) pour analyser
l’impact des structures du marché bancaire en fonction de leurs conséquences sur la maximisation
du bien être et l’efficience économique. Elle part d’un constat : si une structure de marché se révèle
supérieure à celle en place, ce différentiel d’efficience économique justifie une politique économique
visant à y remédier.
Les économistes se situant dans cette veine théorique et empirique utilisent le test de
compensation potentiel de Kaldor-Hicks-Scitovski pour déterminer si un changement de structure de
marché améliore le bien être. Ce test repose sur un certain nombre de conventions et sur une
fonction de bien être social reposant elle aussi sur un certain nombre de postulats émis par
Harberger (Harberger, 1971) et de forme :
Max W= TR + S – (TC-R)
Avec
W: le profit économique net
TR : la recette totale S : surplus du consommateur
TC : coût total net
R : la rente infra marginale
Le profit économique net, résultat de la confrontation sur le marché, est égal à la somme du
gain réalisé par le producteur (la recette totale), celui du consommateur (le surplus du
consommateur) minoré par le coût de production et la rente que s’octroie le producteur en fonction
de son pouvoir de marché.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 200
Sur la base de la fonction de bien être social, Harberger (1954) identifie le coût social du
monopole et l’associe à la perte sèche du consommateur. Cette dernière, jusque là connue sous le
nom de triangle de perte sèche de Marshall est aujourd’hui communément appelée triangle de
Harberger. La figure 46 constitue une application de cette analyse en équilibre partiel à la sphère
bancaire. Elle permet de déterminer les effets de différentes structures bancaires sur le bien être
économique. Nous avons :
Cm: représente la fonction de coût marginal de l’industrie bancaire. Elle est identique quelque soit le
type de structure bancaire caractérisant l’industrie (monopole ou concurrence).
DD’ : est la demande adressée à l’industrie qui peut être un monopoleur ou alors une multitude
d’acteurs en situation de concurrence.
La production d’équilibre du monopoleur est celle lui permettant de maximiser son profit en
égalant son coût marginal et sa recette marginale (OQm). La production d’équilibre de la branche en
situation de concurrence pure et parfaite correspond au niveau de production pour lequel le coût
marginal des entreprises bancaires est égal aux prix (OQc). Ce dernier pouvant être soit un taux
d’intérêt ou alors une commission. Pm et Pc s sont respectivement les prix de monopole et de
concurrence.
La perte de surplus du consommateur attribuable au monopole est mesurée par la surface
PmACPc. Celle-ci doit être comparée avec le surplus du producteur mesuré approximativement par la
surface ABPcPm. La différence entre la perte de surplus du consommateur et le surplus du producteur
est à l’origine d’une perte nette qui est équivalente au triangle ABC dit de Harberger. On en déduit
que le monopole bancaire mais aussi les différentes structures de marché intermédiaires sont source
de crédits octroyés à l’économie moins importants à des taux d’intérêts plus élevés.
Cette analyse est validée par différents modèles d’économie industrielle bancaire s’inspirant
du modèle de Monti-Klein. Ils trouvent leur inspiration dans la théorie de l’oligopole et dans la
dérivation proposée par Waterson et Cowling (1976).
Pour ces modèles, dans un marché caractérisé par la concurrence pure et parfaite, les
banques maximisent leurs profits en considérant les prix comme donnés. Les coûts et les prix sont
donc minimisés. Dans cette situation, une plus grande quantité de crédit sera allouée avec des taux
d’intérêts plus faibles. A l’inverse, les banques jouissent d’un pouvoir de marché lorsqu’elles peuvent
fixer des taux supérieurs à leur coût marginal avec pour conséquences la réduction de la quantité de
crédit octroyée et des taux d’intérêts plus élevés. En présence d’opportunités de différenciation,
Besanko et Thakor (1992) concluent que le taux d’intérêt demandé pour les crédits décroît et le taux
d’intérêt proposé aux déposants augmente avec le nombre de banques pénétrant sur le marché.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 201
Taux d’intérêt
La perte de surplus de
consommateur attribuable au
D
Perte
sèche
attribuable
A
au
ou
charge
monopole Economies d’échelles
monopole
et arbitrage en matière de bien
bancaire
Pm
être
C
Pc
Cm
B
D’
O
Qm
Qc
Volume de crédits
Figure 47: la perte de surplus de consommateur attribuable au consommateur. Source : adaptation à
la sphère bancaire par l’auteur d’après Rowley, C. et Rathbone, A. (2004)
Au-delà de ces approches en équilibre partiel, plusieurs modèles en équilibre général
attribuent des vertus bénéfiques à un degré de concurrence bancaire plus élevé sur le sentier de
croissance de l’économie. Pagano (1993) a démontré que le pouvoir de marché et ses effets sur les
taux d’intérêts (taux d’intérêts sur les crédits plus élevé et rémunération des dépôts plus faible)
réduit le volume de fonds disponibles pour financer l’investissement. Ce faisant, le pouvoir de
marché exerce un effet dépressif sur le taux de croissance économique. Guzman (2000) a confirmé
cet effet négatif du pouvoir de marché dans le cadre d’un modèle d’équilibre général en comparant
deux économies se différenciant uniquement par la nature de la concurrence au sein de leur système
bancaire (branche bancaire dominé par un monopole ou alors en situation de concurrence parfaite).
Le niveau d’accumulation du capital au sein de l’économie desservie par la banque monopolistique.
Deux raisons semblent pouvoir expliquer ce phénomène: les coûts plus élevés de monitoring et
l’amplification des conséquences du rationnement du crédit en situation monopole. En effet, lorsque
sont réunies les conditions nécessaires au rationnement du crédit, les deux formes extrêmes de
comportement concurrentiel (monopole et concurrence parfaite) demandent tous deux le même
niveau de rémunération pour les crédits. Toutefois, le monopole propose des taux de rémunération
plus faibles aux épargnants. En l’absence de rationnement de crédit, la banque en situation de
monopole demande un niveau de rémunération plus élevée pour ses prêts.
Black et Strahan (2000) se sont penchés sur la capacité d’une structure de marché donnée à
promouvoir l’activité entrepreneuriale. Sur la base de données américaines et portant sur différentes
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 202
industries, ils concluent que le nombre de créations d’entreprises était plus faible dans les Etats où la
concentration bancaire était la plus forte. Jayaratne et Strahan (1996) ont essayé de mesurer les
effets de la levée des restrictions portant sur l’implantation de banques dans différents Etats, ces
mesures étant supposées avoir un effet positif sur la concurrence. D’après leur étude, la production
industrielle et le revenu des Etats ont crû après la mise en œuvre de ces modifications
réglementaires.
Cette première approche permet de souligner les effets positifs de la concurrence sur deux
dimensions du développement financier : la profondeur, à travers son action sur la quantité de
services financiers proposés, mais aussi sur l’efficacité et l’accessibilité en raison de la réduction du
coût des services financiers. La diversité peut aussi bénéficier des processus vertueux suscités par la
concurrence, notamment en raison de son influence sur l’innovation.
B- L’action de la concurrence sur une des sources de la diversité des systèmes bancaires :
l’innovation
Sans revenir sur une littérature abondante, de nombreux rapports et études expliquent le
succès de la micro finance dans les pays africains par l’inadéquation entre les besoins du public et les
produits ou services bancaires proposés par les banques locales. La majorité des produits et services
sont parfois datés, relèvent d’un cadre réglementaire ancien ou sont importés et peu en phase avec
les besoins domestiques. Ce constat est aussi celui de l’incapacité des institutions bancaires locales,
incapables d’innover et de proposer des produits qui puissent répondre aux besoins de leur clientèle.
Face à ce constat, il n’est pas inutile de s’interroger sur le rôle des structures de marché dans le
maintien du statu quo et l’inhibition de l’innovation financière.
A titre de rappel, l’invention peut être définie comme le processus par lequel des facteurs de
production et des connaissances sont combinés pour produire des connaissances techniques.
L’innovation est le processus au cours duquel l’invention est utilisée commercialement pour la
première fois.
Le débat autour de la structure de marché la plus à même de promouvoir l’invention et
l’innovation est ancien et dépasse largement le cadre de la sphère bancaire. Cette question a suscité,
en particulier, une vive controverse entre les tenants de l’école néoclassique représentés par les
travaux de Kenneth Arrow (1962) et Harold Demsetz (1969).
Arrow recourt à la notion de profit potentiel afin d’examiner la motivation d’inventer et
d’innover en régime de concurrence et de monopole. Pour ce faire, il centre son analyse sur une des
propriétés de l’information : son indivisibilité lors de son utilisation. Deux options extrêmes et deux
types de mécanismes peuvent survenir et être mis en jeu.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 203
Considérons la situation en équilibre concurrentiel. L’invention est diffusée mais l’inventeur
détermine le niveau de royalties pour utiliser celle-ci. Dans le cas d’un marché dominé par un
monopole, seul le monopoleur innove et des barrières à l’entrée empêchent l’entrée d’imitateurs
potentiels. Concentrant son analyse sur les innovations entraînant une réduction des coûts, Arrow
conclut que des marchés concurrentiels fournissent une incitation à innover faible mais plus élevée
que celle enregistrée en situation de monopole.
Son analyse peut être résumée à l’aide de la figure 48. Les coûts unitaires sont de c avant
l’invention et de c’après cette dernière avec c’<c. Le prix concurrentiel avant invention est aussi c.
L’inventeur fixe à r le niveau de royalties par unité produite afin de maximiser la taille du rectangle
c’puvb qui représente le niveau de royalties qu’il peut recevoir (P’ est l’aire de cette surface).
L’inventeur potentiel investira d’autant plus que P’ sera grand et que le coût de l’invention est
inférieur à P’. S’il le fait, le prix de marché en concurrence passe de c à p.
Le monopoleur avant l’invention fixera son prix à w afin d’obtenir le niveau de production
pour lequel c, le coût marginal est égal à la recette marginale. Le profit est donné par la taille du
rectangle cwxy dont l’aire est P. Après invention, le coût unitaire passera de c à c’ et le nouveau prix
maximisant le profit passera à p, générant un nouveau rectangle P’.
En se fondant sur cette analyse, Arrow conclut que l’incitation à innover est plus faible en
monopole qu’en situation de concurrence car l’inventeur vendant à une industrie concurrentielle
souhaite inventer si son coût est inférieur à P’ tandis que le monopoleur désirera inventer seulement
si son coût est inférieur à P’-P.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 204
Taux d’intérêt
Modèle d’Arrow sur l’incitation à
inventer
x
w
P
y
c
p
u
P’
v
c’
D
MR
O
Q3
Q2
Q1
Volume de crédits
Figure 48: Modèle d’Arrow sur l’incitation à inventer. Source : adaptation à la sphère bancaire par
l’auteur d’après Rowley, C. et Rathbone, A. (2004)
Malgré ce résultat assez favorable à la concurrence, Arrow affirme que le processus
concurrentiel n’est pas à lui seul capable de maximiser le niveau d’inventions et il affirme qu’il s’agit
d’un domaine dans lequel l’intervention de l’Etat serait nécessaire. Cette analyse est validée
empiriquement dans de nombreux pays africains où de nombreux acteurs bancaires n’osent pas
lancer les investissements nécessaires à la mise en œuvre des innovations et se contentent de
perpétuer les modes traditionnels d’intermédiation.
A contrario, Demsetz présente un modèle plaidant en faveur de l’action du monopole en
matière d’innovation. Pour Demsetz, une des limitations du modèle d’Arrow réside dans la non prise
en compte de la restriction de production en situation de monopole. Une fois cet effet pris en
compte, il semble que le monopole n’impose aucune restriction à l’innovation et l’invention.
Dm et MRm représentent la courbe de demande et de recette marginale du monopole tandis
que Dc (MRm) est la courbe de demande à laquelle fait face l’industrie en situation concurrentielle
ajustée afin de prendre en compte l’effet normal du monopole sur le niveau de production. Pour le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 205
niveau de coût c, l’industrie concurrentielle produit le niveau cu, pour lequel le niveau de coût
marginal est égal au prix. Le monopoleur produit la même quantité cu. Graphiquement, on peut
constater que l’effet négatif du monopole sur le niveau de production est éliminé.
Taux d’intérêt
Modèle de Demsetz sur
l’incitation à inventer
t
P
P
u
c
p’
y
v
P’’
P’
w
x
c’
Dm
MRm=Dc
MRc
O
Q3
Q2
Q1
Volume de crédits
Figure 49: Modèle de Demsetz sur l’incitation à inventer, adaptation à la sphère bancaire par
l’auteur d’après Rowley, C. et Rathbone, A. (2004)
Sur la figure 49, P’’-P est clairement supérieur à P, ce qui laisse suggérer que le monopoleur
possède une plus forte incitation à innover une fois que la restriction de production normale est
levée.
Au coût c, le monopoleur reçoit avant innovation le profit P= cptu. Après innovation, le profit
de monopole est égal à P’’= c’p’yx. L’incitation à innover est, par conséquent, égale à P’’-P. Si
l’inventeur souhaite maximiser ses royalties en cédant son brevet à l’industrie caractérisée par une
situation de concurrence, il peut alors exiger de ses concurrents un niveau de royalties p’-c’. Un tel
niveau de prix forcera la branche à produire p’v et maximisera le niveau des royalties. La question est
de savoir si l’incitation à innover procurée par la branche concurrentielle c’p’vw (P’) est supérieure
ou égale à P’’-P.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 206
Demsetz considère que l’examen des structures de marché et les recommandations en
matière de politique de la concurrence devraient être faites avec un soin particulier afin de prendre
en compte non seulement le niveau de production mais aussi le différentiel dans l’incitation à
innover.
La confrontation à la réalité de la zone subsaharienne de ces deux lignées théoriques plaide
en faveur de l’argumentaire développé par Arrow. Dans la zone Franc, en particulier, le
développement de la monétique n’a pu se faire sans l’investissement massif des autorités de tutelle.
On peut penser que la création de GIE bancaires, à l’instar du modèle adopté en France pourrait
permettre une mutualisation des dépenses et assurer le développement de nouveaux services.
L’examen des contributions théoriques présentées dans cette section semble valider
l’intuition populaire qui fait de la concurrence un mécanisme susceptible d’améliorer l’efficience
économique et le bien être des consommateurs. Ainsi, l’application à la sphère bancaire de travaux
issus de l’économie industrielle laisse augurer que des systèmes bancaires africains animés par un
degré de concurrence plus élevé seraient à même d’offrir des volumes de crédits plus importants,
une meilleure rémunération des dépôts et une incitation à épargner plus forte. La concurrence
pourrait, par ailleurs, contribuer à stimuler l’innovation bancaire et permettre aux consommateurs
de disposer de produits adaptés à leurs besoins. L’agrégation de ces différents effets positifs fait de la
concurrence un outil fondamental d’amélioration de la qualité de l’intermédiation financière dans les
pays africains.
Toutefois, l’enthousiasme ne doit point se muer en euphorie car ces analyses reposent
principalement sur une application de principes généraux de l’économie industrielle. La prise en
compte de modèles plus spécifiques à l’activité bancaire (prise en compte des effets de la
concurrence sur la qualité de la relation client, la capacité de la banque à mieux financer certaines
catégories de clientèle ou la stabilité financière des banques) donne naissance à un arbitrage entre
certains gains de la concurrence et des effets potentiellement négatifs (§2).
§2- LA VISION DE LA CONCURRENCE COMME ELEMENT DESTABILISATEUR NE RESISTE PAS A UN
EXAMEN MINUTIEUX
Sans prétendre à l’exhaustivité, l’aspirant économiste peut identifier quatre canaux à travers
lesquels un degré de concurrence plus vif est susceptible d’affecter l’efficience du secteur bancaire.
Afin de rendre l’analyse plus intelligible, il est possible d’adopter une analyse reliant l’instrument (la
concurrence) à plusieurs objectifs intermédiaires (qualité du monitoring, qualité de la structure
bancaire, qualité de la relation client, valorisation de la banque) qui eux mêmes déterminent la
réalisation d’objectifs finaux correspondant aux attentes des consommateurs et des autorités
réglementaires (offre de crédits dans ses différentes dimensions, stabilité financière). Cette approche
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 207
a le mérite d’identifier la nature et l’enjeu de l’arbitrage autour de la concurrence : stabilité
financière contre avantage du consommateur. Elle permet, par ailleurs, de présenter intuitivement
différents travaux théoriques et de les organiser par canaux.
Le premier canal (A) relie la concurrence entre acteurs bancaires, à travers son influence sur
la qualité de la relation client, aux différentes dimensions de l’offre de crédit (volume, prix et
qualité). Au-delà de cette première relation, nous verrons que la concurrence peut avoir un impact
sur les différentes dimensions de l’offre de crédit à travers son influence sur l’efficacité du
monitoring d’une part (B) et la structure financière, d’autre part (C). Au final, un quatrième canal
présentera des études portant sur le lien entre concurrence au sein de la sphère bancaire et stabilité
financière (D).
Toutefois, de l’examen de ces différents canaux, il ressort qu’une concurrence reposant sur
des mécanismes d’appui solides, ne constitue pas en soi une cause de perturbation des relations et
équilibres bancaires.
A- Le lien entre concurrence, qualité de la relation client et les différentes dimensions de
l’offre de crédit (volume, prix et qualité)
Afin de prendre toute la mesure de ce lien entre concurrence, qualité de la relation client et
offre de crédit, un examen des spécificités de la relation de clientèle et des raisons faisant des
produits et services bancaires des instruments aux propriétés souvent inégalées constitue un détour
obligé (#1). Il permettra de comprendre les raisons qui ont amené un certain nombre d’économistes
à considérer que la concurrence pourrait avoir des effets néfastes sur la relation client et de là, sur
l’offre de crédit bien que quelques études soulignent qu’il n’en est rien (#2).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 208
Influence du degré de concurrence sur certains objectifs
du système bancaire
Objectifs
Instrument
Objectifs finaux
intermédiaires
Qualité du
monitoring
Qualité de la
Concurrence
Offre de crédit
- Volume
- Tarification
relation client
- Qualité
Structure
financière
Charter Value
Stabilité
(valorisation bancaire)
financière
Monitoring
Un meilleur monitoring permet de proposer plus de crédits à des prix plus avantageux et garantit l’orientation des
crédits vers les meilleurs projets (Action sur l’offre)
Un meilleur monitoring permet d’améliorer la qualité du portefeuille de crédits et limite l’aléa moral et anti sélection
(Action sur la stabilité financière)
Relation client
Une meilleure relation client permet d’augmenter le volume de crédit, de baisser les taux de rémunération des crédits
et d’orienter les crédits vers les meilleurs projets (Action sur l’offre)
Une relation client de qualité permet d’améliorer la qualité du portefeuille de crédits et limite l’aléa moral et anti
sélection (Action sur la stabilité financière)
Structure financière
Une structure financière plus forte autorise des volumes de prêts plus conséquents (Action sur l’offre)
Une structure financière plus forte permet, par ailleurs, une meilleure résistance aux chocs
(Action sur la stabilité financière)
Charter Value
FigureLes50:
Canaux
reliant lasemblent
concurrence
à l’offre
de crédit et
à larisques/hauts
stabilité financière
banques
ayantd’action
une forte valorisation
moins enclines
à des comportements
hauts
rendements (Action sur la stabilité financière)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 209
#1-Les raisons faisant de la relation client un processus financier particulier et
indispensable
Les banques possèdent un avantage en matière de traitement et de conservation de
l’information propriétaire. Les clients détenteurs de projet ou d’informations confidentielles révèlent
plus facilement un certain nombre d’informations sensibles à leur banque qui leur permet d’obtenir
un financement sans avoir à diffuser des informations confidentielles. A contrario, en sollicitant un
emprunt obligataire sur le marché, ces entreprises seraient contraintes de communiquer leurs
intentions au vu et au su de leurs concurrents (Bhattacharya et Chiesa, 1995).
Les banques peuvent adopter deux modèles de relations avec leurs clients : une approche
relationnelle ou alors transactionnelle. L’approche transactionnelle se fonde sur l’établissement
d’une relation de moyen long terme entre la banque et son client. Elle implique le développement
d’une expertise sectorielle. Les banques sont incitées à investir dans le recueil de l’information dans
le cadre de leur mission de créancier principal de long terme car, bien qu’il s’agisse d’une politique
onéreuse, elle autorise une possibilité de réutilisation de l’information client sur le long terme.
L’octroi de crédit est basé sur la rentabilité de long terme de l’entreprise cliente et non pas sur un
unique projet. Cette approche est différente de l’approche transactionnelle, relation fondée sur des
informations observables et accessibles et qui a pour finalité l’octroi de crédit ou de services
financiers sur une base ponctuelle.
La relation client possède, par ailleurs, un aspect discrétionnaire qui autorise une plus grande
flexibilité des décisions contrairement au marché dont le fonctionnement est fondé sur des règles
(introduction en bourse, publication d’information…). Dans certaines conditions, le prêt bancaire est
souvent considéré comme un contrat implicite de long terme fondé sur le respect et la confiance. Le
respect de ces contrats requiert un flux optimal d’information pour garantir leur applicabilité.
La banque relationnelle permet, en outre, un lissage inter temporel des conditions
contractuelles. Ce mécanisme autorise la banque à accepter des pertes au début de la relation avec
son client dans l’espoir de les recouvrir ultérieurement. Petersen et Rajan (1995) démontrent que les
banques peuvent se permettre d’octroyer des crédits subventionnés (c’est-à-dire à des conditions
dérogeant à la tarification normale) à des PME, ou de jeunes entreprises. Sur ce type de clientèle, les
établissements bancaires subissent des pertes au début de la relation qu’elles espèrent combler
ultérieurement. Un tel mécanisme permet aux banques de résoudre les problèmes d’aléa moral et
d’anti sélection. Il exerce aussi un double effet positif à la fois qualitatif (sélection des meilleurs
projets et des entreprises les plus innovantes) et quantitatif (niveau de crédit plus élevé) sur le
sentier de croissance de l’économie.
La renégociabilité des contrats bancaires constitue une autre caractéristique intéressante de
l’approche relationnelle. Les prêts bancaires sont plus simples à renégocier que les obligations ou
titres de dette et cette possibilité de renégociation contenue dans les contrats offre plus de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 210
flexibilité. Elle peut toutefois avoir des effets pervers dans la mesure où l’intensité de la relation peut
entraîner des phénomènes de capture. Dans un tel cas de figure, la banque ne joue pas son rôle
d’avertisseur. Néanmoins, certains travaux affirment que lorsque la banque occupe une position de
créancier de premier rang, elle peut intervenir de manière opportune.
Au final, il existe une réelle complémentarité entre titres de marché et prêts bancaires.
L’octroi de la qualité de créancier de premier rang par les détenteurs d’obligations peut permettre à
ceux-ci d’économiser sur leurs frais de gestion (Diamond, 1991) car les décisions bancaires ont un
effet de signalisation pour les autres créanciers (Hoshi et al., 1993).
Diamond (1991) insiste sur l’importance de ce mécanisme de complémentarité en
démontrant que les emprunteurs souhaitent dans un premier temps emprunter auprès d’une
banque afin d’établir leur crédibilité avant de lever des fonds sur le marché.
Ces différentes spécificités et avantages de la relation de clientèle sont susceptibles d’être
affectés par la nature et la dynamique de l’équilibre concurrentiel.
#2-L’impact de la concurrence sur la relation client et l’offre de crédit
La démonstration du lien entre degré de concurrence et intensité de la relation de clientèle
part d’une intuition. Ceteris paribus, on peut penser qu’en présence d’une concurrence plus vive, les
emprunteurs seraient tentés de changer plus fréquemment de banque afin de bénéficier
d’éventuelles promotions. Une telle volatilité de la relation client entraînerait les banques à anticiper
une réduction de la durée moyenne de la relation de clientèle. Ce raccourcissement réduirait la
valeur de l’information acquise et sa réutilisabilité (Chan, Greenbaum et Thakor, 1986), freinerait la
volonté des banques de s’engager dans toute relation bancaire de long terme et les contraindrait à
offrir des conditionnalités moins favorables à leurs clients.
Une telle décision aura des conséquences néfastes sur le processus de lissage inter temporel
des conditions de banques. En situation de vive concurrence, les banques peuvent être incitées à
mettre fin à leur mécanisme de subvention inter temporelle. L’anticipation d’une concurrence
bancaire plus vive ex-post est à même de décourager les prêts bancaires ex-ante.
Petersen et Rajan affirment qu’une banque disposant d’un certain degré de pouvoir de
marché sera plus encline à s’engager dans une relation de long terme avec des effets positifs dans
deux domaines : (i) une hausse du volume de crédits disponibles pour les jeunes entreprises et (ii)
une baisse du coût de financement.
A contrario, dans un système bancaire concurrentiel, la banque effectue une première
opération avec son client mais sans certitude que ce dernier se tournera vers elle pour ses
prochaines opérations. Les banques gèrent ce risque en exigeant des taux d’intérêts plus élevés
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 211
sachant qu’elles sont de toute façon susceptibles de se voir préférer une autre banque. Une telle
politique génère, en outre des comportements d’anti sélection.
Pour une banque disposant de pouvoir de marché, il est possible de proposer des taux
d’intérêts moins élevés en première période car, lors de futures opérations de prêts, elle pourra
profiter de l’amélioration de la rentabilité de l’entreprise. Il lui sera, par conséquent, possible de
bénéficier du flux de prêts, de taux d’intérêts et de commissions diverses sur une période plus
longue.
Des banques disposant de pouvoir de marché peuvent donc favoriser l’accès au crédit et être
source de croissance économique plus forte. Si l’approche dominante semble postuler une relation
conflictuelle entre concurrence et établissement d’une approche relationnelle, certains travaux
remettent en cause cette analyse (Boot et Thakor, 2000).
B- Le lien entre concurrence, structure financière et les différentes dimensions de l’offre de
crédit (volume, prix et qualité)
La concurrence est souvent citée au nombre des causes susceptibles de dégrader la richesse
nette des banques et leur structure financière. Ce faisant, elle participerait des facteurs à même
d’exercer un rôle dépressif sur l’offre de crédit. Toutefois, l’examen des statistiques, laisse supposer
que le sacrifice de la concurrence sur l’autel de la structure financière bancaire n’a pas produit les
effets escomptés.
Le volume de crédit accordé par une banque n’est pas uniquement fonction de la structure
concurrentielle du marché dans lequel elle opère mais dépend aussi de facteurs internes tels que sa
richesse ou valeur nette sur lesquels la structure de marché exerce une influence. Les approches
bancaires en termes d’accélérateur financier soutiennent cette hypothèse à travers des modèles
dans lesquels des chocs sur la valeur nette de la banque ont des répercussions sévères sur son offre
de crédit avec des conséquences néfastes pour la croissance (Bernanke, Gertler et Gilchrist, 1996).
Le ratio de solvabilité impose, en outre, aux banques d’avoir un niveau de fonds propres
équivalents à une fraction de leurs actifs pondérés par leurs risques. Si la banque ne satisfait pas ce
ratio, elle a plusieurs possibilités :
(i)
soit augmenter ses fonds propres,
(ii)
réduire la redistribution de ses dividendes
(iii)
ou alors diminuer ses actifs, et par conséquent réduire son offre de crédit.
Une banque craignant d’atteindre le niveau de fonds propre minimal ou alors ayant choisi de
maintenir ce niveau pour des raisons stratégiques (volonté de se constituer un coussin lui permettant
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 212
d’absorber de futurs chocs ou alors volonté de démontrer sa santé financière) peut décider de ne pas
prêter ou alors de financer uniquement des projets peu risqués.
Dans la mesure où les chocs affectant les fonds propres de l’entreprise bancaire sont à même
de contraindre ses décisions de prêts, il peut donc être préférable d’avoir des banques de grandes
tailles, plus rentables (donc capables de se constituer de réserves) et d’avoir la capacité de mener
une politique de prêts ambitieuse. Un système bancaire plus concentré, voire moins concurrentiel
peut permettre d’atteindre cet objectif. Suite aux crises bancaires africaines des années 90, cette
solution a été prônée dans de nombreux pays africains, notamment au Cameroun.
On peut toutefois se demander si cette stratégie de créations de "grands champions
nationaux" bancaires a été couronnée de succès. En effet, les chapitres précédents ont montré que si
les banques africaines ont connu une forte amélioration de leur rentabilité et affichent une
excellente santé financière, leur volume de financement n’a pas suivi la même progression.
C- Concurrence, efficacité du monitoring et les différentes dimensions de l’offre de crédit
(volume, prix et qualité)
La motivation des banques à s’engager dans le screening ne varie pas avec le nombre de
banques mais, en présence d’une technologie de screening imparfaite, un nombre plus élevé de
banques est susceptible de conduire à une détérioration de la qualité du portefeuille de prêts
bancaires. Toutefois, cette relation n’est pas aussi robuste que l’on pourrait le penser car plusieurs
mécanismes peuvent atténuer cet effet.
La relation entre nombre de banques et qualité décroissante du screening repose sur une
intuition: en situation de concurrence, les emprunteurs les moins risqués se voient accorder un prêt
par la première banque qu’il sollicite. Néanmoins, les banques se livrant à une concurrence acharnée
pour être les premières à offrir du crédit, les mauvais emprunteurs peuvent aussi accéder au
financement bancaire. Cet effet, nommé la malédiction du gagnant (« winner curse ») est amplifié
lorsque les emprunteurs rejetés par une banque peuvent faire une nouvelle demande auprès
d’autres banques.
Schaffer (1998) décrit ainsi un marché sur lequel les banques prêtent uniquement aux
emprunteurs qui ont été retenus par la technologie de screening comme étant de bonne qualité,
bien que cette technologie soit imparfaite. Dans son modèle, les emprunteurs rejetés par une
banque peuvent solliciter une nouvelle banque sans que celle-ci ne sache qu’ils ont déjà été rejetés.
Le nombre de prêts augmente avec le nombre de banques. Plus le nombre de banques est
important, plus faible est la probabilité qu’un emprunteur ne puisse obtenir de crédit.
Malheureusement, les créances douteuses sont une fonction croissante du nombre de banques. On
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 213
peut donc penser qu’il existe un lien entre la concurrence et la qualité du screening effectué par les
banques.
La création de registre de crédits pourrait briser ce cercle vicieux en signalant aux banques un
éventuel rejet antérieur d’un demandeur par un autre établissement bancaire. La réglementation
peut aussi jouer un rôle majeur pour contrebalancer cette causalité.
En accord avec les travaux précédents, Cordella et Yeyati (2002) démontrent que la
concurrence entraîne un moindre effort de monitoring de la part des banques mais cet effet peut
être nuancé par une obligation de diffusion de l’information sur le risque de portefeuille des banques
car elle exerce une discipline sur les banques et accroît leur motivation à superviser les créances. Au
final, en présence de mécanismes complétant l’activité bancaire et d’institutions de régulations
fortes, la concurrence peut produire tous ses effets positifs sans nuire à la qualité du screening.
D- Le lien entre concurrence, structure bancaire et le risque de contagion
Le peu d’intérêt accordé à la promotion de la concurrence dans la période post-crise
provient, peut être, du lien négatif établi par différentes études entre concurrence et stabilité au sein
de la sphère bancaire. Elles s’appuient toutes sur différentes caractéristiques de la firme bancaire qui
en font un acteur susceptible de déclencher et d’amplifier les chocs micro ou macroéconomiques
(#1). Elles divergent dans leur présentation des canaux par lesquels une augmentation du niveau de
concurrence peut affecter la santé des établissements financiers. Une première catégorie de travaux
présente la concurrence comme un facteur à même de réduire la valorisation des banques et
d’inciter leurs dirigeants à se livrer à des opérations à forte rentabilité mais présentant des risques
élevés (#2). Une deuxième catégorie d’études relie le degré de concurrence au phénomène de
contagion bancaire (#3). A chaque fois, différents arguments minimisent le rôle négatif de la
concurrence.
#1 - Instabilité bancaire et instabilité économique
De nombreux travaux empiriques et théoriques démontrent que toute instabilité dans la
sphère bancaire était susceptible d’avoir des conséquences beaucoup plus graves que dans d’autres
industries en raison du rôle des banques dans la sphère économique mais aussi de la composition de
leurs bilans. Les banques, en raison des prêts qu’elles accordent et les dépôts qu’elles reçoivent,
peuvent générer ou amplifier des chocs macroéconomiques de grande ampleur.
Ainsi, Kiyotaki et Moore (1995), présentent un modèle dans lequel face à un choc de
productivité, des banques confrontées à des asymétries d’information réduisent leur crédit suite à la
baisse de valeur du capital productif et du collatéral. Il s’ensuit un cercle vicieux dépressif pouvant
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 214
conduire les entreprises à la liquidation. Azariadis et Smith (1998), considérant une économie avec
asymétrie d’information et contrats incitatifs, affirment que pour certaines valeurs du stock de
capital, les contrats de prêts incitatifs conduiront à l’équilibre de premier rang tandis que d’autres
valeurs entraîneront un rationnement du crédit ou alors des fluctuations et de la production et du
stock de capital. Pour ces auteurs, l’obtention de l’équilibre first best n’est possible que pour des
niveaux d’épargne et de rémunération des dépôts bancaires suffisamment élevés.
Ces différentes tensions sont liées au décalage entre la maturité des actifs au sein du bilan
des banques (moyen, long terme) et l’exigibilité des passifs constitués le plus souvent de dépôts à
moyen terme. Ce décalage est source d’instabilité et peut provoquer des paniques bancaires à la
Diamond et Dybvig (1998), en l’absence de mécanismes d’assurance des dépôts.
Par ailleurs, les problèmes d’agence, classiques dans l’analyse de toute entreprise, prennent
une dimension encore plus forte dans la bancaire. Il est, en effet, difficile pour la multitude de
déposants (créanciers) d’effectuer un contrôle efficient des décisions prises par les gestionnaires de
la banque créant une situation propice au développement d’opérations hauts risques/hauts
rendements.
Ces faiblesses spécifiques à la firme bancaire peuvent se transformer en problèmes
systémiques par plusieurs canaux. Elles peuvent avoir un retentissement sur l’investissement des
entreprises. Les banques peuvent affecter le niveau de consommation par le canal du crédit à la
consommation mais aussi leur influence sur la richesse, la liquidité et les décisions intertemporelles
des consommateurs. Elles exercent, en outre, une influence profonde sur l’économie à travers la
gestion des moyens de paiements.
Cet ensemble de canaux et leurs conséquences pour l’ensemble de la sphère économique
expliquent que la stabilité du système bancaire soit au cœur des priorités des organes de régulation
de la sphère bancaire. Or, le débat en la matière est loin d’être tranché entre économistes. Au-delà
de l’impact que peut avoir la concurrence sur la qualité du screening et du monitoring et, par
conséquent, sur la qualité du portefeuille de crédits des établissements bancaires, nous
considérerons le rôle de la concurrence sur les processus de contagion bancaire (#2) mais aussi la
valorisation des banques et leur prise de risque (#3).
#2 - Effet de la concurrence sur la valorisation des banques et les comportements
hauts risques hauts rendements
Keeley (1990) affirme que l’augmentation des faillites bancaires aux Etats-Unis pendant la
décennie 1980 est liée à la hausse de la concurrence au sein de l’industrie bancaire. Son
argumentaire repose sur le lien entre charter value (la valorisation de la banque) et les
comportements de prise de risque. La charter value correspond aux profits auxquels peuvent
s’attendre les propriétaires d’une banque dans le cadre de ses futures opérations. Elle représente,
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 215
par ailleurs, le coût d’opportunité d’une faillite. Par conséquent, avant de se lancer dans une
opération, toute banque effectuera un arbitrage entre les gains attendus d’une prise de risque
supplémentaire et le risque de perte de sa valeur actualisée en cas de faillite.
Or, pour Keeley, des banques détenant des pouvoirs de marché possèdent des rentes plus
élevées et, par conséquent, des charters values plus fortes. Il en résulte un mécanisme
d’autodiscipline car le risque de faillite limite les comportements de prise de risque trop importants.
Une augmentation de la concurrence peut entraîner une baisse de la charter value à travers
l’anticipation de profits futurs moindres et provoquer une hausse des comportements de prise de
risque.
Toutefois, le lien entre concurrence, valorisation des banques et comportements risqués n’est
pas aussi intense qu’on pourrait le penser dans la mesure où d’autres acteurs déterminent la charter
value et semblent exercer une influence plus déterminante sur celle-ci.
Besanko et Thakor (1992) ont essayé de préciser les différents facteurs déterminant la
valorisation de la banque. Pour ces auteurs, elle tire son origine des informations propriétaires
obtenues dans le cadre de la relation client. Chez Perotti et Suarez (2002), la charter value augmente
lorsque les régulateurs adoptent une politique encourageant les banques saines à prendre des
participations au sein des banques en faillite. Ces politiques génèrent des rentes plus élevées pour
les rescapées.
Les exigences en matière de capitalisation des banques peuvent aussi exercer un rôle plus
important que la concurrence dans le déclenchement de stratégies hauts risques/ hauts rendements
préjudiciables aux opérateurs bancaires. Hellman, Murdock et Stiglitz (2000) ont analysé la charter
value dans un environnement caractérisé par l’existence de réglementations sur le capital des
banques. Ces exigences sont sources de pressions conflictuelles pour les opérations pouvant générer
un risque excessif. En effet, des exigences en capital plus élevées réduisent les incitations à prendre
des risques en augmentant les risques de perte en capital pour les actionnaires (capital-at-risk
effect). Toutefois, ces exigences ont un effet négatif sur la charter value, ce qui augmente la
probabilité de comportements de prise de risques (charter value effect). En présence de taux sur les
dépôts librement déterminés, les banques opérant sur un marché concurrentiel ont intérêt à
augmenter le taux proposé sur les dépôts afin d’augmenter leur part de marché. Ceci érode leurs
profits, diminue leur charter value et encourage la prise de risque.
Repullo (2003) modélise la concurrence sur le marché des dépôts. Les banques peuvent
réaliser un investissement prudent ou alors risqué. Repullo démontre que sans exigences en capital,
seul existerait un équilibre avec investissement dans les actifs risqués sur les marchés concurrentiels
et monopolistiques. Pour un marché médian (oligopolistique), il peut exister soit un équilibre avec
investissements risqués ou prudents : la structure concurrentielle exerce donc une influence.
Toutefois, dans un environnement avec exigences en fonds propres, l’équilibre prudent domine.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 216
Les travaux empiriques menés sur ce thème ne semblent pas accréditer l’existence d’un lien
étroit entre concurrence et prise de risque excessive.
Keeley (1990), s’inscrivant dans une série d’études empiriques reliant la concurrence à
l’instabilité bancaire, affirme que les faillites bancaires qui se sont produites aux Etats-Unis dans les
années 1980 étaient partiellement liées à l’augmentation de la concurrence qui a érodé les rentes de
monopole. La valorisation des banques a été fortement réduite ce qui a entraîné les banques à
prendre des risques plus élevés. Keeley démontre que la charter value des banques est relié de
manière positive aux fonds propres des banques et négativement au risque bancaire reflété par la
prime de risque dont les banques doivent s’acquitter. Demsetz, Saidenberg et Strahan (1996)
abondent eux aussi dans ce sens et démontrent que des charter values plus élevées sont associées
avec des fonds propres plus importants et un niveau de risque plus faible.
Une autre série d’études présentent soit des résultats mitigés ou alors contredisant les
travaux de Keeley. De Nicolo (2000), par exemple, examine la relation entre charter value et taille de
la banque. Pour ce dernier, il devrait exister une corrélation entre charter value et taille si la relation
entre concurrence et charter value était fondée. De Nicolo, au contraire, souligne qu’une
augmentation de la taille est associée à une moindre charter value et à un risque d’insolvabilité plus
grand.
En fait, bien qu’une plus grande charter value soit une motivation pour adopter des
comportements plus prudents et générer un moindre risque d’insolvabilité, la taille et le pouvoir de
marché ne sont pas des éléments déterminants dans ce processus d’auto discipline. En fait, la
rentabilité d’une banque recevant un choc dépend en premier lieu de son comportement en matière
de prise de risque. La littérature financière revient longuement sur la forte probabilité d’entreprises
fortement endettées de s’engager dans des comportements risqués. Ce problème d’agence est
particulièrement exacerbé dans le cas de l’industrie bancaire car l’effet de levier y est très fort. Les
dépôts sont de petite taille, nombreux, appartiennent à une population de déposants dispersée,
éparse et mal informée des activités de leurs banques.
L’existence de système d’assurance des dépôts n’incite, par ailleurs, pas les déposants à
surveiller les prises de risque de la banque. Une meilleure gouvernance d’entreprise constitue donc
le véritable enjeu car celle-ci est à même de permettre à la concurrence d’exercer pleinement ses
effets. La concurrence ne devrait donc pas constituer un danger pour les systèmes bancaires
africains. A contrario, elle pourrait limiter les risques de contagion liés aux crises systémiques.
#3 - Effets de la concurrence sur la contagion bancaire
La contagion se définit comme le risque qu’un choc lié à la liquidité ou au crédit sur un des
participants du système financier soit à l’origine d’une série de chocs pour les autres membres du
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 217
système financier. Un tel scénario peut intervenir à travers la mise en œuvre de mécanismes directs
ou indirects. Les mécanismes directs mettent en œuvre les relations que les banques nouent entre
elles notamment à travers le marché interbancaire (compartiment à long terme et court terme) ou le
système des paiements et les produits dérivés.
Allen et gale dans une étude publiée en 2000 examinent les modalités de la contagion dans
un système bancaire dont les banques régionales sont connectées par les dépôts interbancaires. Des
problèmes de liquidité dans une région peuvent se propager à d’autres régions et l’amplitude de la
crise est fonction de la structure des relations interbancaires. Une structure de marché complète est
définie par une relation symétrique entre une banque et toutes les autres. Une structure de marché
incomplète correspond à une situation dans laquelle chaque banque n’a de lien qu’avec des banques
dans les régions limitrophes. Un autre facteur d’importance est la connectivité de l’économie. La
connectivité correspond aux liens existant entre secteurs ou régions de l’économie.
Allen et Gale démontrent que dans un marché complet, les effets d’un choc se propagent au
sein de l’ensemble des banques, diminuant le coût du choc au sein de chaque région. La probabilité
de contagion est moindre que dans un environnement caractérisé par le caractère incomplet de la
relation bancaire. Par ailleurs, plus le nombre de banques (régions) augmente, plus l’impact d’un
choc au sein d’une banque diminue, ce qui a pour conséquence la réduction du risque de contagion.
Dans un marché incomplet, le risque de contagion est porté par quelques banques. La
probabilité que les banques ne soient pas à même d’absorber le choc est plus forte et a pour
conséquence une propagation du choc. L’augmentation du nombre de banques et de régions
amplifie le phénomène.
Ces résultats contrastés soulignent à quel point la nature de la relation entre structure
concurrentielle et relations interbancaires est peu claire. Un grand nombre de banques peut
diminuer le risque de contagion mais uniquement lorsque les liens entres acteurs sont complets. Or,
un système plus concentré est susceptible de mieux contribuer à la préservation de ces liens.
Beck, Demirgüc-Kunt et Levine (2003) ont utilisé des données de panel portant sur 79 pays
sur la période 1980-1997 afin d’examiner la relation entre structure concurrentielle et contagion. Le
principal résultat de leurs études réside dans une moindre probabilité de crises bancaires dans des
systèmes plus concentrés, plus concurrentiels (définis comme ceux ayant des règles régissant
l’entrée et l’exercice de la profession bancaire) et dans des pays ayant des systèmes judicaires mieux
développés. Ce qui signifie que la concentration et la concurrence sont sources de stabilité.
CONCLUSION
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 218
Ce chapitre a permis de caractériser la nature des équilibres concurrentiels au sein des
sphères bancaires subsahariennes. Sur longue période et parfois depuis la période coloniale, celles-ci
sont régies par des équilibres oligopolistiques et des niveaux de concurrence relativement faibles.
Au-delà de nombreux autres facteurs structurels, cette réalité explique une grande partie de la
rentabilité des établissements bancaires subsahariens mais aussi leur efficacité toute relative.
Face aux gains potentiels de marchés bancaires plus concurrentiels (amélioration de l’offre
de crédit et de ses conditions), une propension au statut quo semble régner dans l’arc subsaharien.
Elle est probablement intimement liée à l’existence d’un arbitrage entre les avantages et les
inconvénients de la concurrence dans la sphère bancaire.
En effet, la structure de marché au sein de l’industrie bancaire exerce des effets multiples et
souvent contradictoires sur l’ensemble de l’économie. Le pouvoir de marché a un effet quantitatif
lorsqu’il permet par exemple aux banques de se constituer des rentes et de s’éloigner d’un équilibre
apportant aux agents économiques un volume de crédit plus important à des taux moins élevés. Le
pouvoir de marché exerce aussi un effet qualitatif car il peut permettre aux banques d’exercer une
sélection plus efficiente des différents entrepreneurs et modifier positivement le sentier de
croissance optimale de l’économie.
Ce n’est qu’en combinant ces deux effets et en évaluant les conséquences réelles d’un degré
de concurrence plus important qu’il sera possible de statuer sur l’introduction de mesures à même
de modifier les structures de marché actuelles. Cette approche requiert une meilleure intelligence de
la concurrence dans les différents marchés et sous-marchés bancaires africains, d’où un important
effort de recherche.
L’équilibre actuel, caractérisé par un niveau de concurrence faible, va de pair avec une
relation client relativement médiocre et une bonne solidité financière. L’excellente rentabilité des
banques et le faible niveau de crédit accordé aux agents économiques laissent augurer que
l’introduction de plus de concurrence se traduirait pour l’ensemble de ces économies par un gain net
positif.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 219
CONCLUSION
La première partie a mis en lumière les mécanismes faisant de systèmes financiers
développés un des éléments nécessaires au processus de changement structurel des économies
subsahariennes. La deuxième partie, en détaillant le concept de développement financier et en
soulignant son niveau particulièrement bas au sein de l’arc subsaharien, a identifié les raisons
expliquant la contribution réduite des systèmes financiers à la croissance et à la réduction de la
pauvreté.
Ainsi, face à la difficulté de mesurer le degré de développement des systèmes financiers
subsahariens, le chapitre 4, en précisant le concept de développement financier, a permis de
construire un indicateur de développement financier reposant sur différentes variables qualitatives.
Cet indicateur participe de la volonté de mieux appréhender la contribution au développement
socio-économique des systèmes financiers à travers sept dimensions : la profondeur, l’accessibilité,
la diversité, la rentabilité/stabilité, l’efficacité, l’ouverture et les institutions d’appui. Les résultats de
l’analyse quantitative soulignent la faiblesse des performances subsahariennes dans des dimensions
telles que la profondeur et l’accessibilité.
L’analyse qualitative réalisée en reprenant les différentes dimensions confirme ces résultats
tout en pointant certains paradoxes des systèmes financiers subsahariens.
En les comparant avec leurs homologues de différentes régions en développement, le
chapitre 5 revient longuement sur la faible profondeur et la surliquidité caractérisant de nombreux
systèmes financiers subsahariens. Si ces phénomènes s’expliquent par l’existence de nombreuses
asymétries d’information et autres incertitudes macroéconomiques et politiques, il n’en demeure
pas moins que la faible profondeur des systèmes financiers subsahariens constitue un frein pour le
développement de l’activité économique et l’intégration réussie des économies africaines dans le
marché mondial.
Au-delà de ce phénomène, le chapitre 5 pointe aussi la faible diversité des systèmes
financiers subsahariens. Ces derniers sont marqués par le niveau extrêmement réduit des
financements à long terme qui représente une hypothèque pour le taux de croissance de longue
période. Plus largement, les intermédiaires financiers subsahariens peinent à remplir leurs cinq
fonctions microéconomiques de base et ce d’autant plus que la gamme des instruments et des
institutions est réduite. En fait, la faible diversité financière semble répondre à la faible maturité et
profondeur des économies subsahariennes. Le développement du régionalisme pourrait apporter
une solution à cette problématique dans certaines régions (cas de l’espace UEMOA notamment)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 220
grâce à la constitution de marchés plus larges sur lesquels les IFI pourraient bénéficier d’économies
d’échelles.
Ces dernières pourraient notamment leur permettre d’apporter des solutions à la faible
accessibilité aux services financiers dans l’arc subsaharien (chapitre 6). Ainsi, la faible couverture
géographique des institutions financières, la concentration des agences et guichets bancaires dans
les grands centres urbains pénalisent le financement des activités du monde rural et de l’agriculture
dans des pays où la majeure partie de la population habite encore dans les campagnes. A ce
déséquilibre géographique s’ajoute une marginalisation/exclusion des clientèles les plus fragiles
(PME/majorité des ménages). Celle-ci est d’autant plus forte que peu de ménages ou de petites
entreprises peuvent se permettre d’utiliser des services dont les coûts correspondent souvent à
quelques semaines ou mois de revenu annuel par habitant.
En contraignant le développement et la diversification des activités des ménages et des
PME, ces processus limitent la capacité d’absorption des cohortes de jeunes actifs dans le secteur
formel. Au final, la faiblesse du facteur financier et son incapacité à financer les secteurs les plus
innovants de l’économie doivent être pris en considération dans la compréhension des phénomènes
migratoires. En effet, l’absence de solutions de financement pour développer des activités dans le
monde rural pourrait expliquer le premier saut migratoire vers les centres urbains tandis que les
faibles opportunités de succès dans ces espaces alimentent une migration non plus interne mais
internationale.
Face à ces carences des systèmes financiers, le chapitre 7 alimente le débat sur la
contribution au développement socio-économique des systèmes financiers subsahariens en revenant
sur leur excellente rentabilité. En effet, malgré leur incapacité à satisfaire les besoins de la majorité
des acteurs économiques, les institutions financières subsahariennes affichent des niveaux de
rentabilité à faire pâlir d’envie un gestionnaire de hedge fund. Si les éléments de cette rentabilité
doivent être nuancés par pays, par le niveau de risque pris, par le type de services offerts, l’existence
de ces résultats suscite un certain nombre d’interrogations quant à leurs déterminants. Malgré
l’entrée récente de nouvelles banques, ceux-ci semblent largement tributaire du faible degré de
concurrence dans la sphère financière en raison d’une organisation longtemps oligopolistique de la
branche bancaire et l’existence de jeux répétés sur longue période entre intermédiaires financiers.
Ces niveaux de rentabilité rendent possible une modification de leur fonction d’objectifs.
Dans un environnement marqué par une nette amélioration de la santé des institutions financières,
la régulation de la sphère financière pourrait prendre en compte la nécessité de favoriser le
développement de dimensions aussi primordiales que la profondeur, la diversité ou l’accessibilité
afin de favoriser le développement.
Cette réorientation des priorités du système financier suppose l’existence d’un centre de
coordination/concertation des institutions au sein de la sphère financière avec pour finalité
l’adéquation entre les besoins exprimés par les DEMANDEURS de services financiers et l’OFFRE de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 221
services financiers. La troisième partie s’inscrit dans le prolongement du développement financier en
introduisant le concept de politique de développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 222
PARTIE III
DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
FINANCIER DESEQUILIBREES
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 223
INTRODUCTION
Les idées audacieuses sont comme les pions qui avancent aux échecs ; ils peuvent être pris mais ils
peuvent aussi démarrer une partie gagnante.
Goethe
La première et la deuxième partie de ce travail ont fait état de l’écart existant au sein de l’arc
subsaharien entre les bénéfices potentiels et réels du développement financier. Cette situation est
largement tributaire de l’incapacité des systèmes financiers subsahariens actuels à apporter des
solutions à des problématiques aussi essentielles que la faible profondeur, la diversité des clients,
des institutions et instruments ainsi qu’une mauvaise accessibilité aux institutions financières et à
leurs services.
De nombreux pays subsahariens sont plongés depuis près de deux décennies dans cette
situation que l’on peut assimiler à un équilibre de développement financier bas, voire à un piège à
pauvreté lié au facteur financier (Berthélémy et Varoudakis, 1996).
Le chapitre 8, en mettant en exergue la présence de phénomènes et de mécanismes 60
susceptibles de contribuer à la perpétuation du faible niveau de développement financier au sein
de l’arc subsaharien appelle la mise en œuvre par la puissance publique d’actions à même
d’apporter des solutions à ces faiblesses. Cette intervention de la puissance publique est
impérieuse car les ressources nécessaires pour sortir de ce piège à pauvreté et passer vers un
équilibre de développement financier plus élevé dépassent largement les capacités de
coordination et d’intervention des acteurs privés.
Afin de maximiser l’impact de ces actions, le chapitre 8, soulignera la nécessité de les
envisager dans le cadre d’une politique de développement financier, c’est-à-dire l’ensemble des
actions mises en œuvre par la puissance publique ou ses émanations afin de satisfaire les besoins
60
Asymétries d’information, rationalité limitée, divergence entre les objectifs individuels des intermédiaires financiers et
ceux de la communauté…
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 224
financiers des différentes catégories d’agents économiques dans un pays donné et contribuer au
développement financier.
Ce concept permet de présenter une grille d’analyse des différents objectifs intermédiaires et
finaux d’une politique de développement financier et de la palette d’instruments pour les réaliser.
Quant à la légitimité de cette politique, elle repose sur les imperfections rencontrées dans la
production et la distribution du développement financier (notamment en raison de sa catégorisation
dans le champ des biens publics) mais aussi sur sa capacité à inscrire dans un cadre juridique les
aspirations en termes de développement financier de l’ensemble des acteurs économiques (politique
de développement financier de jure).
Le chapitre 9, en retraçant la trajectoire de développement financier empruntée par une
partie des pays de l’arc subsaharien depuis les indépendances (Meisel et Mvogo, 2007)61, met en
évidence l’existence d’une politique de développement financier de facto oscillant entre un fort
interventionnisme de l’Etat (décennies 60-80) et un primat accordé au laissez-faire suite à la
libéralisation financière amorcée dès le milieu des années 80 afin d’assainir les systèmes financiers
subsahariens.
Le chapitre 9 tire de cette revue historique des enseignements divergents quelque peu de la
littérature classique sur les systèmes financiers subsahariens. Premièrement, ce n’est pas le degré
d’intervention de l’Etat qui détermine le développement financier mais la qualité de celle-ci. Cette
conclusion nuance les conclusions des études prônant les vertus de la libéralisation financière dans
le cas subsaharien. Deuxièmement, libéraliser les systèmes financiers subsahariens a certes
contribué à leur assainissement et à la résorption de distorsions affectant leur développement
mais n’a pas apporté de solutions aux causes profondes du blocage de l’intermédiation. D’où les
effets limités des politiques de libéralisation financière.
Le chapitre 10, en offrant une taxinomie des politiques de développement financier et de
leurs résultats prolonge cette réflexion et propose quelques pistes pour une politique de
développement financier renouvelée. Loin du dogmatisme et de l’opposition idéologique entre des
politiques de développement financier reposant sur une intervention forte de l’Etat et celles
s’appuyant sur la prédominance de mécanismes de marché, cette grille de lecture semble inciter
les pays africains au pragmatisme et à la cohabitation entre des dispositifs d’interventions
publiques forts dans la sphère financière et une place non négligeable accordée aux acteurs privés.
Cette posture semble être une des clés de l’essor des systèmes financiers de l’OCDE, encore
largement marqués par la présence d’institutions et de dispositifs financiers publics.
Un retour sur les trajectoires de développement financier empruntées par les pays
subsahariens souligne l’importance d’encourager des politiques de développement financier
61
Il s’agit des pays de la Zone Franc mais l’analyse peut être étendue à quelques nuances près à l’ensemble de l’arc
subsaharien.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 225
agissant sur les acteurs de la DEMANDE de services financiers (ménages, entreprises) et moins sur
ceux à l’origine de l’OFFRE de services financiers (intermédiaires financiers). En effet, seules des
politiques de développement financier agissant sur les facteurs de la DEMANDE de services
financiers (sécurisation des débouchés des PME, amélioration de leur rentabilité, de la qualité du
reporting, progression de la protection contre les chocs impossibles à diversifier de manière
optimale au niveau individuel,…) sont à même d’augmenter durablement la DEMANDE de services
financiers et susciter des interactions vertueuses avec l’OFFRE de services financiers (augmentation
de son volume et de sa qualité).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 226
CHAPITRE 8
LA NOTION DE POLITIQUE DE
DEVELOPPEMENT FINANCIER
N’allez pas où le chemin vous mène, allez au contraire là où il n’ ya pas de chemin et laissez une piste.
Emerson
Il ne faut jamais prendre les voies autorisées
Cocteau
Tout écrivain, pour écrire nettement doit se mettre à la place de ses lecteurs
La Bruyère
INTRODUCTION
Ces trois citations traduisent l’essence de ce chapitre : sa volonté de sortir des sentiers battus
pour proposer un essai de conceptualisation du développement financier et des politiques ad hoc
mises en œuvre ou non par les pouvoirs publics pour le susciter. Plus largement, pour des
gouvernements africains aux marges de manœuvre limitées par l’ajustement structurel, son objectif
sera de structurer la compréhension et l’utilisation des meilleures pratiques dans ce domaine.
Pour ce faire et bien au-delà du panorama des systèmes financiers dressé dans la partie II, ce
chapitre s’appuie sur une analyse historique des systèmes financiers africains pour présenter deux
grandes conclusions:
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 227
Premièrement :les différentes imperfections affectant la production du développement
financier justifient une intervention publique. La première partie de ce travail (chapitre 1, 2 et 3) a
souligné le rôle éminent du développement financier dans la promotion de la croissance et la lutte
contre la pauvreté. Ce chapitre entend aller plus loin dans la réflexion sur le rôle du développement
financier en présentant les arguments sous-tendant l’intégration de cette notion dans le champ des
biens publics mais aussi différentes imperfections associées à sa production. Ces éléments plaident
en faveur de la mise en place de politiques publiques intitulées politiques de développement
financier (section I).
Deuxièmement : la politique de développement financier peut être intégrée au rang des
politiques structurelles. La section II reviendra de manière détaillée sur ce concept en insistant non
seulement sur la nécessaire coordination des initiatives qui en relèvent mais en présentant aussi, par
analogie avec la politique monétaire, ses objectifs finaux et intermédiaires ainsi que ses canaux. De
cette analyse apparaîtra une réalité forte, la politique de développement financier est tributaire des
autres grandes politiques structurelles et de stabilisation.
Ces différents développements étant le fruit d’un essai de conceptualisation, ils sont
proposés avec beaucoup d’humilité et gagneront de tout apport critique constructif d’où l’appel à la
clémence symbolisée par la référence à La Bruyère.
SECTION I- LE DEVELOPPEMENT FINANCIER COMME BIEN PUBLIC ET
LES IMPERFECTIONS ASSOCIEES A SA PRODUCTION
Légitimer l’apport de politiques publiques destinées à susciter et améliorer le niveau de
développement financier dans l’arc subsaharien ne peut se faire sans ancrer profondément ces
dernières dans le champ de la politique économique avec une référence à Musgrave (1989) et sa
présentation des trois fonctions que la politique économique se doit de remplir :
(i)
(ii)
(iii)
la stabilisation macroéconomique ;
la redistribution entre agents ou régions ;
et l’allocation des ressources (c’est-à-dire leur allocation entre différents usages
possibles).
C’est dans cette dernière catégorie que s’inscrit notre analyse car y figurent les interventions
visant à affecter la quantité ou la qualité des facteurs de production disponibles dans l’économie ou
alors à modifier leur répartition sectorielle ou régionale. Parmi ces facteurs, on retrouve certes des
variables et paramètres traditionnels des modèles de croissance (investissement, progrès technique,
éducation, santé…) …mais aussi le développement financier (Cf. partie I et revue de la littérature).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 228
Dès lors, l’intervention de l’Etat dans ce domaine se fonde sur le premier théorème de
l’économie du bien être qui enseigne que tout équilibre concurrentiel est un optimum au sens de
Pareto. Autrement dit, un équilibre de marché est tel qu’il n’est pas possible d’améliorer le bien être
d’un agent économique sans réduire celui d’un autre agent. Ce résultat est à la fois puissant et limité
pour le développement financier. Il est puissant car il rend caduc et inutile toute intervention
publique pour susciter le développement financier qui ne peut que provoquer plus de mal que de
bien. Il est limité en raison des hypothèses particulièrement strictes sous-tendant les conditions de
validité de ce résultat. Arrow et Debreu, en énonçant rigoureusement les théorèmes de l’économie
du bien être, ont ainsi rendu nécessaire à la réalisation de l’équilibre concurrentiel la réunion des
hypothèses suivantes :
(i)
(ii)
(iii)
la présence d’un ensemble de marchés complets permettant d’effectuer des
transactions sur tous les biens et sur toutes les périodes ;
l’existence d’une information parfaite et
le fonctionnement parfaitement concurrentiel de l’économie.
Ces différentes conditions sont loin d’être réunies au sein des sphères financières de pays de
l’OCDE et encore moins dans leurs consœurs de l’arc subsaharien. Les remettre en cause c’est
donner une justification à la mise en œuvre de politique publique à condition de justifier celle-ci par
des arguments précis.
Le développement financier rentrant dans le champ de la fonction d’allocation des
ressources, les motifs d’interventions sont généralement liés à différents dysfonctionnements
microéconomiques. Sa dimension de bien public (§1) mais aussi la présence d’externalités,
d’asymétries d’information, le caractère incomplet de certains marchés ou alors l’horizon temporel
trop court de certaines catégories d’agents (§2) seront présentés de manière détaillée comme
justification de l’intervention publique.
§1 - LE DEVELOPPEMENT FINANCIER COMME BIEN PUBLIC
Ce chapitre repose sur une affirmation forte : le processus de développement financier dans
son ensemble et les dimensions qui le sous-tendent peuvent être considérés comme des biens
publics. Cette prise de position constitue une innovation car traditionnellement seule la stabilité du
système financier est assimilée à un bien public, justifiant ainsi différentes formes d’interventions de
l’Etat (réglementation/surveillance, voire prêteur en dernier ressort en cas de crise financière).
Certains éléments et instruments du développement financier possèdent aussi la qualité de bien
public (la monnaie, par exemple).
Toutefois, le chemin est long entre le statut de biens publics de certaines composantes du
développement financier et ériger celui-ci dans son ensemble au rang de bien public. Bien que
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 229
surprenante, cette posture se justifie doublement car le développement financier respecte la
définition canonique de cette catégorie de biens (A) tout en s’inscrivant dans une logique de
réflexion et d’extension de cette notion (B).
A- Le développement financier satisfait à la définition canonique du bien public
Statuer sur l’appartenance du développement financier à la catégorie des biens publics ne
peut se faire sans considérer les travaux de deux contributeurs majeurs à la réflexion autour de cette
notion : David Hume et Paul Anthony Samuelson. Le premier a posé un constat déterminant : la
société peut trouver des avantages à produire des biens qui s’avèrent dénués de tout intérêt
lorsqu’ils sont élaborés par un seul individu. Quand au second, il a proposé une définition de la
notion de bien public autour de laquelle une grande partie de la communauté scientifique s’accorde
(Samuelson, 1954). Pour appartenir à cette catégorie, un bien doit posséder deux propriétés. La
première est appelée non rivalité : elle tient à ce que la consommation par un individu du bien n’en
exclut pas un autre.
Le développement financier dans son ensemble est un bien qui bénéficie à l’ensemble des
habitants d’une zone ou d’un pays et dont la consommation par un groupe de personnes ne diminue
pas les quantités disponibles pour d’autres personnes. En effet, l’ensemble des agents économiques
des pays d’ASS tirent parti des effets d’une amélioration structurelle des systèmes financiers à
travers cinq conséquences positives :
1-L’amélioration de l’efficience microéconomique des agents. En effet, les acteurs
économiques peuvent tirer partie des cinq fonctions remplies par tout système financier et accroître
l’efficacité de leurs opérations ;
2-La contribution à la croissance économique et au plein emploi. L’impact de la sphère
financière sur l’activité des différents secteurs ainsi que sur la croissance économique exerce des
effets positifs directs et indirects en matière d’emploi, d’intégration au commerce international et
permet le financement endogène des priorités du développement ;
3-La lutte contre la pauvreté. En matière de lutte contre la pauvreté, un système financier
plus efficient et plus inclusif devrait contribuer à une croissance favorable aux plus démunis à travers
une hausse des revenus. Un système financier plus inclusif devrait permettre aux plus pauvres de
pouvoir briser partiellement leur contrainte financière et réaliser des projets d’investissement
susceptibles d’améliorer leur condition ;
4-Une répartition géographique équitable de la croissance. Le développement financier
contribue à la politique d’aménagement du territoire. Un système financier ayant une large
couverture géographique peut permettre de réaliser des opportunités de développement dans des
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 230
zones jusque là marginalisées et éviter des déséquilibres régionaux sources de tensions sociales et
politiques.
5-La préservation du lien et de l’ordre social. A travers son action en matière de pauvreté, le
développement financier participe à la préservation du lien social en évitant les phénomènes
d’exclusion financière et en accordant une plus grande égalité des chances. Par ailleurs, la stabilité du
système financier constitue un élément nécessaire afin d’éviter des épisodes d’agitation comme ceux
qu’ont connus l’Indonésie ou l’Amérique Latine suite aux faillites bancaires des années 90.
La seconde propriété a trait à la non excluabilité et caractérise la difficulté, voire
l’impossibilité d’exclure d’un bien un usager qui refuserait de payer. Or, le développement financier
possède aussi cette dernière caractéristique. La non exclusion constitue un obstacle majeur pour la
production privée d’un bien car elle remet en cause l’équilibre nécessaire aux producteurs privés. En
effet, l’impossibilité d’exclure les consommateurs moyennant le paiement d’un prix les prive de
recette et crée pour eux une situation de perte.
Toutefois, une précision s’impose: c’est le processus de développement financier et non le
système financier et ses compartiments pris de manière individuelle qui relèvent de la catégorisation
en tant que bien public.
Au-delà du respect des conditions canoniques définissant un bien public, le développement
financier s’inscrit dans une longue évolution de la réflexion autour du périmètre des biens collectifs.
(B)
B-Le développement financier comme exemple de l’extension du périmètre des biens
collectifs
Intégrer le développement financier dans le champ des biens publics s’inscrit dans une
réflexion autour de l’évolution de la définition de cette catégorie de biens (Kaul, 2006). Près d’un
demi-siècle après l’article séminal de Samuelson, un bien public est désormais considéré non comme
un objet naturel, une situation de fait dont il faudrait prendre acte mais plutôt comme un construit
social relevant de choix.
Ceci ne veut pas dire que tout bien privé a potentiellement vocation à devenir public selon le
bon vouloir de la communauté, mais plutôt que certains biens peuvent être rangés alternativement
d’un côté ou de l’autre de la frontière. A titre d’exemple, la préservation de la couche d’ozone,
longtemps considérée comme une priorité de rang inférieur, a acquis avec l’expérience et l’avancée
des savoirs, une dimension de biens publics. Il en est un peu de même du développement financier
dans l’arc subsaharien. L’avancée de la connaissance, et l’analyse des trajectoires des systèmes
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 231
financiers subsahariens, plaident en faveur de l’intégration du développement des biens publics dans
la catégorie des biens publics.
L’importance de la contribution de systèmes financiers efficients à la croissance et à la
réduction contre la pauvreté a été largement documentée au sein de la première partie. En poussant
cette analyse et en s’appuyant sur la notion de convergence conditionnelle (Cf. Encadré n°8), il est
possible de faire du développement financier un des éléments du mix institutionnel à même
d’assurer le passage des économies africaines d’équilibres de développement bas vers des niveaux
de développement plus élevés.
Encadré n°8.
La notion de convergence
La deuxième moitié du XXème siècle a été caractérisée par plusieurs épisodes de convergences vers le PIB par tête des
Etats-Unis. Après l’Europe de l’Ouest, puis le Japon, les Nouveaux Pays Industrialisés (Hong Kong, Singapour, Corée du Sud
et Taïwan) sont entrés dans ce processus. Forts de ces exemples historiques, les travaux sur la théorie de la croissance ont
longtemps formulé la prédiction optimiste d’une convergence absolue. Avec l’échec des expériences de développement
dans différents pays de développement, la convergence est devenue conditionnelle.
L’étude de la β-convergence (tendance des pays moins développés à croitre plus vite) démontre qu’il n’ya pas convergence
au niveau mondial (en moyenne les pays pauvres n’ont pas crû plus vite sur la période 1960-2000) mais plutôt que la
convergence s’effectue au sein de clubs de pays comparables, à l’instar de celui constitué par les membres de l’OCDE.
Différentes études ont essayé de préciser les conditions de transition d’un club vers un autre en estimant le rôle de
différents facteurs grâce à des équations de type :
1
𝑛𝑖𝑇𝑖1 = ∝ − 𝛽𝑙𝑛𝑌1 + 𝛾𝑍𝑖𝑡 + 𝜖𝑖𝑇
𝑇−1
Avec
Y1le niveau initial du PIB par tête du pays i
son niveau final,
Z est un vecteur de variables explicatives
et un terme d’erreur.
Dans cette équation, le premier terme du membre de droite représente le progrès technique, le second la β-convergence,
le troisième d’autres déterminants de la croissance du pays i et le dernier les chocs. Les premières études empiriques sur les
clubs de convergence ont démontré que différentes variables contenues dans le vecteur pouvaient exercer un effet
significatif sur le niveau de long terme du PIB par tête : il s’agit du taux d’épargne et de croissance de la population, de la
qualité du capital humain, du niveau d’éducation, de l’espérance de vie, du bon fonctionnement des marchés (mesuré à
l’aune du degré de concurrence, des distorsions introduites par l’intervention de l’Etat, et de la corruption), de la stabilité
macroéconomique (taux d’inflation notamment) et politique.
On parle alors de convergence conditionnelle : celle-ci se produit entre deux pays si les variables Z y ont les mêmes valeurs.
Source : Bénassy-Quéré et al. (2004)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 232
Ce pas supplémentaire peut être envisagé dans le cadre des travaux sur la théorie des clubs
de convergence popularisés par Durlauf et Johnson (1992), Barro (1996). Ces travaux stipulent que
des pays ayant des dynamiques de croissance différentes peuvent être regroupés à un moment
donné dans des clubs de convergence correspondant à des niveaux homogènes de développement.
Pour chaque pays, ces niveaux de développement constituent différents équilibres stables sur un
sentier de développement économique caractérisé par la présence d’équilibres multiples et de
pièges à pauvreté, notions popularisées par les travaux d’économistes tels que Rosenstein-Rodan
(1943) ou Nurkse (1953).
La transition d’un équilibre bas vers un équilibre haut requiert une combinaison particulière
des facteurs déterminant le processus de développement. Sans cette combinaison spéciale de
facteurs, l’économie se maintient à un niveau de développement identique ou alors progresse vers
un équilibre instable. Cette instabilité s’explique par la présence de processus cumulatifs négatifs qui
conduisent l’économie vers un nouvel équilibre bas. Ces processus résultent d’un niveau ou d’une
qualité de facteurs insuffisants pour assurer la transition. Berthélémy et Varoudakis (1996) ont mis
en évidence le rôle du facteur financier dans ces processus de transition.
Les travaux de ces auteurs, loin de renforcer l’afro pessimisme, constituent une source
d’espoir pour les pays africains car ils soulignent la possibilité pour ces derniers de sortir de cette
situation en améliorant aussi bien qualitativement que quantitativement la combinaison des
différents facteurs déterminant le processus de développement.
Or, en raison de nombreuses imperfections, les marchés et institutions à l’origine des
facteurs peuvent ne pas être à même de susciter spontanément cette combinaison. Pour les tenants
de la théorie des clubs de convergence, le piège à pauvreté dans lequel se trouvent enfoncés de
nombreux pays subsahariens est lié à l’absence de politiques volontaristes à même de palier aux
carences des marchés et susceptibles de réunir la combinaison optimale pouvant permettre la
transition vers un équilibre plus élevé.
Un pays ayant un faible niveau de développement peut sortir de cette situation par le biais
d’une politique volontariste lui permettant d’améliorer sa dotation initiale. Cette politique
volontariste peut prendre deux formes :
(i)
(ii)
un « big push » ou alors
une politique de réformes structurelles.
La première idée a été formulée par Sachs dans le cadre de son travail pour le Millenium
Project et par Collier (2004) dans ses propositions à la Commission Blair pour l’Afrique. La création
d’une International Finance Facility participe de cette philosophie : elle aurait pour objectif l’octroi de
volumes d’aide largement supérieurs à ceux actuellement accordés aux pays africains sur une durée
limitée. Cette forte hausse de l’aide (« surge ») sur une période de temps limitée aurait un effet de
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 233
masse à même de donner le coup de pouce nécessaire à la sortie des pays africains de la trappe à
pauvreté.
Développement économique
Equilibre haut
Réformes au sein de la sphère
réelle
Zone d’instabilité
Equilibre bas
Réformes et appui au sein de
la sphère financière
Développement financier
Figure 51: Les équilibres de développement multiples et l’action du développement financier dans la
transition. Source : Berthélémy et Varoudakis (1996) et auteur
Une deuxième stratégie complémentaire vise à promouvoir des réformes structurelles afin
d’améliorer le niveau de développement. Ces réformes structurelles doivent porter sur des variables
influençant le développement (démographie, capital physique, progrès technique, capital humain,
gouvernance ou la qualité des institutions). Quelque soit la stratégie choisie, elle implique la mise en
œuvre de politique publique destinée à garantir la réunion du mix de variables nécessaires à la
transition, y compris des politiques de développement financier.
§2-LES PHENOMENES DE PASSAGER CLANDESTIN ET LES IMPERFECTIONS LIEES A LA CREATION DE
BIENS COLLECTIFS JUSTIFIENT L’INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS
La catégorisation du développement financier en tant que bien public possède de fortes
implications quant à l’existence d’un ensemble de marchés complets susceptibles de garantir des
transactions efficientes pour toutes ses dimensions. En sus de cette problématique, des actions de la
puissance publique sont légitimées par toute une série d’imperfections affectant les marchés où se
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 234
produisent et s’échangent différents éléments sous-tendant la notion de développement financier.
Ainsi, la production de services financiers au sein de l’arc subsaharien est minée par l’incomplétude
des marchés, notamment dans leur dimension temporelle, une rationalité « atypique », des niveaux
de risques plus élevés et des logiques de rentabilité nuisant au développement financier.
#1 - Contraintes multiples et rationalité atypique de l’agent
La logique économique de l’agent au sein de l’arc subsaharien est suffisamment éloignée de
la base conceptuelle des manuels d’économie qu’il semble pertinent de s’arrêter un instant sur les
déterminants du comportement financier et du comportement d’investissement de l’agent
économique type au sein de cet espace. Loin d’être irrationnelle, elle est rationnelle eu égard aux
différentes contraintes auxquelles ce dernier est soumis (Meisel et Mvogo, 2007). Si elle constitue la
meilleure réponse face à celles-ci, il n’en demeure pas moins qu’elle a des conséquences sousoptimales pour l’agent, la sphère réelle dans son ensemble mais aussi pour les intermédiaires
financiers. Les causes et les solutions du sous-développement financier au sein de l’arc subsaharien
doivent en fait être recherchées dans les comportements microéconomiques.
L’environnement de l’agent économique se caractérise par un niveau de risque extrêmement
élevé, qu’il s’agisse du risque institutionnel (racket, corruption, incertitude juridique…), du risque
politique (émeutes, affrontements armés…), du risque socio-économique (baisse des prix agricoles
réels, hausse des prix de l’énergie, non-paiement des salaires et pensions,…), climatique (sécheresse,
inondation,…), biologique (attaque acridienne, maladie des plantes, des hommes,…). En règle
générale, ces risques sont généralement diversifiés à un niveau social très sous-optimal,
correspondant au groupe d’appartenance immédiate (famille, quartier, village …). Le niveau de
risque auquel doit donc faire face l’agent économique reste très élevé ainsi que le coût de sa prise en
charge, puisqu’il est insuffisamment et mal diversifié. A ce niveau de risque individuel, toute prise de
risque supplémentaire (notamment financier) de la part de l’agent constituerait une menace directe
pour lui et les membres de sa famille. Il distord fortement les raisonnements et les comportements
individuels par rapport au modèle de l’individu dit « rationnel » dans les manuels d’économie néoclassique, d’où une impression fréquemment répandue de la part des observateurs des pays riches
que les comportements des acteurs sont court-termistes et manquent de rationalité.
#2 - Logiques court-termistes et incomplétude des marchés
Premièrement, il est rationnel d’être court-termiste puisque c’est bien à court terme que se
concentre l’essentiel des risques à « gérer » lorsqu’on évolue à des niveaux de revenus proches du
seuil de survie. Plus le niveau de risque perçu s’élève, plus l’adoption d’horizons longs pour guider les
décisions relève, à l’échelle individuelle, d’un impossible. La réduction de l’horizon de prise de
décision limite le développement d’institutions financières qui ont pour vocation de transformer des
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 235
dépôts à court terme en crédit de maturité plus longue mais aussi de convertir des actifs illiquides en
dépôts à terme. En fait, plus les perspectives de rendement d’un investissement sont éloignées et
incertaines, plus son coût d’opportunité augmente, plus il devient « rationnel » d’y renoncer.
L’incertitude macroéconomique et microéconomique se situe au cœur de cette divergence
d’intérêts préjudiciables au développement financier : les offreurs de services financiers considèrent
leurs opérations dans une optique court-termiste. Face aux aléas de la conjoncture, les gestionnaires
des institutions financières privilégient des produits financiers leur procurant une rentabilité certaine
et quasi immédiate. Ce faisant, ils optent pour une fonction de maximisation du profit de
court/moyen terme qui ignore toute possibilité d’augmentation de la rentabilité associée à des
opérations sur des maturités plus longues ou vers des clientèles non traditionnelles.
La politique de gestion des ressources humaines dans les grands groupes bancaires
internationaux présents en Afrique accentue le conservatisme et explique la faible innovation
financière. Les grandes banques internationales (notamment françaises) ont longtemps placé à la
tête de leurs filiales africaines des cadres étrangers évoluant tout au long de leur carrière au sein du
réseau hors France métropolitaine. Or, différentes affaires de corruption et d’octroi frauduleux de
crédits ont contraint les grandes banques françaises à renforcer le contrôle des équipes dirigeantes
au sein de leurs filiales africaines durement frappées par l’accumulation de créances douteuses lors
des crises financières qui ont affecté les économies africaines dans les années 80.
Premièrement, leur durée de séjour a été limitée à quelques années afin de les prémunir
contre les phénomènes de capture et de corruption constatés en cas de séjour prolongé62,
Deuxièmement, le contrôle des engagements et des initiatives a été renforcé. Ces règles,
transposition des dispositifs de contrôle interne des maisons-mères, avaient pour objectif de
renforcer la gouvernance des banques mais ont inhibé l’innovation. En effet, les gestionnaires
bancaires, conscients de la durée limitée de leur mandat sont réticents à s’engager dans le
développement de nouveaux produits financiers. D’autant plus que cette activité est consommatrice
de ressources, tributaire d’une rentabilité incertaine et d’autant plus difficile à juger que les
responsables bancaires disposent de peu de temps pour prendre conscience des potentialités
économiques du pays : à peine l’ont-ils fait, qu’ils sont déjà à mi-mandat. Le succès du micro-crédit,
démontre l’intérêt de certaines activités financières et leur rentabilité à condition de ne pas
privilégier des niveaux élevés de rentabilité.
Face aux poids de ces contraintes, seule l’intervention de la puissance publique peut les
circonvenir. C’est tout le rôle des institutions publiques que de prendre en charge ce risque,
d’investir elles-mêmes dans l’avenir, permettant ainsi aux individus d’allonger leurs horizons en
éclairant et en sécurisant leurs anticipations (par exemple, en leur apportant suffisamment de
confiance et de visibilité sur l’avenir pour qu’il devienne « rationnel », « rentable », d’investir dans
62
Plusieurs affaires de corruption touchant les directeurs de grandes banques françaises dans les années 90 ont défrayé la
chronique.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 236
l’éducation de leurs enfants, en les envoyant à l’école plutôt que de les garder avec soi pour les
tâches quotidiennes ; « rationnel », « rentable » de placer son argent auprès d’intermédiaires
financiers aptes à leur apporter une meilleure rémunération qu’un investissement dans des actifs
physiques qui ne présentent pas tous les gages de sécurité et de rentabilité ).
#3 - Une gestion du risque encore plus sous contrainte dans l’arc subsaharien
La rationalité de référence de l’observateur de l’arc subsaharien est implicitement celle d’un
individu évoluant dans un pays suffisamment riche pour voir toute une série de risques majeurs pris
en charge par la collectivité, à un niveau systémique, sous la forme d’un ensemble complexe
d’institutions formelles et informelles. Cette prise en charge collective des risques est tellement
efficace que l’individu finit par agir comme s’il n’existait pas et peut, avec raison, parier sur des
retours sur investissement beaucoup plus éloignés dans le temps. Tandis que s’éloigne le seuil de
survie, il peut s’engager dans des investissements à la fois plus risqués et générateurs de rendements
supérieurs. Le coût des institutions créatrices de confiance est supporté par la collectivité
(généralement nationale) dans des pays où le niveau de productivité globale génère de confortables
recettes fiscales, suffisantes pour entretenir une infrastructure institutionnelle de qualité dans
laquelle l’agent a globalement confiance, qu’il en ait conscience ou non.
Dans les pays à faible niveau de productivité et de développement institutionnel, ce cercle
vertueux est par définition absent de fait du coût prohibitif de mise en place et d’entretien de telles
institutions. Au contraire, le coût du risque est presque entièrement supporté au niveau individuel
(puisqu’il n’est pas correctement pris en charge par la collectivité), et vient directement amputer les
marges individuelles souvent déjà bien maigres. La faiblesse des marges n’autorise que des
investissements limités, générant des rendements faibles, contribuant à leur tour au faible niveau de
marge.
Lorsque les mécanismes assurantiels existent, la faible marge financière des agents ne leur
permet pas de souscrire une police d’assurance, en raison de leurs coûts prohibitifs. A titre
d’exemple, de nombreux agents ne peuvent bénéficier de l’assurance liquidité fournie par le compte
de dépôt bancaire dans de nombreux PAZF en raison du niveau élevé de la prime explicite associée à
celui-ci, les frais de gestion. Face à ces contraintes, les agents économiques préfèrent assumer, avec
une certaine dose de fatalisme, le risque de réalisation du sinistre.
Pour faire face aux risques mentionnés plus haut, l’agent (individu, ménage, entrepreneur,…)
doit lui-même diversifier son portefeuille d’actifs et d’activités, là encore à des niveaux « sousoptimaux » au regard de la rationalité microéconomique classique. Plus le niveau de risque est élevé,
plus ses activités sont diversifiées, dans la mesure du possible. Ce faisant, l’agent perd les bénéfices
liés à la spécialisation. La diversification réduit le niveau de risque immédiatement perceptible pour
l’agent mais limite la concentration des investissements et des moyens de production. L’absence ou
la faiblesse des économies d’échelles limite à son tour les gains de productivité. En guise d’assurance,
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 237
et du fait de la difficulté d’accéder aussi bien au crédit qu’à des produits d’épargne ou d’assurance
formels, l’agent « épargne » sous la forme d’actifs le plus liquide possible (« réalisables » pour
employer un terme financier). Ainsi le lissage de la consommation en milieu rural passe-t-il
fréquemment par la décapitalisation (typiquement la vente d’une tête de bétail). Au final, l’agent et
l’ensemble de la sphère économique est plongé dans un piège à pauvreté durable : le faible
développement financier (absence ou carence des institutions de réduction du risque), génère un
faible développement économique qui, à son tour, pénalise l’essor des institutions financières
(clientèle potentielle réduite ou peu solvable).
Un niveau de risque élevé permanent nourrit également des logiques sociales endogènes qui
privilégient « logiquement » l’élévation du niveau de protection collective. Ce faisant, ces mêmes
logiques sociales refrènent l’incitation à accumuler individuellement. Au final, la logique
microéconomique primordiale de l’agent « rationnel » n’est donc pas la maximisation du profit sous
contrainte (hypothèse néo-classique de base) mais la minimisation du risque via la diversification de
ses actifs et de ses activités. « La stagnation peut être vue comme une forme de réponse au risque »
(Collier et Gunning, 1999).
#4 - Des logiques de rentabilité qui accentuent le blocage de l’intermédiation
Au niveau bancaire, les implications du fonctionnement quotidien d’une institution dans un
tel environnement sont claires : les coûts d’information (asymétries considérables), les risques de
contrepartie (vulnérabilité micro- et macroéconomique des opérateurs formels et informels), et
l’incertitude sur le respect des contrats (environnement juridique et judiciaire imprévisible) sont trop
élevés pour qu’il soit « rationnel » de s’engager sur certaines clientèles. L’aversion au risque des
banques fait écho à celle de la population. Seuls les opérateurs informels traditionnels parviennent à
suffisamment réduire ces trois risques par la proximité et la connaissance du client, des taux d’intérêt
élevés, et la force contraignante des rapports sociaux, pour qu’il soit rentable de s’engager dans une
relation de crédit.
A ces facteurs classiques, s’ajoutent des considérations purement financières. Ces dernières
découlent de l’adoption par les banquiers des PAZF des meilleures pratiques internationales en
matière de pilotage de la rentabilité de leurs établissements. S’il faut se réjouir de cette amélioration
des règles de gestion, on peut toutefois considérer avec appréhension leurs conséquences sur l’offre
de services bancaires à certaines clientèles suite à des arbitrages stratégiques. Ceux-ci résultent de la
définition de la banque comme un ensemble de centre de coûts/recettes dont l’objectif est de
maximiser son profit. Or, pour un niveau de rentabilité identique, certaines opérations bancaires
sont plus onéreuses que d’autres, notamment en raison de leur consommation en capital
réglementaire. En pondérant plus fortement le risque des opérations de crédit sur les PME et les
particuliers, les règles prudentielles, renforcées par Bâle II, améliorent la stabilité du système
financier des PAZF mais contribuent à l’exclusion des clientèles les plus faibles. La plupart des acteurs
bancaires formels préfèreront donc instruire un dossier de crédit sur une opération de financement
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 238
avec une grande société installée de longue date qu’instruire une multitude de dossiers émanant de
PME à l’avenir incertain. Le raisonnement de la banque est rationnel puisqu’elle réalisera le même
chiffre d’affaires avec des coûts moindres sur la grande opération. Par ailleurs, le capital
réglementaire consommé sera moins important. Un seul chargé d’affaires pourra instruire le dossier
contre plusieurs requis pour servir les PME. Les acteurs bancaires laissent aujourd’hui les institutions
de microfinance prendre en charge les coûts de prospection et de bancarisation de nouvelles
clientèles dont elles pourront évaluer l’intérêt le moment venu, une fois réduite l’incertitude sur leur
volonté et leur capacité de remboursement.
Ces différentes logiques peuvent parfois, voire souvent, aller à l’encontre de l’intérêt public
et nécessite de ce fait l’intervention de la puissance publique pour favoriser le développement
financier à travers la mise en œuvre de politiques ad hoc, dites politiques de développement
financier.
SECTION II- FAIRE DE LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT FINANCIER
UN NOUVEL OUTIL DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
Après avoir présenté une nouvelle méthode d’analyse des systèmes financiers africains se
fondant sur la notion de développement financier, notre étude entend marquer un progrès
supplémentaire dans la compréhension et la structuration des systèmes financiers mais cette fois-ci
dans le champ des politiques publiques. Le postulat est simple : seules des politiques publiques ad
hoc, élaborées de manière consciente et coordonnée, sont à même de répondre aux imperfections
constatées dans le processus de développement financier de l’arc subsaharien. Nous appelons
politiques de développement financier l’ensemble des actions mises en œuvre par la puissance
publique ou ses émanations afin de satisfaire les besoins financiers des différentes catégories
d’agents économiques dans un pays donné et contribuer au développement financier.
Loin de constituer une pure création intellectuelle, le concept de politique de développement
financier constitue un cadre d’analyse nouveau pour la compréhension des effets du comportement
des acteurs privés et publics au sein des systèmes financiers subsahariens. Pour en mesurer toute
l’importance, cette section apportera un soin particulier à en préciser deux aspects fondamentaux :
l’élément intentionnel (§1) et d’autre part les objectifs, le contenu et les instruments de la politique
de développement financier (§2).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 239
§1-POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT FINANCIER DE FACTO ET DEVELOPPEMENT FINANCIER DE JURE
Contrairement au développement financier, la notion de politique de développement
financier est un concept relativement «nouveau » et à développer, en tout cas dans la littérature
économique francophone63. Elle tire sa légitimité du constat établi supra : le développement
financier contribuant au développement, les imperfections associées à la production de ce bien
public requièrent une intervention de la puissance publique.
Toutefois, un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, de nombreux
Etats (et plus particulièrement, ceux de l’arc subsaharien dans notre cas d’espèce) ont mené et
mènent des politiques ayant des effets sur le développement financier sans être pleinement
conscients de mener une politique de développement financier. Or, la réussite des politiques de
développement financier telles que nous les avons définies suppose un élément intentionnel, une
finalité commune, une capacité à coordonner les initiatives. Ces points distinguent une politique de
développement financier de facto d’une politique de développement financier stratégique ou de jure.
On peut parler de l’existence d’une politique de développement financier de facto à partir du
moment où un Etat (ou ses émanations) intervient en faveur d’une des dimensions du
développement financier. Ces interventions peuvent porter sur une ou plusieurs dimensions, viser
une dimension mais avoir un impact sur une autre dimension. A titre d’exemple, les Etats
subsahariens ont pris depuis leurs indépendances des mesures pour renforcer la réglementation
prudentielle (action sur la dimension stabilité mais aussi sur d’autres dimensions64) ou adopté de
nouvelles normes en matière de contrôle des capitaux (effet sur la dimension ouverture).
Ces actions, qui viennent modifier les incitations et résorber certaines imperfections, ne font
généralement pas partie d’un plan coordonné visant à faire du facteur financier une variable
supplémentaire dans la politique de développement national. Souvent considérées au cas par cas ou
alors envisagées de manières non coordonnées, elles participent pourtant à une finalité globale : la
création de systèmes financiers plus efficients et plus accessibles.
Or, tant que les décideurs subsahariens n’envisageront pas leurs actions dans ce domaine
comme faisant partie d’une nouvelle catégorie de politique publique à part entière, elles seront
63
Une recherche Google sur l’expression « développement financier » renvoie 8 450 pages contre 328 000 pages pour
l’équivalent anglais «financial development ». La différence est encore plus forte en ce qui concerne le concept de «politique
de développement financier » : un seul résultat est disponible contre près de 12 900 pour l’expression anglaise « financial
development policy » (recherche réalisée le 3 août 2008). L’expression « politique de développement financier, lorsqu’elle est
employée dans la littérature francophone fait souvent référence aux mesures mises en œuvre pour favoriser la stabilité.
64
L’amélioration de la stabilité peut entraîner un regain de confiance envers les institutions financières et un accroissement
de la profondeur mais aussi un effet positif sur la rentabilité.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 240
inefficientes car non coordonnées et parfois contradictoires. Différents Financial Stability
Assessment Program65 menés par le FMI ont ainsi souligné la mauvaise séquence des réformes
financières dans les pays subsahariens66.
Ces erreurs soulignent la nécessité pour les Etats subsahariens de passer d’une politique de
développement financier de facto à la concrétisation de celle-ci de jure dans leurs programmes
d’action stratégique (DRSP notamment), voire à travers des chartes de développement du secteur
financier67. Cette transition vers une formalisation des politiques de développement financier
requiert non seulement une meilleure prise de conscience de leur potentiel mais aussi une définition
plus précise de leur portée et contenu, éléments qui seront l’objet du paragraphe (§2).
§2- OBJECTIFS FINAUX, INTERMEDIAIRES ET CANAUX DE LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT
FINANCIER
Au-delà de sa formalisation, l’implémentation d’une politique de développement financier
efficiente requiert tout d’abord une excellente délimitation de son périmètre. En la matière deux
visions peuvent s’opposer : une définition étroite (les politiques de développement financier sont
restreintes aux initiatives portant sur les dimensions sous-tendant le développement financier) ou
plus large (les politiques de développement financier intègrent aussi les actions sur des variables
extérieures à la sphère financière mais qui en conditionnent l’essor).
C’est vers cette définition que l’on tendra (A) avec des conséquences évidentes sur la
définition des moyens et outils de la politique de développement financier : celle-ci est en même
temps moyen et utilisateur d’autres politiques publiques (B).
En tissant un parallèle avec la politique monétaire, cette démarche nous permettra de
distinguer :
(i)
(ii)
(iii)
65
Les
l’objectif final de la politique de développement financier (un système financier à
même de financer la croissance et de lutter contre la pauvreté) ;
des objectifs intermédiaires qui sont les sept dimensions et l’environnement
financier ;
et au final des canaux pour les atteindre (politiques et instruments).
différents
rapports
FSAP
sont
accessibles
sur
le
site
du
FMI
à
l’adresse
suivante :
http://www.imf.org/external/np/fsap/fsap.asp, page consultée le 3 juin 2008
66
A titre d’exemple : la volonté de promouvoir des marchés financiers sans avoir mené au préalable une réforme de la
fiscalité ou alors d’encourager l’accessibilité sans promulgation au préalable d’une réglementation du secteur de la micro
finance.
67
Par exemple, la Financial Charter sud africaine dont les dispositions sont consultables sur le site
http://www.fscharter.co.za/page.php?p_id=1, page consultée le 3 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 241
A-Les dimensions et l’environnement financier comme objectifs intermédiaires de la
politique de développement financier
La définition de la politique de développement financier présentée en introduction possède
un mérite : sa simplicité68. Elle porte en elle son objectif final : la réalisation d’un système financier à
même de financer la croissance des pays de l’arc subsaharien mais aussi de soutenir les efforts en
matière de réduction de la pauvreté. Elle permet aussi de préciser les cibles et vecteurs de
transmission.
Le public cible est aisément identifiable car il s’agit de l’ensemble des personnes physiques et
morales, couches sociales, classes socioprofessionnelles en faveur desquelles les pouvoirs publics
agissent afin d’améliorer l’accès, le volume et la qualité des services financiers appropriés. Quant aux
vecteurs de transmission, ce sont des institutions publiques ou privées ou des corps sociaux sur
lesquels l’Etat peut agir directement ou indirectement afin de susciter le développement financier.
Cette dernière distinction est importante car la politique de développement financier peut passer par
une action sur les offreurs de services financiers (OFFRE de services financiers) mais aussi sur les
demandeurs de services financiers (DEMANDE de services financiers). Le chapitre 10 démontre qu’un
développement financier pérenne ne saurait se faire sans une interaction forte entre ces deux
éléments.
En réalité, la véritable difficulté réside dans la délimitation du périmètre de la politique de
développement financier. Et celui-ci varie en fonction de l’interprétation que l’on fait de la définition
du développement financier et de la politique éponyme.
Dans une acception étroite, la politique de développement financier aurait pour objectif de
contribuer à l’essor des différentes dimensions sous-tendant le développement financier. Il existe
aussi une définition plus large reposant sur une analyse plus fine partant de la définition d’un
système financier. A titre de rappel, celui-ci a été présenté comme un ensemble intégrant les
intermédiaires financiers certes, mais aussi les instruments proposés par ceux-ci, leurs clients, les
différents marchés sur lesquels ils opèrent et les institutions légales et réglementaires qui en
assurent le bon fonctionnement. A ces éléments, il faut ajouter un certain nombre de fondamentaux
sans lesquels un système financier ne saurait fonctionner de manière efficiente.
En effet, les différentes dimensions sous-tendant le développement financier ne peuvent
connaître un essor durable en l’absence de facteurs indispensables à la création et à la maturation
des relations économiques et financières. il s’agit de :
68
Il s’agit de l’ensemble des actions mises en œuvre par la puissance publique ou ses émanations afin de satisfaire les
besoins financiers des différentes catégories d’agents économiques dans un pays donné et contribuer au développement
financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 242
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
la primauté du droit ;
de l’existence d’infrastructures physiques et sociales ;
du macro environnement intérieur (gouvernance économique et politique) ;
mais aussi du macro environnement mondial.
Les travaux sur la compréhension des effets marginaux du développement financier en
Afrique par rapport à d’autres régions du monde soulignent l’impact global de ces facteurs externes
sur la sphère financière et la contribution de celle-ci à la croissance.
Pris individuellement, chacun de ces facteurs, constitue un socle sur lequel s’appuient, tels
des piliers, les sept dimensions du développement financier. Ces fondations, ne sont pas spécifiques
au système financier mais conditionnent le développement de l’ensemble du secteur privé et
constituent ce que l’on pourrait appeler l’environnement financier.
Le graphique n°51 file la métaphore architecturale tout en permettant de mieux comprendre
l’étroite relation entre l’environnement financier et les dimensions du développement financier. Il
souligne aussi la nécessité d’adopter une définition plus large du concept de politique de
développement financier.
Figure 52: Relation dimensions du développement financier/environnement financier. Source : PNUD
et auteur.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 243
Cette dernière place dans le champ des politiques de développement financier des actions
dans des domaines n’appartenant pas directement à la sphère financier : les réformes du système
judiciaire, les interventions en faveur de la stabilisation macroéconomique, les politiques
macroéconomiques, méso économique et microéconomique, les grands travaux en matière
d’infrastructure mais aussi certaines politiques sociales. Ces actions appartiennent certes à d’autres
politiques structurelles ou conjoncturelles mais participent des politiques de développement
financier à des degrés divers. Notamment, lorsqu’elles sont pensées comme des actions à même de
susciter le développement financier. Ces phénomènes de congruence ne constituent pas en soi un
inconvénient dans la mesure où ils sont communs aux différentes politiques économiques.
B-Les canaux de transmission de la politique de développement financier
De la réflexion précédente, émerge un périmètre de la politique de développement financier
intégrant l’ensemble des politiques destinées à favoriser directement l’essor des différentes
dimensions mais aussi à renforcer l’environnement du système financier.
Figure 53: Les politiques au service de la politique de développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 244
Les canaux de transmission de la politique de développement financier se confondent avec les
politiques agissant sur les piliers ou fondamentaux (§1) et celles agissant sur les dimensions (§2).
De leur examen, découle un constat : une politique de développement financier efficiente
mobilise des éléments des politiques de stabilisation (politique monétaire, politique budgétaire,
politique fiscale), des aspects des politiques sectorielles (politique industrielle, agricole, commerciale)
et ne peut se faire sans un apport des politiques d’infrastructures (infrastructure sociale ou
physique).
Leur présentation se fera de pair avec celle de quelques uns de leurs instruments. En raison
des interactions existant entre les composantes du développement financier, certains de ces
instruments peuvent être utilisés par différentes politiques et présentent des similitudes dans leur
mode d’action permettant de les regrouper en trois grandes catégories :
(i)
(ii)
(iii)
les instruments fondés sur la réglementation,
ceux reposant sur des transferts de ressources vers des intermédiaires privés
et finalement la production par la puissance publique de services financiers (Greffe,
1997).
La réglementation constitue le premier mode d’offre de politique de développement
financier. Elle a pour objet d’encadrer les décisions privées d’allocation dans les domaines liés au
développement financier et s’avère nécessaire dès lors que le fonctionnement naturel des systèmes
financiers ne permet pas de résoudre certains problèmes structurels les affectant (existence de
monopoles naturels, concurrence excessive, contrôle des rentes ou des profits excessifs,
compensation des effets externes, absence, insuffisance ou mauvaise qualité de l’information).
L’offre de politique de développement financier par le droit est plus ou moins développée
selon les pays et s’échelonne du recours à des solutions de type monopoles publics à la simple
promulgation de règles (Greffe, 1997). Celles-ci affectent l’ensemble des dimensions sous-tendant le
développement financier. Ainsi, la procédure de droit au compte représente un des exemples de
réglementation prise par les pouvoirs publics pour améliorer l’accessibilité. La promulgation de
dispositions destinées à encadrer les activités du secteur de la micro finance s’inscrivent dans une
logique similaire tout en ayant un retentissement sur des dimensions telles que la profondeur ou la
diversité institutionnelle.
La conception et le suivi de la réglementation doivent faire l’objet d’une attention toute
particulière pour ne pas susciter d’effets négatifs ou contraires à l’objectif recherché (sur ou sous
régulation) ou alors des interactions avec d’autres objectifs ou dimensions. Ainsi la mise en place de
dispositions limitant la liberté d’établissement pour garantir la rentabilité des institutions financières
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 245
et renforcer la stabilité des institutions financières peut avoir des conséquences sur le degré de
concurrence et leur efficacité69.
L’offre de politique publique peut emprunter un deuxième chemin utilisant des incitations
pour modifier l’allocation des ressources au sein de la sphère financière et influer sur le
développement financier. Pour ce faire, différents transferts monétaires ou en nature peuvent être
mis en œuvre afin d’influencer le comportement des acteurs. Une distinction peut être établie au
sein de ces transferts en fonction de leurs effets positifs (subvention, exonérations fiscales) ou
négatifs (prélèvements, majorations) sur le budget des acteurs. Les différents dispositifs fiscaux sont
connus (majoration, exonération, exemption, dégrèvement, crédit d’impôts), raison pour laquelle un
accent particulier sera apporté aux subventions.
Il peut s’agir de subventions en nature avec, par exemple, la mise à disposition de matériels
ou de locaux. Ceux-ci peuvent être proposés à des institutions financières contre réalisation par ces
dernières de certaines prestations financières en faveur de clientèles ou de zones géographiques
marginalisées. Les subventions en nature peuvent aussi prendre la forme d’une assistance technique
avec la mise à disposition de personnels spécialisés dans le traitement de certaines problématiques
(populations marginalisées, PME, réglementation financière).
La subvention peut aussi adopter une forme plus traditionnelle et monétaire. En l’accordant à
une institution financière, l’Etat ou un bailleur augmente son revenu. L’efficacité de cette forme
d’incitation repose dans la capacité de la puissance publique à conditionner son versement à la
réalisation d’objectifs de développement financier précis mais aussi à vérifier qu’une part
substantielle de la subvention n’a pas été affectée au financement d’autres activités. La décision de
l’institution financière de modifier ou non le volume ou la qualité de son offre de service est moins
fonction du volume de la subvention que de sa capacité à agir marginalement sur la décision de
produire.
L’Etat ou les bailleurs peuvent, par ailleurs, subventionner la production d’un service
financier en supportant une partie de son coût (subvention par baisse des coûts). Dans ce cas,
l’institution financière ne supporte qu’une partie du coût effectif. Les lignes de crédit
concessionnelles proposées par les bailleurs reposent sur ce mécanisme.
Si la subvention constitue un moyen efficace d’incitation du secteur privé à la production de
nouveaux services financiers, elles font notamment l’objet de critiques en raison des effets
d’aubaines qui leur sont associées et des hypothèses qui sous-tendent leur efficacité. Les
subventions reposent en fait sur un pari : l’octroi sur une période limitée d’une subvention à un
intermédiaire financier est à même de l’inciter à modifier plus durablement son offre de services
69
En guise d’illustration de ces phénomènes, l’introduction du McFadden Act en 1927 a restreint les possibilités de créations
de filiales dans les différents Etats américains. Tout en permettant de garantir la stabilité des banques régionales, elle est à
l’origine d’une longue controverse sur les effets de la restriction « du branching » sur l’efficience.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 246
financiers. Le calcul économique motivant la subvention se fait en deux périodes. Dans un premier
temps, la subvention, en abaissant les coûts d‘exploitation de l’opérateur financier, l’incite à explorer
ce dernier et à y développer ses activités. La subvention joue ainsi le rôle de révélateur de marchés
solvables et permet aux intermédiaires financiers de constituer une courbe d’expérience mais aussi
de mettre en œuvre des solutions techniques pour faire face aux risques de ces marchés. A l’arrêt de
la subvention, les intermédiaires financiers disposent non seulement d’une connaissance opératoire
du marché et d’une courbe d’expérience qui leur donne la possibilité d’y poursuivre leurs opérations
tout en étant rentables.
La politique de développement financier peut, au final, emprunter une dernière forme : celle
de la production publique de services financiers à travers la création d’institutions publiques locales,
nationales (Banque centrale ou banque postale) ou sous-régionales (BEAC, BCEAO) mais aussi par la
mise en place de partenariat avec les acteurs privés (Partenariats Publics Privés).
La présentation des politiques agissant sur les fondamentaux de l’environnement financier
(§1) et les dimensions (§2) permettra de poursuivre la découverte de la nature polymorphe des
formes de l’offre de politique de développement financier.
§3 - LES POLITIQUES AGISSANT SUR LES FONDAMENTAUX
Agir sur les piliers du développement financier constitue un des axes majeurs de la politique
de développement financier tant les externalités exercées sont importantes. La politique de
développement financier possède donc des congruences avec d’autres politiques visant à créer des
infrastructures physiques et sociales mais aussi à renforcer la gouvernance économique et politique
ainsi que le cadre juridique et l’information.
A- L’amélioration de la gouvernance économique et politique
La stabilité politique et macroéconomique constitue une des conditions essentielles du
développement du système financier. En matière de stabilité politique, la corruption et la criminalité
économique constituent des sources d’augmentation de l’incertitude des agents économiques qu’ils
soient financiers ou non financiers. Ayyagari, Demirguc-Kunt et Maksimovic (2005) ont ainsi
démontré que l’instabilité politique et le crime constituaient des freins majeurs à la croissance des
entreprises. Detriagache, Gupta et Tressel (2005) abondent dans ce sens en soulignant que dans les
pays à faible revenu, l’instabilité politique et la corruption sont défavorables au développement
financier. Haber (2004), en s’intéressant au lien entre forces politiques et stratégies de
développement financier affirme que des systèmes politiques clos sont susceptibles d’empêcher le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 247
développement d’acteurs financiers efficients et concurrentiels car ceux-ci pourraient remettre en
cause les rentes de situation. Sans pêcher par excès, on peut affirmer que les actions visant à
améliorer la gouvernance politique participent de la politique de développement financier.
Par ailleurs, dans un environnement politique stable, la discipline budgétaire et des
politiques macroéconomiques responsables sont autant de facteurs contribuant à l’émergence
d’acteurs financiers dynamiques. La relation est aussi valable dans l’autre sens car des systèmes
financiers efficients et diversifiés sont le gage d’un meilleur pilotage de la politique budgétaire. Ainsi,
l’essor des marchés monétaires et obligataires peut limiter le seigneuriage au profit d’un
financement de la dette publique par les marchés. L’intermédiation directe constitue, par ailleurs, un
progrès dans la supervision de la gestion publique grâce à la discipline imposée par le marché. La
multiplication des emprunts obligataires publics sur la BRVM et la capacité des Etats à rembourser
ceux-ci par anticipation a contribué à asseoir la réputation de la gestion publique au sein de
l’UEMOA. Elle alimente, par ailleurs, la dynamique de la bourse en raison de l’activité plus forte
enregistrée sur le marché des titres publics.
Les politiques de stabilisation macroéconomique, souvent critiquées pour leur coût sur
l’économie réelle, ont permis d’asseoir les fondements du développement financier en contribuant à
la réduction de l’inflation. En effet, les pays enregistrant des taux d’inflation stables présentent des
degrés de développement des systèmes financiers plus élevés [Boyd, Levine et Smith, 2001].
Rousseau et Wachetl (2002), en considérant un échantillon de 84 pays (dont 22 Etats africains 70) sur
la période 1960-1995, mettent en évidence l’existence d’un seuil d’inflation (compris entre 13 et 25
pourcent) au-delà duquel, la relation entre finance et croissance n’est plus significative. Cette étude
confirme les travaux menés par Bruno et Easterly (1998): la profondeur financière varie inversement
à l’inflation. A contrario, les épisodes de désinflation sont accompagnés par un approfondissement
du système financier et un impact positif de ce dernier sur la croissance.
Les effets de l’inflation s’expliquent par la difficulté de réaliser l’intermédiation financière en
présence d’un niveau général des prix élevé et erratique. Dans un environnement inflationniste, les
flux d’information portant sur les projets d’investissements et leur rentabilité deviennent incertains.
Des niveaux élevés d’inflation découragent la réalisation de contrats sur le long terme et limitent la
volonté des intermédiaires de fournir des financements longs.
L’inflation peut, par ailleurs fausser les ratios qui sont utilisés pour mesurer le
développement financier. Des niveaux d’inflation élevés sont à même d’augmenter le coût
d’opportunité associé à la détention de monnaie, entraîner les agents à réduire leur détention
d’actifs monétaires et provoquer une baisse des ratios M1/PIB ou M2/PIB. A travers ces différents
canaux, le secteur financier constitue un des canaux privilégiés empruntés par l’inflation pour miner
la croissance. L’inflation étant à même de remettre en cause le fonctionnement efficient des
70
Algérie, Argentine, Cameroun, République Centrafricaine, Côte d’Ivoire, Egypte, Gambie, Ghana, Kenya, Lesotho, Malawi,
Maurice, Maroc, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Afrique du Sud, Soudan, Togo, Zimbabwe.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 248
systèmes financiers nationaux, elle limite, par ailleurs, l’intégration de ces pays avec le reste du
monde (action sur le taux de change et augmentation du coût des instruments de couverture).
La baisse des taux d’inflation des pays subsahariens représente un des effets durables des
politiques d’ajustement structurel menées sous la houlette des bailleurs de fonds. En ce sens, elle
légitime pleinement l’intégration de la politique monétaire dans le champ de la politique de
développement financier.
Au-delà de son action sur le niveau des prix, la prise en compte des interactions entre
développement financier et politique monétaire est d’autant plus importante que cette dernière
exerce un impact profond sur le développement financier à travers ses trois canaux (taux d’intérêt,
crédit et actifs financiers). A titre d‘exemple, les modifications des taux d’intérêts ou de la parité
monétaire, au-delà d’une recomposition du portefeuille des agents, peuvent avoir un impact non
négligeable sur la profondeur des systèmes financiers, exposer les institutions financières au risque
de change ou de taux et entraîner une dégradation de la qualité de leur bilan. La politique monétaire
menée par la BEAC et la BCEAO au cours des quarante dernières années constitue une illustration de
ces différentes interactions.
Tout au long des années 1960, les deux instituts d’émission ont mené une politique
monétaire d’inspiration keynésienne associant encadrement du crédit, taux de réescompte
préférentiels pour les secteurs prioritaires et taux d’intérêts bas afin de favoriser l’investissement et
la croissance. Ainsi, sur la période 1962-1973, le taux d’escompte est resté fixe à 3,5% au sein de
l’UMOA générant des taux d’intérêts réels négatifs. A partir des années 1970, le différentiel des taux
réels entre la France et la Zone Franc a alimenté un important processus de fuite des capitaux vers la
France. Le dispositif institutionnel de la Zone Franc a donc pu contribuer à limiter la constitution
d’une base d’épargne nationale. Au final, alors que les taux d’épargne ont fortement augmenté dans
la plupart des pays en développement pendant les décennies 60-70, tel n’a pas été le cas de
l’UEMOA dont le taux d’épargne brute est resté inférieur à 10% du PIB tandis qu’en CEMAC, ils ont
surtout suivi les variations des prix pétroliers (Meisel et Mvogo, 1997).
Dans les années 1980, suite au déclenchement de la crise de la dette, au relèvement brutal
des taux du trésor américain et à ses répercussions mondiales, la BCEAO et de la BEAC ont également
dû augmenter leurs taux pour s’aligner sur la politique du Franc fort. Ainsi, les deux instituts
d’émission, au lieu de mener une politique contra-cyclique ont, au contraire par leur posture
restrictive, contribué à détériorer la situation financière des entreprises des PAZF déjà mal en point.
Les difficultés de trésorerie des entreprises ont affecté la liquidité et la solvabilité des banques et
constituent l’une des causes du déclenchement des crises bancaires à la fin des années 1980.
Rompant avec leur rôle de prêteur en dernier ressort, les banques centrales ont encore durci leurs
conditions du refinancement en limitant l’accès à la liquidité des banques commerciales.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 249
Figure 54: Evolution des taux d’épargne (1965-2004). Source : Banque Mondiale (2006). Les pays
anglophones comprennent le Ghana, le Kenya et le Nigeria.
Quant au décrochage monétaire de 1994, il a profondément affecté l’intermédiation
financière en augmentant la charge de la dette des acteurs endettés en devises et la dégradation du
bilan des intermédiaires financiers. Les effets de la politique d’ancrage monétaire peuvent donc
s’analyser à deux niveaux : dans la sphère financière et dans la sphère réelle. Concernant la sphère
réelle, la politique monétaire menée par les instituts apparaît pro-cyclique tout au long de la période.
En termes de développement financier, la politique monétaire a certes entraîné une amélioration
des ratios de profondeur financière en facilitant la distribution de crédits à l’économie. Mais, en
alimentant une importante fuite de capitaux, elle n’a pas pour autant permis la constitution d’une
base d’épargne domestique stable et, au contraire, a ouvert la voie à des comportements
opportunistes de la part des détenteurs de capitaux.
A contrario, un faible niveau de développement financier peut fortement réduire les effets
de la politique monétaire. A titre d’exemple, les asymétries d’information en générant des processus
de rationnement du crédit peuvent créer une surliquidité des systèmes financiers susceptible
d’inhiber la portée des mesures de politiques monétaires (détente des taux, baisse des niveaux de
réserves obligatoires) passant par le canal des taux ou du crédit.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 250
B- Le renforcement du cadre juridique
Le développement d’un cadre juridique adapté constitue une condition nécessaire à l’essor
des systèmes financiers. L’interaction entre cadre juridique et développement financier en Afrique
recouvre en fait deux problématiques bien distinctes : celle de l’insécurité juridique et celle de
l’insécurité judiciaire. L’insécurité juridique désigne l’incapacité de la règle de droit dans sa forme
actuelle à répondre aux besoins de ses utilisateurs. A titre d’exemple, le droit des affaires en Afrique
francophone a longtemps été régi par un corpus juridique hétérogène, différant selon le pays et
remontant parfois au Code Napoléon.
La signature du traité de Port-Louis instituant l’OHADA en 1993 par 14 pays francophones a
permis de moderniser le droit des affaires en Afrique en adoptant des normes uniformes et
répondant aux besoins des opérateurs économiques.71 Si les différents actes uniformes
correspondent à un immense progrès, plusieurs chantiers doivent être poursuivis. Tout d’abord, celui
de l’hétérogénéité. Dans des espaces intégrés ou qui ont vocation à s’intégrer, l’hétérogénéité
juridique demeure et constitue un frein pour le développement de relations financières
interafricaines.
Figure 55: Nombre de jours pour faire sanctionner un contrat (2007). Source: Banque Mondiale
(2008)
71
Huit Actes uniformes ont été adoptés et régissent désormais les relations juridiques dans les domaines suivants : droit
commercial, sociétés commerciales et le GIE, procédures collectives, comptabilité des entreprises, transport par routes,
droit de l'arbitrage, procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution et sûretés.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 251
L’OHADA est un système juridique regroupant uniquement des pays francophones. Quant à
la CEDEAO72, sa volonté d’intégration économique ne s’accompagne pas (ou peu) d’une intégration
juridique. Le deuxième chantier est celui de la complexité des normes juridiques. Le nombre de
procédures pour créer une entreprise, obtenir une licence, déposer ses comptes annuels constitue
autant d’entraves. Au final, certains pans du dispositif normatif méritent une attention toute
particulière. Une attention toute particulière pourrait être apportée à la réglementation financière
qui accuse un retard dans certains pays. Les codes régissant les assurances datent parfois des
indépendances et certains pays ne disposent pas de normes pour encadrer certaines activités
financières ou alors pour garantir le respect de la concurrence.
Le deuxième aspect de la question juridique a trait à l’insécurité judiciaire. Cette dernière
dimension est particulièrement importante pour le respect et la sanction des contrats financiers. Or,
les intermédiaires souffrent comme les autres acteurs financiers d’une réelle difficulté à faire
sanctionner leur contrat. La lenteur de la justice et la qualité de la sanction représentent deux
obstacles au développement de l’intermédiation. Pour les intermédiaires financiers, la corruption et
les pressions de divers ordres exercées sur les juges constituent autant de raisons de limiter le
volume de prêts ou l’offre de services financiers.
Cumulés, ces deux aspects de l’insécurité du cadre juridique constituent un puissant facteur
d’explication du sous-développement financier ainsi que l’attestent différentes études. Djankov,
McLiesh et Shleifer (2005) concluent, par exemple, sur le rôle essentiel de la protection des droits de
propriété et des mécanismes de sanction des contrats. Beck, Demirguc-Kunt et Maksimovic (2004)
confirment le rôle fondamental du système judiciaire en établissant que les entreprises sont mieux à
même d’accéder à des financements externes dans des pays où les tribunaux assurent une bonne
applicabilité des contrats. L’efficience des tribunaux garantit, en outre, des taux d’intérêts et des
différentiels de taux plus faibles (Laeven et Majnoni, 2005). Le rapport Doing Busines 2007 revient
sur ces différentes notions en établissant une relation entre le ratio crédit au secteur privé/PIB et la
qualité du système judiciaire (mesuré à travers un indice de respect des droits des créanciers et
emprunteurs). Plus cet indice est élevé, plus la part du crédit privé dans le PIB est importante
(Banque Mondiale, 2007e).
C-La mise en œuvre d’infrastructures physiques et sociales
Le développement d’institutions de formation de qualité est un autre préalable à l’essor des
relations financières. En effet, bien que la micro finance ait démontré la possibilité d’intégrer au sein
des systèmes financiers des personnes dépourvues de toute instruction, la capacité à prendre
connaissance des termes et conditions d’un service financier représente un atout essentiel pour
améliorer l’accessibilité mais aussi développer la contestabilité des marchés et réaliser les conditions
d’une concurrence effective.
72
Ensemble regroupant aussi bien les pays anglophones et francophones ouest africains.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 252
Pour comprendre le rôle de la scolarisation et de l’alphabétisation dans la réalisation d’un
meilleur degré de concurrence, il est nécessaire de revenir sur la distinction entre concurrence et
concurrence effective.
L’opposition entre ces deux notions n’est pas purement formelle mais reflète une réalité qui
pourrait expliquer le sous-développement de certains systèmes bancaires africains. Les réformes
entreprises dans le cadre de la libéralisation des années 80 et 90 ont posé le cadre de la concurrence
dans les différents compartiments des systèmes financiers. La structure du système bancaire a
profondément évolué avec une augmentation du nombre d’acteurs et une baisse de la concentration
et la contestabilité de jure est plus grande. Cependant, de facto, concurrence n’y est pas effective. La
concurrence est effective si trois critères sont réunis si :
(i)
(ii)
(iii)
les conditions traditionnelles de la concurrence sont présentes,
le consommateur est capable d’effectuer un choix rationnel,
et si le consommateur a la possibilité d’effectuer ce choix avec des coûts de
transaction faibles.
Le deuxième critère est largement lié à la politique éducative et explique la réalisation de
choix non rationnels par les agents économiques non financiers et notamment les ménages. En effet,
si de nombreux pays développés ont adopté des dispositions portant sur la transparence de
l’information financière et la protection du consommateur bancaire, leur applicabilité dans certains
pays africains peut être plus réduite en raison d’un niveau d’analphabétisme, certes en recul, mais
encore assez important. La complexité des produits, des taux et commissions mais aussi une
tarification parfois obscure peuvent limiter la comparabilité et limiter le jugement des
consommateurs73. Un calcul des taux d’intérêts requiert un minimum de connaissances. Les
consommateurs ne disposant pas de celles-ci ne sont pas à même de bénéficier de taux ou de
commissions moins élevées en changeant de banques.
En l’absence d’informations suffisantes pour effectuer leur choix ou alors comparer les
différentes offres bancaires, la concurrence entre les différents établissements bancaires ne peut
être effective. Dans cet environnement, les consommateurs accordent leur confiance aux banques
disposant d’une réputation solide liée soit à l’histoire (longue implantation dans la communauté) ou
à la marque (banque réputée, par exemple). Ces phénomènes de conservatisme bancaire peuvent
nuire à l’émergence d’acteurs plus dynamiques et proposant de meilleures conditions de marché.
§4-LES POLITIQUES AGISSANT SUR LES DIMENSIONS
73
Cf. pour le cas sud africain, l’excellente analyse contenue dans: Task Group Report for the National Treasury and the South
African Reserve Bank, (2004) Competition in South African Banking, Competition Commission South Africa
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 253
Sans avoir la prétention d’être exhaustif, le tableau n°25 reprend différentes initiatives
susceptibles d’exercer un impact direct ou indirect sur le développement d’une ou plusieurs
dimensions. Bien que faisant l’objet d’une présentation par dimension, ces instruments exercent
souvent un impact sur d’autres dimensions à travers un jeu d’interactions complexes.
A- Promotion de la diversité et de la profondeur
Le développement de ces deux dimensions est avant tout tributaire de la dynamique
économique mais aussi de la diversification au sein de la sphère réelle. Vouloir agir sur elles implique,
par conséquent, la mobilisation de politiques structurelles.
Des politiques agricoles ou industrielles appropriées (interventions directes de l’Etat ou alors
par la mise en œuvre d’incitations) sont susceptibles d’augmenter le volume des dépôts mais aussi la
diversification de l’économie et ce faisant, les possibilités de division des risques pour les
intermédiaires financiers. Un tel processus peut aussi susciter la création de nouveaux intermédiaires
financiers en raison de la multiplication des besoins (immobilier, assurance, leasing, factoring…) mais
aussi de leur augmentation (marchés boursiers pour faire face à la demande de capitaux).
L’attractivité de nouveaux marchés et la solvabilité de leurs acteurs peuvent être renforcées
par leur sécurisation via des engagements des pouvoirs publics sur la durée des incitations ou alors
l’octroi d’un droit exclusif d’exercer temporaire. Des politiques commerciales bien pensées sont à
même d’améliorer la compétitivité de certaines filières et constituent une garantie de rentabilité
pour les banques.
Par ailleurs, une amélioration des processus redistributifs, en élevant le revenu moyen par
habitant, peut constituer un des éléments de la bancarisation des personnes physiques dans un
espace caractérisé par un niveau de pauvreté élevé.
Face à une épargne thésaurisée ou drainée en dehors de l’espace subsaharien (le volume de
la fuite des capitaux est estimé à près de 10 milliards de dollars par an), le deuxième axe prioritaire
de renforcement de la profondeur des systèmes financiers subsahariens réside dans la création de la
confiance. Celle-ci est d’autant plus nécessaire que les épargnants gardent en mémoire les
déconvenues associées aux crises financières de la fin des années 80. Si l’amélioration de la stabilité
politique et macroéconomique constitue des prérequis, d’autres solutions sont à explorer. Ainsi,
redonner de la confiance aux déposants passe aussi par la mise en place d’un mécanisme
d’assurance des dépôts ou alors de solidarité de place couplée à un durcissement de la supervision
pour éviter des comportements hauts risques/hauts rendements. Au-delà de la surveillance des
comportements de gestion, la supervision pourrait s’attacher au respect du secret bancaire et à la
confidentialité des données financières car dans des pays où tout le monde se connait, l’accès à ces
informations et la crainte d’une diffusion de celles-ci constituent deux motivations de la fuite des
capitaux.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 254
Le blocage de l’intermédiation s’expliquant aussi par la peur du risque défaut, la mise en
œuvre de mécanismes à même de renforcer la qualité de l’information financière fournie ou
disponible sur les emprunteurs constituerait un plus. Un tel objectif pourrait être rempli par la mise
en place de programmes de certification des comptes des entreprises.
Ce processus de réduction de l’incertitude peut être décliné au niveau des personnes
physiques avec l’établissement de passerelles entre les autorités en charge de la supervision bancaire
et celles ayant pour mandat l’identification des résidents lors des recensements électoraux. La
création de partenariat entre ces deux types d’institutions réduirait la réticence des institutions
financières à opérer vers ce type de clientèle en raison des difficultés à établir la résidence et
l’identité des individus.
Du côté de l’offre de services financiers, l’approfondissement et la diversification du système
financier transitent par des mécanismes au sein desquels peuvent participer des acteurs publics
(bailleurs de fonds, autorités nationales ou régionales) mais aussi le secteur privé.
Dans un environnement largement caractérisé par la surliquidité des systèmes bancaires, le
recours à un deuxième instrument, la garantie, serait susceptible de renforcer l’accès au crédit des
clientèles les plus fragilisées tout en drainant l’excès de mobilité.
Toutefois, l’analyse des mécanismes de garantie à l’échelle internationale révèle une réalité :
la réussite de ces programmes ne peut se faire sans réunir certaines conditions, notamment en
matière de gouvernance. En effet, si les garanties constituent un pan essentiel de la politique de
développement financier dans tout pays qu’il soit développé ou en développement, leurs résultats
sont mitigés d’après l’étude menée par Grahams, Bannock et Partners (1997). Sur la base d’un
échantillon de 85 pays, elle révèle en particulier que l’accès aux garanties est discriminatoire et que
ces dernières ne sont pas toujours utilisées par les entreprises et clientèles en ayant le plus besoin.
Ce phénomène existe aussi pour les lignes de crédit bonifiées qui bénéficient le plus souvent aux
entreprises entretenant une relation de clientèle ancienne avec leur banque. L’utilisation efficiente
de ces instruments passe par une attention plus forte accordée à leur accessibilité par les
populations cibles. Pour les bailleurs de fonds, une utilisation plus efficiente de leurs instruments
nécessite donc une meilleure vulgarisation de l’existence de ces instruments auprès des clientèles
avec notamment des liens avec les associations professionnelles (confédération patronale, par
exemple).
La mise en œuvre de mécanismes à même de drainer une partie de l’épargne thésaurisée ou
alors sortant de l’arc subsaharien pour l’allouer à des fins productives représente un vecteur
d’interactions positives au sein de la sphère financière. Le développement d’initiatives dans le
financement de l’immobilier et la création de bourses participent de cet effort et requièrent une
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 255
intervention partielle de la puissance publique en raison de la lourdeur des investissements mais
aussi des nombreuses incitations et processus de coordination à mettre en œuvre74.
Toutefois, la mise en œuvre de ces mécanismes doit se faire en prenant en compte les
économies d’échelles et les investissements massifs qu’ils supposent. La régionalisation apparaît à
cet égard une excellente solution pour mutualiser des institutions financières non viables à l’échelle
nationale. Les bailleurs de fonds et les investisseurs privés extérieurs peuvent contribuer à la réussite
du marché boursier directement à travers l’utilisation de l’endettement en monnaie locale pour
financer leurs opérations au sein de l’espace subsaharien (ce faisant, ils préservent leurs
contreparties du risque de change, augmentent la profondeur des marchés financiers et les
structurent). De manière indirecte, la création de fonds souverains ou privés ayant pour finalité
l’achat de titres côtés sur les marchés de l’arc subsaharien ou alors de produits s’inscrit dans cette
logique (Geiss et Mvogo, 2008).
Au final, face à l’ampleur des phénomènes de fuite des capitaux (estimé au minimum à 10
milliards de dollars américains par an), le renforcement du secret bancaire, voire des mesures
d’amnisties fiscales, pourraient permettre de réintégrer dans le secteur bancaire des sommes jusque
là dissimulées. La création d’un ou plusieurs paradis fiscaux africains, mesures certes provocantes,
peut aussi représenter une alternative aux placements effectués hors du continent. Le
développement de fonds implantés dans ces pays dotés d’une fiscalité avantageuse assurerait, par
ailleurs, la transformation des sommes collectées. Des critères d’investissements stricts (allocation
vers des projets productifs d’un volume pré-déterminé de l’épargne mobilisée) offriraient des
opportunités de diversification plus intéressantes que le traditionnel investissement immobilier à
l’origine du boom de la construction dans de nombreuses villes nouvelles africaines (ACI 2000 à
Bamako, Ouaga 2000 à Ouagadougou…). Des mécanismes de redistribution des gains entre pays
africains participant à ce dispositif viendraient couronner l’ensemble.
B- Institutions d’appui et ouverture internationale
De nombreuses études placent la qualité et l’accessibilité à l’information au rang des facteurs
décisifs dans la constitution d’un secteur financier développé. Pour Jappelli et Pagano (2002), le
volume de crédit bancaire est plus élevé dans les pays disposant de systèmes d’échanges
d’information. De plus, les entreprises font état de moindres contraintes de financement lorsque les
74
A titre d’exemple, la mise sur pied d’un mécanisme de financement du secteur immobilier requiert: (i) la création de
mécanisme de mobilisation et de transformation de l’épargne à long terme (obligations, livrets, comptes à termes), (ii) la
gouvernance des institutions en charge de la gestion et de l’allocation des ressources collectées, (iii) l’instauration de
solutions de titrisation, (iv) la mise en œuvre d’institutions chargées de la gestion des prêts immobiliers, (v) le financement
des filières chargées de la construction
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 256
intermédiaires financiers disposent d’une meilleure information sur le crédit (Love et Mylenko,
2004).
L’amélioration de la profondeur des systèmes financiers semble être conditionnée à un
meilleur accès à l’information et à une sanction/application judiciaire des contrats plus rapides
(Detriagache, Gupta, Tressel, 2005). Djankov et al. (2005) précisent cette dernière relation en
affirmant que dans les pays à faible revenu, l’existence de systèmes d’information sur les prêts
contribue plus fortement au développement de l’activité économique que l’existence d’un système
judiciaire efficient.
Or, huit ans après la publication de l’ouvrage d’Anne Joseph (2000), Le rationnement du
crédit dans les pays en développement, mettant en lumière le rôle des asymétries d’information dans
le sous-développement financier de différentes économies de la Zone Franc, il est frappant de
constater que la création d’institutions à même de renforcer la confiance des créanciers n’a pas été
au cœur des politiques publiques.
Ce constat peut être étendu à pratiquement la totalité des pays de l’arc subsaharien car les
centrales des risques existant dans ces pays permettent aux banques de connaître l’encours des
prêts et engagements contractés par les gros emprunteurs mais ignorent les comportements
d’emprunts des PME et de la majorité des personnes physiques.
Le développement de quelques agences de notation pour faire face à la naissance des
marchés boursiers ne palie pas le manque de centrales des bilans ou d’agences de rating spécialisées
dans l’analyse du marché des PME. Ces lacunes limitent le développement du crédit à la
consommation mais aussi l’essor du crédit aux PME. Pourtant des solutions techniques simples
existent (de type Infogreffe ou Kompass) mais aucun acteur ne semble prêt à prendre le risque de
s’impliquer dans une telle activité d’où un recours à la puissance publique ou l’adoption d’un modèle
de type GIE.
Ces infrastructures présentant en général des coûts assez élevés, les bailleurs de fonds
pourraient envisager la création de Groupement d’Intérêt Economique regroupant de manière
paritaire les opérateurs bancaires et les autorités de régulation afin de promouvoir l’utilisation de
normes compatibles ou alors l’implantation de nouveaux DAB/GAB par la mutualisation des coûts.
Le renforcement et l’extension de la supervision constitue une autre nécessité dans des
environnements financiers marqués par l’entrée de nouveaux acteurs.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 257
Figure 56: Pourcentage de la population recensée dans les registres de crédit (2006). Banque
Mondiale (2007e)
Une ouverture financière réussie ne peut avoir lieu sans
(i)
(ii)
(iii)
l’amélioration des droits et de la protection des investisseurs, notamment
internationaux ;
la protection des droits des actionnaires, notamment en matière de communication
de l’information mais aussi d’exercice de leurs droits sociaux ;
et la protection des intérêts commerciaux par la justice. Ces trois types de protection
sont complémentaires et se renforcent mutuellement.
Lorsqu’elles font défaut, l’ouverture financière est susceptible de ne pas produire pleinement
tous ces effets. En effet, en l’absence de protection des droits des investisseurs, les investisseurs
internationaux seront réticents à financer des investissements dans le pays ou alors exigeront une
rémunération plus élevée.
C- Les politiques de développement de l’accessibilité
A titre de rappel, la problématique de l’accessibilité aux services financiers est intimement
liée à trois contraintes :
(i)
la capacité des agents à accéder physiquement aux institutions financières
(accessibilité géographique) ;
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 258
(ii)
(iii)
mais aussi la soutenabilité des coûts pour utiliser les services financiers ;
et les formalités à remplir.
Si la microfinance est souvent présentée par les médias comme étant une des solutions à la
problématique de l’accessibilité en Afrique subsaharienne, d’autres dispositifs présentent des
avantages non négligeables. Contrairement à la microfinance qui œuvre en faveur d’une meilleure
accessibilité par la création d’institutions spécialisées, certains mécanismes font largement appel à
l’existant, c’est-à-dire les établissements financiers. La gamme des solutions s’échelonne de la
revitalisation des caisses agricoles ou alors les banques postales à la mise en place d’Incitations
fiscales pour les banques s’engageant dans des régions reculées ou alors sur des populations
marginalisées.
L’utilisation des NTIC pourrait, à cet égard, accorder quelques marges de manœuvre aux
établissements financiers de proposer des services financiers sans développer un réseau d’agences.
Au-delà de solutions assez onéreuses (distributeurs et automates bancaires), l’extension des réseaux
de téléphonie mobile dans les pays de l’arc subsaharien offre de nouvelles opportunités. Suite à
l’explosion du nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles dans les pays subsahariens, différents
réseaux bancaires offrent désormais la possibilité à leurs clients de pouvoir consulter leur solde
bancaire sur leur téléphone. Le recours à de nouvelles solutions technologiques (E-Banking, mobile
banking, guichets bancaires itinérants, DAB/GAB) est à même de réduire les coûts opérationnels
associés à la géographie ou alors à l’offre de services financiers sur des clientèles non traditionnelles.
Dans ce domaine, l’initiative prise par Google pour apporter des solutions techniques en matière de
scoring ou de logiciels d’analyse des données des entreprises va dans le bon sens (Google, 2008b).
Le chantier de l’accessibilité peut aussi être abordé sous l’angle juridique avec l’introduction
d’un système de droit au compte (cas de l’UEMOA depuis 200275).
Cet objectif peut aussi être atteint par la mise en œuvre d’une Charte financière imposant
aux banques d’associer à la réalisation de leurs objectifs traditionnels des objectifs sociauxéconomiques. Ce mécanisme a été utilisé dès les années 1970 aux Etats-Unis avec la promulgation du
Community Reinvestment Act76. Cette loi a été promulguée afin de limiter les phénomènes de
ségrégation financière sur des bases géographiques ou sociales. Elle impose aux institutions
bancaires américaines collectant des fonds dans une zone géographique d’y apporter un certain
nombre de services financiers aux personnes morales et physiques (dont le financement de projets).
Avec l’adoption de la Financial Charter en 2004, l’Afrique du Sud s’est inspirée de ce mécanisme afin
75
Ce droit a été institué en 2002 au sein de l’UEMOA par le règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de
paiement dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africain .Toutefois, la portée du droit au
compte est encore limitée car il s’agit d’un droit et non d’une obligation. Par ailleurs, les conditions requises (justifier d’un
revenu régulier, 50 000 FCFA au minimum) limitent l’accès à une frange importante de la population.
76
Cf. l’excellente présentation qui en est faite dans l’ouvrage suivant : La bancarisation des nouveaux marchés urbains :
expériences américaines (Crédit Municipal de Paris, 2004)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 259
de promouvoir l’accès aux services financiers en faveur de la population noire largement exclue du
secteur financier pendant l’Apartheid.
Cette initiative constitue la déclinaison au niveau financier du Broad-based Black Economic
Empowerment [BBBEE] Act promulgué en 2003 qui a pour objectif général de créer les conditions
d’une plus grande égalité entre les différentes populations composant le pays. Sur la base d’objectifs
quantitatifs et qualitatifs clairement définis, les différents acteurs du secteur financier sud africain
(gouvernement, syndicats, institutions financières77, collectivités locales) s’engagent à garantir un
meilleur accès aux services financiers à la majorité noire, à améliorer la répartition raciale de leur
personnel mais aussi à investir dans un certain nombre de secteurs considérés comme prioritaires.
Une réforme des lois régissant les opérations financières dans les pays subsahariens pourrait
permettre aux établissements financiers de cet espace d’envisager de nouvelles modalités de
distribution des services financiers. Celles-ci passent, par exemple, par l’exploration de synergies
opérationnelles avec différents agents économiques non financiers (pharmacie, boutiques, grands
opérateurs de téléphonie mobile, station services, guichets des loteries nationales …) dans le cadre
de programme de « correspondance banking ».
Les partenariats ainsi noués permettraient l’externalisation de certaines opérations
financières de base (ouverture de compte, transferts d’argent, versements) et de fortement réduire
l’investissement initial et des coûts d’exploitation (Kumar et al, 2006). Dans le cadre de ces accords,
les établissements financiers pourraient bénéficier de la chaîne logistique de leurs partenaires et de
leur capacité à gérer des flux de trésorerie importants.
Ces modèles de « correspondance banking » présentent des avantages et des inconvénients,
notamment lorsque les agents économiques retenus comme partenaires sont de petite taille ou alors
trop proche des usagers. Cette proximité pose la question de la gestion des informations clients et du
secret des transactions financières dans des petites communautés où tous les membres se
connaissent. Un autre inconvénient associé au correspondance banking réside dans la double
casquette de l’agent économique qui est opérateur économique pour son propre compte et
prestataire de services financiers. Cette double casquette peut le pousser à interférer dans les
opérations financières de ses clients afin de préserver ses intérêts. Certains commerçants pourraient
ainsi refuser d’effectuer des opérations financières pour le compte de clients tant que ceux-ci ne se
seraient pas acquittés de leurs dettes commerciales.
77
Notamment les assureurs et réassureurs, organismes de placement collectifs, les sociétés d’investissement et de gestion
de fonds, les fonds de pension, les agents de change et les banques.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 260
CONCLUSION
L’irruption de la politique de développement financier dans le champ des politiques de
développement constitue la principale conclusion de ce chapitre. Une irruption largement motivée
par l’ampleur des imperfections affectant la demande, la production et la distribution de services
financiers au sein de l’arc subsaharien. Qu’il s’agisse de la nature de bien public du développement
financier, de la rationalité limitée des agents économiques, de l’incomplétude des marchés ou des
logiques de rentabilité propres aux intermédiaires financiers, ces différents facteurs pris ensemble ou
séparément sont à l’origine du blocage de l’intermédiation dans les systèmes financiers
subsahariens. Face à la force et à la multiplicité de ces contraintes et dans des environnements
encore marqués par la rigueur de la contrainte budgétaire, la politique de développement financier
se doit d’avoir l’efficience comme leitmotiv.
Raison pour laquelle, la définition de ses objectifs potentiels, cibles et instruments a fait
l’objet d’une attention toute particulière. De cette tentative de conceptualisation menée en ayant à
l’esprit la politique monétaire, découle une réalité forte : une politique de développement financier
ne peut se faire sans la participation de deux types de politiques : des politiques structurelles et de
stabilisation agissant sur les fondamentaux de la sphère réelle et des politiques agissant directement
sur les dimensions du développement financier.
Réaliser le développement financier suppose l’intégration d’une variable essentielle : le
facteur humain et les choix effectués par les hommes en charge de la conduite de la politique de
développement financier. Ceux-ci conditionnent la philosophie de la politique de développement
financier, délimitent le degré d’intervention de l’Etat dans la sphère financière, la priorité accordée à
une ou à quelques dimensions ou le recours à un instrument plutôt qu’a un autre. Intégrer l’élément
humain présente donc des implications fortes et explique que l’on ne puisse parler de politique de
développement financier mais plutôt des politiques de développement financier. Le chapitre 10, en
soulignant le caractère pluriel des politiques de développement financier essaiera d’en proposer une
taxinomie. Dans une perspective axiomatique, il essaiera, par ailleurs, de définir le type de politique
de développement financier adaptée à la situation des pays de l’arc subsaharien.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 261
Niveau/Dimensions
Interventions
Profondeur







Utilisation de la surliquidité locale par recours à un système de garanties
Promotion de l’endettement en monnaie locale
Soutien aux agences accordant des crédits à l’exportation (Afreximbank, par exemple)
Appui aux banques de développement
Financement des PPP par recours à l’épargne locale
Réformes fiscales pour accentuer le recours aux intermédiaires financiers formels
Amélioration du secret bancaire voire création de paradis fiscaux
Accessibilité





Développement de la finance en milieu rural
Extension de la micro finance
Réformes des services financiers de la Poste
Lignes de crédits concessionnels accordés contre une baisse des frais sur certaines
populations
Assouplissement des conditions d’ouverture de comptes
Adaptation des règles de Bâle II pour prendre en compte spécificités des pays d’ASS
(sinon risque d’exclusion de certaines clientèles)
Droit au compte




Renforcement des autorités de la concurrence et de supervision bancaires
Réformes du système judiciaire
Création d’agences de notation et centrale des bilans
Réflexion sur la compétitivité des entreprises nationales


Institutions d’appui
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 262
Niveau/Dimensions
Interventions
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Rentabilité/Stabilité
Efficacité
Complétude
•
•
•
•
•
Ouverture
Tableau
Renforcement de la supervision bancaire
Adoption des normes comptables locales et internationales
Mise en valeur de nouveaux marchés rentables pour les acteurs financiers
Formation des employés au traitement des populations à risque
Promotion de la concurrence
Réforme fiscale pour limiter la fuite des capitaux
Promotion de l’accès de certaines clientèles aux banques (PME, pauvres)
Appui aux banques de développement
Amélioration des systèmes de paiement (chambres de compensation,
développement de la monétique, création de GIE bancaire)
Développement d’alternatives aux solutions de transfert d’argent actuelles
Renforcement des capacités des banques en matière de traitement du risque de
certaines clientèles (PME, populations pauvres)
Développement du crédit hypothécaire, du leasing, del’assurance
Garanties sur les émissions boursières
25:
Types
d’actions
Programmes pour améliorer l’utilisation des transferts de migrants à des fins
productives
• Renforcement des capacités des autorités réglementaires
• Renforcement de la structuration des marchés financiers locaux
pouvant
être
envisagées
pour
améliorer
les
dimensions.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 263
CHAPITRE 9
LES LEÇONS D’UN SIECLE DE
DEVELOPPEMENT FINANCIER DANS L’ARC
SUBSAHARIEN
INTRODUCTION
La lecture de différents ouvrages consacrés au développement financier dans l’arc
subsaharien laisse songeur : en près de cinquante ans, les problématiques affectant
l’intermédiation financière ne semblent pas avoir trouvé de solutions. Et pourtant, ces systèmes
ont connu de profondes évolutions. En élargissant à l’ensemble de la sphère subsaharienne une
analyse effectuée dans le cadre d’un article intitulé Quelles politiques de développement financier
en Zone Franc (Meise et Mvogo, 2007), ce chapitre dresse un constat : l’action de la puissance
publique depuis les indépendances des Etats subsahariens a évolué entre deux extrêmes:
interventionnisme et laissez-faire.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 264
D’inspiration keynésienne et prebischienne des années 1960 à 80, elle a permis d’améliorer
la profondeur, la diversité et l’accessibilité des systèmes financiers tout en créant les conditions de
leur instabilité (section I). Libérale des années 80 à nos jours, elle a restauré la stabilité et la
rentabilité des institutions financières au détriment de leur accessibilité, de leur diversité et de leur
profondeur (section II).
Au-delà d’une étude historique des trajectoires de développement financier, l’ambition de ce
chapitre est aussi de mettre en lumière deux contre-vérités plombant la réussite des politiques de
développement financier dans l’arc subsaharien:
Contre-vérité n°1 : utiliser la faillite de l’action de l’Etat dans la sphère financière à la fin
des années 80 pour remettre en cause le principe d’une intervention de la puissance publique. Cette
contre- vérité ne résiste pas à une analyse fine du développement financier sur les décennies 60-80.
En effet, la multiplication des crises systémiques, longtemps perçue par beaucoup comme le symbole
de la faillite de l’intervention de l’Etat, semble imputable non aux mécanismes et finalités soustendant celle-ci mais plutôt à leur gouvernance.
Contre-vérité n°2: refuser une intervention plus forte de l’Etat en régime libéralisé.
La section II, en jetant un regard plus attentif sur les effets de la libéralisation financière
mettra certes en avant l’assainissement des systèmes financiers subsahariens mais une incapacité à
apporter des solutions aux causes profondes du blocage de l’intermédiation financière dans l’espace
subsaharien : asymétries d’informations, risques, rationalité limitée, concurrence relative ou
inexistante…En mettant le retrait de l’Etat de la sphère financière au cœur de son agenda, la
déclinaison de la libéralisation financière au sein de l’arc subsaharien semble priver les systèmes
financiers de cet espace d’un acteur à même de contribuer à la résorption de ces différentes
imperfections et défauts structurels.
S’inspirant des intuitions et contrevérités présentées dans ce chapitre, le chapitres 10
essaiera de conceptualiser l’action de la puissance publique au sein des systèmes financiers
subsahariens en introduisant une taxinomie de ces interventions.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 265
SECTION I - DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT FINANCIER
VOLONTARISTES, FINALEMENT VICTIMES DE LA GENERALISATION DE
PRATIQUES DE GOUVERNANCE DEFAILLANTES (1960-1980)
S’inspirant des politiques lancées pour reconstruire la France de l’après guerre, les PAZF78
mettent en chantier dès les indépendances une série de grands travaux, des programmes
d’industrialisation et nationalisent une partie des moyens de production. L’objectif affiché est de
créer de nouvelles structures économiques, de mettre en œuvre les conditions d’un développement
plus harmonieux et mieux partagé.
Cette période est marquée par une intervention massive des Etats et de leurs différentes
émanations dans les sphères financières des PAZF. Ces interventions comportent une dimension
pragmatique (mobiliser des ressources pour financer les investissements) mais aussi une dimension
symbolique : le désir de rompre avec un système financier colonial réservé à une minorité. Les
décennies 60-70 se caractérisent par le recours à une planification plus ou moins bien exécutée par
les Etats, avec comme finalité la mise en adéquation des ressources financières avec les besoins de la
sphère réelle.
§1-DES INSTITUTIONS FINANCIERES AU SERVICE DE LA MOBILISATION DE L’EPARGNE ET DU
FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT
Aux indépendances, les nouveaux régimes structurent le paysage financier autour de trois
piliers principaux : les banques commerciales au service des populations, les banques de
développement et les institutions spécialisées au service des ambitions de développement du
secteur productif. Si les banques continuent de représenter la pièce maîtresse du système financier,
les banques de développement et les institutions spécialisées renouvellent la donne de l’offre
financière (Julienne, 1988 ; Eze-Eze, 2001).
Au niveau bancaire, l’ordre nouveau se traduit par de profondes modifications car les
anciennes banques héritées de la colonisation subissent de nombreux bouleversements
(organisation institutionnelle, géographie du capital et mode de fonctionnement). En matière
d’organisation institutionnelle, la réforme des institutions d’émissions en 1972-1973 entraîne un
aggiornamento des réglementations bancaires dans les deux zones. Les nouvelles normes abolissent
la séparation entre banques d’affaire, commerciales ou de développement et permettent à toutes les
banques de participer sans restriction à la mobilisation de l’épargne et au financement du
78
Bien que centrée sur les Pays Africains de la Zone Franc, cette analyse peut être étendue à de nombreuses anciennes
colonies d’Afrique subsaharienne. Le degré d’intervention de l’Etat y a été fonction de l’idéologie des régimes postcoloniaux : très forte dans les régimes marxistes et forte dans les Etats qui ont adopté une économie de marché.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 266
développement. La géographie du capital des banques enregistre elle aussi de profondes évolutions.
Les succursales et filiales de banques étrangères sont transformées en banques de droit local qui
reprennent les passifs et les actifs des anciennes maisons mères. Les nouvelles modalités de
répartition du capital associent aux Etats des personnes physiques ou morales, les anciennes maisons
mères et des groupes étrangers. Toutefois, malgré ces mesures et l’africanisation du personnel, les
banques de la métropole continuent d’exercer une tutelle étroite de fait sur les activités et la gestion
de nombreuses banques de la zone (Gérardin, 1994).
La traduction véritable de la volonté de rupture des Etats passe dans la sphère financière par
la mobilisation des banques de développement et des institutions spécialisées au service de grands
projets de développement, via l’allocation de ressources concessionnelles. Les banques de
développement sont souvent les héritières des banques de développement créées au sortir de la
deuxième Guerre Mondiale, avec généralement une forte participation de la Caisse de la France
d’Outre-mer, ancêtre de l’AFD. Elles doivent matérialiser les promesses de la conférence de
Brazzaville et permettent de fait, jusqu’aux indépendances, de compenser les effets du refus des
banques commerciales de financer certains secteurs.
Après avoir nationalisé tout ou partie de ces institutions selon les pays, les PAZF reprennent à
leur compte leurs mécanismes d’intervention. Leurs ressources proviennent des dépôts effectués par
les organismes publics et parapublics, les institutions mutualistes, les caisses de retraite et de
prévoyance, les émissions de bons, les emprunts bonifiés à long terme à l’étranger. La composition et
la maturité de leur passif leur permettent donc d’immobiliser des fonds dans des projets porteurs de
développement économique à long terme. Au cours des deux décennies qui suivent les
indépendances, les banques de développement réaliseront des opérations pour leur compte propre
ou pour celui de l’Etat, mettant en œuvre des études de faisabilité, assurant la formation du
personnel et bien sûr le financement de projets sous forme de prêts plus ou moins bonifiés et de
prises de participation.
Enfin, une série d’institutions financières nouvellement créées vient compléter le paysage
financier postcolonial : les trésors publics, les postes et les caisses d’épargne nationales. Ces
institutions vont jouer un rôle clé de relais dans la mobilisation des ressources nationales pour les
mettre à disposition des politiques publiques.
Dans ce domaine, l’action des Trésors nationaux s’avère déterminante en raison du volume
d’épargne qu’ils drainent et de leur influence sur l’ensemble du système financier. Ils ont, en effet,
sous leur gestion les comptes d’institutions financières spécialisées ne disposant pas de l’autonomie
financière de leurs dépôts au sein des banques commerciales et centrales. La force d’intervention
des Trésors est d’autant plus considérable qu’ils peuvent souscrire des avances auprès de la Banque
centrale, émettre des bons d’équipement (dont la souscription est souvent obligatoire) ou octroyer
des crédits à court terme sous forme d’obligations cautionnées (Eze-Eze, 2001).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 267
Les banques publiques, quant à elles, bénéficient d’une rente captive en raison de
l’obligation faite aux collectivités locales et institutions publiques de déposer leurs liquidités dans
leurs comptes mais aussi de leur monopole sur certaines opérations.
Les deux banques centrales, BEAC et BCEAO participent également à la mobilisation des
ressources à travers une politique de taux d’intérêts administrés ou sectoriels favorables à la
croissance et à l’investissement dans les secteurs jugés prioritaires. Au sein des deux instituts
d’émission, le Taux d’Escompte Préférentiel (TEP) permet d’accorder des financements à des taux
bonifiés aux gouvernements et à certains secteurs économiques (agriculture, PME, développement
des infrastructures). Ce taux préférentiel sera aboli dans le cadre des réformes de libéralisation
financière au début des années 90.
§2-UNE PERIODE DE DEVELOPPEMENT FINANCIER REEL …
Les décennies 1960-1970 correspondent pour les pays de la Zone Franc à une période de
développement financier. Des progrès marqués sont réalisés dans trois dimensions : la profondeur,
l’accessibilité et la diversité. Les indicateurs de profondeur attestent pour la Zone Franc d’une
progression nette dans la collecte des dépôts qui passent en moyenne de 6 à 17% du PIB (Graphique
57) et dans l’octroi de crédits à l’économie qui, entre le milieu des années 60 et la fin des années 70,
progressent de 11 à 27% du PIB en UEMOA et de 15 à plus de 20% en CEMAC (Graphique 58).
Au-delà de l’approfondissement du système financier, l’agenda des nouveaux Etats accorde
également une part importante à l’amélioration de l’accessibilité des systèmes financiers aux
populations. Ce positionnement est d’autant plus important pour les Etats qu’il marque une rupture
avec le système financier colonial, considéré comme extérieur à la société africaine et source
d’exclusion. L’amélioration de l’accessibilité doit permettre de préserver les grands équilibres
nationaux, de s’inscrire dans la volonté de modifier l’ordre économique colonial tout en favorisant
une croissance économique géographiquement équilibrée. Dans cette optique, les politiques
d’intervention dans le système financier vont favoriser l’accès au système financier (création
d’agences dans les zones les plus reculées, développement des postes et caisses nationales et
facilitation des conditions d’accès au compte pour la nouvelle classe moyenne). Au Cameroun, cette
politique permet de multiplier par six le nombre de comptes en l’espace de dix ans (1973-1983) et
par 2 le nombre de guichets entre 1973 et 1979 (Graphique 59).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 268
Figure 57: Evolution des dépôts en % du PIB (1964-2005). Source : Banque Mondiale (2006). Pays
anglophones : Ghana, Kenya, Nigeria et Afrique du Sud
Figure 58: Evolution du crédit au secteur privé en % du PIB (1964-2005). Source : Banque Mondiale
(2006). Pays anglophones : Ghana, Kenya, Nigeria et Afrique du Sud
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 269
700000
200
184
606 323
180
600000
160
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140
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100
300000
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80
65
60
40
20
122 289
0
0
19
73
19
74
19
75
19
76
19
77
19
78
19
79
19
80
19
81
19
82
19
83
19
84
19
85
19
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19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
Nbre de comptes/Nbre de guichets
Evolution de la bancarisation au Cameroun
1973-1992
Nbre de comptes
Nbre d'agences
Figure 59: Evolution de la bancarisation au Cameroun (1973-1992). Source : Eze-Eze (2001).
Evolution des crédits par maturité au sein de la
BEAC (1971-1986)
% des crédits à l'économie
90
80
70
60
CT
MT
LT
50
40
30
20
10
7,3
5
3,3
1,4
0,9
0,5
0
1971
1976
1981
1986
1991
1992
Figure 60: Evolution des crédits par maturités en CEMAC (1971-1986). Source : Gérardin (1994)
Les politiques publiques étoffent les systèmes financiers et contribuent à leur diversité :
diversité institutionnelle avec la création de nouveaux acteurs financiers et diversification de la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 270
gamme des instruments. On assiste par exemple, au sein de la BEAC, à une diminution de la part des
crédits à court terme au profit des crédits à moyen terme79 (Graphique 60).
Les crises économiques et financières qui frappent les pays de la Zone Franc à partir des
années 80 vont sonner le glas du processus de développement financier. Toutes les tendances à
l’approfondissement financier connaissent une brutale inflexion avec les premiers signes du
retournement économique.
§3-… INTERROMPUE PAR L’EXTENSION DE PRATIQUES DE GOUVERNANCE PUBLIQUE ET PRIVEE
DOMMAGEABLES
Au-delà du tour de vis monétaire et de son caractère pro-cyclique déjà signalé, les crises
financières qui affectent les PAZF s’expliquent par une crise des politiques de développement
financier, elle-même due à un renversement des priorités des gouvernants (A) combiné à un
dérapage de la gouvernance des institutions financières (B).
A-L’inversion des priorités des gouvernants quant à la finalité des institutions financières
Le conflit, longtemps invisible, entre objectifs de long terme et préoccupations de court
terme, entre le service de l’intérêt national et celui d’intérêts particuliers tourne à l’avantage du
court terme et des intérêts particuliers. S’il éclate au grand jour avec l’approfondissement de la crise
économique au début des années 80, il aura couvé pendant une vingtaine d’années.
Les germes de dérive peuvent être trouvés dans la difficulté historique de certains Etats
nouvellement indépendants à faire face à leurs dépenses sur la base de leurs seules recettes.
Plusieurs Etats, brutalement privés des mécanismes de redistribution entre colonies décidés par la
métropole, doivent faire face à des difficultés financières nouvelles. En Afrique de l’Ouest par
exemple, le Mali, le Dahomey (futur Bénin), le Niger et la Mauritanie présentent d’importants
besoins de financement tandis que la Côte d’Ivoire et le Sénégal disposent de recettes et d’excédents
de liquidité qu’ils placent auprès des banques commerciales, voire dans le cas de la Côte d’Ivoire
directement auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations française (Julienne, 1988).
Suite au refus de la BCEAO de leur accorder des aides budgétaires ou de leur laisser la
possibilité d’émettre des emprunts, ces Etats vont progressivement mobiliser les ressources des
banques publiques, des institutions spécialisées et des banques de développement afin de financer
leurs déficits budgétaires. Si de telles ponctions s’opèrent dans les pays de l’OCDE et les autres pays
79
La baisse de la part des crédits à long terme s’explique par une modification de leur comptabilisation : à partir de 1973,
une part de ces crédits est comptabilisée dans les crédits à moyen terme.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 271
en développement grâce aux arrangements que permet la comptabilité publique, elles sont
généralement accompagnées d’un plan de remboursement par le Trésor afin de ne pas fragiliser la
santé des institutions mises à contribution.
Or, de nombreux PAZF se sont tout bonnement affranchis de l’obligation de remboursement.
Ces dérives, d’abord cantonnées aux pays disposant d’une faible base fiscale, se sont
progressivement étendues aux pays les plus prospères de la zone avec le durcissement de la crise
économique au début de la décennie 80 (qui a vu se combiner les effets du retournement du cycle
des matières premières avec ceux de l’explosion de la charge de la dette).
Les ambitieuses stratégies de développement financier des années 1960 se sont donc de plus
en plus systématiquement heurtées à cette modification progressive et implicite (mais néanmoins
objective) des priorités des Etats, qui les a vu reléguer au second plan de leurs objectifs de
développement à long terme (financement des projets d’investissement) au profit d’une réponse à
leurs besoins immédiats (financement du déficit budgétaire).
Ce faisant, les Etats ont littéralement transféré leurs déficits aux institutions financières
publiques (CCF, caisses nationales d’épargne ou de retraite) et vidé de leurs sens les mécanismes qui
constituaient la clé de voûte des politiques de développement financier (Servant, 1991). Le
détournement progressif des institutions financières de leur vocation première (financer des projets
et des secteurs prioritaires à rentabilité différée mais élevée) au profit du financement du déficit
budgétaire sans rentabilité future a mis à mal l’équilibre financier du système initialement conçu
pour appuyer les stratégies de développement nationales à long terme.
B- La propagation de pratiques de gouvernance défaillantes
La dérive des mécanismes de gouvernance publique dans la sphère financière est perceptible
à travers trois avatars:
(i)
(ii)
(iii)
le poids de la dette publique dans des institutions financières ;
la défaillance de l’Etat actionnaire ;
et la faillite de la supervision financière.
Le poids de la dette publique constitue assurément la première cause de faillite des
politiques de développement financier. Les Etats ont accumulé une importante dette publique
auprès des établissements de crédit et il devient manifeste dans les années 80 qu’ils seront
incapables de l’honorer. En effet, suite au retournement conjoncturel du début de la décennie 80, les
cours des matières premières s’effondrent et plombent la capacité des PAZF à faire face aux services
de leurs dettes. La politique monétaire menée par la Federal Reserve (hausse des taux d’intérêts),
conjuguée à la hausse des primes de risque suite au déclenchement de la crise de la dette, renforce la
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 272
détresse financière des PAZF. Les Etats ont entraîné avec eux dans leur fuite en avant vers
l’insolvabilité leurs fournisseurs et de nombreux organismes bancaires.
Quant à la défaillance de l’Etat actionnaire, elle se manifeste d’abord dans l’incompétence
des administrateurs nommés par les Etats pour siéger aux conseils d’administration des institutions
financières publiques ou des banques privées au sein desquelles l’Etat détenait des participations.
Ces gestionnaires publics ont souvent poussé à une politique hasardeuse d’allocation préférentielle
du crédit vers des projets non viables sur la base de considérations autres que financières. Au sein
des banques de développement, cette altération des objectifs a conduit au financement de secteurs
à rentabilité immédiate, nulle ou négative, au détriment de ceux les plus à même de promouvoir le
développement. «Les banques de développement sont en situation de cessation de paiement car les
Etats se sont servis d’elles comme d’annexe du Trésor et, souvent, par clientélisme ethnique ou
politique, ont contraint ces organismes à consentir des prêts à des emprunteurs dont on pouvait
douter de la capacité à rembourser » (Servet, 1990).
Tandis que l’accumulation des créances douteuses publiques et la faillite de la gouvernance
des institutions financières publiques minaient les mécanismes d’intervention directe des Etats dans
les systèmes financiers des PAZF, aucun système d’incitations-sanctions n’est venu jouer le rôle de
garde-fou. Logiquement, l’accès aux financements publics concessionnels aurait dû rester
conditionné à l’atteinte d’objectifs précis d’intérêt général (objectifs de production, d’exportation, de
gains de productivité…). Au contraire, l’impunité s’est généralisée dans une situation d’aléa moral
croissant. De nombreux commerçants, personnes morales et physiques ont ainsi contracté des prêts
importants sans contrainte de remboursement du fait de leurs appuis politiques. Pour les mêmes
raisons, les dirigeants de banques « protégés », en dépit de l’accumulation des créances douteuses et
des dérives de leur gestion, n’étaient pas sanctionnés. De leur côté, les banquiers ont aussi pu tout
simplement juger qu’il existait une garantie implicite de l’Etat sur la plupart des « grands comptes »,
qu’il s’agisse de grandes entreprises ou de membres de l’élite nationale.
Les Banques Centrales portent également une part de responsabilité dans les crises.
Premièrement elles ont laissé croître le nombre de banques sans prêter suffisamment attention à la
taille du secteur. Elles auraient pu par exemple jouer un rôle modérateur via le contrôle des
procédures d’agrément. Dans le contexte de boom économique des années 1970, les réseaux
bancaires ont connu une forte croissance due à l’arrivée de banques étrangères et à l’extension des
réseaux des institutions financières publiques. Ce phénomène a abouti à une concentration des
banques sur les mêmes clientèles urbaines avec comme corollaire la sous bancarisation persistante
du monde rural (Zerah, 1990). Au niveau des comptes d’exploitation bancaires, ces évolutions ont
provoqué une hausse des charges liées à la gestion des réseaux mais aussi une érosion de la
rentabilité en raison de la concurrence pour les dépôts et les crédits. L’excès d’offre bancaire (eu
égard aux capacités d’absorption réelles de la clientèle ciblée) a créé les conditions d’une fragilisation
du système bancaire que va révéler l’effondrement des dépôts publics.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 273
Les banques centrales ont aussi fermé les yeux sur certains prêts en raison des garanties
octroyées par les Etats et laissé les créances douteuses s’accumuler dans les systèmes bancaires
nationaux. Les commissions bancaires nationales en charge du contrôle des banques n’ont pas
sanctionné les banques sous-capitalisées. Le laxisme des instances de supervision bancaire de
l’UEMOA est parfaitement résumé par Joseph (2002) dans l’encadré 9.
Encadré n°9.
Régulation sans application n’est que ruine nationale
« Avant les réformes, l'accumulation des risques pris par les banques en UEMOA semble plus liée à l'inapplication de la
réglementation prudentielle qu'à un défaut de la loi elle-même. Ainsi, dés 1965, la loi bancaire n° 65-252 limitait la prise de
risques. Les banques devaient constituer un fonds de réserves, et, à partir de 1966, elles étaient contraintes de respecter un
montant minimum de capital (comprenant les réserves et les provisions non affectées) égal à trois cent millions de FCFA (un
milliard à partir de 1982). Une centrale des risques bancaires, créée en 1962, répertoriait tous les crédits d'un montant
supérieur à dix millions de FCFA. De plus, à partir de 1975, les autorités pouvaient contrôler la qualité des crédits via le
mécanisme de l'autorisation préalable pour tout client sur lequel les engagements de la banque étaient supérieurs à 100
millions de FCFA. Cependant, comme la surveillance et la sanction des banques dépendaient du Ministère des Finances de
chaque Etat, et que ce dernier avait des intérêts dans la plupart des banques, elles étaient peu appliquées ».
Source : Joseph (2002).
SECTION II - LES REFORMES DE LIBERALISATION FINANCIERE N’ONT
PAS REMIS LE MALADE SUR PIED
Dès le milieu des années 80, l’irruption des crises financières révèle les dysfonctionnements
des mécanismes d’intervention des Etat dans les systèmes financiers nationaux. La thérapie prônée
(restructuration et libéralisation financière) a certes permis d’assurer un retour à la stabilité et la
rentabilité mais au détriment des autres dimensions du développement financier.
§1 - LA CRISE FINANCIERE AFFECTE DUREMENT LES MECANISMES DU DEVELOPPEMENT FINANCIER
La chute des cours des matières premières et la perte de pouvoir d’achat qui en résulte pour
les Etats et les particuliers sont les déclencheurs de la crise financière : en limitant la capacité de
remboursement des acteurs et en réduisant le volume de leurs dépôts, elles contribuent à révéler les
faiblesses structurelles des institutions financières et leur mauvaise gouvernance.
Le tableau 26 illustre l’ampleur du choc dans différents pays africains et notamment dans la
Zone Franc. Les coûts de résolution atteignent près de 25% du PIB en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 274
Dans de nombreux pays, des pans entiers du système financier s’effondrent. Au Bénin, c’est tout le
système bancaire qui s’écroule.
En 1988, un tiers des banques de l’UEMOA sont en difficulté (le passif est supérieur aux actifs
sains dans 22 banques sur 68) et le quart des crédits accordés est considéré comme douteux. La
situation au sein de la CEMAC est encore plus grave : la moitié des banques de la zone (20 sur 39)
sont en liquidation ou en faillite technique en 1990, et le tiers de leur portefeuille est irrécouvrable.
Les banques étrangères adoptent une stratégie de repli qui prend deux formes : désengagement
total (c’est le cas des banques américaines arrivées avec la manne pétrolière dans les années 70) ou
fermetures d’agences et séparation de filiales (cas de la BIAO pour la BNP). Si les faillites bancaires et
les coûts de restructuration constituent les coûts immédiats de la crise financière, la chute des ratios
Dépôts/PIB, Crédit/PIB ainsi que la multiplication des fermetures de guichets à partir du milieu des
années 80 (graphiques 57, 58 et 59) traduisent une crise de confiance généralisée et une dégradation
profonde de la relation de clientèle entre le système bancaire, les épargnants, les entreprises et
l’Etat.
Au-delà du marasme bancaire, un aspect important de la crise réside dans l’effondrement
des institutions spécialisées et des banques de développement : fermeture de 14 banques de
développement dans la zone UEMOA mais aussi de nombreuses institutions spécialisées dans le
financement de certains secteurs (agricole notamment), catégories d’entreprises (TPE et PME) et
maturités (long terme). Les institutions financières non bancaires (assurances, caisses de retraite et
de prévoyance) voient elles aussi leur santé financière dégradée. L’affaiblissement de ces institutions
s’accompagne d’un recul de l’accessibilité du système financier aux populations avec pour corollaire,
l’accélération des processus d’informalisation financière.
Au final, la crise a trois conséquences majeures :
(i)
(ii)
(iii)
une importante réduction de la profondeur financière ;
une réduction de l’accessibilité au système financier formel et partant une
recrudescence des mécanismes informels ;
une réduction de la diversité institutionnelle.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 275
Pays
Bénin
Période
1988-90
Ampleur du choc
Pertes estimées
Faillite des trois banques. Près de 17% du PIB
78% des prêts bancaires étaient
constitués de créances douteuses
fin 1988.
Côte d’Ivoire
1988-1993
Ghana
1982-1989
Les 4 plus grandes banques
représentant 90% des prêts du
système bancaire sont touchées
par la crise ; leurs créances
douteuses représentent la moitié
du total des prêts octroyés.
7 des 11 banques auditées sont
insolvables.
Cameroun
1987-1993
25% du PIB (coûts
supportés
par
le
gouvernement)
Coûts
de
restructuration
équivalents à 6% du
PIB
60 à 70% du portefeuille bancaire
est
constitué
de
créances
douteuses
Guinée
1985
6 banques représentant 99% des Coût pour l’Etat de
dépôts bancaires sont insolvables. l’assurance
des
Les
créances
douteuses dépôts : 3% du PIB
constituent 80% du portefeuille
des crédits
Kenya
1985-1989 4 banques et 24 IFNB totalisant
15% des avoirs du système
financier ont des problèmes de
solvabilité/liquidité
Nigeria
1991-1995 Fin 1992, près de 42% des prêts
sont douteux
Sénégal
1988-1991 La moitié du portefeuille de 17% du PIB
créances est constituée de
créances douteuses
Tanzanie
1987Fin 1994, 60 à 80% de l’ensemble Pertes équivalentes à
décennie
des prêts sont des créances 10% du PIB
90
douteuses
Tableau 26: Ampleur et coût des crises bancaires en Afrique. Source : Daumont et al. (2004) ; Caprio
et Klingebiel (2002).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 276
§2-LE BILAN CONTRASTE DES REFORMES DE LIBERALISATION
Les réformes de libéralisation financière se donnent classiquement pour objectif de mettre
fin aux effets de la « répression financière ». L’analyse des réformateurs est inspirée par les thèses de
McKinnon (1973) et de Shaw (1973) selon lesquelles la faiblesse des taux d’épargne est due au
contrôle public du crédit et aux taux réels négatifs. La réduction de l’inflation et l’abolition des
régimes de financement spéciaux constituent donc les deux priorités des politiques de libéralisation
financière. Le contrôle direct de la politique monétaire par l’encadrement du crédit et
l’administration des taux d’intérêt ont effectivement été abolis dans les PAZF à partir de 1989 : les
taux d’intérêt sont déréglementés dans l’UEMOA entre 1989 et 1993 et entre 1990 et 1993 en
CEMAC. Subsistent comme outils de pilotage national les plafonds de refinancement et le taux de
réserves obligatoires des banques. Aux mécanismes de conduite politique de la politique monétaire
se substitue un recours accru aux mécanismes de marché, avec notamment la mise en place d’un
marché monétaire en 1994 et d’un marché interbancaire. Le tableau 27 oppose les principes
régissant des économies caractérisées par l’administration par l’Etat du système financier et celles
dans lesquelles la prépondérance des mécanismes de marché a été rétablie par la libéralisation
financière.
REGLEMENTATION EXTREME
LIBERALISATION
Variables financières











Spécialisation des réseaux
 Non spécialisation
Dissociation entre collecte de l’épargne
 Intégration
et redistribution des crédits
 Produits financiers standardisés
Existence de produits financiers
 Banques universelles
spécialisés
 Décentralisation
Existence
d’institutions
financières
 Favorise l’économie de marché
spécialisées
Centralisation des ressources
Primat de l’économie d’endettement
Organisation financière
Laxisme monétaire pour favoriser la
croissance
Taux d’intérêts administrés
Rôle centrale du Trésor
Contrôle des changes
Tendance à la dévaluation





Politiques monétaires restrictives pour
stabiliser les prix et susciter des taux
d’intérêts réels positifs
Détermination par le marché des taux
d’intérêts
Désengagement du Trésor
Liberté de mouvements des capitaux
Politique de monnaie forte
Efficience allocative
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 277
REGLEMENTATION EXTREME
LIBERALISATION


Favorable à l’investissement
 Favorable à l’épargne
Politique sectorielle de crédit (taux
 Allocation des ressources par le marché
d’intérêts bonifiés)
 Sélection des investissements par les
taux
 Intervention des pouvoirs publics
Tableau 27: Comparaison entre un système financier libéralisé et soumis à une réglementation
extrême. Source : adapté de D. Germidis, D. Kessler et R. Meghir (1991)
Après la période des liquidations et restructurations, les réformes des lois bancaires ont
contribué à l’amélioration de la réglementation et de la supervision. L’instauration de l’agrément
unique par la commission bancaire a permis d’améliorer les règles d’entrée dans la profession
bancaire et de faciliter l’implantation de nouvelles banques dans la Zone. Enfin, le cadre juridique mis
au point en UEMOA et en CEMAC afin de réglementer les activités de microfinance constitue l’un des
grands apports des réformes institutionnelles. Il a permis d’intégrer au circuit formel une part
importante de la population historiquement non bancarisée. Malgré ces efforts, les standards et les
pratiques en matière de régulation et supervision du système financier restent globalement éloignés
des normes internationales.
D’après ses promoteurs, la libéralisation financière devait permettre une meilleure
mobilisation et allocation de l’épargne. Quinze ans après son début, la progression des encours et du
réseau des institutions de microfinance constitue certes une réussite mais les autres bénéfices
escomptés tardent à se manifester :

Premièrement, les niveaux du crédit à l’économie et de dépôts sont loin d’atteindre ceux de
la fin des années 70 (voir graphiques 57 et 58). Si l’on peut comprendre qu’au lendemain des
restructurations bancaires et de la dévaluation de 1994, les volumes de crédits alloués aient
été réduits afin que les établissements financiers retrouvent leur solvabilité et se mettent en
conformité avec les nouvelles normes prudentielles, la perpétuation d’une interaction faible
entre les systèmes financiers et l’activité économique met en cause la portée des bénéfices
de la libéralisation ;

La base de clientèles potentielles solvables du secteur bancaire demeure extrêmement
réduite en raison de la faiblesse de l’activité réelle en secteur formel,. Le portefeuille (et
donc le risque) des banques se retrouve concentré sur un petit nombre de signatures. Aucun
système financier ne peut être totalement immunisé contre les vulnérabilités d’une base
économique étroite et volatile. La transparence et la connaissance de l’activité bancaire
souffrent de la faiblesse combinée des normes règlementaires et des organes de supervision.
La cure d’amaigrissement des années 90 a donc abouti à ce que le moteur bancaire des
systèmes financiers dans la région se préserve en tournant à bas régime ; il n’est pas devenu
robuste pour autant ;
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 278

Témoins des inefficiences du système bancaire, les spreads de taux bancaires demeurent
anormalement élevés (Graphique 15). La libéralisation financière n’a pas permis d’améliorer
la relation à la clientèle pourtant cruciale au bon fonctionnement de l’intermédiation
bancaire. L’amélioration de la relation de clientèle aurait un coût que les établissements
n’ont pas intérêt à prendre en charge dès lors qu’une clientèle quasi-captive de grands
groupes locaux ou étrangers assure l’essentiel de leur rentabilité et du Produit net bancaire ;
Evolution des spreads de taux d'intérêts (1978-2005)
18
Différentiel de taux
16
14
12
10
8
6
4
2
Zone BEAC
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
1984
1983
1982
1981
1980
1979
1978
0
Afrique anglophone
Figure 61: Evolution des spreads de taux d’intérêts bancaires (1978-2005). Source : Banque Mondiale
(2006). Pays anglophones : Ghana, Kenya, Nigeria, Afrique du Sud

En termes d’adéquation entre l’offre et la demande, les différentes catégories de clientèles
se plaignent des services dont elles bénéficient et surtout dont elles ne bénéficient pas.
L’offre financière reste à la fois segmentée (manque d’intégration des marchés existants) et
fragmentée (des pans entiers de la demande ne sont pas satisfaits) : les marchés du
microcrédit et du crédit classique ne se rencontrent pas ; l’accès au crédit des PME et des
opérateurs du secteur informel est toujours aussi limité.
CONCLUSION
Au terme de ce chapitre, l’utilisation de la notion de développement financier permet une
réinterprétation des trajectoires de développement financiers empruntés par les pays africains
depuis les indépendances.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 279
L’analyse classique accorde généresalement une place importante aux crises financières
qu’ont traversées les pays de l’arc subsaharien à partir du milieu des années 80 et dont les
conséquences se sont durement fait ressentir jusqu’au milieu de la décennie suivante. L’ampleur et
les coûts de celles-ci ont largement été utilisés par les institutions internationales pour remettre en
cause l’intervention de l’Etat dans la sphère financière. Cette faillite de l’Etat actionnaire, de l’Etat
stratège et de l’Etat régulateur a été le point de départ d’un assainissement de la sphère financière,
d’une privatisation ou d’un démantèlement des institutions étatiques. Pour les Etats africains, « la
preuve par le feu » et l’adoption de l’agenda de la libéralisation financière, a sonné le glas de toute
intervention dans la sphère financière ou alors l’adoption d’une position minimaliste.
Or, l’examen du développement financier subsaharien sur la période 60-70 révèle, certes une
tendance vers la déstabilisation des systèmes financiers, mais aussi une forte amélioration de
certaines dimensions du développement financier. Il en va ainsi de l’accessibilité qui va connaître un
bond au sortir d’une période coloniale caractérisée par une concentration/centralisation des services
financiers dans les grands centres urbains ou auprès d’une infime partie de la population. La
profondeur des systèmes financiers et la diversité institutionnelle enregistrent aussi des progrès
spectaculaires qu’il faut néanmoins relativiser au vu de la situation initiale des pays subsahariens.
Une deuxième réalité se fait jour après l’étude de l’intervention publique dans les sphères
financières : ce n’est pas tant son principe que sa gouvernance qui est à l’origine des crises
financières. L’échec de la gouvernance est attribuable à une dégradation de la qualité de la fonction
d’objectifs publics, un défaut de la supervision et la multiplication de pratiques contreproductives et
condamnables mais aussi au manque de chance (retournement conjoncturel du début des années
80).
Contrairement aux réformes de libéralisation entreprises en France ou dans les pays de
l’OCDE, la libéralisation financière n’a pas eu tous les effets escomptés. Près de vingt ans après son
démarrage, la diversité institutionnelle se fait encore attendre et par rapport à d’autres régions en
développement, le volume de financement accordé par le secteur privé n’a pas connu de progression
spectaculaire. L’efficacité n’est pas au rendez-vous et les utilisateurs de services financiers affichent
des taux de satisfaction assez faibles. Les raisons de ce demi-échec doivent être recherchées dans
l’absence de réformes susceptibles de modifier certaines imperfections existant dans la sphère
productive mais aussi de modifier la nature des interactions entre les intermédiaires financiers et les
acteurs publics.
En matière institutionnelle, les réformes n’ont pas porté sur la résorption des asymétries
d’information et de leurs conséquences : anti-sélection des clientèles et aléa moral (les clientèles ne
sont pas incitées à rembourser).
La libéralisation financière, telle qu’elle a été menée, a été un processus essentiellement
financier et peu a été fait pour remédier aux facteurs de blocage de l’intermédiation financière entre
la sphère réelle et la sphère financière. En ne débouchant pas sur une transformation des structures
productives, la libéralisation n’a pas touché au cœur des mécanismes de production de confiance. Au
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 280
contraire, la déstabilisation des jeunes institutions financières leur a fait perdre le crédit qu’elles
avaient gagné auprès de la population, aux sens propre et figuré ! Aussi la pure logique de rentabilité
des institutions bancaires formelles se superpose-t-elle aujourd’hui à la logique de diversification
d’une sphère informelle qui s’est plutôt renforcée qu’elle n’a reculé depuis le début des années
1990.
L’arbitrage rationnel effectué par les agents économiques des PAZF plaide le plus souvent
pour un maintien dans l’informel (la formalisation entraîne des coûts d’inscription, de tenue d’une
comptabilité, l’imposition des bénéfices, la couverture sociale des employés…). Les gains
macroéconomiques liés à la financiarisation des agents, à leur sortie de l’informel et à leur entrée
dans une logique d’accumulation productive formelle ne se sont pas réalisés. Le développement
financier dans les PAZF ne fera pas l’économie de réformes de la fiscalité et plus généralement d’une
réflexion sur les processus guidant le choix de l’informalité. La libéralisation financière a ignoré ces
aspects et ce n’est que très récemment que l’effort a porté sur la création d’institutions
d’intermédiation efficaces (registres de crédit, centrales des bilans, amélioration des institutions
judiciaires) tandis que la réflexion sur les mécanismes de sortie de l’informel en est encore à ses
débuts.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 281
CHAPITRE 10
DE LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT
FINANCIER AUX POLITIQUES DE
DEVELOPPEMENT FINANCIER
Au lieu de vous plaindre, imitez-nous
Akio Morita
Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, s'il attrape la souris, c'est un bon chat.
Deng Xiaoping
INTRODUCTION
Après avoir défini la notion de politique de développement financier, ses objectifs et ses
instruments, émerge une question fondamentale et axiomatique, une question dont la réponse est
généralement attendue avec impatience par les décideurs politiques : quelle politique de
développement financier mettre en œuvre ? Derrière sa simplicité, cette interrogation comprend en
filigrane deux autres questionnements auxquels les deux prochaines sections essaieront d’apporter
une réponse pour l’espace subsaharien:
(i)
(ii)
L’Etat doit-il intervenir ?
l’Etat intervient-il de manière efficace ?
Ces deux questions marquent le passage de la politique de développement financier
appréhendé comme politique économique aux politiques de développement financier comme lieux
de choix politiques mais aussi reflets de l’efficacité de l’action publique.
Elaborant sur les résultats empiriques du chapitre précédent, cette section entend proposer
un début de plan d’action de la politique de développement financier en fonction de ses finalités.
Loin de tout dogmatisme et en s’appuyant sur les trajectoires de développement financier des pays
de l’OCDE, une approche en termes de régulation présentera l’intérêt de considérer la production du
développement financier comme le lieu d’une économie mixte devant associer intimement intérêts
publics et privés. Elle permettra de proposer quelques principes à même de guider une gouvernance
renouvelée des politiques de développement financier : subsidiarité, transparence et contrôle,
approche séquentielle, concentration des moyens et l’association des différentes parties prenantes
du développement financier à son pilotage (Section 1).
L’observation des effets et des priorités des politiques de développement financier apportera
un deuxième canevas avec l’introduction de la notion de développement financier équilibré. Celle-ci
permettra de déterminer si les actions mises en œuvre par les pouvoirs publics entraînent un essor
de l’ensemble des dimensions (équilibre) ou alors de quelques dimensions (déséquilibre). Face à des
politiques de développement financier qui appuient largement l’OFFRE de services financiers au
détriment de la DEMANDE, la notion de politique de développement déséquilibrée permettra de
comprendre un autre facteur expliquant l’échec des politiques de développement financier au sein
de l’arc subsaharien : leur incapacité à susciter la création de projets bancables et plus largement la
solvabilité de la clientèle des institutions financières (Section 2).
Dans cette revue des politiques de développement financier les plus à même de sortir
l’Afrique subsaharienne du sous-développement financier, les deux citations liminaires soulignent
une double nécessité : premièrement, celle de s’inspirer des meilleures pratiques internationales mais
aussi le recours au pragmatisme.
SECTION
1-
LE
DEVELOPPEMENT
FINANCIER
EN
AFRIQUE
SUBSAHARIENNE REQUIERT DES POLITIQUES PRAGMATIQUES ET
NON DES SOLUTIONS DOGMATIQUES
Le chapitre 9 a mis en exergue deux déclinaisons extrêmes du rôle de la puissance publique
au sein des systèmes financiers à travers
(i)
un interventionnisme massif et un contrôle de l’ensemble des processus de
production du développement financier ;
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 283
(ii)
contre des politiques de développement financier libéralisées, reposant fortement
sur la régulation par des processus de marché.
La première posture prône l’intervention directe de l’Etat (financements sectoriels, création
d’institutions ad hoc…), tandis que les secondes prêchent en faveur d’interventions plus indirectes
(mise en œuvre du cadre réglementaire et prudentiel, créations d’incitations…) voire un primat
accordé à la régulation par les seules mécanismes de marché.
Plus important encore, le chapitre 9 a permis d’établir historiquement les avantages et les
inconvénients des politiques de développement financier interventionnistes et libéralisées sur longue
période.
Choisir entre interventionnisme et libéralisation financière revient à opter pour des
politiques ayant eu des conséquences diamétralement opposées au sein des pays subsabariens.
D’une part, on a des politiques publiques volontaristes mises en œuvre pendant les décennies 60 et
70 et qui ont contribué à une amélioration de la profondeur, de la diversité institutionnelle et de
l’accessibilité au sein des systèmes financiers subsahariens. Le retournement conjoncturel du début
des années 80, conjugué à la mauvaise gouvernance de certains des mécanismes sous-tendant ces
politiques, a déstabilisé profondément les systèmes financiers de l’arc subsaharien. D’un autre côté,
la politique de libéralisation financière mise en œuvre à partir des années 80 a facilité le retour vers
la stabilité et la rentabilité des systèmes financiers subsahariens tout en les maintenant dans une
situation de blocage durable de l’intermédiation. En réalité, opposer ces deux déclinaisons de la
politique de développement financier est caricatural, notamment lorsque l’on observe les trajectoires
de développement financier au sein des pays de l’OCDE.
Encadré n°10.
Comparaison historique des problématiques financières au sein des pays africains et de
l’OCDE
La compréhension du développement financier en Afrique et des politiques visant à le promouvoir peut se faire
à l’aune des trajectoires de développement financier empruntées par les pays de l’OCDE. En effet, les politiques
de développement financier ont parfois été empruntées aux anciennes métropoles et à quelques décennies
d’intervalle, certaines problématiques du développement financier en Afrique ne sont pas si éloignées de
situations qu’ont pu connaître les pays de l’OCDE.
A titre de rappel, le développement des grands réseaux d’agences bancaires au sein des pays développés est
une réalité somme toute assez récente. En effet, si l’on considère l’exemple français, le maillage géographique
des grands réseaux bancaires n’a pris toute son ampleur qu’à partir des années 60-70. Dans la première moitié
ème
du XX
siècle, exception faite des réseaux d’épargne populaire ou ouvrière, l’intermédiation financière est
une réalité peu connue de la majorité des Français. A titre d’exemple, la paie des ouvriers est versée en liquide
et thésaurisée à domicile. A cette époque, les banques visent principalement une clientèle de cadres moyens,
la bourgeoisie et les grandes entreprises dans le cadre de la grande banque d’affaires à la française.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 284
Les banques participent peu au financement de l’économie. Meisel (2004) fait remarquer que les grandes
banques françaises créées au cours des décennies 1850-1870 se sont rapidement désengagées du financement
de l’industrie suite aux faillites liées à la crise des années 1870. Lévy-Leboyer et Bourguignon (1985) soulignent
le niveau faible de financement bancaire octroyé aux entreprises par les banques françaises. Teneul (1960)
estime pour sa part que le crédit à long terme n’a pas fourni plus d’un pourcent du financement total des
entreprises. Pour Meisel, les banques françaises ont acquis un immense savoir-faire sans pour autant participer
au développement des entreprises privées à la différence des banques allemandes, très impliquées dans
l’industrie en tant qu’apporteur de capitaux à long terme. Le processus d’industrialisation s’est donc largement
fait par recours à l’auto financement, mécanisme qui constitue la principale source de financement de la
croissance de nombreuses entreprises africaines.
Loin d’une application canonique des modèles et théories du développement, l’observation
des choix effectués par les pays de l’OCDE dans ce domaine peut s’avérer riche en enseignements
(§1). Ceux-ci, bien que possédant les marchés financiers les plus développés disposent de puissants
mécanismes d’intervention de l’Etat dans la sphère financière pour palier aux défaillances des
acteurs privés (et ce pas uniquement pour préserver la stabilité financière à l’image des interventions
massives dans la crise des subprimes de la Fed, de la Bank of England et de la Banque centrale
Européenne).
Dépassant un choix dogmatique entre Charybde (politique de développement financier
volontariste) et Scylla (politique de développement financier libéralisée), le degré d’intervention de
l’Etat au sein de la sphère financière devrait se faire en fonction des objectifs assignés à la politique
de développement financier. Une fois ceux-ci définis et assumés par la puissance publique et la
communauté, une politique de développement financier efficiente devra s’appliquer à les atteindre
en utilisant les instruments choisis selon un critère d’efficacité et non idéologique. Une telle
démarche requiert de reconsidérer les politiques de développement sous l’angle du pragmatisme et
d’envisager toute une gamme de situations intermédiaires ou coexistent à différents degrés
mécanismes interventionnistes et logiques de marché (§2).
§1 - L’EXEMPLE DES PAYS DE L’OCDE : COEXISTENCE DE MECANISMES D’INTERVENTION DIRECTE ET
REGULATION PAR LES MARCHES
Intervention directe de l’Etat ou primauté du marché sont souvent mis en opposition et
semblent constituer deux extrêmes des modes de régulation des politiques de développement
financier. Pourtant, il n’en est rien ainsi que l’atteste leur cohabitation harmonieuse dans de
nombreux pays de l’OCDE et ce que l’on soit dans des pays qui ont poussé au maximum les vertus
des marchés et de la libéralisation (Etats-Unis, par exemple) ou alors d’Etats qui ont longtemps connu
une forte intervention publique directe dans la sphère financière (France, par exemple). Cette
coexistence sera illustrée non seulement en matière de financement des PME (A) mais aussi dans
toute une série de secteurs jugés prioritaires (B).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 285
A-Le financement des besoins des PME
Au sein des pays de l’OCDE, la règle de base pour le financement des PME est celle de
l’intermédiation par des institutions financières privées80. Néanmoins, face aux difficultés d’accès aux
financements rencontrées par cette catégorie d’entreprises, ces pays ont mis en œuvre, de longue
date, des institutions susceptibles de leur apporter directement des financements mais aussi de
proposer toute une gamme d’incitations aux institutions financières privées travaillant sur ce
segment de clientèle. L’histoire de la Small Business Administration et d’Oseo illustrent la richesse de
ces interactions public-privé aux Etats-Unis (A) et en France (B). Et, par contraste, la faiblesse de
celles-ci dans l’arc subsaharien (Cf. chapitre 6).
#1 - La Small Business Administration (SBA)
Créée en juillet 1953, la Small Business Administration (SBA) puise sa philosophie et ses
mécanismes d’intervention en faveur des PME dans une longue tradition historique qui remonte à la
Grande Dépression (SBA, 2008).
Son ancêtre, la Reconstruction Finance Corporation (RFC) a été fondée en 1932 par le
Président Hoover afin d’aider les entreprises américaines à faire face aux conséquences de la crise de
1929. Elle s’est spécialisée dans l’octroi des prêts à toute entreprise présentant des difficultés pour
mobiliser les ressources nécessaires à son fonctionnement et ce quelque soit sa taille. Ce n’est
qu’avec la Seconde Guerre Mondiale et la création du Smaller War Plants Corporation (SWPC) en
1942 que l’idée de programmes spécialement dédiés à l’assistance technique et au financement de
PME va voir le jour. Cette agence fédérale a été portée sur les fonds baptismaux afin d’aider les PME
à prendre toute leur place dans l’effort de guerre en favorisant leur participation aux appels d’offre
gouvernementaux, souvent remportés par les grands conglomérats. Pour ce faire, la SWPC accorde
directement aux PME des prêts, encourage les grandes institutions financières à leur octroyer des
facilités de financement et facilite l’intermédiation avec les agences gouvernementales pourvoyeuses
de contrats.
A la fin de la guerre, les pouvoirs de la SWPC seront transférés à la RFC tout comme ceux de
l’Office of Small Business (OSB). Cette division du Department of Commerce s’était spécialisée dans la
production des documents et de brochures de vulgarisation et la réalisation de missions de conseil
pour aider les PME dans leur gestion au quotidien.
80
Le respect des règles de la concurrence au sein et entre pays de l’OCDE limite les aides d’Etat (notamment les
financements directs) considérés comme des distorsions à la concurrence.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 286
En 1953, la RFC est remplacée par la Small Business Administration dont les missions sont
d’aider, conseiller, assister et protéger autant qu’il est possible les intérêts des PME et favoriser leur
accès aux appels d’offre publics. S’inspirant largement des mécanismes d’intervention de ses
prédécesseurs, la SBA effectue des prêts directs et accorde des garanties en faveur des PME, facilite
leur accès aux appels d’offres gouvernementaux et assiste les entrepreneurs dans leur management.
Suite à une étude soulignant les difficultés des PME pour financer l’innovation, la SBA étend
ses activités au capital-risque en 1958 avec la signature de l’Investment Company Act. Ce programme
lui permet d’apporter une garantie publique à des sociétés de capital risque octroyant des
financements sous forme de dette ou de fonds propres à des PME présentant un niveau de risque
élevé.
En 1964, la SBA lance un nouveau programme destiné à faciliter l’accès aux financements
pour des entrepreneurs en dessous du seuil de pauvreté mais porteurs de projets viables. Ces
initiatives visant à renforcer l’accessibilité de couches marginalisées au financement seront étendus
aux femmes et aux minorités ethniques (indiens, latinos, noirs).
En combinant ces différentes activités (financement direct, garanties, assistance dans les
appels d’offre fédéraux, aide en matière de gestion, promotion des PME à l’export), la SBA a aidé
depuis sa création près de 20 millions de PME. Elle possède un portefeuille de près de 219 000 prêts
représentant environ 45 milliards de dollars US et constitue la plus grande institution d’appui aux
PME au niveau mondial, loin devant Oseo.
#2 Oseo
L’histoire des politiques publiques française de renforcement de l’accessibilité des PME aux
financements remonte au début du XXIème. En effet, dès 1923, l’Etat français crée la Caisse Centrale
de Crédit Hôtelier, Commercial et Industriel (CCCHCI), habilitée dès 1938 à prêter à moyen et long
terme aux PME quelque soit leur secteur d’activité grâce à des ressources d’origine publique ou des
emprunts garantis par l’Etat.
Afin d’améliorer et faciliter la participation des PME aux appels d’offre publics, ce dispositif
est complété en 1931 par la création de la Caisse Nationale des Marchés de l’Etat des collectivités et
Etablissements publics. Elle facilite le financement des investissements des PME par un système de
garantie mais participe aussi à la mobilisation des créances à court terme sur les maîtres d’ouvrage
publics. En 1980, ces deux institutions et le Groupement Interprofessionnel des PME (GIPME) sont
fusionnées pour donner naissance au Crédit d’Equipement des PME (CEPME). En 1982, la Sofaris vient
compléter le dispositif : elle permet le partage du risque de crédits bancaires des PME ainsi que
certaines interventions en fonds propres grâce à différents fonds de garanties abondés par les
pouvoirs publics. En 1997, la Banque de Développement des PME regroupe l’ensemble de ces
dispositifs avant de devenir Oseo.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 287
Placée sous la double tutelle du ministère de l’Economie, des Finances et de l'Emploi et du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Oseo continue de perpétuer cette longue
tradition en assurant une mission d'intérêt général (financer et accompagner les PME). Oseo
intervient ainsi dans les phases cruciales d'évolution des entreprises (création/reprise, innovation,
croissance, développement international). Si les financements mobilisés par Oseo apparaissent bien
faibles au regard de ceux déployés par son homologue américain, il n’en reste pas moins importants.
En 2007, près de deux milliards d‘euros ont été dépensés au titre des financements
spécifiques et du cofinancement avec les partenaires bancaires (prêt à la création d'entreprise, prêt
participatif de développement dans les zones sensibles, prêts à moyen ou long terme ; crédit-bail
mobilier et immobilier). Le financement du court terme (mobilisation des créances professionnelles
et mobilisation de la créance relative au crédit d'impôt recherche) a mobilisé 5 milliards d’euros.
Quant aux garanties, elles ont mobilisé 2,5 milliards d’euros (Oseo, 2007) dans les différents
programmes (risques pris par les établissements financiers, risques portés par des investissements
liés à l'exportation et à l'implantation à l'étranger et risques du financement en fonds propres des
PME engagés par les investisseurs institutionnels).
Que ce soit à travers le nombre d’entreprises aidées ou alors leurs encours sous gestion,
Oseo et le Small Business Act, traduisent la place prééminente qu’occupe l’Etat en tant que
producteur de services financiers en France et aux Etats-Unis. A des degrés divers, cet
interventionnisme se retrouve dans d’autres secteurs plus ou moins emblématiques.
B- Cohabitation harmonieuse entre Intervention directe et laissez-faire dans d’autres
secteurs
Au sein de l’OCDE, les Etats interviennent de manière indirecte (exonération fiscale par
exemple) ou directe dans de nombreux secteurs aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.
#1- Le cas des Etats-Unis : imbrication subtile de mécanismes financiers publics et
privés
Ainsi, malgré des circuits financiers parmi les plus innovants et les plus libres au monde,
l’administration fédérale des Etats-Unis intervient directement dans le système financier pour
améliorer l’accès de différents types de populations au système financier. Le Farm Bill, la loi régissant
le fonctionnement du secteur agricole américain, intègre différentes dispositions contribuant de
différentes manières au financement des agriculteurs. Au-delà des mécanismes de subventions à la
production, à l’exportation ou des aides qui ont permis à l’agriculture américaine d’asseoir sa
compétitivité et aux agriculteurs de résister aux chocs climatiques ou macroéconomiques, la loi
agricole américaine accorde à l’autorité fédérale en charge de la supervision du secteur agricole [le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 288
US Department of Agriculture (USDA)], des moyens conséquents pour favoriser l’accès au
financement. Le Farm Bill 2002 autorise ainsi le USDA a mobilisé annuellement sur la période 20032007 près de 3,8 milliards de dollars dans le cadre de prêts et de garanties accordées aux agriculteurs
américains. Les garanties de prêts représentent 3 milliards de dollars américains tandis que les
différents prêts (financement de l’accès à la propriété et du cycle d’exploitation) s’élèvent à près de
800 millions de dollars américains (United States Department of Agriculture, 2002).
Ces niveaux de financement paraissent astronomiques au vu de la difficulté des secteurs
financiers africains à mobiliser ne serait que quelques millions de dollars pour assurer leur montée en
puissance. Au-delà des crédits disponibles pour le Farm Bill, c’est aussi toute la politique de
promotion de l’accessibilité au crédit et aux différentes formes de financement qu’il faut considérer.
Le Community Reinvestment Act et l’Equal Credit Opportunity Act, adoptées respectivement
en 1977 et 1974, obligent les institutions financières à délivrer une série de prestations financières
ayant un caractère de service public dans toutes les zones au sein desquelles elles offrent des
services de gestion des comptes. Ces mesures ont été prises par le législateur américain afin de lutter
contre certaines pratiques bancaires limitant l’accessibilité (refus de servir certaines catégories de
population ou alors d’octroyer du crédit dans des zones économiquement défavorisées). Ces deux
lois ont octroyé des pouvoirs de contrôle/sanction étendus à la Federal Reserve pour vérifier le
respect par les institutions bancaires des mesures visant à renforcer l’accessibilité aux services
financiers.
Différentes exemptions fiscales sur les obligations des collectivités locales (municipal bonds)
rendent attractives cette catégoriesde titres et permettent aux Etats fédérés, collectivités locales et
établissements publics de pourvoir à leurs besoins de financement. L’Etat intervient enfin pour
promouvoir la diversité des marchés financiers, par exemple, le marché du financement de
l’immobilier via différentes agences (Fanny Mae, Freddy Mac…81) dont l’encours de prêts s’élevait fin
mai 2008 à près de 5 200 milliards de dollars américains (L’Expansion, 2008), soit un tiers du PIB des
Etats-Unis.
L’effondrement récent du marché immobilier américain, loin de remettre en cause la
pertinence des mécanismes publics qui ont permis son développement (Cf. Encadré 11) et l’accès au
logement à des millions de familles américaines, met plutôt en lumière l’impéritie des banques
privées. Désireuses d’assurer leur rentabilité et certaines de pouvoir titriser leurs prêts immobiliers
avec le soutien d’agences bénéficiant de la garantie publique, les banques privées se sont lancées
dans une politique hasardeuse d’octroi de crédits immobiliers sans vérifier la soutenabilité de
l’endettement de leurs clients mais aussi en mettant en œuvre des conditions de prêts crisogènes
81
The Government National Mortgage Association (Ginnie Mae), Federal National Mortgage Association (Fannie Mae),
Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac) accordent des crédits en faveur de l’immobilier résidentiel tandis
que la Federal Agricultural Mortgage Corporation (Farmer Mac) est responsable des crédits au secteur agricole. La Student
Loan Marketing Association (Sallie Mae) fournit quant à elle des fonds pour soutenir le secteur éducatif.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 289
(crédits à long terme assortis de taux variables). Cette course à la distribution du crédit a entraîné la
faillite de nombreuses banques (Indy Mac, notamment82), réhausseurs de crédit et explique les
difficultés actuelles de Fanny Mae et Freddie Mac.
Dans un entretien au quotidien les Echos, Pascal Petit83 et Peter Morici84 précisent les
responsabilités (Morici et Petit, 2008) : « Les valeurs des maisons se sont effondrées aux Etats-Unis et
les défauts de paiement ne cessent d'augmenter. Or, Fannie Mae et Freddie Mac, qui ont racheté
leurs crédits immobiliers aux banques et qui les ont revendus à des investisseurs sous forme
d'obligations garanties, vont devoir utiliser leurs fonds propres pour faire face à ces défauts de
paiement. Le problème c'est qu'on les met dans le même sac que les banques de Wall Street. Celles-ci
ont été mal gérées en investissant de façon inconsidérée dans des produits structurés liés à des crédits
hypothécaires de mauvaise qualité, ce qui a conduit à une grave crise financière quand l'immobilier
s'est écroulé. La crise de confiance dans les banques de Wall Street touche par ricochet Fanny Mae et
Freddie Mac, qui sont de bonnes maisons. Leur activité est saine et elles vont être capables de lever
de l'argent. Fanny Mae et Freddie Mac sont des victimes innocentes. Leurs actionnaires risquent de
perdre beaucoup. Mais les détenteurs de leurs obligations ne craignent rien. »
Loin de ces dérives, il ne faut pas oublier qu’en 2001, la combinaison des différents
mécanismes publics-privés autour de l’immobilier permettait à 67,8% des foyers américains d’être
propriétaires de leurs logements (55% en France à la même date). En mettant en œuvre une
gouvernance impitoyable, les pays subsahariens pourraient donc s’appuyer sur ces mécanismes afin
de réaliser un des critères sous-tendant la Déclaration du Millénaire.
Encadré n°11.
Les mécanismes publics de soutien au marché immobilier aux Etats-Unis
Suite à la crise du logement des années 30, l’administration Roosevelt (1932-1945) a instauré toute une série
d’incitations fiscales et financières pour encourager les banques à répondre à la demande en crédits
immobiliers mais aussi élaborer de nouveaux produits aptes à satisfaire cette demande.
Le développement du marché immobilier américain n’aurait pu se faire sans la contribution d’institutions
spéciales : les « agencies » ou Government Sponsored Enterprizes (GSE) : la Federal Mortgage Assurance
Corporation (Freddie Mac) et la Federal National Mortgage Agency (Fannie Mae).
82
Suite à la faillite d’Indy Mac, l’institution en charge de l’assurance des dépôts américains (FDIC) va devoir débourser entre
4 et 8 milliards de dollars pour rembourser les détenteurs de comptes dont le solde est inférieur à 100 000 dollars
américains.
83
Associé au cabinet de conseil KURT SALMON ASSOCIATES
84
Professeur d’économie à l’université du Maryland
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 290
85
Ces institutions financières privées offrent aux banques accordant des prêts immobiliers la possibilité de
titriser ceux-ci sous la forme d’obligations MBS (Mortgage Backed Securities). Ces dernières bénéficient de la
garantie implicite du Trésor américain et sont prisées des investisseurs qui les échangent sur un marché
secondaire très liquide. Ce mécanisme de titrisation favorise la dynamique du marché immobilier en
permettant aux banques de renouveler leurs capacités de prêts.
#2- Le cas européen : une longue tradition d’intervention publique dans différents
secteurs
La France possède elle aussi une longue tradition d’intervention de l’Etat pour structurer et
appuyer le développement financier. Sans se livrer à un panorama qui dépasse largement le cadre de
notre étude, on rappellera la survivance d’institutions comme la Caisse des Dépôts et Consignations
qui administrent des encours élevés, dont ceux provenant des différents livrets (Livret A, Livret
Développement Durable, ex Codevi, Livret Epargne Populaire et Livret Bleu), soit près de 195
milliards d’euros au total à la fin de l’exercice 2007 (Caisse des Dépôts et Consignations, 2007). Ces
ressources ont historiquement été utilisées pour financer des secteurs jugés essentiels pour la
croissance ou la réalisation d’équilibres sociaux. Ainsi, les ressources du Livret A sont destinées (en
partie) au financement du logement social tandis que celles du Compte pour le Développement
Industriel (Codevi transformé depuis janvier 2007 en Livret Développement Durable) participent à
l’effort industriel.
La COFACE (La Compagnie Française d’Assurance pour le Commerce Extérieur), tout en étant
un groupe entièrement privé (filiale de Natixis depuis 1994), continue à jouer un rôle de garantie du
commerce extérieur pour le compte de l’Etat86.
La majorité des pays de la Zone Euro possède des mécanismes similaires ainsi que l’atteste la
survivance voire l’essor des banques publiques. Elles réalisent des activités soumises à la concurrence
mais aussi des missions de service public liées au financement de certaines activités économiques.
En 2007, en Allemagne, la Kreditanstalt für Wiederbaufbau (KfW) possédait un total bilan de
354 milliards d’euros, largement obtenus grâce aux financements mobilisés sur les marchés
85
Elles ont longtemps étaient publiques.
86
Cf. le site de la COFACE pour une explication des différentes procédures gérées par cette société pour le compte de l’Etat:
« Depuis 1946, Coface gère, pour le compte de l’État, une large gamme de garanties destinées à favoriser et soutenir les
exportations françaises dans le cadre des dispositions des articles L 432-1 à L 432-4 du Code des Assurances. Il s’agit
d’assurer des risques, non assurables par le marché privé, au bénéfice des entreprises qui prospectent les marchés à
l’exportation et commercialisent des produits et services. Coface gère également les accords conclus dans le cadre du Club
de Paris pour consolider les dettes publiques contractées par les pays débiteurs. » in COFACE (2008), Procédures gérées par
la COFACE pour le compte de l’Etat, http://www.coface.fr/dmt/ruba_gen/indexa.htm, page consultée le 13 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 291
financiers (KfW, 2008). Par sa politique de prêts, elle soutient le secteur immobilier, la croissance des
PME mais aussi des activités de financement à l’international (aide au développement ou crédits à
l’exportation).
En Italie, la Cassa dei Depositi e Prestiti (CDPP) dispose d’une surface financière inférieure
(180 milliards d’euros en 2006), issue de la collecte des livrets d’épargne postale et des bons postaux.
Ces ressources lui permettent de réaliser des prêts aux collectivités publiques et à l’Etat mais aussi de
participer au financement de certaines infrastructures (CDPP, 2006).
Afin de favoriser une concurrence plus saine entre les entreprises, différentes normes
édictées par l’OCDE, l’OMC ou l’Union Européenne sont venues encadrer certaines des activités
proposées par les institutions publiques mais pas leur raison d’être : résorber un certain nombre
d’imperfections liées au financement de secteurs d’activités essentiels.
De l’analyse des trajectoires historiques de développement financier dans les pays de l’OCDE
se dégage une conclusion : la politique de développement financier n’est pas une affaire de dogmes
mais de pragmatisme. Face aux imperfections de marché, les pouvoirs publics des pays de l’OCDE
n’ont pas hésité à intervenir à chaque fois que cela à été nécessaire pour favoriser l’accès au
financement des personnes morales ou physiques. Pour ce faire, ils ont employé et emploient des
mécanismes d’intervention directe forts (financements sur ressources publiques) ou alors ont eu
recours à des mécanismes susceptibles de modifier les incitations des institutions financières privées
(garanties, fiscalité, réglementation).
Les Etats africains se doivent de dépasser la posture immobiliste dans laquelle ils se
cantonnent depuis les années 80. Face aux imperfections affectant leurs sphères financières, ils
devraient s’inspirer de l’exemple des pays de l’OCDE et adopter une politique de développement
financier pragmatique.
§2- PRAGMATISME ET GOUVERNANCE AMELIOREE : LES CLES DU SUCCES DES POLITIQUES DE
DEVELOPPEMENT FINANCIER SUBSAHARIENNES
Ainsi que l’atteste le chapitre 9, le développement financier dans l’arc subsaharien a
longtemps été considéré sous le prisme unique d’un affrontement entre partisans de la libéralisation
financière et du désengagement de l’Etat d’une part et ceux prônant les vertus de l’intervention de la
puissance publique, d’autre part. Cette opposition franche a suscité une production littéraire
abondante sans pour autant poser les bases d’un développement financier réel et durable au sein de
l’arc subsaharien. Les politiques de développement financier ne devraient donc pas être le lieu
d’expressions idéologiques mais devraient plutôt avoir pour finalité l’efficacité, voire l’efficience et
adopter une approche pragmatique (A).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 292
L’esprit de leurs concepteurs devrait aussi être mobilisé par la recherche des réponses à
plusieurs questions ayant toutes pour dénominateur commun la gouvernance des politiques de
développement financier. L’amélioration de cette dernière, pilier de politiques de développement
financier renouvelée, suppose une détermination précise des objectifs, des compétences, des
moyens de contrôle et de sanction qui doivent être formalisés de manière contractuelle (B).
A-Des politiques de développement financier pragmatiques fondées sur la conciliation de la
production publique et privée
Le fort parti pris idéologique régissant les politiques de développement financier actuelles
(diktat des seuls mécanismes de marché et intervention millimétrée de la puissance publique dans la
sphère financière) sont à l’origine d’un piège d’économie politique (#1). Pour s’en sortir, les
concepteurs des politiques de développement financier doivent accepter de faire du développement
financier le lieu d’une économie mixte (#2), tout en s’appuyant sur le principe de subsidiarité pour
délimiter les compétentes des acteurs publics et privés (#3).
#1-Sortir du piège d’économie politique du développement financier subsaharien
De nombreux pays de l’arc subsaharien se retrouvent prisonniers d’un piège d’économie
politique : d’une part, les acteurs privés refusent de porter certains risques dans la sphère financière
(financement des PME, financement de long terme, financement de certains secteurs) et d’autre
part, les Etats, du fait de leurs contraintes politiques, ne pallient pas ces faiblesses. Il en résulte un
régime de financement des économies très sous- optimal qui bloque leurs transformations
structurelles.
Suite aux crises financières des années 80 et à la mise en accusation de l’Etat et de ses
avatars (Etat-actionnaire, Etat-stratège et Etat-producteur), les sphères financières subsahariennes
ont enregistré un retrait brutal de l’intervention publique que ce soit dans sa dimension
institutionnelle (privatisation) mais aussi dans le volume de financement passant par des
mécanismes publics. Au-delà des mécanismes d’intervention directe, la libéralisation conjuguée aux
conséquences de l’ajustement structurel (réduction drastique des marges de manœuvre de l’Etat) a
réduit à leur portion congrue les systèmes d’intervention indirecte.
Considérée comme budgétivores, certaines instances de supervision, ont vu leur budget
baisser tandis que certaines dimensions de la réglementation (concurrence) ne bénéficiaient toujours
pas d’agences dotées de moyens de contrôle réels. Par ailleurs, la discipline budgétaire imposée aux
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 293
Etats Africains a compromis la mise en œuvre d’incitations87 susceptibles de soutenir les institutions
financières privées intervenant sur des segments de marché sensibles mais considérés comme
prioritaires pour le développement financier.
Au final et de manière contre-intuitive, les pays de l’arc subsaharien adoptent des politiques
de développement financier diamétralement opposées à celles de leurs homologues de l’OCDE. D’où
la nécessité pour les concepteurs et gestionnaires des politiques de développement financier
d’opter pour une nouvelle approche des politiques publiques dans la sphère financière. Cette
approche pose un principe (la production du développement financier est le lieu d’une économie
mixte) et propose des pistes pour définir la répartition des compétences dans sa production
(notamment, à l’aide du principe de subsidiarité).
#2-La production du développement financier comme lieu d’une économie mixte
Loin de visions théoriques opposant production privée et publique, Musgrave et Musgrave
(1989) soulignent l’imbrication des sphères publiques et privées dans la production d’un bien public
en mettant en exergue les deux facettes du processus de production d’un bien public : (i) la politique
sous-tendant cette production et (ii) les formes prises par les entités réalisant cette production. Le
développement financier, en tant que bien public, obéit à cette analyse dichotomique.
Ce faisant, il s’inscrit dans l’analyse des processus de production des biens publics qui laisse
apparaître une grande pluralité d’arrangements institutionnels potentiels largement tributaires:
(i)
(ii)
(iii)
des propriétés fondamentales du bien ;
de son implication sociale et
des conditions dans lesquelles il peut être fourni (Kaul, 2006).
En fait, peu de biens publics sont exclusivement dispensés par l’Etat et dans leur grande
majorité, ils sont le fruit d’une coordination complexe entre différentes catégories d’acteurs (Etat,
secteur privé et associatif). Le développement financier s’inscrit dans cette logique. Sa production est
de nature hybride et implique des entreprises et des processus de marché d’une part, l’Etat, des
institutions internationales mais aussi des structures du secteur associatif. En adoptant une typologie
élaborée par le Credoc (1986), il est possible d’analyser la
pluralité des sources de
production/distribution du développement financier en se fondant sur trois critères :
(i)
(ii)
87
le statut juridique du producteur ou du distributeur (public, privé mais aussi une
association) ;
la forme de consommation des services (collective ou individuelle) ;
Il peut s’agir de subventions ou d’exonérations fiscales, par exemple.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 294
(iii)
et le mode de financement de la production (prestation acquittée par la puissance
publique ou alors les usagers).
Production
Consommation
Publique
Individuelle
Collective
Privée
Individuelle
Collective
Associative
Individuelle
Autoproduc
tion
Collective
Individuelle
Financement
Public
(Prélèvements
obligatoires)
Livret
(abondement
de l’Etat)
Usagers
Compte
postal
Compte
livret
sur
Trésor
Banque
centrale
Organismes
de
supervisions
Réglementa
tion
prudentielle
Information
de marché
Institutions
financières
spécialisées
(immobilier,
banque
de
développement
,
fonds
de
garantie)
Compte
bancaire
Police
d’assurance
Information
de marché
Banque
universelle
Sociétés
de
bourses
Compagnies
d’assurance
Micro
finance
Tontine
Mécanisme
de solidarité
de place
Thésaurisa
tion
Tableau 28 : Analyse des modes de production/consommation de différentes composantes du
développement financier. Source : Credoc (1985-1986), adaptation par l’auteur.
Au-delà des institutions, l’analyse générale du processus de coproduction d’un bien public
(Kaul, 2006) fait apparaître trois types de composantes intervenant dans la coproduction du
développement financier:
(i) Des effets externes d’actions privées réalisées par des acteurs privés centrés sur leur seul
intérêt (par exemple, les opérations courantes des institutions financières vers leur
clientèle classique), y compris leur intérêt à la compassion (programmes de micro finance
développés par les grandes banques88) ;
(ii) Des composantes d’actions collectives (CAC) mises en place soit par des acteurs publics ou un
groupe d’acteurs privés pour influencer les décisions des institutions financières privées
(une fiscalité allégée pour les institutions réalisant certaines opérations, par exemple) et
créer ou développer directement des services financiers (banque de développement
créée par les pouvoirs publics) ;
88
Il faut néanmoins nuancer l’aspect compassionnel car si les premiers programmes de refinancement/assistance à la
microfinance s’intégraient dans la politique RSE des grands groupes bancaires, leurs interventions sont désormais plus mues
par un objectif de rentabilité.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 295
(iii) Des effets externes d’actions privées concertées qui sont le fruit d’une cohérence entre les
intérêts privés et sociaux favorisés par les CAC.
En soi, la coproduction/distribution du bien public développement financier par le secteur
public et le secteur privé ne constitue donc pas une nouveauté. Exception faite des pays qui ont
connu des régimes marxistes, cette activité a toujours été le fruit d’une association de facto entre
l’Etat et des émanations du secteur privé.
La véritable révolution au sein de l’arc subsaharien réside dans le passage d’un régime de
régulation au sein duquel l’Etat produisait lui-même une grande part du développement financier
(années 60-70), avec parfois des objectifs précis et affichés, à un système ou le secteur privé produit
la part la plus importante de cet effort en l’absence de toute orientation politique (période actuelle).
Le peu de réussite à court-moyen terme de ces deux politiques met l’accent sur la nécessaire
coordination des efforts de ces différents acteurs afin de parvenir à un état de développement
financier optimal ou tout du moins à celui à même de répondre aux besoins de la communauté. La
détermination de critères permettant de déterminer quel type de production peut être exercée par
le secteur public et le secteur privé apparaît aussi essentielle.
#3- La subsidiarité comme principe déterminant les compétences de chacun des
acteurs
Les réformes de libéralisation financière n’ont pas suffi à débloquer les processus de
développement financier dans les PAZF. Le bilan qu’on peut tirer de ces réformes plaide pour une
réélaboration prudente de politiques de développement financier volontaristes sous impulsion
publique, les seules logiques de marché s’avérant insuffisantes face à l’ampleur du défi. Et ce
d’autant plus que dans l’arc subsaharien tout comme sous d’autres latitudes, production publique et
privée du développement financier ne sont pas protégées des risques d’inefficience. Dans une
économie sans imperfections et en situation concurrentielle, les acteurs privés motivés par leurs
perspectives de rentabilité seraient les plus à même d’offrir l’ensemble des services financiers.
L’intérêt d’une imbrication entre les actions des institutions financières privées et la
puissance publique réside dans la capacité de concilier les forces des acteurs publics et privés avec
une finalité commune et précise. Dans cette répartition de rôles, l’intervention de l’Etat ne se
substitue pas au marché mais lui permet d’être plus efficace en mettant en œuvre des mécanismes
permettant de superviser, compléter et développer les actions des acteurs privés.
La recomposition de la légitimité du secteur public
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 296
L’intervention publique se justifie par l’ampleur des risques à couvrir. La mutualisation des
risques permis par le financement public de projets bénéfiques à la croissance de long terme a
constitué un déterminant important de la croissance forte enregistrée au sein de l’arc subsaharien
dans les années 1960 et 1970. Le fait que beaucoup d’investissements se soient avérés non
rentables, voire de purs gaspillages, ne retire rien à la légitimité du principe de l’intervention
publique en pareil cas mais pointe, comme on l’a vu, des mécanismes de gouvernance totalement
défaillants.
La force de l’Etat réside avant tout dans sa puissance d’intervention et de contrôle. Au-delà
de l’arme réglementaire, l’Etat est capable, par sa garantie absolue, de susciter la création d’une
épargne longue. Contrairement aux banques privées dont la capacité de transformation est limitée
par les règles prudentielles et la surveillance du risque de taux, cette garantie permet à l’Etat de
mobiliser des ressources à court terme pour les affecter à des usages à long terme. L’Etat pouvant se
départir de l’obligation de rentabilité immédiate, il est à même d’intervenir sur des segments de
marché risqués et d’accompagner l’essor d’activités ignorées par les banques privées en raison d’un
TRI faible. Ce faisant, la puissance publique joue le rôle de développeur de nouveaux marchés
financiers. En cela, elle présente une forte complémentarité avec les acteurs privés qui investissent
ces marchés une fois qu’ils sont devenus viables et moins risqués. Au final, son action est essentielle
en matière d’aménagement du territoire et de répartition des institutions financières sur l’ensemble
du territoire. En effet, en s’implantant dans des zones délaissées par les banques privées, les
institutions financières publiques réduisent l’impact des distorsions régionales et permettent
d’assurer une croissance plus équitablement répartie par la mise en valeur de nouveaux projets.
Les différentes agences de contrôle de l’Etat sont à même de garantir la stabilité du système
financier mais aussi une gouvernance réussie des politiques de développement financier. Cette
fonction, particulièrement importante, a été affaiblie au cours des dernières années par
l’effondrement des Etats subsahariens. Sa revitalisation est d’autant plus importante qu’elle participe
de la défense de l’intérêt général par l’Etat et ses émanations, un des aspects essentiels de la
légitimation de son intervention dans la production du développement financier.
Bien que l’intérêt public ne soit plus monopolisé par l’Etat (sous sa forme administration
centrale) mais s’exprime à travers différentes entités publiques (régions, villes, …) réseaux associatifs
(fédérations de PME ou de patrons, regroupements d’institutions financières), l’approche
essentialiste prescrit que l’intérêt public s’écrit au singulier. Ceci est d’autant plus vrai, qu’en dernier
ressort, ce sont les expressions de l’Etat qui sont responsables devant les citoyens et la communauté
internationale du niveau de développement financier et de la politique éponyme.
La subsidiarité au cœur du partage des compétences entre production publique et privée
Déterminer quelle forme structurelle doit être chargée de la production d’une des
composantes du développement financier constitue l’un des éléments importants d’une
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 297
gouvernance rénovée. Avec le refus des postures théoriques, la répartition des compétences pourrait
s’appuyer sur le principe de subsidiarité.
Ce principe est souvent usité en sciences politiques afin de délimiter les compétences et
attributions entre une autorité inférieure et une autorité supérieure89. Le principe de subsidiarité
postule que les compétences de l’autorité supérieure sont délimitées par celles de l’autorité
inférieure. Par conséquent, une autorité supérieure ne peut entreprendre d’actions dans un domaine
donné que pour pallier ou suppléer90 l’insuffisance d’une autorité plus petite (Million-Delsol, 1992).
Le principe de subsidiarité est donc une règle de détermination des compétences mais aussi une
règle d’efficience. En effet, il sous-entend, dans un monde sans imperfections, que toute action
entreprise par l’autorité supérieure dans le domaine de compétences de l’autorité inférieure ne
saurait être efficiente.
A l’aune du principe de subsidiarité, la répartition de compétences entre production privée et
publique peut se faire en faisant de la première la norme tandis que la production publique se
justifierait par les manquements de la production privée ou les capacités de la production publique.
Cette distinction repose sur la reconnaissance des forces et faiblesses des deux modes de production
mais aussi une pratique renouvelée de la gouvernance des politiques de développement financier.
B-Les principes d’une gouvernance renouvelée
La réussite d’une politique de développement financier renouvelée passe incontestablement
par une refondation des règles encadrant la gouvernance et ses composantes. Ce sont les carences
autour de la gouvernance qui ont entraîné l’essor de comportements malsains dans les sphères
financières subsahariennes à partir du début des années 80 tandis que l’absence de réflexion sur les
objectifs du développement financier a suscité des réformes qui n’ont pas forcément fait des
systèmes financiers subsahariens des éléments de réduction de la pauvreté. Plusieurs auteurs ont
consacré de longs développements à ces questions de gouvernance au sein des systèmes financiers
subsahariens [Cf. notamment Monga (1997)]. Notre analyse des trajectoires de développement
financier des pays subsahariens précise ces contributions en révélant différents facteurs faisant
d’une réflexion renouvelée sur la gouvernance des politiques de développement financier une
nécessité.
Premièrement, le développement financier n’est pas uniquement un processus financier ou
économique mais possède une forte dimension sociale (impact sur la réduction de la pauvreté,
influence sur l’aménagement du territoire). La gouvernance doit prendre en compte cette dimension.
89
A titre d’exemple au sein de l’Union Européenne pour déterminer les attributions des institutions communautaires et celles
des Etats membres.
90
Au sens d’ajouter de compléter et non au sens de remplacer.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 298
Deuxièmement, la transition vers des systèmes financiers plus efficients implique une alchimie
particulière associant des interactions profondes entre les différentes catégories d’acteurs (pouvoirs
publics, ménages, entreprises, institutions financières). Plus que jamais, la gouvernance dans l’arc
subsaharien doit s’atteler à l’élaboration de mécanismes de coordination efficients. Finalement, le
développement financier étant un processus dynamique, la gouvernance de la politique éponyme se
doit d’être évolutive.
Ces différents facteurs placent au centre d’une gouvernance renouvelée la prise en compte
d’éléments aussi importants que le juridique régissant la politique de développement financier,
l’existence d’une réflexion stratégique autour de celle-ci mais aussi de mécanismes de contrôle et de
pilotage efficients.
#1-L’élément contractuel au cœur de la gouvernance
La faillite des politiques de développement financier des années 60-70 s’explique largement
par l’absence de précisions sur ces différentes composantes de la gouvernance ou l’effritement de la
fonction de contrôle. Depuis une dizaine d’années, les politiques de développement financier
pâtissent de leur focalisation sur quelques dimensions.
Améliorer la gouvernance des politiques de développement financier dans l’espace
subsaharien requiert en premier lieu l’instauration d’un pacte fondamental - qui peut être implicite
mais de préférence explicite- établissant les règles du jeu. Celles-ci comprennent, entre autres, la
définition des objectifs communs du développement financier, l’identification des acteurs, de leurs
responsabilités respectives, des indicateurs de performance et des mécanismes de contrôle/sanction
et ce pour l’ensemble des dimensions du développement financier.
Le pacte ainsi formé doit être doté d’une valeur juridique claire et peut intégrer des éléments
de hard law (normes législatives, réglementaires) ou de soft law. Ce faisant, la gouvernance peut
aussi reposer sur des standards souples et des codes (fruits de négociations entre les différentes
parties) et la confiance en l’autodiscipline via une conscience claire des intérêts communs (MoreauDesfarges, 2003).
Dans sa logique et dans sa formalisation, ce pacte pourrait être conçu comme une
extension à la sphère financière et à l’ensemble des dimensions du développement financier de la
notion de Partenariat Public-Privé. D’après Google (2008a), « un partenariat public-privé (PPP) est un
mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour
financer et gérer un équipement ou un service assurant ou contribuant au service public. Le
partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public et/ou des usagers du service
qu'il gère ».
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 299
De facto, cette logique de PPP est déjà à l’œuvre dans la sphère financière ainsi que l’illustre
la procédure d’agrément bancaire. En échange de son engagement à respecter les codes et
règlements de la profession bancaire, la banque obtient de la puissance publique le droit de
bénéficier d’une partie du monopole de collecte des dépôts à vue, d’octroi de crédits et de mise en
circulation de moyens de paiements. L’Etat s’engage, par ailleurs, à mettre à la disposition de la
banque tout un ensemble de services contribuant au bon déroulement de ses activités (supervision,
fonction de prêteur en dernier ressort, différentes bases de données électroniques dont le fichier des
incidents de paiements en France, GIE bancaire dans différents domaines). L’établissement bancaire
obtient, par ailleurs, une rémunération sous forme de commissions et d’intérêts versés par ses
clients.
En généralisant cette logique d’échange de prestations, la faible participation des institutions
financières privées au sein de l’arc subsaharien s’explique par la dimension asymétrique des
obligations revenant à la puissance publique et aux institutions privées. Les chapitres précédents ont
établi que les acteurs financiers privés bénéficiaient d’une rentabilité/stabilité plus que satisfaisante,
résultant de l’action des pouvoirs publics91 sans pour autant développer une gamme de services à
même de satisfaire les besoins financiers de la majorité des acteurs économiques. Suite à la mise en
place d’un pacte encadrant le développement financier, les institutions financières pourraient
s’engager à œuvrer en faveur de l’essor des dimensions sous-tendant le développement financier en
mettant en œuvre un certain nombre d’actions dans leurs filières respectives (respect de critères
d’octroi de services financiers sur la base de considérations sociales, participation à des GIE).
Au final, ce processus de contractualisation contribuerait à l’amélioration de la gouvernance
au sein de la sphère financière et de ses différents compartiments à travers une répartition précise
des rôles. A l’Etat et aux acteurs publics reviennent la responsabilité de sécuriser les transactions et
de réaliser les réformes susceptibles d’améliorer l’environnement du système financier. Les bailleurs
de fonds peuvent prendre en charge le financement d’études portant sur la faisabilité et la viabilité
de nouveaux produits financiers. Forts de ces incitations, les partenaires privés sont plus à même de
mobiliser leurs ressources et compétences internes pour développer leurs activités dans des
segments de marché existant ou en devenir.
Cette adhésion des différentes parties prenantes à la politique de développement financier
repose sur leur participation à celle-ci par l’intermédiaire de processus de gouvernance inclusifs.
#2-L’inclusivité du processus de pilotage/négociation comme facteur de réconciliation
des fonctions d’objectifs
91
Réformes du cadre macroéconomique, politique d’infrastructures et sociales ayant un impact sur la demande des clients
des institutions financières.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 300
La définition du mécano institutionnel devant présider aux destinées de la politique de
développement financier dans chaque pays est largement tributaire de l’environnement sociojuridique et dépasse de loin le cadre de cette thèse92, raison pour laquelle nous insisterons
uniquement sur un principe devant régir leur organisation/fonctionnement : l’association des
différents acteurs du développement financier.
Les politiques de développement financier, qu’elles soient de jure ou de facto, sont souvent
conçues sans une forte consultation et implication décisionnelle des acteurs de la sphère privée. Ces
derniers regroupent pourtant les producteurs de services financiers mais aussi leurs utilisateurs
finaux, c’est-à-dire les deux groupes ressentant le plus fortement les contraintes entourant le
développement financier93. Pourtant, recueillir l’opinion des utilisateurs et producteurs de services
financiers peut s’avérer utile à plus d’un titre. Ce processus de consultation peut permettre
d’identifier un besoin particulier, de révéler l’existence d’arbitrage entre deux groupes ou priorités,
de mettre le doigt sur les effets néfastes d’une norme ou d’une incitation et au final de mieux
calibrer et ajuster les politiques.
Le processus de négociation étant un lieu d’échange des meilleures pratiques et solutions
innovantes, les bénéfices escomptés sont ceux de la mutualisation des énergies et des ressources car
les différents acteurs de la politique de développement financier tireront parti de la force de
l’intelligence collective.
Associer les différents acteurs du développement financier à sa gouvernance peut aussi
influer positivement sur sa qualité et éviter la répétition des erreurs de gestion des années 70-80.
Tout en conservant le rôle premier de l’Etat en sa qualité d’expression de l’intérêt général, la
présence dans les organes de pilotage de la politique de développement financier de représentants
des bailleurs de fonds, des institutions financières privées, des associations d’usagers pourrait
améliorer la qualité du processus décisionnel, avec notamment la mise en place de mécanismes de
décision plus riches et la création de contrepouvoirs.
En cristallisant la norme au carrefour de la contrainte et du consentement, ces mécanismes
peuvent aussi favoriser l’appropriation par les acteurs des finalités et objectifs du développement
financier et favoriser la conciliation des fonctions d’objectifs des différents acteurs.
Cet exercice ne s’apparente pas à une sinécure tant ceux-ci divergent. Schématiquement,
l’Etat cherche à promouvoir le développement financier dans son ensemble avec deux contraintes
92
De plus, les institutions en charge de la gouvernance peuvent adopter de schémas multiples associant des administrations,
des autorités indépendantes, un contrôle parlementaire, des groupes paritaires…
93
Les institutions financières ressentent les contraintes de l’offre (coût des facteurs, réglementation, qualité et volume de la
demande) tandis que les clients perçoivent les contraintes de la demande (coût élevé des services financiers, volume faible et
qualité médiocre)
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 301
fortes : la nécessité de respecter ses équilibres budgétaires présents et futurs (avec notamment les
limitations imposées par les comptes de réserves pour les générations futures) et une position
d’intervention limitée dictée par l’échec des années 80. Tandis que la première contrainte lui dicte
une utilisation prudente de la manne pétrolière et des fonds PPTE94, la deuxième contrainte place
la stabilité, dans toutes les acceptions que peut prendre ce terme, au cœur de l’agenda des
politiques de développement financier.
Les institutions financières ne sont pas réfractaires au développement financier tant que
celui-ci n’obère pas leur rentabilité. En l’absence d’incitations fortes et de perspectives de gains
futurs sur des marchés inexploités, elles sont généralement rétives à engager des dépenses pour
créer des mécanismes de place ou alors accorder des financements à des clientèles atypiques.
La société civile est désireuse de bénéficier des effets positifs du développement financier,
notamment la capacité d’un système financier à financer de manière efficiente l’économie.
Toutefois, elle manifeste une forte préférence pour la stabilité financière et sa participation nette à
la promotion du développement financier ne doit pas affecter son revenu. Quant aux institutions
internationales, le développement financier est un moyen de leurs politiques de développement.
Elles privilégient notamment la stabilité pour pouvoir obtenir un remboursement de leur ligne de
crédit.
La mise en musique de ces différentes contributions suppose l’existence d’une partition de
qualité mais aussi une excellente aptitude du chef d’orchestre à mobiliser ses musiciens, c’est-àdire l’existence d’une stratégie permettant de concentrer les moyens.
#3-Des stratégies et mécanismes permettant de concentrer efficacement les moyens
et d’ordonner les priorités
Les politiques de développement financier mises en œuvre au cours des quinze dernières
années se sont souvent caractérisées par une dispersion des moyens et une déperdition des énergies.
Ces phénomènes s’expliquent par l’absence de priorités nationales clairement identifiées et une
mauvaise coordination des interventions des différents acteurs du développement financier.
L’absence de mécanismes de coordination des interventions des bailleurs95 entraîne soit un
niveau de financement proposé dépassant la capacité d’absorption d’un pays ou alors des
interventions sous-dimensionnées et incapables d’atteindre la masse critique pour induire un effet
95
Pendant longtemps, les interventions des bailleurs dans le domaine financier ont pâti d’un manque de coordination. La
Banque Mondiale, à travers l’initiative Making Finance Work for Africa, essaie de combler ce vide.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 302
réel sur la dimension ou la filière financière ciblée. La mise en œuvre de mécanismes de concertation
permettrait la coordination des interventions pour chaque dimension et une répartition des tâches
entre les partenaires. Dans une dimension ou un segment de marché donné, les bailleurs disposant
de subventions pourraient se concentrer sur l’assistance technique, tandis que ceux intervenant avec
des lignes de crédit ou des garanties prendraient en charge le financement des intermédiaires
financiers. L’Etat de son côté mobiliserait ses ressources pour sécuriser la dimension ou le segment
financier.
Une telle approche suppose l’existence d’un lieu de coordination des énergies. Or, les Etats
de l’arc subsaharien ont perdu leur rôle de coordinateur et de penseur de leurs politiques de
développement et attendent bien souvent les nouveaux paradigmes en provenance des institutions
internationales, considérées comme de quasi deus ex machina. Or, les instances en charge de la
gouvernance de la politique de développement financier, et l’Etat en premier lieu, se doivent d’avoir
une composante stratégique pour planifier le développement financier sur longue période en
mettant en adéquation ces objectifs avec les moyens dévolus à leur réalisation. L’intégration dans les
DSRP de développements plus conséquents sur les stratégies financières ou alors la concrétisation de
celles-ci dans le cadre d’une charte régissant le développement financier iraient dans ce sens (à
l’instar de la Financial Charter sud africaine, Cf. encadré n°12).
Encadré n°12.
La Financial Charter sud-africaine
« La charte du secteur financier s’applique à toutes les structures qui y opèrent (toutes banques confondues,
compagnies d’assurances, autres prestataires de services financiers) pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre
2014. Une revue à mi-parcours aura lieu au 31 décembre 2008 sous la supervision du Charter Council, structure
indépendante établie spécifiquement pour suivre la mise en œuvre de cette charte.
Compte tenu du rôle prédominant du domaine concerné dans l’économie sud-africaine, mais également du
caractère volontariste du document, la charte du secteur financier aura un impact structurant majeur. Elle va d’ailleurs audelà de la politique gouvernementale d’ensemble en matière de BEE, avec l’ajout aux critères fixés par le broad-based BEE
Act de deux nouveaux indicateurs spécifiques d’empowerment indirect : l’amélioration de l’accès aux services financiers et
le financement d’entreprises promues par les PHD ou d’investissements au profit de ces mêmes populations
(empowerment financing). Ces deux critères représentent à eux seuls 40 % des points de la charte du secteur financier.
Rappelons ici que 17 des 21 millions d’adultes (dont 98 % de PHD) que compte l’Afrique du Sud seraient toujours
privés de l’accès aux services financiers. Les banques ont donc décidé de rompre avec un archaïsme socioéconomique qui
prédomine encore sur le continent africain, en proposant des services financiers plus abordables, des programmes
d’épargne, des crédits pour les petites entreprises et les ménages pauvres. Les objectifs de la charte financière pour 2008
sont ainsi de mettre les services de proximité (infrastructures physiques et électroniques) à disposition de 80 % de la
population pauvre.
Pour l’empowerment financing, la principale caractéristique de la charte du secteur financier est de vouloir
orienter une partie de ses ressources vers des financements à destination des PHD, à savoir les transferts de fonds propres
(BEE transactions) et les "investissements ciblés" (targeted investments). Plus précisément, ceux-ci correspondent à quatre
piliers du développement : infrastructures, projets agricoles, accès au logement pour les populations à faibles revenus (low
income housing) et PME en faveur de la PHD (Black SME).
Les engagements financiers pour mettre en œuvre ce processus ont été fixés par les banques sud-africaines à 75
milliards de rands (9,15 milliards d’euros). Chaque institution financière devait préciser, avant le 30 juin 2004, le montant
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 303
de ses futurs financements au titre du BEE, la répartition de ce montant entre les transactions et les targeted investments,
les éléments relatifs à la mesure et au partage du risque ainsi que la période sur laquelle ces financements seraient opérés.
Par cet "engagement moral" envers les pouvoirs publics, le secteur bancaire voit également le moyen d’élargir sa
base commerciale. Pour mener à bien cette stratégie, les banques sont intéressées par le développement de partenariat
avec les institutions financières de développement. La charte du secteur financier représente ainsi un cadre d’intervention
intéressant pour les bailleurs de fonds internationaux. »
Voici,
financier :
en
pourcentages
détaillés,
le
détail
de
la
scorecard
de
la
charte
du
secteur
Empowerment direct dont :
22
- Participation au capital
14
- Positionnements hiérarchiques (% administrateurs et cadres supérieurs)
8
Développement des ressources humaines dont :
20
- Equité du recrutement
15
- Développement des compétences
5
Empowerment indirect dont :
55
- Politique d’achat en faveur de la promotion des fournisseurs PHD
15
- Critères spécifiques au secteur bancaire :
40
dont amélioration de l’accès aux services financiers
(18)
et financement d’entreprises promues par les PHD ou d’investissements au profit de ces mêmes populations
(empowerment financing)
(22)
Investissements sociaux
3
TOTAL
100
Source : Habchi (2004)
Cette composante stratégique est indissociable d’une approche séquentielle. Vouloir réformer
en même temps l’ensemble des secteurs de l’économie serait contreproductif et ne constituerait
pas une approche efficace pour les Etats africains. Malgré des marges de manœuvre budgétaires
retrouvées, une telle volonté se heurterait à l’ampleur de la tâche et aboutirait à un saupoudrage
peu efficace. Loin de se plonger dans des réformes d’ensemble du système financier, coûteuses,
longues et diluant les moyens, une approche par filière, séquentielle, serait préférable. Elle est
fondée sur une analyse des goulots d’étranglement entravant l’essor de l’intermédiation et une
étude des instruments, services et institutions financières considérés comme prioritaires par les
acteurs économiques. Loin de la connaissance parcellaire des systèmes financiers subsahariens96,
cette approche séquentielle ne peut donc faire l’économie d’un effort de recherche intense ayant
pour finalité la compréhension des besoins des utilisateurs et l’origination de nouveaux produits.
Elle nécessite aussi la définition d’un classement des besoins et la définition d’un ordre des
priorités.
96
Il n’existe pas d’études portant sur les fonctions de coûts dans les systèmes financiers subsahariens,
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 304
Une fois ces besoins prioritaires ciblés, les différentes parties prenantes du développement
financier pourraient concentrer leurs efforts de manière séquentielle afin de développer les filières
par ordre de priorité.
#4-Développer des mécanismes de contrôle/sanction impitoyables
Afin d’éviter la répétition des heurts et malheurs qu’ont connu les systèmes financiers des
pays subsahariens, des politiques de développement financier rénovées se doivent d’intégrer des
mécanismes de contrôle réactifs et impitoyables. Au-delà de la supervision d’un compartiment du
système financier ou de l’attention toujours forte accordée à la stabilité, cette fonction de contrôle
doit porter sur l’ensemble des processus et politiques conduisant au développement financier. Deux
éléments particulièrement importants affectent la qualité du processus de contrôle/sanction :
l’attention portée à la contractualisation et à la transparence.
Le processus de contractualisation et sa qualité sont à l’origine d’une définition plus ou moins
précise des objectifs de chacune des parties prenantes du développement financier m ais aussi des
indicateurs qualitatifs ou quantitatifs utilisés pour évaluer leur réalisation. En présence d’indicateurs
mal définis, la fonction de contrôle et de sanction se trouvera diminuée, raison pour laquelle la
Financial Charter sud africaine intègre un scorecard précisant de manière détaillée les différents
critères de performances et indicateurs surveillés par les autorités en charge de la régulation.
La création d’une obligation de publier dans le rapport annuel des institutions financières
leurs performances en matière de contribution au développement financier (création d’un indicateur
ad hoc de contribution au développement financier) s’inscrit dans cette veine. Elle augmenterait la
qualité du contrôle à travers la vérification/certification de ces informations par les commissaires aux
comptes. Elle favoriserait aussi une comparabilité des institutions financières sur la base de leur
contribution au développement financier et une mise en concurrence sur cette base.
L’instauration d’un mécanisme de contrôle parlementaire participerait aussi à la
transparence tout en contribuant à l’appropriation citoyenne de la politique de développement
financier. C’est la solution retenue aux Etats-Unis pour le Community Reinvestment Act. Chaque
année, la Fed est tenue de présenter au Congrès un rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
L’élaboration de ce rapport associe largement les institutions financières, les collectivités locales et
les associations représentant les usagers qui sont auditionnées. Ce processus pourrait servir de
modèle pour l’élaboration de systèmes de contrôle à posteriori des politiques de développement
financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 305
Encadré n°13.
Le contrôle à posteriori de la politique de développement financier
La fonction de contrôle se doit d’intégrer non seulement des mécanismes de contrôle a priori et à
posteriori. A posteriori, le contrôle des politiques de développement financier repose sur l’identification des
dysfonctionnements et la correction des écarts entre les objectifs prévus et réalisés. L’adaptation des travaux
de Nioche (1982) sur le contrôle des politiques publiques à la gouvernance de la politique de développement
financier permet de distinguer cinq niveaux d’évaluation des dysfonctionnements :
1-L’existence de contradictions entre les objectifs et les moyens
A ce niveau, le contrôle a pour mission de rapprocher les moyens mis en œuvre et les objectifs. L’adéquation
entre les moyens et les objectifs constitue une des sources les plus communes d’échec des politiques de
développement financier. Toutefois, dans le cas des politiques de développement financier des années 60 à 80,
cette cause ne peut être avancée en raison de la débauche de moyens mis en œuvre par la puissance publique.
3-La possibilité de divergence entre les objectifs et les réalisations
Malgré la mise à disposition de moyens conséquents, une politique de développement financier peut ne pas
atteindre ses objectifs. Cette conclusion doit amener les instances en charge de la gouvernance de la politique
de développement financier à prendre des mesures pour corriger les dysfonctionnements et réduire les
dépenses inutiles.
3- Divergence entre Impact escompté et Impact constaté
Au-delà des réalisations (création d’une institution financière, augmentation du nombre de crédits accordés),
ce troisième niveau d’évaluation considère l’impact des politiques de développement financier. Il s’agit donc de
mesurer les effets sur les différents groupes car une politique de développement financier peut avoir atteint un
certain objectif quantitatif (augmentation du volume de crédit) sans que celui-ci ne bénéficie aux groupes en
ayant le plus besoin. Dans ce cas, le contrôle conclut à l’inadéquation des mécanismes mis en œuvre pour
répondre à une situation donnée et doit recherchr de nouvelles solutions plus adaptées.
4-Les moyens utilisés ont pu sécréter des effets pervers d’où la nécessité de rapprocher impact et moyen.
5- Un cinquième niveau rapproche l’impact des besoins exprimés par les populations.
La mise en place d’un cadre stratégique, de mécanismes de répartition des compétences et le
renforcement du contrôle serait à l’origine d’un cadre renouvelé des politiques de développement
financier permettant d’associer de manière étroite et efficiente acteurs privés et publics dans la
production du développement financier. Cette amélioration de la gouvernance des politiques de
développement financier créerait, par ailleurs, les conditions du rééquilibre des politiques de
développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 306
SECTION II - DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT FINANCIER
DESEQUILIBREES
L’étude des trajectoires de développement financier des pays subsahariens a mis en exergue
la nature profondément déséquilibrée de leurs résultats et explique la création d’un autre concept,
celui de politique de développement financier équilibré ou non. Ce dernier conclut notre effort de
réinterprétation/relecture des trajectoires de développement financier au sein de l’arc subsaharien.
Il découle d’un postulat: une politique de développement financier doit avoir pour objectif final le
développement harmonieux de l’ensemble des dimensions. Ce qui est loin d’être le cas dans l’arc
subsaharien.
Ce concept s’inscrit aussi dans une constatation empirique : pour qu’un processus de
développement financier durable émerge, il est nécessaire que l’OFFRE, proposée par les IFI, et la
DEMANDE de services financiers, émanant des acteurs de la sphère réelle, se renforcent
mutuellement. Autre vérité qui est loin d’être largement vérifiée au sein des pays subsahariens.
Partant de ces deux réalités, il est possible de définir une politique de développement
financier asymétrique ou déséquilibrée comme un ensemble d’actions menées par les pouvoirs publics
en faveur de la structuration des systèmes financiers mais se concentrant, sur longue période, sur une
dimension du développement financier, un type de clientèle, une catégorie d’institutions,
d’instruments ou sur l’offre plutôt que la demande de services financiers. Cette définition permet, à
contrario, de définir des politiques de développement financier symétrique.
Au-delà du déséquilibre portant sur les dimensions largement documenté dans les chapitres
4 à 7 et le chapitre 9, une analyse plus fine des politiques de développement asymétriques portera
sur l’existence de politiques de développement financier déséquilibrées privilégiant des interventions
sur les facteurs de l’OFFRE de services financiers (institutions, produits, services) au détriment
d’interventions sur les fondamentaux de la DEMANDE de services financiers (structure économique,
groupes d’entreprises, de ménages). De telles politiques ne peuvent susciter un développement
financier durable tant les acteurs financiers ne trouvent pas en face de leurs ressources des projets
bancables. Le renforcement de cette dernière représente sans aucun doute l’avenir des politiques de
développement financier.
§1- DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT FINANCIER NOTOIREMENT CENTREES SUR L’OFFRE OU
LA DEMANDE DE SERVICES FINANCIERS
L’effort de conceptualisation des mécanismes de la politique de développement financier a
permis de préciser ses deux publics cibles (Cf. chapitre 8) : d’une part, les agents économiques
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 307
mettant en œuvre l’OFFRE de services financiers (les institutions financières) et, d’autre part, ceux à
l’origine de la DEMANDE de services financiers (Etat, ménages, entreprises). Se pose alors une
question essentielle pour l’action publique : la concentration des moyens de la puissance publique sur
un de ces publics est-elle à même de susciter un développement financier plus fort ? Répondre à cette
question est difficile car le développement financier est le fruit de leurs interactions complexes.
Le processus d’intermédiation est le fruit d’une interaction complexe mettant en relation un
emploi (notamment des projets dans la sphère réelle) et des ressources appartenant aux institutions
financières ou aux agents détenteurs d’épargne. La mise en œuvre d’un processus vertueux de
développement financier suppose d’une part une amélioration des conditions d’offre de la ressource
(diversité, rentabilité, efficacité, profondeur…des institutions pourvoyeuses) mais aussi d’autre part
une amélioration de l’offre d’emplois. Ceux-ci doivent être rentables pour répondre aux exigences de
rémunération des détenteurs de capitaux. Ils doivent aussi satisfaire les règles de division des risques
(projets suffisamment nombreux et répartis dans un grand nombre de secteurs). Ces exigences du
côté de l’offre comme de la demande de services financiers déterminent deux types de politiques de
développement financier : des politiques de renforcement de l’offre et des politiques de
renforcement de la demande de services financiers.
L’arbitrage entre ces deux types de politiques ramène à des problématiques essentielles liées
aux interactions entre la sphère réelle et la sphère financière. Les différentes études présentées dans
la première partie de cette thèse ont permis d’établir qu’un plus grand développement de la sphère
financière générait une croissance économique plus importante en agissant au niveau
microéconomique, mésoéconomique et macroéconomique sur différents composantes ou
déterminants de la croissance. Ces conclusions, souvent fondées sur des corrélations, ne permettent
pas d’établir le lien de causalité entre les deux sphères. Pour les décideurs politiques, le plus
important n’est pas la corrélation existant entre ces deux dimensions mais plutôt le sens de la
causalité et l’existence d’éléments permettant de déterminer le type de politique de développement
financier à mettre en œuvre. S’il est difficile d’apporter une réponse à cette question, les arguments
présentés dans le cadre du débat théorique sur la causalité entre sphère financière et sphère réelle
constitueront un premier élément de réponse. Différents tests de causalité mettent en avant
l’existence de causalité dans les deux sens et plaident pour des politiques de développement
financier mieux calibrées (A).
La mise en relation des structures économiques et financières au sein des pays subsahariens
souligne leur permanence et les manquements d’une politique de développement financier qui sur
longue période n’a pas su utiliser certains de ses instruments pour modifier les conditions de la
DEMANDE. Plus grave, dans un environnement financier caractérisé par l’amélioration de la
rentabilité des institutions financières, les politiques de développement financier sont toujours
profondément déséquilibrées vers l’OFFRE de services financiers. Le renforcement de la DEMANDE
de services financiers constitue dès lors une dimension essentielle et prometteuse des politiques de
développement financier (B).
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 308
A-La controverse théorique autour de la causalité entre l’OFFRE et la DEMANDE de services
financiers
Cette controverse peut être résumée de manière lapidaire en formulant une question : le
système financier est-il la source ou une des sources de la croissance économique ou alors
accompagne-t-il la croissance générée par le secteur réel ?
Cette question a fait l’objet d’un vif débat académique entre d’une part les disciples de
Schumpeter et ceux s’inscrivant dans la lignée néoclassique. Les premiers, se fondant sur
Schumpeter, affirment que le développement financier est nécessaire à l’innovation et, par
conséquent, à la croissance. La causalité va du secteur financier vers le PIB. Le développement
financier est aussi supposé précéder la croissance économique et créer les conditions de celle-ci.
Pour les seconds, le développement financier ne fait que suivre la croissance. En effet, la croissance
génère de nouveaux revenus, de nouveaux besoins financiers et donc une épargne potentielle plus
élevée entraînant une demande de services financiers plus forte.
Au-delà de cet affrontement théorique, certains travaux essaient de réconcilier les deux
approches et soulignent l’existence d’une causalité bidirectionnelle. Berthélemy et Varoudakis (1996)
affirment qu’une croissance très faible peut ralentir le développement financier qui à son tour va
ralentir le rythme de croissance. Ce cercle vicieux est à l’origine de pièges à pauvreté expliquant une
causalité biunivoque entre ces deux dimensions. Pour Patrick (1966), le processus de développement
financier est caractérisé par deux étapes. Au cours de la première (dite supply leading), le
développement financier précède la croissance et permet, par exemple, d’effectuer l’allocation des
ressources des secteurs excédentaires en capitaux vers ceux en croissance. Dans un deuxième temps,
c’est la demande de services financiers qui permet le développement financier (étape dite demandfollowing).
B-Un début de réponse économétrique : les tests de causalité de Granger
Il est possible d’apporter une solution économétrique à ce débat à l’aide d’un test de
causalité de Granger. Ce test repose sur la construction d’un modèle VAR à deux équations dans
lequel on régresse une première variable en fonction de ses valeurs passées et des valeurs passées
d’une autre variable. D’autre part, on régresse cette seconde variable par rapport à ses valeurs
passées et aux valeurs passées de la première (Chouchane-Verdier, 2001). Le test consiste au final à
estimer deux équations à retards distribués :
xt= Σαi xt-i + Σβi yt-i + ε1t
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 309
yt= Σλi xt-i + Σδi yt-i + ε2t
Encadré n°14.
Quelques considérations sur le test de causalité de Granger
Si les coefficients βi Sont significativement différents de 0, alors l’introduction de la variable y t permet d’enrichir le
pouvoir explicatif du terme autoregressif. Si la variable Y permet de prévoir le comportement futur de la variable X, alors on
peut dire qu’Y induit X au sens de Granger. Et inversement pour les coefficients λi.
Dire qu’Y induit X au sens de Granger ne veut pas dire qu’Y agit directement sur X. Le développement financier est
un facilitateur de la croissance bien plus que sa réelle cause. Les fondements de la croissance doivent être recherchés dans
le secteur réel (notamment dans les innovations aux sens schumpetérien). Un système financier performant permet à
l’économie d’utiliser au mieux ses nouvelles potentialités. On peut considérer un test de causalité au sens de Granger
comme un test qu’un système financier de qualité se doit de réussir.
L’absence de causalité au sens de Granger peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Le premier étant le
détournement des fonds vers des activités non productives en raison d’inefficiences bancaires microéconomiques. A titre
d’exemple, l’incapacité des banques à faire face aux problèmes informationnels est susceptible de les conduire à ne pas
financer des projets à long terme ou alors à octroyer des prêts à des projets présentant de faibles perspectives. Une telle
situation peut aussi s’expliquer par des interférences politiques au sein de la sphère bancaire (clientélisme, népotisme,
financement d’éléphants blancs ou alors achats d’armes). La présence d’une causalité inverse peut être révélatrice de
problèmes macroéconomiques plus graves, tels un climat d’incertitude politique ou économique élevé, l’existence d’un
taux d’inflation élevé. Dans un tel contexte, l’épargne financière ne sera pas investie dans la mesure où les firmes locales et
étrangères sont peu enclines à s’engager dans un avenir incertain.
Les données utilisées pour réaliser ces tests s’étendent sur la période 1970-1996 et
concernent 18 pays africains97. Loin de toute généralisation, les résultats établissent une causalité
spécifique au pays. Elle peut aussi être bidirectionnelle. Au-delà des liens allant du secteur financier
vers la sphère réelle observés dans trois pays (Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali, Burundi), ou du secteur
réel vers la finance (Rwanda, Ethiopie, Burkina Faso, Nigeria), on constate l’existence d’un double lien
de causalité entre les deux sphères au Sénégal, en Afrique du Sud et au Togo.
Pays
Sens de la causalité
Secteur financier vers Secteur réel Secteur réel vers Secteur financier
Afrique du Sud
Gambie
Oui
Oui
Ghana
Kenya
97
Afrique du Sud, Gambie, Ghana, Kenya, Nigeria, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Niger, Sénégal,
Ethiopie, Rwanda, Togo.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 310
Pays
Nigeria
Sens de la causalité
Oui
Bénin
Burkina Faso
Burundi
Cameroun
Oui
Oui
Oui
Congo
Gabon
Niger
Sénégal
Ethiopie
Oui
Rwanda
Togo
Mali
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Côte d’Ivoire
Oui
Tableau 29: Les résultats de tests de causalité au sens de Granger pour l’Afrique. Source : d’après
Chouchane-Verdier, A. (2001), et Venet, B. et Raffinot, M. (1998)
Ces conclusions rendent nécessaires un meilleur calibrage des politiques de développement
financier. Afin de réaliser ce premier objectif, les autorités en charge du développement financier
subsaharien devraient s’engager dans une recherche statistique plus fine98 afin de mesurer la nature
de l’interaction entre les deux sphères au sein de leur économie et déterminer le type de politique de
développement financier à réaliser (sur l’OFFRE ou la DEMANDE de services financiers).
Dans les pays où la croissance précède le développement financier, la création d’institutions
à même de soutenir la croissance et les acteurs de la DEMANDE de services financiers est nécessaire
pour faire prospérer la sphère financière sous peine de créer les conditions d’un piège à pauvreté lié
au développement financier. Dans les pays où le secteur financier impulse la croissance, les réformes
doivent viser l’amélioration de l’efficacité de ce dernier.
98
Il serait nécessaire de refaire les tests de causalité de Granger afin d’y intégrer des statistiques plus récentes.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 311
Ces recommandations semblent bien lointaines des politiques de développement financier
mises en œuvre dans de nombreux pays africains. Des années après le début des réformes
financières, ces dernières loin de renforcer les facteurs de la DEMANDE de services financiers
semblent accorder une large priorité à l’OFFRE. Ce faisant, elles ne font que perpétuer certaines
causes du sous-développement financier (§2).
§2- AXER LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT FINANCIER SUR LE RENFORCEMENT DE LA
DEMANDE DE SERVICES FINANCIERS
De l’examen théorique et empirique des trajectoires empruntées par les systèmes financiers
sur longue période semble s’imposer d’elle-même une conclusion: au-delà des asymétries
d’information et des questions de concurrence évoquées précédemment, le sous-développement
financier subsaharien trouve avant tout son origine dans l’incapacité de la sphère réelle à susciter une
DEMANDE de services plus importante et plus diversifiée.
En effet, seule une hausse durable de la DEMANDE de services financiers semble à même de
susciter un processus durable et auto entretenu de développement financier. Cette hausse durable
de la demande de services financiers peut se décliner sous la forme
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
d’une hausse du nombre d’utilisateurs ;
d’une augmentation de leur fréquence d’utilisation des services financiers ;
d’une élévation du niveau moyen des opérations financières ;
d’une augmentation de la propension à utiliser une gamme de services financiers
diversifiée.
Ces différents facteurs dépendent largement des conditions socio-économiques. Or, près
d’un demi-siècle après les indépendances, celles-ci ne semblent pas avoir fortement évolué. Cette
perpétuation des structures socio-économiques explique la perpétuation des structures financières
(A). Ce constat, souligne tout le paradoxe des politiques de développement financier subsaharienne :
loin de mettre en œuvre certains de leurs instruments à même de renforcer la DEMANDE de services
financiers, elles demeurent encore largement orientées vers le renforcement de l’OFFRE (B).
A - Un legs colonial toujours inscrit dans les structures économiques et financières
Près de 40 après la décolonisation, l’observation des systèmes financiers des pays d’Afrique
subsaharienne laisse perplexe à plus d’un titre : les grandes institutions qui dominent les systèmes
financiers existaient déjà pendant la colonisation, parfois avec le même actionnaire de référence ; les
problématiques financières n’ont pas changé (faible approfondissement financier, accès d’une
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 312
minorité de la population au secteur financier formel, exclusion du circuit du financement de certains
secteurs pourtant essentiels au développement). Ces deux grandes permanences peuvent être
imputées à un troisième facteur : le maintien pour l’essentiel des structures économiques héritées de
la période coloniale. C’est donc à ce troisième facteur qu’il nous semble important de s’attaquer pour
insuffler une réelle dynamique de développement financier pérenne.
#1-Perpétuation de la spécialisation économique coloniale
La création d’un embryon de système financier au sein des pays de la Zone Franc pendant la
période coloniale avait pour finalité première de répondre aux besoins de financement des sociétés
d’import-export et d’exploitation des produits primaires agricoles (Bénin, Mali, Côte d’Ivoire,
Burkina-Faso), miniers (Togo, Niger, Centrafrique, Sénégal) et pétroliers (dans les pays de la future
CEMAC). Ces organisations n’avaient pas pour objectif premier de répondre aux besoins financiers
des populations locales. Le maintien, après les indépendances, des schémas d’organisation spatiale
et sectorielle de l’activité économique (spécialisation sur le commerce et l’exportation de matières
premières brutes) ainsi que l’échec des politiques de diversification industrielle expliquent la
perpétuation des structures économiques héritées de la colonisation et des caractéristiques
financières qui en découlent.
Outre l’APD et les revenus des migrants, de nombreux pays africains tirent aujourd’hui
encore leurs revenus de l’exportation de matières premières agricoles ou minérales brutes vers les
marchés internationaux. Caractérisées par une volatilité forte et un déclin tendanciel, les variations
de prix de ces matières premières ont des répercussions macro et microéconomiques importantes
sur la sphère réelle dans ces pays et un impact non négligeable sur leurs systèmes bancaires. Dans les
PAZF sahéliens, (Burkina Faso, Mali ou Sénégal), la rentabilité du système bancaire était et demeure
fortement cyclique et tributaire des résultats de la campagne de commercialisation du coton ou de
l’arachide.
Les économies de la zone Franc, avec 57% de leurs populations vivant en milieu rural en
2004, conservent comme caractéristique fondamentale la part importante d’un circuit économique
reposant sur l’auto consommation de la production au sein de la cellule sociale sans règlement
monétaire. Les crises alimentaires dans de nombreux PAZF ont mis à jour le faible niveau de
financement accordé aux productions agricoles destinées à satisfaire la demande locale. Le
développement des cultures de rente a certes permis d’améliorer le revenu des agriculteurs mais les
injections de liquidité, correspondant au rythme des campagnes de commercialisation, restent
modestes, largement cycliques et aléatoires. Ces flux saisonniers conditionnent fortement dans de
nombreux PAZF les évolutions de la masse monétaire.
La faible diversification économique entraîne aujourd’hui comme hier une concentration des
crédits bancaires sur quelques secteurs tandis que le dynamisme des échanges et de l’économie
informelle (par exemple les corporations de femmes commerçantes en Afrique de l’Ouest, le
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 313
commerce informel entre le Nigeria et ses voisins de la Zone Franc), déjà présent pendant la période
coloniale, s’est maintenu et continue d’alimenter l’essor des circuits de financement informel. A
contrario, les grands projets d’infrastructures réalisés dans de nombreux pays subsahariens
présentant une excellente viabilité et rentabilité, ne font pas toujours, voire rarement, appel aux
établissements bancaires, notamment aux filiales des grands groupes bancaires internationaux.
Lorsque celles-ci y sont associées, les mécanismes d’optimisation du résultat au niveau des grands
groupes financiers internationaux peuvent entraîner une remontée de la marge d’intérêt vers la
maison-mère qui a noué le prêt alors que le crédit a été accordé grâce aux ressources de la filiale
locale. De telles pratiques affaiblissent la santé financière des banques locales pourtant en quête de
projets bancables mais aussi d’opportunités de diversification.
Enfin, les balances commerciales hors pétrole restent déficitaires pour des raisons de fond :
(i)
l’absence de montée en gamme vers des productions à plus forte valeur ajoutée,
(ii)
des structures agricoles peu efficientes, et
(iii)
leur orientation vers des cultures qui n’ont pas permis d’atteindre l’autosuffisance
alimentaire.
Au-delà de facteurs traditionnellement avancés, différents travaux permettent de considérer
sous un jour nouveau la relation entre la piètre intégration des pays africains dans l’économie
mondiale et leur faible niveau de développement financier. Comme le démontre Beck (2001), un
système financier efficient peut exercer un impact positif sur le niveau de compétitivité d’une
économie, la structure et le niveau de sa balance commerciale. En effet, dans un pays doté d’un
système financier développé, les secteurs exportateurs peuvent plus facilement accéder aux
financements, exploiter de potentielles économies d’échelle, améliorer leur compétitivité
internationale et accroître leurs volumes d’exportations.
#2-Perpétuation des comportements et des institutions
L’étude de la composition du capital des banques dans les PAZF, notamment en Afrique de
l’Ouest, témoigne de la stabilité du paysage financier au cours du dernier demi siècle et ce malgré les
transformations opérées pendant les années 1960-70. En 1956, la zone couverte par l’Institut
d’émission AOF-Togo (l’ancêtre de la BCEAO) comptait cinq réseaux bancaires : deux banques
présentes depuis le début du XXème siècle (la Banque de l’Afrique Occidentale et la Banque
Commerciale Africaine) ainsi que les filiales locales de trois banques métropolitaines : la Banque
Nationale pour le Commerce et l’Industrie (future BNP), la Société Générale et le Crédit Lyonnais. Ces
trois banques vont développer leurs réseaux africains à partir de 1940. Soixante ans après leur
installation sur le sol africain, ces trois banques dominent encore largement le paysage bancaire
ouest africain et, au-delà, de l’ensemble de la Zone Franc, où elles détiennent à elles trois plus de la
moitié des parts du marché bancaire.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 314
Cette prééminence historique a été à l’origine de la forte concentration oligopolistique des
systèmes financiers de la PAZF. Toutefois, cette structure de marché évolue progressivement avec la
création d’établissements bancaires détenus par des intérêts africains et l’entrée de banques issues
d’autres continents. Ces facteurs sont à l’origine de la baisse du degré de concentration bancaire au
sein des PAZF, sans pour autant être synonymes d’un accroissement significatif de la concurrence
(Saab et Vacher, 2007).
La permanence des institutions allant de pair avec celle des problématiques, on retrouve à
une époque déjà ancienne la question de l’accessibilité des systèmes financiers pour les ménages et
les entreprises locales. La période coloniale se caractérisait en effet par une concentration du réseau
des guichets bancaires sur les grandes villes. En 1956, au sein de la zone géographique couverte par
l’institut d’émission de l’AOF-Togo, cinq villes (Abidjan, Dakar, Conakry, Bamako et Cotonou)
concentraient ainsi 36% des agences. Ce biais urbain des institutions bancaires explique pour une
large part la tendance à thésauriser ou à confier son épargne à des institutions informelles en zone
rurale.
De même, en matière d’allocation des crédits, les banques coloniales comme leurs héritières
ont été frileuses et tournées vers des clientèles bien ciblées. Les banques coloniales limitaient leurs
prêts à une clientèle assez comparable à la clientèle actuelle des grandes institutions bancaires :
grandes entreprises, PME détenues par des étrangers et quelques commerçants et exploitants
agricoles locaux. La problématique du financement agricole est toujours aussi prégnante que
pendant la période coloniale. D’après une enquête de l’Institut d’émission d’AOF-Togo réalisée dans
la région du Sine Saloum au Sénégal pendant la campagne 1952-1953, près de 93% des producteurs
d’arachides étaient endettés en raison des crédits d’hivernage et dépendaient des négociants pour la
commercialisation de leur production.
Les banques coloniales et celles qui les ont suivies n’ont pour la plupart d’entre elles pas su
adapter leurs opérations à la structure des économies africaines : « le système financier s’est
développé culturellement, économiquement et socialement en rupture avec la société civile, dont les
agents sont largement exclus du système » (Hugon, 1999).
B - Des politiques de renforcement de la DEMANDE de services financiers encore
hésitantes
Les développements consacrés à la présentation des outils de la politique de développement
financier a fait des politiques publiques sectorielles, commerciales et d’infrastructures autant
d’adjuvants au développement financier. Ce rôle s’explique par leur capacité à modifier différents
facteurs agissant sur la DEMANDE de services financiers. A titre d’exemple, la création de nouvelles
filières ou la sécurisation des filières existantes est l’une des conditions de l’augmentation de l’offre
de financement mais aussi de la diversification de l’intermédiation.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 315
Or, suite à l’échec des politiques d’intervention de l’Etat dans le secteur réel, l’Etat a renoncé
à utiliser de nombreuses politiques publiques pourtant favorables au développement financier et au
développement tout cours. Ce faisant, la puissance publique a renoncé à modifier de manière
volontariste les conditions de la DEMANDE de services financiers ou à utiliser des incitations
susceptibles d’amener le secteur privé à participer à ce processus. Cette renonciation s’explique par
la réduction des marges de manœuvre imposée par l’ajustement structurel mais aussi par la peur de
répéter les erreurs du passé.
Pourtant, à l’instar des mécanismes publics de financement de l’économie, l’échec des
politiques de diversification de la sphère réelle s’explique moins par leur finalité et principe que par
leur gouvernance. Au-delà des pratiques de mauvaise gouvernance stricto sensu (corruption,
détournement, népotisme), ces politiques ont pâti d’une mauvaise vision stratégique et exécution
tactique. Ainsi, les politiques d’industrialisation par substitution ont été confrontées à des marchés
intérieurs trop faibles en l’absence d’une régionalisation des économies. Les industries ainsi créées
n’ont jamais pu bénéficier des économies d’échelles et faire face à des producteurs extérieurs
bénéficiant d’une longue courbe d’expérience. Les unités de production créées n’ont pas toujours pu
ou su bénéficier d’une protection commerciale mal organisée. La viabilité des projets de première ou
deuxième transformation locale, souvent bénéficiaires de prêts en devises, s’est quant à elle, heurtée
à une hausse du service de la dette suite à la crise financière internationale du début des années 80.
Les politiques agricoles de production de produits de base destinés à la consommation locale ont
failli en raison de l’absence de chaîne logistique pour les acheminer vers les centres de
consommation urbains.
Ce n’est donc pas tant l’intervention de l’Etat en tant que producteur de services financiers
qui est en cause mais l’absence de cadre permettant de viabiliser certains secteurs et de sécuriser
aussi bien physiquement qu’économiquement de potentiels investisseurs.
S’inscrivant dans une approche très libérale, les politiques de développement financier
actuelles susceptibles d’agir sur la DEMANDE de services financiers limitent les interventions
publiques directes et se cantonnent au cadre des affaires (réformes juridique, judiciaire, des
mécanismes de création de sociétés, de la réglementation des importations et exportations). On ne
peut que s’interroger sur l’efficacité99 de ces réformes structurelles menées avec des moyens limités,
dispersés à l’échelle du pays ou des différentes filières économiques au lieu de privilégier une
approche séquentielle et thématique pour bénéficier des effets de la concentration des moyens.
Quant à la politique de redistribution, une des alternatives pour modifier les conditions de la
DEMANDE, peine à prendre son envol dans de nombreux pays bénéficiant de rentes d’exportation.
99
Mais aussi la capacité à exercer un effet d’entraînement sur l’ensemble des économies.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 316
Au contraire, les inégalités semblent se creuser au cours des dernières années malgré la baisse des
indicateurs de pauvreté absolue100.
Or, une politique de redistribution optimale pourrait, à travers une élévation du revenu par
habitant, contribuer à la solvabilisation de la DEMANDE de services financiers. Au final, malgré une
forte croissance économique et l’extension de leurs marges de manœuvres budgétaires, les Etats
subsahariens peinent à utiliser ceux-ci pour mettre en œuvre les conditions de leur diversification
économique. Plus grave, ils préfèrent parfois placer ces ressources à des conditions défiant tout
entendement (Cf. encadré n°15).
Encadré n°15.
La CEMAC- une gestion peu dynamique des excédents publics
La problématique financière des Etats de la CEMAC est radicalement différente puisqu’ils affichent depuis 2002
une capacité de financement structurellement excédentaire. A nouveau, ces chiffres agrègent des situations
très contrastées, la situation de la République centrafricaine par exemple ne s’accorde pas avec les tendances
régionales. Entre 2004 et 2005, les dépôts nets des Etats auprès de la BEAC ont pratiquement doublé, passant
de 1 232 à 2 625 milliards de Francs CFA soit près de 4 milliards d’euros. Cette hausse est due aux excédents
pétroliers et budgétaires accumulés par les Etats de la CEMAC.
Des mécanismes conformes aux meilleures pratiques actuelles des pays producteurs de matières premières ont
été mis sur pied afin de gérer au mieux ces excédents. Les Etats de la CEMAC peuvent ainsi constituer des
dépôts au sein de la BEAC dans le cadre d’un compte de réserve pour les générations futures. Si l’initiative est
louable dans son esprit, sa mise en œuvre concrète se révèle malheureusement critiquable. En effet,
contrairement aux fonds de réserves de la Norvège ou de l’Alaska utilisés pour financer des investissements
locaux à forte rentabilité différée ou constituer des portefeuilles d’actifs offrant les meilleures perspectives de
rendement possibles, la gestion des dépôts des Etats au sein de la BEAC est très peu dynamique : les taux de
rémunération obtenus sont inférieurs à l’inflation de la sous-région.
Entre juin 2006 et juin 2007, le taux des dépôts au titre des fonds de réserves est passé de 2,15% à 3,15%
tandis que le taux des dépôts à la BEAC au titre du mécanisme de stabilisation des recettes budgétaires a
augmenté de 1,95% à 2.95%. Le taux des dépôts spéciaux des Etats a été fixé à 2.65% contre 1.65%.Avec une
inflation de 3,1% en 2005 et de 5,2% en 2006, la rentabilité réelle des placements effectués par les Etats est
donc négative et entraîne une destruction de valeur pour les générations futures ! Au final, le mécanisme de
placement des excédents publics (excédents budgétaires et recettes pétrolières) auprès de la Banque Centrale,
aussi vertueux soit-il dans son principe, ne préserve donc pas les intérêts des générations futures. En acceptant
des taux de rémunération aussi bas, les Etats de la zone vont franchement à l’encontre des normes
internationales en matière de gestion d’actifs. Ces ressources pourraient être affectées à des actifs ou à des
projets générant une rentabilité bien plus élevée, conformément aux stratégies d’allocation dynamiques des
actifs développées par d’autres fonds de réserve dans le monde, confrontés à des problématiques similaires (le
100
En 1990, 46,8% de la population subsaharienne vivait avec moins d’un dollar par jour. Ce chiffre est descendu à 45,9% en
1999 pour atteindre 41,1% en 2004. Source : ONU (2007), Africa and the Millenium Goals – 2007 Update, New York,
http://www.un.org/millenniumgoals/docs/MDGafrica07.pdf, page consultée le 13 juin 2008
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 317
Fonds pétrolier norvégien, le fonds de l’université de Yale aux Etats-Unis ou encore le Fonds de Réserve pour
les Retraites français).
A contrario, l’essentiel de l’action des pouvoirs publics s’est concentré sur l’OFFRE de services
publics à travers l’action des bailleurs de fonds pour l’apport de lignes de crédits aux institutions
financières et de l’Etat pour la réglementation. Ces politiques de soutien peuvent être réalisées à
l’aide de lignes de financement octroyées aux institutions financières pour renforcer leur stabilité,
accorder des prêts à des clientèles marginalisées (PME, ménages), sur des maturités précises (long ou
moyen terme) ou alors développer de nouveaux produits. Les lignes de crédits ainsi accordées par les
bailleurs de fonds internationaux ou les Etats bénéficient le plus souvent de taux concessionnels.
Malheureusement, le déséquilibre vers l’OFFRE des politiques de développement financier
peine à porter des fruits et rencontre une limite forte : la capacité d’absorption de la sphère réelle.
Ainsi, les lignes de crédit concessionnelles proposées par les bailleurs aux établissements
financiers ne sont pas pleinement voire faiblement utilisées. Il n’est pas inutile de rappeler que les
bailleurs de fonds ont adopté cet instrument afin de résorber certaines carences des systèmes
financiers : faible octroi de crédit à certaines clientèles (PME, notamment) ou alors absence de crédit
pour des projets d’investissement à long terme. Pour les banques, l’élément concessionnel
représente une incitation à opérer sur des clientèles marginalisées ou sur des maturités plus longues,
car il augmente les perspectives de rentabilité de ces opérations.
Grâce au différentiel entre le taux de marché et le taux concessionnel, la concessionnalité permet
aux institutions financières de se rémunérer pour le risque supplémentaire associé à des prêts sur
des clientèles /maturités ou produits plus risqués.
Toutefois, des éléments conjoncturels et structurels spécifiques aux PAZF expliquent une
utilisation de plus en plus faible de ces lignes par les banques:
(i)
Les lignes de crédit concessionnelles ne résolvent pas la question fondamentale de la
solvabilité des clientèles bancaires et de leur capacité à pouvoir rembourser leurs
créances à moyen-long terme. A ce titre, l’exemple des PME camerounaises est
particulièrement représentatif. Au sein de la CEMAC, le Cameroun est le pays disposant
du tissu de PME le plus dense et le plus diversifié. Certaines PME camerounaises se sont
en particulier illustrées par leur aptitude à développer leurs exportations de produits
agricoles et manufacturés dans leur sous région mais aussi dans d’autres pays africains
voire à l’international. Ce dynamisme est néanmoins remis en cause depuis quelques
années par la concurrence des produits nigérians et chinois bénéficiant d’une meilleure
compétitivité en raison de l’appréciation du Franc CFA mais aussi en raison de la
contrainte énergétique. Face à ces perspectives économiques peu radieuses et à des
capacités de remboursement des PME fortement compromises, les banques, même en
présence de crédits concessionnels, peuvent être tentées de ne pas mobiliser ceux-ci afin
d’octroyer du crédit aux PME. Seule la levée des incertitudes pesant sur la rentabilité et
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 318
la
(ii)
solvabilité
des
clientèles
est
à
même
de
modifier
cette
donne.
A moyen-court terme, les lignes de crédit concessionnelles ne sont pas suffisamment
compétitives en raison de ressources locales peu chères (dépôts) et de la situation de
surliquidité de différents systèmes financiers des PAZF.
Ces éléments plaident en faveur d’une réorientation des politiques de développement
financier vers des actions à même de générer une DEMANDE de services financiers forte. Celles-ci
nécessitent l’utilisation de politiques structurelles (politique industrielle, agricole, grands travaux)
présentées dans le chapitre 8. Seules ces politiques sont à même de susciter un choc de demande à
même d’exercer un impact durable sur l’intermédiation financière dans les pays subsahariens.
CONCLUSION
Longtemps, le débat autour de la politique de développement financier au sein de l’arc
subsaharien s’est focalisé sur la légitimité de l’intervention de l’Etat au sein des systèmes financiers
ou le recours à des politiques de libéralisation financière redonnant aux seuls marchés la
responsabilité de la production du développement financier. L’échec des deux stratégies souligne la
nécessité d’une approche plus pragmatique.
La mise en perspective des trajectoires de développement financier au sein de l’OCDE et des
pays de l’espace subsaharien offre à maints égards d’intéressantes perspectives. En effet, bien que
certains d’entre eux aient poussé la libéralisation financière à son paroxysme, il n’en demeure pas
moins que l’Etat y occupe toujours une place prépondérante dans le système financier, notamment
lorsqu’il s’agit de développer des segments délaissés par les acteurs privés mais utiles à l’ensemble de
la communauté. Dans l’arc subsaharien, la politique de développement financier suit une trajectoire
différente avec un désengagement quasi-total de la puissance publique. Ce dernier est à l’origine
d’un piège d’économie politique au sein duquel acteurs privés et publics ne prennent pas en charge
des aspects pourtant fondamentaux du développement financier, inhibant de facto la croissance et la
réduction de la pauvreté.
La publication de différents rapports mettant l’accent sur le rôle de l’Etat dans ce domaine
laisse espérer un aggiornamento des politiques publiques subsahariennes (Cf. notamment le rapport
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 319
de la Cnuced Le Développement économique en Afrique, Retrouver une marge d’action- La
mobilisation des ressources intérieures et l’Etat développementiste).
Afin d’éviter les dérives du passé, celles-ci doivent s’appuyer sur une gouvernance
irréprochable dont les piliers sont la subsidiarité, la contractualisation des droits et devoirs des
acteurs du développement financier, la concentration des moyens mis en œuvre pour impulser le
développement et la coordination des acteurs mais surtout l’instauration de mécanismes de sanction
et de contrôle efficaces et impitoyables.
Ceux-ci sont d’autant plus importants qu’ils seraient à même de détecter certains
déséquilibres associés à la conduite des politiques de développement financier. Il peut s’agir de
déséquilibre dimensionnel (la politique de développement financier entraîne l’essor d’une dimension
par rapport aux autres) mais aussi dans les mécanismes et instruments mis en œuvre pour susciter le
développement financier.
Dans ce domaine, on ne peut que remarquer le fort déséquilibre des interventions des
pouvoirs publics et bailleurs de fonds en faveur des acteurs de l’OFFRE de services financiers. Or,
l’analyse du blocage de l’intermédiation au sein des systèmes financiers subsahariens a révélé que
ses causes profondes devaient être recherchées dans la sphère réelle ou dans les modes
d’interactions entre sphère réelle et intermédiaires financiers. Les politiques de développement
financiers devraient, par conséquent, se recentrer vers l’amélioration des conditions de la DEMANDE.
De telles politiques, plus ambitieuses, supposent de faire d’autres politiques économiques (politique
commerciale, des grands travaux, de redistribution, agricole ou industrielle) des moyens de la
politique de développement financier.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 320
CONCLUSION
En concluant cette étude des systèmes financiers subsahariens et des politiques mises en
œuvre pour susciter leur essor, il apparaît fondamental de revenir sur la portée et l’utilisation du
cadre conceptuel proposé.
Les chapitres 1, 2 et 3 et 10 ont fait du développement financier un des éléments du faisceau
de variables institutionnelles susceptibles de favoriser la transition des économies subsahariennes
d’équilibres de développement socio-économiques bas vers des équilibres plus élevés. Or, les
systèmes financiers subsahariens apparaissent à bien des égards sous-développés et peu à même de
contribuer pleinement à ce processus ainsi que l’atteste la méthodologie d’analyse du
développement financier présentée dans le cadre des chapitres 4, 5, 6 et 7.
En désagrégeant le niveau de développement financier de chaque pays en sept dimensions
(profondeur, accessibilité, institutions d’appui, rentabilité et la stabilité, efficacité, diversité,
ouverture du système financier), cette méthodologie, bien qu’imparfaite, marque un progrès
significatif dans l’analyse de la contribution et du niveau de structuration de systèmes financiers
subsahariens. Elle permet notamment d’établir une singularité : le hiatus existant entre des
intermédiaires financiers peu efficaces mais fortement rentables d’une part et le faible degré de
profondeur, d’accessibilité et de diversité des systèmes financiers subsahariens, d’autre part.
Plus important encore, l’approche par dimension autorise une réinterprétation des
trajectoires de développement financier empruntées par les systèmes financiers subsahariens. Si la
période 60-80 est marquée par un important approfondissement du système financier, une
amélioration de l’accessibilité et une forte diversité des intermédiaires financiers, depuis 1999, la
priorité semble accordée à la restauration de la rentabilité/stabilité du système financier suite aux
crises financières du milieu des années 80. Et ce au détriment des dimensions contribuant à la
croissance et à la réduction de la pauvreté (accessibilité/diversité/profondeur/efficacité).
Cette situation est loin d’être une fatalité et des solutions éprouvées existent : les Etats
subsahariens peuvent s’inspirer de différents mécanismes publics à l’œuvre dans les pays de l’OCDE
(chapitre 10). Leur succès implique une redéfinition des actions mises en œuvre par la puissance
publique et un aggiornamento dans la réflexion/conception de celles-ci. Ce processus passe
premièrement par une prise de conscience : seul l’Etat est à même d’intervenir pour faire face aux
niveaux de risques et à l’étendue des imperfections affectant la production du développement
financier dans l’arc subsaharien. Deuxièmement, loin d’une approche dogmatique faisant des
mécanismes de marché les vecteurs uniques d’une production efficiente du développement
financier, ce processus doit être envisagé comme étant le lieu d’une économie mixte. En effet, seule
la puissance publique est à même de porter et de mutualiser certains risques limitant l’essor des
intermédiaires financiers privés.
Au final, seul l’Etat et ses démembrements sont à même de mobiliser des leviers d’actions à
même de modifier la structure de l’économie afin d’offrir de nouvelles opportunités de diversification
aux intermédiaires financiers et rendre solvables certaines clientèles traditionnellement
marginalisées. Un tel programme d’action est ambitieux mais s’avère aussi sources de dérives. D’où
la nécessité d’encadrer fortement la gouvernance des politiques de développement financier. Ce
cadre renouvelé de la gouvernance de la politique de développement financier se doit d’intégrer les
différentes parties prenantes du développement financier (producteurs et utilisateurs) aussi bien
dans la réflexion que dans la conduite de cette politique. Cette dimension inclusive doit reposer sur
un processus contractuel précisant les engagements et responsabilités de chacun mais surtout les
indicateurs et mécanisme permettant de les vérifier et de les sanctionner.
Ces critères d’une gouvernance renouvelée permettront d’éviter les travers des politiques de
développement actuelles qui privilégient largement des interventions sur l’OFFRE de services
financiers ou sur certaines dimensions.
L’analyse des trajectoires des politiques de développement financier au sein de l’arc
subsaharien révèle aussi l’existence de déséquilibres dans leurs résultats par dimension (chapitre 9).
A l’instar du carré magique de Kaldor, il semble que les politiques de développement financier ne
puissent atteindre simultanément les sept dimensions du développement financier.
Cette impossibilité pourrait s’expliquer par la nature des mécanismes nécessaires pour
atteindre certaines dimensions et leurs effets négatifs sur d’autres dimensions. A titre d’exemple, les
investissements nécessaires pour réaliser une meilleure accessibilité et la dynamique des opérations
avec des clientèles atypiques (les pauvres, par exemple) ne sont pas compatibles avec des niveaux de
rentabilité élevés, du moins dans un premier temps. La faible rentabilité des institutions de
microfinance par rapport à celle dégagée par les établissements bancaires dans l’UEMOA confirme
cette intuition (Cf. chapitre 7). En outre, la préservation de la stabilité implique la mise en place de
politiques souvent comparées à un « monétarisme financier » tant elles limitent de nombreuses
initiatives.
Face à cette impossibilité d’atteindre simultanément toutes les dimensions, les Etats
subsahariens peuvent opter pour deux approches. La première, la plus radicale, consiste à choisir
résolument de développer dans un premier temps des dimensions que l’on peut juger prioritaires
pour la croissance et la réduction de la pauvreté (accessibilité, profondeur, diversité). Une fois ces
dimensions atteintes, la politique de développement financier pourrait mobiliser ses moyens pour
réaliser les autres dimensions. Choisir cette trajectoire revient à transformer radicalement la fonction
d’objectifs des intermédiaires financiers avec des conséquences non négligeables (passage d’une
rentabilité forte liée à la concentration des activités sur quelques clients vers une rentabilité
« normale » reposant sur un volume d’opérations et des coûts plus importants en raison
d’interactions avec des clientèles plus difficiles). Une deuxième approche consiste à développer
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 322
parallèlement les différentes dimensions en affectant les moyens de l’Etat à l’essor des dimensions
ignorées par le secteur privé.
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 340
ANNEXES
LISTE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1: Quelques grandeurs socio-économiques caractérisant l’espace subsaharien ...................... 19
Figure 2: Différents flux financiers vers et en provenance d'Afrique subsaharienne ........................... 20
Figure 3: Les organisations régionales africaines .................................................................................. 26
Figure 4: Travail des enfants dans différentes régions en développement .......................................... 40
Figure 5: Les canaux d’interaction entre système financier et variable réelle ..................................... 50
Figure 6: Ratio d’autofinancement moyen par région .......................................................................... 53
Figure 7: Taux de croissance moyen par region du PIB......................................................................... 53
Figure 8: Financing gap de quelques pays africain ................................................................................ 54
Figure 9: Financing gap de quelques pays africains .............................................................................. 54
Figure 10: Part de l’Afrique dans le commerce mondial ....................................................................... 58
Figure 11: Politiques de développement financier et liens avec la lutte contre la pauvreté ............... 68
Figure 12: Les sept dimensions du développement financier. .............................................................. 80
Figure 13: Ratios d’intermédiation financière de différentes zones géographiques .......................... 110
Figure 14: Moyenne du ratio crédit accordé par les banques de dépôts au secteur privé/PIB entre
2003 et 2005........................................................................................................................................ 111
Figure 15: Moyenne du ratio dépôts bancaires/PIB entre 2003 et 2005 ............................................ 111
Figure 16: Des avoirs extérieurs nets en forte croissance au sein de la BEAC .................................... 113
Figure 17: Nombre de distributeurs automatiques pour 100 000 personnes .................................... 116
Figure 18: Evolution du taux d’épargne domestique .......................................................................... 118
Figure 19: Répartition sectorielle des crédits...................................................................................... 120
Figure 20: Répartition sectorielle du PIB ............................................................................................. 120
Figure 21: Répartition des actifs des banques par région ................................................................... 121
Figure 22: Répartition par maturité des crédits à l’économie déclarés à la centrale des risques dans la
CEMAC entre 2003 et 2005 ................................................................................................................. 122
Figure 23: Ratio primes d’assurance/PIB ............................................................................................ 126
Figure 24: Comparaison des réseaux micro finance et bancaire au sein de l’UEMOA en 2005 ......... 132
Figure 25: Emissions actions et obligations privées sur la BRVM ....................................................... 137
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 342
Figure 26: Capitalisation boursière/PIB dans différentes PED en 2005 .............................................. 138
Figure 27: Comparaison des flux de transferts avec d'autres sources de fonds ................................. 140
Figure 28: Evolution de la population subsaharienne entre 2005 et 2050 ......................................... 146
Figure 29: Nombre de guichets bancaires pour 100 000 habitants en 2005 ...................................... 149
Figure 30: Montant minimal pour ouvrir un compte à vue en pour cent du PIB/tête ....................... 152
Figure 31: Coût d’un transfert international d’argent ........................................................................ 152
Figure 32: Frais de gestion d’un compte à vue ................................................................................... 153
Figure 33: Part de chaque contrainte dans la contrainte globale des entreprises ............................ 160
Figure 34: Pourcentage d’entreprises faisant de l’accès ou du coût du financement une contrainte
majeure dans différents secteurs........................................................................................................ 161
Figure 35: Pourcentage d’entreprises ayant une ligne de crédit en fonction de leur degré
d’extraversion...................................................................................................................................... 162
Figure 36: Pourcentage de firmes identifiant le coût ou l’accès au financement comme une contrainte
majeure en fonction de leur taille ....................................................................................................... 163
Figure 37: Pourcentage d’entreprises ayant recours à différents instruments ou services financiers en
fonction de leur taille .......................................................................................................................... 163
Figure 38: ROE bancaire moyen par région géographique ................................................................. 169
Figure
39:Comparaison
du
ROE
et
du
ROA
de
banques
en
fonction
de
leur
implantation/appartenance sur la période 2000-2004....................................................................... 172
Figure 40: Frais de gestion bancaire/total des actifs (moyenne 2003-2005) ..................................... 173
Figure 41: Spreads moyens sur la période 2002-2004 de différents pays .......................................... 174
Figure 42: Evolution de la marge d’intérêt bancaire depuis 1996 dans différentes régions .............. 175
Figure 43: Concentration des actifs des trois premières banques (moyenne 2003-2005) ................. 187
Figure 44 : Evolution du nombre de banques dans les pays de l’UEMOA entre 2002 et 2007 .......... 190
Figure 45: Matrice de contestabilité des différents sous marchés bancaires sud-africains ............... 192
Figure 46: Les implications en termes de bien être des inefficiences X .............................................. 197
Figure 47: la perte de surplus de consommateur attribuable au consommateur .............................. 202
Figure 48: Modèle d’Arrow sur l’incitation à inventer ........................................................................ 205
Figure 49: Modèle de Demsetz sur l’incitation à inventer ................................................................. 206
Figure 50: Canaux d’action reliant la concurrence à l’offre de crédit et à la stabilité financière ....... 209
Figure 51: Les équilibres de développement multiples et l’action du développement financier dans la
transition ............................................................................................................................................. 234
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 343
Figure 52: Relation entre les dimensions du développement financier et l’environnement financier.
............................................................................................................................................................. 243
Figure 53: Les politiques au service de la politique de développement financier. ............................. 244
Figure 54: Evolution des taux d’épargne (1965-2004) ........................................................................ 250
Figure 55: Nombre de jours pour faire sanctionner un contrat (2007). ............................................. 251
Figure 56: Pourcentage de la population recensée dans les registres de crédit (2006) ..................... 258
Figure 57: Evolution des dépôts en % du PIB (1964-2005) ................................................................. 269
Figure 58: Evolution du crédit au secteur privé en % du PIB (1964-2005).......................................... 269
Figure 59: Evolution de la bancarisation au Cameroun (1973-1992). ................................................. 270
Figure 60: Evolution des crédits par maturités en CEMAC (1971-1986) ............................................. 270
Figure 61: Evolution des spreads de taux d’intérêts bancaires (1978-2005) ...................................... 279
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 344
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: L’Afrique subsaharienne et ses subdivisions géographiques .............................................. 25
Tableau 2: Pourcentage de chefs d’entreprises citant la contrainte comme étant un obstacle majeur
au développement de leur entreprise .................................................................................................. 35
Tableau 3: Différentes contributions théoriques au débat sur le lien entre système financier et
croissance. ............................................................................................................................................. 51
Tableau 4: Instruments de mesure de la complétude instrumentale et institutionnelle. .................... 83
Tableau 5: Instruments de mesure de la complétude temporelle........................................................ 84
Tableau 6: Instruments de mesure de la complétude fonctionnelle. ................................................... 85
Tableau 7: Instruments de mesure de la rentabilité et de la stabilité .................................................. 87
Tableau 8: Instruments de mesure de l’efficacité ................................................................................. 88
Tableau 9: L’accessibilité, ses sous-dimensions et ses indicateurs ....................................................... 91
Tableau 10: Les six dimensions d'analyse des systèmes financiers ...................................................... 96
Tableau 11: Matrice des notes pays par dimension............................................................................ 100
Tableau 12: Répartition des actifs financiers dans quelques pays africains en 2004 ......................... 103
Tableau 13: Caractéristiques des 75 premières banques subsahariennes ......................................... 109
Tableau 14: Répartition sectorielle des crédits dans la zone UEMOA, déclaration à la centrale des
risques ................................................................................................................................................. 121
Tableau 15: Avantages et limites des différents types de transferts .................................................. 141
Tableau 16: Utilisation et perception des services d’assurance au Kenya.......................................... 151
Tableau 17: Sources de financement de l’investissement des entreprises ........................................ 156
Tableau 18: Analyse des garanties exigées pour l’octroi de prêts ...................................................... 158
Tableau 19: Analyse statistique portant sur le capital, les actifs, le Capital Adequacy Ratio, les
bénéfices, le ROE et le ROA des 75 premières banques d’Afrique subsaharienne ............................. 168
Tableau 20: Coefficient de rentabilité des principaux groupes bancaires .......................................... 168
Tableau 21: ROE par catégories d’institutions financières dans l’UEMOA ......................................... 170
Tableau 22: Les différentes valeurs prises par la variable H et le type de structure de marché
correspondant ..................................................................................................................................... 186
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 345
Tableau 23: Indice de concentration Hirschmann-Herfindhal pour différents pays de la CEMAC en
2002 et 2005........................................................................................................................................ 188
Tableau 24: Valeurs de la statistiques H dans différents espaces géographiques africains. .............. 189
Tableau 25: Types d’actions pouvant être envisagées pour améliorer les dimensions. ..................... 263
Tableau 26: Ampleur et coût des crises bancaires en Afrique. ........................................................... 276
Tableau 27: Comparaison entre un système financier libéralisé et soumis à une réglementation
extrême ............................................................................................................................................... 278
Tableau 29 : Analyse des modes de production/consommation de différentes composantes du
développement financier. ................................................................................................................... 295
Tableau 30: Les résultats de tests de causalité au sens de Granger pour l’Afrique............................ 311
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
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LISTE DES ENCADRES
Encadré n°1.
Synthèse de quelques uns des canaux d’actions entre facteurs financiers et
croissance .................................................................................................................... 58
Encadré n°2.
Quelques étapes dans l’histoire des typologies des systèmes financiers ................. 94
Encadré n°3.
Construction des indicateurs ..................................................................................... 97
Encadré n°4.
Le secteur de la micro finance au Cameroun .......................................................... 133
Encadré n°5.
Présentation des opérations de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières ........ 134
Encadré n°6.
Le développement des produits d’assurance au Kenya .......................................... 150
Encadré n°7.
Les performances des banques d’Afrique subsaharienne : rentabilité réelle ou
artificielle ................................................................................................................... 171
Encadré n°8.
La notion de convergence ....................................................................................... 232
Encadré n°9.
Régulation sans application n’est que ruine nationale ........................................... 274
Encadré n°10. Comparaison historique des problématiques financières au sein des pays africains et
de l’OCDE .................................................................................................................. 284
Encadré n°11.
Les mécanismes publics de soutien au marché immobilier aux Etats-Unis ............ 290
Encadré n°12.
La Financial Charter sud-africaine ........................................................................... 303
Encadré n°13.
Le contrôle à posteriori de la politique de développement financier ..................... 306
Encadré n°14.
Quelques considérations sur le test de causalité de Granger ................................. 310
Encadré n°15.
La CEMAC : une gestion peu dynamique des excédents publics ............................ 317
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 347
Vu : le Président
Vu : les suffragants
-
Vu et permis d’imprimer : le Vice-président du Conseil scientifique Chargé de la Recherche
de l’Université Paris Dauphine
Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne
Page 348
Titre de la thèse : Les politiques de développement financier en Afrique subsaharienne Définition- Enjeux- Réalités et propositions
Résumé : En 50 ans, l’Afrique a enregistré peu de progrès en matière de développement. Ce travail
analyse un facteur à même d’expliquer cette trajectoire singulière: la structuration des systèmes
financiers.
L’approfondissement du concept de développement financier ainsi qu’une meilleure
intelligence du lien entre sphères réelle et financière ont permis de dériver un indicateur de
développement financier qui souligne la faible structuration des systèmes financiers africains et leur
apport limité au développement. Ce travail souligne aussi l’existence d’équilibres durables de sousdéveloppement liés au facteur financier. Face à la force des facteurs expliquant ces sous équilibres, la
mise en œuvre de politiques publiques, les politiques de développement financier, doit être au cœur des
stratégies de développement à venir. Leur implémentation en Afrique est d’autant plus légitime qu’elles
ont prouvé leur efficacité sous d’autres cieux. Cette thèse définit ces politiques et leur gouvernance.
Mots-clés :
- Institutions financières -- Afrique -- Thèses et écrits académiques
- Banques – Afrique - Thèses et écrits académiques
- Politique économique -
Pays en voie de développement - Thèses et écrits
académiques
- Développement économique – Afrique - Thèses et écrits académiques
Title of the PhD’s dissertation: Financial development policies in sub-Saharan Africa –
Definition – Stakes – Current situation and proposals
Abstract: In 50 years, Africa has seen little progress in development. Our work analyzes a factor able to
explain this singular path: the structure of financial systems. After deepening the concept of financial
development and providing a better understanding of the relationship between the real and financial
spheres, it proposes an indicator of financial development which emphasizes the weak structure of
African financial systems and their limited contribution to development. This work also highlights the
existence of equilibriums of underdevelopment related to the financial factor over the long run. Given the
strength of the factors explaining these equilibriums, the implementation of public policies, financial
development policies, must be at the heart of development strategies to come. Their implementation in
Africa is all the more legitimate that they have proven their effectiveness in other areas. This thesis
defines these policies and their governance.
Keywords :
- Financial institutions - Africa - Thesis
- Banks and banking - Africa - Thesis
- Economic policy - Developing countries - Thesis
- Economic development – Africa -- Thesis
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