
souvent par tirage au sort), chacun des participants reçoit « la caisse » à l’occasion des réunions périodiques
souvent accompagnées de quelques réjouissances. Le fait de partager le même plat vise à raffermir les liens
de solidarité. La confiance nécessaire au bon fonctionnement du système va se traduire par des groupes
dont l’effectif est plus ou moins restreint. En conséquence, comme le souligne Lelart (2002), la finance
informelle se pratique en circuit fermé. C’est dans ce cadre seulement que circule l’argent et, du coup
l’allocation des ressources n’est pas optimale. En outre l’accumulation n’est pas favorisée car les créances
et les dettes s’éteignent rapidement. Par ailleurs, la finance informelle ne répond pas au besoin de
financement particulier de certaines activités du secteur informel comme l’artisanat, l’agriculture irriguée,
etc. qui ont besoin de ressources plus stables. Ainsi, la nécessité d’avoir un niveau intermédiaire entre la
finance informelle traditionnelle et la finance formelle s’est fait sentir.
1.1.2. Développement et élargissement du champ de la microfinance
L’émergence de la microfinance au Sénégal est due à un contexte favorable. D’abord l’échec du
« développement par le haut » s’est traduit, dans les années 80, par une volonté affichée des bailleurs de
fonds d’orienter en partie leurs interventions directement vers les populations via les ONG (plus d’aide
par projet et moins d’aide budgétaire). Les organismes étatiques d’encadrement du monde rural étaient
devenus budgétivores et l’Etat a été contraint de revoir son dispositif voire même de se retirer dans
certains domaines. Les banques publiques créées dans les années 70 pour augmenter l’offre de crédit
agricole aux petits paysans et aux paysans marginalisés dans l’espoir de relever leur productivité et leur
revenu ont échoué pour la plupart. Elles avaient en effet beaucoup de mal à recouvrer leurs coûts étant
donné les taux d’intérêt subventionnés. Les clients ne s’efforçaient pas réellement de rembourser leurs
prêts car ils les percevaient comme des « cadeaux de l’État ». Par conséquent, ces institutions voyaient leur
capital s’éroder et nombre d’entre elles ont été obligées de mettre la clé sous le paillasson.
En réalité, c’est tout le secteur bancaire qui a connu des difficultés financières et structurelles pour avoir,
dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de développement du pays, été laxiste dans le soutien de
l’Etat (paiement des salaires des fonctionnaires, financement du secteur public) ou des dignitaires
(constitution d’une bourgeoisie nationale) avec des prêts qui ont rarement été remboursés. C’est la raison
pour laquelle une société de recouvrement a été créée en 1989 pour tenter de limiter les pertes. Cet acte
posé n’est que le premier jalon dans le cadre d’un vaste programme d'assainissement et de restructuration
du système bancaire lancé la même année. Il s’agissait d’abord de libéraliser le secteur bancaire avec la
limitation de la part des actions de l'Etat à un maximum de 25%, ensuite de liquider les banques
insolvables2.
Au surplus, le système bancaire sénégalais étant fortement hérité de la colonisation, son mode de
fonctionnement est peu adapté au contexte local (pauvreté, absence ou faiblesse des garanties offertes,
etc.), à telle enseigne qu’une bonne partie de la population se sent exclue économiquement,
psychologiquement et géographiquement de ce système.
Ce contexte a favorisé l’émergence, à la fin des années 80, d’une autre forme d’intermédiation qui se
préoccupe d’avantage de prendre en compte la situation et le profil du débiteur. De ce point de vue, la
logique de fonctionnement de la finance informelle a été une source d’inspiration, ce qui s’est traduit par la
création ou l’institutionnalisation, de caisses villageoises, de mutuelles d'épargne et de crédit avec souvent
l'aide d'ONG. En 1995 le pays comptait 833 Institutions de microfinance (IMF) ou Systèmes financiers
décentralisés (SFD) contre 18 en 1993. Avec les regroupements en union le nombre d’IMF reconnu était
de 700 en 2010. C'est le premier pays de l’Afrique de l’Ouest à avoir créé un ministère de la microfinance.
Effectivement l’Etat en relation avec ses partenaires a joué un rôle important dans le développement de
ces structures. Cela a consisté particulièrement à la création d’un environnement favorable à l’évolution du
secteur par la mise en œuvre des structures de promotion, d’agrément, de surveillance et de contrôle ainsi
que le soutien aux acteurs institutionnels et professionnels. Le Projet d'Assistance Technique aux
Opérations Bancaires Mutualistes du Sénégal (ATOBMS) appuyé par l'ACDI et la Banque Mondiale, créé
en avril 1990, s'inscrivait dans cette perspective. Le point central des travaux de l’ATOBMS a été durant
deux années le tracé des contours d'un cadre juridique spécifique à ce secteur. A la fin du projet, la Cellule
d'Assistance Technique aux Caisses Populaires d'Épargne et de Crédit AT/CPEC fut créée en 1992 pour
2 ) Il s'agit de l'Assurbank, de la banque Nationale de développement du Sénégal (BNDS), de la Société financière Sénégalaise pour
le Développement de l'Industrie et du Tourisme (SOFISEDIT), de la Banque Sénégalo Koweitienne (BSK), de la Société
Nationale de Banque (SONA Banque) et de l'Union Sénégalaise des Banques (USB) qui sera repris en partie par le Crédit
Lyonnais (CL).