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droits
au
QUOTIDIEN
AVIS DES TRIBUNAUX
82 /Octobre2014 1101LeParticulier
Le dentiste aune obligation de moyens dans
l’ecution de sa profession:ildoit prodiguer
des soins attentifs et conformes auxdonnées
acquisesdelascience,tantaustadedudiagnos-
ticetduchoix du traitement que dans l’ecu-
tion des soins. C’estaupatient de prouverla
faute du professionnel. Pour cela, il devrasaisir
le tribunal et demander une expertise.Lerap-
portdel’expertpermettraauxjugesdetrancher.
Le choixdutraitement
Le dentiste pourrtre jugé
responsable si, faceàun
problème qui dépasse ses
connaissances, il n’adresse
pas son patient auxspécia-
listescompétents(chirurgien
maxillo-facial,orthodontiste)
et que son erreur de diagnos-
tic cause un préjudice (CA
d’Aix-en-Provence du28.1.09,
n° 07/15053). De même,il
pourrtre tenu responsable
d’un manque de précaution,
par exemple s’il omet de
mettreenplaceunsystèmede
contention après le retrait de
bagues(cass.civ. 1re du22.3.12,
n° 11-10935).Aégalement
été jugé fautif le dentiste qui apris des risques
inutiles en procédant àune «mise en charge
immédiate d’implants »(c’est-à-dire une pose
de socle suivieimmédiatement de la pose de
la dent) au lieu d’une mise en charge diérée,
comme cela se fait habituellement (cass. civ. 1re
du 1.7.10, n° 09-15404).Deplus, un dentiste ne
peut se retrancher derrière les faibles moyens
nanciers de son client pour justier le choix
d’untraitementnonconforme auxdonnéesde
lascience(cass.civ. 1re du 19.12.00,99-12403).
L’ecution des soins
Le dentiste ne peut être
déclaré responsable des
dysfonctionnements cou-
rants consécutifs àl’inter-
vention que s’il acommis
une négligenceouune
maladresse (cass. civ. 1re
du 24.4.13, n° 12-17751).
Celle-ci peut toutefois être
présumée lorsqu’une inter-
vention courante entraîne
un dommage anormal, par
exemplelalésiondunerflin-
gual après extraction d’une
dent de sagesse (cass. civ. 1re
du 17.1.08, n° 06-20568).
La responsabili
du dentiste
1. Le dentiste estresponsable s’il commet
une fauteenprodiguantses soins
LaloiUnpatientsouhaitant engagerlaresponsabilitéd’undentistedoitappor-
terlapreuve quece dernieracommisunefaute(art.L1142-1ducodedelasanté
publique).Parexception,lorsqueledentisteposeuneprothèse,ilest responsable
depleindroitsicetteprothèseprésenteundéfaut(art.1386-1ducodecivil).
LajurisprudenceUneexpertiseestgénéralementordonnéeparlesjuges
pourdéterminersiledentisteaagiounondanslesrèglesdel’art.La fauteretenue
peutaussibienêtreuneerreurdediagnosticqu’untraitementinadapté,ungeste
maladroitouencoreunemauvaiseinformationdupatient.
«Enm’extrayant
une dent de sagesse,
le dentiste bréché la
dent voisine.Puis-je lui
demander réparation
OUI
LeParticulier1101 Octobre2014/83
Lorsque le dentiste installe une prothèse
xeoumobile àunpatient (par exemple,un
bridge), la jurisprudencedistingue la four-
niture de la prothèse,pour laquelle il aune
obligationderésultat,et la pose,quiestunacte
de soins soumis àune obligation de moyens
(cass.civ. 1re du 29.10.85,83-17091).Lapro-
thèse doit être exempte de tout vice,etles
soinsdoivent êtreassidus,éclairéset attentifs
(CAdeParis du 4.2.00, n° 1998/09980).Dans
le premier cas, le patient aurajuste àprouver
le défaut de la prothèse mais, dans le second,
il devraapporter la preuve d’une faute com-
mise par le praticien. Sinon, la responsabilité
du dentiste ne pourrapas être retenue (CA
d’Aix-en-Provence du 18.9.02, n° 00/20086).
La prothèsedoitresansdéfaut
La fabrication d’une prothèse est, en principe,
un acte technique dépourvud’aléa, ce qui
explique qu’il soit soumis àune obligation de
résultat. Le dentiste qui fournit àson patient
uneprothèsedéfectueuseestdoncresponsable
depleindroit,àl’égarddecelui-ci,du défautde
son produit (art.1386-1 du code civil).
Le dentiste qui avait fourni une prothèse en
ramique présentantuclataubout de
2ans, alors que ce genre de prothèse avait
une durée de vieestimée de 10 ans, aainsi
été reconnu responsable àcause d’un défaut
de fabrication (CAdeBastia du 16.2.11,
n° 09/00243). Lesjuges vont même plus loin
en estimant que le chirurgien-dentiste est, en
vertu du contrat le liant àson patient, tenu de
lui fournir un appareillage apte àrendre le
servicequ’il peut légitimement en attendre,
une telle obligation incluant la conception
et la confection de cetappareillage (cass. civ.
1re du 9.12.10, n° 09-70407 et cass.civ.1
re du
23.11.04, n° 03-12146).Dans cettedernière
aaire,ledentiste avait été tenu d’indemni-
serlepréjudiced’unepatienteautitredel’une
des prothèses qu’il lui avait fournies, car elle
présentaitd’emblée,par sa conceptionmême,
unefragilitéintrinsèqueenraison des caracté-
ristiques physiologiques de la patiente et que
lepraticienauraitintégrer (en augmentant
la résistancedelaprothèse). En revanche,
selon les juges, l’adaptation de la prothèse
dans la bouche du patient relève des soins et
n’estdonc pas soumise àune obligation de
résultat(cass.civ. 1re du10.12.96,95-13154).
La pose doitrefaite dansles gles de l’art
Lessoins prodigués relatifs àlapose delapro-
thèse relèvent de l’obligation de moyens. Le
dentiste qui, d’après l’expertise,n’a pas eec-
tuédes soinsentièrement attentifs, diligents
et conformes auxdonnées de la sciencedoit
être déclaréresponsable en casdepréjudice
subi par le patient. Un dentiste avait ainsi
posé un bridge àune patiente,qui avait res-
sentiimmédiatement aprèsdes douleurs et
des dicultés pour mâcher et parler, dans la
mesure,oùmal scellé,ilbougeait. Malgré un
nouveau scellement provisoire,ladouleur et
lagêneontpersisté.L’expertrelevaitqueletra-
vail avait été exécuté avec trop de hâte,qu’il
était de qualité moyenne pour un coût suré-
valué et que la concertationentreledentisteet
sapatienteavaitété insusante.Les jugesont
doncretenularesponsabilité du praticien(CA
de Paris du 4.2.00, précité).Deplus, en cas de
problèmesinammatoiresetinfectieuxaprès
laposedesprothèses,ledentistedoit tout faire
pouryremédier:prescrireuntraitementanti-
biotique et anti-inammatoire,etsicela est
insusant adresser le patient àunstomato-
logiste (cass. civ. 1re du 31.10.12, n° 11-21633).
2. Le dentiste estgarantdes prothèses
qu’il fournitàses patients
«Laprothèse posée par mon
dentiste n’a pas tenu le coup
2mois. Puis-je me retourner
contre luiOUI
ILLUSTRATIONS: CHRISTIANCAILLEAUX
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AVIS DES TRIBUNAUX
84 /Octobre2014 1101LeParticulier
LA RESPONSABILITÉ DU DENTISTE
S’ilapparaîtqueletroubledontsoureunpatient
aprèsl’interventiondu dentisteestdûàune pré-
disposition personnelle ou àune négligencede
sa part, le dentiste ne pourrapas en être déclaré
responsable,faute de lien de causalité entre son
interventionetlepréjudice.Ainsi,laresponsabi-
litédudentistenepourrapasêtreretenue,lorsque
lessoinsprodiguésontétéconsciencieuxetquela
cause du désordre –ledescellement d’un bridge
–provient d’une mauvaise hygiène buccale du
patient(CAdeParisdu 26.10.94,93/9748).
Prédispositiondelavictime
Un dentiste n’estpas non plus responsable du
décès d’une patiente consécutif àson inter-
vention, dans la mesure où elle sourait d’une
maladiegénétiquerare(200famillesenFrance)
passée sous silence. Il ne pouvait pas soupçon-
nerqu’uneextractiondentaireprovoqueraitun
œdèmefatal(CAdeMetzdu22.9.89,735/89).
Idempourunepatientesourantd’undéchaus-
sement parodontal qui avait été soignée par
un dentiste et qui recherchait sa responsabi-
lité en raison de douleurs apparues àlasuite
de son intervention. Lesjuges ont estimé que
les douleurs dont elle se plaignait résultaient
non pas des soins prodigués mais de la patho-
logie dontellesourait (cass. civ. 1re du 20.3.13,
n° 12-12300).Une autre patiente galement
vu sa demande contre son dentiste rejetée,les
jugesrelevantqu’antérieurementauxsoinspro-
digués, la patiente sourait déjàd’importants
4. Le dentiste doitcorrectement
informer sonpatient
troubles articulaires pour lesquels deuxautres
dentistes avaient été consultés et avaient mis
en placeuntraitement interrompu prématu-
rémentparlapatiente.Elleavaitinterrompule
traitement ànouveau et conservélaprothèse
provisoire plus longtemps que prévu au lieu
de porter la prothèse définitive,cequi avait
entraînédeslésions.Sonpréjudicen’étaitdonc
pas lié àl’intervention du dentiste,mais àson
comportement et àses prédispositions (CAde
Parisdu 8.2.91, 90-371).
Le dentiste doit informer son patient surles
investigations,lestraitementsou lesactionsde
prévention proposés, leur utilité,leur urgence
éventuelle et les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu’ils comportent,
ainsi que surles autres solutions possibles
et surles conséquences prévisibles en cas de
refus.Ilestdispensé decetteinformationsielle
estimpossible ou s’il yaurgence. Il lui appar-
tient d’apporter la preuve,par tous moyens,
qu’il abien délivré cetteinformation (art.
L1111-2 du code de la santé publique).
3. La fautedudentiste doitrelacause
du préjudice
«Jenesuis pas retournée chez
mon dentiste faire poser la
prothèse dénitive.Puis-je me
plaindre des lésions provoquées
par la prothèse provisoire
NON
L’absenced’information estune faute
àelle seule
Iljugéqu’undentiste,quin’avaitpasremis
d’information écrite àsapatiente et armait
l’avoir simplement renseignée par oral, n’en
apportait pas la preuve.Ilnepouvait justier
l’absenced’information écrite par l’urgence,
puisque l’intervention avait été programmée
aprèslaconsultation.Saresponsabilitéadonc
étéretenue pour manqued’information,bien
qu’aucune faute dans l’ecution des soins
n’ait été releeàson encontre (CAdeNîmes
LeParticulier1101 Octobre2014/85
Iln’yapasd’indemnisationsans préjudice. Par
conséquent, le patientquiengagela responsa-
bilitédesondentistedevraprouver,d’unepart,
que ce dernier acommis une faute (mauvaise
exécution, défaut d’information…) et, d’autre
part, que le préjudicesubi estcertain et en
lien avec la faute reprochée.Dans le cas d’une
fauteayant entraîné une
lésion, les choses sont
plutôt simples, le pré-
judictant évalué par
expertise.Mais elles se
compliquent lorsque
la faute afait perdre au
patient une chancede
refuser le traitement ou
d’en choisir un autre,et,
par conséquent, d’éviter
éventuellement le dom-
mage subi.
La perted’une chance
peutreindemnie
Pour que la perte d’une
chancesoit considérée
comme un préjudice, il
faut qu’elle ait un carac-
tère presque certain.
C’estlecas, selon les
juges, chaque fois qu’estconstatée la dispari-
tiond’uneéventualitéfavorable.Parexemple,
dansl’aaire où le dentiste avait omis de pré-
voir un système de contention après le retrait
de bagues (cass. civ. 1re du 22.3.12, précité), les
juges ont admis que la récidive de la patholo-
gie dont sourait la patiente aurait pu se pro-
5. Le patientn’est indemni
qu’encas de préjudicecertain
duiremêmes’ilyavaiteucontention.Maisque
cettecontention aurait néanmoins pu avoir
une inuence favorable surl’évolution de la
pathologie,dont la patiente avait été prie.
Laperte de cettechanceconstituait donc bien
un préjudiceindemnisable.
Le fait, pour un patient, de ne pas avoir été
informé du risque de
sensibilité au froid des
dents qui devaient être
taillées pour la pose d’un
bridge aaussi été consi-
déré comme une perte de
chance, dans la mesure
où il aurait pu renoncer à
ce traitement purement
esthétique et non indis-
pensable,s’il en avait été
informé.Les juges pré-
cisent que l’indemnisa-
tiondelaperte de chance
ne doit pas se limiter àla
réparation du seul préju-
dicemoral(cass.civ. 1re du
14.6.05, 04-10909).
En revanche,ilaété jugé,
dans une autre affaire,
queledéfautd’informa-
tion d’un risque avant
une intervention ne constituait pas une perte
dechance,danslamesurelapatiente,même
si elle en avait été informée,n’avait pas d’autre
alternative àl’interventionpratiquée,quiétait
indispensable pour stopper l’infection (CA
d’Aix-en-Provence du 11.4.01, n° 98/11708).
D  
du18.9.12,11/00908).Par conséquent,si un
patientn’arrivepasàprouverlafauted’unden-
tiste,ilpeut toujours agir contre lui s’il ne lui a
pas donné les informations nécessaires et que
cela lui acausé un préjudice.
L’information porteaussi
surles risques exceptionnels
Même si un risque estexceptionnel, le den-
tiste doit en informer le patient s’il en a
connaissance. Un dentiste qui avait prescrit
àunenfant de 8ans le port intermittent d’un
appareil de traction extra-oral, composé de
deuxarcsmétalliques reliés pardesélastiques
aainsi été reconnu responsable.L’enfant
avait eu l’œil perforé en enlevant l’appareil.
Ce risque exceptionnel, selon l’expert et le
dentistetait toutefois connu de ce dernier.
Des accidents similaires avaient d’ailleurs eu
lieu en Allemagne et autats-Unis. En ne le
signalant pas auxparents, il avait manqué à
son obligation d’information, les empêchant
depouvoir renonceràcetraitement(cass.civ.
1re du 22.11.94, n° 92-16423).
«Mon dentiste m’a
déconseillé l’extraction de
dents de sagesse.Pourtant,
en poussant, elles ont fait
bouger toute ma mâchoire.
Puis-je le lui reprocher
OUI
Pour plus
d’informations :
Pour savoir où
se procurer les
textes juridiques
et la jurisprudence,
consulter
leparticulier.fr,
rubrique
Viepratique,
ongletFormalités
et marches
puisJustice.
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