textes et documents Le Roi nu de Evguéni Schwartz texte français André Markowicz (Éditions Les Solitaires Intempestifs) mise en scène Philippe Awat Théâtre de la Tempête Cartoucherie Théâtre de la Tempête 20 janvier - 14 février 2010 Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris *location 01 43 28 36 36 *administration 01 43 74 94 07 *fax 01 43 74 14 51 *[email protected] *www.la.tempete.fr Contact groupes et collectivités Anne Delaunay : 01 43 28 36 36 Le Roi nu du 20 janvier au 14 février 2010 mardi, mercredi, vendredi, samedi 20 h30 jeudi 19 h30 dimanche 16h de Evguéni Schwartz texte français André Markowicz mise en scène Philippe Awat Rencontre-débat avec l’équipe artistique. vendredi 22 janvier 2010 après la représentation. —avec Théâtre de la Tempête Cartoucherie Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris - réservation 01 43 28 36 36 - billetterie en ligne et documentation : www.la-tempete.fr - groupes et collectivités : Anne Delaunay 01 43 28 36 36 [email protected] Anne Buffet Le Ministre des tendres sentiments, dame de compagnie Eddie Chignara Le Roi, le bourgmestre Mikaël Chirinian Le Premier ministre, dame de compagnie François Frapier Le Roi père, le valet, le poète Dominique Langlais Christian, le savant Pascale Oudot La Princesse, le bouffon Bruno Paviot Le Chambellan Magali Pouget La Gouvernante, dame de compagnie Francis Ressort Henri Présentation « On ne raconte pas un conte pour dissimuler une signification, mais pour dévoiler, pour dire à pleine voix, de toutes ses forces, ce que l’on pense. » Evguéni Schwartz. La pièce Le Roi nu d’Evguéni Schwartz est une fable antitotalitariste écrite en 1934 et librement adaptée de trois contes d’Andersen, Le Porcher amoureux, La Princesse aux petits pois et Les Habits neufs de l’empereur. La pièce prend la forme d’un grand conte et relate une histoire toute simple. Un jeune porcher tombe amoureux d’une princesse. Les deux amants se déclarent leur flamme, mais le père de cette dernière s’oppose farouchement à cette union. Il souhaite, pour sa fille, un mariage digne de son rang et décide de la marier à un roi voisin, laid, vieux, dictateur tyrannique et fanatique. Le jeune porcher, aidé de son meilleur ami, va alors monter un incroyable stratagème pour déjouer le dessein du Roi père. Les personnages de cette fable fantastique et politique nous parlent, sous les aspects du conte, du conformisme, de la terreur, de l’angoisse, du pouvoir politique implacable.Toujours. Ici et maintenant. Textes •Les trouvailles verbales de Schwartz Schwartz a le goût du gag, qu’il fait surgir du récit, d’une indication scénique, d’une réplique. Le gag passe principalement chez lui par la langue. Son domaine de prédilection est le mot. Les trouvailles, savamment organisées, fourmillent : mélange de genres, de styles, d’expressions, accumulation verbale, onomatopées, c’est une véritable délectation du verbe qui résonne de façon poétique et comique. Le Chambellan – Que s’est-il passé, entweder-oder, aber ? La Gouvernante – Cette vieille mourde-bourde dans la chambre à coucher princesse entrée a été ! Et moi, le crâne lui arracher je veux, gotentotenpotentatertanteratenanteter! Le Chambellan – Ce malotru s’est introduit dans la chambre à coucher de la princesse. Taïaut ! •Evguéni Schwartz et la satire sociale Bien que l’arme préférée de Schwartz soit le rire, il s’agit d’un rire ambivalent qui met à nu la perversion du comportement humain et des mécanismes sociaux. Le Premier Ministre – Les imbéciles vont voir le roi nu. C’est affreux ! C’est affreux ! Tout notre système national, toutes les traditions tiennent sur des imbéciles inébranlables. Que se passera-t-il s’ils bronchent en voyant leur souverain dénudé ? Les bases se mettront à chanceler, les murs trembleront, le feu consumera le pays ! Non, ce n’est pas possible de laisser sortir le roi tout nu. Le faste – voilà le grand soutien du trône ! Pièces pour enfants, dévolues à la scène ou au castelet de marionnettes, pièces pour adultes, scénari de films, Schwartz est productif. Son œuvre obéit tout entière aux lois du conte, mais ces contes-là ne ressemblent en rien à ceux de notre enfance, même s’ils en conservent la trame. L’auteur entrelace fantastique et réel où le Bien et le Mal s’affrontent. Il écrit des fables drôles mais graves, mettant en action des despotes bornés et leur armée de flatteurs, d’exécutants décervelés. Il démonte les mécanismes anciens du conte et les remonte dans un ordre différent, selon un schéma sorti tout droit de son imagination et propre au monde moderne. Les personnages chez Schwartz n’ont aucune psychologie individuelle, ils revêtent des masques insolites, incarnent qualités et défauts. Par ces assemblages insolites qui rendent le banal étrange, il crée une distance qui permet de voir clair - il n’y a ni surhommes, ni sous-hommes - il met en garde contre la soumission et exalte l’être humain d’ici-bas à se libérer de ses propres peurs et à combattre les forces destructrices au lieu d’y céder. L’œuvre d’Evguéni Schwartz éclairée par ses Carnets (1942-1958, non traduits du russe) Entretien Youlia Zimina (metteur en scène, comédienne) et Philippe Awat Youlia Zimina - Schwartz écrit ses Carnets alors qu’il est déjà assez âgé. Il les commence en 1942, en pleine guerre. Il a un fort désir d’introspection, et se rapelle de toutes les blessures de son enfance qui ont forgé ou détruit son caractère mais aussi défini son écriture. Il dit être très obsédé par la forme et le conte en est une. Ce qu’il apprécie dans ce type de récit, c’est la dimension du réel et non celle de l’image, de l’allégorie. Philippe Awat - Pourquoi le choix du conte ? Youlia Zimina - Cela lui permet de poser des situations très fortes dès le départ, celle de la lutte pour la liberté ou la lutte philosophique comme dans l’Ombre, ou « Qu’est-ce qui est la vérité quand tout va mal?» comme dans Le Roi nu. Le conte offre une situation donnée. Schwartz a beaucoup travaillé pour arriver à quelque chose de l’ordre du conte noir. En 1942, il écrit : « Le conte est l’endroit où souffle éternellement le vent du nord. Les maisons sont gonflées comme des voiles de navires et où les troncs d’arbres et les palissades ne sont jamais droits ». Il dépeint là une image récurrente dans son œuvre, celle d’une dimension d’irréel dans le froid, dimension méchante, austère et non un irréel enchanté propre à l’univers des contes pour enfants. Dans sa vie, il a toujours frôlé le pire, mais ce pire ne l’a pas touché; il y a toujours échappé. Il en ressort un énorme sentiment de culpabilité. Il n’est donc pas le Lancelot du Dragon. Ce pire a toujours été à deux millimètres de lui mais, à chaque fois, il y échappait ; cela ne lui permettait pas de devenir héroïque, d’où sa réflexion sur l’héroïsme. Les gens ne sont pas des héros, c’est la situation qui les pousse à l’acte héroïque. Les gens héroïques dans son univers laissent toujours percevoir une faille. La dualité chez Schwartz trouve ses origines dans les racines familiales. Fils d’un père juif et d’une mère russe, il hérite physiquement du côté slave de sa mère, mais au moment des pogroms, dans sa ville natale de Maïkop, ses parents sont poussés à fuir. Il décrit, d’ailleurs, la nuit irréelle de cette fuite, nuit pendant laquelle il n’arrive pas à comprendre pleinement l’horreur de l’événement car pour lui cette fuite revêtait aussi un aspect excitant, épique pour l’enfant qu’il était. Il décrit une scène où, plongé dans une obscurité totale avec ses parents, il assiste à l’incendie d’une fabrique qui paraît alors s’illuminer de mille feux. Il sublime une réalité tragique intégrant ainsi une distance au regard des événements. Cette dualité marquera l’ensemble de son œuvre. Un deuxième épisode marquant de sa vie est la naissance de son petit frère : « Je vivais entouré comme dans un étui par l’amour de ma mère, par ses soins. Les carnets d’Evguéni Schwartz (suite) En grandissant, j’ai senti un vide inexplicable, la peur de la solitude, de l’abandon et du froid. C’est à ce moment-là qu’il s’est formé dans mon caractère quelque chose que je porte encore aujourd’hui. Je n’ai absolument aucune confiance en moi, une peur terrible de la solitude et un désir insupportable de plaire à tout le monde. Je voulais à tout prix plaire à ma mère, c’est pour cette raison qu’à la naissance de mon petit frère, je l’ai détesté de toutes mes forces, parce que j’ai alors perdu mon paradis. C’est pour cela que je suis devenu insupportable….». Il analyse son mépris des autres par une peur absolue de la solitude. Philippe Awat - Pourquoi les Contes d’Andersen plutôt que ceux de Grimm par exemple ? Youlia Zimina - Tout commence dans son enfance. Une de ses tantes lui offre un vieux livre des Contes d’Andersen dont les images sont jaunies par le temps. Pour en raviver les couleurs et les rendre plus neuves, il s’amusait à les lécher et en l’espace de quelques secondes, les images retrouvaient leur brillant et leur aspect neuf. Ce qui peut être, par ailleurs, une indication précieuse pour scénographie du Roi Nu: l’espace de jeu peut être sublime, léché, mais à l’intérieur, il va falloir trouver l’horrible et la terreur. Dans ses contes, il y a aussi différents niveaux de langages et de façon de parler. Référence là encore à son enfance où les invités que recevaient ses parents avaient le langage raffiné de l’intelligentsia russe alors que, lorsqu’il se rendait chez sa grand-mère paternelle, il se trouvait plongé dans un mélange de russe et de yiddish. Influence que l’on retrouve au travers des personnages qui peuplent ses récits. Philippe Awat – Ses pièces se terminent toujours bien ; est-ce, chez Schwartz, le signe d’un optimisme ou d’un utopisme ? Youlia Zimina – En 1948, il écrit dans ses carnets que «les seuls amis avec lesquels j’ai vécu, enfant, étaient les personnages de conte. Je me souviens que dans un des contes, il y avait un serviteur tellement chagriné par ce qui arrivait à son maître qu’il se serrait la poitrine dans un étau de fer de peur que son cœur ne se déchire ». Il raconte qu’à partir de ce moment, « il demandait à ses nounous de lui raconter uniquement les histoires dont les fins n’étaient pas tristes… ». Une sorte de réflexe symptomatique s’installe dès lors chez lui : il n’écrira aucune fin triste. Paradoxalement, il écrit également à la même période : «Ce que j’ai compris beaucoup plus tard, c’est que j’étais et que je suis un être très désespéré… » Mise en scène et scénographie le registre du geste et de l’image constitue le champs de recherche, ouvert à tout public, de la compagnie. Schwartz nous ouvre un domaine d’expérimentation inédit d’un style nouveau, le conte fantastique. Nous avons à relever plusieurs défis, induits par la multiplicité des lieux inhérents à l’histoire et par l’aspect incongru de certaines situations.Comment par exemple représenter le roi s’éveillant du haut de cent quarante-huit matelas? De multiples ouvertures masquées, intégrées aux deux surfaces (verticale et horizontale) permettront de faire surgir les personnages de l’histoire. Ils sembleront, comme par magie, expulsés ou avalés par la page blanche que le décor évoque. Les deux surfaces serviront également de support à un travail de projection. Une recherche sera menée sur la distorsion des perspectives et des profondeurs d’images (allées voûtées et couloirs infinis du palais, escaliers interminables en colimaçon etc.). L’espace scénique, ainsi pensé, donnera naissance à un monde parallèle : un conte moderne qui comporte une quatrième dimension, une invitation où le spectateur perd la notion de l’espace et des volumes. Il sera installé au coeur d’un univers surréaliste mais inscrit dans une vérité théâtrale, celle de l’instant de la représentation. L’auteur Principales œuvres d’Evguéni Schwartz Pour adultes • Les Aventures d’Hohenschtoffen 1933 • Le Roi nu 1934 • Notre hospitalité 1938 • L’Ombre 1940 • Sous les peupliers de Berlin 1941 • Une nuit 1942 • Le Dragon 1944 • Le Miracle ordinaire 1954 • L’Histoire des jeunes mariés 1957 Pour les jeunes spectateurs • Underwood 1929 • Le Trésor 1933 • Le Frère et la soeur 1936 • Le Chaperon rouge 1937 • La Reine des neiges 1938 • La Contrée lointaine 1942 • Les Deux Érables 1953 Pour le théâtre de marionnettes • Des petits riens 1932 • Le Récit du temps perdu 1939 • La Maison de poupées 1939 • Nouveau récit 1945 • Le Récit du vaillant soldat 1946 • Les Enchanteurs 1947 Evguéni Schwartz naît à Kazan le 21 octobre 1896 où son père est médecin. En 1914, il vient à Moscou pour y étudier le droit mais il abandonne l’université en 1917. Il se consacre dès lors au théâtre et fonde une troupe avec des camarades. En 1921, la troupe se transporte à Leningrad mais se dissout bientôt pour des raisons financières, malgré les succès obtenus. Après avoir joué dans d’autres théâtres, Schwartz commence une activité de journaliste, de dramaturge et se consacre surtout à la littérature enfantine. De 1925 à 1954, il écrit une douzaine de pièces pour enfants en forme de contes et des pièces pour marionnettes. Dès 1934, il utilise cette même forme pour s’adresser aux adultes. Trois de ses œuvres qui traitent du pouvoir lui valent des ennuis: Le Roi nu est interdit par les autorités soviétiques avant même sa création ; même sort pour L’Ombre. Schwartz, qui a participé en 1941 à la défense de Leningrad (il sera plus tard décoré d’une médaille) est évacué de la ville assiégée par les Allemands. Il s’installe à Diouchambé, capitale du Tadjikistan où il retrouve la troupe de la Comédie du théâtre de Leningrad, éloignée comme lui des zones d’opérations militaires. Il reprend l’écriture du Dragon, commencée avant la guerre et qu’il avait abandonnée. La pièce, créée en 1944, est interdite après la première représentation. Schwartz garde le silence pendant 10 ans. Il revient à la scène avec un conte pour enfants ; il écrit encore deux pièces pour adultes. Atteint d’une grave maladie cardiaque, il meurt en 1958.