Dossier D ossier La promontofixation par prothèse sous cœlioscopie dans le traitement du prolapsus des organes pelviens : résultats d’une série de 138 patientes Laparoscopic promontory in pelvic organ prolapse treatment R. Botchorishvili, C. Rivoire, M. Canis, A. Wattiez, K. Jardon, B. Rabischong, G. Mage* L e prolapsus génital est une affection fréquente. Ainsi, 42,6 % des femmes entre 15 et 97 ans présenteront un trouble de la statique pelvienne, dont le traitement reste essentiellement chirurgical (1). À l’âge de 80 ans, 11,1 % des femmes ont bénéficié d’un geste chirurgical pour prolapsus ou incontinence urinaire, dont 29,2 % avec des interventions à répétition (2). Les techniques chirurgicales sont nombreuses et utilisent diverses voies d’abord (3, 4). Une des techniques de référence est la promontofixation, décrite par Ameline, Huguier et Scali en 1957, mais semble-til déjà réalisée à la fin du XIXe siècle (5). Son principe repose sur une fixation forte en arrière, du fait du rôle essentiel des ligaments utéro-sacrés (6). La fixation est initialement assurée par des fils, puis utilise des prothèses à partir des années 1970. Fixées sur le fond vaginal lors des premières interventions, ces prothèses ont ensuite été placées sur toute la hauteur du vagin pour permettre une meilleure distribution de la tension et une amélioration des résultats à long terme (7-10). En 1993, Dorsey et al. décrivent pour la première fois une promontofixation sous cœlioscopie (11). Nous utilisons cette technique depuis 1992 (12). Le but de ce travail est l’évaluation des résultats à long terme d’une série de malades ayant bénéficié d’une cure de prolapsus avec mise en place d’une prothèse inter-vésicovaginale et inter-rectovaginale sans ouverture peropératoire du vagin. MATÉRIEL et MÉTHODES Notre étude porte sur une série rétrospective continue unicentrique de 138 patientes ayant été opérées pour un prolapsus urogénital par promontofixation sous cœlioscopie entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003 dans le service de gynécologie obstétrique de la polyclinique (Pr Mage, Hôtel Dieu, CHU Clermont-Ferrand). Ont été exclues les patientes opérées d’un prolapsus par une autre voie d’abord, les patientes ayant eu une hystérectomie totale dans le même temps opératoire, les patientes n’ayant pas eu de fixation de la prothèse postérieure sur les muscles releveurs de l’anus. * Service de gynécologie obstétrique et reproduction humaine, polyclinique de l’Hôtel Dieu, 63000 Clermont-Ferrand. 32 En préopératoire, un interrogatoire et un examen clinique urogynécologique sont pratiqués, afin de déterminer le type et le degré de prolapsus (échelle allant de stade 0 à 4) et les signes associés, en particulier l’incontinence urinaire d’effort selon la classification MHU : stade 0 absente, stade 1 efforts violents (sport, course), stade 2 efforts moyens (quinte toux, éternuement, soulèvement, rire), stade 3 efforts faibles (toux isolée, marche, accroupissement, mouvement brusque), stade 4 moindre changement de position (13). Un examen urodynamique est demandé chez les patientes présentant des signes urologiques ou une suspicion d’incontinence masquée. L’installation opératoire est habituelle : sous anesthésie générale, décubitus dorsal, jambes en position semi-fléchie, sondage urinaire à demeure, canulateur utérin pour la manipulation de l’utérus, position de Trendelenburg et utilisation de quatre trocarts (deux de 10 mm au niveau ombilical et sus-pubien et deux de 5 mm en latéral droit et gauche). Une antibioprophylaxie est réalisée en peropératoire. Pour faciliter l’exposition de la région, nous utilisons une fixation du sigmoïde peropératoire à la paroi abdominale à l’aide d’un fil fixé par un bourdonnet. L’abord du promontoire nécessite un repérage de L5-S1, de la bifurcation aortique, de l’uretère droit, de la limite inférieure de la veine iliaque primitive gauche et des vaisseaux sacrés médians. L’incision verticale du péritoine prévertébral est prolongée vers l’incision de l’espace rectovaginal, laissant l’uretère droit latéralement et respectant les vaisseaux sacrés médians. La dissection de la cloison rectovaginale est réalisée après incision du péritoine sous la jonction des ligaments utéro-sacrés et dissection au contact de la paroi vaginale, jusqu’au cap anal et aux muscles releveurs de l’anus. Une hystérectomie subtotale, avec ou sans annexectomie est réalisée avec suture du moignon cervical restant. L’utérus est morcelé avec un morcellateur cœlioscopique en fin d’intervention. En cas d’hystérectomie antérieure, l’exposition du fond vaginal est obtenue grâce à une compresse montée sur pince longuette insérée dans le vagin pour faciliter les dissections. En cas de conservation utérine, une dissection et fenestration bilatérale du ligament large sont effectuées. La dissection de l’espace vésicovaginal est obtenue par incision du péritoine et poursuivie sur la ligne médiane en refoulant la vessie jusqu’au col vésical. La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 Figure 1. Prothèse prédécoupée Parietex® (Sofradim). Les prothèses sont introduites par un trocart de 10 mm. Il s’agit soit de deux prothèses, une prothèse postérieure en forme de U, une prothèse antérieure en forme de pointe (de type Gynemesh® (40 mm x 150 mm x 2), soit d’une prothèse prédécoupée avec positionnement antéropostérieur (de type Parietex® 40 mm x 300 mm). La prothèse postérieure est fixée de chaque côté sur les releveurs de l’anus puis aux ligaments utéro-sacrés et à la partie postérieure du col par des points non transfixiants sans tension. La prothèse antérieure est placée entre la vessie et le vagin antérieur, et fixée par un point à la face antérieure du vagin non transfixiant puis au niveau du moignon cervical. Les prothèses sont ensuite attachées entre elles et au ligament pré vertébral. Les sutures sont réalisées par des fils non résorbables (Ethibond® 25 ch). Un geste de culdoplastie est associé dans quelques cas par suture des ligaments utéro-sacrés. La péritonisation est faite par un surjet aller retour en deux temps : tout d’abord une péritonisation antérieure au niveau du moignon cervical en prenant le péritoine antérieur et postérieur avant la fixation de la prothèse au promontoire, puis achevée par la péritonisation postérieure jusqu’au niveau du promontoire après fixation de la prothèse au promontoire. Ce geste est réalisé à l’aide de fils résorbables. La péritonisation permet ainsi de recouvrir la prothèse sur tout son trajet. La fixation au promontoire est obtenue en fixant les deux bretelles de la prothèse au ligament vertébral commun antérieur par un point ou deux passé par transparence, sous contrôle visuel superficiel pour éviter une lésion discale. La prothèse est posée sur le promontoire sans tension. L’espace de Retzius est ouvert par une incision du péritoine au dessus du dôme vésical, après traction du péritoine vers le bas. Le fascia ombilico-prévésical est disséqué, l’espace avasculaire est ouvert permettant l’identification du ligament de Cooper, du muscle obturateur interne, de la cystocèle latérale et de l’arc tendineux du fascia pelvien. Un à trois points sont passés de chaque côté entre le ligament de Cooper et la paroi vaginale latérale. Un renfort prothétique flottant est parfois placé en dehors et en dedans des fils de colposuspension pour réaliser une réparation paravaginale. Dans d’autres cas, une réparation paravaginale est réalisée par un surjet entre le vagin et l’arc tendineux du fascia pelvien. L’espace de Retzius est ensuite fermé par un surjet. Le suivi postopératoire des patientes est effectué par une La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 consultation systématique à un mois, puis une convocation pour une consultation à distance de l’intervention par un des auteurs (CR) avec un recul minimum d’un an. Un questionnaire sur les symptômes urogynécologiques et digestifs est réalisé lors de la consultation ou par téléphone pour les patientes n’ayant pas pu venir en consultation. Nous avons utilisé une analyse statistique univariée par test de Mac Némar (p < 0,05). Ce test est complété par le coefficient de kappa. Une analyse de survie est également effectuée par la courbe de Kaplan-Meier. Dossier D ossier Résultats Notre étude concerne 138 patientes opérées d’une promontofixation par cœlioscopie entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003. L’analyse porte sur 131 patientes, sept ont été perdues de vue (trois vivants à l’étranger et trois dont les coordonnées n’ont pu être retrouvés, une patiente ayant refusé de répondre au téléphone). Parmi les 131 patientes, 91 ont répondu à la convocation pour une consultation, 40 ont été interrogées par téléphone dont 17 ayant eu un examen clinique récent par leur chirurgien. L’âge moyen est de 60,4 ± 9,5 ans (IC95 : 58,8-62). La parité moyenne est de 2,5 ± 1,4 (IC95 : 2,3-2,7), et le poids moyen du plus gros bébé est de 3 532,3 ± 531 g (IC95 : 3 441,4-3 623,2). L’indice de masse corporel (IMC) moyen est de 24,6 ± 3,4 (IC95 : 24,1-25,1). Soixante-quinze patientes (58 %) ont un poids normal (IMC < 25), 49 patientes (37 %) sont en surpoids (IMC entre 25 et 29) et sept (5 %) sont obèses (IMC ≥ 30). Quarante-trois patientes (32 %) présentent des antécédents de chirurgie pelvienne : vingt-trois hystérectomies par voie basse ou haute (17 %), douze cures d’incontinence par Burch (9 %), quatre cures de prolapsus par voie basse (3 %), quatre cures de prolapsus par voie haute (3 %). Un prolapsus génital symptomatique est présent chez 127 patientes (96,9 %), les quatre patientes non gênées ayant consulté pour incontinence urinaire d’effort ou dysurie. Un prolapsus génital de stade 3 ou 4 est présent chez 99 % des patientes avec un prolapsus maximal intéressant, le plus souvent dans les étages antérieur et moyen (tableau I). Une incontinence urinaire d’effort est présente chez soixantetrois patientes (48 %) en préopératoire, des stades 1 et 2 pour 34 d’entre elles (70 %). Quarante-six patientes (35 %) ont une constipation habituelle avant l’intervention. Une activité sexuelle est rapportée par soixante-dix-huit patientes (60 %) en préopératoire. Un bilan urodynamique est demandé pour quatre-vingt-seize patientes (73 %). La capacité vésicale moyenne est de 434,1 ± 141,1 ml (IC95 : 409,9-458,3), la pression de clôture urétrale moyenne de 47,5 ± 18,5 cm H2O (IC95 : 44,4-50,6) avec une longueur fonctionnelle urétrale de 25,4 ± 4,6 mm (IC95 : 24,6-26,2). On constate une hypotonie avec une pression inférieure à 30 cm H2O chez seize patientes (1 %), une hypotonie sévère avec pression inférieure à 20 cm H2O chez quatre patientes (4 %) et une instabilité chez douze patientes (9 %). 33 Dossier D ossier trois cas (2 %) : deux pour hémopéritoine (1,5 %) et une pour dilatation pyélocalicielle et ablation d’un point de Burch (1 %). Une évaluation de la douleur Stade 0 Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4 dans la période postopératoire est effectuée par échelle visuelle analogique : EVA moyenne à six Cystocèle préopératoire 2 (1 %) 5 (4 %) 19 (14 %) 62 (47 %) 43 (34 %) p < 0,001* heures : 1,3 ± 1,4 (IC95 : 1,1-1,5), EVA moyenne à postopératoire 45 (42 %) 40 (37 %) 14 (13 %) 8 (7%) 1 (1 %) kappa = 0,0316 12 heures : 0,6 ± 1,1 (IC95 : 0,5-0,7), EVA moyenne à 24 heures : 0,8 ± 1,2 (IC95 : 0,6-1). Le recul moyen Prolapsus apical est de 33,7 ± 17,4 mois (IC95 : 30,8-36,6). préopératoire 1 (1 %) 3 (2 %) 39 (31 %) 62 (47 %) 26 (19 %) p < 0,001* La présence d’une récidive de gêne liée au prolappostopératoire 77 (72 %) 13 (12 %) 10 (9 %) 8 (7 %) 0 kappa = 0,0101 sus est retrouvée chez seize patientes (12%) à disRectocèle tance de l’intervention, avec un délai d’apparition préopératoire p < 0,001* 6 (5 %) 61 (47 %) 37 (28 %) 23 (17 %) 4 (3 %) moyen de 26,6 ± 10,8 mois (IC95 : 20,5-32,7). Parmi postopératoire 70 (65 %) 27 (25 %) 10 (9 %) 1 (1 %) 0 kappa = 0,0686 elles, sept (5 %) ont été réopérés, cinq (4 %) pour Prolapsus maximal remise en tension de la bandelette ou lâchage de préopératoire 0 0 2 (1 %) 66 (50 %) 63 (49 %) p < 0,001* la promontofixation et deux (1,5 %) pour cure de postopératoire 27 (25 %) 40 (37 %) 26 (24 %) 14 (13 %) 1 (1 %) kappa = 0,0019 prolapsus par voie basse. Parmi les sept patientes réopérées, quatre (3 %) ne présentent plus de gêne à distance et trois (2 %) ont une gêne persistante (deux ayant Cinq chirurgiens ont effectué les interventions, trois séniors et deux juniors. La technique chirurgicale est décrite dans le été réopérés par voie basse et une après nouvelle fixation au tableau II. promontoire). L’analyse des données de survie permet de Les prothèses utilisées sont : soixante et une Mersuture® montrer qu’après 40 mois de suivie, la probabilité de ne pas (polyester multifilament) (47 %), cinquante-trois Parietex® présenter de récidive reste stable à 0,8018, avec un intervalle (polyester multifilament) (40 %), douze Gynemesh® (polyprode confiance (IC95) entre 0,6689 et 0,8857 (figure 2). pylène monofilament) (9 %), cinq Surgipromesh® (polyproLes résultats anatomiques sont étudiés en définissant deux pylène multifilament) (4 %). La fixation au promontoire est sous-groupes : absence de récidive : stades 0, 1, 2, récidive : staeffectuée par du fil non résorbable chez 118 patientes (90 %), des 3, 4. Il existe une différence significative pour tous les étages par agrafes métalliques type Tacker® chez quatorze (10 %). La du prolapsus et pour le prolapsus maximal, entre les périodes durée opératoire moyenne totale est de 190,6 ± 50 mn (IC95 : préopératoire et postopératoire à distance (tableau I). 182,1-199,1). Une incontinence urinaire d’effort est retrouvée en postopératoire chez 57 patientes (46 %), avec une incontinence légère Les complications peropératoires sont peu fréquentes (hémor(stade 1 ou 2) dans 86 % des cas et 68 % des patientes qui préragie : un cas (1 %), plaie de vessie : deux cas (1,5 %), plaie de vagin : trois cas (2 %), emphysème sous-cutané : deux cas sentaient une incontinence préopératoire. Parmi les récidives, (1,5 %), conversion en laparotomie : 0 cas. La durée d’hospineuf patientes (16 %) n’ont pas eu de geste de cure d’incontinence urinaire par Burch. Sept (5 %) présentaient une incontitalisation moyenne est de 4,7 ± 2,1 jours (IC95 : 4,4-5), avec une médiane à quatre jours. La durée moyenne du sondage nence postopératoire sévère et ont été réopérées par TVT-O. Une constipation persiste chez 62 patientes (47 %) à distance de est de 2 ± 0,6 jours (IC95 : 1,9-2,1). Vingt-six patientes (10 %) ressentent des difficultés mictionnelles à l’ablation de la sonde et vingt-deux (17 %) ont une infection urinaire dans la période postopératoire immédiate. Le délai moyen de reprise du transit est de 1,3 ± 0,5 jours (IC95 : 1,21-1,39), pour la première selle, il est de 3,7 ± 1,6 jours (IC95 : 3,5-3,9). Un réintervention dans la période postopératoire immédiate est nécessaire dans Tableau 1. Stades de prolapsus préopératoire et postopératoire. * Les résultats anatomiques sont séparés et évalués en deux groupes : pas de récidive grade 0-1-2, récidive grade 3-4. L’analyse statistique est réalisée par test de McNemar (p < 0,05) complétée par le coefficient de Kappa. Tableau II.Technique chirurgicale employée. 34 Hystérectomie subtotale Conservation utérine Antécédent d’hystérectomie 101 patientes (77%) 4 patientes (3%) 26 patientes (20%) Annexectomie bilatérale 97 patientes (74%) Traitement étage antérieur : TVT-O seul Colpopexie selon Burch Réparation paravaginale Prothèse dans le Retzius 4 patientes (3%) 109 patientes (83%) 40 patientes (31%) 24 patientes (18%) Culdoplastie 35 patientes (27%) Figure 2. Courbe de Kaplan-Meier des récidives de symptômes. La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 l’intervention. Une activité sexuelle est rapportée par quatrevingt patientes (61 %), avec treize (16 %) présentant une dyspareunie persistante postopératoire. Des problèmes de cicatrisation vaginale sont retrouvés chez sept patientes (5 %), représentés par des érosions vaginales sur prothèse. Une érosion survient chez 3,8 % des patientes en cas de fixation sur le col et chez 12 % lors des promontofixations du fond vaginal (trois cas sur sept, dont deux avec plaie de vagin en peropératoire). Aucun cas d’érosion n’est constaté avec des prothèses de polypropylène, toutes les érosions correspondent à l’utilisation de polyester multifilament. Le traitement est effectué localement par parage simple avec un délai de reprise allant de un à vingt-quatre mois. Deux patientes (2 %) ont eu une ablation de prothèse pour problème infectieux (spondylodiscite et fistule vésicovaginale). Les patientes sont interrogées sur leur satisfaction globale visà-vis de l’intervention et cent-cinq (80 %) se sont déclarées très satisfaites, vingt-trois (18 %) moyennement satisfaites et trois (2 %) non satisfaites. DISCUSSION Notre étude réalise l’évaluation d’une technique homogène sur une série importante de promontofixation cœlioscopique sans ouverture vaginale en peropératoire. Cette technique apparaît comme réalisable avec peu de complications lors de l’analyse objective à moyen terme, réalisée par un observateur différent de l’opérateur. Avec un recul moyen de 33,7 mois (11-79), notre série permet une évaluation intéressante, aucune ne combinant une population supérieure à 100 patientes et un recul supérieur à 15 mois (14, 15). La technique chirurgicale semble applicable à une large population. L’âge moyen est élevé, avec une proportion non négligeable (22 %) de patientes âgées de 70 ans et plus, et l’indice de masse corporelle moyen élevé avec une forte proportion de patientes en surpoids ou obèse. Les contre-indications absolues sont devenues rares grâce à une meilleure connaissance des répercussions circulatoires et une adaptation de la prise en charge. Dans notre expérience, nous avons dû renoncer à la voie d’abord cœlioscopique dans peu de cas (rein pelvien, antécédents de chirurgie colique complexe). Le temps opératoire varie en fonction des gestes effectués, variation qui est retrouvée dans la littérature (97 à 276 mn) avec des techniques opératoires variables selon les études (14, 16). Cependant, le temps opératoire est actuellement, dans notre expérience, acceptable, inférieur à trois heures et peut être réduit par l’utilisation d’agrafes, la conservation utérine et l’entraînement. La cœlioscopie présente des avantages en termes de confort postopératoire et de délai de récupération pour les patientes. La douleur semble faible avec des EVA moyennes dans notre étude ne dépassant pas “1”. Une reprise du transit rapide, une durée de sondage de deux jours, un taux de réintervention immédiate faible de 3 % et une durée d’hospitalisation moyenne de 4,7 jours sont constatés dans notre série. La La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 durée d’hospitalisation dépend essentiellement des habitudes du service et de la présence d’un suivi approprié après la sortie d’hospitalisation avec organisation d’un réseau de soins en ambulatoire. Elle est significativement inférieure pour une promontofixation par cœlioscopie (1,8 jours) en comparaison à la laparotomie (quatre jours) (17). Elle pourrait certainement être réduite, à l’image des études récentes montrant la possibilité de réaliser les hystérectomies par voie cœlioscopique en ambulatoire (18). Une amélioration significative de tous les étages du prolapsus urogénital après la chirurgie est constatée dans notre série. Aucune patiente ne présente une récidive stade 3 ou 4 après un mois, et quinze patientes lors de l’évaluation à distance. La récidive apparaît plus fréquente sur l’étage antérieur. Aucune récidive de stade 4 n’est constatée au niveau apical ou rectal. Les résultats anatomiques sont assez variables dans la littérature allant de 0 à 17 % de récidives selon les études (19, 20). La cure de prolapsus par cœlioscopie permet d’obtenir de bons résultats anatomiques qui se maintiennent avec le temps, l’utilisation d’une double prothèse avec fixation sur les muscles releveurs semble efficace sur la récidive de rectocèle. Après 40 mois, aucune récidive n’a été constatée et 91 % des patientes ne décrivent plus de gêne liée au prolapsus à distance de l’intervention. Ce délai paraît nécessaire pour juger de l’efficacité d’une cure de prolapsus. Ainsi, 98 % des patientes se déclarent assez à très satisfaites de leur intervention. Les résultats fonctionnels ne sont pas strictement superposables aux résultats anatomiques. Huit patientes présentant un bon résultat anatomique se déclarent gênées tandis qu’aucune gêne n’est ressentie par sept patientes présentant une récidive anatomique. Nous retrouvons dans la littérature de 0 à 38 % de récidive de la gêne selon les études (15, 16, 21). Higgs et al. rencontrent le taux le plus fort d’insatisfaction avec 16 %. Mais le résultat anatomique est satisfaisant dans 94 % des cas. Ainsi, quatre patientes sur dix ayant un bon résultat anatomique déclarent ressentir toujours des symptômes de prolapsus (15). Les complications peropératoires sont assez rares dans notre étude ainsi que dans la littérature. Le taux de conversion en laparotomie est très variable, allant de 0 à 11 % selon les études (20, 21). La lésion des vaisseaux présacrés ou de la veine iliaque primitive gauche lors de l’abord du promontoire n’est retrouvée dans aucune série de promontofixation par cœlioscopie. Une meilleure vision des éléments anatomiques, et en particulier du promontoire et de ses vaisseaux en cœlioscopie, permet de limiter le risque de blessure. Une complication spécifique de la cœlioscopie est l’hypercapnie liée à la présence d’un emphysème sous-cutané. Il est nécessaire d’être prudent lors de la mise en place et du maintien des trocarts, en particulier lors des gestes longs avec de nombreuses manipulations, comme la chirurgie du prolapsus. Le taux de réinterventions en postopératoire immédiat est faible, sans identification de complications majeures digestives ou urinaires. Les résultats dans la littérature font état de peu de complications en postopératoire immédiat également (16, 19). À distance, les réinterventions sont principalement Dossier D ossier 35 Dossier D ossier 36 effectuées pour des problèmes d’incontinence urinaire ou de remise en tension de la prothèse. Deux complications majeures sont survenues : un cas de spondylodiscite et un cas de fistule vésicovaginale. Nous n’avons pas retrouvé de facteur de risque particulier pour ces deux patientes. La spondylodiscite est une complication connue et rare de la promontofixation. Par cœlioscopie, quelques cas sont décrits (14, 27, 28). La promontofixation est décrite avec des techniques différentes en ce qui concernent le niveau de fixation des prothèses, la présence de deux prothèses ou d’une seule prothèse antérieure ou postérieure, et l’association à un Burch. Le plus souvent, la promontofixation est assurée par deux prothèses, une antérieure et une postérieure sur toute la hauteur du vagin avec fixation sur le fond vaginal et colposuspension de Burch. Il s’agit de la technique la plus communément décrite par laparotomie, parfois associée à un geste de myorraphie par voie basse (22). Les séries présentant une cure de prolapsus par prothèse antérieure ou postérieure seule présentent des taux de récidives importants allant jusqu’à 32 % (23, 24). Dans notre série, une technique de réparation paravaginale est associée chez quarante patientes. Trois d’entre elles présentent une récidive de cystocèle alors qu’aucune des vingt-quatre patientes ayant bénéficié d’une mise en place de prothèse dans le Retzius ne présente de récidive de cystocèle. La mise en place de prothèses dans le Retzius pourrait diminuer le risque de récidive de cystocèle, en particulier latérale. Il s’agit d’une hypothèse à confirmer sur une plus large population. Actuellement, la technique est employée de façon systématique dans le service. La correction de l’incontinence urinaire d’effort dans notre série est insuffisante. En préopératoire, 51 % des patientes étaient incontinentes et 46 % en postopératoire. Il semble qu’il faille traiter préventivement l’incontinence urinaire dans tous les cas, la fréquence de l’incontinence postopératoire en l’absence de geste préventif étant très élevée. La promontofixation est connue pour être un facteur de risque d’échec de la cure d’incontinence urinaire par colposuspension (25). Le résultat d’une cure d’incontinence par TVT semble moins influencé par l’association avec une promontofixation. En cas d’incontinence préopératoire marquée, il semble donc justifié de réaliser un TVT, c’est l’attitude que nous adoptons actuellement dans le service, la colposuspension de Burch pouvant garder une place à titre prophylactique ou dans la réparation du paravagin et de la cystocèle latérale avec mise en place de prothèse dans l’espace de Retzius. La réalisation d’une réparation paravaginale ne semble pas être un traitement satisfaisant de l’incontinence urinaire, elle gêne la réalisation d’un Burch et en limite l’efficacité. Une forte proportion de patientes ont des problèmes de constipation en préopératoire, qui semble peu amélioré par l’intervention. La cœlioscopie a l”avantage sur le temps postérieur de diminuer le traumatisme de la dissection pararectale, qui peut être la cause d’une dénervation du rectum et donc de difficultés d’exonérations par la suite. Une activité sexuelle peut être conservée, voire améliorée chez nos patientes. Seize pour cent signalaient une dyspareunie non consécutive à l’intervention, alors que des taux de dyspareunies de novo postpromontofixation par laparotomie allant jusqu’à 17,8 % sont notés (26). La promontofixation semble permettre la conservation d’une activité sexuelle, mais l’absence de relation entre la chirurgie et la survenue d’une dyspareunie reste à démontrer. Les érosions vaginales postopératoires sont des complications bien connues des cures de prolapsus avec la mise en place de prothèses. Dans notre série, elles concernent 5 % des patientes et sont toutes traitées par parage simple de l’érosion par voie vaginale avec ablation partielle de la bandelette ainsi qu’un traitement local à base d’estrogènes pour améliorer la trophicité. Le risque d’érosion semble influencé par la voie d’insertion de la prothèse, le taux étant bien supérieur en cas d’insertion par voie vaginale pour une promontofixation sous cœlioscopie qu’en cas de voie cœlioscopique exclusive (15). Le risque d’érosion vaginale pourrait donc bien être limité par l’utilisation d’une technique évitant l’ouverture vaginale dans le même temps opératoire que lors de la pose d’une prothèse. Certains matériaux prothétiques semblent plus augmenter le risque d’érosion et d’infection que d’autres. Notre taux d’érosion est faible mais notre technique est réalisée sans ouverture vaginale. Nous ne constatons aucune érosion chez les 17 patientes traitées par prothèse de polypropylène mono- ou multifilament. Toutes nos érosions apparaissent sur prothèse de polyester multifilament. Dans un article récent, une comparaison entre bandelette de polypropylène monofilament (TVT, Gynecare®) et bandelette de polypropylène multifilament (IVS, Tyco®) est rapportée (29). Un taux supérieur d’érosions vaginales est constaté dans les cures d’incontinence urinaire d’effort par prothèse de polypropylène multifilament (10 %) en comparaison avec la prothèse de polypropylène monofilament tricoté (1 %). La mise en évidence de complications infectieuses graves ne cesse d’augmenter avec l’apparition de complications d’abcès de la cuisse, de la vulve ou de cellulite pelvienne après, entre autres, pose de prothèse transobturatrice (30). Le risque infectieux semble majoré en cas de pose par voie vaginale, et le matériel le plus sûre semble être le polypropylène monofilament (31). Il convient donc de rester très prudent lors de l’utilisation de matériel prothétique, et en particulier lorsqu’il risque d’entrer en contact avec un milieu potentiellement contaminant comme le vagin. L’utilisation d’un treillis monofilament pourrait permettre d’éviter la capture des bactéries dans les brins et de diminuer le risque infectieux. CONCLUSION La cœlioscopie semble permettre un traitement efficace du prolapsus urogénital. Elle permet d’associer les avantages d’une chirurgie moins invasive et une récupération postopératoire rapide avec un traitement de référence en laparotomie, efficace et adapté à la cœlioscopie. La promontofixation sous cœlioscopie est particulièrement indiquée dans les formes sévères, stades 3 et 4. Peu de complications sont décrites, comme en laparotomie. La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 L’utilisation de matériel prothétique doit se faire avec prudence. Les prothèses dont l’innocuité et l’efficacité sont reconnues doivent être utilisées, en particulier les prothèses monofilament, en respectant les recommandations de pose (pas d’ouverture vaginale et fixation sans tension). n Références bibliographiques 1. Mac Lennan AH, Taylor AW, Wilson DH, Wilson D. The prevalence of pelvic floor disorders and their relationship to gender, age, parity and mode of delivery. Br J Obstet Gynaecol 2000;107:1460-70. 2. Olsen AL, Smith VJ, Bergstrom JO, Colling JC, Clarck AL. Epidemiology of surgically managed pelvic organ prolapse and urinary incontinence. Obstet Gynecol 1997;89:501-6. 3. Beer M, Kuhn A. Surgical techniques for vault prolapse: a review of the literature. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2005;119:144-55. 4. Debodinance P, Delporte P, Engrand JB, Boulogne M. Complications des cures d’incontinence urinaire : à propos de 800 interventions. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2002;31:649-62. 5. Huguier J, Scali P. La suspension postérieure de l’axe génital au disque lombosacré dans le traitement de certains prolapsus. Press Med 1958;66:781-4. 6. Bret J, Bardiaux M. À propos de la promontofixation (opération d’Ameline et Huguier). Rev Prat 1964;14:3645-58. 7. Lansman HH. Posthysterectomy vault prolapse: sacral colpopexy with dura mater graft. Obstet Gynecol 1984;63:577-82. 8. Feldman GB, Birnbaum SJ. Sacral colpopexy for vaginal vault prolapse. Obstet Gynecol 1979;53:399-401. 9. Snyder TE, Krantz KE. Abdominal-retroperitoneal sacral colpopexy for the correction of vaginal prolapse. Obstet Gynecol 1991;77:944-9. 10. Scali P, Blondon J, Bethoux A, Gerard M. Les opérations de soutènementsuspension par voie haute dans le traitement des prolapsus vaginaux. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1974;3:365-78. 11. Dorsey JH, Peagues RF. Laparoscopic reconstructive procedures. Obstet Gynecol Forum 1993;4:2-6. 12. Wattiez A, Aimi G, Finkeltin F et al. Cure chirurgicale des prolapsus vésicoutérins par voie cœlioscopique exclusive : description de la technique et résultats préliminaires sur une série continue de 36 cas de promontofixation. Gunaïkeia 1997;2,2:50-5. 13. Amarenco G, Richard F. Évaluation clinique de l’incontinence urinaire de la femme. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001;30:733-46. 14. Rozet F, Mandron E, Arroyo C et al. Laparoscopic sacral colpopexy approach for genito-urinary prolapse: experience with 363 cases. Eur Urol 2005; 47:230-6. 15. Higgs PJ, Chua HL, Smith ARB. Long term review of laparoscopic sacrocolpopexy. Br J Obstet Gynaecol 2005;112:1134-8. 16. Cosson M, Bogaert E, Narducci F, Querleu D, Crepin G. Promontofixation cœlioscopique : résultats à court terme et complications chez 83 patientes. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000;29:746-50. 17. Paraiso MFR, Walters MD, Rackley RR, Melek S, Hugney C. Laparoscopic and abdominal sacral colpopexies: a comparative cohort study. Am J Obstet Gynecol 2005;192:1752-8. 18. Morrison JE, Jacobs VR. Outpatient laparoscopic hysterectomy in a rural ambulatory surgery center. J Am Assoc Gynecol Laparosc 2004;11:359-64. 19. Cheret A, Von Theobald P, Lucas J, Dreyfus M, Herlicoviez M. Faisabilité de la promontofixation par voie cœlioscopique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001;30:139-43. 20. Gadonneix P, Ercoli A, Salet-Lizée D et al. Laparoscopic sacrocolpopexy with two separate meshes along the anterior and posterior vaginal walls for multicompartment pelvic organ prolapse. J Am Assoc Gynecol Laparosc 2004;11: 29-35. 21. Seracchioli R, Hourcabie JA, Vianello F, Govoni F, Pollastri P, Venturoli S. Laparoscopic treatment of pelvic floor defects in women of reproductive age. J Am Assoc Gynecol Laparosc 2004;11:332-5. 22. Deval B, Fauconnier A, Repiquet D et al. Traitement chirurgical des prolapsus génito-urinaires par voie abdominale. Ann Chir 1997;51:256-65. 23. Antiphon P, Elard S, Benyoussef A et al. Laparoscopic promontory sacral colpopexy: is the posterior recto-vaginal mesh mandatory? Eur Urol 2004;45: 655-61. 24. Baessler K, Stanton SL. Sacrocolpopexy for vault prolapse and rectocele: Do concomitant Burch colposuspension and perineal mesh detachement affect the outcome? Am J Obstet Gynecol 2005;192:1067-72. 25. Denoit V, Bigotte A, Miannay E, Cosson M, Querleu D, Crépin G. Colposuspension cœlioscopique selon Burch. Résultats avec 30 mois de recul. Ann Chir 2000;125:757-63. 26. Deval B, Fauconnier A, Repiquet D et al. Traitement chirurgical des prolapsus génito-urinaires par voie abdominale. Ann Chir 1997;51:256-65. 27. Cosson M, Narducci F, Querleu D, Crepin G. Utilisation expérimentale de matériel par cœlioscopie : à propos d’une observation de spondylodiscite après promontofixation cœlioscopique par Tacker®. Ann Chir 2001;126:554-6. 28. Salman MM, Hancock AL, Hussein AA, Hartwell R. Lumbosacral spondylodiscitis: an unreported complication of sacrocolpopexy using mesh. Br J Obstet Gynecol 2003;110:537-8. 29. Bafghi A, Valerio L, Benizri EI, Trastour C, Benizri EJ, Bongain A. Comparison between monofilament and multifilament polypropylene tapes in urinary incontinence. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2005;article in press. 30. Caquant F, Collinet P, Deruelle P, Lucot JP, Cosson M. Perineal cellulitis following Trans-Obturator Sub-Urethral Tape Uratape®. Eur Urol 2005;47:108-10. 31. Cosson M. Risques infectieux et prothèses : nouvelles complications, nouvelle sémiologie. Ann Chir 2005;article in press. Dossier D ossier A genda 12-15 décembre 2007 – Paris La Défense – CNIT – XXXIes Journées nationales du CNGOF. Renseignements et inscriptions : secrétariat scientifique CNGOF : 184, rue du FaubourgSaint-Antoine, 75012 Paris. Tél. : 01 43 43 01 00. E-mail : [email protected]. Secrétariat administratif : Colloquium-CNGOF 2007, 12, rue de la Croix-Faubin, 75011 Paris. Tél. : 01 44 64 15 15. Fax : 01 44 64 15 16. E-mail : [email protected] 13-14 décembre 2007 – Toulouse, Cen- tre de congrès Pierre Baudis – 13es Journées francophones de recherche en néonatologie. Renseignements : Raphaël Gassin. Tél. : 01 49 74 01 85 – Fax : 01 48 76 03 62. E-mail : [email protected] - Site : www. info-congres.com 15 décembre 2007 – Paris, hôpital Saint-Vincent-de-Paul – Matinée de la Société de gynécologie et obstétrique psychosomatique sur le thème : Où en est La Lettre du Gynécologue - n° 326 - novembre 2007 la psychosomatique aujourd’hui ? Renseignements : Hélène Jacquemin. Tél. : 01 46 42 11 30 ou 01 46 42 22 54. E-mail : [email protected]. 18-19 janvier 2008 – Paris, Institut Pasteur – 31e congrès national de la Société française de colposcopie et de pathologie cervicovaginale. Renseignements : SFCPCV, secrétariat C. Roy. Tél. 06 75 00 14 66. E-mail : secretariat. [email protected] 37