
généralement pratiquées comme des exercices par l’élève formaient l’œil et exerçaient l’agilité et la 
légèreté de la main comme autant de gammes qu’il fallait répéter chaque jour. À contrario, l’esquisse 
était une  mise à l’épreuve de  la pensée et donc de l’imagination du  maître qui la pratiquait, non 
comme un exercice, mais comme le besoin d’exprimer, de consigner les idées qui lui traversaient 
l’esprit, comme le signe de ses pensées. Cette pratique a souvent été confondue avec d’autres formes 
graphiques  alors  qu’elle  est  spécifique.  Agnés  Callu
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 considèrent  par  exemple,  que  les  formes 
graphiques  de  l’esquisse  intègrent  autant  le  tracé,  le  brouillons,  le  plan,  le  dessin,  le  schéma.  À 
contrario,  son  état  nous  apparaît  bien  distinct,  singulier,  et  son  usage  souvent  indéterminé  car  sa 
fonction n’est pas advenir mais d’être. Ce moment du processus de création ne s’est pas démenti dans 
les pratiques artistiques contemporaines, il suffit de regarder les inscritions graphiques de Giuseppe 
Penone, Cy Tombly, Baselitz, Jean Nouvel et d’autres encore. 
L’esquisse est la projection graphique de la première pensée. Elle se trouve naturellement soumise aux 
contingences matérielles d’un support, d’un outil, d’un médium et enfin d’un geste dans lequel préside 
un rythme, une pression, un  mouvement
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, une  durée.  Ces  conditions matérielles sont souvent peu 
observées, alors qu’elles ont pourtant une incidence réelle sur la forme à regarder et la qualification de 
son état.  
Dans les siècles passés, la distinction entre les différentes formes de dessins semblait se faire aisément 
même si leurs  différences se rassemblaient tout autant sous la  seule bannière du  primat du dessin 
comme  étant  l’idée  et  sa  transcription  visible.  On  retrouve  cette  double  construction  dans  son 
étymologie latine – designarer :  de/sign – préposition/de et signum/signe – signifiant dé-signer. De 
même le mot allemand pour dessin, Zeichnung vient de Zeichnen (marquer, signer), et se rapporte au 
signe, lui aussi. Ainsi l’usage du terme disegno
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, c’est à dire : « una figura accentuata con linee, per 
rappresentare con signi cosa gia fatte o da tardi
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 » signifie  à la fois l’intention, l’idée, mais aussi la 
ligne, le signe et le geste, l’acte de faire. Faire signe ou désigner quelque chose ne précise pas pour 
autant la forme, la qualification de son état et le mécanisme cognitif que cela a convoqué.  
Ainsi le dessein serait l’équivalent français du disegno, un terme qui exprime la pensée et la forme. 
Pierre Richelet définit le dessein
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 ainsi : « C’est une expression apparente, ou une image visible des 
pensées de l’esprit et de ce qu’on s’est premièrement formé dans son imagination. ». Si l’esquisse est 
un dessein encore informe, nous dit Pierre Richelet ou « Un premier craïon, ou une légère ébauche 
d’un ouvrage qu’on médite ». Il qualifie explicitement l’esquisse ainsi « les desseins qui ne sont tracés 
que grossièrement avec la plume ou le craïon, sont appelés esquisse… ». 
Dans cette définition de la fin du XVII
ème
 siècle, on perçoit clairement que le dessein est donc bien le 
synonyme  de  disegno,  et  qu’en  Italie  tout  comme en  France,  la  forme brève  du  dessein  nommée 
esquisse à son equivalent en Italie avec le terme de schizzo. L’étymologie de l’esquisse ou « schizzo – 
lat. schedius (fait sur le champ) ; du grec (faire à la hâte) « σχέδιος» grec et non« σχίζειν » (schizein), 
signifie le fractionnement et la racine de schizophrène, « φρήν » (phrèn), désignant l’esprit, soit le 
fractionnement de l’esprit  qui n’est pas à confondre avec ce dernier. Le schizzo a une place singulière 
et il s’exécute à la hâte avec une main libre. Cette forme inachevée, brève est un jaillissement du geste 
et  simultanément  de  la  pensée.  Elle  se  dit encore  designare  alla  grossa  qui  indique  par  le  trait, 
l’intention de la grande œuvre et qui n’est pas à confondre avec cet état supérieur du dessin arrêsté 
que  décrit  Vasari.  L’esquisse  ou  le  schizzo  se  manifeste  systématiquement  par  une  pensée  brève, 
fugace  faisant  surgir  un  tracé  graphique  d’une  extrême  rapidité,  son  apparence  est  toujours  très 
singulière du fait de la rapidité de l’exécution et bien différentiable de tout autre forme de dessins. Par 
exemple, la trace de l’outil forme une unité sans retours, ni repentirs, ni corrections. Elle varie sans se 
soucier des usages et des règles pour faire surgir un tracé souvent informe où la rapidité du geste se 
plie aux contraintes matérielles et à l’urgence de son exécution. Rien de commun entre un rapide tracé 
de quelques secondes et un tracé abouti pratiqué avec maîtrise et expérience donnant à voir une image 
stabilisée souvent exécutée en plusieurs étapes.                                                         
                                                 
2
 
Agnès Callu, [En ligne], URL : http://equipe-histara-ephe.fr/agnes-callu ; http://calenda.org/297142 ; 
http://labexcap.fr/seminaire/anthropologie-comparee-de-lesquisse/.
  
3
David Rosand, la trace de l’artiste , conférence  donnée en 1984 au Kansas, publication française, Paris, Gallimard, 1983.p. 59. 
4
Jacqueline Lichtenstein, Du Disegno au dessin , dans du dessin au dessein, Bruxelles, essais la lettre volée,  2007, p : 17. 
5
Vocabulaire degli accademici della Crusca, Florence, Domenico Maria Manni, 1739, p. 128. 
6
 
Pierre Richelet, Dictionnaire de la langue Françoise ancienne et moderne, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680.