N ° 114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
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généraux » (voir p.50). Or c’est également alors qu’ex-
plose la consommation. Il faut pouvoir stocker les mar-
chandises aux abords des grandes métropoles : c’est la
naissance de Sogaris à Rungis, puis en 1970, de Garo-
nor, un parc édifi é sur les communes d’Aulnay-sous-
Bois et de Blanc Mesnil (93), à l’intersection de l’A1 et
de l’A3 et à proximité immédiate du tout nouvel aéro-
port Roissy Charles de Gaulle. La société de consom-
mation est alors à son apogée. La grande distribution,
ses supermarchés et ses hypermarchés vont progressi-
vement changer les habitudes des consommateurs et
déplacer les zones de chalandise vers les périphéries
des villes. Les industriels et les distributeurs vont revoir
leurs schémas de distribution et chercher à mieux
maîtriser leurs coûts d’entreposage, de manutention
et de transport. L’industrie se pose les mêmes ques-
tions, à l’image de l’automobile qui depuis plusieurs
années déjà est passée maître dans l’art de la grande
série à moindre coût, en s’inspirant des méthodes de
juste-à-temps mises au point par Taiichi Ohno chez
Toyota, afi n d’éliminer les stocks superfl us en partant
du besoin du consommateur. Les universitaires s’ins-
pirent de ses pratiques, les théorisent. Les consultants
s’en emparent. On parle à présent de gestion des fl ux.
Symbole de cette évolution, en 1985, le magazine «
Manutention Stockage » change de nom pour devenir
Logistique Magazine.
L’émergence du métier de logisticien
Les années 80 sont marquées par l’émergence d’un
nouveau métier, celui de logisticien. L’entrepôt devient
dès lors le poumon dont la respiration et le souffl e
conditionnent la vitesse du fl ux. Dans cet esprit, on
parle désormais de « gestion d’entreposage » pour
désigner les opérations qui s’y rattachent. Et pour la
faciliter apparaissent les 1ers outils informatiques (qui
ne s’appellent pas encore WMS) qui vont permettre
de gérer plus fi nement les références et les empla-
cements. La logistique devient une discipline recon-
nue et qui s’organise (dans des associations comme
l’Aslog, par exemple). Souvent issus du transport
(Calberson) ou de l’emballage (Tailleur Industries),
les prestataires logistiques s’imposent progressive-
ment comme une alternative à la gestion interne des
fl ux de marchandises. Ce sont alors des entreprises
de taille relativement modeste. Certaines remplissent
correctement leur mission, d’autres évoluent encore
dans des bâtiments qui ne sont pas sans rappeler cer-
tains ouvrages de Zola. Il en est un qui à l’époque se
distingue très nettement par sa vision, ses pratiques
et ses bâtiments qui ne ressemblent à aucun autre. Ce
transporteur de l’est de la France, reconverti dans la
gestion d’entreposage, s’appelle Faure et Machet (puis
FM Logistic). Au début des années 90, en arrivant à
Brumath où se situe son entrepôt « historique », on
est comme projeté dans l’avenir : un bâtiment XXL,
au design atypique et élégant, où règnent l’ordre, la
propreté, le souci du détail… rien ne semble laissé au
hasard. Tous ses sites vont être conçus avec le même
design, la même harmonie architecturale, ce qui est
nouveau pour des bâtiments qui se voulaient résolu-
ment fonctionnels et ressemblaient plus souvent à des
« boîtes à chaussures » qu’à des lieux de vie.
Un humble serviteur de l’entreprise
Durant les décennies suivantes, le changement est
très net. Les bâtiments, qui faisaient rarement plus de
20.000 m², deviennent plus imposants et leur look,
plus recherché. Les entreprises de logistique aussi ont
grossi ! Certaines sont devenues de puissants groupes
internationaux qui dépassent à présent le Md€ de CA.
Il est frappant de constater qu’à cette évolution des
bâtiments correspond une évolution du métier. Qu’il
s’agisse de prestataires ou de directeurs logistique
industriel ou distributeur, tous ces professionnels sont
reconnus comme des experts d’un domaine pointu
et complexe, comme des spécialistes de la Supply
Chain. Le bâtiment logistique refl ète cette transfor-
mation. En effet, les projets intègrent désormais une
forte dimension environnementale. On attache une
grande importance à la sécurité, au bien-être des
collaborateurs. Les process se sont modernisés. Cer-
tains entrepôts sont désormais mécanisés, automati-
sés, voire robotisés. Sur des sites pilotes, des drones
dressent l’inventaire. L’entrepôt n’est plus un bâti-
ment sans âme, sans valeur ajoutée. Comme la logis-
tique, c’est un concentré d’intelligence et de perfor-
mances humaines et techniques. Et malgré son rôle
essentiel dans la chaîne et sa taille de géant, il reste
dans son rôle humble et discret, serviteur de l’entre-
prise. A l’avenir, l’économie d’usage, l’impression 3D,
les stocks circulants, le boom des livraisons urbaines
… pourraient encore le transformer… ■
JEAN-PHILIPPE GUILLAUME ET JEAN-LUC ROGNON
©SOGARIS 2 VAUDOU LUTHI 69
©FONDS SUCHARD
1967
Le 1er bâtiment
de Garonor
est construit.
Il a été dessiné par
l’architecte Bernard
Zehrfuss, qui
a imaginé le CNIT
à la Défense ou
les bâtiments de
l’Unesco à Paris.
1967
Inauguration de la gare routière
Sogaris sur la commune
de Rungis, imaginée par
les architectes Reymond Luthi
et Olivier Vaudou. Inédit pour
l’époque : les bâtiments à
charpente métallique sont équipés
de quais dotés de plates-formes
mobiles qui ajustent leur hauteur
à celles des châssis des camions.
1967
Chocolat Suchard S.A.
à Neuchâtel inaugure
un grand entrepôt
automatique qui peut
contenir 5.000 palettes.
Les 2 gerbeurs peuvent
faire entrer ou sortir
60 palettes/h. Le pilotage
est assuré par un ordinateur
à cartes perforées.