NOM : .............................................. Prénom : ..............................................
Français printemps 2014
Mathieu Roduit
Les figures de rhétorique
Dans l’antiquité, la rhétorique constituait un art majeur au sein du trivium. Elle était ensei-
gnée aux futurs orateurs à des fins politiques. Son enseignement a périclité au moment
l’orateur a cessé de jouer un rôle prépondérant au sein de la cité. La rhétorique devient alors
plus littéraire, plus stylistique. La technique de persuasion laisse sa place à l’elocutio, l’art de
l’ornementation du discours.
D’après Quintilien, on peut comprendre la figure de rhétorique (ou la figure de style)
comme « un changement raisonné du sens ou du langage par rapport à la manière ordinaire et
simple de s’exprimer ». La figure de rhétorique se définirait donc comme un écart délibéré par
rapport à une norme de discours. Or cette définition pose plusieurs problèmes :
d’un point de vue psychologique : comme le remarque déjà Boileau « il se fait autant de
figures à la Halle qu’à l’Académie » ; le discours ordinaire comprend en effet un grand
nombre de figures de rhétorique sans forcément qu’on y soit attentif ; or une métaphore
involontaire n’en demeure pas moins une métaphore ;
d’un point de vue sociolinguistique : il est douteux qu’on puisse parvenir à l’établissement
d’une norme, car il devrait y en avoir autant que de genres de discours et de situations de
parole ;
d’un point de vue formel : Quintilien laisse supposer que la figure de rhétorique est for-
cément plus complexe que le langage normatif ; or le commun n’est pas toujours le plus
simple (il y a, on l’a dit, nombre de figures dans le langage ordinaire qui, par exemple, fait
un grand usage de métaphores, comme lorsqu’on dit « il pleut des cordes », ou de méto-
nymies, comme lorsqu’on propose « allons boire un verre »).
La figure de rhétorique devrait donc plutôt être définie comme une forme typique de relation
non linguistique entre des éléments discursifs. En effet, les figures de rhétorique sont remarquables
du point de vue formel, sans que cette forme soit codifiée par des relations linguistiques.
Types de figures
On peut opposer deux types de figures, selon qu’elles établissent des relations entre éléments
co-présents du discours (figures in praesentia, ou encore syntagmatiques), ou selon qu’elles éta-
blissent des relations entre éléments présents dans le discours et éléments absents mais qu’on at-
tendrait virtuellement dans le même contexte (figures in absentia ou encore paradigmatiques).
L’opposition des deux types de figures syntagmatiques (in praesentia) et paradigmatiques (in
absentia) est pratique pour une classification des figures mais elle reste relative. Effectivement, si
une figure est toujours repérée d’abord sur l’un des axes du discours, syntagmatique ou para-
digmatique, elle engage nécessairement l’autre dans son déchiffrement.
2
Effets de sens des figures
Dans les figures in praesentia, les relations mettent en relief des rapports élémentaires
(d’analogie, de contraste, etc.) entre segments de discours, mais elles laissent implicites les justi-
fications de ces mises en rapport. Elles demandent ainsi un travail d’interprétation de ces justi-
fications qu’il revient au lecteur d’opérer, sur la base de sa compétence culturelle.
Dans le cas d’une figure in absentia, l’interprétation se fait en deux temps. Il s’agit d’abord de
définir le ou les termes attendus plus vraisemblablement dans le contexte de la figure, puis de
justifier la substitution à ces termes d’un autre moins attendu.
De manière générale, il s’agit de remarquer que l’effet de sens des figures est plutôt de l’ordre
d’une évocation que d’une signification définitive. On saisit le sens d’une figure au travers d’un
raisonnement et ce raisonnement est ouvert et non limitatif. Par ailleurs, il n’est pas certain que
l’on puisse épuiser la signification d’une figure.
Les figures du signifiant
Les figures du signifiant reposent sur des relations in praesentia et in absentia entre phonèmes
(ou graphèmes).
Relation in praesentia
Acrostiche nom masculin, du grec κρος « haut, élevé » et de στίχος « vers »
Définition
Poème ou strophe dont les initiales (lettres, syllabes ou mots) de chaque
vers, lues verticalement de haut en bas, composent un mot ou une expres-
sion.
Exemples
Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Jhesus regnant qui n’a ne fin ne cesse.
Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit a mort sa tresclere jeunesse.
Nostre seigneur tel est, tel le confesse :
En ceste foy, je veul vivre et mourir. (VILLON, Ballade pour prier Nostre Dame)
De Sand à Musset :
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.
De Musset à Sand :
Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme. (MUSSET & SAND, Correspondance)
M comme meilleur (MIGROS, Publicité)
Interprétation
L’acrostiche est un moyen original de dédicacer ou de signer un poème. Il
permet également l’écriture de messages cryptés. Il peut encore favoriser la
mémorisation, par exemple du nom d’un produit dans une publicité, ou as-
socier à ce produit une valeur.
Allitération nom féminin, du latin ad, « à » et littera, « lettre »
Définition
L’allitération est la répétition perceptible d’un même son consonantique
(dentale, labiale, palatale, etc.) ou d’une même consonne dans un intervalle
restreint.
Exemples
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Jean RACINE, Andromaque, 1667.)
Voilà ! Vois en moi limage dun humble vétéran de vaudeville, distribvicieusement dans
les rôles de victime et de vilain par les vicissitudes de la vie. Ce visage, plus quun vil vernis
de vanité, est un vestige de la vox populi aujourdhui vacante, évanouie. Cependant, cette
3
vaillante visite dune vexation passée se retrouve vivifiée et a fait vœu de vaincre cette vé-
nale et virulente vermine vantant le vice et versant dans la vicieusement violente et vorace
violation de la volition. Un seul verdict : la vengeance. Une vendetta telle une offrande vo-
tive, mais pas en vain, car sa valeur et sa véracité viendront un jour faire valoir le vigilant et
le vertueux. En vérité ce velouté de verbiage vire vraiment au verbeux, alors laisse-moi sim-
plement ajouter que cest un véritable honneur que de te rencontrer. Appelle-moi V ! Voi-
!
(James MCTEIGUE, V for Vendetta, 2006.)
Effet
L’allitération vise un effet essentiellement sonore et rythmique, mais permet
aussi de redoubler, sur le plan phonique, ce que le signifié représente. On
parle d’harmonie imitative pour désigner l’adéquation du fond et de la
forme. En somme, l’allitération est à la phrase ce que l’onomatopée est au
mot. Le virelangue (Phrase ou formule de prononciation difficile — par la
rencontre, la répétition ou l’alternance de certains sons — et servant
d’exercice de diction) joue sur le principe de l’allitération.
Assonance nom féminin, du latin assonare, « répondre en écho »
Définition
L’assonance est la répétition perceptible d’un même son vocalique ou d’une
même voyelle dans un intervalle restreint. Elle est l’équivalent vocalique de
l’allitération.
Exemples
Tout mafflige et me nuit et conspire à me nuire (Jean RACINE, Phèdre, 1677.)
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone. (Paul VERLAINE, « Chanson d’automne », in Poèmes Saturniens, 1866.)
Effet
Cf. allitération
Paronomase nom féminin, du grec παρά, « à côté » et de νομάζειν, « nommer » (de νομα, « nom »)
Définition
La paronomase rapproche des paronymes, mots présentant une similarité
formelle ou une parenté étymologique.
Exemples
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme (François RABELAIS, Pantagruel, 1532)
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville (Paul VERLAINE, « Il pleure dans mon cœur », in Romances sans paroles, 1874.)
Des visages, des figures
Dévisagent, défigurent
Des figurants à effacer (NOIR DÉSIR, Des Visages des Figures, 2001)
Entremont autrement (À la fois slogan et nom d’un groupe politique entremontain)
Effet
La paronomase est un moyen accrocheur la fois séduisant et mnémotech-
nique) de suggérer une idée, une émotion, une action. Elle est amplement
utilisée dans les textes musicaux et dans tout ce qui a vocation à être court
tout en étant efficace : les titres, proverbes, slogans, publicités, etc.
Relation in absentia
Apocope nom féminin, du grec ποκοπή, « coupure »
Définition
L’apocope est l’élimination en fin de mot d’un ou plusieurs phonèmes /
graphèmes.
Exemples
T’as raison, Arthur, pour ça tas raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couil-
lons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de
chaussettes, ni de maitres, ni dopinions, ou bien si tard, que ça nen vaut plus la peine.
(Louis-Ferdinand CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932.)
Prof pour professeur, pub pour publicité, photo pour photographie, etc.
Effet
L’apocope est très fréquente à l’oral et confère ainsi une dimension fami-
lière à l’écrit. En littérature, elle est majoritairement employée pour mimer
la langue orale et conférer du réalisme aux dialogues.
4
Paronomase nom féminin, du grec παρά, « à côté » et de νομάζειν, « nommer » (de νομα, « nom »)
Définition
Cf. paronomase in praesentia, hormis que dans la paronomase in absentia,
un des termes est substitué par un paronyme.
Exemples
respirer un peu d’air vrai
Dieu fassque ma complainte aille, tambour battant
Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps
(Georges BRASSENS, « L’orage », in Les Funérailles dantan, 1960.)
Effet
Après avoir reconnu la paronomase, c’est-à-dire avoir restitué le terme qui a
été substitué, on peut opérer une lecture métaphorique du paronyme en
s’interrogeant à ce qu’il peut y avoir de commun entre le terme auquel on a
substitué un paronyme et le paronyme.
Figures syntaxique
Les figures syntaxiques mettent en jeu des relations in praesentia ou in absentia entre formes
de construction de phrase.
Relation in praesentia
Épanorthose nom féminin, du grec πανόρθωσις, « redressement » (de ρθός, « droit »)
Définition
L’épanorthose consiste à reprendre et corriger la formulation d’un membre
de la phrase.
Exemples
C’est un roc !… C’est un pic !… C’est un cap !… Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une pé-
ninsule ! (Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897.)
Je deviens fou. On a encore bu toute ma carafe cette nuit ; ou plutôt, je l’ai bue !
(Guy DE MAUPASSANT, Le Horla, 1887.)
Effet
L’épanorthose permet de nuancer ou de modifier une affirmation jugée
trop faible ou inadaptée en y ajoutant une expression plus frappante et
énergique. L’effet visé est avant tout le témoignage de sa sincérité. Par ail-
leurs elle dévoile parfois le difficile cheminement de la pensée du locuteur
qui a du mal à trouver ses mots.
Relation in absentia
Anacoluthe nom féminin, du grec νακόλουθον, « qui n’est pas à la suite de »
Définition
L’anacoluthe introduit une discontinuité, une rupture dans la syntaxe d’une
phrase. Elle laisse entendre un développement syntaxique qui n’apparait
pas.
Exemples
Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée.
(Blaise PASCAL, Les Pensées, 1670.)
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
(Charles BAUDELAIRE, « L’Albatros », in Les Fleurs du mal, 1857.)
Une ville entière se met en colère.
Des villes entières se mettent en colère.
Contre qui, la colère des villes entières ?
La colère des villes entières qu’elles le veuillent ou non, contre l’inégalité posée en principe
par certains peuples contre d’autres peuples, contre l’inégalité posée en principe par cer-
taines races contre d’autres races, contre l’inégalité posée en principe par certaines classes
contre d’autres classes. (Marguerite DURAS, Hiroshima mon amour, 1959.)
Je trouve que leuthanasie, si elle était pratiquée dans toute société civilisée, il y aurait de
graves conséquences.
Effet
L’anacoluthe vise à obtenir, sans en trahir la clarté, une expression beau-
coup plus stimulante. Ce procédé est surtout l’apanage de la poésie qui
s’arroge classiquement des licences. L’anacoluthe est très fréquente à l’oral,
elle peut donc également être employée pour mimer la langue orale et con-
férer du réalisme aux dialogues.
5
Figures sémantiques
Les figures sémantiques mettent en jeu des formes particulières de relation in praesentia ou in
absentia entre des représentations sémantiques.
Relation in praesentia
Comparaison nom féminin, du latin comparatio, « mettre ensemble deux éléments d’une paire »
Définition
La comparaison met en relation un objet, une circonstance, un concept ou
une qualité (comparé) avec un autre élément (comparant) au moyen d’un
terme introduisant l’analogie ou mot de comparaison (comme, tel,
semblable à, pareil à, ainsi que, de même que, etc.)
Ce dernier élément permet de distinguer la comparaison de la métaphore,
qui ne contient pas de mot de comparaison.
Exemples
La musique souvent me prend comme une mer !
(Charles BAUDELAIRE, « La Musique », in Les Fleurs du mal, 1857.)
La Terre est bleue comme une orange
(Paul ELUARD, « La Terre est bleue comme une orange », in Capitale de la douleur, 1857.)
Cette femme est aussi aimable qu’une porte de prison
Effet
La comparaison est intéressante en ce qu’elle propose une redescription du
monde en attirant notre attention, par le biais des comparants, sur des as-
pects inattendus des comparés. Et elles nous contraignent à traiter les rap-
prochements comme le point de départ de raisonnements et de justifica-
tions.
Métaphore nom féminin, du grec μεταφορά, « transport » (de μετά, « d’un lieu à un autre » et de φέρω, « porter »)
Définition
La métaphore rapproche deux idées, deux objets, ou encore un objet et une
idée) par un rapport d’analogie implicite (contrairement à la comparaison
qui est explicite).
Exemples
L’homme nest quun roseau, le plus faible de la nature ; mais cest un roseau pensant.
(Blaise PASCAL, Les Pensées, 1670.)
Tu te moques de toi et comme le feu de lEnfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie (Guillaume APOLLINAIRE, « Zone », in Alcools, 1913)
Dans locéan de ta chevelure, jentrevois un port fourmillant de chants mélancoliques,
d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs ar-
chitectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse léternelle chaleur.
(Charles BAUDELAIRE, « Un Hémisphère dans une chevelure », in Les petits Poëmes en prose : Le Spleen de Paris,
1869.)
Effet
Cf. Comparaison
Hypallage nom féminin, du grec ancien παλλαγή, « échange »
Définition
L’hypallage est une construction deux termes d’un même syntagme sont
incompatibles sur le plan sémantique sans l’inversion d’un de ces termes
avec un troisième terme. En somme, l’hypallage est un procédé de caractéri-
sation insolite, qui attribue à un mot ce qui conviendrait logiquement à un
autre.
Exemples
Je suis dun pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds lobscurité des bois !
(Alphonse DE LAMARTINE, « L’Automne », in Méditations poétiques et religieuses, 1820.)
DE GUICHE
Oh !… Moi, je suis navré. Vous reverrai-je ?… Quand ?
Vous savez que je suis nommé mestre de camp ?
ROXANE, indifférente
Bravo.
DE GUICHE
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !