12 février 2015 Economie et politiques agricoles Rôles de l’OMC, des échanges commerciaux et des produits agricoles dans la montée en puissance des pays émergents RESUME A l’échelle mondiale, le développement économique de plusieurs pays s’est considérablement accéléré ces dernières années. Il s’agit des pays émergents, qui sont de plus en plus intégrés dans la production et le commerce mondial, et dont les revenus moyens se rapprochent de manière inégale de ceux des pays développés. Parmi ces pays, la Chine se distingue, comme le montre le rapport récent de l’Organisation mondiale du commerce sur le commerce mondial. La place des produits agricoles dans le développement des pays émergents est prépondérante, dans les échanges commerciaux et les investissements. Malgré cette évolution, la plupart des objectifs fixés par les Nations Unies lors du Sommet du Millénaire en 2000 ne sont pas atteints, posant la question de la gouvernance mondiale. TABLE DES MATIERES Introduction ....................................................................................................................... 2 I -­‐ Décollage économique des pays émergents ................................................................... 2 II -­‐ Rôle accru des produits agricoles dans le développement ............................................. 3 III -­‐ Echanges commerciaux et objectifs du Millénaire pour le Développement ................... 4 Marie-Cécile Damave-Hénard – Commerce international, bilan OMC – 11 février 2015 – saf agr’iDées Page 1 INTRODUCTION L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a publié son rapport1 de 250 pages sur le commerce mondial, faisant le point sur les statistiques des échanges internationaux en 2013 et sur les grandes tendances de long terme. La part croissante des pays du sud dans l’économie mondiale et le nouveau rôle des produits de base (notamment agricoles) dans les stratégies de développement intéressent directement nos filières agricoles et agroindustrielles. Le rapport de l’OMC rappelle les effets moteurs du commerce sur la croissance économique, notamment en modifiant le rendement de l’accumulation du capital, en encourageant l’innovation, en impactant le cadre institutionnel. Notons que cette approche est purement économique, et ne tient pas compte des dimensions sociales et environnementales de la mondialisation, souvent décriées par ses détracteurs (accroissement des inégalités, pression sur l’environnement par l’intensification économique). Le fil conducteur de ce rapport est la montée en puissance des pays émergents dans l’économie mondiale et l’intégration de plus en plus marquée d’un certain nombre de ces pays dans les échanges mondiaux. Rappelons que le Directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo2, est brésilien. Il occupe ce poste depuis septembre 2013 pour un mandat de quatre ans, succédant au français Pascal Lamy. Dans l’avant-propos du rapport sur le commerce mondial 2014, le Directeur général indique que les taux de croissance moyens ont triplé par rapport aux années 1990, avec de fortes variations entre pays. Sensible au développement, il insiste sur le lien entre rattrapage économique des pays développés par les pays en développement, permettant de resserrer les écarts entre revenus, et d’améliorer les indicateurs de développement humain, au-delà de la simple croissance économique. I - DECOLLAGE ECONOMIQUE DES PAYS EMERGENTS L’un des faits saillants de ce rapport est le rôle croissant des économies en développement dans l’économie mondiale. Ainsi, « la mondialisation est en train de transformer le développement. Par son ampleur et sa rapidité, l’essor récent du monde en développement est sans précédent, éclipsant celui des nouveaux pays industrialisés après la Seconde Guerre mondiale et celui de l’Europe et de l’Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle ». Les blocs des pays développés et en développement considérés par l’OMC sont les suivants : - - pays développés : états membres de l’Union européenne et autres pays et territoires d’Europe occidentale n’appartenant pas à l’UE (en particulier la Norvège et l’Islande), Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande. Pays en développement : pays les moins avancés (PMA) qui sont les plus pauvres, économies en développement du G20 (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Brésil, Chine, Fédération de Russie, Inde, Indonésie, République de Corée, Turquie), et autres. 1 Organisation mondiale du commerce (2014) Rapport sur le commerce mondial 2014 – Commerce et développement : tendances récentes et rôle de l’OMC http://www.wto.org/french/res_f/publications_f/wtr14_f.htm 2 Roberto Azevêdo, Directeur général de l’OMC – Notice biographique http://www.wto.org/french/thewto_f/dg_f/ra_f.htm Marie-Cécile Damave-Hénard – Commerce international, bilan OMC – 11 février 2015 – saf agr’iDées Page 2 Ce sont les économies du G20 qui montrent les signes de développement les plus dynamiques, participant davantage au PIB mondial et aux échanges internationaux. Il est intéressant de constater le choix fait dans ce rapport OMC d’un nombre de pays émergents plus large que les simples BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) qui sont dans certaines analyses économiques considérés comme seuls pays émergents. Cette définition plus restrictive est d’ailleurs remise en question3 4. La part collective de tous les pays en développement dans la production mondiale est passée de 39% en 2000 à 52% en 2012, et les pourcentages étaient respectivement de 25% et 36% pour les économies du G20, ce qui témoigne de leur prépondérance. C’est la Chine qui a le mieux tiré son épingle du jeu avec une augmentation à elle seule de 7% à 15% dans le même temps. La croissance rapide du produit intérieur brut (PIB) des pays en développement a accéléré la convergence avec les pays développés de leurs revenus moyens par habitant au cours des dernières décennies, même si la majorité de ces pays reste très pauvre par rapport aux pays développés. Entre 2003 et 2011, le revenu moyen par habitant a augmenté de 54% dans l’ensemble des économies en développement, mais de 61% pour les économies du G20. L’augmentation de richesse dans ces pays accompagne leur intégration dans l’économie mondiale. Selon ce rapport de l’OMC, « ce n’est pas par hasard si l’élévation du niveau de vie dans les pays en développement depuis 2000 est allée de pair avec l’accroissement de leur part du commerce mondial. Grâce à l’adaptation d’une politique d’ouverture commerciale et d’intégration, ces pays ont accès non seulement aux capitaux, aux technologies et aux ressources nécessaires pour alimenter leur industrialisation rapide, mais aussi à une demande extérieure de plus en plus forte pour leurs exportations en plein essor ». Soulignons que si les écarts de revenus se resserrent entre pays émergents et développés, c’est non seulement en raison de la progression dans les pays émergents mais aussi de la pression exercée par la mondialisation sur les revenus dans les pays développés. Certains soulignent en effet que « la mondialisation a été à l’origine d’une stagnation du revenu des classes moyennes depuis une vingtaine d’années. Le cercle vertueux du capitalisme des Trente Glorieuses, où les gains en productivité se traduisaient en augmentation de salaire, a été cassé »5. II - ROLE ACCRU DES PRODUITS AGRICOLES DANS LE DEVELOPPEMENT Le rapport de l’OMC se penche sur la part croissante des pays en développement du G20 dans les exportations mondiales de produits agricoles, passant de 19% à 26% entre 2001 et 2011. Les exportations de produits agricoles à l’échelle mondiale ont presque triplé entre 2000 et 2012 en valeur, en grande partie grâce aux hausses des prix. La hausse est moins nette mais reste significative en volume, avec 60%. Selon la FAO, les échanges de produits agricoles devraient continuer à progresser d’ici 2050. 3 Michel de Grandi (06/02/2015). Après les BRICS, le temps des « nouveaux émergents » Les Echos http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204115018595-apres-les-brics-le-temps-des-nouveaux-emergents1090655.php 4 Pierrick Fay (27/01/2015). Bourse : la fin de l’âge d’or des BRIC, Les Echos http://www.lesechos.fr/financemarches/marches-financiers/0204114152656-boursela-fin-de-lage-dor-des-bric-1087496.php 5 Henri de Bodinat (3e trimestre 2014). La mondialisation a été conduite de manière négative, Hors-Série Mondialisation et démondialisation, Alternatives économliques Marie-Cécile Damave-Hénard – Commerce international, bilan OMC – 11 février 2015 – saf agr’iDées Page 3 Selon ce rapport, la part de l’Asie, et en particulier de la Chine, dans les importations mondiales de produits agricoles a particulièrement augmenté dans les dernières décennies : les importations asiatiques de produits agricoles étaient deux fois moins élevées que les importations européennes dans les années 1990, représentaient 50% en 2000, et seulement 25% en 2012. La Chine est passé de la 9ème place à la 2ème place des principaux importateurs de produits agricoles à l’échelle mondiale entre 2000 et 2012. De plus, l’Asie a supplanté l’Europe comme principal marché d’exportation pour les produits agricoles des pays mes moins avancés. Enfin, de nouvelles structures de production agricoles sont identifiées, avec des investissements étrangers directs importants et des réglementations plus élevées pour garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires dans les pays en développement. Il est intéressant de noter les investissements chinois en Europe augmentent eux aussi. D’après une récente étude6, ils auraient même doublé en 2014, tous produits confondus. Ces investissements se font avant tout dans l’agriculture et l’agroalimentaire, devenus les premiers secteurs d’investissements chinois en Europe, devant celui de l’énergie, afin d’alimenter en produits alimentaires le marché chinois en expansion. III - ECHANGES DEVELOPPEMENT COMMERCIAUX ET OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE Huit objectifs ont été fixés à l’horizon 2015 par les Nations Unies en 2000 lors du Sommet du Millénaire, pour « faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l’humanité toute entière ». Nous sommes à l’aube de 2015 et constatons que peu de ces objectifs ont été atteints, à part la réduction de moitié entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 1$/jour. On l’a vu, le développement des échanges commerciaux a contribué à l’augmentation des revenus dans les pays du sud, mais de manière inégale entre pays. Un autre objectif était de mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Si le rapport du commerce mondial 2014 publié par l’OMC se montre optimiste sur ce point avec le paquet de Bali obtenu en décembre 2013, ce n’est qu’un accord a minima et le Cycle de Doha pour le développement (qui a démarré en 2001) n’est toujours pas bouclé. Plus largement se pose la question de la gouvernance globale, et les limites des institutions actuelles (ONU, Banque Mondiale, FMI, OMC). Selon Pascal Lamy, ancien Directeur général de l’OMC, « la gouvernance mondiale est plus compliquée qu’un jardin à la française »7, et des modes de gouvernance innovants deviennent nécessaires8. Marie-Cécile Damave-Hénard Responsable Innovations et Marchés 6 Baker & McKenzie (11 02 2015). Chinese investment into Europe hits record high in 2014 http://www.bakermckenzie.com/news/Chinese-investment-into-Europe-hits-record-high-in-2014-02-11-2015/ 7 Pascal Lamy (3e trimestre 2014). Le besoin d’une gouvernance globale, Hors-Série Mondialisation et démondialisation, Alternatives économliques 8 Oxford Martin School, University of Oxford (2013). Now for the Long Term http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/commission/Oxford_Martin_Now_for_the_Long_Term.pdf Marie-Cécile Damave-Hénard – Commerce international, bilan OMC – 11 février 2015 – saf agr’iDées Page 4