Surface approx. (cm²) : 4511
parmi les références en la matière, ne re-
tient aucune des marques du tourisme, ni
même du voyage, dans son top 500 en
2014, trusté par les entreprises technolo-
giques (Apple, Samsung, Google, Micro-
soft. ..) et les secteurs de la banque-assu-
rance-finance, de lenergie, du textile, de la
grande distribution ou de lautomobile...
Seules quèlques compagnies aériennes
parviennent à se hisser dans ce panthéon
de la valorisation marketing, qui prétend
estimer chaque année la réputation,
l'image et la propriété intellectueEe des en-
treprises : Emirates pointe à la 234e place, à
5,4 Md$, suivie par American Airlines
(298e, à 4,5 Md$), Lufthansa (331e, à
4,1 Md$), Continental Airlines (338e, à
4 Md$) et Singapore Airlines (458e, à
3,3 Md$)... À noter qu'Air France riappa-
raît pas dans ce classement, pas plus que
dans le top 50 de sa version française, entre
le premier de la classe, BNP Paribas, à
14 Md€,etleCréditMutuel,50e,àl,7 Md€.
On estloin des voyages et des vacances, qui
revendiquent pourtant de représenter
l'une des premières industries au monde
en termes demplois, et de contribuer au
bonheur des hommes ! Ce dernier point
ne devrait-il pas permettre aux entreprises
du secteur d'occuper le «top of mind» des
consommateurs, selon une expression très
prisée des services marketing ?
LE TOP 5 DANS LA LIGNE DE MIRE
Dans ce domaine, il y a encore du travail.
Selon une étude réalisée par Promise
Consulting en juillet 2013, les marques du
tourisme ne brillent pas vraiment par leur
notoriété, à une poignée d'exceptions
près. Ainsi, en dehors de l'atypique
Voyages-sncf.com, le Club Med, Fram et
Nouvelles Frontières caracolent tous les
trois largement au-dessus de 65 % en no-
toriété assistée, loin devant Thomas
Cook, Carrefour Voyages, Marmara, Jet
tours, Havas Voyages et Lastminute, pour
ne citer que les dix premiers de l'étude. La
plupart des grandes entreprises du sec-
teur réalisent des enquêtes régulières, par-
fois annuelles, avec des organismes spé-
cialisés (Ipsos, TNS Sofres...) pour
mesurer leur notoriété et les valeurs
quelles inspirent aux clients. Lenjeu pour
les leaders généralistes ? «Nous voulons
rester systématiquement dans le top 3,
quels que soient l'institut de sondage et la
méthode de calcul», souligne Sylvain Ga-
boriaud, le directeur marketing de TUI
France, en faisant référence à Nouvelles
Frontières et Marmara. « Notre objectif est
INTERVIEW
FRANÇOIS MEMO,
DIRECTEUR DE IF BRANDING ET COPONDATEUR DE SMART PME
« Se différencier par le
produit n'a rien de fumeux »
CONSEILLER EN STRATÉGIE D'ENTREPRISE À TRAVERS SA SOCIÉTÉ IF BRANDING,
FRANÇOIS MEMO A COFONDÉ SMART PME, UN COLLECTIF D'EXPERTS QUI PROPOSE
D'AIDER LES PME À SE REPOSITIONNER. SON CREDO ? DÉCALER LE REGARD...
Quels sont les critères qui
définissent une marque,
selon vous ?
D'abord, être une marque
se mérite. On devient une
marque à partir du moment
où, lorsqu'un client a une
problématique à résoudre ou
un besoin à assouvir, il pense
à vous. C'est le signe que la
marque est devenue un re-
père. Ensuite, une marque
doit donner envie d'agir au
contact du produit. Dans
le tourisme, on peut citer
la marque exceptionnelle
qu'est devenue Airbnb. Elle
est en train de bousculer le
marché parce qu'elle donne
envie de découvrir des en-
droits et des gens de ma-
nière différente. Son posi-
tionnement ne concerne pas
seulement le produit, mais
le regard porté sur l'offre, qui
lui donne une autre dimen-
sion et permet d'ouvrir le
champ des possibles.
Considérez-vous que les
marques «traditionnelles»
ont du mal à atteindre
cette dimension ?
Les entreprises sont souvent
enfermées dans leurs habi-
tudes et ne savent pas déca-
ler le sujet. Cela demande
une parfaite connaissance
du marché. Aujourd'hui, le
chef d'entreprise doit être
en prise directe avec son
environnement afin de com-
prendre et d'anticiper ce que
veulent les gens, en étant
toujours en avance et en fai-
sant un pas de côté. Mais
sentir les mouvements de
société n'est pas toujours
facile... Les dirigeants de
PME ou de petites entre-
prises sont très occupés
par l'opérationnel, et ne
perçoivent pas toujours
cette nécessité.
Que répondez-vous à ceux
qui considèrent que tout
cela tient du marketing
«fumeux» ?
Je travaille sur l'offre, j'évite
le terme de « marque » car il
est très mal connoté, surtout
en France, et renvoie à son
aspect superficiel, aux no-
tions d'image de marque
cantonnée à la beauté et
à la séduction. Cette vision
réductrice a été entretenue
par le monde du design et
de la pub. Cela marchait dans
les années 1980, mais au-
jourd'hui l'exigence est beau-
coup plus forte. Désormais,
« marquer», c'est différencier
par le produit. Et cela n'a rien
de fumeux, au contraire :
comprendre les consomma-
teurs, c'est très pragma-
tique. Je cite souvent cette
phrase très connue de Ford :
« S; on avait demande aux
clients ce qu'ils voulaient, ils
nous auraient répondu "des
chevaux qui courent plus
vite", et on a fait des voi-
tures». Mon métier consiste
à décaler le regard...
Est-ce que le développement
du digital est le principal élé-
ment qui déstabilise la stra-
tégie de marque des entre-
prises et change la donne
depuis les années 1980 ?
La prise du pouvoir par le
consommateur grâce au
Web a bien entendu fait
basculer la situation. La pé-
riode est très difficile mais
également passionnante et
plus authentique qu'il y a
vingt ans. Elle oblige les
marques à faire de vérita-
bles offres. Le réflexe de
certaines entreprises face
aux géants du Web, comme
les réseaux de librairie-pa-
peterie face à Amazon, est
très négatif. De façon un peu
immature, elles restent blo-
quées sur le fait qu'il s'agit
d'une injustice. Mais on ne
peut plus aujourd'hui entrer
sur ce marché sans faire
avec Amazon : il faut com-
prendre pourquoi ça a fonc-
tionné, ce qu'on y trouve
et ce qu'on n'y trouve pas.
Et ne pas se positionner
en frontal, sinon on se fait
bouffer. Idem dans le tou-
risme : il faut comprendre
à quoi correspond le besoin
assouvi par un Airbnb ou
un Liber, et trouver sa place
sans refaire la même chose.
Cela passe-t-il essentielle-
ment par une stratégie
digitale performante ?
Il ne faut pas établir une
stratégie digitale, mais une
stratégie globale dans un
monde digital. Il est néces-
saire aujourd'hui de s'inter-
roger encore plus sur sa stra-
tégie
du
fait
du
digital.
Cela
implique aussi de resituer
son marché dans son
contexte historique. Le
tourisme de masse a joué
son rôle par rapport à un
contexte, mais l'ancien
système ne répond plus
aux besoins. Pour se proje-
ter, il faut savoir d'où l'on
vient. Aujourd'hui, cela ne
suffit plus de fabriquer des
produits. Il faut être capable
de s'engager sur ce que
l'on va dire et se situer dans
son environnement.
Propos recueillis par V.D.