C r e a t i o n c i e
la Fabrique
des petites utopies
Nous sommes tous des K.
D'apres l'adaptation du Chateau de Kafka par Paul Emond
©Maja Polackova
Coproduction Le Manège de Mons, Heure bleue de Saint Martin d’Hères, La Fabrique de Théâtre de Frameries, Théâtre
Poème2 de Bruxelles, Le Grand Angle scène Rhône Alpes de Voiron, Théâtre Renoir de Cran-Gevrier
Subventionné par le Ministère de la Culture, la CITF, la DRAC Rhône Alpes, la Région Rhône-Alpes, les départements de
Haute-Savoie et de l’Isère, les villes de Grenoble, Cran-Gevrier, Voiron, de Saint Martin d’Hères
Nous sommes tous des K.
Repas-Spectacle d’après
Le Château
de Kafka
Adaptation Paul Emond
Mise en scène Bruno Thircuir
Conseiller dramaturgique Michel Tanner
Assistance à la mise en scène Camille Motté
Scénographie François Gourgues
Equipe de création Jean-Luc Moisson, Isabelle Gourgues, Alphonse Atacolodjou,
Anne-Claire Brelle, Suzanne Emond
Accessoires Catherine Réau
Costumes Béatrice Ribault
Son Eric Biston
Musique Francis Mimoun
Créations lumières : Philippe Veyrunes
Le Chateau de Kafka
”On percevait très distinctement cet humour lorsque Kafka lisait lui-même. Ainsi lorsqu’il t entendre à ses amis
– dont j’étais – le premier chapitre du Procès, tous furent saisis d’un rire irrésistible, et lui-même riait tellement
que par instant il ne pouvait continuer sa lecture. C’est assez surprenant si l’on songe au terrible sérieux du
début. Max Brod
Le Château
est un roman inachevé de Franz Kafka, publié en
1926, à titre posthume.
Le récit suit les aventures de K., personnage énigmatique qui
se bat pour entrer en contact avec les autorités du village dans
lequel il vient d’arriver, an d’ofcialiser son statut d’arpenteur.
Mais le Château, résident les fonctionnaires, demeure
inaccessible. Sombre et irréel,
Le Château
évoque l’aliénation
de l’individu face à une bureaucratie incompréhensible.
De très nombreuses interprétations ont été données du roman.
Certaines voient dans
Le Château
une métaphore de l’État
et de l’administration de sa distance et de sa rigidité. Le
labyrinthe bureaucratique du
Château
peut aussi représenter
la confusion mentale sans issue, présente en tout être humain.
L’absurdité du monde décrit, la puissance et l’arbitraire de
l’autorité nous plongent dans l’angoisse d’une administration
impénétrable aux ramications innies, complexe et toute-
puissante, qui oblige à des démarches sans n et use la vie de
ceux qui sont obligés de l’affronter, comme dans
Le Procès
.
le personnage de K. ,
joué par Alphonse Atacolodjou
Note diNteNtioN de Bruno Thircuir pour l'adaptatioN
Nous sommes tous des K.
«Je pense un spectacle-auberge.
Un spectacle qui se construit parce que les acteurs mangent au milieu des spectateurs.
Je vois des tables, dix-douze, une vingtaine de convives par tablée.
Des charriots de cantine sont couverts de pichets d’eau, de pichets de vins.
Des nappes blanches, grises, couvrent les tables.
Avant de s’installer, chaque spectateur (200) a reçu une blouse grise. Il est invité à se poudrer de blanc
rapidement. Après ce bref maquillage, chacun reçoit un numéro qui correspond à une place. Evidemment, les
couples, amis, enfants, sont séparés.
Tous attentent le repas prévu dans ce repas-spectacle.
Par un mécanisme automatique, les
tables s’ouvrent et des assiettes-repas
apparaissent.
Assiettes, couverts, verres, tout est sous
cellophane.
Une ou peut-être deux serveuses passent
et offrent un verre de vin, rouge.
Les spectateurs déballent leurs assiettes,
mangent. S’ils parlent trop fort, les
serveuses les invitent à baisser la voix.
S’ils ne mangent pas, les même serveuses
les invitent à souper.
J’emploie à dessein le mot souper, car ce
spectacle ne peut se jouer que le soir.
Eclairage blafard. Au fond de cette
auberge, une vieille violoncelliste cul-de-
jatte joue dans son charriot. Les suites de
Bach en Sol majeur sont correctement
interprétées.
Un spectateur attentif peut, doit
remarquer quelque chose d’étrange chez
cette musicienne sans jambes. Elle est
comme mécanique.
“Philip Roth rêve d’un lm tourné d’après
Le Château
: il voit Groucho
Marx dans le rôle de l’arpenteur K. Oui, il a tout à fait raison : le
comique est inséparable de l’essence même du kafkaïen.
(Milan Kundera,
L’art du roman
, Gallimard, p. 131)
Il neige un peu dans la salle. La salle a la taille de notre
chapiteau sans gradins ou d’un beau plateau de théâtre.
Si les murs sont simples, noirs, gris, vieux, c’est parfait.
Puis arrive K.
K. est noir, interprété par Alphonse Atacolodjou.
Il est arrivé vêtu d’un manteau. Une serveuse lui tend la
dernière blouse grise suspendue. La serveuse le poudre
un peu, mais cela ne tient pratiquement pas. (...)
(...)
Il a le livre
Le Château
de Kafka à la main.
Aucun autre accessoire.
Peu à peu, les tables vont devenir décor de cette cité
imaginaire que K. raconte lui-même.
K. va lui-même bâtir une ville verticale faite de tables.
Les spectateurs sont peu à peu repoussés à la périphérie
du plateau.
Cette tour de tables est peu à peu habitée par les
personnages emblématiques du roman :
L’instituteur.
Le maire.
L’amante.
L’ami Barnabé.
Le bureaucrate Klamm.
Les villageois.
C’est la dimension comique et dérisoire de notre monde dont il est question pour chacun de ces tableaux. Comme
autant de vignettes pour raconter notre société contemporaine.
Je propose à Paul Emond d’adapter le roman non pour en restituer l’intégralité mais pour tenter d’en restituer
l’incroyable clairvoyance. Je lui explique que la mise en scène se fera à vue. C’est-à-dire que K. va se mettre en
scène lui-même, il va adapter sa propre n, sa propre impuissance, il est acteur d’un monde qui le rejette et
dont il est incapable de s’extraire.
La scénographie faite des tables du repas a pour moi une forte fonction symbolique. K doit grimper pour tenter de
comprendre qui de nous l’a invité à un repas-spectacle dont il est exclu avant même d’y gouter. Il joue le fait qu’on
n’ait plus besoin de lui pour rien.
K. va construire sa propre perte, il va construire sa propre exclusion.
Seules les femmes l’aident, l’aiment, l’accompagnent.
Parler encore et toujours de cette formidable force que représente le désir érotique de l’altérité.»
Bruno Thircuir, Grenoble, mars 2011.
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