la commande publique, levier strategique de developpement

LA COMMANDE PUBLIQUE,
LEVIER STRATEGIQUE DE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE ET SOCIAL
Executive Summary Résumé Exécutif
Août 2012
La commande publique, levier stratégique de développement économique et social
Conseil Economique et Social 1
Préambule
La mutation économique qu’a connue le Maroc au cours des 10 dernières années est indéniable. Son
impact sur les comptes publics a été fondamental et a ouvert des marges de manœuvres budgétaires
historiques pour l’Etat.
La commande publique en a ainsi grandement bénéficié. En valeur, celle-ci a crû en moyenne annuelle
de 6% entre 2002 et 2006 puis de 30% par an entre 2007 et 2011.
La commande publique qui comprend les dépenses engagées par l’Etat, les établissements publics et
les collectivités locales représente désormais près de 24% du PIB. Il s’agit donc d’une composante
incontournable de l’activité économique. A titre d’illustration, des secteurs entiers de l’économie
comme les BTP ou l’ingénierie dépendent à plus de 75% des commandes directes ou indirectes de
l’Etat.
Compte tenu de cette importance, les pouvoirs publics ont toujours été attentifs au cadre qui régit la
commande publique avec des objectifs d’efficacité de la dépense et de gouvernance adéquate. De
nombreuses réformes ont eu lieu depuis 1917, année d’instauration du premier texte de loi régissant
les dépenses de l’Etat.
Après un pause de près de 20 ans, l’Etat a réalisé une nouvelle vague de réformes du cadre
réglementaire de la commande publique. Un nouveau décret de passation des marchés publics a ainsi
vu le jour en 1998, puis en 2007. Une troisième est en cours de réalisation et devrait déboucher au
cours de l’année 2012.
Pendant cette même période, d’autres textes ont été promulgués pour améliorer la gouvernance des
marchés publics : le Dahir de 2002 portant promulgation de la loi 61-99 relative à la responsabili
des ordonnateurs, des contrôleurs et des comptables publics ; le Décret de la même année approuvant
le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de services, ainsi que le
Dahir de novembre 2003 portant promulgation de la loi 69-00 relative au contrôle financier de l’État
sur les entreprises publiques et autres organismes.
Ces réformes qui restent incomplètes, se sont focalisés essentiellement sur la phase passation et sur
les aspects de conformité procédurale en y rajoutant le contrôle de la matérialité des dépenses, sans
pour autant atteindre les objectifs visés, de transparence et de simplification des procédures.
Ainsi, sur le terrain, une enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 400 entreprises,
révèle que seulement 10% de celles-ci participent de manière régulière aux marchés publics, 54%
jugent que les procédures correspondantes sont complexes, coûteuses et plus de 60% des entreprises
interrogées considèrent que les marchés publics ne sont pas systématiquement transparents et que
les versements illicites sont fréquents.
Les réformes cités plus haut, n’ont pas répondu aux problématiques liés aux phases amont, telles que
l’analyse de l’opportunité ; l’optimisation de l’expression des besoins en fonction de l’offre disponible
sur le marché ; la conception du dossier d’appel d’offres avec son cahier des charges et son règlement
de consultation ;… et phases avales, telles que l’exécution, la réception, l’évaluation et la mesure des
résultats et des impacts.
Dans ces conditions, les marchés publics ne peuvent prétendre profiter de manière optimale au
développement général de l’économie nationale ni de soutenir stratégiquement, l’émergence
d’entreprises performantes en particulier parmi les PME.
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Sur un autre plan, le Maroc souffre d’une situation structurelle marquée par un déficit important et
chronique de sa balance commerciale se traduisant par une aggravation du déséquilibre de sa balance
de paiement.
L’arrivée du gouvernement issu des élections anticipées de novembre 2011, est accompagnée d’un
certain nombre de déclarations qui précisent les orientations économiques et sociales de la politique
du Maroc sur les 5 prochaines années. Le nouveau Chef du Gouvernement, tout en insistant sur la
place que la gouvernance et la lutte contre la corruption, occuperaient dans les priorités du
gouvernement, a déclaré que des décisions seraient prises, pour favoriser une plus grande
participation de la PME marocaine aux marchés publics, avec une part qui dépasserait les 30%.
L’ensemble de ces considérations a ainsi incité le Conseil Economique et Social à se saisir en 2012 de
la problématique de la commande publique et de produire au final le présent rapport.
Il est à noter que l’approche adoptée par le Conseil Economique et Sociale pour traiter la
problématique objet du présent rapport est dans le prolongement direct des principes retenus dans le
Référentiel de la Nouvelle Charte Sociale validé par l’assemblée générale de novembre 2011,
notamment ceux en rapport avec :
le respect de l’autorité de la loi ;
la promotion et la protection des droits de l’entreprise ;
l’obligation de rendre compte ;
l’information et la participation des parties prenantes ;
la nécessité de créer un environnement qui réduise les obstacles à l’initiative économique et qui
favorise, en s’appuyant sur des règles claires et prévisibles, la création de richesses et leur juste
répartition.
Conformément à son orientation générale, le Conseil Economique et Social, n’a pas cherché à
proposer une énième version du décret des marchés publics. Sans occulter, bien entendu, la fonction
première de la commande publique qui reste la réponse optimale aux besoins des entités publiques
acheteuses, le Conseil a souhaité proposer une « réponse collective et innovante » à même d’apporter
une rupture dans la démarche et dans les résultats.
Ainsi, au-delà de l’objectif d’amélioration de la gouvernance et des processus d’octroi, de suivi et de
contrôle de la commande publique, et au-delà de l’objectif de facilitation de l’accès des PME aux
marchés, le Conseil Economique et Social a souhaité faire de la commande publique un véritable levier
stratégique de développement économique et social.
Pour cela la thématique a été abordée selon une vision globale et stratégique, capable de contribuer à
apporter de vraies réponses aux problématique citées plus haut et déclinée sur la base d’objectifs
économiques, sociaux et environnementaux clairement définis.
Le travail qui a permis d’aboutir au présent rapport s’est ainsi articulé autour des étapes suivantes :
Collecte et analyse documentaire pour établir l’état actuel de traitement de la commande
publique ;
Analyse qualitative et quantitative ;
Diagnostic et identification des expériences réussies à travers une série d’auditions et
d’entretiens avec des responsables publics, des opérateurs privés ainsi que des acteurs de la
société civile ;
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Benchmark des meilleures pratiques internationales ;
Elaboration des recommandations du Conseil et leur confrontation aux avis des acteurs
concernés.
D’emblée, pour bien cerner le périmètre de la réflexion, il faut préciser que la commande publique est
un terme générique relatif à l'ensemble des contrats passés par les organismes publics pour satisfaire
leurs besoins. Ces contrats peuvent ou non être soumis au code des marchés publics.
La commande publique recouvre ainsi une notion très large utilisant plusieurs outils tels que
les marchés publics, les marchés passés par certains organismes publics ou privés non soumis au
code des marchés publics, les délégations de service public, les contrats de partenariat…
Approche réglementaire et juridique de la commande publique
Au vu du recensement des textes et de leur analyse, trois conclusions s’imposent et seront
confirmées en particulier par les auditions :
Les textes de loi mettent en place des principes simples et assoient les responsabilités des
différents acteurs sur tout le processus. Ce sont les textes d’application (décrets, arrêtés, CCAG)
qui apportent la complexité et la dilution de la responsabilité ;
La dispersion des textes explique les difficultés d’application et appelle à un véritable effort de
codification juridique ;
La mission explicite de développement économique et social est absente des textes régissant la
commande publique ce qui fait perdre au pays l’opportunité d’en faire un vrai levier de
développement et crée même un risque pour les ordonnateurs souhaitant faire des efforts dans
ce sens.
Analyse quantitative de la commande publique au Maroc
Ce volet n’a pas pu être développé de la manière la plus fine tel qu’initialement prévu, à cause des
difficultés rencontrées pour disposer de données relatives à la commande publique.
En effet, malgré son insistance et ses écrits de relance, le Conseil Economique et Social, n’a pu avoir
accès à toutes les données relatives à la commande publique, qui lui auraient permis d’approfondir
d’avantage ses travaux et de décliner ainsi, l’analyse quantitative à un niveau sectoriel afin de dégager
d’autres recommandations pertinentes et spécifiques à certains secteurs dont le développement est
fortement et/ou potentiellement, lié à la commande publique
L’Analyse globale de la commande publique permet de ressortir les constats suivants :
L’évolution des chiffres de la commande publique au cours des 10 dernières années pourrait être
qualifiée d’exceptionnelle.
Comme le montre le graphe ci-dessus, en dépit d’une évolution en dents de scie au début de la
décennie, le Maroc a connu une véritable explosion dès l’année 2005.
Ce volume de commande publique représente ainsi en 2011 24% du PIB. Ce ratio important fait
désormais de la commande publique un des principaux déterminants de l’activité économique dans
notre pays.
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Néanmoins, lorsqu’on observe plus précisément les chiffres, on constate un faible impact de l’évolution
du volume de la commande publique sur la croissance économique.
Tout en soulignant la complexité de la relation qui existe entre ces deux composantes de l’économie et
qui ne peut être vue selon un modèle de corrélation linéaire, on ne peut pas non plus négliger la
sensibili de la croissance économique, à la hauteur de valeur ajoutée locale versus contenu en
importation des investissements faits à travers la commande publique. Laquelle valeur ajoutée locale
influence à son tour l’emploi, qui lui-même a un impact sur la consommation interne. C’est à travers ce
prisme de lecture que devrait être analysée, de plus près la (dé)corrélation entre la croissance d’un
côté des budgets d’investissement publics et de l’autre côté celle du PIB.
Ainsi une première lecture permet de retenir que les chiffres restent relativement cohérents entre 2002
et 2006, tandis que la période 2007-2011, est marquée par un très faible impact de croissance de la
commande publique qui crt de 30% en moyenne annuelle sur ladite période pendant que le PIB ne
croit que de 4,6%.
Ce phénomène contribue très significativement sur le déséquilibre de la balance commerciale qui
représente aujourd’hui un enjeu majeur pour l’économie nationale.
Cette analyse quantitative, permet de dégager les conclusions suivantes :
Labsence de mécanismes capables de tirer un meilleur profit de la manne de la commande
publique pour assurer un renforcement de l’économie nationale et de soutenir par suite, la
croissance et l’emploi ;
Le faible impact de l’évolution de la commande publique sur le développement de la valeur
ajoutée locale entraine une forte augmentation du volume d’importation réalisé directement ou
indirectement par les acheteurs publics ;
Ce phénomène entraine un impact négatif lourd de l’augmentation de la commande publique sur
l’équilibre de la balance commerciale et par suite une forte dégradation de la balance de
paiement ;
Cette situation appelle à identifier les mécanismes judicieux permettant de réaliser plus de valeur
ajoutée locale dans la couverture des besoins de la commande publique ;
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