L`apport de la gouvernance à l`explication des crises bancaires

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L’apport de la gouvernance à l’explication des crises
bancaires : Une analyse en données de panel
Ezzeddine ABAOUB1, Houssem RACHDI 2 & Moez ELGAIED 3
Conférencier : Moez ELGAIED : tel 22612120
Thème : les crises financières
Février 2008
Résumé
La plupart des pays émergents ont entamé des processus de libéralisation financière dans leur programme
d’ajustement structurel, dicté par le fonds monétaire international et la banque mondiale. Toutefois, la multiplication
des crises financières et bancaires a remis en cause les objectifs de cette libéralisation financière (Giannetti 2007,
Ranciere & al 2006, Daniel & Jones 2006, Cunado & al 2006, Aka 2006, Barell & al 2006). En effet, des contributions
théoriques et empiriques de certains économistes ont montré qu’une libéralisation financière exercée dans un
environnement institutionnel peu développé a accentué la prolifération des crises bancaires, ce qui laisse présager que
la défaillance au niveau de la gouvernance bancaire joue un rôle significatif dans l’éclatement des crises (Menkhoff &
Suwanaporn 2007, Currie 2006). Notre étude empirique a été réalisée sur un échantillon de dix pays émergents et
pour une période allant de 1980 à 2003. Nos résultats montrent une relation positive entre la libéralisation financière
et la probabilité de l’émergence des crises bancaires et un lien négatif et significatif entre la gouvernance bancaire
(réglementation prudentielle) et la probabilité de naissance des crises bancaires. Ce qui laisse à penser que le
renforcement de la gouvernance bancaire durant les épisodes de la libéralisation financière constitue une condition
sine qua non pour avoir un système bancaire efficient.
Mots clés : Libéralisation financière, crises bancaires, gouvernance bancaire et logit sur données de panel
JEL Classification : G 21 ; G 28 ; F 36 ; E 44
Abstract
Most of the emerging countries have started a process of financial liberalization as part of their structural
adjustment programmes, imposed by the International Monetary Fund and the World Bank. Nevertheless, the
growing number of financial and bank crises has put into doubt the objectives of this liberalization policy (Giannetti
2007, Rancier & al 2006, Daniel & Jones 2006, Cunado & al 2006, Aka 2006, Barell & al 2006). Indeed, theoretical
and empirical contributions of some economists have shown that a financial liberalization policy undertaken in a less
developed institutional environment accentuates the proliferation of bank crises, which leads to the conclusion that
failure at the level of bank governance plays a significant role in the emergence of crises (Menkhoff & Suwanaporn
2007, Currie 2006). Our empirical study took a number of ten (10) emerging countries as a sample to study the
relation between governance and bank crises during the period 1980 - 2003. Our results have shown a positive
association (correlation) between financial liberalization and the probability of the emergence of bank crises, however
we found a negative and significant association (correlation) between governance (prudential supervision) and the
probability of emergence of bank crises, which leads us to think that reinforcing bank governance during the
financial liberalization phases constitutes a condition on having an efficient bank system.
Key Words: financial liberalization, bank crises, bank governance and panel data analysis
JEL Classification : G 21 ; G 28 ; F 36 ; E 44
Professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis ([email protected])
Enseignant à l’école supérieure de commerce électronique de la Manouba (houssem.rachdi @escem.rnu.tn) tel 98650660
Adresse : 6 rue ibn said andaloussi app5 et 3 cité mahrajene mutuelle ville
3 Enseignant à la faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis ([email protected])
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1
I. Introduction
La nouvelle théorie de l’intermédiation financière a permis d’expliquer les raisons d’être
d’une banque par référence aux trois critères suivants : économiseur de coûts de transactions,
délégateur de surveillance et producteur et assureur de liquidité. Pour Anderson & Campbell
(2004), la banque constitue un domaine particulièrement privilégié, compte tenu de son rôle
central dans le fonctionnement des économies (octroi des crédits, mobilisation de l’épargne,
financement des investissements…). Elle est un transformateur de dépôts (Inputs) en crédits
(Outputs) sur la base d’une modification d’échéance. Son activité traditionnelle consiste à
collecter les dépôts quelque soit leur forme et leur maturité et accorder des crédits sous
différentes formes à sa clientèle. Par ailleurs, afin d’affiner et renforcer son rôle benefique dans
l’économie (Angkinand 2007), le système bancaire s’émet d’accord de procéder à une
libéralisation financière. Cette libéralisation financière, qui se manifeste par un libre
épanouissement de la sphère financière qui permet le développement de la sphère réelle par une
allocation optimale du capital, a pour objectif d’améliorer le degré d’efficience et la rentabilité du
système bancaire. Toutefois, la réalité est loin d’être là. En effet, La multiplication des crises
bancaires et la montée de l’instabilité financière ont remis en cause les objectifs de la libéralisation
financière. Une libéralisation financière qui est, sans doute l’un des faits marquants de l’économie
mondiale, a fortement contribué à des disfonctionnements bancaires très importants (Giannetti
2007, Ranciere & al 2006, Daniel & Jones 2006, Cunado & al 2006, Aka 2006, Barell & al 2006).
Ceci met en évidence l’existence d’un clivage théorique et empirique entre deux courants
idéologiques, le courant de la libéralisation financière qui défend son bien fondé en matière de
croissance économique et le courant des crises bancaires qui stipule que la libéralisation financière
a accentué l’exposition des banques face aux risques et a bouleversé les structures fortement
supervisées par l’Etat. Ainsi la banque est devenue le maillon faible des systèmes financiers (Barth
& al 2004).
Delà naît un intérêt certain pour l’instauration des mécanismes de gouvernance bancaire
pour remédier à ce problème de crise bancaire. Cette gouvernance bancaire, vue sous l’angle de la
réglementation prudentielle, a fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Menkhoff &
Suwanaporn (2007), Currie (2006), montrent qu’une libéralisation financière exercée dans un
environnement institutionnel peu développé accentue la prolifération des crises bancaires, ce qui
laisse à penser que la défaillance au niveau de la gouvernance bancaire peut être une source qui
peut aggraver les crises bancaires. Cette idée a été testée par d’autres études qui sont allées plus
loin et montrent que la gouvernance bancaire peut avoir un rôle significatif dans le
déclenchement des crises bancaires. Dans cet ordre des idées, Mehram (2004) montre qu’une
bonne gouvernance bancaire induit une santé et une croissance durable de l’économie. De même,
Caprio & al (2004) arrive à la conclusion qu’une bonne gouvernance est le garant d’une allocation
efficiente de l’épargne. D’autres chercheurs concluent, par contre, que la gouvernance bancaire ne
contribue pas à éviter, voire éloigner les cirses bancaires. En effet, Icard (2002) et Cartapanis
(2003) montrent que la gouvernance bancaire ne permet pas d’améliorer la sécurité du système
financier. Cartapanis (2003) constate, de sa part, que la gouvernance bancaire ne peut pas
contenir le risque systémique ; qui est le risque le plus grave pour les banques. Ces auteurs
expliquent ce résultat par le fait que les crises se propagent à une vitesse spectaculaire d’une
économie à une autre via les échanges financiers et commerciaux entre pays.
2
Enfin, il est fort utile de souligner que les résultats des différents travaux abordant la
question de l’effet de la gouvernance bancaire sur la sécurité du système bancaire sont, le plus
souvent, mitigés. Il en résulte l’absence d’un consensus. Ainsi, notre objectif dans ce travail de
recherche est de statuer sur la contribution de la gouvernance bancaire à réduire les crises
bancaires. Pour ce faire, la deuxième section du présent article traitera des considérations
théoriques de la libéralisation financière, de la gouvernance et des crises bancaires. L’interface
crises et gouvernance bancaires et la méthodologie économétrique choisie seront exposés dans la
troisième section. Nos conclusions feront l’objet de la quatrième section.
II. Libéralisation financière, crises et gouvernance bancaires : une synthèse
de la littérature
Un examen de la littérature financière portant sur les crises bancaires nous enseigne que
deux courants de recherche ont essayé de déterminer les principales causes de ces crises. En
effet, le premier courant stipule que les crises bancaires reposent sur des fondements macroéconomiques et que les pré conditions inappropriées au processus de libéralisation financière
constituent la principale cause des crises bancaires. En revanche, le deuxième courant soutient
l’idée que les crises bancaires reposent plutôt sur des fondements micro-économiques. Ce dernier
courant, suppose que la transformation de l’environnement bancaire dans cette nouvelle ère de
globalisation constitue la deuxième cause des crises bancaires. D’où la nécessité d’améliorer
l’environnement institutionnel, afin de garantir la solidité bancaire, constitue une tâche
indispensable à accomplir. Cette amélioration peut se manifester par l’instauration d’un système
efficace de gouvernance bancaire.
II.1 Libéralisation financière et crises bancaires : la remise en cause
La fin du dernier siècle a été marquée par le développement d’une vaste littérature
théorique et empirique qui traite la causalité entre la libéralisation financière et la croissance
économique. La lecture de ces écrits débouche sur la conclusion que la libéralisation
financière est le moyen le plus efficace destiné à améliorer l’efficience économique des pays
en voie de développement car ils souffrent de l’absence d’une intermédiation bancaire liée
essentiellement à la fixation administrative des taux d’intérêts, et la remise en cause du
modèle de l’Etat providence. Honothan (1997) affirme que l’intervention des autorités publiques
au niveau du système bancaire est un signe de détresse financière des banques qui se caractérise
par une détérioration de la qualité de leurs actifs. De plus, l’intervention de l’Etat est un
indicateur de fragilité si le secteur bancaire est ouvert et soumis à la concurrence étrangère.
Devant ce constat, Alfaro & Hammel (2007), Kim & Kenny (2006), Hao (2006), Menzie
& Hiro (2005), Bekaert & al (2005), parmi d’autres, suggèrent que les pays en voie de
développement doivent libéraliser le système financier pour assurer son bon fonctionnement et
amorcer la croissance économique. Selon ces auteurs, la libéralisation financière défend l’idée
selon laquelle un libre épanouissement de la sphère financière permettrait le développement de la
sphère réelle par une allocation optimale du capital et génère une croissance économique rapide
pour les pays en voie de développement. Dans le même ordre d’idées, Bhaduri (2005), à partir
d’une étude faite sur l’Inde, en arrive à conclure que la libéralisation financière en réduisant le rôle
de l’Etat dans l’économie, a bouleversé le schéma des investissements. Si le marché assure la
détermination des taux d’intérêt, la libéralisation financière réduit les imperfections du marché et
améliore l’allocation des ressources.
3
Il s’en suit que la libéralisation financière a été instaurée afin de permettre l’éclosion du
développement financier et de la croissance. Toutefois, le résultat escompté n’été atteint. Bien au
contraire, cette libéralisation financière a engendré des crises bancaires très graves. En effet, la
libéralisation financière est un facteur de fragilisation interne et externe des économies.
Récemment, Giannetti (2007) préconise que « Financial liberalizations in emerging markets are often
followed by reckless lending and severe banking crises ».
Dans la même logique, Aka (2006) stipule que « In the past five years, several financial crises have
rattled most of the emerging market economies in Asia, Europe, and south Amercia. These crises were deeply
related to the process of financial liberalization and financial globalization. ». Une première lecture de cette
affirmation fait ressortir que la contribution de la libéralisation financière en matière de
développement financier et de croissance économique a été fortement remise en cause. Cette
thèse est d’ailleurs corroborée par Daniel & Jones (2006) qui, ont constaté que la plupart des
crises bancaires qui ont touché les économies émergentes ont été procédés par des mouvements
de libéralisation financière. Dans ce contexte, Ranciere & al (2006) ont montré que la
libéralisation financière peut induire à un niveau de risque supérieur, accroître la volatilité des
indicateurs macroéconomiques et augmenter la probabilité de déclenchement des crises
bancaires. D’autres études, en particuliers celles menées par Barell & al (2006) et Tornell & al
(2004) ont validé ce constat.
L’existence d’une relation entre les crises bancaires et financières et les politiques de
libéralisation financière, souvent radicales, a été validée également par de nombreux chercheurs
économistes. Kaminsky & Reinhart (1999) ont réalisé une étude sur un panel de 20 pays tel que
l’Amérique Latine, certains pays d’Europe et d’Asie sur la période 1970-1995. Ils ont conclut que
le nombre des crises bancaires a fortement augmenté et que ces crises sont procédées par des
politiques de libéralisation financière. Toujours dans le cadre d’analyse de la sensibilité
libéralisation financière et crises bancaires, Barth & al (1999) ont examiné le lien entre la
régulation financière, la fragilité financière et la performance économique. Ils ont affirmé que les
pays avec les systèmes les plus régulateurs et les plus restrictifs sont plus susceptibles d’éradiquer
les crises bancaires. Une idée déjà formulée et développée, bien avant, par Rossi (1999). Par
ailleurs, Fisher & al (1997) sur la base d’une étude en données individuelles effectuée sur la
Malaisie, la Thaïlande et Taiwan, ont constaté que les banques sont exposées à des risques très
élevés durant le processus de libéralisation financière. Cette dernière augmenterait l’exposition
des économies émergentes aux perturbations extérieures, ce qui fragilise les banques locales. Sur
cette question, Demirguc-Kunt & Detragiache (1998 et 1999) et Noy (2004) affirment que la
libéralisation du secteur financier local accroît la probabilité que le système bancaire devient de
plus en plus fragile du à une suppression du plafonnement des taux d’intérêt, du contrôle des
crédits et la réduction des barrières à l’entrée des banques étrangères. Par ailleurs, la libéralisation
du secteur financier domestique conjuguée avec la libéralisation des marchés financiers et le
compte capital constituent des signes très puissants pour la naissance d’une crise bancaire dans les
pays émergents.
Etant donné les propositions antagonistes ainsi que les résultats mixtes4 des recherches
empiriques portant sur la relation entre les crises bancaires et la libéralisation financière, nous
choisissons dans cette étude de tester l’hypothèse de recherche suivante :
Hypothèse 1 : Il existe une relation positive entre la libéralisation financière et
les crises bancaires.
Nous ne connaissons pas a priori, le sens de la relation entre crises bancaire et libéralisation financière. Il peut s’agir d’une
relation positive ou négative.
4
4
II.2. L’apport de la gouvernance bancaire à atténuer les crises bancaires
Le « Corporate Governance » est un puissant courant d’opinion qui s’est développé aux
Etats-Unis et en Angleterre, puis s’est propagé en France en réaction d’une série de scandales
financiers et de faillites spectaculaires qui ont émaillé la vie des affaires de quelques grandes
firmes .Ce terme a été l’objet aujourd’hui d’une forte attention de la part des juristes et des
économistes, mais également des politologues, des sociologues et des spécialistes des sciences de
gestion (Charreaux 2004). La notion de gouvernance d’entreprise a concerné en premier lieu les
entreprises, puis elle s’est propagée aux banques, étant donné que la banque est une firme
industrielle et vu son implication croissante dans la sphère réelle. De plus, la banque occupe une
place centrale et où le développement économique d’un pays lui tributaire. Ainsi, il est devenu
impérieux de mettre en place une gouvernance propre à la banque.
Au cours de la deuxième moitié du 19 éme siècle, les crises économiques prenaient
fréquemment une dimension financière et bancaire. Les faillites du Crédit Mobilier des «Frères
Pereire » en 1867 ou celle de l’Union Générale en 1882 sont toujours citées en exemple. Les
pouvoirs publics ont alors constaté le rôle amplificateur joué par les crises bancaires sur la
conjoncture économique générale. Ainsi, comme réaction pour éviter et réduire ces crises
bancaires, les pouvoirs publics ont instauré des mécanismes de gouvernance bancaire.
Selon Stuart & Gillan (2006), la gouvernance des firmes bancaires admet deux dimensions,
interne et externe. La dimension externe se manifeste par la réglementation prudentielle, alors que
la dimension interne est le mode d’administration de la banque. Malgré l’importance de la
dimension interne, nous nous se focalisons, dans ce travail de recherche, sur la dimension externe
de la gouvernance bancaire et ce dont le but d’appréhender sa contribution à assurer la stabilité
du système bancaire.
La gouvernance bancaire, vue sous l’angle de la réglementation prudentielle, a fait l’objet de
nombreux travaux de recherche. Menkhoff & Suwanaporn (2007), énoncent qu’une libéralisation
financière exercée dans un environnement institutionnel peu développé accentue la prolifération
des crises bancaires, ce qui laisse à penser que l’inefficacité des mécanismes de gouvernance
bancaire peut être une source qui peut aggraver les crises bancaires. Sur cette question, Minsky
(1996) montre que le faible environnement institutionnel est au centre de la dynamique d’une
crise. En d’autres termes, la vacance de gouvernance bancaire alimente le mécanisme de fragilité
bancaire (Pathan & al 2006) sous l’effet de la libéralisation financière, qui amplifie l’euphorie de
l’incitation aux risques. Dans le même cadre d’analyse de la relation gouvernance bancaire et crise,
sur une etude sur un panel de 35 pays, Angkinand (2007), a montré qu’une supervision bancaire
adéquate permet d’atténuer les crises bancaires. Horicuchi (2000) affirme que le
dysfonctionnement de la gouvernance bancaire est à l’origine des crises profondes qui ont frappé
les pays asiatiques. Récemment, Mehram (2004) montre qu’une bonne gouvernance bancaire
induit une santé et une croissance durable de l’économie. De même, Caprio & al (2004) arrive à la
conclusion qu’une bonne gouvernance est le garant d’une allocation efficiente de l’épargne.
A coté de ces études montrant le rôle primordial qui peut jouer la gouvernance bancaire
dans l’atténuation des crises bancaires, d’autres travaux ont remis en cause l’efficacité de la
gouvernance bancaire. Ils concluent que la réglementation prudentielle ne contribue pas à réduire
et éviter les crises bancaires. En effet, Icard (2002), puis Cartapanis (2003) et récemment
montrent que la gouvernance bancaire, vue sous l’angle de la réglementation prudentielle, ne
permet pas d’améliorer la sécurité du système financier. Ils constatent que la gouvernance
bancaire ne peut pas contenir le risque systémique ; qui est le risque le plus grave qui peut frapper
5
les banques. Ces auteurs expliquent ce résultat par le fait que les crises se propagent à une vitesse
spectaculaire d’une économie à une autre via les échanges financiers et commerciaux entre pays.
Enfin, il est jugé pertinent et utile de signaler que les résultats empiriques des différents
travaux abordant la question de l’effet de la gouvernance bancaire sur la sécurité du système
bancaire sont, le plus souvent, mitigés. Il en résulte l’absence d’un consensus. Ainsi, vu que
dans la littérature, il y a une forte ambiguïté quant à l’efficacité de la gouvernance bancaire
pour remédier le problème de crise bancaire, nous allons essayer à travers les régressions de
confirmer l’hypothèse suivante :
Hypothèse 2 : La gouvernance bancaire, vue sous l’angle de la
réglementation prudentielle, permet de remédier le problème de crise
bancaire.
III.
Interface
libéralisation
financière,
crise
bancaires : une analyse en données de panel
et
gouvernance
La nouvelle finance libéralisée a provoqué des transformations profondes dans l’industrie
bancaire. En effet, la libéralisation financière a causé une fragilisation bancaire qui s’est traduite
par une fréquence élevée des crises bancaires (Plihon 2000). Néanmoins, un examen de la
littérature financière laisse à penser que la libéralisation financière ne constitue pas la cause
commune des crises bancaires observées ces deux dernières décennies. Une autre justification
théorique et empirique des crises bancaires est la défaillance de la gouvernance bancaire.
D’une manière générale, la plupart des pays émergents ont adopté un processus de
libéralisation financière de manière très hâtive. Le passage d’une économie réprimée à une
économie libéralisée nécessite une étape transitoire, à savoir la mise en place d’un processus de
contrôle prudentiel très efficace. Cette étape a été délaissée dans les économies émergentes, en
plus, la libéralisation financière entraîne une ouverture des systèmes bancaires nationaux, cette
situation débouche sur une concurrence acharnée entre les banques, qui conduisent à une prise
de risque pour accroître les gains et les profits (Hellman & al 1996). Selon Diamond & Dybvig
(1983), la banque est sujette à plusieurs types de risques. A cet égard, la littérature retient quatre
types de risques à savoir : risque d’illiquidité, de taux d’intérêt, de contrepartie et de marché. Pour
se couvrir contre ces risques, les autorités doivent renforcer la gestion interne des risques au
niveau microéconomique (réglementation prudentielle), un renforcement qui sera susceptible de
réduire la probabilité d’avoir une crise systémique.
Ainsi, notre objectif dans ce travail de recherche, rappelons-le, consiste à tester l’efficacité
de la gouvernance bancaire à atténuer les crises bancaires. Pour tester cet objectif, nous nous
progressons en trois étapes. Dans une première étape, nous nous présentons le modèle à tester.
Chemin faisant, la définition et la mesure des variables constituent un passage indispensable. La
dernière étape sera réservée aux résultats obtenus ainsi que leurs interprétations économétriques
et économiques.
III.1. Présentation de l’échantillon et du modèle à estimer
Il s’agit de valider par le biais de la méthode logit sur données de panel le lien entre
libéralisation financière, crise et gouvernance bancaires. L’échantillon choisi est un panel de pays
suivants : Argentine, Brésil, Mexique, Corée du sud, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Tunisie,
Maroc et Afrique du Sud. Notre étude s’étale sur une période allant de 1980 à 2003.
6
Le modèle dichotomique probit admet pour variable expliquée, non pas un codage
quantitatif associé à la réalisation d’un événement (comme dans le cas de la spécification linéaire),
mais la probabilité d’apparition de cet événement, conditionnellement aux variables exogènes.
Ainsi, on considère le modèle suivant :
(1)
Pi = Prob (yi = 1| xi) = F (xi•)
Où la fonction F (.) désigne une fonction de répartition. Le choix de la fonction de
répartition F (.) est a priori non contraint. Toutefois, on utilise généralement deux types de
fonction : la fonction de répartition de la loi logistique et la fonction de répartition de la loi
normale centrée réduite. A chacune de ces fonctions correspond un nom attribué au modèle ainsi
obtenu: modèle logit et modèle probit (Hurlin 2003). De plus, ces modèles sont les plus
communément utilisés dans la compréhension des crises bancaires. Les principaux auteurs qui
ont fait appel à cette technique sont Demirguc-Kunt & Detragiache (1998-1999), Fontenla
(2003), Hagen & Ho (2003). Le modèle que nous allons utiliser, au cours de notre étude, est le
suivant :
y = â X + a °
it
Avec
IT
(2)
it
i = {1, …, N} ; t = {1, …, T}.
(3)
y = 1 s’il y une crise
it
= 0 sinon
Y est le vecteur des variables dummies des crises bancaires, â le vecteur de N coefficients
inconnus à estimer, X la matrice des variables explicatives et • la matrice des résidus. Etant donné
que y est le vecteur des variables dummies qui prennent la valeur 1 s’il y a une crise bancaire et
it
0 sinon, on peut écrire : P (y = 1 / X , X ,....., X
it
it
i2
In
) = F(âX ) ;
it
où F est la fonction de
répartition de •i t.
En recourant à l’hypothèse de distribution logistique, on retrouve le modèle logit :
F(âX ) = 1 / 1 + exp(− β X
it
it
)
(4)
La vraisemblance associée à ce modèle s’écrit :
L=
L=
N
T
i =1
t =1
N
T
i =1
t =1
∏ ∏
∏ ∏
P (Y i = 1 / X i1, X i2... X iN)
(5)
F (• X it) Yit . [1- F (• X it)] 1- Yi
(6)
Le logarithme de cette vraisemblance s’écrit :
Ln L = ∑ ∑ { Yi . Ln [F (• X it)] + (1- Y it ) . Ln [1- F (• X it)] }
N
T
i =1
t =1
C’est la fonction du modèle logit multi variable.
7
(7)
III.2. Définitions et mesures des variables
Selon Kaminsky & Schmukler (2003), la variable libéralisation financière admet 3
dimensions (Libéralisation domestique réelle, Libéralisation des marchés financiers et
libéralisation du compte capital). Dans le cadre de notre étude, nous allons retenir trois
dimensions uniquement, à savoir, la libéralisation du secteur financier domestique, la libéralisation
des marchés financiers et la libéralisation du compte capital. Pour chaque dimension, trois
régimes sont identifiés : intégralement libéralisé5, partiellement libéralisé 6 et réprimé. Le degré de
la libéralisation financière mesuré par l’indice composite du secteur financier domestique, des
marchés financiers et du compte capital varie entre 1 et 3 : l’indice prend la valeur de l’unité en
cas de répression financière, deux en cas de libéralisation partielle et trois en cas de libéralisation
totale.
Pour la variable crise bancaire nous retenons à ce fait, la définition de Caprio & Klingebiel
(1996) où une crise bancaire correspond à l’épuisement du capital du tout le système bancaire.
Les indices de crises bancaires systémiques varient entre 0 et 1 : ils prennent la valeur de l’unité
s’il y a une crise et zéro sinon.
Pour la variable gouvernance bancaire, elle prend les valeurs suivantes : zéro en période de
répression financière, l’unité en période de libéralisation financière et deux si la libéralisation
financière a été suivie par un effort de renforcement des normes de supervision prudentielle.
Pour les variables de contrôle, nous allons retenir selon la littérature empirique des crises
bancaires quatre variables de nature internes et externes : la croissance économique réelle par tête,
le ratio M 2/Réserves internationales, le rapport déficit budgétaire/PIB et le rapport dette
publique de court terme /Dette externe :
Le niveau de l’activité économique : Le déclin de l’activité économique peut provoquer une
crise de liquidité via la baisse de la quantité de monnaie en circulation. En effet, Un faible taux de
croissance économique entraîne un déclin sectoriel. A titre d’exemple si le secteur touristique se
trouve en difficulté et n’arrive pas à honorer ses engagements bancaires, ceci fragilise les banques
en augmentant le volume des créances improductives ce qui affecte négativement le résultat de la
banque. L’accroissement des prêts non performants est positivement corrélé avec la probabilité
d’une crise bancaire. Toujours dans le même ordre des idées, si les taux d’intérêt domestiques
croissent, la valeur des actions et des obligations des banques diminue. La chute de la richesse
détenue par de nombreux emprunteurs provoque à son tour une chute des crédits.
Le ratio M2 / Réserves internationales : Si l’économie enregistre un taux de croissance
élevé de la masse monétaire au sens de M2, cela peut être considéré comme l’un des signes
annonciateurs d’une crise bancaire. Lorsqu’on rapporte M 2 aux réserves de change7, plus ce
ratio est élevé plus l’économie est vulnérable à une crise de confiance des investisseurs.
Selon Cartapanis (2002), la crise bancaire devient alors une crise de change qui se manifeste
par un reflux des capitaux étrangers et une baisse des réserves de change pour les banques.
Nous assistons alors à un passage d’une crise de liquidité à une crise de solvabilité bancaire.
En outre, il est faut utile de signaler que le ratio M2/ Réserves internationales forme un bon
indicateur qui permet de mesurer également la capacité d’une banque centrale à confronter une
baisse des réserves en devises suite à une panique bancaire. De plus, le ratio M 2/ Réserves
5
Un régime est qualifié comme intégralement libéralisé si les 3 secteurs sont parfaitement libéralisés.
Un régime est qualifié comme partiellement libéralisé si au moins un des 3 secteurs est partiellement libéralisé
7
M2 / Réserves de change : est un indicateur de la capacité du système bancaire à faire face à ses engagements
intérieurs dans le cadre d’une crise de change voire en présence d’une panique bancaire.
6
8
internationales dispose d’un contenu informatif primordial. En effet, il permet d’avoir une idée
sur la capacité de l’économie à résister aux pressions spéculatives.
La volatilité des termes de l’échange : La volatilité des prix des biens rend la prévision des
recettes des exportations très complexe et expose le pays à des risques très élevés de déficits
commerciaux et courants ; pouvant être considéré comme l’une des causes de déclenchement
d’une crise de paiement. Dans quelques pays où l’exportation se base sur un seul secteur, une
baisse des prix à l’exportation, du pétrole par exemple, creuse le déficit de la balance commerciale
ce qui remet en cause la capacité d’un pays à dégager un surplus de devises pour payer sa dette
extérieure. Dans ce cas, ce risque se propage aux banques par la détérioration du passif de ces
dernières si les firmes exportatrices se trouvent dans l’incapacité d’honorer leurs dettes (Naamane
2004).
Le ratio dette publique de court terme/dette externe : A la différence des pays
développés, les crises des pays émergents sont caractérisées par des banques où leur
portefeuille se compose d’une part importante des dettes du gouvernement destiné à financer
la dette externe du pays. Ces dettes levées sur les marchés internationaux ont une maturité
courte. Donc les banques locales deviennent très sensibles à la capacité de remboursement du
gouvernement.
III.3. Estimation et interprétation des résultats
III.3.1 La remise en cause de la libéralisation financière
III.3.1.1 Estimation et interprétation de la
régression des variables dummies
d’interaction entre la libéralisation financière sur la probabilité des crises bancaires
(Tableau 1)
La probabilité des crises bancaires est significativement et positivement liée à la variable
dummy de la libéralisation financière (+1,398). Ce résultat corrobore celui obtenu par Kaminsky
& Schmukler (2003) sur un panel de pays industrialisés et en voie de développement, qui stipule
que la libéralisation financière a un effet négatif à court terme et cet effet disparaît à long terme,
une fois que les réformes financières se familiarisent avec la nouvelle finance globalisée. Ainsi le
pays en question réalisera une croissance durable et son système financier deviendra stable.
D’autres études empiriques telle que Ranciere & al (2006), Eichengreen & Arteta (2000) et Arricia
& al (2005) ont montré que la libéralisation financière est la cause commune des crises bancaires
observées ces deux dernières décennies.
III.3.1.2 Estimation et interprétation de la
régression des variables dummies
d’interaction entre la libéralisation financière et deflateur de PIB sur la probabilité des
crises bancaires
Les préalables macroéconomiques sont le déficit budgétaire / PIB et le deflateur de PIB. En
effet, les économies émergentes sont caractérisées par un déficit budgétaire assez lourd qui
dépasse les normes internationales. De ce fait, les banques publiques sont tenues de combler ce
déficit ce qui leur expose à un risque de dégradation de leurs bilan.
Une inflation élevée rend la détermination du risque associé à un crédit bancaire très
difficile. De même, un niveau élevé d’inflation est un signe annonciateur d’une crise bancaire
comme le montre le tableau suivant sur un panel de pays émergents :
9
(Tableau 2)
Dans cet article, nous allons traiter uniquement l’effet d’une libéralisation financière
entamée dans un contexte inflationniste sur la probabilité des crises bancaires. En effet, la
majorité des pays émergents ont adopté un processus de libéralisation financière dans une
période caractérisée par un taux d’inflation trop élevé. De plus, l’inflation élevée exerce un effet
négatif sur la croissance économique objet recherché par la libéralisation
Les régressions des variables dummies d’interaction entre la libéralisation financière et
l’inflation sur la probabilité des crises bancaires aboutissent aux conclusions suivantes :
(Tableau 3)
La variable interactive de la libéralisation financière et l’inflation est positivement corrélée
aux crises bancaires (+0,066). En effet, une inflation galopante (taux d’inflation qui dépasse 10
%) tend à accroître la probabilité des crises bancaires après qu’un pays s’engage dans des
réformes financières.
Ce résultat est très attendu dans la mesure où une inflation élevée biaise les anticipations des
agents économiques. L’inflation élevée favorise une mauvaise allocation des ressources dans une
économie et provoque une redistribution des revenus au profit des emprunteurs et au détriment
des créanciers. Ceci défavorise le développement et la croissance économique ; l’objectif final de
l’école de répression financière et les travaux qui traitent de la question des bienfaits de la
libéralisation financière.
L’interconnexion entre les sphères réelle et financière engendre une dégradation de la
rentabilité du secteur réel suite à la hausse de l’inflation. Ceci se propage et perturbe le
fonctionnement du système bancaire. La plupart des pays émergents n’ont pas engagé des
réformes d’ordre macroéconomique en parallèle avec leur politique de libéralisation financière ce
qui a donné naissance à des crises bancaires très coûteuses en termes de pertes pour ces
économies (Ariccia & al 2005).
En guise de conclusion, et à l’égard des tests précédents, nous pouvons constater qu’une
libéralisation financière fondée dans un cadre macroéconomique instable pourrait générer des
crises bancaires.
III.3.2. Apport de la governance bancaire
III.3.2.1 Les objectifs de la réglementation prudentielle
La réglementation prudentielle est intervenue en vue d’une harmonisation des conditions de
la concurrence bancaire, le renforcement de la sécurité bancaire et la modernisation du
fonctionnement des banques. L’instauration et le renforcement de la concurrence bancaire s’avère
un objectif ultime pour la réglementation et ce pour pouvoir égaliser les conditions de « libre jeu »
entre les banques sur le marché. Un environnement concurrentiel permet au système bancaire de
se développer et de préserver sa stabilité et sa solidité. Par ailleurs, la réglementation prudentielle
a comme but crucial de se prémunir de toute crise qui peut remettre en cause la vulnérabilité du
système bancaire. De ce fait les régulateurs sont amenés à instaurer des normes visant le contrôle,
en permanence, de la stabilité du système bancaire, afin de préserver la confiance en ce système et
d’éviter les crises systémiques engendrées par les « ruées bancaires ». En fin, la vague des
10
innovations financières de ces dernières années a influencé le fonctionnement des banques :
nouveaux marchés, nouvelles opérations, nouvelles pratiques bancaires. La réglementation doit
donc à la fois s’adapter à ces évolutions, notamment en ce qui concerne l’évolution et la
comptabilisation des opérations (De Coussergues 1996).
1. Les normes de surveillance prudentielle internationales
Face à la montée des risques bancaires, les autorités internationales, tel que le comité de
Bâle, a mis en place des normes de supervision bancaire, où les banques sont tenues de les
respecter pour garantir leur liquidité et leur solvabilité au regard de leur clientèle. Parmi ces
normes, nous trouvons le ratio « Cooke » ainsi que le ratio « McDonough ».
1.1. L’accord de Bâle I : Le ratio Cooke
Le ratio Cooke adopté en 1988, définit le montant des fonds propres minimum que doit
posséder une banque en fonction du risque. Ce ratio impose deux contraintes :
Fonds propres + Quasi fonds propres
Total Engagements
>= 8%
Fonds propres
Total Engagements
>= 4%
1.2. L’accord de Bâle II : Le ratio Mc Donough
Le ratio McDonough succèdera au ratio Cooke suivant les accords de Bâle II. Selon Roy
(2002), ce nouveau ratio de solvabilité a permis au comité de Bâle de connaître d’une manière
tangible l’importance des risques opérationnels qui peuvent être couverts par le calcul des
exigences de fonds propres. La réforme de Bâle II consacre le passage d’une méthode purement
quantitative et forfaitaire à une méthode ajoutant le qualitatif au quantitatif et plus sensible à la
qualité intrinsèque des risques. En d’autres termes, la réforme vise à réconcilier le capital
réglementaire et le capital économique. A cet égard, Furline (2000) stipule que les banques
peuvent réagir de manière optimale aux incitations économiques émanant des nouvelles
réglementations. Le ratio McDonough repose sur trois piliers : l’exigence en fonds propres, le
processus de surveillance prudentielle et la discipline de marché.
Pilier I : (Exigence en fonds propres) : selon ce premier pilier, les établissements de crédit
devront disposer d’un montant de fonds propres au moins égal à un niveau calculé selon un
menu d’options. Salmon (2002) estime que la contribution de ce pilier consiste à étendre la
notion du risque à trois domaines : le risque de crédit, le risque de marché et le risque
opérationnel. Ce dernier, constituant un point innové, est définit par Barroin & Ben Salem (2002)
comme étant « le risque de pertes directes ou indirectes d’une inadéquation ou d’une défaillance attribuable à des
procédures, personnels, systèmes internes ou des événements extérieurs ». Pour le risque de crédit, il est
devenu la préoccupation essentielle du comité sur la supervision bancaire qui est soucieux
d’assurer la sécurité du système bancaire international.
Pilier II : (Processus de surveillance prudentielle) : ce pilier stipule que les autorités,
disposant de pouvoirs renforcés, peuvent augmenter les exigences de garantie. Le pilier II
autorise le régulateur à effectuer un examen individualisé des établissements bancaires : soit
11
moyennant un contrôle de procédures et des méthodes internes d’affectation des fonds propres,
soit par la fixation des exigences individuelles supérieures au minimal réglementaire.
Pilier III : (Discipline de marché) : les établissements bancaires sont tenus de publier des
informations complètes sur leurs risques, les méthodes de leur gestion, ainsi que l’adéquation de
leurs fonds propres. Selon Vaillant (2004), ce pilier renforce la discipline de marché en matière de
transparence.
L’accord de Bâle II consacre l’avènement d’un nouvel age des métiers de la banque, tant du point
de vue de l’industrie bancaire elle-même que de son contrôle. Formellement le ratio McDonough
est le suivant :
Fonds propres réglementaires
Risque de crédit + Risque de marché + Risque opérationnel
>=8%
III.3.2.2 Estimation et interprétation de la
régression des variables dummies
d’interaction entre la libéralisation financière et la gouvernance bancaire sur la
probabilité des crises bancaires
Les régressions des variables dummies d’interaction entre la libéralisation financière et la
gouvernance bancaire sur la probabilité des crises bancaires aboutissent aux résultats suivants :
(Tableau 4)
Une première lecture de ces résultats obtenus, nous montre que la régression de la variable
dummy de la libéralisation financière combinée à un renforcement de la réglementation
prudentielle sur la probabilité des crises bancaires a donné un coefficient négatif (-2,289) et
statistiquement significatif. Ceci laisse entendre qu’une supervision prudentielle adéquate tend à
baisser la probabilité des crises bancaires. Ce résultat corrobore celui démontré par Currie (2006).
En effet, un control interne et externe fiable est une condition sine qua non pour contourner la
prise excessive de risque par le banquier. L’excès de risque qui en résulte sous l’effet de
l’ouverture financière des frontières, fragilise considérablement la solidité bancaire.
Conformément à nos prédictions théoriques, les résultats font montrer que le ratio M2 /
réserves internationales est lié positivement à la probabilité d’une crise bancaire (+0,001).
Autrement dit, plus ce ratio est élevé plus le pays est vulnérable à une crise de confiance de la part
des investisseurs, s’il y a une baisse des réserves de change pour les banques (Cartapanis 2002).
Par ailleurs, les résultats font ressortir que la variable croissance économique est liée
négativement à la probabilité de l’émergence d’une crise bancaire (-0,011). Nos résultats
corroborent ceux de Kim & Kenny (2006) et Mah (2006) qui constatent qu’un taux de croissance
élevé est un bon signe pour l’économie toute entière. Cependant, ils contredisent ceux obtenus
par Borio & Lowe (2002) qui ont montré que la croissance économique pourrait être une origine
d’une crise bancaire.
Le ratio de la dette de court terme/dette externe est lié négativement à la probabilité des
crises bancaires (-0,055). Cette relation négative peut être justifiée par le fait que les banques sont
la vitrine de la capacité d’un pays à honorer ses engagements financiers levés sur les marchés
internationaux de capitaux (Leavasseur & Riffart 2003).
12
De manière générale, les résultats obtenus montrent clairement la contribution primordiale
de la gouvernance bancaire à faire réduire la probabilité des crises bancaires. En effet, les pays qui
disposent d’un système judiciaire et réglementaire efficace, sont supposés appliquer ainsi une
bonne et saine gouvernance. Cette dernière, constitue un socle pour éradiquer les crises bancaires.
IV. Conclusion
Cet article a pour objectif d’appréhender le rôle qui peut jouer l’environnement
institutionnel et plus précisément la gouvernance bancaire dans la naissance des crises bancaires.
A coté de la libéralisation financière hâtive, la littérature financière nous enseigne que la
défaillance au niveau de la gouvernance des établissements bancaires est une seconde justification
théorique et empirique des crises bancaires qui ont secoué les pays émergents.
Depuis les travaux du comité de Bale sur la supervision prudentielle, la gouvernance
bancaire, vue sous l’angle de la réglementation prudentielle, comme instrument de lutte contre les
crises des systèmes bancaires, a fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Les résultats de ces
travaux sont généralement mitigés et parfois même contradictoires. Une panoplie d’études
montre que la gouvernance bancaire contribue à réduire le risque de crises bancaires et par voie
de conséquence à améliorer la performance et la rentabilité des banques. Mehram (2004) montre
qu’une bonne gouvernance bancaire induit une santé et une croissance durable de l’économie.
Dans le même ordre des idées, Menkhoff & Suwanaporn (2007) et Noy (2004) constatent
qu’un processus de libéralisation financière suivi concomitamment par un renforcement de la
réglementation prudentielle permet de réduire la probabilité des crises bancaires.
Cependant, un examen de la littérature révèle aussi que la gouvernance peut ne pas jouer un
rôle actif en matière de crises bancaires. En effet, de nombreuses études constatent que la
réglementation prudentielle ne contribue pas à réduire et éviter les cirses bancaires. Ces études
remettent en cause l’utilité des travaux du comité de Bale sur la supervision prudentielle. Dans ce
cadre d’analyse, Icard (2002) et Cartapanis (2003) montrent que la gouvernance bancaire, vue
sous l’angle de la réglementation prudentielle, ne permet pas d’améliorer la sécurité du système
financier dans sa version macroéconomique car la gouvernance bancaire ne peut pas contenir le
risque systémique ; qui est le risque le plus grave pour les banques étant donné qu’il se propage
d’une banque à une autre (Allen & Carletti 2006). De tel phénomène a poussé la banque des
règlements internationaux, la banque mondiale et le fonds monétaire international de mettre en
place une politique de prévention macro prudentielle. Cette dernière, selon Borio (2002) améliore
le traitement dynamique des risques. De plus, elle permet de limiter le risque de détresse
financière qui produit des pertes significatives en termes d’output réel pour l’économie toute
entière.
Notre étude empirique effectuée sur un échantillon d’un ensemble de dix pays émergents,
sur la période allant de 1980 à 2003, a confirmé que le renforcement de la gouvernance bancaire
durant les épisodes de la libéralisation financière constitue une condition nécessaire et utile pour
avoir un système bancaire efficient. En effet, Les résultats obtenus montrent que la gouvernance
bancaire est corrélée négativement avec la probabilité d’émergence des crises bancaires. Ce qui
laisse entendre qu’une libéralisation financière bien contrôlée, enclenchée dans un environnement
propice et conjuguée avec une bonne gouvernance bancaire, est redevable d’une stabilité et une
pérennité des systèmes bancaires des pays émergents.
Concernant les limites inhérentes à notre étude, nous pouvons cité la faible taille de notre
échantillon ainsi que son homogénéité. En effet, il est impératif de retenir des pays homogènes en
13
terme d’environnement institutionnel. Notons, néanmoins, que ces limites sont le plus souvent
externes à notre volonté ; la disponibilité d’une base de données fiable demeure toujours une
contrainte primordiale.
Toutefois, en toute particularité, il est fort utile de souligner que la dimension externe de la
gouvernance bancaire (réglementation prudentielle) ne présente pas l’unique mécanisme utile à
l’explication des crises bancaires. Il semble, être accepter, que la dimension interne de la
gouvernance bancaire (conseil d’administration, structure de propriété, endettement…) peut
contribuer à amorcer l’analyse des crises bancaires. Ainsi, il serait intéressant de tester la
pertinence de la gouvernance bancaire, concomitamment au sens externe et interne, en matière
des crises bancaires. C’est dans cette direction, que nous espérons prolonger notre recherche.
14
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17
Annexes :
Tableau 1 : Libéralisation financière et crises bancaires logit (1980-2003)
Crises Bancaires
Coefficient
Ecart
Type
z
P> z
Croissance économique
-0,071
0,025
-2,80
0,005
-0,012
-0, 002
M2/ Réserves internationales
0, 004
0,002
0,16
0,070
-0,004
0,005
Dette de CT/ Dette externe
-0, 055
0,029
-1,90
0,057
-0,011
0,000
Déficit courant / PIB
0, 005
0,024
2,43
0,015
0,001
0,010
constante
-3,460
1,051
-3,29
0,001
-5,521
-1,400
1,398
0,360
3,87
0,000
0,690
2,105
Libéralisation Financière
Intervalle de
confiance à 95%
Nombre d’observation : 240
Log Likelihood : -125,30927
Pseudo R2 : 0,018
Wald chi 2 = 36,02
Probabilité > Chi 2 = 0
Tableau 2 : Deflateur de PIB un an avant et un an après la libéralisation financière
entamée par ces pays émergents
Deflateur de PIB
Pays
Un an Avant la
libéralisation
Un an Après la
libéralisation
Argentine
197,6
438,3
Brésil
19,1
22,6
Mexique
6,4
13,4
Corée du sud
23,8
19,6
Indonésie
13,2
9,4
Malaisie
-0,3
-0,4
Thaïlande
8,6
12,7
Tunisie
3,5
3,5
Maroc
7,3
15,2
Afrique du sud
15,4
21,9
Source : Intertnational financial statistics (CD- ROM 2005)
18
Tableau 3 : Instabilité macroéconomique et crises bancaires : logit (1980-2003)
Crises Bancaires
Coefficient
Ecart
Type
z
P> z
Croissance économique
-0,006
0,002
-2,59
0,010
-0,012
-0,001
M2/ Réserves internationales
0,001
0,002
0,46
0,046
-0,003
0,006
Dette de CT/ Dette externe
-0,005
0,003
-1,87
0,062
-0,001
0,000
Déficit courant / PIB
0,006
0,002
2,42
0,016
0,001
0,011
-4,351
1,148
-3,79
0,000
-6,602
-2,099
0,066
0,002
2,56
0,010
0,000
0,001
constante
a
Libéralisation Fin conjuguée
avec l’inflation
Intervalle de
confiance à 95%
Nombre d’observation =240
Log Likelihood =-121,27933
Pseudo R2 =0,003
Wald chi2 =38,76
Probabilité > Chi 2 = 0
Tableau 4: Libéralisation financière, crise et gouvernance bancaires : Logit (1980-2003)
Crises Bancaires
Coefficient
Ecart
Type
z
P> z
Croissance économique
-0,011
0,003
-3,47
0,001
-0,018
-0,005
M2/ Réserves internationales
0,001
0,756
0,42
0,073
0,004
0,007
Dette de CT/ Dette externe
-0,007
0,004
-1,57
0,017
-0,017
0,019
Déficit courant / PIB
0,004
0,031
1,46
0,045
-0,001
0,010
-4,236
1,294
-3,27
0,001
-6773
-1,700
-2,289
0,499
-4,58
,000
-3269
-1,309
Constante
Libéralisation Fin
conjuguée avec un effort
de renforcement de la
gouvernance bancaire
Nombre d’observation : 240
Log Likelihood : -93,907693
Pseudo R2 : 0,002
Wald chi2= 51,29
Probabilité > Chi 2 = 0,000
19
Intervalle de
confiance à 95%
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