Bactéries de culture difficile Diagnostics sérologiques et moléculaires Jean-Philippe Rasigade Faculté Lyon Sud Charles Mérieux 2016 Bactériologie conventionnelle • Prélèvement au site infecté • Culture sur milieu de croissance • Identification et antibiogramme sur colonies vivantes • Avantages: coût réduit, nombreuses techniques possibles, conservation de la bactérie pour comparaison • Limites: valide uniquement si la bactérie cultive in vitro Bactéries exigeantes • Nombreuses exigences peuvent être satisfaites in vitro: anaérobiose, nutriments spéciaux, inactivation d’antibiotiques • Certaines ne peuvent pas: culture intracellulaire stricte, voies métaboliques complexes Diagnostiquer sans cultiver ? • Diagnostic direct: détecter l’ADN bactérien dans le prélèvement • Diagnostic indirect: détecter une réponse immunitaire au pathogène – surtout pour pathogène strict (syphilis: Ac = maladie) – difficile si pathogène opportuniste (Ac = portage possible) • Pas d’antibiogramme ! Quelles pathologies ? • Spirochètes: syphilis, Lyme, leptospirose • Griffes du chat (Bartonella) • Fièvre de Malte (Brucella) • Fièvre Q (Coxiella) • Tularémie (Francisella) • Whipple (Tropheryma) Syphilis Historique • Maladie vénérienne apparue en Europe au XVème siècle • Plusieurs hypothèses historiques – Théorie colombienne : maladie vénérienne rapportée du Nouveau Monde à l’occasion du premier voyage de C.Colomb (1492) – Théorie pré-colombienne : syphilis présente en Afrique centrale et introduite en Europe avant la découverte de l’Amérique par Colomb Des exemples célèbres … Alfred de Musset (atteinte CV) 1810-1857 Guy de Charles Maupassant Baudelaire (paralysie générale) (paralysie générale) 1850-1893 1821-1867 Franz Schubert 1797-1828 Alphonse Daudet (tabès) 1840-1897 Épidémiologie 448 • Syphilis en France 417 – Quasiment disparue depuis 1990 – Réapparition préoccupante depuis les années 2000 : augmentation des comportements sexuels à risque 455 403 329 207 37 – Répartition mondiale Hommes +++ Homosexuels (80%) âge moyen 35 ans Co-infection VIH (48%) ATCD d’IST La syphilis le risque de transmission du VIH InVS. Actualités VIH sida IST 2007 0,10-0,18 µm 6-20 µm Agent pathogène • • • • Ordre des Spirochaetales Famille des Spirochaetaceae Genre Treponema Espèce pallidum Subsp. carateum Subsp. pertenue Subsp. endemicum Subsp. pallidum pinta pian béjel syphilis Tréponématoses cutanéo-muqueuses non vénériennes Tréponématose vénérienne Syphilis: Review with Emphasis on Clinical, Epidemiologic, and Some Biologic Features. Clinical microbiology reviews. Apr. 1999 Évolution d’une syphilis non traitée Exposition Incubation (10-90 j) latence (4-10 semaines) NEUROSYPHILIS PRÉCOCE SYPHILIS PRIMAIRE chancre 25%-60% SYPHILIS SECONDAIRE Récurrence 24% 6 mois-1an Éruption cutanéomuqueuse, atteinte multiviscérale SYPHILIS LATENTE PRÉCOCE < 1 an asymptomatique ASYMPTOMATIQUE SYMPTOMATIQUE 5% Méningites Atteinte des nerfs crâniens Atteinte oculaire Atteinte méningovasculaire SYPHILIS LATENTE TARDIVE > 1 an 10-30 ans asymptomatique SYPHILIS TERTIAIRE Cardiovasculaire 10% 1-46 ans Atteintes cutanéomuqueuses, osseuses: gommes 15% Golden MR, Marra CM, Holmes KK. Update on syphilis: resurgence of an old problem. SYPHILIS TERTIAIRE NEUROSYPHILIS TARDIVE Paralysie générale 2-5% (2-30ans) Tabès 2-9% (3-50ans) Clinique : syphilis primaire • Ulcération de type syphilitique : chancre – Génital, anal ou buccal (moins net chez la femme) – 3 semaines après contamination – Érosion peu profonde indurée et indolore – Riche en tréponèmes : contagiosité +++ – Régresse spontanément en 3 à 6 semaines • Adénopathies – Quelques jours + tard – Inguinales – Indurées, indolores, souvent multiples – Persistent BEH N°35-36/2001 Clinique : syphilis secondaire • Phase septicémique de l’infection • Plusieurs éruptions cutanéo-muqueuses entrecoupées de phases asymptomatiques – Roséole syphilitique : éruption maculeuse – Plaques muqueuses : • érosions superficielles rouge vif ou diphtéroïdes, • évoluent par poussées • riches en tréponèmes : contagiosité +++ – Syphilides papuleuses : • papules érythémateuses, bordées par une fine desquamation circulaire (collerette de Biett) • multiples • contagiosité + BEH N°35-36/2001 Clinique : syphilis tertiaire • Manifestations (4 à 30 ans après contamination) – Cardio-vasculaires : aortite, anévrysmes – Neurologiques : tabès, paralysie générale (artérite) – Cutanées : gommes, ulcérations chroniques, tubercules • Peu fréquentes dans pays industrialisés • Contexte d’infection par VIH BEH N°35-36/2001 Diagnostic clinique différentiel Chancre mou à H.ducreyi Douloureux, non induré Herpès Douloureux, vésiculeux en bouquet, récurrent Carcinome spino-cellulaire Evolution plus longue, infiltration dépasse les limites de l'ulcération Chancre scabieux Prurigineux, lésions de gale associées sur le reste de la peau Aphtes Généralement multiples, douloureux et inflammatoires, récidivants Lymphogranulomatose inguinale ou maladie de NICOLAS-FAVRE : Chlamydia trachomatis Pas d’adénopathie Granulome inguinal = la donovanose Klebsiella granulomatis Pas d’adénopathie Diagnostic direct • État frais : microscope à fond noir (x100) – spirales ondulées et mobiles • Tréponèmes saprophytes = risque de faux positif (bouche, anus) • Sensibilité ~80% – variable selon qualité prélèvement et entraînement opérateur • Acheminement rapide au laboratoire Diagnostic direct • Méthodes moléculaires : PCR – Sensibilité +++ lésions cutanéo-muqueuses précoces (localisations buccale, anale) – Syphilis congénitale : très sensible et très spécifique dans liquide amniotique – Résultats inconstants dans la neurosyphilis (LCR) – Laboratoires spécialisés – Typage moléculaire à visée épidémiologique Dépistage sérologique Tests tréponémiques + Tests cardiolipidiques • TPHA – Hémagglutination – Spécifique et sensible (8ème jour du chancre) • ou FTA-Abs – Immunofluorescence – Spécifique et très sensible (5ème j) • ou ELISA – Automatisable – Très sensible – Résultat qualitatif • VDRL – Agglutination – Peu spécifique : faux positifs – Phénomène de zone (10ème j) RECHERCHE DES IgM FTA-IgM (SPHA) ou ELISA 1ers Ac dès la 2ème semaine de l’infection Dr Chantal Roure, Diagnostic biologique de la syphilis VDRL Venereal Disease Reagent Laboratory • Sérum, plasma, LCR • Agglutination des réaginines syphilitiques en présence d’un Ag cardiolipidique (Ag RPR) complexé à des particules de charbon • Si dépistage +: titrage par même méthode (quantitative) par dilutions 2 en 2 – Titre positif < 16 = syphilis primaire – Titre > 16 = syphilis secondaire - Positif 10 à 20j après apparition du chancre - Test d’évolutivité, suivi sérologique après traitement (1er à se négativer) - Faux positifs : PR, LED, MNI, paludisme, grossesse, hépatite virale, cirrhose, SAPL … - Faux négatifs : phénomène de zone (excès d’Ac) TPHA Treponema pallidum Haemagglutination Assay • Hémagglutination passive microplaque – hématies de poulet sensibilisées par Ag extrait de T.pallidum (souche Nichols) – Ac spécifiques présents dans sérum, plasma, ou LCR – Pour éviter les réactions non spécifiques : absorption des Ac de tréponèmes non pathogènes par un extrait de tréponème de Reiter (inclus dans diluant) - Sensible et spécifique sauf aux stades précoces - 8ème j du chancre, reste positif longtemps - Criblage + : titrage, seuil positif 1/80 - FP : MNI, MAI, grossesse (moins que VDRL) - FN : en excès d’Ac, syphilis très précoce Cinétique des Ac au cours de la syphilis Traitement Anticorps FTA > TPHA > VDRL > Nelson TPHA Contamination Chancre Nelson FTA VDRL 0 1 2 3 mois 1 2 3 ans temps Arbre décisionnel Cicatrice VDRL TPHA VDRL bas ≤ 4 TPHA bas < 640 VDRL+ TPHA+ IgM + Syphilis active VDRL+ TPHAFTAt ou IgM Cicatrice Syphilis latente Réinfection Syphilis latente VDRL haut > 8 TPHA haut ≥ 640 VDRLTPHA+ FTAt ou IgM + - Syphilis (chancre) Faux positif (VDRL ≤ 4) + Chancre Syphilis latente Cicatrice Faux positif Dr Chantal Roure, Diagnostic biologique de la syphilis Dépistage de la syphilis en France • Points importants – Aucun test sérologique ne permet de différencier la syphilis des tréponématoses non vénériennes (Pian, Béjel, Pinta) – Répéter les sérologies dans le même laboratoire – VDRL isolé non synonyme de syphilis – TPHA et VDRL toujours fortement positifs au stade syphilis secondaire – TPHA affirme ou infirme une tréponématose et le VDRL en précise l’évolutivité Traitement • Pénicilline G : EXTENCILLINE® – voie IM • Coût faible (3,15€) • But : taux tréponémicide constant sur de longues durées • Taux largement atteint et maintenu pendant trois semaines avec 1 injection unique de benzathide pénicilline • Effets secondaires – Principal : allergie – Réaction de Jarisch-Herxheimer Syphilis - Fiche • • • • Infection chronique sexuellement transmissible Spirochete non cultivable Treponema pallidum Dépistage et diagnostic sérologique TPHA sensible, spécifique, reste positif après traitement • VDRL moins spécifique, permet de suivre le traitement • Traitement = pénicilline • Prévention idem autres IST Borrelia burgdorferi / garinii MALADIE DE LYME Maladie de Lyme • Maladie transmise à l'homme par une piqûre de tique du genre Ixodes • Spirochète du genre Borrelia, espèces burgdorferi et garinii • Incubation <1 mois puis erythème chronique migrant => diagnostic clinique Ixodes ricinus larve nymphe Adulte femelle mâle 15 mm Collection Philippe Parola EXTRACTION D’UNE TIQUE O. Patey Evolution sans traitement • Phases idem syphilis – Phase primaire: erythème chronique migrant – Phase secondaire: fièvre + manifestations cutanées, cardiaques, rhumatologiques, neurologiques – Phase tertiaire: lésions chroniques avec phénomènes dysimmunitaires et asthénie+++ Diagnostic et traitement • Détection d’anticorps – Dépistage : ELISA – Confirmation : Western blot • Autres (PCR): laboratoires spécialisés • Ne sont pas des indications: – Piqûre de tique sans manifestation clinique – Érythème migrant typique – Contrôle sérologique systématique des patients traités • Traitement: amoxicilline ou ceftriaxone Leptospira interrogans LEPTOSPIROSE Leptospirose • Spirochète: Leptospira interrogans • Zoonose: transmise par l’urine des rongeurs • Risque professionnel: égoutiers, élevage, travaux en eau douce => vaccination possible • Risque récréatif: baignade en eau douce (saisonalité++) • 500 cas/an France dont 50% DOM-TOM Leptospirose • Clinique: – Asymptomatique++ – Forme anictérique: pseudo-grippale – Forme ictérorhémorragique (5%): ictère, thrombopénie, insuffisance rénale +/- pneumopathie • Diagnostic sérologique • PCR sur sang / LCR / urines • Traitement: amoxicilline ou ceftriaxone ou doxycycline Bartonella henselae MALADIE DES GRIFFES DU CHAT Griffes du chat • Ganglions dans le territoire de drainage d’une griffure ou morsure +/- lésion cutanée au site de griffure • Rarement: atteinte neurologique, hépatique, endocardite à hémocultures négatives • Diagnostic biologique: PCR sur biopsie ganglionnaire + sérologie • Traitement: – Forme ganglionnaire: abstention +/- drainage – Endocardite: doxycycline + gentamicine Brucella melitensis BRUCELLOSE OU FIÈVRE DE MALTE Brucellose • Bacille Gram négatif Brucella melitensis • Zoonose (caprins, bovins) • Contamination directe: cutanée / digestive; vétérinaires, agriculteurs • Contamination indirecte: lait cru, fromage; vacanciers Brucellose • Clinique – Asymptomatique (90%) ou – Incubation 3 semaines puis • Brucellose aiguë septicémique = fièvre ondulante sudoro-algique • Brucellose subaiguë: asthénie, lésions rhumatologiques, neurologiques • Brucellose chronique (aspécifique) • Diagnostic direct: hémoculture (pousse lente), PCR • Sérologie: sérodiagnostic de Wright • Traitement: doxycycline + rifampicine Coxiella burnetii FIÈVRE Q Fièvre Q • Coccobacille Gram négatif Coxiella burnetii, famille des rickettsies • Zoonose: caprins > ovins > bovins • Clinique: incubation 3 semaines – Asymtomatique (60%) ou – Syndrome pseudo-grippal, atteintes hépatiques, pneumopathies, méningo-encéphalites – Endocardite à hémoculture négative • Diagnostic biologique: PCR + sérologie • Traitement: doxycyline Au final: quelques points communs • Spirochètes: syphilis et Lyme, évolution par phases, traitement beta-lactamines • Griffes du chat / brucellose / fièvre Q – Zoonoses – Causes d’endocardites à hémoculture négative – Traitement incluant la docycycline • Brucella / coxiella: armes biologiques Mots en anglais • • • • • • Syphilis / Lyme disease / leptospirosis Cat scratch disease Brucellosis / Malta fever Q fever Biological warfare French cheese (Reblochon :-)