SOUS-TRAITANCE
PRÉCISIONS DE LA RÉCENTE JURISPRUDENCE
De récents arrêts apportent des précisions utiles sur les relations maître
d'ouvrage/entrepreneur principal/sous-traitant, quant à la rédaction du contrat de sous-
traitance et aux responsabilités de ce dernier.
Depuis l'arrivée de la loi du 31 décembre 1975 et de son Article 3 qui traite de « l'acceptation
du sous-traitant par le maître de l'ouvrage », plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont fait
évoluer la jurisprudence en la matière. Ainsi, l'arrêt du 13 septembre 2005 de la 3e Ch. civ.
précise que la simple connaissance du sous-traitant par le maître d'ouvrage ne suffit pas à
caractériser son acceptation, ni l'agrément des conditions de paiement du sous-traité.
Concernant l'agrément des conditions de paiement, l'arrêt du 14 mars 20061 de la même
chambre précise, qu'à défaut de remise d'une caution par l'entrepreneur principal, l'accord du
maître de l'ouvrage sur la délégation de paiement doit faire l'objet d'un acte manifestant sans
équivoque cet accord.
L'acceptation implicite du sous-traitant par le maître d'ouvrage est ainsi très rarement admise
par la cour suprême. Elle ne pourrait l'être qu'en présence d'instructions fréquentes du maître
d'ouvrage au sous-traitant sur le chantier et d'absence de contestations de l'entrepreneur
principal, ou de la consignation par le maître d'ouvrage de la créance du sous-traitant dont ni
les travaux, ni la facturation ne seraient contestés.
Concernant les responsabilités du maître d'ouvrage (article 14.1), l'arrêt de la 19e Ch. de la
Cour d'appel de Paris du 13 octobre 2005 considère que ce dernier ne commet aucune faute en
payant son entrepreneur principal, alors qu'il n'est pas supposé avoir eu connaissance de
l'existence d'un sous-traitant dès lors que le rythme de ses paiements s'avère normal.
L'obligation du maître d'ouvrage peut conduire à une faute quasi délictuelle de ce dernier. La
cour d'appel de Versailles du 28 septembre 2005 réaffirme la nécessité de la mise en demeure
qu'il doit adresser à l'entrepreneur. À défaut, il serait alors déchu de son droit d'invoquer le
défaut d'agrément pour s'opposer à l'action directe. La faute peut conduire à une
condamnation à verser au sous-traitant le solde qui aurait dû être payé au titre du paiement
direct, indemnisant alors intégralement le sous-traitant. Il a été jugé que le maître de l'ouvrage
ne peut déduire ce qu'il a déjà versé à l'entrepreneur principal après avoir connu l'existence du
sous-traitant, car il aurait dû suspendre ses paiements au dit entrepreneur.
En outre, l'arrêt de la 3e Ch. civ. de la Cour de cassation du 18 juin 2003 rappelle que ce n'est
pas au sous-traitant qu'il incombe d'imposer à l'entrepreneur principal, ou au maître de
l'ouvrage, la mise en place des garanties légales dont il bénéficie, et son abstention ne peut pas
s'analyser en une renonciation à ses droits, laquelle n'est pas possible.
Recours de l'entrepreneur contre le sous-traitant
Le sous-traitant a une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal, mais elle ne
concerne que la réalisation de sa propre prestation contractuelle, à l'exclusion d'éventuels
1 CCass, 3ème civ. 14 mars 2006, n° 03.17298, Société ETCF
dommages aux tiers, (sauf stipulations spéciales du contrat de sous-traitance). Dans les
rapports entre le locateur d'ouvrage, auteur du trouble anormal causé aux voisins et les autres
professionnels dont la responsabilité peut être recherchée, la charge finale de la condamnation
formant contribution à la dette, se répartit en fonction de la gravité de leurs fautes respectives.
Ce point est précisé par l'arrêt de la 3e Ch. civ. du 26 avril 20062 qui considère également
que, sauf stipulation précise du contrat, l'entrepreneur principal ne peut exercer de recours
subrogatoire à l'encontre de son sous-traitant que pour la fraction de la dette dont il doit
assumer la charge définitive.
L'arrêt de la 3e Ch. Civ. du 4 janvier 20063 met l'accent sur l'importance et le respect des
formes édictées par l'article 8 stipulant que l'entrepreneur principal dispose d'un délai de
15 jours, à compter de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct,
pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé
d'acceptation. L'affaire concernait un marché de réhabilitation confié à une entreprise générale
; le sous-traitant en cause, fournisseur de cloisons sur mesure, bénéficiant du paiement direct,
n'est pas réglé de ses prestations et assigne le maître d'ouvrage.
La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour de Montpellier, aux motifs que le sous-traitant
n'avait pas notifié à l'entrepreneur principal les pièces justificatives servant de base au
paiement. Il s'agit donc d'une règle de forme impérative conditionnant la mise en œuvre du
paiement direct et permettant à l'entrepreneur principal de vérifier la réalité et la pertinence
des sommes réclamées par le sous-traitant. La cour de Montpellier avait considéré que cette
formalité avait seulement pour objet d'apprécier l'ouverture du délai dont dispose
l'entrepreneur principal pour revêtir les documents de son acceptation ou contester le
paiement en cas de délégation imparfaite.
Recours de l'entrepreneur contre le sous-traitant
3 points à retenir :
- La mise en œuvre du paiement direct est conditionnée par le respect de la règle formelle de
l'envoi à l'entrepreneur principal des pièces justificatives.
- L'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage et l'agrément des conditions de
paiement doivent relever d'une volonté sans équivoque de ce dernier.
- La loi du 31 décembre 1975 n'impose au sous-traitant aucune obligation ou démarche
quelconque auprès de l'entrepreneur principal concernant la fourniture d'une caution ou la
délégation de paiement.
Source : Legirama.com – Construction 14/06/2007
2 CCass, 3ème civ. 26 avril 2006, n° 05.10100, Société Bouygues
3 CCass, 3ème civ. 4 janvier 2006, n° 04.13943, Société Pinault Nord-Est
Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 14 mars 2006 Cassation partielle
N° de pourvoi : 03-17298
Inédit
Président : M. WEBER
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les deux premiers moyens, réunis :
Vu l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble l’article 1275 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 14 mai 2003), que la société Scores, aux droits de
laquelle se trouve la société En tous cas France (société ETCF), depuis lors en liquidation
judiciaire, avec pour liquidateur M. X..., avec laquelle la société civile immobilière HSG (la
SCI), maître de l’ouvrage, avait conclu un marché de travaux pour la construction d’un terrain
de tennis, a sous-traité une partie de ces travaux à la société Colas Sud-Ouest (société Colas) ;
que le sous-traitant a assigné le maître de l’ouvrage en paiement ;
Attendu que accueillir la demande, l’arrêt retient, d’une part, que l’action directe du sous-
traitant contre le maître de l’ouvrage est fondée, que l’ensemble des données de l’opération
établit que la présence connue, non contestée et explicitement mentionnées dans les pièces
établies au cours du chantier, de la société Colas à titre de sous-traitant constitue un agrément
tacite, au sens de la jurisprudence, de cette société par le maître de l’ouvrage, en qualité de
sous-traitant, et que les devis, estimatifs et définitifs, établis par la société ETCF pour
l’ensemble des travaux, détaillés, ne se trouvent pas autrement modifiés dans leur montant, in
fine, après que la société Colas eut établi le sien, qui se substituait, pour sa part, aux données
des devis ETCF, d’autre part, qu’est opposable au maître de l’ouvrage, sur le fondement de la
garantie de paiement tacitement accordée par ce dernier en ce qu’il ne s’y est pas opposé, la
délégation de paiement du 26 novembre 1996 consentie au sous-traitant par l’entrepreneur
principal ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la simple connaissance par le maître de l’ouvrage de
l’existence d’un sous-traitant ne suffit pas à caractériser son acceptation ni l’agrément des
conditions de paiement du sous-traité, et sans relever aucun acte manifestant sans équivoque
l’accord du maître de l’ouvrage pour la délégation de paiement proposée par l’entrepreneur
principal, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société HSG à payer à la
société Colas Sud-Ouest les sommes de 25 150,15 euros, avec intérêts au taux légal depuis le
11 mars 1997 et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du
Code civil, 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, 2 500 euros au titre de l’article 700 du
nouveau Code de procédure civile, l’arrêt rendu le 14 mai 2003, entre les parties, par la cour
d’appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Lyon ;
Condamne, ensemble, la société Colas Sud-Ouest et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Colas Sud-Ouest à
payer à la SCI HSG la somme de 2 000 euros ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société
Colas Sud-Ouest et de M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera
transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du quatorze mars deux mille six.
Décision attaquée :cour d’appel de Riom (chambre commerciale) 2003-05-14
Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 26 avril 2006 Rejet.
N° de pourvoi : 05-10100
Publié au bulletin
Président : M. Weber.
Rapporteur : M. Villien.
Avocat général : M. Cédras.
Avocats : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Monod et Colin, SCP Baraduc et Duhamel, Me
Hémery, SCP Defrenois et Levis, SCP Laugier et Caston, SCP Boutet, SCP Parmentier et Didier,
Me Odent, SCP Peignot et Garreau, Me Spinosi.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Donne acte à la société Bouygues bâtiment du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé
contre les sociétés Queen Elisabeth Hôtel, Marquis Hôtels limited partnership, MR architectes,
SIFCA, Tyco FCF, Bredy, Generali assurances Iard, Zurich international, Bayon, Combet Serith,
Cavecchi, Profilane, Détection électronique française (DEF), M. X..., ès qualités, Mme Y..., ès
qualités et la SELAFA MJA, ès qualités ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2004), que la société Hôtel Georges V a fait
procéder à la rénovation totale de l’hôtel qu’elle exploite, avec le concours, notamment, de la
société Duminvest, chargée de la “gestion du projet”, et de la société Bouygues Bâtiment,
entrepreneur ; que les travaux ont occasionné des nuisances aux immeubles voisins, exploités par la
société Queen Elisabeth Hôtel et par la société Marquis Hôtels Limited Partnership (Hôtel Prince de
Galles), qui ont sollicité la réparation de leur préjudice ; qu’à la suite des condamnations
prononcées au profit des victimes, la société Bouygues, alléguant être subrogée dans les droits de
celles-ci après paiement des indemnisations, a sollicité la garantie de ses propres sous-traitants et de
leurs assureurs ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d’appel ayant, par arrêt du 25 septembre 2003 devenu irrévocable après rejet
des pourvois formés contre lui par décision du 22 juin 2005 de la Cour de Cassation, retenu la
responsabilité totale des locateurs d’ouvrage auteurs du trouble anormal de voisinage, en écartant
celle du maître de l’ouvrage, le moyen est devenu sans portée ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que la société Bouygues fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes de garantie formées
contre dix huit sous-traitants et leurs assureurs, alors, selon le moyen :
1 / que, s’il a pour effet d’éteindre la créance à l’égard du créancier, le paiement avec subrogation la
laisse subsister au profit du subrogé qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au créancier
et qui se rattachaient à cette créance immédiatement avant le paiement ;
que l’entrepreneur comme le sous-traitant sont responsables à l’égard des tiers des troubles
excédant les inconvénients normaux du voisinage en sorte que, subrogé dans les droits des voisins
victimes, le maître de l’ouvrage est bien fondé à recourir contre les constructeurs sur le fondement
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