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SUJET 2 : D’une mondialisation à l’autre (H 2).
Entre 1850 et aujourd’hui, le monde est touché par un phénomène de mondialisation qui a permis la domination
successive de trois économies-monde : l’économie-monde britannique de 1850 à 1918, l’économie-monde américaine de
1918 aux années 1990 puis une économie-monde multipolaire des années 1990 à aujourd’hui.
Les mondialisations qui permettent la mise en place de ces économies-monde sont-elles comparables ?
Dans cet extrait de son ouvrage Trois leçons sur la société post-industrielle, paru en 2006 à Paris aux éditions du
Seuil, Daniel Cohen compare « la mondialisation du XIXe siècle et la nôtre » en insistant sur les points communs et les
différences existant entre ces deux époques.
La mondialisation du XIXe siècle et la mondialisation actuelle présentent de fortes ressemblances à la fois dans leur
organisation et dans leurs causes.
Ces deux mondialisations sont dominées par des « puissances mercantiles » qui « cherchent d’abord à promouvoir
partout où elles s’imposent le libre-échange commercial ». En effet, au XIXe siècle, la Grande-Bretagne défend, à l’image
de l’économiste David Ricardo, le libéralisme économique à l’intérieur et le libre-échange à l’extérieur. Elle est la
première à abolir le contrôle de l’Etat sur les prix agricoles (1846) et multiplie les accords commerciaux, comme l’accord
de libre-échange Cobden-Chevalier signé avec la France (1860). De même, durant la guerre froide (1947-1991), les Etats-
Unis accélèrent la libéralisation des échanges entre pays capitalistes. Ils promeuvent la mise en place du GATT en 1947
(devenu OMC en 1995) et assurent la reconstruction de l’Europe occidentale et de l’Asie orientale. Malgré une remise en
cause de leur domination, les Etats-Unis restent, encore aujourd’hui, une grande puissance économique mondiale (1er PIB
mondial, 20% des biens et des services produits dans le monde, 51% de l’industrie du logiciel, 3e exportateur mondial…).
Ce « parallélisme […] frappant » est aussi visible dans les causes de leur domination.
Ces deux mondialisations sont « portées par une révolution des techniques de transport et de communication ». En
effet, la mondialisation britannique au XIXe siècle bénéficie de « l’invention du télégraphe » grâce à laquelle une
« information mettra moins de 24 heures pour relier Londres et Bombay » ainsi que du « développement des moyens de
transport terrestre ou maritime que sont le chemin de fer puis le bateau à vapeur ». Quant à la mondialisation américaine,
elle s’appuie sur « la révolution d’Internet, qui permet en un clic de relier, sinon les hommes, du moins leurs ordinateurs »
et sur l’accès plus large au transport aérien et à la conteneurisation. Ces révolutions technologiques permettent de
raccourcir l’espace-temps.
Cependant, malgré ces fortes ressemblances, des différences existent entre les deux mondialisations.
La mondialisation du XIXe siècle et la nôtre se distinguent l’une de l’autre par « la globalisation financière et les
migrations internationales » ainsi que par un caractère multipolaire.
Tout d’abord, la mondialisation britannique se caractérise par une meilleure répartition des richesses à travers le
monde (« Elle [la mondialisation actuelle] s’est avérée tout simplement incapable de diffuser la prospérité des plus riches
vers les plus pauvres »). En effet, grâce à la colonisation, la plupart des régions du monde était impliquées dans
l’économie mondiale tandis qu’aujourd’hui de nombreux pays tirent l’essentiel de leur revenu de l’agriculture ou des
minerais (PMA) voire sont exclus de la mondialisation. Cette différence est aussi visible concernant les flux humains.
En effet, les migrants internationaux constituent moins de 4% de la population mondiale en 2010 contre 8% en 1900.
Cette opposition peut s’expliquer par une situation démographique et économique différente. Au XIXe siècle, les
Européens sont en pleine explosion démographique mais aussi en plein développement économique ce qui leur permet de
coloniser le monde en s’installant dans des régions plus pauvres. A l’inverse, au XXe siècle, les flux migratoires
proviennent des régions pauvres de la planète et les régions riches cherchent à freiner cette immigration.
Les régions riches sont plus diversifiées, aujourd’hui, que lors du XIXe siècle. L’effacement relatif des Etats-Unis
s’explique tout d’abord par la concurrence croissante dans autres membres de la Triade (Union européenne et Japon).
L’UE à 27 membres depuis 2007 dispose d’un PIB légèrement supérieur à celui des Etats-Unis. Le Japon, quant à lui,
s’est développé à partir des années 50 grâce au soutien des Etats-Unis et constitue encore aujourd’hui la 3e puissance
économique mondiale. Mais, ce recul américain est aussi le fait de l’essor de puissances économiques émergentes dont les
BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Ces pays s’affirment comme les nouvelles puissances du XXIe siècle aux côtés de la
Triade. Ils produisent 23,8% du PIB mondial en 2009. Le développement rapide des pays émergents va renouveler
l’équilibre mondial. Par exemple, vers 2019, la Chine devrait disposer du 1er PIB mondial devant les Etats-Unis.
En s’appuyant sur les propos de Daniel Cohen, on constate que les mondialisations des XIXe et XXe siècles sont
extrêmement liées. Les espaces moteurs aujourd’hui sont les héritiers de l’industrialisation du XIXe siècle : hier l’Europe
(surtout le Royaume-Uni) dominait le monde, talonnée par les pays neufs (Etats-Unis, Japon, …). Aujourd’hui, les Etats-
Unis devancent l’Europe et les pays émergents (Chine, Brésil,…) sont les challengers de la Triade. Le commerce
international s’est développé à ces deux époques grâce à des révolutions technologiques mais il est plus difficile
aujourd’hui de répartir équitablement les fruits de cette croissance, ce qui a pour conséquence d’élargir l’écart entre les
plus riches (PDEM) et les plus pauvres sur la planète (39 PMA en 2010). Comme l’écrivait en 2006 Joseph Stiglitz, prix
Nobel d’économie, « la mondialisation, cela ne marche pas pour les pauvres du monde ».
Comment mettre en œuvre une mondialisation plus équitable ?