Note d’ iNteNtioN de Bruno Thircuir pour l'adaptatioN
Nous sommes tous des K.
«Je pense un spectacle-auberge.
Un spectacle qui se construit parce que les acteurs mangent au milieu des spectateurs.
Je vois des tables, dix-douze, une vingtaine de convives par tablée.
Des charriots de cantine sont couverts de pichets d’eau, de pichets de vins.
Des nappes blanches, grises, couvrent les tables.
Avant de s’installer, chaque spectateur (200) a reçu une blouse grise. Il est invité à se poudrer de blanc
rapidement. Après ce bref maquillage, chacun reçoit un numéro qui correspond à une place. Evidemment, les
couples, amis, enfants, sont séparés.
Tous attentent le repas prévu dans ce repas-spectacle.
Par un mécanisme automatique, les
tables s’ouvrent et des assiettes-repas
apparaissent.
Assiettes, couverts, verres, tout est sous
cellophane.
Une ou peut-être deux serveuses passent
et offrent un verre de vin, rouge.
Les spectateurs déballent leurs assiettes,
mangent. S’ils parlent trop fort, les
serveuses les invitent à baisser la voix.
S’ils ne mangent pas, les même serveuses
les invitent à souper.
J’emploie à dessein le mot souper, car ce
spectacle ne peut se jouer que le soir.
Eclairage blafard. Au fond de cette
auberge, une vieille violoncelliste cul-de-
jatte joue dans son charriot. Les suites de
Bach en Sol majeur sont correctement
interprétées.
Un spectateur attentif peut, doit
remarquer quelque chose d’étrange chez
cette musicienne sans jambes. Elle est
comme mécanique.
“Philip Roth rêve d’un lm tourné d’après
Le Château
: il voit Groucho
Marx dans le rôle de l’arpenteur K. Oui, il a tout à fait raison : le
comique est inséparable de l’essence même du kafkaïen.”
(Milan Kundera,
L’art du roman
, Gallimard, p. 131)