Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand LES MARCHES A TERME Institut des Hautes Etudes en Droit Rural et Economie Agricole 1 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand PLAN I ) CARACTERISTIQUES DES MARCHES A ) Objectifs B ) Fonctions C ) Conditions d’existence D ) Types d’intervention II ) LE PRINCIPE DE LA BASE A ) La base B ) Les relations entre cours au comptant et cours à terme C ) Méthodologie de la couverture 2 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand La réforme de la PAC en 1992, l’agenda 2000 et les cycles de négociation OMC (accord de Seattle) dessinent les contours d’une agriculture plus libérale où le risque de prix devient une variable importante. Les marchés à terme ont montré, dans ce cadre, leur utilité : ce sont non seulement des outils de couverture fiables et sécurisés mais également des vecteurs de transparence et de fluidité pour les marchés physiques. I. Caractéristiques des marchés à terme Le marché à terme définit un prix d'échange pour un produit donné et pour une date future. Ce prix formé par la libre confrontation de l'offre et la demande, sert de signal pour de nombreuses décisions économiques telles que la mise en production, le stockage ou la transformation. L'ensemble des transactions à terme s'effectuent sur des bourses de commerce. A. Objectifs La mise en place d’un marché à terme répond généralement à deux objectifs : 1° Rassembler en un seul lieu les acheteurs et les vendeurs afin d’organiser la confrontation de l’offre et la demande (unicité des prix à un instant donné, standardisation des contrats) ; 2° Etablir et faire respecter les règles qui assurent que la négociation prend place dans un environnement ouvert et compétitif. Tout agent est capable de prendre une position sur le marché, qu'il soit acheteur ou vendeur. La négociation porte sur des échanges futurs de produits dont le prix fluctue sur le temps. B. Fonctions Le marché à terme a principalement trois fonctions : - Le transfert de risque : le marché à terme permet la couverture des risques de prix existant sur le marché au comptant. La couverture consiste à prendre une position inverse et équivalente à celle du marché au comptant. La justification économique de ce transfert de risque apparaît dans l’évolution des cours au comptant et des cours à terme (voir le principe de la base). - La découverte du prix unique : le marché à terme est un marché centralisé permettant la confrontation générale de l’offre et de la demande (prix unique à un instant donné). Ce prix synthétise l’ensemble des intérêts des opérateurs (acheteurs et vendeurs), il reflète un consensus des opérateurs sur la valeur future du produit => Prix de référence. - Le marché de dernier recours ( donc à priori le moins rentable en temps normal mais le moins cher en cas de blocage du marché physique) tant pour les acheteurs que pour les vendeurs. Ainsi un acheteur de produits physiques ne trouvant pas de produits pour satisfaire ses besoins, peut acheter un contrat à terme pour en prendre livraison à l’échéance. La réciproque est vraie pour un vendeur de produits physiques. C. Conditions d’existence L’existence d’un marché à terme est généralement conditionné par 5 facteurs : la volatilité des prix ; la taille du marché ; le besoin de couverture par tous les opérateurs d’une filière (produteur jusqu’au négociant) ; la réunion d’une communauté de courtiers à même d’exécuter les ordres de clients finaux ; et la maturité du marché (seul moyen de lancer de nouveaux contrats). L'organisation et le fonctionnement du marché à terme peuvent être décrits à partir des quatre éléments suivants : la place de transaction, l'objet de la transaction (contrat), les opérateurs et le système d'échange. 3 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand D. Interventions sur le marché à terme Il existe trois types d’interventions sur un marché à terme : - L’arbitrage est une opération sans risque et en principe sans investissement initial visant à tirer profit de décalages anormaux de cours entre différents instruments. L’arbitragiste cherchera à profiter d’une inefficience du marché entre des produits symétriques ou relevant de marchés différents ou encore entre le marché à terme et le marché au comptant. - La spéculation peut se concevoir à la hausse ou à la baisse. La spéculation à la hausse consiste à acheter un bien dont la valeur doit s’apprécier dans le temps. L’opérateur espère réaliser un profit en revendant le bien à un prix supérieur au prix d’achat. La spéculation à la baisse consiste, à l’inverse, à vendre un bien s’il doit se déprécier. L’opérateur espère alors réaliser un profit en rachetant le bien à un prix inférieur à son prix de vente. - La couverture : c’est la principale opération réalisée sur le marché à terme. L’opérateur cherche à réduire son exposition au risque de variation de prix. L’approche élémentaire présente le Hedge (couverture sur le marché à terme) comme une prise de position égale et opposée à la position sur le marché physique. Egale signifie de même taille et opposée correspond à la prise de position inverse, long en physique et court à terme par exemple. Un opérateur est long lorsqu’il détient un produit physique ou des contrats d’achat à prix déterminé. Etre long correspond à un risque spéculatif de baisse des prix. Un agriculteur qui sème du blé est long sur le marché du blé. Même s’il ne dispose pas encore physiquement de son blé, sa production est en cours, il craint une baisse des prix et par voie de conséquence une diminution de ses revenus. Un opérateur est court lorsqu’il développe un risque spéculatif de hausse des prix. C’est le cas d’un acheteur de sucre pour une industrie de confiserie. Cet opérateur connaît ses besoins mensuels de sucre, il craint une hausse des prix qui viendrait augmenter la valeur de ses achats. Sur le marché à terme, l’opérateur qui achète un contrat est long. Il est gagnant si le prix monte mais il est perdant si le prix baisse. La situation de l’opérateur court est symétrique. Tableau 1 : Marché à terme et gestion des risques Opérateur Date de début de prise de risque Conditions particulières créant le risque Agriculteur Céréalier Décision d’emblavement (position longue) Eleveur Engraisseur Décision de se lancer dans l’engraissement d’un lot d’animaux Apports des adhérents et paiement au prix moyen (position longue) Les charges fixes Prix obtenu lors et variables de la récolte doivent être inférieur au prix couvertes et une anticipé lors de la Vente de contrats rémunération du décision travail doit être d’emblavement. assurée. Le prix de vente Baisse du prix des des animaux doit animaux finis Vente totale du lot Vente de contrats couvrir les coûts d’animaux finis de production Pas de risque Diminution dans immédiat. Mais l’avenir de les adhérents apports à la peuvent se coopérative si le Vente de céréales détourner de la prix de vente est collectées Vente de contrats coopérative dans trop faible l’avenir si le prix final obtenu n’est Coopérative de collecte Type de risques 4 Date de fin de prise de risque sans marché à terme Vente de céréales (ou connaissance du prix offert par l’organisme de stockage ou la coopérative). Couverture de risque sur le marché à terme Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Négociant Utilisateur industriel Vente de produits agricoles livrables et payables en différé (position courte) Position courte pas satisfaisant. D’où risques de non couverture des frais fixes Le prix d’achat Prix d’achat Achat des des produits supérieur au prix produits agricoles agricoles doit être de vente diminué à livrer Achats de contrats inférieur au prix des coûts de de vente négocié gestion Concurrence vive Coûts d’achats en Achat des sur le marché matières matières aval. Substitution premières trop premières et/ou Achats de possible avec élevés par rapport modification du contrats. d’autres produits au prix du produit prix sur le marché fini aval D’une façon générale, les longs gagnent à la hausse tandis que les courts gagnent à la baisse. L’argent gagné par les uns est perdu par les autres. Hors coûts de transactions, le marché à terme est un jeu à somme nulle avec transfert quotidien des perdants vers les gagnants. L’organisation du transfert d’argent est une des principales fonctions de la Chambre de Compensation II. LE PRINCIPE DE LA BASE Le comportement des opérateurs (position longue ou courte) prend généralement en compte l’évolution du cours au comptant et celle du cours à terme. Bien qu’ils n’évoluent pas exactement de la même façon, ces deux cours ont tendance à bouger de concert. Le cours à terme dépend en effet étroitement du cours au comptant, puisqu’un contrat à terme peut toujours faire l’objet d’une livraison à l’échéance. Le cours à terme théorique équivaut au cours au comptant augmenté ou diminué du prix du temps, appelé coût de portage. Fig 1 : Cours à terme et cours au comptant Cours Cours à terme Livraison BASE Cours au comptant Echéan Le coût de portage représente le coût du financement de l’achat de l’actif et de son stockage jusqu’à l’échéance, date à laquelle le bien est livré dans le cadre du contrat à terme. Plus l’échéance du contrat à terme se rapproche, plus le coût de portage est faible. Au fur et à mesure que se rapproche le mois de livraison, les anticipations reflétées dans le cours du terme deviennent les mêmes que celles du marché au comptant. Par conséquent, le cours du contrat à terme approchant 5 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand de l’échéance, converge vers le cours de l’actif sous-jacent sur le marché comptant. Une différence anormale entre les deux cours inciterait les utilisateurs des marchés à terme détenant des positions ouvertes à livrer ou à prendre livraison suivant le sens de l’écart. Elle inciterait ceux qui interviennent sur les deux marchés à acheter à bas prix et à vendre sur celui sur lequel le cours est élevé, à condition que l’écart soit suffisamment grand pour compenser le coût de la livraison sur le marché à terme. Ces arbitrages induiront une hausse du cours du marché à bas prix et une baisse du cours du marché à prix élevé, ce qui ramènera les cours à une situation initiale. A. La base Le terme de base est utilisé pour désigner la différence entre le cours à terme et le cours au comptant sur le même actif. La base est généralement définie comme le cours du contrat à terme sur l’échéance la plus proche moins le cours au comptant du produit de la qualité spécifiée dans le contrat à terme, la qualité de base. Toutefois, la base est parfois définie comme étant le cours au comptant moins le cours à terme. 1. Les composantes de la base Pour les actifs physiques1, la base comprend trois composantes : - le temps intègre les anticipations des opérateurs quant à l’évolution des cours. Il comporte notamment le coût de portage (coût d’achat du bien au comptant et de sa revente à terme), qui est essentiellement composé du coût de stockage, de la prime d’assurance et du coût du financement. - la distance : à tout moment, le cours au comptant d’une marchandise en un point donné est différent de celui qui prévaut à l’endroit de la livraison sur le marché à terme. Cette différence reflète le coût de transport d’un produit de son lieu de production à sa zone de consommation, et les équilibres entre offre et demande aux deux endroits. - la qualité : des qualités de bien différentes de la qualité de référence peuvent le plus souvent être livrées, suivant un système de primes et de décote, et ce afin d’élargir le marché. Fig 2 : Caractéristiques de la base Date de livraison Echéance ∆ Temps Zone de livraison agrée Lieu de Qualité Prix au comptant Qualité standard ∆ Espace ∆ Qualité Prix à terme 1 Base Pour les actifs financiers, la définition de la base est la même que pour les actifs physiques, mais sa valeur dépendra uniquement de la composante temps, c’est à dire des anticipations des intervenants sur le marché, et du coût de portage. Le coût de portage d’un actif financier équivaut à son coût net de financement, c’est à dire à la charge d’intérêt entraînée par l’achat d’un titre, moins le revenu généré par le titre (coupon ou dividende). 6 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Ainsi la base reflète ce que vaut le produit sur le marché local en relation avec le marché à terme. La valeur de la base est fonction de la valeur du stockage sur le marché local (en relation avec celui du marché à terme) ; de la valeur du transport entre le marché de consommation et les zones de surplus, et entre ce marché et les points de livraison définit dans le contrat à terme ; de la valeur de la qualité du produit offert (en relation avec celle définie dans le contrat standard) ; et des conditions d’offre et de demande sur le marché local (en relation avec celles qui prévalent sur le MAT, influence des produits substituables). 2. Evolution de la base La valeur de la base évolue avec le temps pour plusieurs raisons : - Le comptant et le terme forment deux marchés séparés. Les possibilités qu’offre le marché comptant de traduire les besoins à long terme des opérateurs en transactions immédiates sont limitées, surtout en regard de celles du marché à terme. Le cercle des participants au marché à terme est plus large que celui du comptant, car les objectifs des intervenants ne sont pas les mêmes sur les deux marchés. Comme les marchés au comptant et à terme ne répondent pas aux mêmes attentes, leurs variations ne sont pas identiques et la différence entre les deux cours – la base – subit des changements dans le temps. - Le coût de portage varie. Le coût de portage, reflété dans le cours à terme, est sensible aux fluctuations du taux d’intérêt. Il dépend aussi du cours au comptant du produit, de la capacité de stockage disponible, et de la durée restant à courir jusqu’à l’échéance. - La composante distance de la base intervient également. Les prix des services de transport ne sont pas constants et peuvent être négociés. Les moyens de transport disponibles, les conditions météorologiques et les conflits sociaux peuvent influencer le coût de transport. Les conditions d’offre et de demande de chaque marché local sont sujettes à variation. Ainsi, un déséquilibre entre l’offre et la demande peut se produire dans une zone et ne pas affecter l’endroit où se font les livraisons sur le marché à terme, provoquant un changement de la base locale2. B. Les relations entre cours au comptant et cours à terme En théorie, le cours à terme doit être égal au comptant augmenté du coût de portage. La différence entre les différents cours à terme doit aussi être égale au coût de portage d’une échéance sur l’autre. En réalité, l’écart entre les échéances varie considérablement et dépend de la situation de l’offre et de la relation comptant/terme. C’est pourquoi les coûts de portage calculés à partir des différences entre les contrats ne fournissent qu’une indication sur une situation qui prévaut sur le marché à un instant donné et sont fonction des anticipations des opérateurs pour les mois à venir. 1. Marché en report et marché en déport Lorsque l’offre est suffisante pour couvrir la demande sur un produit, les cours à terme sur les échéances lointaines sont plus élevées que ceux sur les échéances proches. Cette situation est celle d’un marché normal ou report (un marché est en report si le cours au comptant est inférieur au cours à terme). La différence entre deux cours correspondant à deux dates de livraison (de même qu’entre le cours au comptant et un cours à terme) reflète normalement le coût de portage. La différence entre deux cours à terme ne peut, excepté dans le cas de denrées périssables, 2 Cordier (1984) rappelle que la base est essentiellement une notion locale. En chaque point du marché, il existe une base particulière qui tient compte du prix du stockage mais aussi des coûts de transport, pour aller livrer ou chercher des produits au silo agréé par la Chambre de Compensation du marché à terme. 7 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand normalement pas dépasser le coût de portage d’un montant substantiel. Si la différence de cours était très supérieure au cours de portage, de nombreux opérateurs achèteraient le contrat à terme le plus proche et vendraient simultanément le contrat à terme le plus éloigné. Ils prendraient ensuite livraison du contrat proche, porteraient le bien jusqu’à l’échéance éloignée et livreraient alors le bien en dégageant un profit. Fig 3 : Marché en report Sept Cours Juil Mai Mar Dec Comptant Echéance Lorsque l’offre est insuffisante pour couvrir la demande de livraison immédiate, le cours au comptant peut être supérieur au terme le plus proche, et si on anticipe une poursuite de la pénurie, le cours à terme proche peut dépasser le cours à terme éloigné. Cette situation est celle d’un marché inversé ou en déport. Fig 4 : Marché en déport Cours Comptant Dec Mar Mai Juil Sept Echéance Sur un marché normal, la différence entre le cours à terme et le cours au comptant (ou entre deux cours à terme) ne peut pas être largement supérieure au coût de portage. Mais sur un marché inversé, il n’y a pas de méthode de calcul de la prime au comptant par rapport au terme ou entre deux échéances. L’offre disponible va aux acheteurs qui acceptent de payer plus cher une livraison immédiate. 2. Le risque de base La couverture classique n’élimine pas le risque de façon aussi radicale qu’on pourrait le penser, elle ne fait que le réduire. Le bénéfice majeur d’une couverture à terme est de remplacer le risque de fluctuation des cours par un risque beaucoup plus faible de changement de la relation entre le cours à terme et le cours au comptant, appelé risque de base. Dans la réalité, la base reste rarement constante pendant la durée de la couverture. Bien que les deux cours tendent à bouger de concert, les mouvements peuvent être plus ou moins violents sur un marché ou sur l’autre. 8 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Un opérateur qui fait une couverture courte fera un profit si la base diminue entre le début et la fin de la couverture. Dans le cas contraire, il subira une perte. A l’inverse, celui qui fait une couverture longue fera un gain si la base augmente, et une perte si elle diminue. Variation de la base Résultat Couverture courte Perte Gain Hausse Baisse Couverture longue Gain Perte C. Applications 1. Cas n°1 : arbitrage entre marché physique et marché à terme Soit un négociant qui s’est engagé, le 15 janvier de l’année N, à acheter à prix ferme 50 tonnes de blé au prix de 152 €/t. Ce négociant est en position longue : il ignore en effet ce que sera le prix qu’il obtiendra lorsqu’il vendra une marchandises dont il n’a pas personnellement l’usage. Le même jour, ce négociant prend position sur le marché à terme, il vend un contrat de 50 tonnes de blé échéance mars. L’échéance mars côte alors 150 €/t. Le 12 février, soit quelques semaines plus tard, il trouve une contrepartie vendeur, c’est-à-dire un client intéressé pour les 50 tonnes de blé que le négociant détient. La vente est négociée à 147 €/t . Le même jour, le négociant rachète sa position sur le marché à terme à 140 €/t Date 15 janvier 15 février Résultat Marché physique Marché à terme Achat à prix ferme de 50 t de Vente d’un contrat de 50 t blé à 152 € /t (soit 7600 €) blé échéance mars à 150 (soit 7500 €) Vente des 50 tonnes de blé à Achat d’un contrat de 50 t 147 €/t (soit 7350 €) blé échéance mars à 140 (soit 7000 €) Perte sur le physique de 250 € Gain sur le terme de 500 € Soit un gain de 250 € de €/t de €/t Sans couverture, ce négociant aurait perdu 5 €/t, soit 250 €/t. Grâce à la couverture, le gain sur le marché à terme (10 €/t, soit 500 €) a fait plus que compenser cette perte et le résultat net est un gain de 5 €/t duquel il faut déduire les frais d’accès du marché à terme (commissions, financement du dépôt). Ces 250 € de gain net couvrent aussi les frais de stockage entre le 15 janvier et le 15 février. L’objet de la couverture, qui n’est pas de gagner de l’argent mais de ne pas en perdre, est ainsi atteint. Du fait que les prix du physique et les prix des contrats à terme évoluent de manière sensiblement parallèle, il suffit pour se couvrir, de prendre sur le marché à terme une position inverse de celle qui est tenue sur le marché des produits physiques. Dans la majorité des cas, la protection ainsi obtenue n’est cependant pas parfaite : cours à terme et prix au comptant peuvent diverger. Notons cependant qu’elle fonctionne dans les deux sens. Pour reprendre notre exemple, si au lieu de baisser entre le 15 janvier et le 15 février, les prix avaient enregistré une hausse, le négociant aurait réalisé un gain sur le marché du physique mais il aurait perdu sur le marché des contrats. L’opération de couverture limite les pertes, elle prive aussi l’opérateur de tout gain potentiel. 9 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Cas n°2 : opération de couverture Hypothèses de travail : - contrats de 50 tonnes - le producteur commercialise sa récolte au prix ferme - la couverture est parfaite Un agriculteur sème du colza sur 100 hectares en septembre 2002. Son rendement prévisionnel est de 40 q/ha, par conséquent, il peut penser récolter 4 000 q en juillet 2003. A la même date, le prix à terme sur l’échéance Août 2003, est de 230 €/t (FOB Moselle). En tenant compte tenu de la parité de transport entre sa zone géographique et la zone de livraison du contrat d’une part (3.17 €/t), et la marge de l’Organisme stockeur d’autre part (11.83 €/t), l’agriculteur peut espérer calculer un prix Départ ferme qui sera son prix objectif. Dès lors, deux possibilités s’offrent au producteur : • • Soit le producteur estime que ce prix actuel se situe à un niveau élevé, par conséquent, son risque est de voir baisser les cours, auquel cas, il va se couvrir sur le marché à terme . Soit il estime que le prix ne peut que monter ou rester à ce niveau, auquel cas, son risque est nul. Il adopte alors un comportement spéculatif et n’intervient pas sur le marché à terme. Afin de bénéficier du niveau de prix actuel pour août 2003, le producteur vend à terme un nombre de contrats équivalent à la quantité qu’il pense récolter. En Juillet 2003, le producteur récoltera son colza et le livrera à son organisme stockeur. Au même moment, il achètera sur l’échéance Août 2003, le même nombre de contrats qu’il a vendus précédemment. BILAN DES OPERATIONS - Dans le cas d’une baisse des cours (bonne anticipation du producteur) Septembre 2002 Marché physique Prix objectif : 215 €/t Marché à terme Vente de 8 contrats : 230 €/t Juillet 2003 Solde des opérations Vente à l’OS : 200 €/t + 200 Achats de 8 contrats : 215 €/t + 15 Prix final obtenu par l’agriculteur : 215 €/t - Dans le cas d’une hausse des cours (mauvaise anticipation du producteur) Septembre 2002 Marché physique Prix objectif : 215 €/t Marché à terme Vente de 8 contrats : 230 €/t Juillet 2003 Solde des opérations Vente à l’OS : 220 €/t + 220 Achats de 8 contrats : 235 €/t -5 Prix final obtenu par l’agriculteur : 215 €/t 10 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Cas n°3 : opération de couverture Un agriculteur sème du blé sur 50 hectares en octobre. Son rendement prévisionnel est de 60 q/ha par conséquent il pense récolter 300 tonnes en juillet prochain. En consultant les cours sur le marché à terme à la même date, le producteur constate que le prix à terme échéance septembre de l’année suivante est de 140 Eur/t. Ce niveau de prix lui garantit un revenu à l’hectare acceptable et comme il redoute une baisse des cours d’ici la récolte, il souhaite bénéficier de ce niveau de prix en vendant dès aujourd’hui une partie de sa production (100 t) à un OS pour livraison 2ème quinzaine de juillet. Le prix à terme sert de référence à l’OS pour définir un prix d’achat au producteur. Compte tenu de la parité de transport entre sa zone géographique (de production) et la zone de livraison du contrat ; de la valeur de stockage de juillet à septembre et de la marge de l’OS, ce dernier propose un prix de 124 Eur/t, livraison juillet. Etant donné que l’OS s’est engagé sur un prix, à présent c’est lui qui supporte le risque de baisse des cours, afin de se couvrir, il va vendre deux contrats (100 tonnes) sur le marché à terme (échéance septembre) En mai, l’OS vend 100 tonnes de blé à un meunier, livraison juillet. Au même moment, l’OS achète 2 contrats sur l’échéance septembre pour déboucler sa position. Hypothèses de travail : Contrats de 50 t, le producteur commercialise sa production au prix ferme, la couverture est parfaite BILAN DES OPERATIONS - Cas de baisse des cours DATE Octobre Mai Solde Marché physique Achat de 100 t Livraison en juillet 124 eur/t Marché à terme Vente de 2 contrats Echéance septembre 140 eur/t Vente de 100 t Livraison en juillet 121 eur/t -3 Achat de 2 contrats Echéance Septembre 124 Eur/t + 16 Marché physique Achat de 100 t Livraison en juillet 124 eur/t Marché à terme Vente de 2 contrats Echéance septembre 140 eur/t Vente de 100 t Livraison en juillet 143 eur/t + 19 Achat de 2 contrats Echéance Septembre 146 Eur/t -6 - Cas de hausse des cours DATE Octobre Mai Solde Dans les 2 cas, l’OS paiera 124 eur/t au producteur lors de la livraison, tout en préservant sa marge de 13 eur/t. 11 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Cas n°4 : risque de base Supposons qu’un meunier, prévoît un achat de 500 tonnes de blé dans les 6 mois. Il prend le cours comptant actuel comme prix de revient dans son budget. Il va effectuer une couverture longue sur le marché à terme pour se protéger contre une hausse du cours. Date 1er juin er 1 novembre Résultat Comptant Terme Base Cours 115 € /t Achats à 120 €/t Perte de 5 €/t Achats à 118 €/t Ventes à 121 €/t Gain de 3 €/t 3 €/t 1 €/t - 2 €/t Cours en Euro Base : 1 €/t Base : 3€/t Cours au comptant 115 €/t Achats de 500 t de blé novembre à 120 €/t Vente de 10 contrats blé novembre à 121 €/t Achats de 10 contrats à terme (50 t) de blé novembre à 118 €/t Echéance er er 1 juin 1 novembre Le meunier a fait une perte de 2 €/t provenant de la variation de la base, qui est cependant inférieure aux 5 €/t qu’il aurait perdu s’il ne s’était pas couvert. Trois remarques méritent d’être signalées : - Le risque de base est augmenté par le fait que les opérateurs ont généralement besoin de lever leur couverture à un moment qui ne correspond pas à une date d’échéance du contrat à terme. Ils sortent alors de leur position à terme sans attendre l’échéance du contrat. Mais si la base doit converger à l’échéance, elle peut fluctuer lorsque le contrat à terme est encore loin de son échéance, ce qui augmente le risque pour l’opérateur qui se couvre. - La taille indivisible et fixe des contrats à terme (blé : 50 t), source de nombreux avantages, rend quasiment inaccessible la couverture parfaite. Comme la plupart des opérations traitées au comptant ne correspondent pas à la quantité exacte qui est spécifiée dans un contrat à terme, l’opérateur sur le marché à terme devra soit sur-couvrir, soit sous-couvrir sa position. Même si les deux cours évoluent parallèlement, le résultat global ne sera donc pas nul. Si l’opérateur conclut une opération sur le marché physique d’un montant de 120 tonnes, il doit en théorie détenir des positions au comptant et à terme de montant équivalent. Mais il est obligé de vendre soit 2 contrats marchandises car tous les contrats marchandises sont standardisés à 50 t (soit 100t) auquel cas il sous-couvre sa position au comptant, soit 3 contrats (soit 150 t), auquel cas il sur-couvre sa position. - Enfin, une modification de la qualité des actifs (pour les matières premières, il existe de multiples grades et qualités) peut entraîner des divergences au niveau de l’évolution normal du différentiel de prix (cours comptant et cours à terme). Dans ce cas, la couverture ne sera pas parfaite. 12 Gestion économique du produit agricole, dossier 3, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Cas n°5 : position sur un marché à terme Le 12 mai, un groupement de producteurs vous appelle afin de vous vendre 730 tonnes de blé, livraison fin juillet. L’échéance septembre cote 113 EUR/t. Quel prix proposez-vous au groupement ? Que faites-vous sur le marché à terme ? Le 4 juin, un autre producteur vous demande un prix dès aujourd’hui pour 140 tonnes blé qu’il pourrait vous livrer au début du mois d’août. L’échéance septembre cote 112,25 EUR/t. Quel prix proposez-vous au producteur ? Que faites-vous sur le marché à terme ? Le 29 juin, vous vendez 870 tonnes de blé à un fabricant d’aliments de bétail, livraison deuxième quinzaine d’août. L’échéance septembre cote 115,5 EUR /t. Etablissez le bilan de votre opération de couverture. - Hypothèses de travail La parité de transport entre votre zone géographique et la zone de livraison agrée par la chambre de compensation est nulle La valeur de stockage est égale à 1 EUR/tonne et par mois La valeur de service est égale à 15 EUR/tonne Vous anticipez une hausse du prix du blé Le blé est acheté au producteur au prix ferme et tous les paiements sont comptants BILAN DES OPERATIONS DATE MARCHE PHYSIQUE MARCHE A TERME BASE 12/5 Achat de 730 t à 96,5 €/t 70 445 € Vente de 15 contrats Sept 113 € 1,5 €/t 4/6 Achat de 140 t à 96,25 €/t 13 475 € Vente de 2 contrats Sept 112,25 € 1 €/t 29/6 Vente de 870 t à 115 €/t 100 050 € Achat de 17 contrats Sept 115,5 € 0,5 €/t + 16 130 € - 2200 € BILAN Résultat final : 16130 – 2200 = 13 930 € au lieu de 13 050 € prévus. Différence : 880 € (sur couverture 20 tonnes du 12/5 au 4/6 : 12 € ; sous couverture 20 tonnes du 4/6 au 29/6 : 65 € - différence de base sur 730 tonnes : 730 € - différence de base sur 140 tonnes : 70€) Bibliographie Cordier J. (1984) “Les marchés à terme ” Que sais-je ? n° 2164, 2nd ed (1992). Hersent C., Simon Y. (1989) “Les marchés à terme et options dans le monde ” Dalloz Leuthold R., Junkus J., Cordier J. (1991) “The Theory and Practice of Futures Markets ”, Lexington Books. Parisbourse SA (1999), Les marches à terme. 13