La commande publique, Levier stratégique de développement

LA COMMANDE PUBLIQUE,
LEVIER STRATEGIQUE DE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE ET SOCIAL
Executive Summary
Septembre 2012
La commande publique, levier stratégique de développement économique et social
Conseil Economique et Social 1
Préambule
La mutation économique qu’a connue le Maroc au cours des 10 dernières années est indéniable. Son
impact sur les comptes publics a été fondamental et a ouvert des marges de manœuvres budgétaires
historiques pour l’Etat.
La commande publique en a ainsi grandement bénéficié. En valeur, celle-ci a crû en moyenne annuelle
de 6% entre 2002 et 2006 puis de 30% par an entre 2007 et 2011.
La commande publique qui comprend les dépenses engagées dans ce cadre par l’Etat, les
établissements publics et les collectivités locales représente désormais l’équivalent de près de 24% du
PIB. Il s’agit donc d’une composante incontournable de l’activité économique.
A titre d’illustration, des secteurs entiers de l’économie comme ceux des BTP et de l’ingénierie
dépendent à plus de 75% des commandes directes ou indirectes de l’Etat.
Compte tenu de cette importance, les pouvoirs publics ont toujours été attentifs au cadre qui régit la
commande publique avec des objectifs de transparence, de concurrence et d’efficacité de la dépense.
De nombreuses réformes ont eu lieu depuis 1917, année d’instauration du premier texte de loi
régissant les dépenses de l’Etat jusqu’au milieu des années 70.
Après un pause de près de 20 ans, l’Etat a de nouveau réalisé une nouvelle vague de réformes du
cadre réglementaire de la commande publique. Un nouveau décret de passation des marchés publics
a ainsi vu le jour en 1998, puis en 2007. Une troisième réforme de ce même texte est dans le circuit de
validation et devrait aboutir courant de l’année 2012.
Pendant cette même période, d’autres textes ont été promulgués pour améliorer la gouvernance des
marchés publics : la loi 61-99 relative à la responsabilides ordonnateurs, des contrôleurs et des
comptables publics ; le Décret de la même année approuvant le cahier des clauses administratives
générales applicables aux marchés de services, ainsi que la loi 69-00 relative au contrôle financier
de l’État sur les entreprises publiques et autres organismes.
Ces réformes qui restent incomplètes, se sont focalisés essentiellement sur la phase passation et sur
les aspects de conformité procédurale en y rajoutant le contrôle de la matérialité des dépenses, sans
pour autant atteindre les objectifs visés, de transparence et de simplification des procédures.
En effet durant les dix dernières années, des rapports produits par différentes institutions nationales
internationales, mettent en avant la persistance des problèmes de lourdeur des procédures et de
transparence, notamment dans les marchés publics. Dans ce sens, une enquête réalisée pour le
compte de Transparency Maroc, auprès d’un échantillon de 400 entreprises, révèle que seulement
10% de celles-ci participent de manière régulière aux marchés publics et près de 60% parmi elles
jugent que les procédures correspondantes sont complexes, coûteuses et fréquemment marquées par
des versements illicites.
De même, les réformes cités plus haut, n’ont couvert ni les problématiques liées aux phases amont, en
termes d’analyse de l’opportunité ; d’optimisation de l’expression des besoins notamment en fonction
de l’offre disponible sur le marché ; de cadrage de la conception du dossier d’appel d’offres avec son
cahier des charges et son règlement de consultation ;… ni celles liées aux phases avales et
particulièrement celles concernant l’exécution, la réception, l’évaluation et la mesure des résultats et
des impacts.
Dans ces conditions, la commande publique ne peut prétendre profiter de manière optimale au
développement général de l’économie nationale ni soutenir stratégiquement, l’émergence d’entreprises
performantes en particulier parmi les PME.
La commande publique, levier stratégique de développement économique et social
Conseil Economique et Social 2
Sur un autre plan, le Maroc souffre d’une situation structurelle marquée par un accroissement
important et chronique du déficit de sa balance commerciale se traduisant par une aggravation du
déséquilibre de sa balance de paiement.
Les déclarations du gouvernement issu des élections anticipées de novembre 2011, qui précisent les
orientations économiques et sociales de la politique du Maroc sur les 5 prochaines années, tout en
insistant sur la place que la gouvernance et la lutte contre la corruption, occuperaient dans les priorités
du gouvernement, confirment que ce dernier est engagé à prendre les mesures nécessaires pour
favoriser une plus grande participation de la PME marocaine aux marchés publics, avec une part qui
dépasserait les 20 à 30%
Ces considérations réunies ont motivé la décision du Conseil Economique et Social de s’autosaisir de
la problématique de la commande publique pour apporter sa contribution, à faire de celle-ci un levier
stratégique de développement économique et social.
Il est à noter que l’approche adoptée par le Conseil Economique et Sociale pour traiter la
problématique objet du présent rapport est dans le prolongement direct des principes retenus dans le
Référentiel de la Nouvelle Charte Sociale validé par l’assemblée générale de novembre 2011,
notamment ceux en rapport avec :
le respect de l’autorité de la loi ;
la promotion et la protection des droits de l’entreprise ;
l’obligation de rendre compte ;
l’information et la participation des parties prenantes ;
la nécessité de créer un environnement qui réduise les obstacles à l’initiative économique et qui
favorise, en s’appuyant sur des règles claires et prévisibles, la création de richesses et leur juste
répartition
le respect des libertés syndicales;
le respect des droits fondamentaux des travailleurs;
le respect des droits économiques et sociaux.
Conformément à son orientation générale, le Conseil Economique et Social, a cherché à éviter de faire
de ce travail, une énième étude sur les marchés publics, en apportant une « réponse collective et
innovante » qui marquerait une rupture dans la démarche et favoriserait l’émergence des conditions
objectives nécessaires à l’atteinte de résultats clairement assignés à la commande publique à deux
niveaux. Un premier niveau de base qui vise à tirer vers le haut la couverture des besoins de la
commande publique, dans un cadre de transparence et de concurrence loyale. Et un deuxième niveau,
aussi important que le premier et qui vise à maximiser les impacts socio-économiques induits par la
manière dont la commande publique est attribuée et exécutée.
Ainsi, tout en renforçant la gouvernance et les processus d’attribution de la commande publique, un
suivi et un contrôle efficients, il est y a lieu de favoriser l’innovation, l’accès des PME aux marchés et
l’accroissement de la valeur ajoutée produite localement. Le Conseil Economique et Social souhaite, à
travers l’articulation entre l’ensemble de ses propositions, faire de la commande publique un véritable
levier stratégique de développement économique et social.
Pour cela la thématique a été abordée selon une vision globale et stratégique, à même de contribuer à
apporter de vraies réponses aux problématique citées plus haut et orientées vers des objectifs
économiques, sociaux et environnementaux clairement définis.
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D’emblais, pour bien cerner le périmètre de la réflexion, il faut préciser que la commande publique est
un terme générique relatif à l'ensemble des contrats passés par les organismes publics,
administrations, collectivités, entreprises et établissements publics, pour satisfaire leurs besoins. Ces
contrats peuvent ou non être soumis aux textes qui régissent les marchés publics.
La commande publique recouvre ainsi une notion très large utilisant plusieurs outils tels que
les marchés publics, les marchés passés par certains organismes publics ou privés non soumis au
code des marchés publics, les délégations de service public, les contrats de partenariat public-privé,
Le travail dont la synthèse est présentée dans le présent document, s’est articulé autour des axes
suivants :
Collecte et analyse documentaire pour établir l’état actuel de traitement de la commande
publique ;
Analyse documentaire, juridique et réglementaire
Analyse qualitative et quantitative ;
Auditions et d’entretiens avec des responsables publics, des opérateurs privés ainsi que des
acteurs de la société civile ;
Diagnostic et identification aussi bien des limites et contraintes que des expériences réussies au
Maroc ;
Benchmark des meilleures pratiques internationales ;
Elaboration des recommandations du Conseil et leur confrontation aux avis des acteurs
concernés.
Approche réglementaire et juridique de la commande publique
Au vu du recensement des textes et de leur analyse, trois conclusions s’imposent, lesquelles
conclusions ont été confirmées en particulier par les auditions :
Les textes de loi mettent en place des principes clairs et assoient les responsabilités des
différents acteurs sur tout le processus. Ce sont les textes d’application (décrets, arrêtés, CCAG)
qui ont évolué dans le temps, qui apportent la complexité et dont l’interprétation aboutit souvent à
une dilution de la responsabilité ;
La dispersion des textes explique les difficultés d’application et appelle à un véritable effort de
codification juridique ;
La mission explicite d’impact induit sur le développement économique et social est absente des
textes régissant la commande publique ce qui fait perdre au pays l’opportunité d’en faire un vrai
levier de développement. Ces mêmes textes et leur application par les organes de contrôle, font
peser des risques sur les ordonnateurs souhaitant faire des efforts dans ce sens.
Analyse quantitative de la commande publique au Maroc
Il est à souligner au préalable de la présentation des résultats de l’analyse quantitative, que cette
dernière devait aller plus en profondeur, si le Conseil Economique et Social n’avait pas rencontré des
difficultés pour disposer des données relatives à la commande publique et ce malgré son insistance et
ses écrits de relance auprès du ministère et administrations concernés. La commission du CES devait,
sur cette base, approfondir d’avantage ses travaux et décliner l’analyse quantitative à un niveau
sectoriel plus fin, gageant ainsi des recommandations complémentaires et spécifiques à certains
secteurs dont le développement est fortement et/ou potentiellement, lié à la commande publique.
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L’Analyse globale de la commande publique permet de ressortir les constats suivants :
L’évolution des chiffres de la commande publique au cours des 10 dernières années pourrait être
qualifiée d’exceptionnelle.
Comme le montre le graphe ci-dessous, en dépit d’une évolution en dents de scie au début de la
décennie, le Maroc a connu une véritable explosion dès l’année 2005.
Ce volume de commande publique représente ainsi en 2011 l’équivalent de près 24% du PIB. Ce ratio
important fait désormais de la commande publique un des principaux déterminants de l’activité
économique dans notre pays.
Néanmoins, lorsqu’on observe plus précisément les chiffres, on constate un faible impact de l’évolution
du volume de la commande publique sur la croissance économique.
Tout en soulignant la complexité de la relation qui existe entre ces deux composantes de l’économie et
qui ne peut être vue selon un modèle de corrélation linéaire, on ne peut pas non plus négliger la
sensibilide la croissance économique, à la hauteur de la valeur ajoutée locale versus contenu en
importation des investissements liés à l’exécution de la commande publique. Laquelle valeur ajoutée
locale influence à son tour l’emploi, qui lui-même a un impact sur la consommation interne. C’est à
travers ce prisme de lecture que devrait être analysée, de plus près la (dé)corrélation entre la
croissance d’un côté des budgets d’investissement publics et de l’autre côté celle du PIB.
Ainsi une première lecture permet de retenir que les chiffres restent relativement cohérents entre 2002
et 2006, tandis que la période 2007-2011, est marquée par un très faible impact de la croissance de la
commande publique qui s’est située à 30% en moyenne annuelle sur ladite période, alors que le PIB
n’a connu que de 4,6% en moyenne de croissance annuelle.
Ce phénomène marqué par une très forte évolution du contenu en importation, induit par la commande
publique, a contribue très significativement au déséquilibre de la balance commerciale et par suite au
déficit de la balance de paiement, qui représentent aujourd’hui des enjeux majeurs pour l’économie
nationale.
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