DOMINIC FONTAINE-LASNIER
UNE POÉSIE AUTOUR DE LA PHILOSOPHIE
ÉTUDE DU DIALOGUE SARTRE-BATAILLE
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en philosophie
pour l'obtention du grade de Maître es Arts (M.A.)
FACULTÉ DE PHILOSOPHIE
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2008
© Dominic Fontaine-Lasnier, 2008
i
RÉSUMÉ
Georges Bataille (1897-1962) publie en 1943 un essai étrange, à mi-chemin entre le
récit mystique et la philosophie : L'expérience intérieure. La même année, Jean-Paul Sartre
(1905-1980) consacre à cet ouvrage une critique particulièrement polémique intitulée « Un
nouveau mystique ». Dans les dix années qui suivront, Bataille écrira au moins six textes en
réaction à Sartre ou à l'existentialisme, dans lesquels il clarifie sa position tout en précisant
de plus en plus ce qui l'éloigné de celle Sartre. Du côté de ce dernier, cependant, on ne
trouvera plus aucun texte directement adressé à Bataille, même si la polémique engagée
avec lui se poursuivra indirectement dans plusieurs de ses écrits.
C'est
ce dialogue entre
Sartre et Bataille que nous analyserons dans ce mémoire ; notre but est de clarifier, à la
lumière des critiques de Sartre, la démarche philosophique de Bataille.
ii
REMERCIEMENTS
J'aimerais remercier mes évaluateurs pour la lecture à la fois généreuse et critique
qu'ils ont faite de ce mémoire. Plus particulièrement, je remercie M. Gilbert Boss pour les
discussions éclairantes que nous avons eues, ainsi que pour la liberté qu'il m'a accordée
dans la rédaction de ce travail. Je remercie également Mme Anne Staquet pour sa
correction attentive et clairvoyante, et M. Philip Knee pour ses commentaires perspicaces et
enrichissants.
Surtout, je remercie Hélène Boulé, pour tout.
Je dédie ce mémoire à ma fille, Adèle.
iii
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ I
REMERCIEMENTS II
TABLE DES MATIÈRES III
INTRODUCTION - « UNE SOUFFRANCE DE LANGAGE ÉPROUVÉE
PAR LE PHILOSOPHE » 1
CHAPITRE I - « UNE POÉSIE AUTOUR DE LA PHILOSOPHIE » 9
LE
RÉQUISITOIRE DE SARTRE 9
«Un nouveau mystique » 11
1.
Première critique : Sur la clarté de la communication 12
1.1 La forme 13
La haine du langage 13
Un ton dogmatique 16
1.2 Le contenu philosophique 18
Le drame d'un seul homme 18
1.3 L'expériepçe-intérieure 19
Une expérience irréalisable 19
Une expérience inutile 20
2.
Deuxième critique : Sur la mauvaise foi de Bataille 20
La notion de mauvaise foi dans la philosophie sartrienne 21
2.1 La forme 24
De la prose poétique 24
Qu 'est-ce que la prose ? 25
Qu 'est-ce que la poésie ? 27
Une littérature d'alibi 30
2.2 Le contenu philosophique 32
Entre scientisme et existentialisme 32
Le sens du fantastique 34
2.3 L'expérience intérieure 36
Le supplice fantastique 36
Conclusion de la critique de Sartre 40
CHAPITRE II - «UN NOUVEAU TYPE DE DISCOURS...: QUELQUE
CHOSE COMME LE RÉCIT ET L'ESSAI DRAMATIQUES » 42
LA
DÉFENSE DE BATAILLE 42
Le principe d'insuffisance 43
Le primat de la vie sur la pensée 49
Le déchaînement de la poésie 54
La présence de l'absence 63
Une morale de la communication 66
Une philosophie dramatique 75
CONCLUSION - « QU'IMPORTE LA PHILOSOPHIE ! » 82
BIBLIOGRAPHIE 89
INTRODUCTION
« UNE SOUFFRANCE DE LANGAGE ÉPROUVÉE
PAR LE PHILOSOPHE1 »
Faire œuvre de théorie, faire œuvre de poésie : les
intellectuels hésitent entre ces deux devoirs. On doit
habituellement trancher dans les livres qu'on écrit
depuis que
s'est
éloigné le temps heureux où Platon,
le vénérable ancêtre, pouvait jouer librement sur les
deux tableaux suivant que la chose à démontrer
exigeait l'une ou l'autre des deux preuves.
FERNAND DUMONT2
I
l peut paraître étonnant, en effet, de constater à quel point Platon, qui critiquait les
poètes jusqu'à vouloir les bannir de la Cité3, usait lui-même de poésie - au sens large
de figures de styles, de mythes, de dialogues et de fictions - dans ses œuvres
philosophiques. Il faut se rappeler toutefois que sa critique concernait avant tout le rôle des
poètes dans le domaine politique : Platon leur reprochait en effet - en les associant dans ce
contexte aux « sophistes » - de préférer renonciation à l'énoncé, autrement dit d'user de
belles paroles - et non de la logique des faits - pour convaincre ou paraître plus intelligents
qu'ils ne le sont en réalité, dans les débats publics.
En son sens platonicien, nous dit Alain Badiou, la philosophie expose ce qu'elle dit
au
jugement
public, suppose des règles logiques partagées, dialogue avec le premier venu. Elle destitue ainsi
l'autorité de celui qui énonce, au profit de la valeur intrinsèque de ce qui est énoncé. [...] Or, la
poésie, si généreuse qu'en soit la beauté, est indubitablement une forme autoritaire de la
déclaration. Elle ne s'autorise que d'elle-même, répugne à l'argument, énonce ce qui est dans la
forme sensible de ce qui s'impose sans avoir à partager cette imposition.4
1 J.-F. LOUETTE. « Existence, dépense : Bataille, Sartre », dans Les Temps Modernes, n° 602, décembre
1998
et
janvier-février 1999, p.31.
2 F. DUMONT. La vigile du Québec. Octobre 1970 : l'impasse ?, Montréal, Hurtubise HMH, 1971, p.18.
3 Cf. Le livre X de La République, 595a-621d.
4 A. BADIOU. « Platon, notre cher Platon ! », Le Magazine littéraire, no 447, nov. 2005, p.33-34.
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