Actes du Congrès ASAC-IFSAM 2000 3
l’opportunisme ? N’aurait-il donc pas un comportement plus complexe ? Pas même s’il s’avèrait
dans la majorité des cas comme opportuniste, serait-il juste de généraliser ? Le bon sens veut
que nous prêtions plus d’attention à nos jugements, notamment lorsqu’il s’agit de construire des
théories et des connaissances sur cette base.
La théorie positive présente malheureusement un individu qui correspond au modèle X de
Mac Grégor. C’est la conception de l’homme paresseux qui aurait besoin de contrôle et de
régulation, qui ne pourrait travailler sans contraintes, qui n’aurait pas d’autonomie et dont la seule
satisfaction serait la rétribution. Le risque d’une telle conception, c’est que l’individu, dans ce
cas, se comporterait à l’image de ce qu’on attend de lui. On produirait, par conséquent des
individus correspondant au modèle présupposé, des individus paresseux. La réalité pourrait être
plus différente, car il y aurait une autre conception de la nature humaine (Y), des individus qui
s’impliqueraient dans leurs travaux, qui voudraient se réaliser dans leurs missions, qui
souhaiteraient avoir plus de responsabilités. Ces individus trouveraient leur satisfaction plus dans
le travail que dans la rémunération. La réalité humaine est très complexe, la réduire à un
comportement opportuniste serait regrettable. Il serait souhaitable d’analyser d’une manière plus
profonde les comportements humains plutôt que d’émettre des présupposés idéologiques.
Les orientations épistémologiques, théoriques et méthodologiques du courant de la théorie
positive ne permettent pas d’analyser le postulat d’opportunisme. En effet, l’étude des
comportements ne relève pas de l’épistémologie naturaliste. Les comportements humains sont
d’une complexité qui suscite une approche non structurée, sans a priori et inscrite dans l’étude
des phénomènes, comme cas particuliers. La réalité humaine, tellement diverse et complexe, ne
devrait pas être soumise à des généralisations et à des comparaisons, au risque de la vider de
tous ses sens, de toutes ses spécificités, de toutes ses particularités. La vie humaine n’est pas
soumise à des lois physiques, elle n’est pas soumise ni à la prévision, ni à la normativité.
L’optimisation serait la conséquence d’une meilleure compréhension du sujet et d’une adéquation
des conditions à cette découverte.
De plus, le cadre théorique emprunté par la théorie positive ne permettrait pas
d’appréhender les facteurs mis en jeu par les choix des dirigeants. L’observation révèle qu’en
effectuant un choix comptable, les dirigeants affichent un comportement intégré, polyphasé et
multidimensionnel, au sens de Mintzberg (1973). En effet, le comportement du dirigeant est une
action ou réflexion non isolée, finalisée, soutenue par une attitude, faisant appel à des
connaissances et à des caractéristiques individuelles en relation dialectique avec l’environnement
organisationnel. Pour cerner les comportements des dirigeants, il faudrait faire appel à un cadre
permettant de saisir la complexité des comportements individuels et des situations ou des
contextes. Cet espace de réflexion s’insère dans les théories étudiant l’être humain en rapport
avec son environnement.
Enfin, la méthodologie adoptée par les chercheurs de la théorie positive de la comptabilité
ne permet pas de saisir les traits du comportement du dirigeant qui est soumis à une double
totalité, à savoir une totalité psychique et une totalité systémique de l’organisation. La
construction scientifique à laquelle aboutit la théorie positive est une image d’une expérience
morcelée. Les résultats ressemblent à une juxtaposition d’éléments plutôt qu’à une vision
globale, totalitaire et intégrée. Le morcellement est observé au niveau des politiques comptables
ainsi que de leurs déterminants. La politique comptable se traduit certes par un ensemble de
choix comptables, mais pourrait–elle être considérée comme la somme arithmétique de ces
choix ? Ne serait-elle pas plutôt une notion plus complexe qu’un simple agrégat de choix ?