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Secret et transparence
Le Vice ou la Vertu ?
L’information sur les entreprises à la croisée des chemins
L’information légale, par qui et comment ?
À l’heure de l’Internet, faut-il repenser la diffusion de
l’information légale dans un contexte international?
TABLE RONDE introduite et animée par Jacques DRAGNE,
Président de chambre à la Cour d’appel de Douai, ancien
Directeur général adjoint de l’INPI
Jacques DRAGNE.– L’information légale, par qui ? À quelques exceptions près – dont la
plus connue est sans doute l’obligation faite aux commerçants et sociétés de mentionner, sur
certaines pièces, leur numéro unique d’identification d’entreprise et le lieu de leur
immatriculation –, l’information légale sur les entreprises met en œuvre des supports qui leur
sont extérieurs. Ces supports consistent essentiellement en des journaux et registres publics,
définis par la loi. Ils présentent la particularité de faire intervenir une pluralité de gestionnaires,
soumis à une grande variété de statuts. En effet, des opérateurs privés (les journaux habilités à
recevoir les annonces légales) côtoient à la fois des officiers publics titulaires de charges (les
greffiers des tribunaux de commerce chargés de la tenue du registre du commerce pour le
ressort de leur tribunal), un établissement public (l’Institut national de la propriété industrielle,
qui, notamment, centralise un second original des registres locaux) et, enfin, une administration
centrale (les journaux officiels en charge de l’édition du Bulletin officiel des annonces civiles et
commerciales, c’est-à-dire le BODACC).
Une autre originalité du dispositif tient à ce que, à côté de missions et d’informations qui
leur sont propres, ces intervenants vont assurer la diffusion d’informations portant sur les
mêmes entreprises et qui, souvent, se recoupent, sauf à avoir été conçus pour l’être selon des
modalités différentes. L’observation vaut pour les commerçants, personnes physiques (registre
du commerce et des sociétés dans sa double composante greffe et INPI ; BODACC) comme
pour les sociétés (annonce légale dans un journal habilité ; registre du commerce dans sa
double composante ; BODACC).
Cette superposition a été voulue. Elle est apparue comme le moyen de donner aux
informations concernées une diffusion à la mesure de l’enjeu. Un enjeu qui était, à l’origine,
d’ordre essentiellement juridique. Il s’agissait d’assurer la sécurité des transactions : ce qui
explique, d’ailleurs, certains effets de droit qui s’attachent souvent aux formalités de publicité.
On pense par exemple à l’inopposabilité des faits et actes non publiés, c’est-à-dire la faculté
pour les tiers qui y ont intérêt à tenir ces faits et actes pour inexistants lorsqu’ils n’ont pas été
publiés. Il faut bien reconnaître que, pendant longtemps, l’efficacité voulue par le législateur
restait très imparfaite. Exception faite de quelques institutionnels, rares étaient les opérateurs
de l’économie qui avaient directement recours à l’information légale – sauf peut-être par le biais
des annonces publiées dans les journaux d’annonces légales – pour s’informer sur leur
environnement, soit qu’ils en ignoraient même la possibilité, soit que la piètre commodité
d’accès les avait dissuadés.
Dans la pratique, c’est surtout a posteriori, au moment du procès, que leur avocat s’avisait
d’y chercher quelques failles susceptibles de fonder un de ces providentiels moyens de
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procédure qui vient parfois au secours du plaideur en difficulté. Et quel merveilleux magicien
que cet avocat qui peut expliquer à son client, fournisseur impayé d’un commerçant insolvable
ou parti sans laisser d’adresse, qu’il va pouvoir rechercher le précédent exploitant ou
propriétaire du fonds parce que la cession n’a pas été publiée et lui est donc inopposable.
Les quinze dernières années ont marqué un profond changement. La loi n’y est pas pour
grand chose. On doit le changement aux nouvelles techniques de traitement et de diffusion de
l’information dont les gestionnaires de la publicité légale ont très tôt tiré parti en s’engageant,
soit directement dans la constitution de banques de données accessibles en ligne par voie
télématique – et je pense notamment à Infogreffe pour les greffes et à Euridile pour l’INPI –, soit
en favorisant la constitution de telles bases de données par des opérateurs privés auxquels
étaient cédées les informations sur support électronique, comme tel a été le cas des journaux
officiels.
Assez rapidement l’interrogation de ces bases de données a pris le pas sur les modes
classiques d’accès à l’information légale, c’est-à-dire les demandes d’extraits ou de copie
papier des registres ou le dépouillement des journaux ou des bulletins. Elle est devenue l’acte
réflexe des opérateurs de la vie économique intervenant, non plus a posteriori au stade du
contentieux comme je l’évoquais tout à l’heure, mais souvent avant toute décision et avant toute
action. Et, par là même, la publicité légale a, je crois, pris sa pleine signification, en même
temps qu’était conférée plus de légitimité aux effets de droit qui s’y attachent. La facilité d’accès
à la publicité légale, s’ajoutant d’ailleurs à l’extension de l’information obligatoire aux comptes
annuels des sociétés, a conféré à la publicité légale une autre dimension, d’ordre plus
économique : l’établissement d’une transparence minimale dans la vie des affaires.
Mais, parallèlement, la technique des banques de données accessibles en ligne à tout
moment, sans déplacement, a transformé en une certaine redondance ce qui avait été conçu
en termes de complémentarité. Le regroupement des greffiers au sein d’Infogreffe donne à leur
système informatique quelques effets de registre national. Les bases Infogreffe et Euridile
offrent des prestations de publicité portable, empiétant alors quelque peu sur l’objet des
bulletins et des journaux d’annonces légales. Le regroupement des annonces légales autour de
la désignation de l’entreprise, auquel procèdent les opérateurs privés, conduit à établir d’une
certaine façon des registres, au moins partiels.
L’ensemble de ces problèmes avait été abordé il y a dix ans, à l’initiative du CREDA, lors
du colloque déjà évoqué, de 1994 ( 1 ). La demi-journée d’aujourd’hui doit conduire à nous
interroger sur le point de savoir si quelque chose à changé depuis dix ans. À titre personnel, je
ne le pense pas. Ceci étant, je suis désormais un observateur extérieur et, peut-être, mon
propos est-il un peu abrupt.
Cette table ronde devrait être l’occasion de faire le point de la question en abordant
successivement : la présentation des institutions et organismes gestionnaires de l’information
légale, afin de préciser les enjeux juridiques de leurs interventions ; l’impact des nouvelles
techniques de traitement, de stockage et de diffusion de cette information ; la question de
savoir si, notamment dans la perspective de l’application de la directive du 15 juillet 2003,
d’autres aspects de l’information légale ne doivent pas évoluer.
(1) CREDA, L’information légale dans les affaires, préc.
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Je ne voudrais cependant pas laisser la parole aux intervenants sans saluer la présence de
Monsieur Assayag, qui en sa qualité de « registraire des entreprises » au Québec, pourra nous
indiquer quelle est son expérience et, peut-être, porter un jugement sur ce qui se fait dans notre
pays. Interviendront également au débat, outre les gestionnaires français du système de
publicités légales, un conservateur des hypothèques, qui nous rappellera quels sont les
principes régissant ce dispositif particulier d’information légale, un représentant des entreprises
privées, un représentant en quelque sorte des usagers de l’information légale.
Jean-Gaston MOORE, Président du Syndicat national de la presse judiciaire, Directeur
honoraire de la Gazette du Palais.– La table ronde à laquelle je participe dans le prolongement
du précédent colloque organisé par le CREDA le 1er mars 1994 et dont les travaux ont été
publiés par la Semaine Juridique, édition entreprises ( 2 ).
Celui du 8 décembre 2004 tente, dix ans après, de faire le point sur l’actuelle position de
l’information légale dans les affaires : Quels enjeux ? Quelle évolution ? En 2004, comme en
1994, la conclusion de ces réunions a été assurée par le Professeur Catala avec le talent, la
maîtrise et l’intelligence que nous lui connaissons. L’information ou la publicité légale concerne
les journaux habilités à recevoir les annonces judiciaires et légales, le Registre du commerce et
le Journal officiel. Ils sont complémentaires : les journaux habilités diffusent l’information par
leur publication au moins une fois par semaine tandis que le Registre du Commerce et l’INPI
sont la mémoire permanente de l’information de l’entreprise. Si on y ajoute les inscriptions du
Trésor et de la Sécurité Sociale, l’information sur l’entreprise et sa transparence sont ainsi
assurées par :
−
−
Ceux qui portent à connaissances (les journaux habilités) ;
Ceux qui la mémorisent, que l’on peut consulter par tous moteurs de recherche, qu’ils
soient traditionnels ou numériques.
Une étude portant sur les pays de l’Europe réalisée par Madame Régnard et Monsieur
Béder, Greffiers du Tribunal de commerce de Paris, confirme que la France est à l’avant-garde
de la transparence et de l’information des tiers. Nous appliquons cette obligation
magistralement, voire même au-delà des exigences de la directive communautaire de 1978 en
la matière.
La question posée par le colloque du 8 décembre était donc de savoir quelle était
l’évolution de l’information légale depuis dix ans, en présence de l’ère du numérique et de
l’Internet ? Nous pensons qu’il y a été répondu.
Globalement celle-ci était d’ores et déjà amorcée en 1994 ; les nouvelles technologies par
le biais des moteurs de recherche en sont en effet un vecteur idéal à condition que la sécurité
juridique de l’information recueillie soit garantie quant à son contenu et ses sources.
Pour en comprendre les enjeux, il faut préalablement rappeler les fondamentaux suivants :
−
Il convient de distinguer les informations portées à connaissance (apportées), de celles
recherchées. Sans celles « apportées » hebdomadairement par les journaux habilités,
(2) Colloque précité, note 5.
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responsables de leur contenu, de leur validité et de leurs sources, il n’y a pas de sécurité
juridique dans le domaine de l’information au quotidien et notamment dans celui de sa
mise en mémoire.
−
Cette sécurité est la condition de la fiabilité de l’information des entreprises : par suite,
elle ne pourrait être laissée à la discrétion d’organes non reconnus et non responsables.
Certes, depuis 1994, les modes d’accès à l’information se sont perfectionnés et il est à
noter que les greffes, mémoire de la transparence, ont suivi sur ce point. Ceci étant, une
évolution tenant compte de ces nouvelles technologies doit être envisagée dans le mode des
« portés à connaissance ».
Arnaud Reygrobellet a soulevé ce point. Une entreprise tenue d’effectuer une publicité dans
un journal habilité, en vertu de la loi, ne pourrait-elle pas éditer celle-ci et la mettre en ligne sur
son site Internet ou par le biais d’un site spécifique ayant pour objet même cette diffusion ? La
publicité des « portés à connaissance » serait reprise par les greffes et la mise en mémoire.
Réponse : cette suggestion d’une évolution est séduisante mais deux objections peuvent
être avancées :
1) D’une part, elle installerait l’insécurité juridique de l’information et ses conséquences.
En effet, des informations fausses ou inexactes portées à connaissance pourraient être
de nature à mettre en péril ou à nuire aux entreprises.
2) D’autre part, même si l’origine de l’information ainsi diffusée n’est pas contestée,
subsisterait néanmoins la question de la validité de son contenu et de la fiabilité de ses
sources, difficultés à ce jour résolues par la responsabilité qui incombe aux journaux
d’annonces légales de garantir ces aspects.
C’est pourquoi, en conclusion, l’intervenant écarte cette solution peu fiable d’évolution du
porté à connaissance.
Cette problématique n’est pas propre à notre matière. Elle en préoccupe d’autres. Il en va
ainsi de la dématérialisation des marchés publics qui prévoit qu’à partir du 1er janvier 2000, les
collectivités territoriales seraient dans la capacité de recevoir des offres présentées sous forme
électronique : présomption obligatoire, notamment en matière d’appel d’offre. « Mais s’assurer
de la confidentialité de ces données, de l’identification de leurs sources, de l’intégralité de leur
contenu et de la longévité des données d’archivage ne peut se faire que par l’utilisation d’un
site Internet sécurisé et fiable, organisé par un professionnel spécialisé ». Cette
recommandation préfectorale aux collectivités territoriales rejoint nos préoccupations.
L’évolution du porté à connaissance par les journaux habilités qui assurent la fiabilité des
sources et la validité du contenu des informations, peut avoir un prolongement par le biais de
l’outil Internet à condition que celui-ci se fasse au moyen d’un site sécurisé et fiable, organisé
par les journaux habilités et hébergé sous notre responsabilité.
Telle est pour nous la condition nécessaire d’une publicité légale que nous souhaitons
élargie, prenant en compte l’évolution des contrats affectant les entreprises – la liste en est
longue à titre énonciatif et non limitatif.
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Il en va ainsi des cessions de marques ou de brevets, certes publiées à l’INPI mais non au
registre du commerce (or la cession d’une marque équivaut généralement à celle d’un fonds) ;
des cautionnements donnés par les chefs d’entreprise qui devraient être inscrits, telles les
inscriptions du Trésor ou de la Sécurité Sociale, au registre du commerce ; des nantissement
de parts sociales ou d’actions (qui devraient à tout le moins être inscrits au registre du
commerce) ; des contrats de leasing ; des ventes avec réserve de propriété ; ou mieux encore,
les hypothèques portant sur les biens immobiliers d’une entreprise qui ne sont ni inscrites ni
mentionnées au registre du commerce. N’était-ce pas une des lectures dénoncées en 1991 au
Congrès des greffiers des Tribunaux de commerce d’Angoulême par les éminents Professeurs
Beauchard et Croze ( 3 ) ?
La clandestinité nuit à la transparence, à la sécurité juridique et à la protection des tiers.
Voici donc une évolution souhaitée vers une meilleure transparence en raison de l’évolution
des modes de crédit de l’entreprise.
La publicité destinée aux tiers est insuffisamment adaptée à la réalité économique
d’aujourd’hui, elle méconnaît les nouveaux contrats comme la réserve de propriété ou le
leasing ignorés autrefois, sans oublier la généralisation du cautionnement. Rien n’a bougé de
cette situation depuis 1994.
Cette regrettable constatation mériterait d’être prise en compte pour l’avenir, dans l’intérêt
de la sécurité juridique des entreprise et des tiers.
Mariette SERRES, Conseiller juridique, Direction générale, INPI, Membre du Comité de
coordination du RCS.– Le président Jacques Dragne vient de rappeler la permanence des
acteurs. Quoi de plus naturel pour une institution qui remonte au Moyen Âge et qui s’est
constituée à partir de l’organisation corporatiste des marchands pour aboutir au milieu du
XXe siècle au registre tel qu’on le connaît.
Cette permanence, c’est un registre local tenu par les 191 greffes des tribunaux de
commerce auxquels s’ajoutent les 35 tribunaux d’instance, tribunaux de grande instance et
tribunaux mixtes statuant commercialement. On peut souligner la coexistence de greffiers,
officiers publics et ministériels et de greffiers fonctionnaires. Les informations de ces
226 greffes sont centralisées à l’Institut national de la propriété industrielle qui assure la tenue
du registre national du commerce et des sociétés.
Les informations que l’on trouve au registre concernent quelque 3 772 000 entreprises
dont : 1 000 000 de personnes physiques commerçantes ; 1 600 000 sociétés commerciales ;
1 150 000 sociétés civiles et d’exercice libéral.
L’ensemble de ces données correspond à 65 kms d’archives vivantes consultées tant au
niveau national qu’au niveau local. Ces archives, mises à jour de manière permanente,
représentent plus de 5 000 mises à jour quotidiennes.
La sécurité de cet instrument déclaratif est assurée par le contrôle qu’exerce le greffier.
(3)La publicité des garanties : Gaz. Pal., 30 mai 1993, p. 4.
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Sylvie LEMERCIER-RÉGNARD, Greffier en chef au Tribunal de commerce de Paris.– Le
greffier est un officier public et ministériel qui est investi d’une double mission. Outre sa mission
judiciaire – assurer l'authenticité des décisions rendues par la juridiction consulaire dont il
conserve les archives –, il tient plusieurs registres dont le registre du commerce et des sociétés
et ceux des privilèges et nantissements (nantissements sur fonds de commerce, privilège du
vendeur, publicités URSSAF, etc.).
Ce faisant, le greffe collecte, contrôle, authentifie, conserve et restitue, en toute fiabilité, les
informations indispensables à la transparence de la vie économique. En effet, le greffier assure,
sous sa responsabilité, un contrôle juridique approfondi des déclarations faites par les
entreprises au regard des pièces déposées et de la cohérence de la formalité avec l’état du
dossier. Il peut également vérifier à tout moment la conformité du dossier aux lois et règlements
en vigueur.
Mariette SERRES.– En dernier lieu, pour revenir à notre propos introductif de la
permanence des acteurs, il convient d’évoquer le rôle du comité de coordination du RCS créé
en 1984, à l’initiative de Jacques Dragne ici présent.
Il joue un rôle « d’interface » entre pratique et règles de droit en délivrant des avis. Les avis
sont largement diffusés et commentés grâce à leur publication au BRCS (Bulletin du Registre
du Commerce et des Sociétés) assurée par l’INPI depuis 1998.
Jacques DRAGNE.–. Il y a quand même un point sur lequel je voudrais tempérer les
propos de Mariette Serres qui fait du Registre du commerce l’héritier des registres des
corporations. En réalité, il faut être beaucoup plus modeste. Lorsque le Registre du commerce
a été créé, en 1919, c’est surtout pour un motif de circonstance. Au lendemain de la guerre de
14, le gouvernement a voulu confisquer les biens des entreprises allemandes ; or, il s’est trouvé
dans l’incapacité de les recenser. Ceci à conduit à mettre au point un Registre du commerce,
en s’inspirant de ce qui existait dans plusieurs pays étrangers et notamment en Allemagne.
Passons maintenant aux journaux officiels qui, dans la période contemporaine, se sont vus
attribuer un rôle qui n’a ensuite cessé de se renforcer.
Pierre CHAULEUR, Chef du service des Éditions économiques et financières, Direction
des journaux officiels.– Rappelons, tout d’abord, que le BODACC est un bulletin de la Direction
des journaux officiels qui, elle-même, est toujours un service du Premier ministre. Si je devais
qualifier le BODACC à travers trois mots, j’utiliserai ceux de mission, de volume et également
d’obligation juridique.
La mission est très claire. Le BODACC a pour fonction d’être la mémoire officielle de la vie
des entreprises. C’est pour cette raison qu’il existe trois éditions complémentaires : tout d’abord
l’édition A, qui reçoit la publication des annonces de créations d’entreprises (256 000 au cours
de l’année 2003) ainsi que les cessions de fonds de commerce, redressement et liquidation
judiciaires ; l’édition B concerne les modifications diverses et les radiations ; enfin, l’édition C
assure la publication des avis de dépôts des comptes de sociétés.
C’est une mission qui a évolué depuis la loi du 17 mars 1909 prévoyant pour la première
fois une publication des avis de vente et de nantissement de fonds de commerce. C’est en
1978 qu’il prend son appellation de Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. La
dernière évolution remonte au mois de mai 2004 et concerne le BODACC A : on y a intégré les
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avis concernant les procédures de rétablissement personnel. Il y existe trois modes de
diffusion. Tout d’abord le BODACC papier. Il faut bien le dire, c’est un mode de diffusion qui est
en voie de diminution très forte. Il y a à peu près 12 000 abonnés à chacune des éditions A et
B. C’est donc relativement peu. Le Minitel est maintenant quasiment en voie de disparition.
Reste la troisième modalité de diffusion, c’est celle des rediffuseurs. Six licenciés sont titulaires
du contrat de rediffusion et récupèrent cette information, notamment pour les plates-formes
comme Euridile.
Quant au volume, il est tout à fait considérable. C’est même la plus importante publication
de la Direction des journaux officiels : 468 bulletins sortent par an, soit 1 900 000 annonces et
94 000 pages publiées. Les textes imposent en principe une obligation de publication à 8 jours,
parfois à 15 jours ; publication qui fait parfois courir un délai d’opposition, par exemple en
matière de procédures collectives.
Alain FOURNIER, Conservateur des hypothèques honoraire, Président de la Commission
juridique de l'Association des Conservateurs des hypothèques.– Je vous remercie d’avoir
pensé à associer un conservateur des hypothèques à ce colloque consacré à l’information
légale sur les entreprises.
En effet, à côté des instruments aussi connus que le registre du commerce et des sociétés
et les journaux d’annonces légales, un autre type de publicité existe, susceptible de compléter,
le cas échéant, l’information sur les entreprises : c’est la publicité foncière dont la gestion est
confiée aux conservations des hypothèques.
Il est vrai que la publicité foncière ne concerne ni spécifiquement ni pour l’essentiel les
entreprises, qu’il s’agisse de faire connaître la situation juridique des immeubles ou les
privilèges et hypothèques dont ils sont grevés.
Mais les entreprises, comme les particuliers, sont susceptibles d’être propriétaires
d’immeubles ou titulaires de droits immobiliers, d’accomplir à leur égard des actes juridiques
nécessitant une publicité, de recourir au crédit hypothécaire, voire de supporter sur leurs biens
des hypothèques légales ou judiciaires. Il me paraît dès lors utile de vous indiquer aussi
brièvement que possible comment est organisé le service de la publicité foncière et quelles sont
ses principales caractéristiques.
C’est un service du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, rattaché au plan
central à la Direction générale des impôts et, au plan départemental, aux Directions des
services fiscaux. Il comprend 354 bureaux des hypothèques répartis sur l’ensemble du territoire
national. Chaque bureau possède une compétence territoriale et c’est la localisation
géographique des immeubles qui détermine le bureau dans lequel doit être accomplie la
formalité de publicité.
L’ensemble des bureaux traite environ 10 millions de formalités par an se décomposant en
publications, inscriptions, mentions et délivrance de renseignements, cette dernière catégorie
représentant près de 60 %.
Il est important de noter que la mission des conservations des hypothèques est double :
une mission civile, qui seule nous intéresse ici au regard de l’information légale ; une mission
fiscale, qui concerne la perception des impôts exigibles et de la taxe de publicité foncière à
l’occasion des formalités de publicité.
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La mission civile consiste à accomplir les formalités de publicité, à tenir à jour le fichier
immobilier et à délivrer les renseignements. Il faut également noter l’originalité du statut du
conservateur : à la fois fonctionnaire indépendant, personnellement et civilement responsable
dans sa mission civile, et comptable public soumis hiérarchiquement à son administration dans
ses attributions fiscales.
Dans les cas les plus nombreux, la publicité est obligatoire à fin d’opposabilité aux tiers
d’une vente, d’un apport en société ou d’une donation notamment. Dans d’autres cas, la
publicité est facultative. Dans d’autres cas encore, facultative ou obligatoire, elle peut n’être
requise que pour l’information des tiers (par exemple pour la publicité des attestations de
propriété après décès ou celle des actes déclaratifs).
Enfin, pour assurer la plus grande sécurité juridique, le contrôle du conservateur est très
rigoureux quant à l’identification des personnes, à la désignation des biens et quant à la relation
continue entre les formalités successives concernant un même immeuble. Un principe dit « de
l’effet relatif » oblige, en effet, tout titulaire d’un droit immobilier à publier son titre. A défaut, il ne
pourra requérir aucune autre publicité sur son bien.
Pour terminer, j’ajouterai que notre service de publicité foncière, qui a plus de deux siècles,
est un service moderne ; tous les bureaux ont maintenant une gestion entièrement informatisée
sous logiciel FIDJI (Fichier Informatisé de la Documentation Juridique Immobilière). La
prochaine étape, dans un futur encore imprécis mais prochain, car les expérimentations
commencent, sera la dématérialisation complète des relations avec les usagers.
Jacques DRAGNE.– Merci Monsieur Fournier. Nous allons quitter la France pour traverser
l’océan et nous rendre au Québec.
Abraham ASSAYAG, Registraire des entreprises du Québec.– Merci Monsieur le
Président. Je suis très honoré d’être parmi vous et flatté, également, de me trouver en si
éminente compagnie. Le Registraire des entreprises du Québec est né en 2004. En fait, c’est
un organisme qui est le successeur du Secrétariat et Registraire de la Province du Bas-Canada
créé en 1841 et qui a subi de nombreuses transformations avec les années.
La mission du Registraire des entreprises consiste à gérer une quarantaine de lois relatives
aux compagnies, aux sociétés, au courtage immobilier, ainsi que la loi sur la publicité légale
des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales qui a été adoptée en
1994. Nous sommes l’un des quatre registres prévus par le Code civil du Québec de 1994 avec
le Registre foncier, le Registre des droits personnels réels et mobiliers et, bien sûr, celui du
Directeur de l’État civil, pour les personnes. En somme, nous nous occupons de « l’état civil
des entreprises », pour reprendre une expression qui a déjà été utilisée par un autre
intervenant.
1994 a été l’année d’une refonte complète de notre système de publicité légale. À
l’occasion des travaux ayant mené à l’adoption du Code civil du Québec (qui est entré en
vigueur le 1er janvier 1994), le régime de publicité légale hérité de l’ancien Code civil du Bas
Canada et des principales lois adoptées entre 1849 et 1930, a été revu de fond en comble. Cet
exercice s’est traduit par une réforme majeure, et l’entrée en vigueur de la Loi sur la publicité
légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales le 1er janvier 1994
(il y aura donc bientôt 11 ans).
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Le régime existant jusqu’en 1994 reposait en fait sur un droit morcelé issu d’une trentaine
de lois dont les plus anciennes dataient de 1849. Il se caractérisait par des systèmes multiples
placés sous la responsabilité de différentes autorités administratives et une double dispersion
des registres : dispersion au regard de la forme juridique des entreprises (notamment avec des
registres pour les organismes à but non lucratif, pour les sociétés en commandite, pour les
sociétés par actions) ; dispersion territoriale au regard du siège de l’entreprise (34 greffiers,
qu’on appelait des protonotaires et qui tenaient chacun un registre des sociétés et des raisons
sociales). La publicité avait donc une portée territoriale limitée à la compétence de l’autorité
administrative chargée de l’appliquer, étant locale, même paroissiale parfois puisque certaines
sociétés horticoles étaient constituées dans les paroisses. L’ancien régime comportait donc de
multiples instruments de publicité légale tant sur le mode portable que sur le mode quérable.
Autrement dit, il n’existait quasiment pas de publicité de portée nationale, c’est-à-dire à l’échelle
du Québec.
En 1994, l’objectif a été d’harmoniser les règles en s’appuyant sur les progrès des
technologies de l’information. Il existe désormais un régime unique applicable à toutes les
formes juridiques d’entreprises et groupements avec ou sans personnalité morale (l’entreprise
individuelle – appelée commerçant en France –, la société en nom collectif, la société en
commandite, la société par actions, la coopérative, l’association ou personne morale sans
capital-actions). Le régime de publicité légale est, ainsi, aujourd’hui beaucoup plus simple et de
portée territoriale globale. Il n’y a donc plus qu’un seul registre. Une seule déclaration à ce
registre suffit aujourd’hui en lieu et place des divers avis autrefois requis. La nécessité d’un avis
écrit dans un journal n’est plus que l’exception, comme lorsqu’en vertu de la Loi sur les
compagnies une société doit publier un avis d’intention de dissolution, dans un journal de la
localité la plus proche de son siège.
Le registre est accessible par voie électronique à un coût très faible, parfois même nul,
grâce à Internet, partout au Québec et à l’extérieur, combinant ainsi les modes quérable et
portable. L’information a valeur légale sur ce support et conserve ses propriétés d’opposabilité
et d’authenticité. Internet est ainsi un outil inégalé pour assurer la transparence (l’un des
thèmes de ce colloque) et assurer une diffusion large et instantanée de l’information sur
l’identité des entreprises. Cette technologie permet ainsi aux principes d’information légale et
de publicité légale de réussir leur transition du monde papier, qui était la base de l’ancien
régime de publicité légale québécois, au monde technologique, qui est à la base du nouveau
régime. Cette technologie, combinée à la modernisation du régime québécois de publicité
légale, offre de nouvelles perspectives pour l’avenir, dont nous aurons l’occasion de parler tout
à l’heure.
Jacques DRAGNE.– Voilà une transition toute faite avec le deuxième thème : l’impact des
nouvelles techniques. C’est l’INPI qui commence ?
Mariette SERRES.– Grâce à Internet et au réseau haut débit, il est devenu possible de
diffuser des images et d’accéder en temps réel à des documents (400 millions de pages
numérisées accessibles actuellement).
Les nouvelles technologies ont changé la donne, en favorisant la culture de l’information
gratuite. C’est ainsi qu’infogreffe et Euridile permettent d’accéder gratuitement à une première
identification concernant le nom, la dénomination, le numéro unique d’identification, l’adresse,
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la forme juridique et l’activité de l’entreprise (4 millions de visiteurs pour ces 2 sites et environ
1 600 000 actes commandés chaque année).
Le serveur Euridile, auquel on accède par le numéro d’identification de l’entreprise, son
adresse, son nom ou celui d’un dirigeant ou d’une marque, permet de visualiser ou commander
les informations clés. On peut, par exemple, obtenir une « fiche d’identité » qui comprend
toutes les mentions portées au registre sur la situation personnelle du déclarant et de ses
établissements. Celle-ci est complétée par les actes des sociétés (8 millions d’actes
numérisés). Enfin, sont également accessibles les données financières résultant des comptes
annuels.
L’objectif, très proche, est désormais la dématérialisation des formalités d’entreprises. Le
cadre juridique est prêt avec la loi Initiative économique du 1er août 2003 et la publication
imminente des décrets d’application (D. n° 2005-77 du 1er févier 2005, modifiant le décret
,n° 84-406 du 30 mai 1984).
La mission de diffusion du registre national du commerce et des sociétés a été concédée à
Coface-ORT depuis un peu plus de 10 ans dans le cadre d’une délégation de service public par
l’INPI. La concession prévoit notamment que l’ensemble des fichiers, objet de la concession,
puisse être mis à disposition de tiers par un contrat de licence. Ce contrat peut porter sur tout
ou partie des fichiers pour un usage interne ou une rediffusion ; dans ce second cas, la société
a l’obligation d’y apporter une valeur ajoutée. Le choix stratégique de ne pas entraver le
développement du marché de l’information économique conduit à une tarification adaptée du
prix des licences.
Sylvie LEMERCIER-RÉGNARD.– Infogreffe qui avait relevé très tôt le challenge du Minitel
est, aujourd’hui accessible sur Internet. L’ensemble des greffiers des tribunaux de commence
se sont regroupés au sein de ce GIE pour donner un accès uniforme à l’information. Sur
Infogreffe, il est possible de visualiser et de commander l’extrait du registre du commerce
– l’extrait Kbis –, les états de privilège et de nantissement, les actes et statuts déposés, les
comptes annuels et de visualiser également des informations concernant les procédures
judiciaires.
Pierre CHAULEUR.– Je voudrais expliquer plus largement l’expérience de la Direction des
journaux officiels en matière de dématérialisation. Depuis 1999, nous nous inscrivons dans une
triple démarche de dématérialisation : dématérialisation de l’acquisition de la donnée, du
traitement de la donnée et également de la diffusion. Dès 2000, la possibilité a été offerte de
saisir en ligne des annonces de marché public. Nous avons aussi travaillé en partenariat avec
les greffes pour que les annonces du BODACC nous soient transmises de façon informatisée.
L’année 2004 a été une année extrêmement importante pour la Direction des journaux officiels
en termes de dématérialisation de l’acquisition des données. Le décret du 7 janvier 2004
réformant le Code des marchés publics impose dorénavant des téléprocédures pour passer
des annonces au BOMP (Bulletin officiel des annonces de marché public). L’autre élément
extrêmement important, qui a trait à l’acquisition de la donnée, concerne les débats
parlementaires. Depuis janvier 2004, pour l’Assemblée nationale, et depuis avril 2004, pour le
Sénat, l’ensemble des débats parlementaires nous sont transmis par fichiers.
Mariette SERRES.– La synergie entre le RCS et les autres bases est un outil de
l’intelligence économique au service des entreprises.
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En ce qui nous concerne, l’information juridique et économique du registre du commerce
est enrichie par l’apport croisé avec d’autres fichiers, qui concernent principalement la propriété
industrielle. Le fichier du registre des marques permet de connaître l’identité du titulaire d’une
ou plusieurs marques. Cette recherche par le nom d’une marque est accessible sur Euridile.
Par ailleurs, les recherches d’antériorité effectuées par l’Institut permettent de vérifier la
disponibilité d’un nom. Elles sont faites à partir du fichier national des marques et du registre
national du commerce et des sociétés et s’effectuent selon différents critères : recherche à
l’identique par comparaison avec l’ensemble des fichiers ; recherche de similitude phonétique,
orthographique et intellectuelle ; recherche plus élaborée sur le radical.
Enfin, un lien avec le cadastre donne une information sur le patrimoine immobilier des
entreprises avec l’accès aux propriétés foncières détenues par les personnes morales.
Sylvie LEMERCIER-RÉGNARD.– Une donnée nouvelle concerne, outre Internet, la
reconnaissance de la signature électronique. Les greffiers interviennent comme des autorités
de certification. Leur intervention est essentielle car la tenue du registre du commerce permet
de vérifier, à tout moment, si la personne a la capacité d’engager la société. Par ailleurs, le
greffe du tribunal de commerce de Paris a développé un outil qui permettait de préparer, en
ligne, des formalités. À peu près 70 formalités sont accessibles actuellement. Dans les jours qui
viennent, ce site sera repris par Infogreffe, dans une synergie totale, pour permettre de
préparer, dans toute la France, des formalités au registre du commerce et des sociétés.
La première étape impose, aujourd’hui encore, de préparer un dossier papier. On y trouve :
le document CERFA, certaines pièces justificatives préremplies à partir de la saisie effectuée,
la liste des pièces justificatives, des déclarations de non-condamnation. Dans les semaines qui
viennent, nous pourrons transmettre le contenu de la formalité sur la plate-forme de télécollecte
qui a été développée également par l’ensemble des greffiers. Bientôt, il sera possible de
dématérialiser totalement la formalité, que ce soit la liasse CERFA ou les pièces justificatives.
Jérôme CAZES, Directeur général délégué du Groupe Coface.– Je représente Coface
ORT, une filiale du groupe Coface. Nous avons une longue expérience de la diffusion du
registre national du commerce et des sociétés que nous assurons, pour le compte de l’INPI.
Nous sommes également membre de l’European Business Register, service d’accès aux
informations sur les entreprises, issues des registres de 14 pays de l’Union européenne. Nous
sommes par ailleurs le prestataire de diffusion des bases de données juridiques produites par
l’État, bien connues à travers le site en ligne Legifrance. Je pourrais d’abord confirmer combien
l’arrivée d’Internet a effectivement induit une évolution dans le comportement des utilisateurs.
L’accroissement de la consultation par Internet est très significatif. Il donne accès aux données
mais aussi aux documents que l’utilisateur peut imprimer à distance. Le phénomène est très net
pour Euridile qui permet de consulter la copie des pièces publiées (actes, statuts, comptes
annuels) soit près de 400 millions de pages. Cette évolution n’est, je pense, pas incompatible
avec les méthodes traditionnelles de collecte d’information pour le registre du commerce et des
sociétés. L’outil télématique permet également aux utilisateurs de faire des agrégations de
données et, ce faisant, bien sûr d’effectuer des traitements sur les données. Notre participation
dans l’European Business Register montre également l’interconnexion croissante des registres
du commerce au niveau de l’Europe. L’usager, comme d’ailleurs les entreprises assujetties, a
un besoin croissant de guichet unique, exigence assez ancienne mais délicate à satisfaire.
Comment, sous un même service, assurer plusieurs modes d’accès et comment mettre en
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interconnexion les différents opérateurs ? Il faut concilier à la fois la sécurité juridique et la
sécurité informatique. Je puis vous confirmer que, pour les bases de données du RNCS, nous
n’avons jamais eu à déplorer une quelconque altération des données et je puis aussi vous
assurer que, malgré Internet, les données sont extrêmement protégées. Donc, sécurité et
Internet ne sont pas incompatibles. Par contre, tout cela a un certain coût.
Par ailleurs, en tant que professionnel de l’information, l’évolution vers le « tout
électronique » nous a conduit à développer un certain nombre de réflexions. Notamment, il
nous apparaît nécessaire – et ce n’est pas seulement l’opinion de la COFACE – de réfléchir à
un identifiant unique au niveau européen. En effet, toute information sur les entreprises à
l’échelle européenne suppose au préalable une identification précise et harmonisée. Or, il
existe encore, entre les différents pays d’Europe, de très grandes différences en ce qui
concerne les identifiants et des différences plus grandes encore s’agissant des données
économiques accessibles. Les utilisateurs sont devenus particulièrement exigeants : ils
demandent une information immédiate et directement consommable sur des données
essentielles. Il nous faut donc adapter en permanence les outils technologiques pour assurer la
sécurité, la fluidité et la circulation des données – je pense par exemple aux technologies XML
qui permettent d’uniformiser les échanges d’information. Il faut aussi que l’interface utilisateur
soit le plus convivial possible et accessible par tout le monde.
Jacques DRAGNE.– Avant de passer aux projets de l’INPI et des greffiers, un mot de
Monsieur Assayag sur les projets du Québec.
Abraham ASSAYAG.– Il y a un an et demi, un gouvernement nouvellement élu a entrepris
de moderniser la fonction publique à laquelle se rattache le Registraire des entreprises. La
vision du nouveau gouvernement est celle d’un service public plus léger et plus flexible, un
service en ligne de préférence mais pas exclusivement. J’aimerais donner trois exemples de
projets auxquels participe le Registraire, et grâce auxquels il peut apporter une contribution
importante à la concrétisation de cette vision.
Le premier de ces projets concerne le développement d’une signature numérique à l’usage
de l’entreprise dans ses rapports avec les services gouvernementaux. À l’heure actuelle, le
Registraire est dans une phase de transition vers le tout télématique. Si l’information légale
peut aujourd’hui être transmise par Internet tout en conservant ses propriétés d’authenticité et
d’opposabilité, il n’est pas encore possible pour les entreprises de mettre à jour, par le même
canal, les informations du registre les concernant, tout en permettant que l’information ainsi
transmise ou modifiée conserve ces propriétés. Ceci s’explique par des raisons de sécurité,
puisque la difficulté est de s’assurer de l’identité du déclarant lorsque celui-ci agit à distance.
N’oublions pas qu’il s’agit ici de modifier une fiche d’identité dans un registre qui, comme on le
rappelait tout à l’heure, incarne l’État Civil des entreprises. Et que cette fiche d’identité contient
des éléments aussi sensibles et importants que le nom et l’adresse des propriétaires, dirigeants
principaux, administrateurs, places d’affaires etc.
En vertu du régime en vigueur la signature d’une personne dûment autorisée par la
compagnie à signer des documents de modification à la fiche d’identité de l’entreprise est
obligatoire. Dans cette perspective, nous devons nous doter d’une signature électronique qui
offre au moins les mêmes garanties de sécurité et de confiance que la signature manuscrite.
Mais, pour les PME qui ne transigent que peu avec le registre, l’investissement requis pourrait
est relativement lourd.
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Toutefois, il serait plus rentable pour l’entreprise de disposer d’une signature numérique
qu’elle pourrait utiliser dans le cadre de la plupart de ses transactions électroniques avec les
divers services gouvernementaux, pas uniquement ceux du Registraire des entreprises. C’est
dans ce contexte que nous envisageons, grâce aux propriétés du registre, d’agir à titre d’agent
de certification de l’identité des personnes habilitées à signer au nom et pour le compte de
l’entreprise dans le cadre du projet gouvernemental de développement d’une signature
numérique destinée à cette dernière.
La contribution du Registraire est fondée sur le fait qu’il dispose d’une capacité unique de
faire le lien entre les propriétaires, les dirigeants et les administrateurs de l’entreprise et
l’entreprise elle-même (l’association entre une clé personnelle obtenue par un individu – dans le
cadre du développement d’une signature numérique individuelle pour des fins personnelles – et
le rôle officiel de cet individu dans une entreprise donnée). En contribuant à doter le
gouvernement d’un mécanisme de signature numérique destiné aux entreprises, le Registraire
contribue à se doter, pour ses propres besoins, d’une signature caractérisée par un niveau
élevé de confiance.
Le deuxième projet est basé sur le fait que le Registraire des entreprises est l’organisme
qui émet ce qu’on appelle le numéro d’entreprise du Québec : le NEQ. Il s’agit d’un numéro
d’identification unique. Ce numéro d’identification, qui est, en fait, le numéro d’immatriculation
au registre, peut contribuer à faciliter et simplifier les rapports administratifs entre les
entreprises et les différents ministères et organismes du gouvernement en leur permettant de
n’utiliser qu’un seul numéro pour s’identifier dans leurs transactions avec les divers ministères
et organismes. Par contre, les divers services publics continuent d’exiger des entreprises de
nombreux autres numéros d’identification qui leurs sont spécifiques lorsque une entreprise
désire transiger avec eux. Ceci représente une complication supplémentaire et un fardeau pour
les entreprises. Nous avons donc eu le mandat d’aider les ministères et les organismes à
implanter le NEQ dans leurs processus d’accueil et d’échanges avec les entreprises, et de
sensibiliser ces dernières au potentiel du NEQ comme identifiant fiable et facile à utiliser dans
leurs rapports avec le gouvernement.
Le troisième chantier qui met à profit les compétences du Registraire des entreprises est le
suivant. Le gouvernement a implanté un nouveau service visant à faciliter et à alléger le
fardeau que les individus ont à subir lorsqu’ils désirent aviser tous les ministères et organismes
de leur changement d’adresse. Le Service québécois du changement d’adresse (SQCA)
répercute ainsi tout changement aux divers ministères et organismes gouvernementaux, de
sorte que la personne visée n’a pas à répéter la même information comme elle le faisait
auparavant. Le gouvernement aimerait développer un service semblable s’adressant cette fois
aux entreprises. Il s’est donc tourné tout naturellement vers le Registraire des entreprises, lui
confiant le mandat de coordonner le développement et l’implantation d’un tel mécanisme. Il
s’agira d’un service unifié de mise à jour de l’information sur l’identité et les adresses des
entreprises.
Voilà trois projets qui illustrent la manière dont le Registraire des entreprises peut exploiter
les avantages découlant de sa mission dans le cadre de la modernisation de sa prestation de
services, non seulement pour le bénéfice de ses clientèles, mais aussi pour celui de l’entreprise
comme cliente de l’ensemble des services publics.
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Mariette SERRES.– Je souhaiterais maintenant aborder les enjeux contemporains de la
construction européenne et la mondialisation.
Pour obtenir des informations sur les entreprises étrangères en ce qui nous concerne, un
lien peut être fait avec EBR, European Business Register, réseau de connection qui permet
l’accès aux informations légales des registres du commerce de 14 pays et la Grande Bretagne
par minitel.
Ce réseau de connexion constitué depuis 1991 regroupe des opérateurs publics et privés.
En février 2005, EBR ouvrira un service commercial.
Sylvie LEMERCIER-RÉGNARD.– Je voulais évoquer les résultats d’une étude menée sur
les registres du commerce dans le monde. L’étude, qui porte sur 36 pays, couvre l’Union
européenne ainsi qu’un certain nombre d’autres pays (Australie, Canada, etc.).
Le premier enseignement de l’étude concerne les modalités de diffusion des informations
portées au registre du commerce. Existe-t-il un monopole ? Dans la quasi-totalité des cas, ce
monopole de diffusion existe. Quelques exceptions toutefois : la France, mais également
l’Angleterre et le Pays de Galles. S’agissant ensuite du coût de l’information légale, il faut
d’abord dire que le contenu des extraits du registre du commerce est très variable d’un État à
l’autre. Parfois, sont uniquement communiquées les données lors de l’inscription ; parfois est
délivré un état du registre du commerce au jour de la demande de l’information. Le coût de
l’information apparaît peu élevé en France puisqu’il est de 2 euros. Le coût moyen d’un extrait
du registre du commerce en Europe s’élève à 27 euros. Il est totalement gratuit dans certains
pays mais alors la formalité d’immatriculation y est extrêmement onéreuse, de sorte que le coût
de la diffusion se trouve inclus dans le coût de l’inscription. Pour Malte, par exemple, le coût de
l’immatriculation se situe entre 353 et 1766 euros, en fonction du montant du capital de
l’entreprise. L’Australie suit à peu près le même modèle que Malte.
Concernant les mentions portées au registre du commerce en cas de faillite, dans la grande
majorité des registres des États étudiés, le jugement d’ouverture de la procédure est
mentionné. Cependant, certains registres de tradition anglo-saxonne dérogent à cette pratique :
l’Angleterre, le Pays de Galles et le Canada ne portent pas de mention d’office concernant les
faillites, même si les greffiers sont informés de leur ouverture.
Concernant le dépôt des comptes annuels imposé par la IVème directive du 25 juillet 1978,
cinq grandes tendances se dégagent. Les pays nordiques, l’Angleterre et le Pays de Galles
ainsi que l’Italie exigent le dépôt des comptes annuels et le non-dépôt fait l’objet de sanctions
allant de l’amende à la radiation de l’entreprise (en Grande-Bretagne). L’Algérie, la France,
Malte et la Roumanie imposent le dépôt des comptes pour certaines sociétés mais l’obligation
ne fait pas toujours l’objet de sanctions. La Finlande et la République Tchèque prévoient
l’obligation de déposer les comptes en fonction de la taille des sociétés, au regard du nombre
de salariés et du chiffre d’affaires. Gibraltar et le Maroc font obligation de déposer les comptes
en fonction de l’activité de la société. Enfin, l’Australie et la Suisse n’imposent pas d’obligation
de dépôt des comptes.
Enfin, les supports de diffusion sont également très diversifiés : papier, disquette, CDRom
parfois, microfilms, ou même format électronique.
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L’information sur les entreprises à la croisée des chemins
La dématérialisation des procédures d’immatriculation constitue un enjeu important dans le
cadre de la simplification des démarches administratives. Cette problématique a trouvé un
second souffle avec l’adoption en juin 2003 de la révision de la première directive européenne
du 9 mars 1968 relative aux obligations de publicité de certaines formes de sociétés. Ces
dispositions imposant notamment aux États membres de proposer, aux entreprises qui le
souhaitent, la dématérialisation des formalités et l’information légale des entreprises au plus
tard le 1er janvier 2007. Dans ce domaine capital pour les chefs d’entreprises, les situations
entre les pays apparaissent très contrastées même si, sur les 36 pays étudiés, 31 sont dotés de
sites diffusant les informations du registre du commerce. Ces sites sont uniquement
accessibles dans la langue nationale mais aussi parfois en anglais.
*
* *
Xavier DELCROS, Professeur à l’Université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), Avocat à la
Cour, Directeur de l’IFC.– La question est ici celle de savoir quelles sont les informations
nécessaires à une efficace régulation des marchés. Il s’agira de s’intéresser à la fois aux
entreprises assujetties, au marché et aux destinataires des informations (actionnaires et
investisseurs).
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