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A l’Ouest, la dénazification est méthodique. Elle repose sur l’envoi d’un questionnaire de 131 questions à
tous les Allemands majeurs destiné à juger du degré de soutien et de participation au régime nazi (13 millions
au total). Les Allemands sont classés en cinq catégories devant les cours de justice alliées qui prononcent des
peines allant de l’acquittement à la peine de mort (500 sur 5 000 jugements). Les vainqueurs effacent les traces
du nazisme dans la vie quotidienne. Ainsi, de nombreux fonctionnaires sont destitués et/ou jugés. Cependant, la
gestion des territoires occupés devient difficile par manque de personnel compétent. Dès 1946, la dénazification
est confiée à des tribunaux spéciaux allemands dont l’action est largement sujette à caution (complaisance,
faux-témoignages, lenteur des procédures, trafic de Persilscheine – certificat de bonne conduite…).
A l’Est, les autorités soviétiques utilisent la dénazification pour imposer leur modèle. L’interprétation
communiste qui fait du nazisme un produit du capitalisme amène à cibler la répression sur des hommes
d’affaires et des fonctionnaires soupçonnés d’avoir servi la classe dirigeante et permet donc d’éliminer les
adversaires politiques qui sont déportés (40 000) ou exécutés. Elle permet aussi d’exproprier des propriétaires
terriens ou des industriels, et de poser les bases d’une société communiste. L’enseignement et la culture doivent
se soumettre à l’idéologie communiste. Le SED créé en 1946 contrôle tous les autres partis politiques, il est lui
même né de la fusion imposée par Moscou des socialistes (SPD) et des communistes (KPD) allemands. Tous
les opposants à cette politique, ceux qui refusent la fusion avec le parti communiste, sont taxés de fascistes et
rejoignent les camps des anciens nazis et des criminels de guerre.
Dans les zones occidentales comme soviétique, la dénazification est menée mais de façon différente selon les
objectifs réels des occupants. Cette application à géométrie variable conduit à s’interroger sur l’efficacité de la
dénazification.
C. Une dénazification inachevée ?
La dénazification reste incomplète et difficilement chiffrable. Beaucoup de nazis ont fui à l’étranger.
D’autres profitent de l’absence de preuves ou de l’encombrement des tribunaux par des millions de dossiers
(dossiers perdus ou compromis pour aller plus vite.). Enfin, elle se heurte à l’exaspération croissante de la
population allemande provoquant une réaction nationaliste : de nombreux Allemands critiquent l’ampleur du
processus, une majorité refuse toute responsabilité en se réfugiant derrière le devoir d’obéissance ou
l’ignorance. La dénazification ne touche, au final, qu’une minorité de la population et a surtout consisté en un
processus de réhabilitation de masse. Du côté américain comme soviétique, des anciens nazis sont récupérés
pour servir les vainqueurs (Von Braun, par exemple).
Les débuts de la guerre froide ralentissent la dénazification. Dès 1948, le processus est suspendu dans les
zones d’occupation occidentales qui fusionnent en mars pour favoriser la renaissance de la vie politique et la
reconstruction économique. Il s’agit de trouver un nouvel allié dans la lutte contre le bloc soviétique. Un
personnel politique non compromis dans le nazisme s’impose, à l’image de Konrad Adenauer, chancelier de la
République fédérale allemande (RFA) qui naît en 1949. Des lois d’amnistie sont votées entre 1949 et 1954,
permettant, par exemple, à 150 000 fonctionnaires d’être réintégrés. En effet, il est indispensable pour remettre
en marche le pays de s’appuyer sur des personnes compétentes : à Bonn, sur 112 médecins, 108 sont nazis ; à
Cologne, 18 des 21 spécialistes du service des eaux sont nazis ; en Bavière 94% des juges et des procureurs et
77% des employés du ministère des finances sont d’anciens nazis …Cependant, se considérant seule héritière
de l’Allemagne d’avant-guerre, la RFA mène une politique d’indemnisation des victimes du nazisme
conduisant à une certaine réflexion sur les responsabilités de chacun.
A l’Est, en 1948, Staline déclare que l’Allemagne de l’est est totalement libérée du fascisme, la
dénazification est officiellement terminée. Le reste de la population est absous de toute responsabilité à
condition de se soumettre à l’ordre nouveau. En 1949, la RDA, République démocratique allemande, rejette sur
la RFA l’héritage nazi. Elle dénonce l’inachèvement de la dénazification ouest-allemande et met en avant son
ancrage dans le camp antifasciste derrière l’URSS contre les alliés des Etats-Unis. La RDA ne peut plus
présenter de traces du nazisme puisque celui-ci est contraire à l’idéologie communiste. Ainsi, dès février 1948,
les anciens nazis sont réintégrés dans l’administration. 10% des parlementaires communistes est-allemands sont
d’anciens nazis, beaucoup de cadres de la Stasi sont d’anciens nazis également Cette attitude prive la
population de RDA de toute réflexion sur sa culpabilité.
Après la défaite de l’Allemagne nazie, les quatre vainqueurs dénazifient le pays selon des modalités
variables selon les zones d’occupation et avec une efficacité discutable. Si la dénazification de l’ensemble de la
population allemande n’a pas donné lieu à un consensus de la part des vainqueurs, il en est autrement pour le
jugement des principaux criminels de guerre nazie.