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L’homophobie est une forme particulière de l’hétérosexisme qui est lui-même une forme
particulière du sexisme. Comme les autres formes de stigmatisation, l’hétérosexisme est régie
par une catégorisation du champ social produisant des dichotomies spécifiques : l’homme vs
la femme, le masculin vs le féminin, l’hétérosexualité vs l’homosexualité. Ce processus
conduit à une sorte de naturalisation des catégories alors que les critères des catégorisations
sont socialement construits et répondent à une norme collective plutôt qu’à un fonctionnement
intrinsèque6.
En outre, cette catégorisation est sous tendue par des rapports de pouvoir. L’homophobie
ordonne une hiérarchisation des sexualités au profit de l’hétérosexualité. Cette forme
spécifique du sexisme rejette également tous ceux qui ne se conforment pas au rôle
prédéterminé par leur sexe biologique : travestis, transsexuels, bis, hétérosexuels dont la
personnalité ne colle pas aux stéréotypes de genre,… Ainsi, celui qui lance l’insulte « pédé »
décrie souvent un non-respect des attributs masculins dit « naturels » plutôt qu’il ne songe à la
véritable orientation sexuelle de la personne. L’homophobie deviendrait ainsi la gardienne des
frontières sexuelles (hétéro/homo) et du genre (masculin/féminin)7.
L’homophobie serait donc liée à une conception rigide des frontières entre les genres et d’une
vision du masculin et du féminin comme nécessairement complémentaires. Une collègue, qui
a été personnellement et professionnellement traversée par ces questions, parle des
représentations mentales qui sont heurtées par l’homosexualité :
« De toute façon, l’homosexualité, pourquoi est-ce qu’elle gêne ? C’est parce que
dans les représentations des gens, tu n’es plus face à un homme viril, avec toutes
les caractéristiques qu’on attribue d’habitude aux hommes, qui est en relation
avec une femme qui a les caractéristiques à l’opposé : douceur, etc.
L’homosexualité, elle vient remettre ça en question. Elle vient dire qu’il y a
parfois des hommes qui se suffisent à eux-mêmes, et certaines femmes entre elles
qui se suffisent à elles-mêmes. Et donc, tu remets en question la complémentarité
du masculin et du féminin. C’est pour ça qu’il y a tellement d’homophobie. C’est
tout, c’est aussi simple que ça. »
Pour Castaneda, machisme et homophobie sont toujours liés. Ainsi, plus la définition des
rôles masculins et féminins est rigide dans une société, plus le machisme sera présent, et plus
il y aura d’homophobie car l’homosexuel sera perçu comme transgressant les rôles de genre
en vigueur. La lutte contre l’homophobie va donc de pair avec la lutte pour l’équité des sexes,
et ce dans tous les domaines 8.
Des écarts de logique
Les jeunes rencontrés lors de ces animations et les difficultés récurrentes des animateurs
montrent combien un discours sur une altérité reste laborieux dans des contextes sociaux de
précarité et combien aussi il s’agit de mesurer les enjeux des écarts de logiques dans notre
faculté à comprendre et à poser un regard sur la clinique.
6 Caroline DAYER, « Souffrance et homophobie. Logique de stigmatisation et processus de socialisation », In Homosexualités et
stigmatisation, sous la dir. de Susan HEENEN-WOLFF, Paris, PUF, 2010
7 Daniel BORRILLO, « L’homophobie : comment la contrer ? », ibid
8 Marina CASTANEDA, Entretien retranscrit dans THORENS-GAUD, E., Adolescents homosexuels, des préjugés à l’acceptation,
Lausanne, Favre S.A., 2009