De l`entrepôt à la plate-forme logistique

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L’entrepôt, chronique
d’une mutation réussie
©DR
©DR
1952
Le code-barres et le
système d’acquisition
de données associé
créés par
2 étudiants américains,
Norman Woodland
et Bernard Silver.
1954
Création de la
1ère palette standardisée
et réutilisable par l’UIC
(Union Internationale
des Chemins de fer).
Ses dimensions
sont adaptées
à celles des wagons.
1956
Retrak,
le 1er chariot
à mât rétractable
imaginé par
Jungheinrich.
©JUNGHEINRICH
44 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
1959
1960
Demag
(futur Dematic)
développe et construit
son 1er transstockeur,
chez Bertelsmann,
en Allemagne.
©DEMATIC
1ère version de
la fiche UIC 435-2
qui standardise
la palette bois Europe
80 x 120 cm
telle qu’on la connaît
aujourd’hui.
Dernièrement, lors d’un évènement organisé par Prologis sur le changement en Supply Chain, le
philosophe André Comte-Sponville a rappelé fort à propos ce proverbe africain : « Lorsque tu ne sais
pas où tu vas, regarde d’où tu viens ». L’ambition de ce dossier, agrémenté au fil de ses pages de
nombreux témoignages et d’une frise chronologique, est d’abord de remonter le temps pour mesurer
la mutation opérée par l’entrepôt logistique durant les 7 dernières décennies, mais aussi de donner
quelques pistes sur les évolutions à venir.
Dans les années 60, l’immobilier logistique se résume
encore à des bâtiments classiques, de taille relativement modeste, souvent mal éclairés, parfois sur plusieurs niveaux. C’est encore l’époque des « magasins
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70-71
71
72-73
1961
La société
allemande
Stöhr construit
le 1er entrepôt
totalement
automatisé
aux Etats-Unis,
capable de traiter
jusqu’à 15.000
commandes/j.
©DEMAG
1963
Création
de l’IFTIM (Institut
de Formation
aux Techniques
d’Implantation et
de Manutention)
par les sociétés
exerçant des activités
de manutention
et d’entreposage.
Années 50-60. L’entrepôt au service des 30 Glorieuses
Le magasin général, précurseur de l’entrepôt
à valeur ajoutée ?
Marie-Françoise Courtin, Fedimag
Années 70. À la recherche de performance
Jean Damiens, E.S.T.
« Plus il y a d’innovations technologiques,
plus on divise le travail »
Michel Martin, M2 Consulting
« L’essor de la grande distribution
a transformé la logistique »
Années 80. Quand l’entrepôt s’ouvre au monde
extérieur
Jean-Pierre Gautier, ACSEP
Les années 80, c’est la véritable prise de conscience
de la logistique »
Luc Marcus, LMC Conseil
L’arrivée de la micro-informatique a changé
beaucoup de choses
Années 90-2000. Apogée des S.I., du temps réel et
des prestataires logistiques
Claude Samson, Afilog
Les années 2000, charnières dans l’évolution
des entrepôts
Laurent Horbette, Gicram
De l’entrepôt à la plate-forme logistique
Marc Riot, Jungheinrich
Les débuts de la mécanisation remontent aux années 60
Pierre Marol, Alstef
L’explosion de la préparation de commandes au colis
a tout changé
Marco Simonetti, Segro
L’e-commerce imprime sa marque
Années 2010 et au-delà. Des entrepôts plus singuliers,
pour des usages pluriels
1964
Le constructeur britannique
Lansing Bagnall (racheté par
le groupe Linde en 1989)
innove avec un étrange engin,
le FAES1, le 1er des chariots
tri-directionnels, qui permettront
plusieurs années plus tard,
de réduire les largeurs d’allées
dans certains entrepôts pour
augmenter la capacité de stockage.
©NATIONAL FORK TRUCK HERITAGE CENTRE
Q
u’est-ce qu’un entrepôt si ce n’est
4 murs et 1 toit ? Pour rapide
qu’elle soit, cette définition n’est
pas entièrement fausse. Elle n’est
pas non plus totalement vraie :
en dehors de son ossature en
béton, les équipements, la technologie, les process et le design ont fait du bâtiment
logistique l’outil central d’un dispositif incroyablement complexe. Et si l’on s’attache à observer son
évolution depuis 7 ou 8 décennies (autant dire la préhistoire !), on se rend compte qu’il s’est transformé
à mesure que la logistique s’est professionnalisée. Le
voyage s’annonce passionnant. Au début des années
50, juste après la guerre, la France entrait dans une
ère nouvelle, marquée par une forte croissance et une
formidable envie de consommer. Les produits sont
alors stockés d’une manière très hasardeuse dans des
hangars industriels ou les docks, vestiges du XVIIIe
siècle, que l’on retrouve surtout dans les zones portuaires ou à proximité des fleuves. Les opérations de
manutention et d’entreposage s’effectuent plus ou
moins empiriquement. L’utilisation de la palette, imaginée 10 ans plus tôt aux Etats-Unis, va révolutionner
la conception du stockage à l’intérieur des bâtiments.
Avec pour effet de développer l’usage du chariot
élévateur qu’un certain Eugène Clark avait inventé
au début du XXe siècle outre-Atlantique, et dont le
concept avait été repris par d’autres constructeurs,
dont Fenwick, qui créa le 1er chariot élévateur français, en 1926. Il ne restait plus qu’à inventer les racks.
Dès lors, l’entrepôt moderne était né.
1965
Création en France
du 1er système
de stockage
automatique avec
transstockeurs
(par la CGMS,
qui deviendra
plus tard Alstef).
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
45
L’émergence du métier de logisticien
Les années 80 sont marquées par l’émergence d’un
nouveau métier, celui de logisticien. L’entrepôt devient
dès lors le poumon dont la respiration et le souffle
conditionnent la vitesse du flux. Dans cet esprit, on
parle désormais de « gestion d’entreposage » pour
désigner les opérations qui s’y rattachent. Et pour la
faciliter apparaissent les 1ers outils informatiques (qui
ne s’appellent pas encore WMS) qui vont permettre
de gérer plus finement les références et les emplacements. La logistique devient une discipline reconnue et qui s’organise (dans des associations comme
l’Aslog, par exemple). Souvent issus du transport
(Calberson) ou de l’emballage (Tailleur Industries),
les prestataires logistiques s’imposent progressivement comme une alternative à la gestion interne des
flux de marchandises. Ce sont alors des entreprises
de taille relativement modeste. Certaines remplissent
correctement leur mission, d’autres évoluent encore
1967
Le 1er bâtiment
de Garonor
est construit.
Il a été dessiné par
l’architecte Bernard
Zehrfuss, qui
a imaginé le CNIT
à la Défense ou
les bâtiments de
l’Unesco à Paris.
1967
Inauguration de la gare routière
Sogaris sur la commune
de Rungis, imaginée par
les architectes Reymond Luthi
et Olivier Vaudou. Inédit pour
l’époque : les bâtiments à
charpente métallique sont équipés
de quais dotés de plates-formes
mobiles qui ajustent leur hauteur
à celles des châssis des camions.
46 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
©SOGARIS 2 VAUDOU LUTHI 69
dans des bâtiments qui ne sont pas sans rappeler certains ouvrages de Zola. Il en est un qui à l’époque se
distingue très nettement par sa vision, ses pratiques
et ses bâtiments qui ne ressemblent à aucun autre. Ce
transporteur de l’est de la France, reconverti dans la
gestion d’entreposage, s’appelle Faure et Machet (puis
FM Logistic). Au début des années 90, en arrivant à
Brumath où se situe son entrepôt « historique », on
est comme projeté dans l’avenir : un bâtiment XXL,
au design atypique et élégant, où règnent l’ordre, la
propreté, le souci du détail… rien ne semble laissé au
hasard. Tous ses sites vont être conçus avec le même
design, la même harmonie architecturale, ce qui est
nouveau pour des bâtiments qui se voulaient résolument fonctionnels et ressemblaient plus souvent à des
« boîtes à chaussures » qu’à des lieux de vie.
Un humble serviteur de l’entreprise
Durant les décennies suivantes, le changement est
très net. Les bâtiments, qui faisaient rarement plus de
20.000 m², deviennent plus imposants et leur look,
plus recherché. Les entreprises de logistique aussi ont
grossi ! Certaines sont devenues de puissants groupes
internationaux qui dépassent à présent le Md€ de CA.
Il est frappant de constater qu’à cette évolution des
bâtiments correspond une évolution du métier. Qu’il
s’agisse de prestataires ou de directeurs logistique
industriel ou distributeur, tous ces professionnels sont
reconnus comme des experts d’un domaine pointu
et complexe, comme des spécialistes de la Supply
Chain. Le bâtiment logistique reflète cette transformation. En effet, les projets intègrent désormais une
forte dimension environnementale. On attache une
grande importance à la sécurité, au bien-être des
collaborateurs. Les process se sont modernisés. Certains entrepôts sont désormais mécanisés, automatisés, voire robotisés. Sur des sites pilotes, des drones
dressent l’inventaire. L’entrepôt n’est plus un bâtiment sans âme, sans valeur ajoutée. Comme la logistique, c’est un concentré d’intelligence et de performances humaines et techniques. Et malgré son rôle
essentiel dans la chaîne et sa taille de géant, il reste
dans son rôle humble et discret, serviteur de l’entreprise. A l’avenir, l’économie d’usage, l’impression 3D,
les stocks circulants, le boom des livraisons urbaines
… pourraient encore le transformer… ■
JEAN-PHILIPPE GUILLAUME ET JEAN-LUC ROGNON
1967
Chocolat Suchard S.A.
à Neuchâtel inaugure
un grand entrepôt
automatique qui peut
contenir 5.000 palettes.
Les 2 gerbeurs peuvent
faire entrer ou sortir
60 palettes/h. Le pilotage
est assuré par un ordinateur
à cartes perforées.
©FONDS SUCHARD
généraux » (voir p.50). Or c’est également alors qu’explose la consommation. Il faut pouvoir stocker les marchandises aux abords des grandes métropoles : c’est la
naissance de Sogaris à Rungis, puis en 1970, de Garonor, un parc édifié sur les communes d’Aulnay-sousBois et de Blanc Mesnil (93), à l’intersection de l’A1 et
de l’A3 et à proximité immédiate du tout nouvel aéroport Roissy Charles de Gaulle. La société de consommation est alors à son apogée. La grande distribution,
ses supermarchés et ses hypermarchés vont progressivement changer les habitudes des consommateurs et
déplacer les zones de chalandise vers les périphéries
des villes. Les industriels et les distributeurs vont revoir
leurs schémas de distribution et chercher à mieux
maîtriser leurs coûts d’entreposage, de manutention
et de transport. L’industrie se pose les mêmes questions, à l’image de l’automobile qui depuis plusieurs
années déjà est passée maître dans l’art de la grande
série à moindre coût, en s’inspirant des méthodes de
juste-à-temps mises au point par Taiichi Ohno chez
Toyota, afin d’éliminer les stocks superflus en partant
du besoin du consommateur. Les universitaires s’inspirent de ses pratiques, les théorisent. Les consultants
s’en emparent. On parle à présent de gestion des flux.
Symbole de cette évolution, en 1985, le magazine «
Manutention Stockage » change de nom pour devenir
Logistique Magazine.
Années 50-60
L’entrepôt au service des 30 Glorieuses
Dans le contexte de croissance économique des 30 Glorieuses, être le moteur de la logistique, parce
l’entrepôt moderne voit le jour, utilisant des standards de manutention et que ce sont des secteurs très concurrentiels. Se développent ainsi dans les
des palettes au sein d’une approche logistique fragmentée.
A
près la 2nde guerre mondiale où la logistique militaire du Débarquement allié a
eu une importance décisive, les entrepôts
se développent pour servir la reconstruction et la croissance économique des
30 Glorieuses. « La prise de conscience par l’entreprise de problèmes logistiques remonte au début des
années 1960, lorsqu’il a fallu traduire sur le terrain
des flux physiques les options ambitieuses du marketing naissant, fonction avec laquelle la logistique a
d’emblée entretenu d’étroites proximités », explique
le professeur Jacques Colin, dans Le Supply Chain
management existe-t-il réellement ? (Revue française de gestion, 2005).
Dans les années 50 sont construits de grands sites
comme celui du Citrail à Pantin. Les entrepôts sont
encore souvent la propriété des chambres de commerce,
connus sous le nom de magasins généraux. Dans les
années 50 et 60, de petits entrepôts avec des magasiniers polyvalents cohabitent avec de plus grandes
structures où la division du travail fordiste règne, entre
réception, stockage, préparation et expédition.
Standards de manutention
« Les spécialistes logistiques militaires démobilisés
après la fin de la 2nde guerre mondiale vont transposer
leur savoir-faire au monde de l’entreprise. Cependant,
du fait de la reconstruction, la recherche d’optimisations opérationnelle ne débute que dans les années 60,
explique Vincent Criton, Consultant de l’entité Excellence Opérationnelle chez Capgemini. On observe dans
un 1er temps des optimisations disjointes (stocks d’un
côté, production de l’autre) où la démarche est avant
tout productiviste. Elle vise à réduire le coût des opérations et à améliorer la circulation des flux, sans chercher une optimisation globale des processus. » Les flux
logistiques sont traités par la voie quantitative. Les
entreprises du secteur automobile et de la grande distribution, qui naît en France au début des années 60, vont
1970
Achèvement des travaux
d’un grand entrepôt pour
la société de fret Calberson,
situé sur le côté sud du
boulevard Macdonald, dans
le 19e arrondissement de
Paris. C’est l’un des plus
grands bâtiments de Paris,
avec 617 m de long et une
emprise au sol de 5,5 ha.
1972
Création de Association
des logisticiens
d’entreprise,
qui deviendra
l’ASsociation française
pour la LOGistique
(ASLOG).
Son 1er Président est
le Directeur Logistique
de Kléber
48 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
années 60 de véritables méthodes tayloristes dans l’entrepôt : accompagnant une production
de masse de plus en plus efficace et la standardisation
des produits, la notion de gestion des coûts intervient.
Des standards de manutention divisent les mouvements
en opérations de base dotées d’un temps standard de
réalisation. Ainsi, la circulation des flux de marchandises est étudiée, mais les différentes fonctions logistiques sont encore séparées : si le responsable d’entrepôt
cherche à réduire le coût de fonctionnement de son site,
et le directeur industriel à réduire les stocks, l’approche
fragmentée limite l’efficacité, qui reste partielle.
Dans les années 60 débute également l’adressage
manuel pour connaître l’emplacement des produits
dans l’entrepôt. « Il s’effectue sur des fiches en carton, et on tenait à jour le « Cardex », c’est-à-dire le
fichier des emplacements », explique Jean Damiens,
Directeur de l’Ecole Supérieure des Transports.
La palette, sésame vers la modernité
L’arrivée de la palette en 1954, sa standardisation
avec la palette bois Europe en 1960, puis sa généralisation progressive représentent une rupture. Ce
support de manutention et de stockage pousse à la
mécanisation de l’entrepôt et au développement de
l’usage de palettiers et de chariots élévateurs. En
1963, l’Institut de Formation aux Techniques d’Implantation et de Manutention (IFTIM) est créé par
les sociétés exerçant des activités de manutention et
d’entreposage. Il forme les caristes qui conduisent les
engins de manutention.
Dans les années 60, les entrepôts sont pour la plupart
embranchés fer, car les réseaux ferrés transportent
une grande partie du fret, devant les transports routiers qui eux, poussent à la création des gares routières, comme, en 1967, Garonor au nord de Paris
et Sogaris au sud de la capitale. En Ile-de-France,
le développement logistique s’accélère à partir des
années 60, avec un déploiement du parc d’entrepôts,
surtout en proche couronne. ■ CHRISTINE CALAIS
1972
Les premiers AGV
(Automated Guided
Vehicule) font leur
entrée dans une usine
de production automobile,
chez Volvo, en Suède.
Ils sont conçus
par la société NDC,
qui deviendra
Kollmorgen en 2009.
©VOLVO
1974
Scan du
1er produit doté
d’un code-barres,
un paquet de
gomme à
mâcher de la
marque William
Wrigley Jr.
(à Troy dans
l’Ohio)
1974
Débuts
des échanges
de données
Gencod, d’abord
via bandes
magnétiques,
puis 2 ans
plus tard,
via disquettes.
©FENWICK - ARCHIVES NATIONALES DU MONDE DU TRAVAIL
SOGARIS
1
2
©FENWICK-ARCHIVES NATIONALES DU MONDE DU TRAVAIL
1. Sogaris - Vaudou
et Luthi architectes
2. Fenwick - Manutention
de bobines de fils et corde
avec chariot élévateur
à fourches
3. Calberson 1964
4. Expéditions Suchard
1967 - F. Perret
5. Fenwick - Manutention
de fûts métalliques
avec chariots élévateurs
à fourches
6. Fenwick - Manutention
de bobines de fils et
corde avec chariot élévateur
à fourches
3
SOGARIS
©FENWICK-ARCHIVES NATIONALES DU MONDE DU TRAVAIL
5
©SUCHARD
6
4
1975
Publication
des règles de sécurité
communes définies
par les constructeurs
adhérents au Simma
(Syndicat des matériels
de manutention)
pour la conception
des équipements
de stockage.
1976
Achèvement
des entrepôts
du boulevard Ney,
embranchés sur les
voies de chemins
de fer de la petite
ceinture et sur celles
menant et partant
aux gares du Nord
et de l’Est.
1976
Bito conçoit
ses 1ers
rayonnages
dynamiques
©Gamme de
colis et palettes
rayonnages
dynamiques
en 1976 pour
Bito Systèmes
le marché
déployés chezBosch (1979).
allemand. Il ne
l’introduira en France
qu’en 1986.
1977
Le code-barres
EAN (European
Article
Numbering)
à 13 chiffres
est officiellement
adopté en Europe.
1979
Les 1ers progiciels
de gestion
d’entrepôt
font leur apparition
en France
1979
Le sans-fil arrive
en Allemagne :
1er réseau
infrarouge
à 125 kbits/s
utilisé sur
un site Volkswagen
à Wolfsburg.
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
49
Marie-Françoise Courtin,
Présidente de la Fedimag
Le magasin général, précurseur
de l’entrepôt à valeur ajoutée ?
quera à l’ensemble des entrepôts
quelques décennies plus tard.
Quand Marie-Françoise Courtin rejoint la Fedimag après
des études de droit et Sciences
Po, au milieu des années 60, celle-ci regroupe environ 400 acteurs, et un parc hétérogène d’entrepôts et
de magasins généraux. Certains acteurs sont en lien
avec des structures de développement économique
territorial ou des organisations ad hoc, comme à
Cognac. Les autres sont des propriétaires immobiliers
partie-prenante de la chaîne de distribution. Dans les
années 70, beaucoup quittent les villes et bien des
entrepôts historiques sont rasés, les magasins généraux demandant le transfert de leur agrément vers
de nouveaux bâtiments.
Acteurs-clés du stockage de marchandises dans l’après-guerre, l’histoire des magasins généraux court sur presque 170 ans, jusqu’à aujourd’hui. Leur raison d’être va
au-delà de l’entreposage, et ils ont été l’une des matrices de l’entrepôt moderne, selon
Marie-Françoise Courtin, Présidente de la Fedimag.
C
réés par la 2e République en 1848, les Magasins
Généraux ont prospéré en étant dédiés à des
catégories de produits alimentaires (céréales,
sucres, alcools, etc.) ou de matières premières (charbon, liège…), jusqu’à des produits manufacturés. Mais
le magasin général n’est pas
qu’un espace de stockage : les
marchandises qu’une entreprise
y dépose lui ouvrent un principe
de mise en gage associé à des
titres endossables, les warrants.
La formule limite les immobilisations liées au stock, sorte d’alternative au crédit pour financer son développement.
©DR
A la croisée de l’histoire
et de la réglementation
« Cela a contribué à l’attractivité du modèle, et nombre
d’entrepôts étaient développés dans la perspective de
devenir des magasins généraux », indique Marie-Françoise Courtin, Présidente de la Fedimag. L’organisation
remonte à la création d’un syndicat professionnel dès
1921, et son nom perdure bien qu’il ne renvoie plus
exactement à Fédération des entrepositaires, distributeurs et magasins généraux. Mais si une étape-clé
est à mentionner, selon elle, c’est l’ordonnance du
6 août 1945 qui encadre le statut de magasin général :
« Celui-ci relève jusqu’à aujourd’hui d’un agrément de
l’Etat délivré par les préfectures, entrepôt par entrepôt,
avec différents avis à documenter. Figurait aussi une
limitation de la taille des cellules à 3.500 m², en lien
avec des exigences en matière de sécurité », note-telle, faisant le lien avec la réglementation qui s’appli1980
L’Euromarché
d’Evry est
le 1er magasin
équipé
de scanners
codes-barres.
1982
Création de la
1ere plate-forme de
Faure et Machet,
à Brumath
(5.000 m2),
qui marque le
démarrage des
activités d’entreposage
du transporteur, précurseur
dans ce domaine.
50 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
©FM LOGISTIC
La convergence de nouveaux acteurs
Emerge ensuite la logistique comme secteur d’activité,
suscitant l’intérêt de la grande distribution et surtout
de transporteurs routiers visant des créneaux plus
générateurs de marge. Il y a 30 ans, certains comme
Bolloré, FDS ou Danzas vont frapper à la porte de
la Fedimag, qui mettra du temps à s’ouvrir, reconnaît
Marie-Françoise Courtin. En 1996, la fédération accolera à son intitulé les termes d’entrepôts, prestataires
logistiques et magasins généraux agréés par l’Etat.
L’organisation regroupe alors 190 sociétés totalisant
12 M de m² et 15 MdF de CA. Sous couvert de logistique cependant, certains acteurs mettent à mal des
installations existantes, selon elle, ou développent des
projets de grande envergure mais de piètre qualité
immobilière, revenant à détériorer les conditions de
travail. Quant à la course au gigantisme qui s’emballe
jusqu’à nos jours, elle s’accompagne aussi de besoins
en petites surfaces plus proches des centres villes, en
lien avec la logistique urbaine. Quitte à faire écho au
profil des entrepôts et magasins généraux d’il y a
60 ans ? ■ MAXIME RABILLER
1983
Lancement de FDS
(France Distribution
Système),
le 1er prestataire
de services logistiques
au niveau national, par
9 spécialistes régionaux
de la logistique et du
transport pour la grande
distribution.
1984
1984
La SCA Monoprix,
La Redoute
l’Union Générale des
lance son service
Savonneries et Bridel
« 48H Chrono »
commencent à échanger
des messages EDI
via un centre serveur
informatique opéré
par la société Sligos.
C’est l’époque
des mini-ordinateurs.
Années 70
A la recherche de performance
La crise économique de 1973 pousse les entreprises à penser en termes de coûts et avec l’utilisation du code-barres
de flexibilité, dans le cadre d’une démarche logistique inter-fonctionnelle, vecteur de pour codifier l’information du
modernité de l’entrepôt.
produit ou du contenant.
La prestation logistique reste
vec la crise économique et des clients qui au stade artisanal. « Dans les années 1970, les
deviennent plus exigeants, les entreprises industriels font appel aux transporteurs locaux
souhaitent améliorer leur qualité et leur pour faire du stockage, se souvient Michel Marflexibilité. L’offre doit se diversifier tout en res- tin, Consultant, M2 Consulting, qui a démarré
tant rentable. Les entreprises veulent optimiser sa carrière en 1976 dans la société de transport
leurs opérations logistiques, tout en réduisant des frères Tardy. Chaque industriel avait quelques
leurs coûts. La fonction logistique commence à se dizaines de références à stocker, en vrac, dans des
structurer dans les grandes entreprises. On passe entrepôts à sol bitumé. La question de la durée du
progressivement à une logistique inter-fonction- stockage n’en était pas encore une. Les besoins de
la grande distribution grandissant, les industriels
qui ne savent pas y répondre se tournent vers les
prestataires. »
La grande distribution change la donne
Selon Michel Martin, le développement de la
grande distribution va bouleverser la logistique.
La grande distribution a besoin d’entrepôts régionaux de 3.000 à 5.000 m2 et d’une forte réactivité
pour effectuer le réassort en magasin. Si en 1965,
2 ans après l’ouverture du 1er hypermarché Carrefour en Essonne, à Sainte-Geneviève-des-Bois, les
supermarchés et hypermarchés assurent respectivement 2 et 3 % de la distribution de l’ensemble
des produits, en 1982, ils en assurent 20 % (plus
de 30 % en alimentaire). ■ CHRISTINE CALAIS
Entrepôt des années 75 archives Gemfi
Entrepôt
Calberson
1985
1ers systèmes
à gares pour
la préparation
de commandes
de détail,
notamment
installés
par Savoye.
nelle, dans une optique de coordination, point de départ d’une
logistique intégrée. La hauteur
des entrepôts augmente. Ils sont
de plus en plus équipés de chariots électriques pour transporter
les palettes et charger/décharger
plus rapidement les camions. La majorité des
transports sont effectués en compte propre.
L’informatisation démarre, avec l’apparition des
1ers progiciels de gestion intégré en 1979. L’identification automatique naît avec la création du
code UPC (Universal Product Code) en 1970,
1986
Lancement
du système
d’exploitation
Windows 1
de Microsoft à
l’international
1986
FDS ouvre à Créteil le
1er dépôt central multi-industriel,
de 20.000 m2 (revendu à
La Poste en 1994, puis réhabilité
par Sogaris en 2015).
©JL.ROGNON
52 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
1989
1ère opération de
gestion partagée des
approvisionnements
(GPA) entre l’entrepôt
Unisabi d’Orléans et
celui de Logidis, entité
logistique de l’enseigne
Continent. Les 1ers
échanges de données
s’effectuent par Minitel.
©GROUPE KION
©CALBERSON
©GEMFI
A
1989
Naissance de l’AFT-Iftim,
organisme de formation professionnelle en
Transport Logistique issu
du rapprochement entre
l’AFT (Association pour
le développement de la
Formation professionnelle
dans les Transports, créée
en 1957) et l’Iftim.
1990
1ers réseaux
hyperfréquence
à 2,4 GHz
en Europe
Jean Damiens,
Directeur de l’Ecole Supérieure des Transports
Supply Chain Magazine : Comment ont évolué
les métiers dans l’entrepôt dans la 2nde moitié du
XXe siècle ?
Jean Damiens : A l’origine, il y avait des magasiniers polyvalents dans de petites structures. Progressivement, plus l’entrepôt prend en taille et en hauteur, plus on divise le travail. Et plus les technologies
créent des ruptures, plus on divise aussi le travail du
fait du besoin de qualification. Ainsi, les chariots élévateurs qui arrivent progressivement dans l’entrepôt
à partir de la fin des années 50, d’abord pour gerber
les palettes, créent le métier de cariste. Puis le développement des chariots grande hauteur pour allées
étroites au début des années 90 segmente le métier
de cariste selon le type d’engin à conduire. Le Cacès
(certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) fait
son apparition en 1998.
SCMag : Qu’est-ce qui accélère la diversification des
métiers dans l’entrepôt ?
J.D. : Dès les années 80 dans l’industrie
agroalimentaire, l’entrepôt devient un lieu
d’opérations à valeur ajoutée : conditionnement, emballage, étiquetage, copacking,
kitting. Puis la différenciation retardée tend
à se généraliser dans les années 90, multipliant les fonctions dans l’entrepôt. Ainsi,
quand j’étais Directeur des Opérations
Logistiques au lancement de Disneyland
Paris, en 1992, les bonbons étaient conditionnés en boîtes acétate et étiquetés dans l’entrepôt,
qui fonctionnait 7 j/7.
©C.POLGE
« Plus l’entrepôt grandit et plus on divise le travail »
SCMag : Quand le bien-être des salariés devient-il une
préoccupation importante ?
J.D. : Dans les années 90, un effort est fait sur l’ergonomie des postes de travail et sur les procédures hygiène et
sécurité. Dans les années 2000 apparaît l’échauffement
musculaire des équipes avant la prise de poste. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTINE CALAIS
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
53
Michel Martin,
Consultant M2 Consulting
« L’essor de la grande distribution
a transformé la logistique »
Michel Martin a fait toute sa carrière de 1976 à 2011 chez le même prestataire,
qui au cours de rachats successifs, est devenu une entité de Kuehne + Nagel. Il est
aujourd’hui Consultant M2 Consulting et accompagne depuis 3 ans le groupe Spi,
spécialisé dans le conditionnement industriel et le copacking, dans le développement de sa filiale logistique Spil.
©M2 CONSULTING
Supply Chain Magazine : D’où provient l’optimisation des entrepôts ?
Michel Martin : La révolution vient
des grandes surfaces. C’est au début
des années 80 qu’on passe véritablement d’une logistique artisanale
à la rationalisation des opérations,
la mise en place d’organisations
logistiques et de systèmes de gestion
informatiques. L’entrepôt des frères
Tardy, environ 1.500 m2, comportait
à mon arrivée en 1976 des magasiniers, des chariots à fourches frontales et quelques tires-palettes et avait un client.
En 1983, il compte 12 clients lors de la création
France Distribution System (FDS), 1er prestataire
logistique national créé en 1983 avec 8 autres
logisticiens régionaux spécialisés dans la grande
distribution. Nous mettons en place un état de
stocks informatique, avec la date d’entrée et de
sortie par référence. La gestion des emplacements se fait sur papier. Nous avons été l’un des
1ers clients d’Infolog, éditeur de logiciels logistiques créé aussi en 1983.
SCMag : Comment s’effectue la rationalisation
des opérations ?
M.M. : La livraison des grandes surfaces restait
alors synonyme de temps d’attente. FDS a été l’un
des premiers à proposer un planning de livraison
avec les hypermarchés de la région lyonnaise. Dans
la 2e partie des années 1980, la notion d’entrepôt
distributeur apparaît. La logistique s’industrialise,
1990
Un AGV
à guidage
laser
conçu
par NDC
entre en service
chez Tetra Pak
à Singapour.
©AGV
SINGAPORE
1991
Pour ses clients
français, Fenwick
lance les 1ers contrats
« full service »,
intégrant une
location financière
et une maintenance
régulière
des chariots.
54 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
avec la généralisation des racks
qui nécessitent d’avoir des sols
en béton, la mise en place d’allées de stockage et de chemins de
préparation de commande.
SCMag : Quelles sont les sources de l’externalisation logistique ?
M.M. : Au début des années 90, les flux s’accélèrent. L’organisation de la grande surface nécessite
que les linéaires soient optimisés et que la rotation
des produits y soit la plus rapide possible. Les distributeurs (mais aussi les industriels) sous-traitent leur
plate-forme logistique de distribution. Le regroupement des flux sur une plate-forme spécialisée de
proximité permet d’assurer une cadence de réassort
qui élimine les réserves dans les points de vente et
leur permet d’améliorer la rotation des produits tout
en augmentant le taux de service et en diminuant le
risque de rupture. La taille des entrepôts augmente,
de même que leur hauteur. La proximité des platesformes, relais de distribution, permet d’assurer face
aux variations de consommation des réapprovisionnements accélérés. La concentration et la spécialisation des plates-formes permettent de traiter les
produits selon les contraintes de la mise en linéaire
et d’assurer des livraisons spécialisées aux différents
points d’accueil des marchandises.
FDS propose ainsi des unités dédiées qui comportent
toutes les caractéristiques et les moyens correspondant aux tailles d’un outil logistique moderne et qui
offre en plus, par rapport à des moyens intégrés, plus
de flexibilité : l’organisation est pensée pour répondre
aux variations de volume et d’activité. Cette flexibilité est liée à un mode de management et d’animation
comportant une forte responsabilité des opérateurs,
à l’intéressement aux résultats, à un niveau de compétence et de polyvalence du personnel le plus élevé
possible. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTINE CALAIS
1991
1er réseau radiofréquence à 38,4 kbit/s,
développé par Datatronic, et installé
dans un entrepôt Leclerc
à Saint-Quentin Fallavier.
Il traite les flux en temps réel
et ouvre la voie aux méthodes
d’optimisation du stock.
D’autres solutions radio, chez
Txcom ou Teklogix, vont apparaître
sur le marché.
1992
Acteos sort
Logidrive,
un
progiciel
de pilotage
d’entrepôt
en temps
réel.
1994
Le Comité
Européen de
Normalisation
publie la norme
EN 528 sur les
règles de sécurité
pour les magasins
automatiques dotés
de transstockeurs.
1994
Savoye
lance son
système
Magmatic
de stockage
à navettes
pour
les palettes.
Années 80
Quand l’entrepôt s’ouvre
au monde extérieur
C’est la décennie des gros bouleversements informatiques et de la montée en puissance de la grande distribution. En tant que maillon stratégique entre les fournisseurs et les clients, l’entrepôt logistique devient un outil en évolution permanente,
qu’il faut chercher à optimiser afin d’en maîtriser les coûts.
E
Professionnalisation de la logistique
Ce n’est pas un hasard si c’est justement la période
où les groupes de distribution créent des postes de
« Directeur Logistique » (on ne parlera de Supply
Chain que dans les années 90), chargés de mettre
en place des organisations au niveau national et
des systèmes de gestion informatique. Comprenant
que le raccourcissement des délais de livraison et
de réassort des magasins devient un enjeu stratégique, les enseignes perçoivent bien l’avantage de
se doter de bases régionales de 3.000 à 5.000 m2.
Les industriels des PGC ne tardent pas à suivre.
D’autres commencent à automatiser le stockage
de leurs sites logistiques centraux, ou la préparation de commandes de détail (début des systèmes
à gares). On assiste également à l’émergence de
l’externalisation de la logistique, notamment vers
les entrepôts de distribution régionale de trans-
©SYLEPS
ncore balbutiante dans les années 70, la
logistique commence à devenir bouillonnante
d’idées au cours de la décennie suivante. Ce
basculement spectaculaire provient en grande
partie du secteur de la grande distribution, qui
entame sa période dorée, dans un contexte de
concurrence acharnée sur les prix et de maîtrise
des coûts de distribution. « Quand on sait ce que
ça coûte, on choisit Mammouth », clame en 1983
l’enseigne au pachyderme préhistorique. Et justement, dans l’entrepôt aussi, on commence à savoir
tion, mais les lecteurs de codesbarres commencent à être utilisés. Vers la fin des années 80, les
échanges de données entre fournisseurs et distributeurs, d’abord
par Minitel, ouvrent des perspectives à une gestion partagée des approvisionnements.
ce que ça coûte grâce à l’apparition de progiciels
de gestion d’entrepôt. Outre Clé 128, fondée dans
les années 70, beaucoup d’éditeurs de WMS voient
le jour durant ces années-là, DL Consultant (Infolog) en 1983, Hardis (Reflex) en 1984, ou encore
Oroumoff Informatique (WMS Gold) en 1986. A
partir de mi-80, la micro-informatique va non
seulement démocratiser l’emploi de ces logiciels
en entrepôts, mais également en démultiplier
l’usage à des fins d’optimisation, en permettant de
se « libérer » des services informatiques centraux
des entreprises. « C’est l’arrivée des WMS dont le
socle est la gestion des emplacements. Les chefs
d’équipe gèrent les mouvements et tiennent à jour
les niveaux de stocks, tandis que les gestionnaires
de stocks, au siège, cherchent à les optimiser »,
résume Jean Damiens, Directeur de l’E.S.T. L’outil,
qui apporte rigueur et méthode, fait franchir un
palier en matière de rationalisation des opérations.
La radiofréquence n’a pas encore fait son appari-
56 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
Entrepôt Krys, dans les années 80
©KRYS
1986 entreprise Dandy à Pontivy
©STOW
porteurs comme les Transports Rouch, Heppner ou
encore La Flèche Cavaillonaise. Le métier de prestataire logistique à part entière est né : certaines
entreprises développent des activités dédiées à
l’entreposage et à la préparation de commandes
comme Faure et Machet , FDS ou encore Tailleur
Industrie, dans le monde de la logistique industrielle. Les bâtiments sont encore les héritiers de la
conception architecturale des années 70, avec une
hauteur libre d’environ 10 mètres sous ferme, mais
ils sont plus étendus, plus profonds et comptent
davantage de portes à quais. Cette vague de nouvelles constructions touche les régions, mais aussi
l’Ile-de-France, notamment sur les zones de Cergy,
Évry, Ivry, Roissy, Sénart et Vitry sur Seine. Clairement, la logistique est entrée dans une nouvelle
ère. D’ailleurs en 1988, la Semaine internationale
du transport, l’ancêtre de la SITL, s’adjoint le terme
de logistique ! ■ JEAN-LUC ROGNON
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
57
Jean-Pierre Gautier,
Directeur des Métiers chez Acsep
©ACSEP
« Les années 80, c’est la véritable
prise de conscience de la logistique »
Supply Chain Magazine :
Quelles ont été pour vous les
grandes évolutions en entrepôt
depuis le début de votre carrière
dans le monde de la logistique ?
Jean-Pierre Gautier : J’ai
débuté ma vie professionnelle
en 1987 en tant qu’intérimaire
dans un atelier de préparation
de commandes pour la grande
distribution. Je pense avoir
vécu toutes les grandes évolutions dans l’entrepôt. Avant
tout, je crois que dans les
années 80, il y a eu une véritable prise de conscience de la
logistique, le mot n’était quasiment jamais utilisé auparavant, à part dans l’armée bien
sûr. Le vocabulaire était différent de celui d’aujourd’hui : les
gens qui travaillaient en entrepôt s’appelaient des magasiniers, des « blouses bleues » qui étaient un peu des
laissés pour compte dans l’entreprise. Les patrons
d’entrepôt, on les appelait des contremaîtres, pas
des directeurs d’exploitation. Et puis petit à petit,
on s’est rendu compte que la logistique, pour
peu qu’on s’y intéresse, pouvait devenir un élément qui faisait gagner de l’argent, ou en tout cas
arrêter d’en perdre, et ainsi améliorer les marges.
Il n’y a pas de hasard, cette prise de conscience
s’est faite aussi avec la nécessité d’apporter du
service. Je me souviens notamment du slogan
précurseur de La Redoute dans
Mini CV
les années 80 avec son « 48 h
Depuis 2011 :
Chrono » en 1984 (puis 24 h
Directeur du Pôle Métiers
Chrono en 1994).
chez Acsep
2001-2011 :
SCMag : Et puis les WMS sont
Co-fondateur de L4 Epsilon
arrivés dans l’entrepôt…
1997-2001 :
J-P.G. : Oui, les progiciels
Directeur de Projets/
dignes de ce nom ont comDirecteur de site/
mencé à émerger, en même
Responsable d’exploitation
temps que la démocratisation
chez Hays Logistique
de l’ordinateur. Il faut quand
1986-1996 :
même se rappeler qu’à cette
Responsable Opérationnel
époque, les fax sont encore
chez Saupiquet
gros comme des machines à
laver. Les capacités machine
58 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
sont limitées, les temps de traitement, très longs. On
commence à faire des inventaires avec l’informatique, à informatiser les bons de préparation, mais
tous les entrepôts n’en sont pas équipés. Surtout
dans les PME, les employés avec la blouse bleue et
le crayon derrière l’oreille, ça existe encore. C’est
une période de superposition. Dans les années 80,
je me rappelle avoir déplacé des fiches en T sur un
plateau collé au mur à chaque fois qu’on enlevait
une palette de la réserve. Ce n’est pas si loin pourtant ! Pendant des dizaines d’années, les entrepôts
livraient les magasins sur des schémas de monoflux qui semblaient immuables, avec des palettes
de produits fabriqués non loin de l’entrepôt, pas
en Asie. Les commandes arrivaient par courrier,
puis par telex dans les années 75, puis par fax.
L’arrivée instantanée de la commande, sa création dans le WMS, a conduit l’entrepôt à travailler
beaucoup plus vite.
SCMag : Quelles ont été les évolutions en termes
de processus dans l’entrepôt ?
J-P.G. : Au début des années 90, ce n’était pas
encore la montée en puissance de la radiofréquence, la grande révolution de l’optimisation
était tout juste entamée. Je me souviens chez Hays
Logistique en 1990-1991, on avait réussi à gérer,
en optimisant notre SI, nos 2 clients la Roche aux
Fées et Yoplait dans le même entrepôt. C’était une
période où l’on inventait encore des processus, de
l’optimisation de ramasse, de la globale et de la
ventile, ou le cross-docking, qui s’appelait plutôt
« passage à quai ». La grosse révolution était aussi
d’avoir un SI capable de calculer l’ABC en fonction du taux de rotation des produits. On s’est mis
à mieux implanter, à mieux optimiser les circuits,
grâce au WMS. Il fallait être hyper réactif, rentabiliser les déplacements de chaque opérateur.
C’est aussi le début des grands recours à l’interim. On commençait à calculer la consommation
des chariots, le retour sur investissement, car on
était désormais capable d’enregistrer ce que la
machine faisait. Les offres full service sont apparues avec un paiement à l’utilisation. Et puis la
radiofréquence a pris son essor, d’abord dans les
entrepôts de produits frais, en flux tendus, on ne
parlait pas encore de Wifi à l’époque, puis dans la
grande distribution, mais ça coûtait une fortune.
Le vocal a fait aussi ses 1ers pas. Je me rappelle
avoir fait des tests chez Hays Logistique en 1996
©STOW
L’usage du chariot
tri-directionnel
(ici dans
les années 80) a
permis de densifier
le stockage en
travaillant en allées
étroites.
ou 1997, les opérateurs (on ne disait plus magasinier) ressemblaient à des hommes grenouilles,
avec une grosse ceinture. Les équipements coûtaient entre 35.000 FF et 40.000 FF pièce (divisé
par 5 aujourd’hui) et il fallait enfiler des vestes
anti transpiration tellement c’était lourd à porter.
Zone
de préparation
de commandes
par tris successifs
chez Private Outlet
©C.POLGE
SCMag : Comment s’est déroulé le passage à l’ère
du multicanal ?
J-P.G. : Il est arrivé entre 1998 et 2000. Ça a été
la grande époque de transition. Tout le monde se
cherchait, imaginait de nouveaux processus dans
un même entrepôt, le matin préparation pour les
magasins et l’après-midi pour l’e-commerce. Les
difficultés sont vite apparues avec la bulle Internet. Beaucoup d’entreprises voulaient vendre des
produits sur le web n’importe quand, n’importe
comment, sans avoir connaissance du coût réel
de la logistique et du transport. C’est une des raisons majeures du taux d’échec des start-ups qui
se sont créées à cette époque et ont instantanément brûlé leurs marges. La bascule a été tellement rapide qu’il n’était pas rare dans certaines
entreprises multicanal de confondre la préparation d’un produit unitaire avec celle d’un carton
de 10. Il fallait trouver des solutions : il n’était pas
économiquement envisageable d’aller chercher
50 fois la même pièce, il fallait faire une ramasse
globale, on le faisait déjà dans le frais, mais au
colis et pas avec des dizaines de milliers de points
de livraison. La Redoute, Daxxon, les 3 Suisses
ont mis en place des trieurs, mais avec des coûts
d’investissement énormes, inaccessibles aux PME.
C’est à cette époque, quand j’ai créé la société
L4 Epsilon, que les derniers grands processus ont
été inventés en entrepôt, comme le tri successif
pour l’e-commerce, qui s’inspire des méthodes de
gestion des goulots d’étranglement dans la production automobile.
SCMag : Cette inventivité dans les processus,
c’est fini aujourd’hui ?
J-P.G. : Oui, je suis convaincu en effet que tous
les process ont été inventés en entrepôt, et qu’aujourd’hui, il n’y a que la technologie qui peut les
faire progresser, le goods to man, la robotisation.
Mais c’est avant tout dans l’organisation du travail que l’on recherche les dernières sources de
productivité, et dans l’analyse fine et rapide du
portefeuille de commandes avant de lancer la préparation. C’est là-dessus que le monde de l’entrepôt doit continuer d’évoluer. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
59
Luc Marcus,
Fondateur de Clé 128
Cle 128 figure parmi les éditeurs informatiques pionniers dans le domaine des micro-informatique, avec les
WMS en France. Son fondateur, Luc Marcus, nous fait revivre cette période des versions sur PC des WMS à partir des années 1983-1984 (même
années 80 qui a révolutionné la logistique des entrepôts.
si les 2 versions ont longtemps
Supply Chain Magazine : Quels coexisté et continuent à le faire chez certains
ont été les débuts de l’usage de éditeurs), a donné un vrai coup d’accélérateur à
l’informatique dans les entrepôts ?
l’usage de l’informatique en logistique. Avec des
Luc Marcus : Au début des avantages tels que la baisse des coûts, la facilité
années 70, à la création de la de mise en œuvre et la possibilité de ne pas passociété Clé 128, nous avons ser par les services informatiques centraux, qui
commencé par développer ne sont pas sans rappeler les arguments du mode
des applications spécifiques Saas aujourd’hui.
d’informatique de gestion, qui
tournaient sur des machines SCMag : Quel a été l’impact en termes d’organicentrales. Un jour, un de nos sation ?
clients, la Française de métal- L.M. : Auparavant, la grande majorité des entrelurgie, nous a demandé de nous pôts, que l’on appelait plutôt des « dépôts »,
pencher sur les problèmes de n’étaient pas toujours très bien organisés et optigestion que rencontraient son misés, sans règles précises de management et de
entrepôt. Nous avons déve- gestion, et les gens qui y travaillaient étaient souloppé à cette époque les tout vent les seuls à s’y retrouver un tant soit peu. L’in1ers concepts, les 1ères règles formatique a obligé à se mettre d’accord sur un
d’affectation de palettes en certain nombre de règles, à introduire de la rigueur
fonction des espaces dispo- et de la méthode sur la manière par exemple de
nibles, de la fréquence de sor- traiter l’arrivée d’un nouveau produit dans l’entretie. Personne n’avait fait cela pôt. D’un certain côté, au début, cela a ôté un peu
avant, il n’existait pas de pro- de pouvoir aux gens qui y travaillaient, dont la
giciel. Nous avons commencé
à faire un certain nombre de spécifiques pour un
2e client, puis un 3e, etc. La 1ère ébauche d’un progiciel, à savoir un produit portable, paramétrable,
utilisable dans différents types d’entrepôts, date de
1978 et la version aboutie du progiciel Geode est
venue 1 ou 2 ans plus tard, à peu près en même
temps que d’autres éditeurs
Mini CV
comme Infolog ou Logarithme.
2004-2010 :
Le terme de WMS, qui vient
Fondateur du cabinet Logistique
des Etats-Unis, a commencé
et Management Conseil (LMC)
à apparaître au début des
1998-2003 :
années 80. Les 1ères versions
PDG d’Exe Technologies Europe
tournaient sur de gros ordinadu Sud (WMS Exceed)
teurs comme l’AS400 d’IBM,
1970-1997 :
ou sur des machines Bull, et
Fondateur et PDG de Clé 128
les gestionnaires de systèmes
(WMS Geode)
informatiques centraux (utili1964-1970 :
sés notamment pour la compAttaché de recherche au CNRS
tabilité) ne voyaient pas d’un
(Institut de physique nucléaire
très bon œil cet usage de terd’Orsay)
minaux décentralisés dans
les entrepôts. L’arrivée de la
60 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
©GENCOD
©DR
« L’arrivée de la micro-informatique
a changé beaucoup de choses »
SCMag : Et ensuite, comment le processus de préparation de commandes a-t-il évolué ?
L.M. : Au début des années 80, le temps de livraison moyen, c’était plutôt 3 j. Après réception du
bordereau de livraison, dont les informations
étaient saisies sur clavier, on avait le temps de
mouliner le portefeuille de commandes sur l’outil de gestion avant d’envoyer la préparation. Et
puis très vite est arrivé le transfert par fichiers EDI,
d’abord en mode batch, vers la fin des années 80.
C’est un gros changement : l’entrepôt et le WMS
deviennent partie prenante d’une chaîne, reliés
électroniquement aux fournisseurs, et dans la foulée aux clients. Les 1ers terminaux radiofréquences
lecteurs de codes-barres, avec mémoire embarquée,
font leur apparition au début des années 90. Les
1ères technologies ne fonctionnaient pas toujours
©KION
connaissance n’était plus aussi indispensable qu’à
l’époque du papier crayon et des fiches Cardex.
Mais ensuite, avec l’apparition de la micro-informatique, il y a eu une mutation du rôle des opérateurs qui ont pu utiliser des outils évolués et participer à l’amélioration des processus en s’appuyant
sur des données issues de l’informatique, comme
la classification ABC par exemple.
très bien, car les racks forment de belles cages de
Faraday. Et puis, ce n’est pas encore du temps réel,
on charge dans l’appareil un fichier de picking,
avec un certain nombre d’articles, en le posant sur
un « puits de données », un peu comme on charge
aujourd’hui son téléphone et on « vide » l’appareil
au retour de la mission. Les machines en temps
réel sont arrivées au milieu des années 90. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
61
Années 90-2000
Apogée des S.I., du temps réel
et des prestataires logistiques
Dans les années 90 et 2000, les stocks se massifient et les flux s’accélèrent, grâce au
déploiement des progiciels d’entreposage, eux-mêmes boostés par les progrès de la
radiofréquence et du pilotage des automates. Ils généralisent le travail en temps réel.
Les entrepôts passent à des surfaces de 30.000 m2 et plus, et gagnent en hauteur
avec des stockages montant de 3 à 4 ou 5 niveaux, grâce aussi à des moyens de
manutention qui ont su s’adapter. La mécanisation se développe. Les plates-formes
de cross-docking fleurissent tandis que les prestataires logistiques, chez qui les l’externalisations vont bon train, recomposent leur paysage.
1994
La Redoute
passe au
« 24H
Chrono ».
ans les années 90, le développement du
système de transmission par radiofréquence
transforme les métiers. Fini le personnel
administratif qui saisit les informations et les opérateurs qui effectuent les mouvements : les données sont transmises au WMS en temps réel »,
observe Jean Damiens, Directeur de l’E.S.T. C’est
ainsi qu’Acteos lance Logidrive, logiciel de pilotage d’entrepôts en temps réel, en 1992, et que
le site Leclerc Scapnor devient le 1er site français
piloté à 100 % sans papier et en temps réel en
1996. La radiofréquence a fait de gros progrès
durant cette décennie puisque les 1ers réseaux
hyperfréquence à 2,4 GHz voient le jour en
Europe à cette époque. En 1991, Datatronic développe le 1er réseau radiofréquence à 38,4 kbit/s,
pour Leclerc à Saint-Quentin Fallavier. Ce mouvement va se poursuivre dans les années 2000
avec la construction d’interfaces plus efficaces
entre les WMS (logiciels de gestion d’entrepôt)
et les WCS (logiciels de pilotages d’automates).
« Les WMS conversent de mieux en mieux avec
les automates et assistent la préparation de commandes de détail fine, expose Jean Damiens, qui
poursuit : les outils d’intralogistique deviennent
de plus en plus sophistiqués jusqu’à aboutir à la
création du métier de pilote de flux pour gérer les
flux de l’entrepôt, les systèmes et les automates. »
On note en effet l’arrivée du pick-to-light, de la
préparation vocale, l’affranchissement des AGV
de leur filoguidage, d’automates débrayables pour
1995
Constitution en Europe de l’ECR Executive Board, qui
comprend une douzaine d’industriels et distributeurs
dont Auchan, Promodès, Danone, groupe Mars ou
encore Unilever. L’objectif de cette démarche ECR
(Efficient Consumer Response), initiée aux Etats-Unis
dès 1992 : renforcer le partenariat entre industrie
et commerce en s’appuyant sur les échanges EDI
et la gestion partagée des approvisionnements (GPA)
afin de mieux gérer les appros, les promotions
et les lancements de nouveaux produits.
62 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
De nouvelles relations
industrie/ Commerce
Au début des années 90, seul
l’entreposage spécialisé (ex : sous
température dirigée), est externalisé. Mais une vague massive
d’externalisation à des prestataires logistiques
déferle. La grande distribution, qui s’est dotée de
puissantes organisations d’achats, veut massifier
ses flux, ce que la réduction des risques sociaux
de l’époque tend à faciliter (moins de risques de
voir un site regroupant les approvisionnements de
plusieurs hypermarchés/supermarchés bloqué par
une grève). En effet si en 1994, la livraison directe
compte pour 60 % des flux chez Leclerc et plus
encore pour Cora, chez Carrefour, c’est l’inverse :
60 % des flux en épicerie sèche passent par des
plates-formes ou entrepôts et même 100 % des flux
surgelé, marée et fruits & légumes. Chez Casino
et Docks de France, les flux alimentaires passent
également majoritairement par des plates-formes.
Ils atteignent 98 % chez les Comptoirs Modernes,
85 % chez Intermarché et 90 % chez Promodès. Les
distributeurs veulent piloter eux-mêmes leur logis-
1996
Le site Leclerc
Scapnor devient le
1er site français piloté
à 100 % sans papier
et en temps réel.
Le flux continu
d’informations
est assuré, depuis
la commande
jusqu’à la livraison.
Pick and Pack chez Yves Rocher - 1993
1997
Le promoteur Geprim livre un 1er entrepôt
dit de « nouvelle génération », de près
de 10 m de hauteur, des quais tous
les 1.000 m2, avec possibilité de stocker
des palettes sur 4 et non plus 3 niveaux.
Dès l’an 2000, les promoteurs vont
construire des bâtiments de 30.000
à 40.000 m2.
©SYLEPS
D
«
le pesage, le contrôle de gabarits,
la palettisation, le filmage …
années 90 : 10 m utiles, isolés, chauffés, sprinklés, 32 m au niveau de la cour entre le quai et
le camion, un quai tous les 1.000 m², un niveleur
si possible, des niveaux de prestations associés,
etc. En 2002, les Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (Drire)
durcissent les conditions d’obtention d’un permis
d’exploiter un site de stockage. Le propriétaire ou
le nouveau locataire sont contraints d’effectuer
d’importants travaux (installation de murs coupefeu et de sprinklers, création de cellules, etc.).
L’arrêté ministériel du 5 août 2002 vient renforcer la prévention des risques dans les entrepôts
en instituant notamment une surface maximum
de 6.000 m2 par cellule de stockage. Il réglemente
les aspects d’implantation, accessibilité, comportement au feu, compartimentage et aménagement
du stockage, moyens de lutte contre l’incendie et
exploitation de l’entrepôt. L’exploitant doit tenir à
jour un état des matières stockées avec leur localisation et la nature de leurs dangers. Enfin, le
bâtiment doit se situer à plus de 20 m des limites
de propriété. Ces nouvelles règles renchérissent le
coût de la construction d’un entrepôt. Il aurait ainsi
augmenté de 40 % en 10 ans, passant de 270 €/m2
en 1998 à 370 €/m2 en 2008. D’où des réflexions
pour optimiser le nombre de racks au-dessus des
zones de picking et limiter l’emprise au sol. D’où
aussi des mécanisations accrues et le recours à des
engins de manutention plus efficaces pour gérer
plus de mouvements avec le même nombre de
manutentionnaires. ■
CHRISTINE CALAIS, CATHY POLGE
ET JEAN-LUC ROGNON
Des entrepôts sous contraintes
réglementaires
La massification des flux change le visage des
entrepôts qui passent dans les années 2000 de
10.000 m2 à 30.000 m2/40.000 m2 et de 6-7 m
à 10-12 m de haut (4 à 5 niveaux de stockage
au-dessus des zones de picking contre 3 auparavant). Les entrepôts se standardisent dans les
1997
1ère génération
du standard 802.11
de Lan sans fil,
offrant des débits
allant de 1 Mbit/s
à 2 Mbit/s. Les
lecteurs de codesbarres dans les
entrepôts vont pouvoir
se généraliser.
1997
Le système Caps
(Computer Aided
Picking System)
de Pick-to-light
développé par la
société américaine
Kingway est utilisé
dans la nouvelle
usine de Dell, à Austin, qui assemble
4 M de pièces/an.
Entreprise Vynex à Sedan - 1997
©KINGWAY
1998
Mise en place
du dispositif
national Caces
(certificat d’aptitude
à la conduite en
sécurité) pour
les conducteurs
d’engins
(notamment
les caristes).
1999
Publication de la
recommandation
FEM 10.2.02,
qui concerne
les rayonnages
à palettes
et à tablettes.
©SYLEPS
tique, exigeant de leurs fournisseurs des remises
pour partager les économies générées par la livraison des plates-formes distributeurs en camions
complets. Les fournisseurs doivent donc eux aussi
massifier leurs flux. Ils ferment alors de petits entrepôts régionaux pour regrouper leurs produits chez
des prestataires logistiques tels que Danzas, Faure
& Machet, FDS, Fril, Stockalliance… dont le marché
se recompose via des OPA amicales ou hostiles, des
fusions ou cessions, des abandons de zone Europe
ou réduction de la fonction transport & logistique,
voire des arrêts d’activité. Des groupes tels que
ASG, BTL, Cat, Danzas, DHL, DPD, Dubois, Ducros,
Fritz companies, Interforward, Mayne Nickless,
Nedlloyd, Novalliance, Ocean, Saga, TNT, Thyssen
Haniel, TFE, Tripcovitch, UTI, Walon, perdent leur
indépendance dans les années 90. Tandis que des
groupes comme ABX logistics, Albateam, Autologic, Birkart, Daher, Hoyer, Hellmann, Militzer, Mory
Team, Munch, Thiel Logistik, Vos Logistics et Wallenius – Wilhelmsen, font leur apparition dans les
années 2000 comme nouveaux groupes indépendants avec lesquels il faut compter en Europe.
C’est aussi en 1995 que naît en Europe l’ECR Executive Board, qui réunit une douzaine d’industriels
et distributeurs dont Auchan, Promodès, Danone,
le groupe Mars ou encore Unilever. Son but est
de développer la démarche ECR (Efficient Consumer Response), initiée aux Etats-Unis dès 1992,
visant à renforcer le partenariat entre industrie et
commerce en s’appuyant sur les échanges EDI et
la gestion partagée des approvisionnements (GPA)
afin de mieux gérer les approvisionnements, les
promotions et les lancements de nouveaux produits. Dans le même élan, les plates-formes de
cross-docking voient le jour fin des années 90,
afin de réduire les coûts de passage en stock et
d’accélérer les flux.
2000
Les débuts
des systèmes
de préparation
vocale.
Le 1er grand site
logistique en
voice picking
est un entrepôt
Carrefour, en
région lyonnaise.
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
63
Claude Samson,
Président d’Afilog
Les années 2000,
charnières dans l’évolution des entrepôts
©C.POLGE
Pour Claude Samson, Président d’Afilog, l’évolution des entrepôts s’est effectuée progressivement en terme de dimensions sans que ceux de taille XXL ne
représentent une tendance absolue. C’est l’apparition de nouveaux acteurs et
de nouveaux métiers qui explique ces changements, selon lui, avec une période
clef : les années 2000.
Supply Chain Magazine :
Quelles sont selon vous les
étapes marquantes de l’évolution des entrepôts en termes de
surfaces ?
Claude Samson : Plusieurs phénomènes expliquent
que les entrepôts passent de
10.000/15.000 m2 à 30.000 m2
durant les années 2000. D’abord,
c’est une incidence de la Grande
Distribution qui veut massifier
en se dotant de véritables organisations d’achats. La taille des
entrepôts résulte aussi du taux
de chômage élevé qui réduit
d’autant le risque social, et donc
celui de voir bloqués des approvisionnements regroupés sur un
nombre limité de sites. A l’inverse, dans les années 70-80,
durant lesquelles les mouvements sociaux étaient forts, on
évitait de mettre « tous ses œufs
dans le même panier ». C’est ainsi que Monoprix par
exemple avait séparé les produits secs des produits
frais, avait un entrepôt au nord de Paris et un au Sud.
Par ailleurs, contrairement aux années 80 où le coût
de l’énergie était élevé, ce qui favorisait des bâtiments plus petits et proches des lieux de consommations, dans les années 2000, les entrepôts peuvent
s’éloigner, le coût du transport n’étant plus décisif
dans les calculs de barycentres d’implantation d’entrepôts. Enfin, c’est aussi au début des années 2000
que se développent les parcs
Mini CV
logistiques, des zones dédiées
Depuis 07/2011 :
où les bâtiments peuvent être
Président d’Afilog
plus grands.
02/2003 - 08 /2011 :
Directeur Logistique Samada/
SCMag : Qu’en est-il de leur
Monoprix
hauteur ?
01/1992 - 01/2003 :
C.S. : A la fin des années 70,
DRH Hays Logistique France
début des 80, les entrepôts
étaient de petite hauteur, à
64 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
moins de 10 m, avec pour certains des silos de stockage de
15/20 m de haut, hébergeant des
espaces de stockage automatisés
avec des transstockeurs. Mais
ces systèmes étaient rigides, d’où
une marche arrière après cette vague de bâtiments
avec silos comme en avaient adopté notamment
Prisunic, dans la Plaine de l’Ain, ou Colgate Palmolive, à Compiègne, à l’instar d’autres industriels. Une fois ces silos abandonnés, les entrepôts
sont passés à 10/12 m de haut, afin de stocker sur
plus de niveaux. Cela a aussi été favorisé par le
déploiement des SI pour mieux gérer les espaces
dans l’entrepôt, Geode de Clé 128 et Infolog de DL
Consultant initiant la vague de déploiement des
WMS, en remplacements des SI maison, fin des
années 80, début des années 90. Le but étant d’essayer de stocker au plus près du picking dans des
espaces en hauteur situés au-dessus. Les progrès
du matériel de manutention, à commencer par
ceux des chariots élévateurs (avec cabine inclinable, mâts rétractables, cellule d’arrêt au bon
endroit…) ont aussi permis de stocker et manutentionner plus haut. En revanche, même aujourd’hui,
à l’heure du texte augmentant la taille des cellules
à 12.000 m2, personne ne réclame de faire monter plus haut les entrepôts. Tout comme le coefficient d’occupation des sols de 0,4/0,5, nécessitant 200.000 m2 de terrain pour un entrepôt de
100.000 m2, tend à limiter le nombre d’entrepôts
XXL, car il faut pouvoir trouver du foncier aussi
étendu à des conditions acceptables.
SCMag : L’automatisation a de nouveau du
succès, quel impact cela va-t-il avoir sur les bâtiments selon vous ?
C.S. : Effectivement, la 1ère vague d’automatisation
posait 2 problèmes. Les éléments de mécanisation
étaient très lourds et rigides. De plus, le taux de colis
dévoyés était trop important du fait de difficultés
d’identification, les outils n’étant pas suffisants pour
lire les codes-barres sur des étiquettes placées n’importe où. Ces problèmes de qualité et de performance
ont conduit à une pause d’une dizaine d’années dans
l’automatisation. Mais depuis 5/6 ans, les textes gouvernementaux sur la responsabilité des entreprises
vis-à-vis de la santé/sécurité de leurs collaborateurs
ont un véritable impact et conduisent à un regain
d’automatisation pour limiter les travaux pénibles.
©PROLOGIS
SCMag : Avez-vous observé une autre tendance
majeure durant ces dernières décennies ?
C.S. : Fin des années 90, début des années 2000,
la logistique est devenue un élément concurrentiel
et stratégique chez les chargeurs, dont les distributeurs. Les équipes Supply Chain se sont dotées
d’équipes de projets qui ont lancé des appels
d’offres et décidé des types de bâtiments dont elles
avaient besoin en lieu et place des promoteurs/
investisseurs. C’est aussi une des raisons pour lesquelles les bâtiments se sont mis à grandir, car les
donneurs d’ordres n’étaient plus contraints à des
bâtiments standards de 30.000 m2 à 5 ou 6 cellules, faciles à transférer à un autre client en fin
de bail. Avec l’arrivée des équipes utilisateurs, les
bâtiments correspondent dorénavant à la stratégie des sociétés, d’où des entrepôts aujourd’hui
2 fois plus grands qu’au début des années 2000, à
70.000 m2/100.000 m2 pour Action, Alinéa, Amazon, Castorama, Maisons du Monde… même si ce
n’est pas ce que l’on construit le plus. A la fin des
années 90, on construisait plutôt des bâtiments en
blanc. A partir de 2005, les bâtiments sont majoritairement des clefs en main. On atteint même 90
à 95 % en 2016 ! La tendance actuelle étant de
construire en gris ou en blanc dans des endroits
où le foncier manque. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR CATHY POLGE
Parc de
Chanteloup à
Moissy Cramayel
(2005)
©TOYOTA
Beaucoup d’entrepôts font l’objet d’études de mécanisation/automatisation en parallèle. Seulement
20 % aboutissent cependant dans les faits. Mais la
vague d’automatisation actuelle a plus de chances
d’être pérenne qu’à la fin des années 90 étant donné
que les équipements sont plus flexibles (convoyeurs
« lego ») et que les S.I. sont à présent capables de lire
à la volée avec bien plus de fiabilité. Je crois beaucoup à cette mécanisation comme aide aux hommes.
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
65
Laurent Horbette,
Directeur Général de Gicram
De l’entrepôt à la plate-forme logistique
©VILLE DE PANTIN
©GICRAM
Depuis les années 50, l’évolution des entrepôts s’explique par de multiples facteurs
tels que la réglementation, l’avènement de la mondialisation ou encore l’évolution
du mode de consommation. Explications de Laurent Horbette, Directeur Général du
groupe Gicram, un acteur spécialisé en conception et développement de bâtiments
industriels et logistique depuis une quarantaine d’années.
Supply Chain Magazine : Quels
ont été selon vous les épisodes
les plus marquants en ce qui
concerne la typologie des entrepôts ?
Laurent Horbette : Tout
d’abord, il faut bien voir qu’au
début du siècle dernier, le
terme entrepôt n’était pas utilisé. On les appelait les magasins généraux. Ceux de Paris
(inaugurés en 1931), mais
aussi les Docks à Marseille,
ont été bâtis sur des modèles
britanniques, notamment
celui des magasins généraux
du port de Londres. Sur un
plan logistique, les Magasins
généraux de Paris présentaient
d’ailleurs des caractéristiques
qui pourraient sembler assez avant-gardistes
de nos jours, avec plusieurs étages, et un accès
par voie fluviale, routière et ferroviaire. A la fin
des années 60, apparaissent les précurseurs des
« parcs logistiques » multi-bâtiment comme Garonor et Sogaris. Durant les années 70 et jusqu’à la
fin des années 80, la plupart des entrepôts sont
conçus selon une configuration de bâtiments
intégrant une hauteur libre à 7 m ou 7,5 m sous
Magasins généraux de Pantin 1931
66 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
ferme, des bureaux en mezzanine au-dessus de l’ensemble
des portes à quai. D’abord en
structure métallique, puis en
béton, on retrouve ce type de
bâtiment dans de nombreuses
zones industrielles et zones d’activités aux portes
des grandes villes françaises.
SCMag : Quelle a été l’évolution suivante qui a
conduit aux entrepôts tels que nous les connaissons ?
L.H. : La bascule a lieu à partir de la fin des
années 90, avec un renforcement sensible des
prescriptions de la réglementation sur les installations classées ICPE, du code de l’urbanisme
et du code du travail. En août 2002 notamment,
un arrêté réglemente fortement la typologie des
bâtiments logistiques en France, avec une taille
maximale des cellules à 6.000 m2 et le retrait
obligatoire des façades de bâtiments à plus de
20 m des limites de propriété pour des questions
de risques liés aux flux thermiques. En 2003, la
grille Celog de cotation des immeubles logistiques est élaborée par l’Observatoire régional de
l’immobilier d’entreprise (Orie), en fonction de
standards techniques (classe A, B, C). Celle-ci sera
adaptée par la suite par Afilog. Les bâtiments de
classe A correspondent à une évolution forte. Les
contraintes en termes d’espace au sol imposées
par la réglementation incitent les concepteurs
à accroître la hauteur du bâtiment, qui passe à
8,5 m, puis 9 m libre sous poutre, ce qui offre
la possibilité de racker sur 4 niveaux. Au milieu
des années 2000, un entrepôt standard mesure
18.000 m2, 24.000 m2, voire 30.000 m2 pour ceux
considérés alors comme de grands bâtiments.
C’est alors qu’apparaissent les 1ers parcs logistiques et la notion de plate-forme logistique.
SCMag : Y a-t-il une réelle différence avec la notion
d’entrepôt ?
L.H. : Pas vraiment sur le fond, mais je dirais
qu’une plate-forme désigne plus souvent un site
avec plusieurs bâtiments logistiques. En fait, c’est
surtout l’usage fait par les exploitants qui évolue,
avec la mondialisation qui commence à monter en
puissance dans les années 90 (les marchandises,
une fois importées, doivent être souvent conditionnées avant leur expédition) et la massification
du stockage et des flux de transport. Aujourd’hui,
le fait de pouvoir concentrer son transport sur
des plates-formes de 100.000 m2 voire plus, avec
©GEMFI
des rotations de poids lourds de l’ordre de 300 à
500 véhicules par jour, permet de négocier les
prix du transport, et cela génère d’importantes
économies. Du coup, cela a un impact sur la taille
des bâtiments. Leur hauteur standard aussi à évolué : 10,5 m voire 11,5 m sous poutres, ce qui fait
gagner encore un niveau de palettes (R+5). Depuis
quelques années, les problématiques environnementales sont quasi systématiquement prises en
compte : les bâtiments actuels sont la plupart du
temps certifiés HQE, Breeam ou Leed. Leur qualité
de construction n’a rien à voir avec celle d’il y a
10 ou 15 ans, notamment en matière de coefficient
d’isolation, d’éclairage naturel, de luminosité et de
conditions de travail en général. Cette amélioration qualitative est également source d’économies
d’exploitation : plus d’isolation et plus d’éclai-
rage naturel, c’est moins de consommation énergétique ! La dernière évolution en date concerne
la mécanisation et la robotisation, poussée d’une
part par la croissance et accélération des flux du
fait notamment du e-commerce et d’autre part,
par la multiplication des références. A présent,
aucun bâtiment n’est livré sans tenir en compte
qu’il intégrera, à un moment ou à un autre, un
système de mécanisation ou d’automatisation,
même partielle. Certains grands distributeurs ont
même construit des tours totalement automatisées
de plus de 30 m, autoportantes, qui stockent 2 ou
3 fois plus sur une même emprise foncière, ce qui
génère là encore de larges économies, notamment
par rapport à un coût du foncier en perpétuelle
augmentation. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
2014-2015
entrepôt
Castorama
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
67
Marc Riot,
Responsable du Service Projet chez Jungheinrich France
« Les débuts de la mécanisation remontent
aux années 60 »
©DR
l’outil de production. Les 1ers entrepôts à évoluer après l’automobile dans les années 60-70
ont été les entrepôts frigorifiques, avec du
stockage soit en racks mobiles, soit avec des
transstockeurs, pour des raisons de pénibilité
du travail, de règles sociales, de coût de l’énergie et de coût de la construction, car un stock
automatisé est plus compact et donc le bâtiment est moins cher à construire et à refroidir. Je me souviens de la 1ère étude que j’ai
réalisée, en 1974, sur un bâtiment autoportant
de 30 m de haut pour un industriel spécialisé
dans les produits de la mer.
Supply Chain Magazine : Quels ont été les débuts du
stockage mécanisé ?
Marc Riot : Je pense que les 1ers à s’être lancé, avec
des transstockeurs équipés de tables modulaires à
rouleaux, sont les industriels automobile qui dans
les années 60, pour assurer sur un minimum de
place les en-cours de fabrication (avant peinture,
après peinture, etc.). En revanche, pour le stockage
de distribution,
Mini CV
il y avait moins
2009 - 2014 :
besoin de logisDirecteur Commercial France
tique que maintechez ULMA Handling Systems
nant, car l’Hexa2003 - 2009 :
gone avait encore
Directeur Général de Keylog Ingénierie
beaucoup d’usines
et Systèmes
de fabrication de
1998 - 2003 :
produits de grande
Directeur du Département Logistique/Supply
consommation
Chain chez Thalès Engineering & Consulting
dans les années 70,
1994 - 1998 :
je pense notamDirecteur du Développement
ment au textile,
chez Vanderlande Industries
dont l’industrie
1991 - 1994 :
n’existe plus en
Directeur de l’Agence Ile de France
France. Et puis, la
de Samovie
logistique de dis1987 - 1991 :
tribution n’était
Directeur de Projet de Renault Automation
pas très bien
1983 - 1987 :
considérée, c’était
Chef de Projet de Sietam Industries
le dernier endroit
1977 - 1983 :
à envisager pour
Ingénieur d’Etudes chez Carrier Manutention
investir, la priorité étant plutôt
68 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
SCMag : Peu de bâtiments autoportants ont été
développés en France, par rapport à l’Allemagne
par exemple. Comment l’expliquez-vous ?
M.R. : Certes des différences de réglementation existent mais je crois aussi en un fort
lobbying de la part de certains grands constructeurs d’entrepôts, qui travaillent beaucoup avec
les investisseurs, et ont poussé dès la fin des
années 90 à concevoir des parcs logistiques, avec
des bâtiments classiques, des allées traditionnelles, des chariots et du stockage simple profondeur. Des entrepôts avec des contrats 3/6/9
qui, s’ils ne sont pas reconduits au bout de 3 ans,
peuvent être cédés. Du lobbying a aussi été exercé
auprès des mairies pour empêcher les bâtiments
de grande hauteur. Mais dès lors que les volumes
sont très importants, les bâtiments autoportants
se construisent encore. Chez Jungheinrich, nous
travaillons sur un projet de 32 m de haut, du côté
de Rouen, pour un dépositaire pharmaceutique.
SCMag : A quand remonte l’arrivée du miniload ?
M.R. : Dans les années 80, car avant c’était
essentiellement des transstockeurs à palettes.
On a commencé à voir apparaître des miniload
avec des tiroirs en acier, des cartons, bacs plastiques, quelquefois multi-référence. Je me souviens des projets Bull à Tremblay-les-Gonesse,
avec un ensemble de transstockeurs à palettes et
de 4 miniload. Ensuite, pour rechercher plus de
performance dans les années 2005 sont arrivés les
1ers systèmes à navettes, qui se sont par effet de
mode mis en place en lieu et place des miniload
dans des solutions logistiques pas forcément plus
performantes, générant des coûts de 20 à 30 %
supérieurs à une solution plus traditionnelle. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
Pierre Marol,
Président Directeur Général d’Alstef
« L’explosion de la préparation de commandes
au colis a tout changé »
Par ailleurs, les transstockeurs avaient la possibilité
de changer d’allée par des transferts arrière. Cette
solution convenait pour du stockage très important, mais avec des flux relativement faibles.
SCMag : Y avait-il des projets similaires dans la
distribution ?
P.M. : Dans les années 80, très peu de stocks
étaient automatisés. Quelques cas existaient dans
la distribution, mais c’était des exceptions. Durant
Transstockeur avec transfert arrière en 1978 chez Hachette
SCMag : Quels sont les projets
emblématiques d’automatisation qui vous ont marqué dans les années 80 ?
P.M. : A l’époque, c’étaient des projets très liés à
l’industrie lourde, la pétrochimie, avec des problématiques essentiellement de stockage, même si les
flux tendus avaient déjà commencé dans l’automobile. Je me souviens notamment d’un gros projet pour Caterpillar et d’un autre pour ExxonMobil, à Notre-Dame-de-Gravenchon, qui combinait
stockage automatique avec transstockeurs et AGV.
Mini CV
2006 - 2017 :
PDG d’Alstef
2000 - 2006 :
Directeur Général d’Alstef
Automation
1996 - 1999 :
Directeur d’Alstom Automation
1991 - 1996 :
Directeur chez CGP
(filiale d’Alstom)
1987 - 1990 :
Responsable du processus
d’atelier peinture
chez PSA Peugeot Citroën
70 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
SCMag : Il y avait donc déjà
des AGV (Automated Guided
Vehicule) dans les années 80 ?
P.M. : Bien sûr, mais c’était des
engins filoguidés pour lesquels
nous avions comme partenaire
la société suédoise NDC, spécialisée dans les systèmes de
pilotage. Les transstockeurs
aussi avaient des câbles pour
transmettre l’énergie et les
informations, on appelait ça
des « guirlandes électriques ».
Et puis assez rapidement, nous
avons pu nous appuyer sur des
technologies sans fil, infrarouge, puis radiofréquences.
©ALSTEF
©ALSTEF
Supply Chain Magazine : A
quand remontent les 1ers systèmes de stockage automatique
avec transstockeur en France ?
Pierre Marol : Pour ma part,
j’ai commencé ma carrière
dans les années 80, mais c’est
en 1965 que la CGMS (Compagnie Générale de Manutention et de Stockage, qui
deviendra plus tard Alstef) a
mis en place son 1er système
de stockage automatique
avec transstockeur. Les tout
1ers transstockeurs roulaient
« en tête », avec rail en haut
des casiers et non au sol car
la technologie s’inspirait au
départ des ponts roulants,
qui existaient déjà depuis des
dizaines d’années.
Marco Simonetti,
Directeur de B.U. Europe du Sud
de Segro
L’e-commerce imprime
sa marque
cette période, nous en avons mis en place pour 2
SCA Leclerc, un pour la SCA Normande en 1986,
l’autre pour Socara à Lyon. Je me souviens aussi
d’un entrepôt Hachette au début des années 80. Ce
sont l’augmentation des flux couplée à la réduction des stocks dans les années 90-2000 et plus
récemment l’explosion de la préparation de commandes au colis, qui ont révolutionné le monde de
la distribution. Pour la préparation de commandes,
les choses ont véritablement évolué à partir de
2010, avec l’utilisation de robots pour constituer
des palettes hétérogènes afin de satisfaire l’augmentation des volumes et de répondre aux problématiques liées à la pénibilité. Notre 1ère installation
de ce genre date de 2011, chez Pasquier pour de la
préparation à la couche avec un robot, quelques
années avant la vague des grands entrepôts automatisés de la grande distribution. C’est désormais
le secteur en pointe de l’automatisation, avec l’industrie agroalimentaire. Encore plus récente, une
autre évolution majeure, concerne les 3PL qui se
lancent aussi dans l’automatisation pour répondre
aux besoins de leurs clients. Nous avons signé
nos 2 1ers contrats avec des prestataires en 2016
et venons de signer un 2e projet avec Pasquier qui
porte à 6 le nombre de nos références dans la préparation avec robots. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
©SEGRO
Pour Marco Simonetti, Directeur de
la Business Unit Europe du Sud de
Segro, le marché de la logistique se
structure et se professionnalise, avec
des entrepôts plus grands qui se sont
éloignés des villes depuis les années
2000. Mais l’e-commerce impose d’avoir
de nouveau de petits entrepôts
urbains. De plus, l’automatisation, génératrice de valeur,
est aussi créatrice d’emplois.
Supply Chain Magazine :
Quel impact l’e-commerce
a-t-il sur les entrepôts ?
Marco Simonetti :
Après que les marchandises aient été réparties
un peu partout, à la fin
des années 90, début des
années 2000, on a vu arriver
des bâtiments standards plus
grands, en France comme en Europe, qui se sont éloignés des
bassins de consommations. Ils ont commencé à se mécaniser et
à s’automatiser. A présent l’e-commerce oblige, avec le développement du same day delivery, à créer de petits entrepôts proches
des villes pour assurer la distribution urbaine.
Les tout 1ers transstockeurs, ici chez Ugitech,
avec roulement « en tête ».
©ALSTEF
SCMag : Le foncier se faisant rare et cher en ville, comment implanter ces petits entrepôts de proximité ?
M.S. : Une solution est de redévelopper les friches industrielles
proches des villes et de les confier à des messagers afin d’éviter de
passer après les logements, les bureaux et les commerces qui sont
souvent préférés à la logistique. C’est ainsi que nous achetons et
réhabilitons des immeubles anciens.
SCMag : Quelles autres tendances observez-vous ?
M.S. : L’e-commerce a aussi conduit à construire des bâtiments
plus grands et à étages, avec des mezzanines, sans oublier le
design plus soigné de ce type d’immeubles. De plus, avec le
développement de la technologie (convoyeurs, automatisation…), la logistique crée plus d’emplois, de l’ordre de 3 à 4 fois
plus qu’avant au m2. Enfin, les aspects environnementaux sont
devenus systématiques dans les appels d’offres et une nécessité depuis 4/5 ans pour être plus compétitif en réduisant les
dépenses énergétiques via des immeubles basses consommations. On observe une grande tendance à la rationalisation de
par la professionnalisation de la logistique. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR CATHY POLGE
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
71
2010 et au-delà
Des entrepôts plus singuliers,
pour des usages pluriels
Pilotés par les équipes projets des donneurs d’ordre, les projets de nouveaux
entrepôts sont de plus en plus singuliers, afin de coller au mieux à la stratégie
des entreprises. Multi-client, multi-canal, multi-produits… les entrepôts de nouvelle
génération, souvent automatisés ou mécanisés, se font énormes dans les champs et
tout petits dans les villes.
E
©SAGL
Entrepôt Action
de 70.000 m2 à
Moissy Cramayel
livrable pour
fin 2017
ntamée sur fond de crise économique, la décennie débute sur un net décrochage des surfaces
d’entrepôts commercialisées, souvent multicanal. La grande distribution et bientôt l’e-commerce contribuent à relancer le marché, tout en
illustrant l’automatisation croissante du secteur.
Côté grande distribution, elle s’envisagera bientôt
à une échelle globale. En 2014, Scapalsace ouvre
la 1ère plate-forme de préparation automatisée du
sol au plafond, pour les magasins E.Leclerc de l’est
de la France. Un profil de projet qui alimente l’actualité des différentes enseignes, sur fond de réorganisation de leurs circuits de distribution autour
d’entrepôts XXL. Leur automatisation se retrouve
aussi à l’échelle des drives, qui maillent progressivement tout le territoire. La distribution spécialisée s’engage aussi sur ce chemin, en s’appuyant
plus sur ses prestataires logistiques. A l’image de
Deret, qui robotise la préparation de palettes de
2002
L’arrêté ministériel du 5 août
2002 renforce la prévention
des risques dans les entrepôts
et impose entre autres une
taille maximum des cellules
à 6.000 m2. Le bâtiment doit
être construit à plus de 20 m
des limites de propriété.
Du coup, les hauteurs passent
à 10 m, voire 12 m.
Sephora en 2015, sur son site
de Saran. Elle n’est pas non
plus en reste en matière de
gigantisme : c’est sur près de
100.000 m² que s’installe Maisons du Monde au printemps
2016, près de Marseille. Côté e-commerce, il faut
s’appeler Amazon pour s’installer sur une surface
similaire, comme c’est en cours à Boves, où l’automatisation n’est pas forcément la priorité. Elle
l’est plus chez de petits acteurs, mais leur rythme
de croissance et une moindre capacité d’investissement impliquent une démarche plus graduelle.
Pour répondre à ces problématiques de flexibilité,
les solutions de préparation de commandes se sont
faites plus modulaires et plug & play, à l’image de
celles d’Intelis chez Savoye, ou des convoyeurs de
Boa Concept à partir de 2013. Le tout participe
d’une démocratisation de l’automatisation, que
l’on voit poindre sur de plus petits sites, y compris
des 3PL disposant de moins de 10.000 m².
Etre encore plus flexible et évolutif
En termes d’organisation interne, ce sont surtout
les équipements goods-to-man ou les AGV qui
modifient les modes de fonctionnement ou la configuration de
l’espace, plus centrée sur le poste
de préparation. Surtout avec la
nouvelle attention portée à la
pénibilité au travail, aiguillonnée
par une loi ad hoc. L’automatisation concourt à réduire la taille
des équipes mobilisées sur les
nouveaux sites, mais elle y amène
aussi plus de diversité, puisqu’on
y croise des ingénieurs. Non plus
dédiés aux questions de maintenance des équipements, mais
s’employant à optimiser la pro-
2002
Inauguration par Norbert Dentressangle du centre
national textile de Carrefour à Vert-Saint-Denis.
Présenté comme la plus grande plate-forme
de stockage de France, ce bâtiment de 80.000 m2
est entièrement automatisé et a été conçu pour pour
traiter 360 M de pièces/an. Coût du projet : plus
de 100 M€. Finalement, Carrefour ayant réduit ses
ambitions sur l’activité textile sur cintres, l’installation
n’a jamais traité plus de 245 M de pièces/an et
s’est révélée largement surdimensionnée.
72 N°114 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2017
2002
L’Autrichien Knapp sort sur le marché
le 1er système à navettes (shuttles),
l’OSR (Order Storage & Retrieval System),
conçu pour gagner en performance
et en consommation par rapport
à un transstockeur classique
de type miniload.
Et demain ?
Pour Claude Samson, Directeur d’Afilog, « Demain
on pensera l’organisation et les processus puis
on posera la coque au-dessus, ce qui bouge de
2012
Le transpalette EJE 112i de Jungheinrich
devient le 1er engin de manutention
électrique à être commercialisé avec
une batterie basée sur la technologie
Lithium ion, plus légère qu’une batterie
au plomb, plus compacte,
plus rapidement rechargeable
et sans effet mémoire.
Mais encore nettement plus chère.
©SYLEPS
manière forte les lignes sur le bâtiment. Avec le
développement des livraisons urbaines, on aura
un schéma à 2 voire 3 niveaux : des entrepôts
de stockage de masse loin des villes, des points
de relais à la périphérie des villes (ex : Chapelle
International), voire un 3e niveau dans les parkings pour desservir les quartiers avec des moyens
doux. Le foncier en ville étant cher et les ruptures
de charges, coûteuses, il va falloir trouver de nouvelles solutions (contenants adaptés en fluvial ?),
ce à quoi Afilog est en train de réfléchir. Avec
l’économie d’usage, la notion d’entrepôt patrimoine devrait disparaître au profit de la location
de m2 et de services informatiques en fonction
des besoins. L’impression 3D devrait aussi faire
évoluer les systèmes à terme ». Nul doute que la
Supply Chain va devoir encore s’adapter et avec
elle, son humble maillon, l’entrepôt. Au point de
disparaître au profit de stocks circulants ? ■
MAXIME RABILLER ET CATHY POLGE
2014
Scapalsace, qui gère les achats et
la logistique de distribution des magasins
E.Leclerc sur 10 départements
du Grand Est, ouvre
le 1er centre en France complètement
automatisé pour la préparation
de commandes dans la grande
distribution (réalisé par Witron).
Préparation
robotisée
de palettes
hétérogènes
de liquides.
©JL.ROGNON
ductivité de l’ensemble.
La performance est
d’autant plus cruciale
qu’il s’agit de livrer sous
des délais toujours plus
serrés, jusqu’au J+2 ou
J+1, sous l’impulsion
du e-commerce. Multi-client, multi-canal,
multi-produits… les
entrepôts doivent gérer
des flux croissants,
variés et dans des délais
courts, d’où une industrialisation des métiers
des opérateurs. « L’entrepôt doit être encore
plus flexible et évolutif.
Les grands distributeurs investissent dans
les murs et les WMS, et jonglent avec les prestataires, qui se chargent des mouvements de flux et
des aspects sociaux », estime pour sa part Michel
Martin, Consultant M2 Consulting. Certains magasins de stockage automatisé franchissent la barre
des 30 m de haut, comme le projet en construction
par Socamaine dans la Sarthe. Son choix de gagner
en hauteur est aussi dicté par une problématique de
foncier disponible, qui pèse sur un nombre croissant
de projets, à la périphérie des villes. Forçant parfois
les architectes à sortir du traditionnel format rectangle pour tirer le maximum de la parcelle. Le tout
participe d’une logique de sur-mesure, interne avec
l’automatisation, externe avec des projets sortant
des sentiers battus en matière d’architecture.
MAI 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°114
73
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