BELLO Julie GRANGER Justine LE PAGE Mathilde Visuel publicitaire et communication interculturelle Étude des visuels français et japonais d'Orangina Introduction à la communication et aux études culturelles INALCO- CFI, 2013 - 2014 SOMMAIRE I - Introduction Orangina, qui existe depuis 1936, n’a pas la tâche facile. La concurrence est rude dans le marché du soda international. Dans le monde, Coca-Cola et Pepsi y sont leaders. Les trois marques ciblent le même publique. Depuis le début, Orangina a misé sur sa communication décomplexée et déjantée pour se faire une place sur le marché européen. Mais nous avons remarqué que la communication japonaise de la marque est différente à bien des égards. C’est pour cela qu’il nous a semblé intéressant de comparer un visuel français et un visuel japonais puis d’en analyser les différences interculturelles. II - Le corpus d’analyse La marque française Orangina, en Europe, vise un public d’adolescents, de jeunes adultes. A partir de 2008, la marque utilise le choc advertising, pour ses publicités européennes. La marque personnifie ses égéries: ce sont des animaux qui font la promotion de la boisson. Ils sont sauvages et utilisés de manière sensuelle et provocante. Ce sont ces animaux à l’allure humaine qui représentent aujourd’hui la marque. Avec cette publicité, Orangina joue le jeu de la profusion et de la légèreté, qui est présente dans le slogan «naturellement pulpeuse». Le côté naturel est là pour répondre à une tendance en croissance, peu présente dans les sodas les plus connus en France. De plus, la sophistication et l’humour dans les publicités permettent à la marque d’avoir une identité originale et unique. En utilisant l’image des animaux, la marque met en commun le côté absurde et le côté provocant. Ceci permet à Orangina de ne pas être censuré, la même publicité avec des acteurs humains aurait surement posé plus de problème. Le slogan «naturellement pulpeuse» est présent en haut à gauche, et est écrit de travers de manière à suivre les rayons du soleil. Orangina utilise une orange pour illustrer le soleil chaud, ardent de la publicité : ils utilisent l’ingrédient principal comme élément de décor, ce qui accentue le côté «naturel». L’animal, de sexe féminin, utilisé, adopte une attitude sensuelle en bikini et a des formes corporelles bien visibles : c’est le côté «pulpeux» qui est mis en avant. Le personnage boit sa boisson sur un glaçon en train de fondre, pour donner à cette boisson fraîche un côté sexy. Le produit est présent à deux endroits: petit au centre de Visuel publicitaire et communication interculturelle Page 2 l’affiche devant le personnage, et en grand, en bas à droite de l’affiche. En bas de l’affiche une zone de texte «bulles-pulpes-bulles-à secouer» décrit le produit et comment le boire. Le topique de cette publicité est AIDA: la marque cherche à faire connaitre sa boisson en captant l’intérêt du public par l’humour et le choc. L’objectif cognitif est de faire connaitre la marque, pour que le public achète la boisson qui est l’objectif conatif. Au final, cette publicité a été récompensée par des prix, et louées par des professionnels en France (alors qu’en Angleterre, cette publicité a été jugée indécente). Ce n’est pas la boisson en elle-même qui a fait parler d’elle, mais ce sex-appeal qui a fait parler d'Orangina (en bien, comme en mal). C'est avec cette campagne (ci-contre) que le groupe japonais Suntory, ayant racheté le groupe Orangina en 2009, lance en 2010 la boisson sur le marché des boissons japonaises, un des plus fournit au monde. Pour sortir du lot, Suntory a parié sur la ‘french touch’ originelle d'Orangina, associée à une référence télévisée japonaise. Ce visuel fait directement référence à un feuilleton télévisé japonais des années 70 qui a pour titre «Otoko wa tsurai yo», soit «Il est dur d'être un homme». Le personnage principal, Tora San, est un marchand ambulant qui va de ville en ville pour vendre sa marchandise et à qui il arrive des mésaventures (notamment amoureuses). Ce visuel s'adresse donc à un public plutôt adulte, en mesure de connaître la référence au téléfilm et pouvant s'identifier à Richard Gere (l'acteur américain et personnage principal de la campagne publicitaire) qui a la soixantaine. Un lien est donc créé entre le feuilleton national japonais et la «boisson nationale française». Cette référence «rétro» associée à la phrase «Orangina, la boisson gazeuse que boivent les Français, est enfin au Japon!» crée l'idée d'un «savoir-faire traditionnel français». La préservation de ce côté rétro du visuel montre le savoir-faire ancien de la marque. Le lien de cette publicité avec la série se fait, grâce à la phrase d'accroche «Messhu ha tsurai yo» soit «Il est dur d’être un monsieur». La présence des phrases françaises servent uniquement pour le style, puisque très peu de japonais le comprennent. Verbalement, l'emploi de «messhu» rappelle la France car c’est une adaptation phonétique du mot français «monsieur» qui pour les japonais prend un sens d'homme distingué et romantique. Visuellement, le drapeau français est présent sur le produit et la ville de Chartres sert de lieu de tournage. Seul le choix d'un acteur américain (R. Gere) et non français reste étrange, mais pas si grossier du point de vue japonais qui ne connaît pas spécialement cet acteur. Sur l’image, la femme regarde l'homme: il a du charme, ça marche bien avec les femmes (contrairement à Tora San dans le film) car il a le charme à la française. Nous sommes dans un topique AIDA où le but est de faire connaître la boisson (objectif cognitif) pour son origine française puisque le « français » fait classe, romantique, de bon goût (projection du consommateur, donc objectif affectif) et fait acheter (objectif conatif). Visuel publicitaire et communication interculturelle Page 3 III - Analyse interculturelle Le contexte d'implantation de la marque dans le pays de son nouveau propriétaire ne laisse pas la place au doute. Il faut être sure que la campagne touche les japonais. Or d'après un petit sondage personnel (sur 5 japonais, 2 hommes et 3 femmes âgés de 20 à 26 ans) la publicité n'est pas appréciée malgré l'explication du slogan. Son côté provocateur, sexy et animal semble être «désapproprié pour une publicité de boisson». Ils la trouvent étrange, et surtout «pas mignonne» pour une publicité utilisant des animaux. Il est a noté qu'en France aussi cette campagne a soulevé des débats (féministe, incitation à la zoophilie etc). Analysons donc ces éléments de changements conceptuels et matériels liés au contexte du marché et au goût des consommateurs. On passe d'un discours animal et sexuel en France à un discours de bien-être et tradition au Japon qui s'explique par un changement de public visé : les adolescents en France et les japonais de 30-70 ans au Japon, (le marché des seniors est un marché rentable car ils sont les plus nombreux, une personne sur cinq a plus de 65 ans). En France, le sexe fait vendre alors qu'au Japon le «français» est un bon argument de vente sous entendant l'exotisme et le luxe (beaucoup de marques utilisent du français au Japon). Dans les deux visuels l'idée de chaleur et de détente (conditions parfaites pour boire Orangina) est présente mais on a une chaleur sexuelle face à une chaleur humaine, et une détente «Jet set» face à une détente conviviale, simple. Les concepts du «pulpeux» et «secouez-moi» sont abandonnés dans la version japonaise pour des raisons pratiques : La recette de la boisson a été légèrement modifiée avec moins de pulpe et plus de bulles pour mieux correspondre au goût des japonais. (Notons que le «secouez» est incompatible avec l'image du «monsieur» français classe.) Les deux visuels ont un ton humoristique basé sur un jeu de mot. Alors que le jeu de mot français est construit sur un double sens, le japonais est basé sur une référence cinématographique et une touche d'ironie (d'après l'image, la vie est plutôt douce pour un «monsieur»). Toujours sur l'adaptation du produit mais cette fois-ci pour des raisons pratiques, la forme de la bouteille japonaise est plus allongée afin de tenir dans les rayons des magasins. Le côté arrondi et granuleux comme une orange est tout de même conservé. Visuel publicitaire et communication interculturelle Page 4 Au niveau de l'organisation du visuel, on retrouve une même construction en 3 zones (image, texte packshot) et avec le même rapport quantitatif (peu de texte, image dominante etc.) Le sens de lecture, (de haut en bas et de gauche à droite) est lui aussi inchangé contrairement à ce qu'on aurait pu penser car le sens traditionnel de lecture japonais va de haut en bas mais de droite à gauche. Le jaune et le bleu sont conservés comme couleurs prédominantes dans l'adaptation japonaise mais elles y sont adoucies pour donner un côté rétro. Le packshot est bien visible dans le visuel japonais alors qu'il est de biais et coupé dans le visuel français, pays où la boisson est déjà bien connue. IV - Conclusion On peut légitimement se demander si l’objectif, en France, d’Orangina n’était pas seulement de faire adhérer le public à sa marque, mais plutôt de créer une polémique qui ferait parler des publicités. On est dans l'adaptation culturelle, non pas parce que la publicité française pourrait choquer, mais parce que cette dernière telle qu'elle ne marcherait pas du tout au Japon. De par le contexte d'implantation de la marque mais aussi parce que la boisson Orangina a changé en elle-même, avec moins de pulpe et plus de bulle chez les japonais que chez les français. C'est pour correspondre au goût général des japonais mais aussi pour s’insérer clairement dans la catégorie des boissons gazeuses qui est un marché plus facile à conquérir car un peu moins varié par rapport aux autres boissons. Visuel publicitaire et communication interculturelle Page 5