NOM : .............................................. Prénom : .............................................. Français printemps 2014 Mathieu Roduit Les figures de rhétorique Dans l’antiquité, la rhétorique constituait un art majeur au sein du trivium. Elle était enseignée aux futurs orateurs à des fins politiques. Son enseignement a périclité au moment où l’orateur a cessé de jouer un rôle prépondérant au sein de la cité. La rhétorique devient alors plus littéraire, plus stylistique. La technique de persuasion laisse sa place à l’elocutio, l’art de l’ornementation du discours. D’après Quintilien, on peut comprendre la figure de rhétorique (ou la figure de style) comme « un changement raisonné du sens ou du langage par rapport à la manière ordinaire et simple de s’exprimer ». La figure de rhétorique se définirait donc comme un écart délibéré par rapport à une norme de discours. Or cette définition pose plusieurs problèmes : • d’un point de vue psychologique : comme le remarque déjà Boileau « il se fait autant de figures à la Halle qu’à l’Académie » ; le discours ordinaire comprend en effet un grand nombre de figures de rhétorique sans forcément qu’on y soit attentif ; or une métaphore involontaire n’en demeure pas moins une métaphore ; • d’un point de vue sociolinguistique : il est douteux qu’on puisse parvenir à l’établissement d’une norme, car il devrait y en avoir autant que de genres de discours et de situations de parole ; • d’un point de vue formel : Quintilien laisse supposer que la figure de rhétorique est forcément plus complexe que le langage normatif ; or le commun n’est pas toujours le plus simple (il y a, on l’a dit, nombre de figures dans le langage ordinaire qui, par exemple, fait un grand usage de métaphores, comme lorsqu’on dit « il pleut des cordes », ou de métonymies, comme lorsqu’on propose « allons boire un verre »). La figure de rhétorique devrait donc plutôt être définie comme une forme typique de relation non linguistique entre des éléments discursifs. En effet, les figures de rhétorique sont remarquables du point de vue formel, sans que cette forme soit codifiée par des relations linguistiques. Types de figures On peut opposer deux types de figures, selon qu’elles établissent des relations entre éléments co-présents du discours (figures in praesentia, ou encore syntagmatiques), ou selon qu’elles établissent des relations entre éléments présents dans le discours et éléments absents mais qu’on attendrait virtuellement dans le même contexte (figures in absentia ou encore paradigmatiques). L’opposition des deux types de figures syntagmatiques (in praesentia) et paradigmatiques (in absentia) est pratique pour une classification des figures mais elle reste relative. Effectivement, si une figure est toujours repérée d’abord sur l’un des axes du discours, syntagmatique ou paradigmatique, elle engage nécessairement l’autre dans son déchiffrement. Effets de sens des figures Dans les figures in praesentia, les relations mettent en relief des rapports élémentaires (d’analogie, de contraste, etc.) entre segments de discours, mais elles laissent implicites les justifications de ces mises en rapport. Elles demandent ainsi un travail d’interprétation de ces justifications qu’il revient au lecteur d’opérer, sur la base de sa compétence culturelle. Dans le cas d’une figure in absentia, l’interprétation se fait en deux temps. Il s’agit d’abord de définir le ou les termes attendus plus vraisemblablement dans le contexte de la figure, puis de justifier la substitution à ces termes d’un autre moins attendu. De manière générale, il s’agit de remarquer que l’effet de sens des figures est plutôt de l’ordre d’une évocation que d’une signification définitive. On saisit le sens d’une figure au travers d’un raisonnement et ce raisonnement est ouvert et non limitatif. Par ailleurs, il n’est pas certain que l’on puisse épuiser la signification d’une figure. Les figures du signifiant Les figures du signifiant reposent sur des relations in praesentia et in absentia entre phonèmes (ou graphèmes). Relation in praesentia Acrostiche nom masculin, du grec ἄκρος « haut, élevé » et de στίχος « vers » Poème ou strophe dont les initiales (lettres, syllabes ou mots) de chaque Définition vers, lues verticalement de haut en bas, composent un mot ou une expression. Exemples Vous portastes, digne Vierge, princesse, Jhesus regnant qui n’a ne fin ne cesse. Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse, Laissa les cieulx et nous vint secourir, Offrit a mort sa tresclere jeunesse. Nostre seigneur tel est, tel le confesse : En ceste foy, je veul vivre et mourir. De Sand à Musset : Quand je mets à vos pieds un éternel hommage Voulez-vous qu’un instant je change de visage ? Vous avez capturé les sentiments d’un cœur Que pour vous adorer forma le Créateur. Je vous chéris, amour, et ma plume en délire Couche sur le papier ce que je n’ose dire. Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots Vous saurez quel remède apporter à mes maux. De Musset à Sand : Cette insigne faveur que votre cœur réclame Nuit à ma renommée et répugne à mon âme. M comme meilleur (VILLON, Ballade pour prier Nostre Dame) (MUSSET & SAND, Correspondance) (MIGROS, Publicité) L’acrostiche est un moyen original de dédicacer ou de signer un poème. Il permet également l’écriture de messages cryptés. Il peut encore favoriser la Interprétation mémorisation, par exemple du nom d’un produit dans une publicité, ou associer à ce produit une valeur. Allitération nom féminin, du latin ad, « à » et littera, « lettre » L’allitération est la répétition perceptible d’un même son consonantique Définition (dentale, labiale, palatale, etc.) ou d’une même consonne dans un intervalle restreint. Exemples 2 Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Jean RACINE, Andromaque, 1667.) Voilà ! Vois en moi l’image d’un humble vétéran de vaudeville, distribué vicieusement dans les rôles de victime et de vilain par les vicissitudes de la vie. Ce visage, plus qu’un vil vernis de vanité, est un vestige de la vox populi aujourd’hui vacante, évanouie. Cependant, cette vaillante visite d’une vexation passée se retrouve vivifiée et a fait vœu de vaincre cette vénale et virulente vermine vantant le vice et versant dans la vicieusement violente et vorace violation de la volition. Un seul verdict : la vengeance. Une vendetta telle une offrande votive, mais pas en vain, car sa valeur et sa véracité viendront un jour faire valoir le vigilant et le vertueux. En vérité ce velouté de verbiage vire vraiment au verbeux, alors laisse-moi simplement ajouter que c’est un véritable honneur que de te rencontrer. Appelle-moi V ! Voilà ! (James MCTEIGUE, V for Vendetta, 2006.) Effet L’allitération vise un effet essentiellement sonore et rythmique, mais permet aussi de redoubler, sur le plan phonique, ce que le signifié représente. On parle d’harmonie imitative pour désigner l’adéquation du fond et de la forme. En somme, l’allitération est à la phrase ce que l’onomatopée est au mot. Le virelangue (Phrase ou formule de prononciation difficile — par la rencontre, la répétition ou l’alternance de certains sons — et servant d’exercice de diction) joue sur le principe de l’allitération. Assonance nom féminin, du latin assonare, « répondre en écho » L’assonance est la répétition perceptible d’un même son vocalique ou d’une Définition même voyelle dans un intervalle restreint. Elle est l’équivalent vocalique de l’allitération. Exemples Effet Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire (Jean RACINE, Phèdre, 1677.) Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone. (Paul VERLAINE, « Chanson d’automne », in Poèmes Saturniens, 1866.) Cf. allitération Paronomase nom féminin, du grec παρά, « à côté » et de ὀνομάζειν, « nommer » (de ὄνομα, « nom ») La paronomase rapproche des paronymes, mots présentant une similarité Définition formelle ou une parenté étymologique. Exemples Science sans conscience n’est que ruine de l’âme (François RABELAIS, Pantagruel, 1532) Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville (Paul VERLAINE, « Il pleure dans mon cœur », in Romances sans paroles, 1874.) Des visages, des figures Dévisagent, défigurent Des figurants à effacer (NOIR DÉSIR, Des Visages des Figures, 2001) Entremont autrement (À la fois slogan et nom d’un groupe politique entremontain) Effet La paronomase est un moyen accrocheur (à la fois séduisant et mnémotechnique) de suggérer une idée, une émotion, une action. Elle est amplement utilisée dans les textes musicaux et dans tout ce qui a vocation à être court tout en étant efficace : les titres, proverbes, slogans, publicités, etc. Relation in absentia Apocope nom féminin, du grec ἀποκοπή, « coupure » L’apocope est l’élimination en fin de mot d’un ou plusieurs phonèmes / Définition graphèmes. Exemples – T’as raison, Arthur, pour ça t’as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maitres, ni d’opinions, ou bien si tard, que ça n’en vaut plus la peine. (Louis-Ferdinand CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932.) Prof pour professeur, pub pour publicité, photo pour photographie, etc. Effet L’apocope est très fréquente à l’oral et confère ainsi une dimension familière à l’écrit. En littérature, elle est majoritairement employée pour mimer la langue orale et conférer du réalisme aux dialogues. 3 Paronomase nom féminin, du grec παρά, « à côté » et de ὀνομάζειν, « nommer » (de ὄνομα, « nom ») Cf. paronomase in praesentia, hormis que dans la paronomase in absentia, Définition un des termes est substitué par un paronyme. Exemples respirer un peu d’air vrai Dieu fass’ que ma complainte aille, tambour battant Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps (Georges BRASSENS, « L’orage », in Les Funérailles d’antan, 1960.) Effet Après avoir reconnu la paronomase, c’est-à-dire avoir restitué le terme qui a été substitué, on peut opérer une lecture métaphorique du paronyme en s’interrogeant à ce qu’il peut y avoir de commun entre le terme auquel on a substitué un paronyme et le paronyme. Figures syntaxique Les figures syntaxiques mettent en jeu des relations in praesentia ou in absentia entre formes de construction de phrase. Relation in praesentia Épanorthose nom féminin, du grec ἐπανόρθωσις, « redressement » (de ὀρθός, « droit ») L’épanorthose consiste à reprendre et corriger la formulation d’un membre Définition de la phrase. Exemples C’est un roc !… C’est un pic !… C’est un cap !… Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! (Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897.) Je deviens fou. On a encore bu toute ma carafe cette nuit ; — ou plutôt, je l’ai bue ! Effet L’épanorthose permet de nuancer ou de modifier une affirmation jugée trop faible ou inadaptée en y ajoutant une expression plus frappante et énergique. L’effet visé est avant tout le témoignage de sa sincérité. Par ailleurs elle dévoile parfois le difficile cheminement de la pensée du locuteur qui a du mal à trouver ses mots. (Guy DE MAUPASSANT, Le Horla, 1887.) Relation in absentia Anacoluthe nom féminin, du grec ἀνακόλουθον, « qui n’est pas à la suite de » L’anacoluthe introduit une discontinuité, une rupture dans la syntaxe d’une Définition phrase. Elle laisse entendre un développement syntaxique qui n’apparait pas. Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée. (Blaise PASCAL, Les Pensées, 1670.) Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. (Charles BAUDELAIRE, « L’Albatros », in Les Fleurs du mal, 1857.) Exemples Effet 4 Une ville entière se met en colère. Des villes entières se mettent en colère. Contre qui, la colère des villes entières ? La colère des villes entières qu’elles le veuillent ou non, contre l’inégalité posée en principe par certains peuples contre d’autres peuples, contre l’inégalité posée en principe par certaines races contre d’autres races, contre l’inégalité posée en principe par certaines classes contre d’autres classes. (Marguerite DURAS, Hiroshima mon amour, 1959.) Je trouve que l’euthanasie, si elle était pratiquée dans toute société civilisée, il y aurait de graves conséquences. L’anacoluthe vise à obtenir, sans en trahir la clarté, une expression beaucoup plus stimulante. Ce procédé est surtout l’apanage de la poésie qui s’arroge classiquement des licences. L’anacoluthe est très fréquente à l’oral, elle peut donc également être employée pour mimer la langue orale et conférer du réalisme aux dialogues. Figures sémantiques Les figures sémantiques mettent en jeu des formes particulières de relation in praesentia ou in absentia entre des représentations sémantiques. Relation in praesentia Comparaison nom féminin, du latin comparatio, « mettre ensemble deux éléments d’une paire » La comparaison met en relation un objet, une circonstance, un concept ou une qualité (comparé) avec un autre élément (comparant) au moyen d’un terme introduisant l’analogie ou mot de comparaison (comme, tel, Définition semblable à, pareil à, ainsi que, de même que, etc.) Ce dernier élément permet de distinguer la comparaison de la métaphore, qui ne contient pas de mot de comparaison. La musique souvent me prend comme une mer ! (Charles BAUDELAIRE, « La Musique », in Les Fleurs du mal, 1857.) Exemples La Terre est bleue comme une orange (Paul ELUARD, « La Terre est bleue comme une orange », in Capitale de la douleur, 1857.) Cette femme est aussi aimable qu’une porte de prison Effet La comparaison est intéressante en ce qu’elle propose une redescription du monde en attirant notre attention, par le biais des comparants, sur des aspects inattendus des comparés. Et elles nous contraignent à traiter les rapprochements comme le point de départ de raisonnements et de justifications. Métaphore nom féminin, du grec μεταφορά, « transport » (de μετά, « d’un lieu à un autre » et de φέρω, « porter ») La métaphore rapproche deux idées, deux objets, ou encore un objet et une Définition idée) par un rapport d’analogie implicite (contrairement à la comparaison qui est explicite). L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. (Blaise PASCAL, Les Pensées, 1670.) Exemples Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pétille Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie (Guillaume APOLLINAIRE, « Zone », in Alcools, 1913) Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur. (Charles BAUDELAIRE, « Un Hémisphère dans une chevelure », in Les petits Poëmes en prose : Le Spleen de Paris, 1869.) Effet Cf. Comparaison Hypallage nom féminin, du grec ancien ὑπαλλαγή, « échange » L’hypallage est une construction où deux termes d’un même syntagme sont incompatibles sur le plan sémantique sans l’inversion d’un de ces termes Définition avec un troisième terme. En somme, l’hypallage est un procédé de caractérisation insolite, qui attribue à un mot ce qui conviendrait logiquement à un autre. Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire, J’aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois ! (Alphonse DE LAMARTINE, « L’Automne », in Méditations poétiques et religieuses, 1820.) Exemples DE GUICHE Oh !… Moi, je suis navré. Vous reverrai-je ?… Quand ? — Vous savez que je suis nommé mestre de camp ? ROXANE, indifférente Bravo. DE GUICHE 5 Du régiment des gardes. ROXANE, saisie. Ah ! des gardes ? DE GUICHE Où sert votre cousin, l’homme aux phrases vantardes. Je saurai me venger de lui, là-bas. ROXANE, suffoquée. Comment ! Le long du vif ruisseau sableux je cueillerai La menthe, dont l’odeur s’écrase sous les doigts Effet (Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897.) (Francis JAMMES, La jeune fille nue, 1899.) L’hypallage vise essentiellement à renouveler le langage, elle recherche l’originalité, voire l’étrangeté. L’effet expressif de l’hypallage est atteint lorsque le transfert de caractérisation d’une chose à une autre ou de l’homme à l’objet parvient à perturber notre perception habituelle du monde. Oxymore nom masculin, du grec ὀξύμωρος, « spirituel sous une apparente stupidité » (de ὀξύς, « spirituel » et de μωρός, « stupide ») Définition Exemples L’oxymore réunit dans un même syntagme de deux mots sémantiquement opposés, mais appartenant à des catégories grammaticales différentes aboutissant à une image improbable, frappante. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port. (Pierre CORNEILLE, Le Cid, 1637.) Je suis le Ténébreux, — le Veuf, — l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Étoile est morte, — et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. (Gérard DE NERVAL, « El Desdichado », in Les Chimères, 1856.) Certes, je me croirais fou, absolument fou, si je n’étais conscient, si je ne connaissais parfaitement mon état, si je ne le sondais en l’analysant avec une complète lucidité. Je ne serais donc, en somme, qu’un halluciné raisonnant. (Guy DE MAUPASSANT, Le Horla, 1887.) Vous avez raison, son mutisme est assourdissant. C’est le silence des forêts primitives, chargé jusqu’à la gueule. Je m’étonne parfois de l’obstination que met notre taciturne ami à bouder les langues civilisées. (Albert CAMUS, La Chute, 1956.) (EZ3KIEL, « Mon plus beau Cauchemar », in Naphtaline, 2007.) Effet L’oxymore, par son caractère insensé, inconcevable, invente une nouvelle réalité poétique. L’oxymore permet de décrire l’indescriptible, de suggérer des atmosphères oniriques ou hallucinatoires et de rendre compte de l’absurde. Il s’agit pour le lecteur de décrypter la figure afin de dépasser la contradiction apparente. Relation in absentia Hypallage nom féminin, du grec ancien ὑπαλλαγή, « échange » Définition Cf. hypallage in praesentia, hormis que le troisième terme est absent. Exemples Larguez les continents. Hissez les horizons. Ici, on part. (Réjean DUCHARME, L’Avalée des avalés, 1966.) Ô mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour Et la blessure est encore vibrante (Paul VERLAINE, Sagesse, 1866.) Effet Cf. hypallage in praesentia, à la différence qu’il faut d’abord retrouver quel était le terme manquant. Métaphore nom féminin, du grec μεταφορά, « transport » (de μετά, « d’un lieu à un autre » et de φέρω, « porter ») Cf. métaphore in praesentia, hormis que dans la métaphore in absentia, le Définition comparé est substitué par le comparant. Exemples 6 Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été, Avait, en s’en allant, négligemment jeté Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. (Victor HUGO, « Booz endormi », in La légende des siècles, 1859.) Que je sens de rudes combats ! Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse : Il faut venger un père, et perdre une maitresse. L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras. Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, Ou de vire en infâme, Des deux côtés mon mal est infini. Ô Dieu, l’étrange peine ! Effet (Pierre CORNEILLE, Le Cid, 1637.) Cf. métaphore in praesentia, à la différence qu’il faut d’abord retrouver quel était le comparé avant de pouvoir établir une comparaison. Métonymie nom féminin, du grec μετωνυμία, « changement de nom » (de μετά, « d’un lieu à un autre » et de ὄνομα, « nom ») Définition La métonymie substitue dans le cours d’une phrase, un substantif par un autre, qui entretient avec lui un rapport de contigüité (la cause pour l’effet ou l’effet pour la cause, l’instrument pour celui qui l’emploie, le contenant pour le contenu, le lieu pour la chose, le signe pour la chose, le physique pour le moral, l’objet propre pour la personne). On appelle parfois la métonymie « figure du voisinage ». Exemples Je vous ai plaints tous deux, j’en verse encor des larmes. Mais du moins votre esprit est hors de ses alarmes : Vous voyez clairement que votre songe est vain, Sévère ne vient pas la vengeance à la main. On boit une bonne bouteille Effet (Pierre CORNEILLE, Polyeucte, 1641.) La métonymie permet une expression plus imagée, à la fois concentrée et frappante. Elle est très fréquente dans la langue parlée. Synecdoque nom féminin, du grec συνεκδοχή, (de σύν, « avec » et de ἐκδοχή, « réception ») La synecdoque est une variété de métonymie particulière qui substitue dans le cours d’une phrase, un substantif par un autre, qui entretient avec lui un Définition rapport d’inclusion (la partie pour le tout ou inversement, la matière pour l’être ou l’objet, le singulier pour le pluriel, le genre pour l’espèce ou inversement, l’abstrait pour le concret, le nom commun pour le nom propre). Exemples Effet Paris a froid Paris a faim Paris ne mange plus de marrons dans la rue Paris a mis de vieux vêtements de vieille Paris dort tout debout sans air dans le métro Plus de malheur encore est imposé aux pauvres Et la sagesse et la folie De Paris malheureux C’est l’air pur c’est le feu C’est la beauté c’est la bonté De ses travailleurs affamés (Paul ELUARD, « COURAGE », in Au rendez-vous allemand, 1944.) Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui causes ma peine, M’es-tu donné pour venger mon honneur ? M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ? (Pierre CORNEILLE, Le Cid, 1637.) Cf. métonymie Figures contextuelles Certaines figures se laissent repérer à partir d’une relation entre une représentation sémantique et un contexte de discours ou de réalité. Il s’agit de figures in absentia mais qui ne sont pas signalées d’abord par une infraction combinatoire. C’est la connaissance du contexte qui les révèle comme des relations impropres. 7 Hyperbole nom féminin, du grec ὑπερβολή, « excès, exagération » (de ὑπέρ, « au-dessus »et βολή, « jet ») L’hyperbole consiste à exagérer l’expression d’une idée ou d’une réalité. Elle tend souvent vers l’impossible prend généralement appui sur d’autres figures comme la métaphore, la comparaison, la métonymie, la périphrase ou Définition encore l’allégorie, ainsi que sur des procédés linguistiques comme les adjectifs mélioratifs ou dépréciatifs, des qualificatifs forts, des superlatifs ou des affixes à valeur superlative. J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. (Charles BAUDELAIRE, « Spleen », in Les Fleurs du mal, 1857.) Exemples C’est un roc !… C’est un pic !… C’est un cap !… Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! (Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897.) Sous la pression d’une horreur et d’une terreur inexplicables, pour lesquelles le langage de l’humanité n’a pas d’expression suffisamment énergique, je sentis les pulsations de mon cœur s’arrêter et mes membres se roidir sur place. (Edgar ALLAN POE, « Ligeia » (1838), in Histoires extraordinaires, trad. par Charles Baudelaire, 1856.) Je meurs de soif Effet L’hyperbole permet de mettre en relief l’expression d’une idée ou d’une réalité. Elle est souvent utilisée dans l’ironie et la caricature. On la retrouve dans la publicité, les dessins animés et le langage familier. Ironie nom féminin, du grec ancien εἰρωνεία, « action d’interroger en feignant l’ignorance ») L’ironie désigne un décalage entre le discours et la réalité. Elle est une forme de langage non littéral, un énoncé dans lequel ce qui est dit diffère de ce qui Définition est signifié. L’ironie prend généralement appui sur d’autres figures comme l’antiphrase, l’hyperbole ou la litote. «Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si ordonné que les deux armées. » (VOLTAIRE, Candide ou L’Optimiste, 1759.) Exemples Et tous les cœurs de ces blancs exilés [les cygnes] se mettaient à battre des coups de sourde agonie, — intelligibles et distincts pour l’oreille ravie de l’excellent docteur qui, — sachant bien, lui, ce que leur causait, moralement, sa seule proximité, — se délectait, en des prurits incomparables, de la terrifique sensation que son immobilité leur faisait subir. (Auguste DE VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, « Le Tueur de cygnes », in Tribulat Bonhomet, 1887.) Ne m’aide surtout pas ! Effet L’ironie permet modifier l’intensité de ce qui est énoncé soit en le nuançant, soit en le rendant plus saillant. Elle crée également une complicité avec le destinataire et permet la critique moqueuse. Litote nom féminin, du grec λιτότης, « simplicité » La litote est une forme d’expression indirecte de la pensée qui consiste à déguiser sa pensée de façon à la faire deviner dans toute sa force. La litote Définition prend généralement appui sur un vocabulaire « neutralisé », soit par la négation d’un contraire soit par une autre tournure de contournement. Exemples DON RODRIGUE Rigoureux point d’honneur ! hélas ! quoi que je fasse, Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce ? Au nom d’un père mort, ou de notre amitié, Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié. Ton malheureux amant aura bien moins de peine À mourir par ta main qu’à vivre avec ta haine. CHIMÈNE Va, je ne te hais point. Il ne fait pas bien chaud Effet 8 (Pierre CORNEILLE, Le Cid, 1637.) La litote suscite chez le récepteur un sens beaucoup plus fort que n’aurait fait la même idée exprimée en toute simplicité. Elle permet d’exprimer implicitement plus qu’il n’est dit explicitement et ainsi de renforcer l’idée.